Genèses 2007/3 n° 68

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Article de revue

Les usages diplomatiques des cartes ethnographiques de l'Europe centrale et orientale au xixe siècle

Pages 25 à 47

Notes

  • [1]
    Archives du ministère des Affaires étrangères (par la suite AAE), Série Mémoires et Documents (MD). Allemagne 1848-1851, vol. 163, « Mémoire de Monsieur Paul de Bourgoing sur la situation politique de l’Europe daté du 16 juillet 1848 », fol. 50.
  • [2]
    Ces cartes conservées dans un fond distinct en cours d’inventaire, n’étaient pas jointes au mémoire, il n’a donc pas été possible de les identifier.
  • [3]
    AAE, MD. Allemagne 1848-1851, vol. 163, fol. 40.
  • [4]
    Ibid., fol. 50.
  • [5]
    Ibid., fol. 40.
  • [6]
    AAE, MD, Autriche 1814-1851, vol. 52, « Études politiques sur l’Autriche en 1848 par M. Alexis de Gabriac, secrétaire de l’Ambassade de France à Vienne 27.9.1848. Direction politique », fol. 320.
  • [7]
    Expression de Saint-René Taillandier dans un article de la Revue des deux mondes de 1843.
  • [8]
    AAE, MD, Allemagne 1848-1851 « Mémoire de Monsieur Paul de Bourgoing sur la situation politique de l’Europe daté du 16 juillet 1848 », vol. 163, f. 50.
  • [9]
    ibid., fol. 51.
  • [10]
    AAE, MD. Autriche 1814-1851, vol. 52, fol. 167.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    Le terme « Allemagne » est employé par les différents protagonistes de l’époque – parlement de Francfort, Confédération germanique, État prussien, ainsi que les diplomates français.
  • [13]
    Comme toutes les cartes sur les nationalités réalisées durant cette première moitié du xixe siècle (Labbé 2007).
  • [14]
    Il avait été chargé de la question du partage du grand duché du Luxembourg en 1831 et 1839.
  • [15]
    AAE, MD. Danemark, Question des Duchés – 1858-1863, vol. 13, « Les intérêts en lutte dans la question des Duchés, 1859 », fol. 286.
  • [16]
    Ibid., fol. 465.
  • [17]
    AAE, MD. Danemark. Question des Duchés, 1864-1870, vol. 15, fol. 112.
  • [18]
    Ibid., fol. 116.
  • [19]
    AAE, MD. Danemark. Question des Duchés, 1858-1863, vol. 13, « mai 1862. Examen du projet de séparation du Slesvig en partie danoise et partie allemande », fol. 416.

1À la fin du xixe siècle, et surtout après la Première Guerre mondiale, les cartes ethnographiques étaient des instruments inséparables des expertises savantes associées aux négociations diplomatiques. Alors que ces usages ont été bien étudiés, on s’est peu intéressé à leur émergence, au xixe siècle, dans le sillage des mouvements des nationalités et de la consolidation des États nationaux. Comment les cartes sont-elles devenues des instruments faisant autorité dans les règlements des conflits nationaux ? Pourquoi s’y réfère-t-on pour tracer une frontière, diviser ou annexer un territoire ? Ces questions conduisent à remonter jusqu’aux évènements de 1848, période décisive au cours de laquelle on voit apparaître les premières cartes ethnographiques en Europe centrale et orientale, dans un contexte politique reconfiguré par les mouvements nationaux.

2Les revendications nationales qui éclatèrent au printemps 1848 s’exprimèrent par de multiples modes d’écriture, mais aussi dans des cartes, support qui donnait forme à leurs projets d’unification dans un espace politique structuré par les principes dynastiques. Simultanément, elles firent surgir une incertitude nouvelle sur les contours d’une Europe rétablie dans les frontières des monarchies par les traités de 1815. Alertant gouvernements et diplomaties étrangères, elles les incitèrent à produire d’autres cartes ou à reprendre celles des cartographes patriotes, mais pour appuyer des visions officielles. Ce sont celles des diplomates français qui sont ici étudiées, telles qu’on en trouve mention dans les dépêches et les mémoires écrits durant cette courte période prise dans l’étau des événements qui se succèdent – soulèvements révolutionnaires et nationaux, effondrement des anciens régimes, répressions et restaurations. L’analyse sera précédée d’une présentation des principales cartes, allemandes et autrichiennes, qui ont été les références des diplomates étrangers ; et cette circulation des cartes soulèvera la question des usages.

3On étudiera d’abord comment productions et usages des cartes s’entrecroisent dans une même approche discursive de la carte, qui met en avant les caractères évaluatifs propres aux images graphiques, vecteurs d’énoncés politiques. Cette approche s’inscrit dans la perspective ouverte par les travaux de John Brian Harley (2001) qui, dans les années 1980, renouvela l’histoire de la cartographie en rompant avec l’approche traditionnelle de la carte, vue comme une médiation neutre, reflet d’une réalité à laquelle elle se serait ajustée selon un progrès continu. L’horizon de la déconstruction dessiné par cette approche a été dépassé par des travaux d’histoire des sciences qui envisagent la carte comme construction de l’espace, mais dans une double perspective – cognitive et politique (Gugerli et Speich 2002). À cette problématique, cet article ajoute la question des usages, comme une séquence qui produit aussi le sens des objets, et qui participe donc aux effets de pouvoir de la carte. En 1848 ces usages se situaient dans le registre de la représentation politique, c’est-à-dire de la mise en présence du pouvoir par l’image. Dans cette même conjoncture on trouve aussi un second et nouvel usage diplomatique de la carte, ici instrumental, dans le sens où il est dirigé vers une prise d’une décision, en l’occurrence la division d’un territoire, celui du Schleswig. Un même contexte fait coexister ces deux types d’usage politique, référentiel et instrumental de la carte, et nous invite à rechercher dans leur articulation les prémices des usages extensifs des cartes ethnographiques dans les négociations internationales.

Les premières cartes des nationalités et les mouvements politiques de 1848

4Les premières cartes des nationalités sur l’Europe centrale et orientale apparaissent dans les années 1840 sous des titres divers – carte des nationalités, carte ethnographique ou linguistique (voir tableau ci-après). Ces travaux, principalement allemands et autrichiens, bien qu’ils composent un groupe thématique homogène, reflètent encore la variété des activités savantes de ce premier milieu du xixe siècle : cartes signant les engagements patriotiques de sociétés locales, ou cartes officielles réalisées par un bureau de statistique, cartes réalisées par des auteurs se rattachant tantôt à la statistique, tantôt à la géographie ou à la philologie. Elles appuyaient aussi des orientations politiques différentes autour des nouveaux enjeux nationaux, la principale distinction séparant ici les travaux allemands et autrichiens (Labbé 2007).

Cartes des nationalités en Europe centrale et orientale des années 1840 (par ordre chronologique)

– Pavel Šafa?ik : « Vue du pays slave », Prague, 1842.
– Karl Bernhardi : « Carte linguistique de l’Allemagne », Kassel, 1844.
– Heinrich Berghaus : « Carte ethnographique de la monarchie autrichienne », Gotha, 1845.
– Josef Hauefler : « Carte linguistique de la monarchie autrichienne », Pesth, 1846.
– Heinrich Kiepert : « Carte des nationalités de l’Allemagne », Weimar, 1848.
– Heinrich Berghaus : « L’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique, et la Suisse : différences nationales, linguistiques et dialectales », in Atlas, Gotha, 1845-1848.
– Karl von Czoernig : « Carte ethnographique de la monarchie autrichienne », Vienne, 1848-1849.
– Peter von Koeppen : « Carte ethnographique du Gouvernement de Saint-Pétersbourg », Saint-Pétersbourg, 1849.

