Genèses 2015/2 n° 99

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Article de revue

Quantifier une abstraction ?

L’histoire du « nombre fonctionnaires » en France

Pages 131 à 148

Notes

  • [1]
    Cet article a en partie fait l’objet de communications aux séminaires de l’Institut national d’études démographiques et du Centre de sociologie des organisations en octobre 2014. Je tiens à remercier leurs organisateurs et participants pour leurs précieuses remarques. Une annexe électronique avec une version animée de la figure 1 et une version couleur de l’ensemble des graphiques présentés ici est consultable à l’adresse suivante : http://compter.hypotheses.org/997
  • [2]
    Bulletin du Conseil supérieur de statistique, n° 9, compte-rendu de la session de 1903, documents préparatoires à la session de 1905, Paris, Imprimerie nationale, 1905, p. 20.
  • [3]
    Article 66 et état L annexé à la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l’exercice 1905, Journal officiel du 23 avril 1905.
  • [4]
    Ce comité proposa plus de 50 000 suppressions d’emplois publics à partir de 1922. Décret portant répartition des réductions d’effectifs à effectuer par application de l’article 77 de la loi de finances du 31 décembre 1921, Journal officiel, 6 mai 1922, reproduit dans Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements, et avis du Conseil d’État, nouvelle série, tome 22, année 1922, Paris, Librairie de la société du recueil Sirey, 1922, p. 183-184.
  • [5]
    Voir, par exemple, le décret du 4 avril 1934 réalisant la réforme administrative par la réduction du nombre des agents de l’État, Journal officiel, 5 avril 1934, reproduit dans Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements, et avis du Conseil d’État, nouvelle série, tome 34, année 1934, Paris, Librairie de la société du recueil Sirey, 1921, p. 119, qui disposait que « les effectifs des personnels civils et militaires de l’État [seraient] réduits de 10 % ».
  • [6]
    Répartition des effectifs civils et militaires par échelles de traitement en 1932 et 1937. Lettre n° 552 du secrétaire général du ministère des Finances au rapporteur général de la commission des comptes définitifs et des économies, 31 janvier 1939, CAEF, Fonds Budget – Peluriers des directeurs, 3MI186.
  • [7]
    Rapport général sur l’Insee (Statistiques, Fichiers et Mécanographie) par M. Chassaigne, Inspecteur des Finances, Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, février 1949, 68 p., CARAN, F60 944.
  • [8]
    Discussion de l’exposé de Marcel Brichler, « Le recensement général des agents des services publics effectué en 1947 » reprise dans le Journal de la société de statistique de Paris, vol. 90, 1949, p. 263.
  • [9]
    Rapport sur le fonctionnement de la direction de la Fonction publique. Bilan d’activités 1945-1951 et perspectives d’avenir, par Roger Grégoire, Paris, 30 juin 1951, CAC – 20040366-ART1.
  • [10]
    CAEF, Fonds Budget – Contrôle financier, B26469.

1De ruptures en réconciliations, il n’a jamais été acquis qu’histoire et statistique aient été faites l’une pour l’autre. Depuis la lune de miel qui suivit les études fondatrices d’Ernest Labrousse dans les années 1930-1940, leurs relations ont été pour le moins fluctuantes et un net reflux du recours aux sources et méthodes quantitatives a eu lieu au cours des années 1980-1990. Dans l’une des premières livraisons d’Histoire & Mesure, en 1989, Bernard Lepetit pouvait ainsi écrire que « le doute [s’était] répandu quant à la capacité du chiffre à rendre compte des comportements les plus fondamentaux » (Lepetit 1989 : 191).

2Le désamour dont « le quantitatif » faisait alors l’objet dans les pratiques historiennes reposait sur l’entrelacement de plusieurs causes : du rejet des dérives positivistes d’une histoire quantitative qui entendait résumer l’histoire à une équation (Marczewski 1965), jusqu’au retour « à grands coups de trompe » (Prochasson 2008 : 171) d’une histoire politique qui, dans la forme qu’elle prit autour de René Rémond, fut explicitement construite en opposition à l’histoire économique et sociale promue par les Annales. Ce désamour prit aussi plusieurs formes : du non-recours jusqu’au rejet des méthodes quantitatives – ces dernières faisant l’objet d’un timide mais solide retour en grâce depuis quelques années (Lemercier et Zalc 2008). Surtout, il se manifesta tout particulièrement dans une suspicion radicale et durable envers l’usage des statistiques comme source par les chercheurs en sciences sociales.

3L’enthousiasme déconstructiviste des années 1980-1990, partiellement hérité des travaux menés par Michel Foucault (1966) autour de l’archéologie du savoir fut d’abord salutaire. Il permit notamment le développement d’une histoire de la statistique administrative et d’une dénaturalisation de ses catégories (Desrosières et Thévenot 2002) qui avait commencé à émerger dès les années 1970 (Affichard 1977). Mais, à sa suite, « l’analyse des catégories », promue par ce que Paul-André Rosental appelle un « foucaldisme plus ou moins bien digéré » (Rosental 2006 : 16), porta en elle le risque d’une double impasse. D’abord, celle de la réduction de la statistique administrative à sa contribution aux dispositifs de contrôle social par l’État. Ensuite, celle du refus d’aller au-delà de l’étude des conditions de production des nombres. Puisque les statistiques génèrent les phénomènes qu’elles sont censées mesurer, seule leur élaboration mériterait une attention privilégiée tandis que l’analyse des nombres produits par des calculs anciens perdrait tout pouvoir explicatif.

4En choisissant de me lancer, fin 2007, dans une thèse de doctorat consacrée à la question des effectifs de l’État en France entre 1850 et 1950 (Ruiz 2013), je dus ainsi rapidement faire face à une question récurrente : mais à quoi bon utiliser ces chiffres puisqu’ils sont tous faux ? Une telle interrogation n’était pas qu’une plaisanterie sans fondements. En effet, une partie des enjeux du reflux du recours aux matériaux quantitatifs concernait la question de « l’anachronisme des séries longues ». Les débats qui eurent lieux entre statisticiens au début des années 1990, à l’occasion de la publication de Deux siècles de travail en France (Marchand et Thélot 1991), conduisirent ainsi à une sorte de polarisation entre un fétichisme néo-positiviste et un rejet constructiviste du chiffre. Cette opposition s’installa durablement et participa d’une opposition ancienne – et parfois caricaturale – entre les approches « qualitatives » et « quantitatives » des phénomènes sociaux. Or, si mon analyse de la question des effectifs visait bien à proposer une étude de la construction sociale de l’objet « nombre des fonctionnaires », elle reposait aussi sur la certitude selon laquelle les chiffres produits par les contemporains méritaient d’être pris au sérieux. Il fallait donc emprunter une voie alternative.

