Genèses 2004/3 no56

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Article de revue

L'administration de la preuve : des sciences expérimentales à l'histoire des sciences

Pages 148 à 162

Notes

  • [1]
    On se reportera à l’article de Dominique Pestre, « Pour une histoire sociale et culturelle des sciences. Nouvelles définitions, nouveaux objets, nouvelles pratiques », Annales. Histoire, sciences sociales, n° 3, 1995, pp. 487-522.
  • [2]
    Pour une présentation des différents courants de la sociologie des sciences, on peut notamment consulter : Dominique Vinck, Sociologie des sciences, Paris, Armand Colin, 1995 ou Olivier Martin, Sociologie des sciences, Paris, Nathan, 2000.
  • [3]
    Peter Galison, How Experiments End, Chicago, University of Chicago Press, 1987, 330 p. (trad. fr., Ainsi s’achèvent les expériences : la place des expériences dans la physique du xxe siècle, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », série « Anthropologie des sciences et techniques », 2002, 334 p.). Dans ce qui suit, les citations sont extraites de l’édition française. De cet auteur, aujourd’hui professeur d’histoire des sciences et de physique à l’université de Harvard, on peut également lire Image and Logic : A Material Culture of Microphysics, Chicago, University of Chicago Press, 1997 et Einstein’s Clocks, Poincaré’s Maps. Empires of time, New York, W. W. Norton and Company, 2003.
  • [4]
    Michel Atten, Les théories électriques en France, 1870-1900. La contribution des mathématiciens, des physiciens et des ingénieurs à la construction de la théorie de Maxwell, thèse nouveau régime d’histoire des sciences, École des hautes études en sciences sociales (EHESS), 1992.
  • [5]
    Créé en 1958 au sein de l’EHESS.
  • [6]
    Il est notamment l’auteur de : Physique et physiciens en France, 1918-1940, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 1985 [rééd. 1992] ; Louis Néel, le magnétisme et Grenoble : récit de la création d’un empire physicien dans la province française : 1940-1965, Paris, CNRS, 1990 ; Science, argent et politique. Un essai d’interprétation, Paris, Inra, coll. « Sciences en questions », 2003.
  • [7]
    D. Pestre, « Pour une histoire sociale… », op. cit.
  • [8]
    Sur ce même thème, et toujours en langue française, sont notamment également disponibles : Steven Shapin et Simon Schaffer, Leviathan and the Air-Pump. Hobbes, Boyle, and the Experimental Life, Princeton, Princeton University Press, 1985 (trad. fr., Leviathan et la pompe à air. Hobbes et Boyle entre science et politique, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », série « Anthropologie des sciences et des techniques », 1993) ; Christian Licoppe, La formation de la pratique scientifique. Le discours de l’expérience en France et en Angleterre (1630-1820), Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », série « Anthropologie des sciences et des techniques », 1996.
  • [9]
    Voir Michel Callon et Bruno Latour (éd.), La science telle qu’elle se fait. Anthologie de la sociologie des sciences de langue anglaise, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », série « Anthropologie des sciences et des techniques », 1991.
  • [10]
    David Bloor, Knowledge and Social Imagery, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1976 [réed. 1991] (trad. fr., Sociologie de la logique ou Les limites de l’épistémologie, Paris, Pandore, 1983).
  • [11]
    M. Atten et D. Pestre, Heinrich Hertz…, op. cit., p. 9.
  • [12]
    Sur la découverte scientifique, et sa reconnaissance en tant que telle, on se reportera aux réflexions très stimulantes d’Augustine Brannigan : The Social Basis of Scientific Discoveries, Cambridge, Cambridge University Press, 1981 (trad. fr., Le fondement social des découvertes scientifiques, Paris, Puf, 1996).
  • [13]
    P. Galison, Ainsi s’achèvent les expériences…, op. cit., p. 14.
  • [14]
    Harry M. Collins, Changing Order. Replication and Induction in Scientific Practice, Londres, Sage, 1985 [réed. 1992]. Du même auteur on pourra également lire l’ouvrage de vulgarisation : Harry Collins et Trevor Pinch, The Golem : What Everyone Should Know About Science, Cambridge, Cambridge University Press, 1993 (trad. fr., Tout ce que vous voudriez savoir sur la science, Paris, Seuil, coll. « Points sciences », 2001).
  • [15]
    De cet auteur, P. Galison cite à la fois La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1949, p. 18 et Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, 1969, p. 50 dans Ainsi s’achèvent les expériences…, op. cit., p. 254.