5Au cœur des projets cartographiques allemands se trouve la question de l’édification d’un État national allemand. Réalisées à l’écart des institutions officielles, académies ou administrations, ces cartes, dont les dates d’édition s’échelonnent de 1844 à 1848, sont les supports d’un énoncé politique : le projet d’unification politique de l’espace allemand. Projet à advenir qu’elles représentent, ce qui veut dire ici rendre présent dans l’ordre graphique de la carte quelque chose qui est absent dans l’ordre politique. Cette représentation, dispositif de mise en présence par l’image, apparaît avec une grande évidence sur les cartes, qui font ressortir au centre de l’Europe, au moyen de procédés cartographiques divers (surfaces colorées, traits et liserés d’épaisseurs variables) la présence massive et compacte d’une « Allemagne », que seul le titre dénomme (illustration 1).

Illustration 1

Carte linguistique de l’Allemagne de Karl Bernhardi (1844)

Illustration 1

Carte linguistique de l’Allemagne de Karl Bernhardi (1844)

Source : Karl Bernhardi, Sprachkarte von Deutschland, Kassel, Verlag J. J. Bohné, 1843-1844.

6Ce territoire n’est cependant pas imaginaire, il se superpose presque intégralement avec celui de la Confédération allemande. Dans cet espace reconnaissable, chaque auteur avait projeté des limites qui étaient rarement représentées, celles des langues et des dialectes. Il se référait pour cela à une classification linguistique, issue de travaux philologiques faisant autorité, d’où était tiré un nombre variable de modalités. La carte linguistique de Karl Bernhardi, philologue et bibliothécaire, distingue neuf langues, mais l’allemand seul a été subdivisé en dialectes, de même la carte du géographe Heinrich Berghaus représente la répartition de vingt-quatre dialectes allemands. Ces cartes donnent ainsi la priorité à la représentation des dialectes, dont la variété se déploie au sein de la seule langue allemande, et de cette manière, elles rendent visible l’unité de la nation sur le territoire. Guidé par le regard, mais aussi par la lecture, l’observateur de la carte est conduit à cette image unifiée de l’espace germanique. Les auteurs ont d’ailleurs fait figurer, en marge de leur carte, un petit tableau donnant la division dialectale de la langue allemande, qui lie ainsi la juxtaposition spatiale des dialectes au schéma arborescent d’une classification linguistique qui les fait remonter à une seule langue, la « souche allemande » (illustration 2). Le principe généalogique qui organisait alors l’étude des langues, était ainsi utilisé par les cartographes pour construire une unité que l’image d’espaces particuliers assemblés dans le cadre de la carte ne pouvait, selon eux, à elle seule restituer.

Illustration 2

Extrait de la légende de la carte des nationalités de Heinrich Berghaus (1848)

Illustration 2

Extrait de la légende de la carte des nationalités de Heinrich Berghaus (1848)

Source : Heinrich Berghaus, Deutschland, Niederlande, Belgien und Schweiz : National-, Sprach-, Dialect-Verschiedenheit, Gotha, J. Perthes, 1848.

7Linguistiques par leur titre et leur objet, ces travaux cartographiques s’inscrivaient dans la tradition philologique allemande, discipline qui détenait dans la première moitié du xixe siècle une position dominante dans l’approche des faits culturels et qui, à partir des années 1830, affirmait de plus en plus une vocation nationale (Werner 2006). Le modèle philologique dictait les choix méthodologiques des cartographes allemands qui privilégiaient l’analyse critique de textes anciens. Les données nécessaires à la représentation des espaces linguistiques provenaient donc de sources « littéraires », et non d’enquêtes. Ces cartes étaient ainsi adossées à un volumineux appareil de sources – dictionnaires toponymiques, récits de voyages, chroniques, etc., que chaque auteur citait scrupuleusement comme autant d’indices d’un travail d’érudition critique attestant de la validité de la carte.

8Les cartes autrichiennes furent réalisées dans le même environnement savant et intellectuel que les cartes allemandes mais, à plusieurs égards, elles en diffèrent, et c’est bien la matrice étatique qui les sépare. Étranger aux projets des cartographes allemands, leur thème est celui de la multinationalité. Le projet le plus exemplaire de cette tradition autrichienne fut celui du Bureau impérial de statistique qui fit paraître, à Vienne en 1849, « La carte ethnographique de la monarchie autrichienne », carte monumentale, réalisée sous la direction de Karl von Czoernig, nommé à la tête de ce bureau (Labbé 2004). Composée de quatre grandes planches, cette carte représentait, dans les frontières de la monarchie, la distribution de dix-neuf groupes nationaux (illustration 3).

Illustration 3

Carte ethnographique de la monarchie autrichienne de Karl von Czoernig (1848-1857)

Illustration 3

Carte ethnographique de la monarchie autrichienne de Karl von Czoernig (1848-1857)

Source : Karl von Czoernig, Ethnographische Karte der Oesterreichischen Monarchie, Vienne, K. K. Direction der administrativen Statistik, k. militär. geogr. Institut, 1855.

9Résultat de l’agrégation de trois cent six cartes représentant au total cent mille localités, en taille comme en détail, cette carte surpassait tous les précédents travaux cartographiques allemands et autrichiens. Bien qu’elle ait été décidée au début de la décennie 1840, sa date de parution n’est pas anodine, elle venait clore la période insurrectionnelle marquée par les soulèvements nationaux. La monarchie autrichienne, menacée d’éclatement, était rétablie par les armes dès la fin de l’année 1848. Paraissant au seuil de la période dite du néoabsolutisme, la carte célébrait ce rétablissement dans une vaste fiction colorée. En représentant les nationalités dans un festival de couleurs et un grand luxe de détails, elle devait dire, au contraire de la répression et des affrontements, leur coexistence harmonieuse au sein de l’Empire. Étrange objet donc que cette carte monumentale, dissimulation d’une domination politique reconquise par l’ordre dynastique sur celui des revendications nationales, mais aussi exhibée comme la figure emblématique et analogique d’un empire consolidé sur l’ordre des nationalités. Seul l’enjeu, mis en lumière par sa mise en contexte, peut faire comprendre ce paradoxe. Il était double, d’une part politique : la carte apparaît dans un contexte qui porte le thème de l’unification allemande, ainsi que les revendications des mouvements italien, tchèque et hongrois, sur le devant de la scène politique internationale, et elle doit répondre aux discrédits que représente, aux yeux des États étrangers, un régime dynastique et multinational. Il était, d’autre part, cartographique dans la mesure où ce discrédit était médiatisé et donc, pour partie, construit en creux par les cartes allemandes alors éditées, et dont la réputation était déjà établie par leur circulation dans des revues et autres écrits. La carte du Bureau impérial de statistique autrichien, premier exemple de carte ethnographique officielle, était une réponse à la mesure de ce double enjeu : elle voulait donner à voir l’unité d’un État multinational et concilier, au lendemain des événements de 1848, la multinationalité avec l’unité et la stabilité politiques.