5L’objectif de cet article est de présenter le cadre analytique que j’ai expérimenté en m’appuyant, notamment, sur une série de travaux pionniers qui ont cherché à dépasser l’alternative entre positivisme et relativisme – ou entre fétichisme et rejet du chiffre. À travers ce qu’il est convenu d’appeler une approche « reconstructionniste », ces recherches reposent sur une conviction commune : l’histoire et la sociologie d’une production statistique ne doivent pas conduire les chercheurs à renoncer à toute exploitation quantitative des matériaux ainsi déconstruits [1].

Peut-on vraiment compter les fonctionnaires ?

6En 1991, Olivier Marchand et Claude Thélot, tous deux statisticiens, administrateurs de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), proposèrent une reconstitution de la population active depuis le début du xixe siècle. Pour cela, ils fabriquèrent des séries longues en partant de conventions qui leur étaient contemporaines et n’avaient pas cours pour la majeure partie de la période qu’ils étudiaient. Novateur, ce positionnement souleva rapidement des questions épistémologiques. C’est d’abord en interne, dans les colonnes du Courrier des statistiques de mars 1991, que leur démarche fut sévèrement discutée par Alain Desrosières, lui aussi administrateur Insee. L’ouverture aux réflexions des chercheurs en sciences sociales intervint dans un second temps, par la republication de ces contributions dans un dossier « savoir-faire » de Genèses en octobre 1992. Éric Brian, Bernard Lepetit et Christian Topalov furent invités à réagir à l’échange de mars 1991, republié dans la revue pour l’occasion (Weber 1992). Résumé schématiquement, le débat entre statisticiens se polarisa entre : un fétichisme du chiffre niant le moindre intérêt au recours à l’histoire et à la sociologie des instruments statistiques ; et un rejet de toute construction de série longue fondées sur la base de statistiques historiques, opération jugée non seulement inutile mais potentiellement néfaste. Sociologues et historiens insistèrent pour leur part sur la nécessité d’approfondir les recherches sur les formes sociales d’objectivation des phénomènes sociaux, appelant à dépasser cette alternative réductrice entre positivisme et relativisme (Ruiz 2014). Dans la décennie qui suivit, c’est l’invitation à l’étude des conditions de fabrication des statistiques qui fut la plus entendue. La substitution d’une lecture « représentationniste » à l’ancienne lecture « positiviste » des chiffres en histoire conduisit à une focalisation, souvent exclusive, sur les catégorisations statistiques (Brian 2001 : 207). De telle sorte que l’affirmation selon laquelle une « enquête historique ou sociologique sur un procédé de calcul devrait présupposer ou conduire à un évanouissement du produit de ce calcul » devint banale (Brian et Jaisson 2007 : 21).

7Plusieurs chercheurs se sont toutefois saisis de phénomènes de longue durée en optant pour une approche « reconstructionniste » qui affirme la possibilité d’un croisement entre l’analyse des chiffres et l’étude des rubriques de classification des tableaux anciens. Pour en faciliter l’analyse, on peut ranger ces travaux en deux catégories. La première consiste en un travail de reconstruction quantitative considérant les fluctuations, les biais ou les irrégularités comme autant d’indices supplémentaires pour mieux remettre en contexte – au sens fort du terme (Brayard 2013) – les phénomènes mesurés en longue durée, de la démographie soviétique (Blum 1994) ou européenne (Labbé 2000) à l’évolution du travail des femmes en France (Maruani et Meron 2012). La seconde catégorie relève d’une autre approche des biais. En effet, pour certains phénomènes sociaux, les défauts d’enregistrement ou la nature même des statistiques produites empêchent toute velléité de mesure de longue durée. Néanmoins, leur prise au sérieux ne conduit pas à renoncer à toute mesure : elle fait émerger de nouveaux objets. On part ainsi, par exemple, du sex-ratio biologique pour arriver à l’entrée des nouveaux nés dans la vie sociale (Brian et Jaisson 2007) ou du nombre de victimes de la silicose vers la gestion des carrières des mineurs (Devinck et Rosental 2007).

8L’inscription dans l’une ou l’autre de ces démarches ne relève pas d’un hypothétique parti pris initial des auteurs, mais plutôt des conséquences de l’opération de déconstruction du travail et des catégories statistiques des contemporains sur la solidité des phénomènes sociaux qu’ils entendaient mesurer. Pour étudier l’évolution des effectifs de l’État en France du milieu du xixe siècle au milieu du xxe siècle, c’est justement à une combinaison de ces deux perspectives qu’a mené le cadre analytique que j’ai mobilisé. Il s’agissait en effet pour moi de « prendre au sérieux la façon dont le chiffre est effectivement promu, mis en scène et utilisé » (Rosental 2007) dans les débats relatifs aux politiques de la fonction publique et de réforme de l’État, tout « en partant du principe que chaque bribe d’information, chaque chiffre, chaque intitulé de colonne jouit d’un potentiel de pertinence propre » (Vesentini 2007).

9En ce sens, une histoire de l’État par ses effectifs consiste en l’analyse des interactions entre des chiffres composant le nombre – réel ou perçu – des fonctionnaires, des politiques visant à agir sur la fonction publique, et des concepts, discours et représentations – politiques, institutionnels ou savants – concernant l’État en général et les fonctionnaires en particulier. Ce positionnement initial visait à tirer parti d’une mutation historiographique majeure de ces dernières décennies, fondatrice de l’approche dite « reconstructionniste ». Elle fut amorcée dès les années 1970 par Jean-Claude Perrot, à travers la promotion d’un renouvellement de « l’analyse positive » par une prise en considération, non seulement de « ce qui se dénombre isolément », mais aussi des « représentations » et des « mouvements de pensée » concernant les phénomènes mesurés, sans oublier les « milieux sociaux, [les] catégories professionnelles » qui les portaient, et les politiques mises en œuvre les concernant (Perrot 1974 : 91-96). Cette démarche fut notamment poursuivie par deux de ses élèves qui furent parties prenantes du débat de 1992 dans Genèses, Éric Brian et Bernard Lepetit, promoteurs d’une « histoire matérielle “constructionniste” […] réfutant simultanément histoire quantitative objectiviste et renonciation à la mesure » (Rosental 2006 : 23) qui participa d’un renouvellement profond, non seulement de l’histoire urbaine (Lepetit 1996), mais aussi de l’histoire des sciences (Brian 1995) et, plus généralement, de l’histoire sociale (Lepetit 2013).