  • [16]
    Pour une critique de cette grille d’analyse, on pourra se reporter à Andrew Pickering, « Beyond Constaint : the Temporality of Practice and the Historicy of Knowledge », in Jed Buchwald (éd.), Scientific Practice : Theories and Stories of Doing Physics, Chicago, University of Chicago Press, 1995, pp. 42-55. P. Galison et A. Pickering entretiennent depuis longtemps des débats sur les manières d’interpréter les sciences. P. Galison présente son étude sur les courants neutres, comme une réponse à l’ouvrage d’A. Pickering : Constructing Quarks : A Sociological History of Particle Physics, Chicago, University of Chicago Press, 1984.
  • [17]
    Sur l’importance du rôle joué par la confiance accordée aux personnes que l’on connaît personnellement dans la constitution des savoirs, voir Steven Shapin, A Social History of Truth : Civility and Science in Seventeenth-Century England, Chicago, University of Chicago Press, 1994.
  • [18]
    M. Atten et D. Pestre, Heinrich Hertz…, op. cit., p. 117.
  • [19]
    Il convient de noter ici que le raisonnement téléologique est au fondement de certaines conceptions de l’histoire des sciences.
  • [20]
    P. Galison, Ainsi s’achèvent les expériences…, op. cit., p. 86.
  • [21]
    Dans le dernier chapitre du livre, les auteurs écrivent : « Le travail de l’historien ne consiste toutefois pas à prétendre tout dire mais à régler le flot d’informations de façon à produire une histoire lisible » (p. 116). Contradiction ou nuance ?
  • [22]
    À moins qu’il ne faille interpréter ces propos introductifs comme une concession faite à la manière de considérer l’histoire la plus répandue chez les philosophes, à qui l’ouvrage est prioritairement destiné.
  • [23]
    Pierre Bourdieu, Science de la science et réflexivité. Cours au collège de France 2000-2001, Paris, Raisons d’agir, 2001.
  • [24]
    Michel de Fornel, Jean-Claude Passeron (éd.), L’argumentation. Preuve et persuasion, Paris, EHESS, coll. « Enquête », n° 2, 2002, p. 7. Cet ouvrage tente de remédier à ce déficit d’analyse en proposant, dans une perspective de comparaison interdisciplinaire, six études « d’épistémologie descriptive visant à identifier quelques-unes des opérations les plus caractéristiques de l’administration des preuves dans nos disciplines ».
  • [25]
    Voir notamment Bernard Lepetit (éd.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995 ; Jacques Revel, « Ressources narratives et connaissance historique », Enquête, n° 1, 1995, pp. 43-70 ; Roger Chartier, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude, Paris, Albin Michel, 1998 ; Gérard Noiriel, Sur la crise de l’histoire, Paris, Belin, 1996 ; Carlo Ginzburg, Rapports de force. Histoire, rhétorique, preuve, Paris, Seuil-Gallimard, coll. « Hautes Études », 2003, pp. 13-42 (introduction).
  • [26]
    Antoine Prost poursuit une réflexion sur ce thème au travers notamment de trois articles : « Histoire, vérités, méthodes. Des structures argumentatives de l’histoire », Le Débat, n° 92, 1996, pp. 127-140 ; « Mais comment donc l’histoire avance-t-elle ? », Le Débat, n° 103, 1999, pp. 148-153 ; « Argumentation historique et argumentation judiciaire », in M. de Fornel, J.-C. Passeron (éd.), L’argumentation…, op. cit., pp. 29-48.
  • [27]
    Bernard Lepetit, « Histoire des pratiques, pratique de l’histoire », in B. Lepetit (éd.), Les formes de l’expérience…, op. cit., p. 13.
  • [28]
    Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 2002 [1949].
  • [29]
    Sur ce thème, voir notamment Christopher Lawrence, Steven Shapin (éd.), Science incarnate : Historical Embodiments of Natural Knowledge, Chicago, University of Chicago Press, 1998.
  • [30]
    Voir, par exemple, Paul Benoît, Denis Cailleaux (éd.), Mines et métallurgie dans la France médiévale, Paris, Association pour l’édition et la diffusion des études historiques, 1991.
  • [31]
    Concernant la reproduction de la balance de torsion de Charles-Augustin Coulomb, instrument qui a permis de déterminer la loi de force électrique, voir Christine Blondel, Matthias Döries (éd.), Restaging Coulomb. Usages, controverses et réplications autour de la balance de torision, Firenze, Olschki, coll. « Biblioteca di Nuncius : studi e testi », 1994. Heinz Otto Sibum a, quant à lui, refait les expériences de James Prescott Joule sur l’équivalent mécanique de la chaleur : « Les gestes de la mesure. Joule, les pratiques de la brasserie et la science », Annales. Histoire, sciences sociales, n° 4-5, 1998, pp. 745-774.