10Si les cartes autrichiennes étaient de préférence qualifiées d’ethnographiques, et non pas de linguistiques, cette différence n’était pas fortuite pour les auteurs. Le thème de leur représentation – l’unité de la nation allemande d’un côté, la multinationalité de l’Empire autrichien, de l’autre – ne suffit pas à l’expliquer ; le renvoi à des traditions savantes distinctes sépare aussi les deux catégories de travaux. Les auteurs autrichiens ne se référaient pas au modèle philologique. En qualifiant leurs cartes d’ethnographiques, ils renvoyaient à une autre tradition allemande, celle de la statistique dite universitaire, conceptualisée au xviiie siècle dans les enseignements des professeurs de Göttingen, notamment August Ludwig Schlözer, et qui avaient connu une large diffusion en Europe centrale (Ducreux 2005). Schlözer définissait la statistique par rapport à l’histoire : cette dernière rendant compte sur un mode chronologique de la succession des événements passés, la statistique s’intéressait aux faits tels qu’ils s’agencent dans le présent. Suivant cette orientation méthodologique, il avait défini « l’ethnographie » comme une méthode permettant d’ordonner des faits sur la genèse des peuples, en complément de la méthode géographique qui décrivait la répartition des « peuples » dans l’espace (Stagl 1995). C’est dans cette filiation que Czoernig déclarait inscrire son travail cartographique, renvoyant à « l’ethnographie historique » et à « l’ethnographie statistique », à laquelle il rattachait sa carte (Czoernig 1857 : IX). Le rappel de cette référence est importante parce qu’elle éclaire le choix du critère de la nationalité et, par delà, celui des données utilisées pour la fabrication de la carte. Pour les cartographes allemands la langue était le seul critère de la nationalité ; les auteurs autrichiens, en revanche, défendaient une conception plus étatique de la langue, considérant que cette dernière était un élément important de la nationalité, mais pas exclusif et donc insuffisant. En conséquence de cela, ils préconisaient, sous le genre de l’ethnographie, une approche synthétique, croisant une variété de caractères issus d’autres sources. À la différence des cartographes allemands, Czoernig avait fait procéder à des enquêtes pour recueillir, à l’échelle de l’Empire, les données nécessaires à la fabrication de la carte. Cela tenait évidemment au cadre institutionnel de sa réalisation, qui s’appuyait de surcroît sur une administration impériale héritière d’une longue tradition en matière de recensement. Le Bureau avait ainsi fait relever, en 1846, dans les registres de population, la langue des habitants, et en vue de l’édition finale de la carte, il fit enregistrer la nationalité lors du recensement de la population en 1850-1851.

11Par delà leurs différences, un trait commun rapproche ces cartes allemandes et autrichiennes : qu’elles défendent un régime à transformer, ou bien à conserver, elles représentent un espace politique légitime parce qu’unifié, et cela à partir de la mise en ordre qu’elles construisent graphiquement. Mise en ordre d’une diversité politique et nationale qui semblait y faire obstacle : où régnaient aux yeux du néophyte, l’enchevêtrement et le chaos – que celui-ci eût pris pour la cause des troubles politiques – était alors substituée une diversité réorganisée dans le cadre de la carte. Énonçant un projet politique d’unification, d’une nation ou d’un empire multinational, ces premières cartes participent à un dispositif de représentation politique, qui met en œuvre une dimension autoréférentielle instituant un pouvoir – à la fois objet représenté et sujet représentant (Marin 1981). Instruments du politique, ces cartes le sont en tant qu’objets discursifs qui délimitent et structurent l’espace possible pour des actions (Lascoumes et Le Galès 2004 : 12-16), mais elles ne servent pas encore d’opérateurs à cette action.

Les cartes ethnographiques comme nouvelles cartes diplomatiques

12Si toute carte est un modèle réduit d’une réalité complexe et hétérogène (Jacob 1992), préalable matériel à une action politique ou de connaissance, alors ces cartes des nationalités doivent être aussi considérées comme autant de réductions d’espaces politiques qui ont pu être insérées dans des pratiques mais aussi dans une circulation. Elles se diffusèrent dans l’espace allemand et autrichien comme l’attestent très tôt les références qui y sont faites dans des revues (Labbé 2007), mais aussi au-delà, à la faveur des événements politiques de 1848 qui intensifièrent circulation de l’information et prise d’écriture à travers toute l’Europe. D’où l’intérêt porté aux milieux diplomatiques français qui, traditionnellement occupés à la collecte d’informations sur les États étrangers, faisaient face durant cette période à des incertitudes sur le devenir politique de l’Europe centrale et sur ses frontières. Dans les mémoires et notes diplomatiques qui furent rédigés sur ces régions, les références à des cartes s’avèrent cependant peu nombreuses ; la différence est frappante avec les usages extensifs qui seront faits plus tard, au xxe siècle, de l’expertise cartographique par la diplomatie. Le moment 1848 apparaît plutôt comme celui de la mise en place de ces usages ; en étant attentif à la place des cartes dans ces courriers diplomatiques et à leur spécificité par rapport aux autres formes d’écriture convoquées dans les argumentaires, il peut ainsi être étudié comme un moment privilégié pour cerner les conditions de ce changement.

13Entièrement tournée vers la recherche de solutions, cette nouvelle diplomatie qui veut « décider selon les faits » n’interroge pas la construction des cartes qu’elle utilise, a fortiori d’origine étrangère. Plus que d’autres supports d’informations, les cartes apparaissent ainsi dotées d’une autonomie propre, ici renforcée par leur caractère modulaire qui les rend disponibles pour des insertions dans des argumentaires variés, non envisagés par leur auteur. La réception de la carte dans la lecture diplomatique met en évidence cette double particularité des objets cartographiques, d’un côté la polysémie de l’image graphique mais, d’un autre, des effets structurants propres. Cette réception s’inscrit aussi dans un travail interprétatif qui en modifie parfois profondément le sens qu’en donnaient leurs auteurs. En outre, la conjoncture politique interne à la France est marquée, durant les années 1848-1849, par des changements gouvernementaux qui furent autant de retournements de la politique étrangère se répercutant sur les conditions de cette lecture. Les caractères propres à la diplomatie ne pouvaient qu’affecter le sens donné à ces cartes, car, supports d’informations destinées à pallier une situation d’incertitude, elles s’inscrivaient dans un horizon d’action dont les finalités étaient le plus souvent de nature dichotomique – soutenir ou non un régime, un mouvement politique, décider d’une intervention armée. La réception des cartes de l’Autriche et d’Allemagne est à la fois différente et inversement corrélée : les références aux cartes sur la monarchie autrichienne sont associées à des inquiétudes sur la disparition d’une puissance européenne, celles aux cartes allemandes appuient, au contraire, une crainte vis-à-vis de la formation d’une nouvelle puissance. Ces références sont néanmoins scandées par une même chronologie politique, elles apparaissent dans les mémoires diplomatiques après la dissolution du gouvernement provisoire, quand Jules Bastide succéda à Alphonse de Lamartine le 10 mai 1848 au poste de ministre des Affaires étrangères.

La carte de la monarchie autrichienne dans les mémoires diplomatiques

14Rédigés par le personnel diplomatique, les mémoires, peu nombreux, adressés au ministère durant l’année 1848 sont signés par deux auteurs : Paul de Bourgoing et Alexis de Gabriac. Le premier a déjà une longue carrière, de plus de trente ans, dans la diplomatie. Ancien ambassadeur en Russie et en Allemagne, il démissionne en mars 1848 (comme une grande part du personnel diplomatique lié à la monarchie de Juillet) mais continue à se présenter comme un spécialiste de l’Europe centrale. À ce titre, il transmet des rapports et produit divers travaux – ouvrages, cartes, mémoires, notes – qui le maintiennent dans les cercles diplomatiques, et sont autant de moyens pour attester de ses connaissances et de ses réseaux informateurs sur la région. Le second est un plus jeune diplomate ; arrivé à Vienne comme secrétaire d’ambassade en 1847, il possède une expérience moindre sur la région.