10Engagée pour l’étude de la question des effectifs à partir des premiers énoncés statistiques relatifs au nombre des agents de l’État au milieu du xixe siècle (Vivien 1845) et jusqu’au premier recensement administratif des agents des services publics au milieu du xxe siècle (Insee 1949), une telle perspective créait deux obstacles à une quantification de longue durée.

11En premier lieu, les sources statistiques s’avéraient non seulement lacunaires mais aussi très hétérogènes. Dans une annexe relative aux « sources de l’histoire quantitative de l’administration française » de la Morphologie de la haute administration française qu’ils publièrent entre 1969 et 1972, Alain Darbel et Dominique Schnapper dressaient une liste des « sources de l’étude statistique des fonctionnaires » depuis la fin du xixe siècle. Si plusieurs évaluations partielles avaient été menées depuis les années 1890, à travers les recensements généraux de la population notamment, les deux auteurs insistaient sur le fait, qu’aucun « recensement complet » des fonctionnaires n’avait été fait avant 1946 (Darbel et Schnapper 1969 : 170-173). Le travail d’identification des statistiques concernant les effectifs de l’État que j’entrepris à partir de cette première recension reposa sur l’exploration :

  • des archives du fonds statistiques et études économiques conservées au Centre des archives économiques et financières de Savigny-le-Temple (CAEF) ;
  • des publications périodiques émanant d’organismes officiels (de la Statistique générale de la France, du Conseil supérieur de statistique, du Service national des statistiques puis de l’Insee) ; et de sociétés savantes (Société de statistique de Paris, Société d’économie sociale, Institut international de statistiques…) ;
  • de traités ou recueils publiés par des statisticiens à titre individuel ou dans le cadre de leurs activités professionnelles.

12Autant de sources très utiles qui m’ont permis d’identifier de nombreux chiffres, mais l’hétérogénéité de leurs modes de production – des relevés individuels ou ministériels effectués dans la documentation budgétaire aux tentatives de recensement fondé sur des bulletins individuels, en passant par des états rétrospectifs constitués par des chefs de services dans les ministères, etc. – interdisait toute mise en série.

13En second lieu, c’est une définition communément admise du terme « fonctionnaire » qui faisait défaut. Non seulement, comme le notait André Tiano en 1957, il n’existe pas « de définition de la fonction publique indépendante de l’usage que l’on veut en faire » (Tiano 1957 : 21), mais de surcroît, il n’a jamais véritablement existé de définition communément admise des fonctionnaires. Pas même dans la doctrine juridique : le terme, apparu au moins un siècle plus tôt dans la langue française, ne trouvait, à la fin des années 1870, « ni dans le langage usuel, ni dans la langue de la loi, une signification nettement définie » (Block 1877 : 971). L’adoption du statut général des fonctionnaires en 1946 ne régla pas la question : pour les juristes, en 1949 il n’existait toujours pas de « définition du fonctionnaire donnée par la loi » (Waline 1949 : 302) tandis que le premier directeur de la Fonction publique écrirait en 1954 que le champ d’application du statut n’était pas « clairement défini » (Grégoire 1954 : 72).

14Face à ces deux obstacles, me limiter aux termes du débat de 1991 m’aurait placé face au choix suivant : écarter la question des variations de définition et de mode de recueil des données pour construire des séries homogènes sur la base d’une définition qui nous aurait été contemporaine ; ou renoncer à toute quantification pour me contenter de proposer une histoire du comptage des fonctionnaires. La première catégorie des travaux « reconstructionnistes » offrait heureusement une alternative.

15Margaret Maruani et Monique Meron ont par exemple proposé une reconstruction du travail des femmes en France au xxe siècle fondée sur l’exploitation des recensements généraux de la population. Sociologue et statisticienne, elles ont pris le parti d’un double mouvement complémentaire de chiffrement, « recompter le travail des femmes », et de déchiffrement, « ausculter l’art et la manière de fabriquer des statistiques ». Revenant sur les discussions occasionnées par Deux siècles de travail en France, les deux auteures adoptèrent une position qui visait donc à dépasser l’alternative entre relativisme et positivisme :

16

« Nous ne cherchons donc pas à recomposer des séries homogènes au plus près d’une réalité qui correspondrait aux définitions d’aujourd’hui, nous voulons tenter de comprendre les chiffres et leurs évolutions apparentes à partir des métamorphoses de définitions et des changements de points de vue sur l’activité laborieuse. En ce sens, ce sont les rugosités et les fissures qui nous intéressent dans les visions successives que les statistiques reflètent. Quitte à décrire une réalité approximative – et parfois lacunaire – nous allons tenter de nous fonder sur le regard du moment, puis chercher à retrouver les éléments d’explication, les ajouts, les manques et les changements de vision au cours du temps. […] C’est bien aux décisions statistiques et donc aux choix politiques et sociaux des définitions du travail, de l’emploi et du chômage que l’on s’intéresse ici. Tel est le pari de ce livre : en regardant comment se construisent au fil des ans les statistiques de l’activité professionnelle des femmes, on peut raconter quelque chose de l’histoire de leur statut. » (Maruani et Meron 2012 : 13-16)

17Pour étudier l’évolution quantitative des effectifs de l’État dans une telle perspective, il était donc indispensable de commencer par analyser les significations non seulement successives mais aussi concurrentes qu’avait pu revêtir la notion de « fonctionnaires » et d’identifier la place qu’y occupaient les agents de l’État. Condition nécessaire à une meilleure compréhension des modalités selon lesquelles statistiques et politiques furent élaborées et mises en œuvres, cette approche constitue aussi un antidote puissant à toute tentation anachronique ou téléologique. En ce sens, il s’agissait finalement de garder à l’esprit l’avertissement de Lucien Febvre sur la nécessité de relire les textes – et ici les chiffres – à l’aune de « l’outillage mental » de leurs contemporains (Febvre 2003 : 24), de « faire revivre la succession des présents » par la reconstruction de « la façon dont des individus et des groupes ont élaboré leur intelligence des situations » (Rosanvallon 2003 : 18).