1 L’histoire des sciences occupe, dans le champ historique, une place à part. Avant même de poursuivre, il convient de spécifier que, par sciences, s’entendent ici les sciences qualifiées bien souvent d’exactes ou de dures, la nécessité de préciser soulignant que la distinction radicale opérée avec ces autres sciences, dites humaines ou sociales, n’a rien d’une évidence. Cette singularité de l’histoire des sciences tient notamment au fait qu’en France comme dans les pays anglo-saxons, loin d’être le domaine propre des historiens, elle est, pour une large part, écrite par des scientifiques, des philosophes, des sociologues ou des anthropologues. Mon intention, dans ce qui suit, n’est ni d’expliquer cette situation, ni d’analyser comment et pourquoi l’étude des sciences du passé est devenue un objet d’investigation commun à ces différentes disciplines, ni de retracer la longue et tumultueuse histoire de leurs alliances ou de leurs dissensions et affrontements, ni encore de dresser un nouvel état des lieux de cette recherche foisonnante [1], encore moins de préciser de manière systématique les positions épistémologiques et les démarches propres aux programmes des différentes écoles ou chapelles [2].

2 L’objectif ici poursuivi est beaucoup plus restreint. Il est de profiter de la parution en 2002 de deux ouvrages en français pour illustrer, au-delà des programmes et des déclarations de principe, combien l’histoire des sciences, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, a su tirer parti de cette confrontation des disciplines, combien elle a renouvelé ses objets d’études autant que ses questionnements, mais aussi enrichi ses analyses des réflexions méthodologiques et des débats féconds suscités par les différentes approches en concurrence. À travers l’analyse de ces deux livres, c’est à l’histoire des sciences telle qu’elle se pratique que je souhaite m’intéresser. Les mises en œuvre des énoncés programmatiques et déclarations d’intention retiendront donc mon attention.