15L’opinion qui domine dans les écrits diplomatiques de cette année 1848, et cela dès les premiers soulèvements du mois de mars (Birke 1960 : 142-143), prévoit la disparition de l’Empire autrichien avec la chute du régime habsbourgeois : « L’Autriche tombe en lambeau », écrit en juillet 1848 Bourgoing dans un mémoire sur la « situation politique de l’Europe » ; pour en juger au mieux, la carte est, selon lui, un support indispensable :

16

« Il est de toute impossibilité de se faire une idée juste des causes qui bouleversent l’Empire autrichien si l’on n’a pas eu sous les yeux une carte représentant bien clairement la répartition des différentes nationalités [1]. »

17Il renvoie à deux cartes qu’il a jointes au mémoire [2] :

18

« J’ai dû joindre au présent mémoire deux cartes ethnographiques, l’une en langue allemande, l’autre imprimée à Prague en langue tchèque ou bohême et qui l’une et l’autre sont absolument indispensables pour se former une idée exacte des ardentes inimitiés qui se manifestent entre les populations si diverses formant la monarchie autrichienne et qui menacent […] de la détruire de fond en comble [3]. »

19À l’instar des cartographes autrichiens et allemands, la carte est utilisée par Bourgoing comme une représentation ; telle une réduction de l’Autriche, elle doit être placée sous le regard évaluateur du destinataire. En persuadant de l’utilité de la carte jointe à son mémoire, l’auteur sert aussi son rôle d’intermédiaire et d’informateur ; la mention de ses sources redouble ce message :

20

« [La carte de Bohême] que je présente ici a pour auteur Šafa?ik, l’un des plus savants philologues de l’université de Prague [4]. »

21La carte de Pavel Czoernig Šafa?ik, ici citée, « Vue du pays slave » (Slovanský Zem?vid), parue à Prague en 1842, avait déjà acquis, à cette date, une grande réputation dans l’espace allemand et autrichien. Elle était devenue une référence incontestée et exclusive pour tous les autres cartographes, y compris Czoernig, pour représenter la distribution des « Slaves » en Europe. L’autre carte, qui n’est pas nommée dans le mémoire, devait être la « Carte linguistique de la monarchie autrichienne » de Josef Hauefler, parue à Pesth en 1846, travail d’un lettré autrichien, et qui représentait à cette date, peu avant que soit achevée la carte du bureau de statistique, la première représentation des nationalités.

22À première vue, les usages diplomatiques des cartes ethnographiques d’Europe centrale mettent en œuvre une conception traditionnelle de l’utilité de la carte pour les gouvernants – leur communiquer des informations et de manière claire – la carte étant un support pour faciliter cette transmission. Elle doit orienter une action jugée « raisonnée », ici en l’occurrence une décision de soutien politique et militaire, « selon l’intérêt de la France ». Comme l’ont souligné les historiens de la cartographie (Harley 2001 ; Jacob 1992), la carte agit également comme une image rhétorique, elle comporte des éléments persuasifs et transmet une vue idéologique de la division du monde. Pour saisir ces effets de la carte, il faut ajouter une autre hypothèse à ces travaux théoriques, celle d’un discours de la carte qui ne réside pas entièrement dans l’intention et les représentations du cartographe, mais dans sa réception.

23Agents d’une politique étrangère et au service de la politique de puissance poursuivie par les États européens, ces diplomates expriment d’abord leur contentement à la nouvelle de l’effondrement du régime de Metternich, auteur honni des traités de 1815. Ils font ainsi écho à la déclaration de Lamartine dans sa célèbre circulaire du 4 mars traçant la voie d’une nouvelle politique étrangère : « Les traités de 1815 n’existent plus en droit aux yeux de la République française. » Même dans l’appréhension face à l’incertitude politique, quelques mots au détour d’une phrase fixent la retraite politique de la monarchie habsbourgeoise de la scène internationale. C’est ainsi que Bourgoing écrit de manière ambivalente sa crainte de la voir descendre « du rang élevé qu’elle occupait en Europe depuis tant de siècles » [5]. Il s’agit de disqualifier l’Empire comme régime politique, de sorte qu’il revête, sous la plume du diplomate, la figure inoffensive d’un passé révolu. Gabriac attribue les soulèvements politiques aux caractères propres de la monarchie habsbourgeoise, « dont l’existence politique et sociale aussi bien que l’unité apparente, n’étaient dues qu’à la bureaucratie, à la censure, à l’organisation militaire, à l’administration financière » [6]. Cette manière de discréditer le régime autrichien permet aussi de contourner la question des revendications politiques et nationales. Précautions de la diplomatie française, déjà présentes dans la circulaire de Lamartine, mais qui s’accentuent après la dissolution du gouvernement provisoire, quand celle-ci retrouve une position conservatrice et se désolidarise résolument des mouvements nationaux. Les mémoires des agents à l’étranger révèlent davantage encore cette défaveur envers les mouvements nationaux (Birke 1960 : 141) et décrivent les affrontements nationaux en termes d’« inimitiés » irréductibles, leur déniant toute légitimité politique. Absence chez eux aussi de toute référence au mouvement tchèque et au « Congrès slave » organisé le 1er mai 1848, à Prague, en écho au Parlement de Francfort (Marès 2005). Gabriac et Bourgoing envoyèrent leurs mémoires après que le mouvement tchèque ait été violemment réprimé par les troupes du général Windischgrätz en juin 1848, mais aussi au cours d’une période d’incertitude marquée par l’avancée des insurgés dans d’autres parties de l’Empire, puis les rudes défaites infligées par l’armée aux mouvements nationaux à Prague, Milan, puis en Hongrie. Conformes à la finalité du mémoire diplomatique, les auteurs avançaient une solution politique : non pas soutenir la disparition de la monarchie autrichienne de l’échiquier européen, mais qu’elle revête le modèle d’une monarchie constitutionnelle et fédérale. Maintien donc d’un État multinational, mais pour conjurer la menace que représenterait à leurs yeux son partage entre ces deux puissances, l’Allemagne unifiée et la Russie.

24La perspective d’un rattachement à la Russie des territoires habités par les nationalités slaves ou d’une Autriche qui, coupée des populations allemandes, deviendrait « un empire slave » [7], constitue la crainte principale de ces diplomates. Sourds aux programmes politiques des libéraux tchèques, croates ou autres, leurs mémoires brandissent la figure idéologique d’une « puissance slave » menaçante qu’ils désignent dans cette figure analogique que leur renvoient, en miroir, cartes et statistiques. Bourgoing écrit ainsi :

25

« La carte ethnographique que je joins ici montre dans quelle minime proportion les populations allemandes se trouvent vis-à-vis des autres races dont cet Empire est formé [8]. »

26Se référant aux statistiques sur la part des groupes nationaux, il conclut :

27

« On voit au premier coup d’œil à quel point l’élément slave domine dans la Monarchie autrichienne [9]. »

28Le mémoire « Études politiques sur l’Autriche en 1848 » qu’adresse Gabriac en septembre 1848 comporte également une partie statistique sur les nationalités de l’Empire, qu’il ponctue de ses commentaires sur leurs rapports différentiels et spatiaux :

29

« Les Slaves forment la grande majorité […]. Ce qui frappe dans [leur] répartition, c’est qu’ils sont disséminés dans presque toutes les provinces de l’Empire et qu’ils entourent en quelque sorte, celles où se trouvent les Allemands [10]. »

30Que ces auteurs se référent ou non à une carte précise, ils raisonnent toujours dans l’espace d’une carte ethnographique, où ils mettent en scène un affrontement réduit à celui des « Allemands » et des « Slaves » (Birke 1960 : 142), à l’ombre de leur menace démographique. Certes, ils reprennent des pensées courantes et se coulent dans l’imaginaire, plus impérialiste que national hérité du siècle précédent, des élites politiques et lettrées, allemandes, françaises ou anglaises, projetant sur l’Europe orientale et centrale la figure d’une altérité européenne infériorisée sur l’échelle de la « civilisation » (Wolff 1994). Pour les délégués allemands de Francfort comme pour les diplomates français, la conquête et la domination politique se trouvaient, en dernier ressort, justifiées, non par le principe des nationalités, mais par celui de « civilisation » (Vick 2002). Rendant compte du peuplement de l’Autriche en termes de « races » plutôt que de « nationalités » – manière encore de délégitimer des revendications politiques – Gabriac poursuit la description de son tableau de l’Empire dans les termes d’un registre déjà ouvert en France :