18Pour prendre en considération les conditions politiques dans lesquelles des travaux statistiques ont été, ou non, mis en œuvre, j’ai mobilisé :

  • les archives de la direction du Budget et de la sous-direction Personnel civil et militaire du ministère des Finances (conservées au CAEF) ;
  • celles du secrétariat à la présidence du Conseil (sous-série F60) et de la direction de la Fonction publique (alors respectivement conservées sur les sites de Paris et Fontainebleau et désormais consultables sur le site de Pierrefitte des Archives nationales) ;
  • la documentation parlementaire (Journaux officiels, recueils juridiques Dalloz et Duvergier, compilation « Barodet » des engagements électoraux).

19Pour reconstruire le cadre conceptuel dans lequel statistiques et politiques furent élaborées et le resituer dans le débat public plus général, j’ai aussi porté une attention particulière à des publications sous forme de traités, de thèses et de revues spécialisées qui permettaient d’examiner le traitement de la question du nombre et de la définition des fonctionnaires par la doctrine juridique, l’économie politique et la science administrative, mais aussi du point de vue de la pensée politique et syndicale. Enfin, le tout a été complété par le dépouillement systématique de revues généralistes par un recours ciblé à la presse quotidienne.

20J’ai mobilisé ce corpus pour étudier l’évolution des effectifs de l’État en France entre les années 1850 et 1950. En dépit de leurs imperfections, moyennant certains redressements et remises en perspectives fondés sur l’analyse des catégories contemporaines, ces chiffres offrent de précieuses informations concernant les rythmes et les structures des transformations de l’État en longue durée. Scandant chaque chapitre de la thèse, les analyses quantitatives ainsi contextualisées m’ont permis d’étudier l’évolution du nombre des agents de l’État, leur répartition par tranches de traitements, par ministères, ou selon leurs sexe, âge et statut hiérarchique par exemple. Mais dans le même temps, fondées le plus souvent sur des informations disparates, à partir de définitions variables et selon des méthodes différentes, ces statistiques, par leur nature même, empêchent toute velléité de construction de séries longues retraçant l’évolution de ces phénomènes entre le milieu du xixe siècle et le milieu du xxe siècle.

Prendre la mesure d’une abstraction

21On ne saurait toutefois en rester là. Étape indispensable à toute exploitation d’un matériau quantitatif, l’analyse critique des informations statistiques concernant les agents de l’État constitue ici bien plus qu’un préalable. En m’inspirant des orientations formulées par Jean-Claude Perrot concernant l’histoire intellectuelle de l’économie politique, j’ai entrepris de faire une histoire matérielle de l’abstraction « nombre des fonctionnaires ».

22Cette démarche suppose de considérer tous les chiffres mobilisés par les contemporains comme « des bilans d’arrivée, dressés à partir des réalités perçues » (Perrot 1992 : 30 et 59). Cela m’a conduit à m’inscrire cette fois dans une perspective similaire à celle de la seconde catégorie de travaux « reconstructionnistes ». Pour leur analyse des dynamiques du sex-ratio à la naissance par exemple, Éric Brian et Marie Jaisson refusèrent non seulement de sacrifier « au positivisme du moment » et à la croyance du seul intérêt de « l’enquête génétique », mais aussi à l’illusion d’un possible entre-deux. En nous invitant à nous arracher « au seul point de vue de méthode » pour revenir « à l’objet », ils nous proposent de dépasser l’apparente incapacité de certaines sources statistiques à mesurer ce pourquoi elles avaient été fabriquées :

23

« Dans ces conditions, le nombre des naissances enregistrées à l’état civil […] mesure très exactement le bilan de cette action polymorphe : c’est le nombre des enfants admis à l’entrée de la vie sociale et reconnus à cette occasion comme relevant de l’un des sexes ou de l’autre […]. Les mêmes chiffres dont les statisticiens du xixe siècle devaient déplorer les imperfections, eux qui y cherchaient une mesure positive des naissances biologiques, sont en fait les enregistrements exacts du phénomène social qu’on se propose d’étudier. »
(Brian et Jaisson 2007 : 133)

24Les statistiques étudiées dans la thèse concernant les fonctionnaires correspondaient bien à celles dont les contemporains disposaient pour évaluer leur nombre. Un nouvel objet a émergé de l’analyse simultanée du processus de fabrication du « nombre des fonctionnaires », de ses usages par les contemporains et de l’élaboration d’une politique de la fonction publique. Rapprochés les uns des autres, tous les chiffres mobilisés par les contemporains offrent la possibilité d’une reconstruction quantitative de l’évolution de la perception du nombre des fonctionnaires entre le milieu du xixe siècle et celui du xxe siècle.

25Cette représentation (figure 1) est fondée sur l’intégralité des chiffres relatifs au « nombre des fonctionnaires » cités dans la thèse. Chaque point correspond à une valeur tandis que les interpolations permettent de saisir la perception de l’évolution des effectifs que les déclarations rétrospectives pouvaient occasionner. Bien entendu, au travers d’un tel graphique, je ne saurais avoir la prétention de résumer, sous une forme véritablement lisible, l’ensemble des chiffres cités sur le nombre des fonctionnaires et l’ensemble des interprétations auxquelles chacun d’entre eux pourrait donner lieu. L’objectif est plutôt d’offrir, par cet effet d’agrégat justement, une représentation visuelle, une formalisation (Lemercier et Ollivier 2011 : 13), des perceptions contemporaines de l’abstraction « nombre des fonctionnaires ». Cette dernière est en effet le fruit de la conjugaison : a) de l’existence ou non de statistiques (officielles ou non, sérieuses ou fantaisistes) portant sur les effectifs ; b) de représentations mouvantes des « fonctionnaires » et plus généralement de l’État ; et c) de politiques publiques visant à définir la nature et le périmètre de la fonction publique et/ou ambitionnant d’agir sur son volume.

Figure 1

Évolution de la perception du « nombre des fonctionnaires » et de ses variations (1845-1949)

Figure 1

Évolution de la perception du « nombre des fonctionnaires » et de ses variations (1845-1949)

26Fiables ou non d’un point de vue strictement statistique, le plus souvent incomparables terme à terme, les informations chiffrées mobilisées par les contemporains – qu’ils fussent députés, ministres, juristes, économistes, journalistes, syndicaliste, statisticiens… – composent donc ici, une fois rapprochées les unes des autres, une représentation de l’abstraction « nombre des fonctionnaires ». Elle donne ainsi à voir d’emblée et simultanément les effets de l’instabilité des définitions mobilisées, ceux de la variabilité des modes de constructions statistiques adoptés et la relative marginalité des déclarations les plus péremptoires.