3 Le choix des deux ouvrages retenus ne prétend pas être représentatif de l’ensemble de la production récemment parue dans la totalité du champ. Le premier est la traduction d’un livre publié d’abord par les Presses de l’université de Chicago en 1987. Il est issu de la thèse de doctorat soutenue par son auteur, Peter Galison, au département d’histoire des sciences de Harvard. Intitulée « Ainsi s’achèvent les expériences : la place des expériences dans la physique du xxe siècle », cette traduction de l’anglais (États-Unis) a été réalisée par le physicien Bertrand Nicquevert, en relation étroite avec l’auteur, et accueillie dans la collection que dirigent Michel Callon et Bruno Latour depuis 1988 aux éditions La Découverte [3]. Trois études de cas, situées respectivement dans les années 1915-1925, 1930 et 1970, scandent cette recherche consacrée aux expériences de la microphysique du xxe siècle. Le second ouvrage résulte de la coopération de deux historiens français de la physique : Michel Atten et Dominique Pestre. Tandis que le premier est l’auteur d’une thèse sur les théories électriques en France à la fin du xixe siècle [4], le second, aujourd’hui directeur du Centre Alexandre Koyré [5], est spécialiste d’histoire de la physique du xxe siècle [6] et s’est employé à mieux faire connaître en France les travaux des historiens et sociologues des sciences anglo-saxons [7]. L’ouvrage qu’ils signent ensemble en 2002 a pour titre Heinrich Hertz. L’administration de la preuve et traite d’expériences relatives à des ondes électriques qui ont eu lieu dans le dernier quart du xixe siècle. Leur texte est paru dans la collection « philosophies » des Presses universitaires de France. Ce choix n’est assurément pas anodin : il suggère plutôt la volonté d’investir la discipline dominante du champ de l’histoire des sciences. Ce faisant, il la conforte, en même temps, dans sa position. Quant au format de poche, au prix modique et au nombre tant réduit que fixe de pages, imposés par la collection, ils indiquent la large diffusion attendue. Le style d’écriture adopté par les deux auteurs, particulièrement clair, sert la visée pédagogique de l’ouvrage.

4 Bien que les époques considérées et les temporalités prises en compte soient distinctes et bien qu’ils soient destinés, dans leur édition française, à des publics sensiblement différents, ces deux ouvrages possèdent plusieurs points communs. Le premier d’entre eux est qu’ils ressortissent tous deux à l’histoire de la physique expérimentale. Ce faisant, ils apportent des contributions à un domaine qui s’est considérablement développé depuis les années 1980 et qui est devenu emblématique du renouveau des manières d’écrire l’histoire des sciences. Focaliser l’attention sur l’analyse historique de l’expérimentation résulte en effet d’un parti pris méthodologique [8]. Le choix de l’expérimentation comme angle d’approche et centre d’intérêt marque une rupture dans l’historiographie de la physique, dans la mesure où il traduit la volonté d’en finir avec une réflexion historique et philosophique sur les sciences longtemps occupée quasi exclusivement de théorie. Considérant qu’au sein de l’activité des scientifiques, cette dernière a jusqu’ici été surreprésentée et survalorisée, que l’image donnée des sciences a été largement idéalisée, nombre des recherches récentes en histoire des sciences s’emploient désormais, à la suite d’enquêtes et réflexions sociologiques, à explorer le monde scientifique « tel qu’il est » et à appréhender la science « telle qu’elle se fait » [9]. Suivre par le détail la « science en train de se faire » a constitué le mot d’ordre de ces nouvelles recherches et le laboratoire est devenu l’espace privilégié des études sociologiques puis historiques, le point d’observation de l’activité des scientifiques, le terrain d’analyse des pratiques expérimentales. Que la théorie ne soit plus l’unique prisme à travers lequel soit lue l’histoire des sciences, tel est bien l’un des objectifs affichés de ces nouvelles enquêtes se proposant de livrer une vision plus réaliste des activités des scientifiques.