31

« La question de la conquête acquiert aujourd’hui une grande importance. Il est donc bon de savoir que parmi les grandes races et leurs subdivisions, il n’y en a que deux qui puissent être considérées comme conquérantes et par conséquent maîtresses du pouvoir. Ce sont : la race germanique, en tête, et la race Magyare, c’est-à-dire la minorité qui gouverne [11]. »

32Le discours cartographique des diplomates français s’écarte ainsi de celui des cartographes autrichiens qui soulignaient, au contraire, l’équilibre des nationalités au moyen de la carte. Faut-il en déduire que l’interprétation guidée par les usages décide en dernier ressort du message cartographique, qu’il existe autant de cartes que de lectures de celle-ci ? Cette variété est toutefois canalisée par une même vision du monde : l’équilibre des nationalités de Czoernig est dans un ordre des choses, qui n’est pas celui du droit naturel mais est plus proche du droit historique, et qui conserve l’idée de la supériorité d’une culture allemande incarnée dans l’histoire habsbourgeoise (Labbé 2004). Nul besoin pour les diplomates français d’adhérer à une conception hégélienne de l’histoire pour partager cette vue. Pour convaincre du soutien à apporter à l’Autriche, ils puisent dans les motifs traditionnels du maintien de l’Autriche dans l’ordre européen. Dans une note, Gabriac attire l’attention sur « l’importance de conserver une monarchie autrichienne […] qui serve de pont pour la propagation dans l’Est des grands principes du progrès et de la civilisation modernes » (datée du 15 juin 1848, citée par Birke 1960 : 141).

La carte autrichienne dans le regard des libéraux français : entre la diplomatie et l’académie

33À partir de 1849, suite au rétablissement du régime habsbourgeois qui s’oriente dans un premier temps dans la voie de réformes politiques, les diplomates français affichent une confiance renouvelée dans le régime monarchique, et soulignent, tout au contraire des écrits précédents, l’unité de l’Empire. La référence aux cartes ethnographiques devint corrélativement plus rare, excepté pour une seule d’entre elles, la carte de Czoernig, qui, dans des circonstances singulières, fut même exposée. En 1850, elle fut en effet présentée à l’Académie des sciences morales et politiques à Paris à l’occasion de la lecture du rapport d’un membre de l’académie, Gustave de Beaumont de la Bonninière (1850), sur la nouvelle constitution autrichienne, dite de Stadion, du nom du ministre sous lequel elle fut achevée en 1849. Bien qu’elle ne fût pas encore appliquée – elle sera dès l’année suivante abrogée par l’empereur François-Joseph – elle avait donné lieu à la parution d’un Bulletin officiel des lois de l’empire d’Autriche, qui avait été imprimé, selon les nouveaux décrets constitutionnels, dans dix langues parlées dans l’Empire. Ce plurilinguisme juridique était suffisamment singulier pour que Beaumont le soulignât. Il se justifiait à ses yeux par la situation linguistique de l’Empire habsbourgeois : pour que la loi soit comprise et appliquée, il convenait qu’elle soit édictée dans les différentes langues parlées dans l’Empire. Par-delà cette mesure linguistique, Beaumont voulait surtout rendre hommage à la nouvelle constitution autrichienne, qui lui semblait la réponse juridique aux revendications nationales. Pour tempérer peut-être les effets d’un propos qui eût été trop favorable à ce premier droit des nationalités, au cours de ce même exposé Beaumont attirait aussi l’attention de ses condisciples sur « [les] développements singuliers que prend l’élément allemand, répandu dans toutes les parties de la monarchie autrichienne, et dont on se fera une juste idée, si l’on veut jeter un coup d’œil sur la grande carte ethnographique que je remets en ce moment à l’Académie ». C’est ainsi qu’on retrouve le même usage de la carte qui est de signaler, de manière factuelle et donc indiscutablement, l’ancrage allemand de l’Empire, non plus pour alerter mais pour rassurer des auditeurs sur « un grand gouvernement qui s’avance sagement, mais résolument dans la voie des réformes », un gouvernement qui reste donc allemand. Au cours de son exposé, Beaumont avait aussi précisé dans quelles circonstances il avait reçu la carte autrichienne : « [elle] m’a été donnée par l’un des hommes d’État les plus éminents d’Autriche, M. Bach, ministre de l’Intérieur de l’Empire. » Le fait étrange que ce soit le ministre de l’Intérieur qui lui ait remis la carte prend sens à la lumière d’autres circonstances qui ne sont pas évoquées dans le compte rendu de l’académie : entre septembre et décembre 1849, Beaumont était ambassadeur à Vienne, et c’est au cours de ce séjour que la carte autrichienne lui fut remise. Un bref séjour, mais qui mérite d’être rapporté, car ni la carrière diplomatique, ni un attachement particulier pour l’Autriche ne l’avaient à eux seuls motivé. Beaumont avait été envoyé à Vienne par Alexis de Tocqueville, alors ministre des Affaires étrangères (depuis octobre 1848), avec lequel il était lié par une longue amitié. Tous deux s’étaient ralliés à la révolution de 1848, mais ces « républicains modérés », ou par résignation, gardaient comme modèle les institutions politiques anglaises et américaines. Leurs convictions libérales les portaient plus à défendre les réformes des institutions politiques que les revendications politiques portées par la rue, et c’est dans cet esprit qu’ils participèrent à la rédaction de la nouvelle constitution de la IIe République. La diplomatie venait se surajouter à leurs carrières académiques et parlementaires en satisfaisant un intérêt à la fois savant et politique pour les réformes des institutions politiques étrangères. Le régime autrichien qui s’engageait vers la voie d’une monarchie constitutionnelle ne pouvait qu’éveiller ce double intérêt de l’ambassadeur et de l’académicien qu’était Beaumont.

34Au cours de l’exposé de Beaumont la carte ethnographique semblait tenir le rôle secondaire de l’illustration, mais il est plus exact de dire qu’elle remplissait toujours une fonction de représentation : ce n’était pas plus la carte de Czoernig que du bureau de statistique, ou même d’Alexandre Bach qui n’était qu’un médiateur, c’était la carte ethnographique de la monarchie autrichienne. La carte sert de nouveau de « portrait de la monarchie » dont il faut multiplier, au lendemain des soulèvements de 1848, les preuves de son rétablissement, et donc les signes d’unité, d’où ce retour de l’usage de la carte dans la représentation politique. Après l’Académie des sciences en 1850, elle fut apportée à l’exposition universelle de Paris en 1855. Puis, elle fut présentée sous une forme définitive accompagnée de la publication d’un ouvrage en trois volumes lors du congrès international de statistique qui se tint à Vienne en 1857 (Labbé 2004).

Le conflit du Schleswig-Holstein : la carte dans les négociations diplomatiques

35Les usages diplomatiques des cartes de l’Allemagne différèrent de ceux des cartes de l’Autriche. Ces cartes étaient liées à un conflit, qui, entremêlant selon l’enchaînement caractéristique des revendications de 1848, antagonismes sociaux et nationaux, opposa l’Allemagne [12] et le Danemark autour des duchés du Schleswig et du Holstein, petits territoires frontaliers au peuplement mélangé. Les liens dynastiques qui rattachaient les duchés à la couronne danoise leur ménageaient une autonomie relative à laquelle mit fin, en mars 1848, la décision du régime monarchique d’incorporer le duché du Schleswig au Danemark. En révolte contre cette décision, la population allemande mit en place un gouvernement provisoire, face auquel le régime danois réagit par l’occupation du Schleswig. Le gouvernement provisoire proclama son rattachement à la Confédération germanique, et à ce titre demanda son soutien militaire. La Prusse envoya des troupes qui, victorieuses, occupèrent à leur tour le Schleswig. Avec l’intervention prussienne, le conflit prit une tournure internationale : en vertu des traités d’assistance réciproque mis en place en 1815, les puissances signataires se saisirent de la question ; la Grande-Bretagne, attentive à contrebalancer le soutien apporté par la Russie à la monarchie danoise, proposa sa médiation puis conduisit les négociations jusqu’à la signature d’un armistice, en août 1848, ouvrant une trêve dans cette première crise du Schleswig-Holstein des années 1848-1850.