27Si l’on focalise, dans un premier temps, notre attention sur les changements opérés dans les choix des années de référence pour les comparaisons diachroniques, ce graphique permet d’abord de prendre la mesure d’une mutation importante du rapport des contemporains à l’évolution des effectifs. La figure 2 isole ainsi toutes les citations rétrospectives en supprimant les mentions de valeurs uniques.

Figure 2

Une lecture horizontale

Figure 2

Une lecture horizontale

28Tandis que la croissance des effectifs fut longtemps évaluée par rapport à un « avant la IIIe République », le palier qui fut franchi au cours de la Grande Guerre – tant en terme de croissance des effectifs, de structures administratives que d’extension des domaines d’intervention de l’État – transforma 1914 en une sorte de nouvel « âge d’or » ou, à tout le moins, en nouvel étalon de comparaison des évolutions ultérieures. Ce graphique permet ainsi de formaliser une mutation du rapport à l’évolution du « nombre des fonctionnaires » que l’analyse qualitative développée dans l’ensemble de la thèse permet de comprendre. C’est l’analyse des argumentaires relatifs au « trop d’État » ou au « trop de fonctionnaires » tels qu’ils furent mobilisés, tant dans les cercles politiques et savants que dans la presse, qui permet en effet d’expliquer cette évolution.

29D’abord par une certaine acceptation de l’extension des attributions de l’État des années 1850-1910 contre laquelle nombre des contempteurs du « fonctionnarisme » avaient tenté de lutter. Les interventions dans le domaine de l’Instruction publique et des Chemins de Fer par exemple, qui avaient fait l’objet de très nombreuses dénonciations, ne furent plus contestées par la suite. Elles laissèrent alors la place à une dénonciation – rarement corrélée à un effet réel sur l’accroissement du volume des effectifs de l’État – des interventions dans le domaine social. Dans un même ordre d’idées, il est possible de distinguer une timide apparition des années 1930 comme nouvel étalon en fin de période, à rapprocher de la contestation croissante de l’extension des interventions économiques de l’État après la Seconde Guerre mondiale.

30La construction des années 1850-1860, de 1914 ou même des années 1930 comme point de comparaison privilégié marque aussi la nature proprement politique des énoncés relatifs au nombre des fonctionnaires. Entre 1850 et 1950, le nombre des fonctionnaires fut toujours jugé excessif pour ce qu’ils représentaient plutôt que par leur nombre réel. Ils symbolisaient la République pour les nostalgiques de l’Empire ou de la Monarchie et, inversement, l’Empire ou la Monarchie pour les républicains. Ils étaient la manifestation de l’étouffement de la liberté individuelle par l’État pour les tenants d’un libéralisme orthodoxe, tandis qu’ils servaient la domination de l’État bourgeois pour les socialistes. De même, si, dans les années 1930, ils furent considérés par certains comme une manifestation des abus du parlementarisme, les fonctionnaires furent ensuite jugés responsables de la défaite par Vichy. À la Libération, les « créatures de l’État français » furent jugées trop nombreuses, comme l’avaient été celles du Second Empire dans les années 1870. Peu importait donc leur nombre, ils étaient forcément trop.

31Par ailleurs, bien que de rigoureuses politiques de compressions de personnel furent mises en œuvre au lendemain de chacune des deux guerres mondiales, leurs effets sont tout juste perceptibles dans le graphique. Ce dernier laisse surtout apparaître la perception d’une croissance continue des effectifs qui permet de mieux comprendre la permanence des dénonciations, quel que soit le niveau des compressions opérées. En outre, si le nombre des fonctionnaires fut toujours jugé excessif, ce fut aussi du fait d’une autre constante de la période : l’absence d’une définition communément admise des « fonctionnaires ».

32Il est, ici encore, possible de visualiser ce phénomène sur le graphique, à travers une lecture verticale cette fois. Celle-ci permet d’observer le grand nombre d’évaluations possibles pour certaines périodes (voir la figure 3) – et a fortiori celles au cours desquelles de nombreux efforts ont pourtant été entrepris pour clarifier la situation.

Figure 3

Une lecture verticale

Figure 3

Une lecture verticale

33Faisons d’abord porter notre attention sur la période d’invention de la « statistique des fonctionnaires ». Entre 1906 et 1912, de nombreuses initiatives, statisticiennes ou militantes, furent lancées : commissions extra-parlementaires, comités statistiques, publications par des stastiticiens ou encore des discussions au cours de congrès internationaux. Concentrons-nous ensuite sur les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, entre l’adoption du statut général des fonctionnaires en 1946 et la publication par l’Insee du premier recensement des agents des services publics en 1949. Dans ces deux cas, ce graphique, en donnant à voir la multiplicité des évaluations qui circulaient alors, formalise l’incapacité des statisticiens à imposer un nombre (leur nombre) comme seule mesure pertinente d’un phénomène dont les contours restaient mal définis.

34Un tel constat permet de comprendre la persistance, jusqu’à nos jours, d’une cohabitation paradoxale entre les discours sur l’incapacité de l’État à connaître ses effectifs, la multiplication des chiffres officiels sur la question, et la mise en œuvre de politiques de réduction du nombre des fonctionnaires. Ce constat nous met aussi face à la question fondamentale de la pertinence d’un raisonnement en termes de « gouvernement par les nombres » des effectifs de l’État.

35Certes, il ne fait aucun doute que les promoteurs d’un recensement des fonctionnaires inscrivaient leur démarche dans une double volonté d’éclairer le débat public et de fournir aux responsables politiques et administratifs ce que l’on appellerait aujourd’hui un instrument d’action publique. Mais de ce point de vue, force est de constater que cette démarche s’est d’abord soldée par un double échec : celui des statisticiens à imposer aux pouvoirs législatif et exécutif la mise en place d’un recensement des fonctionnaires constituant la seule source d’information pertinente sur le volume et la structure de la fonction publique ; celui de l’État à se doter d’un instrument unique d’information statistique sur la fonction publique.