5 S’inscrivant dans cette dynamique, les deux ouvrages retenus témoignent du renouvellement tout à la fois du regard porté sur l’activité scientifique et des questionnements de la discipline. En faisant de l’établissement des « faits » scientifiques un objet d’histoire, les auteurs reprennent en effet à nouveaux frais la question de la preuve dans les sciences et y apportent des réponses fondées sur des enquêtes empiriques solides. S’attachant à décrire la construction des argumentations considérées comme convaincantes, ils s’emploient notamment à souligner la diversité et la variabilité des facteurs qui y participent. Soumettre ces travaux d’histoire des sciences à un traitement analogue à ceux qu’ils appliquent à la physique est une manière de prendre au sérieux leurs apports. C’est aussi mettre en application le « principe de réflexivité », un des quatre grands principes méthodologiques constituant le « programme fort » énoncés par le sociologue David Bloor [10], auteur dont se réclament explicitement M. Atten et D. Pestre [11]. Le « principe de réflexivité » veut en effet que les modèles explicatifs élaborés par la sociologie des sciences s’appliquent à elle-même. Questionnant les modalités de l’administration de la preuve par l’historien, je fixerai notamment mon attention sur la manière dont les pratiques des physiciens sont appréhendées.

L’établissement des « faits » scientifiques comme objet d’histoire

6 Au cœur des deux ouvrages se trouve une problématique commune qui touche aux modes de constitution des savoirs, plus particulièrement à l’établissement des « faits » expérimentaux et à l’administration de la preuve en physique. Ce type d’interrogation traverse déjà un grand nombre de travaux d’histoire des sciences. Contrairement à la plupart de leurs prédécesseurs et aux approches traditionnelles, ces auteurs font le choix de ne pas y répondre de manière théorique, de ne pas la traiter de façon abstraite et de considérer que la réponse n’a rien d’une évidence. Dans les débats épistémologiques, la question de ce qui fait preuve dans les sciences a notamment tracé la frontière entre deux camps retranchés, les « rationalistes » et les « relativistes ». Positionner les auteurs dans l’un de ces camps, leur attribuer d’emblée une étiquette serait réduire ces travaux à des positions caricaturales, renouer avec les anciens débats, raviver des polémiques devenues stériles en même temps que réactiver inutilement des procès d’intention. Il paraît préférable de s’en remettre à la manière dont les auteurs définissent eux-mêmes leurs présupposés et d’examiner la façon dont ils ont pu déplacer et affiner la question, la sortir de l’ornière dans laquelle elle se trouvait pour conduire leur recherche.

7 Comment les « faits » scientifiques sont-ils établis ? Qu’est-ce qui, à une époque donnée, emporte la conviction des physiciens ? Comment les savants sont-ils amenés à croire à la justesse d’un résultat ? Qu’est-ce qu’une argumentation convaincante ? Quels en sont les fondements et comment est-elle construite ? Qu’est-ce qui fait preuve ? De quelles natures sont les preuves apportées par les scientifiques ? Quels types de preuves sont jugés recevables par les collègues ? Ce sont là des questions communes aux deux ouvrages. Pour tenter d’y apporter des réponses, les auteurs optent, de la même façon, pour des études de cas fouillées et circonstanciées à partir desquelles ils se proposent d’analyser les modalités pratiques et concrètes d’élaboration des preuves et de certification des faits. M. Atten et D. Pestre choisissent d’appuyer leur réflexion sur un « micro-récit historique » (p. 12), sur une « analyse précisément située des énoncés et des actions entreprises pour maîtriser et penser les ondes de Hertz » (p. 6). Le point de départ de leur enquête est la publication en février 1888 par le physicien allemand Heinrich Rudolf Hertz (1857-1894) d’un article dans les Comptes rendus de l’Académie de Berlin, dans lequel ce professeur de physique expérimentale à l’université technique de Karlsruhe annonce avoir réussi à produire des ondes électrodynamiques se propageant à une vitesse finie, vitesse dont il fournit la mesure. Ce n’est pas une, mais trois études de cas que P. Galison entreprend de développer. Trois époques expérimentales sont ainsi successivement considérées, illustrant l’évolution des méthodes employées pour mieux connaître la structure de l’atome. La première étude de cas se situe dans le premier quart du xxe siècle et met notamment en scène Albert Einstein. La mesure du rapport gyromagnétique ou « facteur g » de l’électron accapare l’attention de ce physicien et l’oppose à des confrères, à une époque où les explicitations de la nature de l’infiniment petit se fondent sur des déductions à partir des propriétés macroscopiques de la matière. P. Galison porte ensuite son attention sur des expériences à petite échelle construites autour des rayons cosmiques et des matières radioactives dans les années 1920 et 1930, qui conduisent à la découverte d’une nouvelle particule élémentaire, le muon [12]. La troisième enquête est, quant à elle, centrée sur des expériences qui, dans les années 1970, s’appuient sur des accélérateurs géants de particules et aboutissent à la mise en évidence des courants neutres. Les principaux protagonistes en sont l’équipe européenne du projet Gargamelle et l’équipe américaine du Fermi National Accelerator Laboratory (Fermilab). Le choix de ces trois époques, mettant chacune en jeu une question expérimentale reconnue aujourd’hui comme décisive pour certains aspects de la microphysique, résulte en partie du fait qu’il s’agit également de trois situations au cours desquelles deux groupes de recherche se sont affrontés ou ont été en concurrence. « Leur manière différente d’aborder leur problème fait ressortir les méthodes caractéristiques avec lesquelles chacun élabore une démonstration convaincante » explique P. Galison [13], rejoignant sur ce point les nombreux historiens qui ont souligné tout l’intérêt, notamment du point de vue de la production de traces et de l’explicitation des enjeux, de l’étude des conflits ou les vertus de la comparaison. À travers ces trois études de cas, l’auteur entend chaque fois suivre et décrire au plus près la manière dont les convictions se forgent mais aussi interroger l’évolution, au cours du xxe siècle, des modalités de constitution d’un accord entre physiciens, examinant notamment « dans quelle mesure l’irrésistible évolution historique, qui a fait passer le laboratoire d’une paillasse à une usine, affecte la construction d’une argumentation convaincante « (p. V).