36Dès les premiers mois de ce conflit, des matériaux cartographiques et statistiques commencèrent à se diffuser dans les milieux diplomatiques et politiques. Deux catégories de cartes des nationalités se trouvèrent ainsi en présence : des cartes à l’échelle de l’Allemagne – du type de celles qui ont été précédemment décrites – et d’autres, régionales, représentant les duchés du Schleswig-Holstein. Ces cartes, pourtant dissemblables, se trouvèrent associées par les mêmes enjeux politiques.

La proposition de la diplomatie britannique : diviser le Schleswig selon le rapport des nationalités

37Dans le cadre des négociations qu’il était chargé d’orchestrer, le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, Henry Temple Palmerston, proposa une solution encore inhabituelle dans les milieux diplomatiques : diviser le duché du Schleswig selon les nationalités. L’éventualité était aussi mise en avant par certains dirigeants allemands, mais elle revêtit un caractère officiel quand Palmerston la présenta dans une dépêche qu’il adressa le 19 mai 1848 à l’ambassadeur prussien à Londres, Christian Karl von Bunsen, et dans laquelle il lui proposait :

« Que le Duché du Schleswig soit divisé en deux parties selon le caractère national de ses habitants, que la partie méridionale ou allemande […] devienne membre de la Confédération germanique, et que la partie nord ou danoise soit constitutionnellement incorporée au Royaume du Danemark. »
(Wambaugh 1920 : 874-875)
Palmerston disposait de cartes ; il se référait en particulier à une carte établie par un auteur allemand, Johann Kutscheit, datée de 1848, « La carte des Duchés du Schleswig, Holstein et Lauenburg sur les différences nationales et linguistiques des habitants » (Hjelholt 1965 : 141). Elle n’était pas la première carte linguistique de la région, une carte datant de 1838 avait été réalisée par un autre cartographe allemand, Franz Geerz (illustration 4).

Illustration 4

Carte linguistique du Schleswig-Holstein de Geerz (1838)

Illustration 4

Carte linguistique du Schleswig-Holstein de Geerz (1838)

Source : Franz Geerz, Karte zur Uebersicht der Grenzen der Volks- und Kirchen-Sprachen im Herzogthume Schleswig, Euten und Kiel, 1838 (in Wambaugh 1920 : 133).

38Ces cartes – travaux non officiels comme la plupart des cartes de cette période – avaient été dressées à partir d’informations sur les langues (allemand, danois et frison) employées dans les écoles et les églises. Recueillies à l’échelle des paroisses, souvent dans les registres de population, à des fins d’administration locale, ces informations étaient centralisées dans le cadre de dénombrements. Mais, fait à première vue étonnant, alors que les informations cartographiées se prêtaient à une délimitation fine d’aires linguistiques, Palmerston n’envisageait pas d’utiliser ces cartes dans son plan de division, leur préférant les données statistiques :

39

« En ce qui concerne la manière de tracer une telle ligne […], je suggérerais [que ce soit] en référence à des faits statistiques connus ou vérifiables. »
(Wambaugh 1920)

40Palmerston entendait que soient utilisées les sources statistiques sur la population ou que soit réalisée une enquête spécifique, afin que le partage se fasse selon la règle majoritaire, car les deux communautés, précisait-il, « ne sont pas localement séparées par une ligne qui les diviserait exactement l’une de l’autre, aussi la ligne de démarcation […] ne peut séparer que des majorités » (ibid.). La règle majoritaire devait ainsi s’appliquer pour qu’une frontière soit tracée linéairement dans un territoire où le mélange des langues semblait compromettre toute division territoriale stable. Deux autres motifs expliqueraient ce choix : les cartes disponibles n’avaient pas été réalisées à partir de données sur les populations, elles représentaient l’étendue du territoire des langues en usage. Elles n’étaient en outre nullement statistiques [13], ne figuraient pas des grandeurs dans l’espace (Palsky 1996), permettant à la règle majoritaire d’être appliquée.

41La proposition de Palmerston fut présentée aux belligérants, sans qu’elle puisse être discutée, car, dans l’imminence d’un conflit armé plus général, les négociations se concentrèrent sur les territoires que chacun était prêt à libérer militairement et à concéder par la suite. Retrouvant le langage courant de la négociation diplomatique, celui des transactions et des limites territoriales, les protagonistes traçaient des lignes entre deux points de la carte qui délimitaient l’espace des échanges possibles et des plates-formes à céder ou à gagner : la ligne qui va de Flensborg à Husum, deux villes stratégiques situées sur la côte, se trouva au cœur de ce rapport de force diplomatique. La négociation échoua, le gouvernement danois soutenu par la Russie et la Suède revint sur son accord et rejeta tout principe de division du Schleswig. Le plan de Palmerston fut abandonné au profit d’une solution juridique, prévoyant des aménagements constitutionnels pour garantir l’autonomie des duchés.

42Cet épisode diplomatique, quoique inabouti, reste cependant très éclairant sur les conditions de la mise en place d’une médiation qui prit les traits d’une expertise nouvelle, celle qui associait des cartes des nationalités à des négociations. Certes, Palmerston les utilisait d’abord comme des arguments qui étaient exposés aux représentants danois et prussiens, dans une optique de persuasion.

43La nouveauté dans cet usage diplomatique des cartes résidait dans leur « instrumentation » (Lascoumes et Le Galès 2004). Il fut certes plus argumentaire qu’opérationnel, les statistiques, autrement dit une décision indexée aux nombres, étant jugées plus à même de répondre au projet de division de Palmerston. La préférence pour l’instrument statistique, faisait aussi écho au modèle politique de la souveraineté nationale qui s’imposa dans le moment 1848. Elle s’exprimait par la mise en avant de cette autre procédure politique de décision qu’était le plébiscite – mesure « du vœu des populations ». Avant de donner son assentiment au plan de Palmerston, la Prusse avait d’abord demandé l’organisation d’un plébiscite au Schleswig pour décider de son rattachement à la confédération germanique. Palmerston s’y était opposé, le gouvernement danois davantage encore, qui l’associait, comme les autres monarchies en place, aux mouvements révolutionnaires. Le procédé de Palmerston de diviser le Schleswig selon les statistiques de population était donc aussi un compromis. Toujours est-il que le principe des nationalités qui conduisait à faire appel à des statistiques, des cartes ou un plébiscite, dans des revendications politiques, conservait encore une connotation menaçante pour les monarchies dynastiques qui lui refusaient une assise légitime dans les négociations diplomatiques. Palmerston lui-même n’en était pas un défenseur résolu, il agissait en diplomate conforté par des expériences antérieures de médiateur [14]. Il incarnait plutôt une diplomatie britannique marquée par l’ascension des libéraux, moins soucieux de protéger les dynasties régnantes que d’assurer et d’accroître la puissance commerciale britannique. Créer un espace européen pacifié était l’objectif que Palmerston poursuivait en utilisant, en précurseur, le principe des nationalités pour régler sur une base stable et efficace les rapports internationaux. Son profil préfigure ainsi celui des experts du siècle suivant.