36Mais, à court terme, leur réussite se trouvait ailleurs : avant d’être un instrument d’action publique, le recensement des fonctionnaires fut un instrument de légitimation professionnelle et de revendications militantes. Entre les années 1890 et 1910, la production et l’usage d’une statistique des fonctionnaires relevaient en effet moins d’une logique politico-administrative que d’une double démarche technicienne d’affirmation professionnelle, et militante dans la dénonciation du « fonctionnarisme ». Ses promoteurs initiaux évoluaient en effet sur une frontière poreuse entre administration, statistique publique, milieux réformateurs, et organisations natalistes. La statistique des fonctionnaires constitua ainsi un terrain commun de promotion d’une expertise des questions politiques du moment : de la « dépopulation » au syndicalisme des fonctionnaires notamment (Ruiz 2010). Sur ce point l’entreprise fut une réussite puisque les résultats de leurs travaux furent repris dans la presse ou dans les revues spécialisées, parfois à des fins polémiques mais aussi dans des publications scientifiques. C’est aussi ce qui explique la multiplicité des chiffres cités au cours de la période, les statisticiens participants eux-mêmes d’une certaine confusion en « adaptant » à leur auditoire ou à leur lectorat les nombres qu’ils mobilisaient (voir l’encadré « Pourquoi tant de chiffres ? »).

37Leur échec à imposer la réalisation d’un recensement administratif procédait quant à lui certainement en partie de l’absence d’une volonté politique de dégager les crédits nécessaires à la réalisation d’une opération coûteuse. Il entérinait surtout l’échec d’une entreprise visant à légitimer une expertise statisticienne de la question des effectifs de l’État face aux prétentions du ministère des Finances à établir des états budgétaires annuels pour éclairer le Parlement.

38En effet, la première tentative de recensement par bulletins individuels fut réalisée en 1906 par une commission de la statistique des fonctionnaires constituée au sein du Conseil supérieur de la statistique. Ce dernier s’était auto-saisi de la question [2] à l’occasion de l’exigence parlementaire d’une publication annuelle du nombre des « fonctions rétribuées par l’État [3] ». Les membres de la commission de la statistique des fonctionnaires se lancèrent alors, en parallèle de leur enquête statistique, dans une campagne de dénonciation des lacunes et des erreurs contenues dans les états produits par le ministère des Finances, qui témoignaient « des hésitations ou des contradictions dont l’Administration même [n’arrivaient] pas à se défendre » en ce qui concerne la définition des « fonctionnaires » (Foville 1908). Pour autant, tandis qu’un « état statistique » fut fournit par le ministère des Finances chaque année jusqu’en 1912, l’expérience de recensement par la commission de la statistique des fonctionnaires se solda par un échec et les résultats, définitifs mais incomplets, n’en furent connus qu’en 1910 et publiés deux ans plus tard (Faure 1912).

39Cette première tentative témoigna ainsi du temps considérable nécessaire au recueil, puis au traitement des informations statistiques, dont la fiabilité dépendait finalement de la coopération des ministères enquêtés. Au regard de l’urgence assignée aux politiques de réductions d’effectifs menées au cours des décennies suivantes, une autre explication de l’échec des statisticiens à imposer un recensement peut être avancée : celle d’une prise de conscience administrative du décalage existant entre les temporalités du travail statistique et de l’action politique. Face à l’urgence des politiques de compressions de personnels menées dans l’entre-deux-guerres, alors que chaque année un nouveau quota d’emplois à supprimer était établi, le souvenir de l’échec de l’initiative de 1906 rappelait l’incompatibilité du travail statistique avec les besoins politiques conjoncturels. Les commissions et comités successifs chargés d’établir le volume et les répartitions des réductions d’effectifs – du « comité supérieur d’enquête » présidé par Maurice Bloch [4] à la politique de « déflation administrative » menée par décrets-lois dans les années 1930 [5] – ne fondèrent jamais leurs travaux sur une expertise statisticienne concernant le nombre des agents de l’État. Dans le même temps, la direction du Budget disposait de ses propres évaluations, gardées en interne, du volume et de la répartition des effectifs par ministères et par tranches de traitements [6]. Dans une telle perspective, on peut considérer que la première étape de l’histoire de la statistique des fonctionnaires témoigne de l’incapacité des statisticiens à acquérir une légitimité suffisante dans l’État pour se positionner en éclaireurs de l’action publique concernant les fonctionnaires.

40Les politiques de compression menées après la Seconde Guerre mondiale reposèrent elles aussi très peu sur les résultats du recensement des agents des services publics. La question du décalage des temporalités est ici encore centrale. Celle du travail statistique de conception, de recueil des données et d’exploitation des résultats du recensement ne coïncidait pas avec l’urgence de la situation financière, aggravée par l’attachement symbolique qui était porté aux réductions d’effectifs dans l’immédiat après-guerre. Lorsque les résultats définitifs du recensement furent publiés par l’Insee et la direction de la Fonction publique en 1949, ses concepteurs furent ainsi conduits à y insérer une mise à jour concernant les suppressions opérées entre-temps.

41Ici encore, il s’agissait bien d’une entreprise de légitimation : tout juste créée, la direction de la Fonction publique devait affermir sa position face à une administration des Finances peu disposée à perdre une partie de ses prérogatives et bien décidée à publier ses propres chiffres sur la question. Le recensement des agents des services publics scella ainsi une sorte d’alliance de circonstance avec l’Insee qui cherchait, lui aussi, à consolider son rôle dans l’État, en particulier face au ministère des Finances, alors que l’Institut était placé, depuis sa création, sous la tutelle du ministère de l’Économie nationale. La mise à jour des résultats du recensement répondait ainsi à un rapport du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics qui, parmi diverses recommandations de réduction des dépenses de personnel et de matériel de l’Insee, considérait que l’opération avait été trop onéreuse pour des résultats qui seraient « en partie périmés lors de leur publication [7] ». Lorsque cette dernière intervint, le directeur de la statistique générale, Raymond Rivet, insista pour sa part sur l’importance des « louables efforts » entrepris par la direction de la Fonction publique pour vaincre les réticences du ministère des Finances [8]. De son côté, le directeur de la Fonction publique ne manqua jamais de citer le recensement de l’Insee comme un témoignage des activités de ses services et de l’utilité de sa direction [9].

42Ni le recensement, ni sa mise à jour ne furent toutefois mobilisés pour éclairer le Parlement sur le bilan des compressions menées au cours de cette période. En décembre 1949, alors que certains députés mettaient en cause l’efficacité des politiques de l’exécutif en la matière, le ministre des Finances préféra s’appuyer sur des évaluations budgétaires produites par ses propres services (Ministère des Finances 1949). Cette concurrence institutionnelle explique ainsi en partie la multiplicité des évaluations qu’il est possible d’observer après la Seconde Guerre mondiale dans les figures 1 à 3.