44Ces premières négociations diplomatiques, qui restèrent sans lendemain, ont néanmoins ouvert la voie à un nouvel usage instrumental des cartes ethnographiques. Quand le conflit ressurgira dans les années 1863-1864, sous ce qui constituera alors la seconde crise du Schleswig-Holstein, le principe de division sera accepté par tous les États, qui négocieront désormais sur des tracés possibles de la frontière sur la base des cartes linguistiques du Schleswig-Holstein. Cartes et statistiques sont désormais appréciées comme les modèles réduits et simplifiés de cette réalité régionale jugée complexe, et remplissent les mémoires diplomatiques. Au scepticisme encore affiché par un agent diplomatique français en 1859 qui écrit : « Nous ignorons si la question des Duchés contient une solution, mais si cette solution existe, nous avouons ne pas l’apercevoir [15] », les mémoires rédigés dans les années 1863-1864 répondent avec une assurance retrouvée : « Dans cette question, les faits parlent d’eux-mêmes et la conclusion est facile à tirer [16]. » Un autre renchérit : « Si on avait apporté le calme dans ce débat, la solution du problème des destinées du Sleswig aurait pu cependant se réduire à une question de statistiques [17] », et conclut : « C’est à tracer une division au travers du Slesvig en suivant la limite exacte des nationalités que nous nous sommes appliqués dans la carte ci-jointe [18]. »

45Dans la seconde moitié du xixe siècle, la carte fait désormais autorité comme mode de présentation factuelle des espaces nationaux offrant ainsi des lignes de division possible pour une décision. Cette autorité est d’ailleurs acquise au prix d’une confiance dans leur usage (Porter 1995) : plus celui-ci progresse, moins il n’est fait mention de la fabrication des cartes et de leur fiabilité ; à l’instar des statistiques, la réduction cartographique s’appuie sur des règles et des arbitrages qui sont autant de boîtes noires (Desrosières 1993).

46C’est aussi à la faveur du conflit du Schleswig que se diffusent dans les milieux diplomatiques les cartes de l’Allemagne des années 1840, réalisées dans l’élan patriotique et national du Vormärz. Leur usage par la diplomatie française, dont la mobilisation sur ce conflit frontalier lointain peut à première vue surprendre (Jennings 1971), s’éclaire dans la mise en relation de cette province dans l’espace de la carte avec les frontières de la France.

Les usages politiques de la carte d’Allemagne : construire des équivalences territoriales

47Évaluée au prisme des catégories politiques du moment, la proposition de Palmerston était inacceptable pour la plupart des États qui apportèrent leur soutien à la monarchie danoise. La France les rejoignit, mais pour des motifs différents. Son soutien ne fut d’abord pas immédiat. Tant que Lamartine se trouvait à la tête de la diplomatie française, son gouvernement se conformait aux positions des socialistes et des révolutionnaires : l’occupation du Schleswig par les troupes prussiennes était vue comme une intervention destinée à secourir des populations résistant contre l’incorporation danoise. Suite au retournement conservateur de la IIe République en mai 1848, ce soutien marque le pas, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Bastide, manifeste une suspicion croissante à l’encontre du mouvement national allemand. À la déception qui se répand dans l’opinion publique française au rythme des nouvelles qui font connaître les orientations expansionnistes du parlement de Francfort, fait écho la méfiance qui s’empare de la diplomatie française face à l’émergence de la nouvelle puissance. La position de Bastide sur le conflit du Schleswig en est la traduction : dans un même élan, il apporte son soutien au régime danois, condamne l’intervention de la Prusse et rejette la proposition de division de Palmerston. Rien de plus courant que ces retournements d’alliance dans la diplomatie, mais celui-ci a ceci de particulier qu’il relie dans un même discours des prises de position, à savoir la nouvelle politique étrangère de la France et le rejet du principe des nationalités, avec la menace d’un expansionnisme allemand et l’unification allemande. Ces nouvelles orientations de la politique étrangère mettent ainsi en résonance la question du Schleswig avec des territoires frontaliers français, l’Alsace et la Lorraine notamment, dans une équivalence à la fois politique et géographique. Ainsi, en juin 1848, Bastide écrit à l’agent diplomatique français établi à Berlin :

48

« Sous le rapport de la nationalité, on ne saurait raisonnablement dire que le Slesvig est Allemand parce que la langue allemande s’y est introduite […]. On parle aussi l’Allemand en Alsace, en Lorraine, en Suisse, en Courlande et en Livonie. Sera-ce un motif pour que l’Allemagne veuille s’incorporer l’Alsace et la Lorraine, les cantons allemands de la Suisse, la Courlande et la Livonie [19] ? »

49Les courriers de Bastide ne font pas référence à des cartes de l’Allemagne. Mais en écho à ses propos, un article qui paraît peu de temps après, dans le journal La Réforme, renvoie lui à une carte, en jouant sur ces équivalences territoriales :

50

« Nous voyons en effet qu’il y a assez de raison pour que la République soit sur ses gardes contre l’unité germanique sous un César. Nous ne pourrons empêcher de rappeler ici le territoire, déjà ébauché par les Allemands du nouvel Empire germanique. On y voit figurer, outre les duchés du Danemark, encore le Limbourg et l’Alsace. Une carte publiée à Francfort a déjà placé cette dernière province et une partie de la Lorraine derrière la limite de la grande patrie germanique. »
(La Réforme 1848)

51L’efficacité de la carte déborde son image : elle n’est pas reproduite dans le journal, mais sa référence doit suffire à convaincre le lecteur de la menace qu’elle porte. Un an plus tard, lors d’un débat à l’Assemblée nationale sur la politique étrangère de la France, en juin 1849, le général Cavaignac renchérit selon le même procédé sur ce sujet :

52

« Je ne crois pas que la diète de Francfort ait jamais pensé à réclamer l’Alsace et la Lorraine ; mais ce que je sais, c’est qu’au centre même du gouvernement de la diète, une carte géographique fut dressée […]. Cette carte comprenait ces deux provinces françaises dans la puissance germanique […]. »
(Le Moniteur universel 1849 : 2166)

53Sans la citer, ces références évoquent la carte de Bernhardi qui était à cette date la plus connue. Elle avait aussi cette particularité de ne pas faire figurer les frontières politiques, elle indiquait seulement les contours des aires linguistiques, si bien que des territoires étrangers se trouvaient inclus dans l’ensemble dénommé « Allemagne ». Lorsqu’elle fut entreprise dans les années 1830-1840, elle n’avait pas dans l’esprit de l’auteur, et pas davantage dans celui des sociétés d’histoire locale par l’entremise desquelles elle fut réalisée, cette finalité expansionniste et politique. Mais on voit bien comment elle fut, par l’événement, chargée d’un contenu politique, aussi bien dans sa réception allemande que française.

54* * *

55Vecteur des revendications politiques et espace pour en inscrire les contours, dans les couleurs de l’imaginaire patriotique du cartographe, ou de l’ordre des choses du monarque, les cartes ethnographiques qui furent réalisées dans la conjoncture courte tracée par 1848 ont aussi pénétré la diplomatie, plus traditionnellement habituée aux missions et aux rapports d’observation de ses agents. En dépit des enjeux politiques, les usages de ces cartes, médiateurs nouveaux et anonymes de la politique étrangère, restèrent rares, comme freinés par une prudence qui contraste avec l’évidence routinière des périodes ultérieures. En repérant deux types d’usage de ces cartes, liés à des registres différents de l’action politique – ordre de la représentation ou outils de gouvernement, ce sont les conditions intellectuelles d’une expertise par les cartes qui ont été historiquement précisées. Ainsi en amont de leur recours, deux préalables s’imposaient : que décider selon les faits de nationalités soit légitime, et que la carte soit reconnue comme un mode d’établissement des faits. En 1848-1849 les diplomates restaient encore timorés dans les usages des cartes, mais les références aux « nationalités », « slaves », « races », qui organisaient leurs discours, composaient déjà des faits indiscutables, qui faisaient écho à ceux des cartes ethnographiques. En dernier ressort, ce furent les statistiques de population, et non les cartes, qui furent considérées comme décisives dans les négociations, les cartes ne représentant pas à cette date la nationalité comme un fait de population. Gouverner par les cartes fut aussi étroitement corrélé à l’apparition d’un type de pouvoir – un pouvoir impersonnel qui se substitue au jugement individuel (Porter 1995), mais qui s’enracine aussi dans des contextes historiques précis, comme celui de 1848. Face aux régimes absolutistes défaillants et contestés, la déclaration de l’ambassadeur prussien, « ce ne sont pas les diplomates qui diviseront mais ce sont les populations qui seront entendues », ouvrait la voie au nouveau pouvoir, indiscutable, des cartes.

Ouvrages cités

  • Beaumont de la Bonninière, Gustave. 1850. « Bulletin officiel des lois de l’Empire d’Autriche », in Compte rendu de l’Académie des sciences morales et politiques. Paris, impr. de Panckoucke.
  • Birke, Ernst. 1960. Frankreich und Ostmitteleuropa im 19. Jahrhundert. Cologne, Böhlau.
  • Czoernig (von), Karl. 1857. Ethnographie der oesterreichischen Monarchie. Vienne, K.-K. Hof- und Staatsdruckerei.
  • Desrosières, Alain. 1993. La politique des grands nombres. Histoire de la raison statistique. Paris, La Découverte (Textes à l’appui).
  • Ducreux, Marie-Élizabeth. 2005. « Langue et Histoire. L’Europe centrale entre l’érudition et la tradition 1760-1810 (ou : quelques réflexions autour de Schlözer, Herder, Dobrovsky et Dobner) », in Frédéric Barbier (éd.), Est-Ouest : Transferts et réceptions dans le monde du livre en Europe (xviie-xxe siècles). Leipzig, Leipziger Universitätsverlag : 263-283.
  • Gugerli, David et Daniel Speich. 2002. Topografien der Nation : Politik, kartografische Ordnung und Landschaft im 19. Jahrhundert. Zurich, Chronos.
  • Harley, John Brian. 2001. The new Nature of Maps. Essays in the History of Cartography. Baltimore, The Johns Hopkins University Press.
  • Hjelholt, Holger. 1965. British Mediation in the Danish-German Conflict 1848-1850. Copenhague, Munksgaard.
  • Jacob, Christian. 1992. L’empire des cartes. Approche théorique de la cartographie à travers l’histoire. Paris, Albin Michel (Bibliothèque Albin Michel).
  • Jennings, Lawrence C. 1971. « French Diplomacy and the First Schleswig-Holstein Crisis », French Historical Studies, vol. 7, n° 2 : 204-225.
  • Labbé, Morgane. 2004. « La carte ethnographique de l’empire autrichien : la multinationalité dans “l’ordre des choses” », Le Monde des cartes, Revue du Comité français de cartographie, n° 180 : 71-83.
  • — 2007. « Die Grenzen der deutschen Nation : Raum der Karte, Statistik, Erzählung », in Étienne François, Jörg Seifarth et Bernhardt Struck (éd.), Die Grenze als Raum, Erfahrung und Konstruktion. Deutschland, Frankreich und Polen vom 17. bis 20. Jahrhundert. Francfort, Campus Verlag : 293-319.
  • Lascoumes, Pierre et Patrick Le Galès. 2004. « L’action publique saisie par les instruments », in P. Lascoumes et P. Le Galès (éd.), Gouverner par les instruments. Paris. Presses de Science po (Collection académique) : 11-44.
  • Marès, Antoine. 2005. Histoire des Tchèques et des Slovaques. Paris, Perrin (Tempus).
  • Marin, Louis. 1981. Le portrait du roi. Paris, Minuit (Le Sens commun).
  • Le Moniteur universel. 1849. Séance du 25 juin.
  • Palsky, Gilles. 1996. Des chiffres et des cartes. Naissance et développement de la cartographie quantitative française au xixe siècle. Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques.
  • Porter, Theodore. 1995. Trust in Numbers : the Pursuit of Objectivity in Science and Public Life. Princeton, Princeton University Press.
  • La Réforme. 1848. 10 août.
  • Stagl, Justin. 1995. « A. L. Schlözer and the Study of Mankind according to Peoples », in J. Stagl, A History of Curiosity : the Theory of Travel, 1550-1800. Chur, Harwood Academic Publishers : 233-268.
  • Vick, Brian. 2002. Defining Germany : the 1848 Frankfurt Parliamentarians and National Identity. Cambridge, Harvard University Press.
  • Wambaugh, Sarah. 1920. A Monograph on Plebiscites with a Collection of Official Documents. New York, Oxford University Press.
  • Werner, Michael. 2006. « Le moment philologique des sciences historiques allemandes », in Jean Boutier, Jean-Claude Passeron et Jacques Revel, Qu’est-ce qu’une discipline ? Paris, EHESS (Enquête) : 171-191.
  • Wolff, Larry. 1994. Inventing Eastern Europe : the Map of Civilization on the Mind of the Enlightenment. Stanford, Stanford University Press.

Date de mise en ligne : 19/10/2007

https://doi.org/10.3917/gen.068.0025

Notes

  • [1]
    Archives du ministère des Affaires étrangères (par la suite AAE), Série Mémoires et Documents (MD). Allemagne 1848-1851, vol. 163, « Mémoire de Monsieur Paul de Bourgoing sur la situation politique de l’Europe daté du 16 juillet 1848 », fol. 50.
  • [2]
    Ces cartes conservées dans un fond distinct en cours d’inventaire, n’étaient pas jointes au mémoire, il n’a donc pas été possible de les identifier.
  • [3]
    AAE, MD. Allemagne 1848-1851, vol. 163, fol. 40.
  • [4]
    Ibid., fol. 50.
  • [5]
    Ibid., fol. 40.
  • [6]
    AAE, MD, Autriche 1814-1851, vol. 52, « Études politiques sur l’Autriche en 1848 par M. Alexis de Gabriac, secrétaire de l’Ambassade de France à Vienne 27.9.1848. Direction politique », fol. 320.
  • [7]
    Expression de Saint-René Taillandier dans un article de la Revue des deux mondes de 1843.
  • [8]
    AAE, MD, Allemagne 1848-1851 « Mémoire de Monsieur Paul de Bourgoing sur la situation politique de l’Europe daté du 16 juillet 1848 », vol. 163, f. 50.
  • [9]
    ibid., fol. 51.
  • [10]
    AAE, MD. Autriche 1814-1851, vol. 52, fol. 167.
  • [11]
    Ibid.
  • [12]
    Le terme « Allemagne » est employé par les différents protagonistes de l’époque – parlement de Francfort, Confédération germanique, État prussien, ainsi que les diplomates français.
  • [13]
    Comme toutes les cartes sur les nationalités réalisées durant cette première moitié du xixe siècle (Labbé 2007).
  • [14]
    Il avait été chargé de la question du partage du grand duché du Luxembourg en 1831 et 1839.
  • [15]
    AAE, MD. Danemark, Question des Duchés – 1858-1863, vol. 13, « Les intérêts en lutte dans la question des Duchés, 1859 », fol. 286.
  • [16]
    Ibid., fol. 465.
  • [17]
    AAE, MD. Danemark. Question des Duchés, 1864-1870, vol. 15, fol. 112.
  • [18]
    Ibid., fol. 116.
  • [19]
    AAE, MD. Danemark. Question des Duchés, 1858-1863, vol. 13, « mai 1862. Examen du projet de séparation du Slesvig en partie danoise et partie allemande », fol. 416.

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