Pourquoi tant de chiffres ?

Une focalisation sur les années 1906-1912 (figure 4), au cours desquelles les statisticiens tentèrent d’imposer la réalisation d’un recensement des fonctionnaires pour éclairer le Parlement permet de prendre la mesure de la très grande variété et de la concurrence des nombres qui circulaient alors. Pour ces sept années, j’ai ainsi pu identifier 109 citations de nombres entre 1907 et 1914.
Figure 4

Un zoom sur les années 1906-1912

Figure 4

Un zoom sur les années 1906-1912

La figure 5 qui suit, isole dans un tableau les 26 points de l’année 1908 qui se décomposent en neuf sources et quinze valeurs différentes. Il s’agit de chiffres cités par des statisticiens (Fernand Faure, Alfred de Foville et Lucien March), mais aussi par des juristes publicistes (Henry Barthélemy et Henri Chardon), des économistes libéraux (Paul Leroy-Beaulieu et Gustave de Molinari), un député (Alexandre Lefas) et un ancien militant anarchiste en cours de reconversion dans l’antiparlementarisme de droite (Georges Deherme).
Figure 5

Le « nombre des fonctionnaires » en 1908

Figure 5

Le « nombre des fonctionnaires » en 1908

Concentrons-nous sur les statisticiens. On voit que certaines différences s’expliquent simplement par des choix de périmètre : dans la ligne 4 du tableau par exemple, L. March cite les « personnels assujettis au régime des pensions civiles » tandis que, dans la ligne 22, A. de Foville comptabilise les agents de l’État, des départements et des communes. Rien de surprenant à ce que leurs évaluations divergent. Mais, dans certains cas, c’est sur un champ similaire que les chiffres cités varient. Dans les lignes 5 et 9 par exemple, on peut observer que F. Faure et A. de Foville se rapportent au même périmètre (agents de l’État) mais citent deux nombres différents.
Cela nous ramène à l’importance de la logique militante qui animait alors certains statisticiens. Ici, les deux auteurs ne s’adressent pas au même public : A. de Foville signe un article polémique dans L’Économiste français, publication libérale anti-étatiste dirigée par P. Leroy-Beaulieu ; Fernand Faure s’adresse quant à lui au lectorat de la Revue politique et parlementaire, qu’il dirige, et à l’assistance du premier congrès international des sciences administratives. Alors qu’ils fondaient leurs analyses sur la lecture des mêmes états ministériels, le premier « corrigeait » les données et accusait le gouvernement de cacher volontairement le nombre des agents des entreprises détenues par l’État (les chemins de fer en particulier), tandis que le second, sans manquer de souligner les biais qui, selon lui, entachaient leur fiabilité, citait les chiffres originaux.
Cette isolation des chiffres concernant 1908 permet ainsi d’illustrer le rôle des argumentaires militants dans la diffusion des chiffres.
Aux lignes 11-12 et 23-24 par exemple, on peut observer que ce sont les chiffres d’A. de Foville qui furent repris par A. Lefas et G. Deherme pour des ouvrages qui visaient, notamment, à dénoncer le « fonctionnarisme » et les risques que comporterait l’attribution de droits syndicaux aux fonctionnaires. D’ailleurs, le nombre cité par P. Leroy-Beaulieu, aux ligne 14 et 26, correspondait aussi à une reprise s’A. de Foville, arrondie à la centaine de millier supérieure.
Dans le même temps, Fernand Faure relevait le mésusage des états ministériels qui pouvait être fait par H. Berthélemy et H. Chardon, qui donnaient « l’autorité de leur savoir, l’un au chiffre de 900 000 [ligne 21], l’autre au chiffre de 800 000 [ligne 17] fonctionnaires publics français » (Faure 1910 : 330). Henri Chardon maintint néanmoins sa référence aux 800 000 fonctionnaires pour des raisons symboliques (il ne cherchait pas vraiment à « compter » les agents mais à distinguer les « mille fonctionnaires politiques » des « huit cent mille fonctionnaires administratifs » (Chardon 1912 : 461-462). Pour la septième édition de son traité de droit administratif, H. Berthélemy persistait à utiliser les états ministériels sans vraiment les discuter, mais renvoyait ses lecteurs aux travaux de F. Faure (Berthélemy 1913 : 117).
On voit ainsi ici toute l’importance que revêt la prise en considération de tous les chiffres identifiables qui circulaient alors sur le « nombre des fonctionnaires », quels que fussent leurs supports de publication. Me limiter aux seules publications statistiques « officielles » m’aurait entraîné à minorer l’importance de l’origine militante de certains des chiffres qui circulaient. Or, entre 1908 et 1913, les chiffres qui furent le plus cités furent certes produits par un statisticien, mais à des fins militantes.
Cela invite aussi à relever l’importance du contexte d’énonciation pour la légitimation d’un nombre. Revenons à Georges Deherme et Alexandre Lefas. Le premier, engagé dans l’écriture d’un pamphlet visant à dénoncer gabegies, étatisme et fonctionnarisme préférait visiblement citer les chiffres mentionnés, certes par un statisticien, mais surtout publiés dans une publication dont la ligne correspondait à son point de vue. Le cas du second est plus intéressant. Consacrant les deux premiers chapitres de son ouvrage à la « crise du fonctionnarisme », il évoquait à ce titre la « statistique du fonctionnarisme ». Concernant les limites des états ministériels, il renvoyait aux « très justes observations » de F. Faure, mais ce sont les chiffres d’A. de Foville qu’il citait finalement (lignes 9, 10 et 12).
Cela s’explique très certainement par le fait que les « corrections » publiées dans L’Économiste français ne furent pas seulement reprises dans des publications militantes. Ce sont en effet ces chiffres que le directeur de la Statistique générale de la France, Lucien March, cita dans la « contribution à la statistique des fonctionnaires » qu’il publia dans le bulletin de l’organisme en 1913 (lignes 13 et 25), accordant ainsi statut de chiffre officiel à une évaluation d’abord publiée à des fins militantes…

43L’échec des statisticiens à imposer le recensement ne fut toutefois que partiel et temporaire. Une partie de ses résultats fut en effet exploitée dans le cadre d’autres mesures relatives à la Fonction publique, principalement en ce qui concerne le reclassement et la revalorisation des traitements. Surtout, au fil des renouvellements de l’opération, le recensement des agents des services publics devint vraisemblablement un instrument incontournable. Ainsi, alors que le recensement effectué concernant les effectifs de l’État en 1969 ne fut par exemple publié que sept ans plus tard, la direction du Budget n’eut de cesse, dès 1971, de réclamer à l’Insee l’exploitation de ce qui était désormais considéré comme un outil indispensable à l’élaboration de la politique budgétaire par le ministère des Finances [10]. Il faut dire qu’entre temps l’Institut était passé sous sa tutelle, à l’occasion de la fusion des Finances et de l’Économie nationale entérinée en 1960 (Descamps 2008).

44*

45Une fois replacée dans le temps plus long du développement des savoirs réflexifs sur la population administrative, l’analyse du processus qui conduisit à la réalisation du premier recensement des agents des services publics par l’Insee permet de souligner la capacité d’appropriation par l’État d’outils forgés à sa marge, parfois même contre lui, en les transformant en véritables instruments d’action publique. La fabrication du nombre des fonctionnaires releva ainsi incontestablement d’un processus de co-construction que la figure 1 et ses décompositions possibles permettent de formaliser.

46Comme j’espère l’avoir démontré avec les développements qui précèdent, une telle représentation ne saurait être considérée comme une tentative de substitution aux analyses qualitatives. Comme le notent Claire Lemercier et Carine Ollivier, entre « bricolage et innovation », ce type de représentation ne vise à « remplacer ni la description ni l’explication en langue naturelle, puisqu’il reste toujours en interaction étroite avec elle » (Lemercier et Ollivier 2011 : 13). Contribution aux renouvellements récents du rapport aux sources statistiques, cette expérimentation vise ainsi à participer aux remises en causes de plus en plus courantes de l’opposition stérile entre « qualitatif » et « quantitatif ». De plus, cette proposition de reconstruction des variations de la perception de l’évolution du « nombre des fonctionnaires » se veut reproductible sur d’autres terrains.

47Appliquée à l’histoire et à la sociologie de l’État, une telle approche visant à l’analyse simultanée des chiffres, de leurs conditions de production, d’usage et de circulation doit bien entendu permettre d’explorer d’autres terrains sectoriels, par une application aux grands domaines d’intervention de l’État par exemple. Mais surtout, cette démarche offre d’intéressantes perspectives d’un point de vue comparatiste. En effet, la diversité des définitions des fonctionnaires, des périmètres de la Fonction publique et des frontières de l’État s’ajoutant à une grande variété des modes de construction des statistiques constituent autant d’obstacles aux analyses historiques comparatives de l’évolution des effectifs des États. Le cadre analytique proposé ici, en faisant des interactions entre chiffres, catégorisations et politiques l’objet même de la recherche, offre un exemple de contournement de ces difficultés par l’analyse comparative des évolutions de la perception du nombre des fonctionnaires.

48Mais un tel cadre analytique gagnerait à être expérimenté sur d’autres objets, en particulier ceux qui concernent les politiques de population. Le terrain n’est pas vierge : plusieurs travaux récents ont confirmé, sur des sujets variés, la nécessité de ne pas se limiter à une vision univoque du lien entre statistiques, contrôle social et construction étatique des populations (voir, par exemple, Mespoulet 2008 et Schor 2009). L’exploitation des matériaux quantitatifs ainsi déconstruits reste toutefois exceptionnelle. L’analyse simultanée des interactions possibles entre des politiques visant à agir sur une population, les chiffres composant le nombre – réel ou perçu – des cibles de ces politiques, et des concepts, discours et représentations – qu’ils soient politiques, institutionnels ou savants – concernant les phénomènes mesurés, constitue certainement l’une des clés de lecture des transformations des rapports entre savoirs statistiques et pouvoirs politiques aux xixe et xxe siècles.

Bibliographie

Ouvrages cités

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Notes

  • [1]
    Cet article a en partie fait l’objet de communications aux séminaires de l’Institut national d’études démographiques et du Centre de sociologie des organisations en octobre 2014. Je tiens à remercier leurs organisateurs et participants pour leurs précieuses remarques. Une annexe électronique avec une version animée de la figure 1 et une version couleur de l’ensemble des graphiques présentés ici est consultable à l’adresse suivante : http://compter.hypotheses.org/997
  • [2]
    Bulletin du Conseil supérieur de statistique, n° 9, compte-rendu de la session de 1903, documents préparatoires à la session de 1905, Paris, Imprimerie nationale, 1905, p. 20.
  • [3]
    Article 66 et état L annexé à la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l’exercice 1905, Journal officiel du 23 avril 1905.
  • [4]
    Ce comité proposa plus de 50 000 suppressions d’emplois publics à partir de 1922. Décret portant répartition des réductions d’effectifs à effectuer par application de l’article 77 de la loi de finances du 31 décembre 1921, Journal officiel, 6 mai 1922, reproduit dans Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements, et avis du Conseil d’État, nouvelle série, tome 22, année 1922, Paris, Librairie de la société du recueil Sirey, 1922, p. 183-184.
  • [5]
    Voir, par exemple, le décret du 4 avril 1934 réalisant la réforme administrative par la réduction du nombre des agents de l’État, Journal officiel, 5 avril 1934, reproduit dans Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlements, et avis du Conseil d’État, nouvelle série, tome 34, année 1934, Paris, Librairie de la société du recueil Sirey, 1921, p. 119, qui disposait que « les effectifs des personnels civils et militaires de l’État [seraient] réduits de 10 % ».
  • [6]
    Répartition des effectifs civils et militaires par échelles de traitement en 1932 et 1937. Lettre n° 552 du secrétaire général du ministère des Finances au rapporteur général de la commission des comptes définitifs et des économies, 31 janvier 1939, CAEF, Fonds Budget – Peluriers des directeurs, 3MI186.
  • [7]
    Rapport général sur l’Insee (Statistiques, Fichiers et Mécanographie) par M. Chassaigne, Inspecteur des Finances, Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, février 1949, 68 p., CARAN, F60 944.
  • [8]
    Discussion de l’exposé de Marcel Brichler, « Le recensement général des agents des services publics effectué en 1947 » reprise dans le Journal de la société de statistique de Paris, vol. 90, 1949, p. 263.
  • [9]
    Rapport sur le fonctionnement de la direction de la Fonction publique. Bilan d’activités 1945-1951 et perspectives d’avenir, par Roger Grégoire, Paris, 30 juin 1951, CAC – 20040366-ART1.
  • [10]
    CAEF, Fonds Budget – Contrôle financier, B26469.
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