8 Parmi les présupposés communs à ces deux livres se trouve l’idée que l’administration de la preuve est un processus. Proches dans leur questionnement et dans la démarche adoptée pour y répondre, les deux livres se focalisent néanmoins sur deux moments différents de ce processus. Dans Ainsi s’achèvent les expériences, P. Galison choisit de centrer son analyse sur ce moment précis où il est décidé de mettre fin à une expérience. Ce faisant, son objectif est d’identifier les éléments (arguments, signaux, compétences, matériels, etc.) qui conduisent les expérimentateurs à prendre cette décision, à juger que les preuves recueillies sont suffisantes, à estimer qu’un résultat peut être énoncé. Les prémisses du choix d’un tel sujet sont notamment qu’il « n’existe pas de point de conclusion inhérent au processus expérimental » (p. 3), mais aussi que l’expérience ne se confond pas avec l’observation et ne se réduit pas non plus à une mise à l’épreuve de théories. P. Galison scrute plus particulièrement ce moment inéluctable dans l’élaboration d’un résultat où le mélange des divers composants se cristallise :

« À un certain point, les expérimentateurs en viennent à dire : « ceci est un effet réel, ce n’est pas un artefact du dispositif ni une bizarrerie de l’environnement». Au moment de cette affirmation, tout est soudainement posé sur la table : tout à la fois les règles de démonstration et les hypothèses sur les fonctionnements de l’instrument ; mais également la réputation des expérimentateurs et leur place respective dans la compétition du monde scientifique ».
(p. IX)
En définitive, il entreprend d’analyser comment concrètement « les expérimentateurs en arrivent à la conviction qu’il existe des neutrinos, des positons et des courants neutres » (p. 13). Pour en rendre compte, le récit de P. Galison adopte une forme proche de celle de la démonstration scientifique classique. Les trois enquêtes particulières sont introduites par un chapitre qui expose la problématique générale et discute les thèses de philosophes ou sociologues pour mieux définir le point de vue de l’auteur sur son objet d’étude et ses propres hypothèses. Tirant les enseignements des études de cas menées, deux chapitres conclusifs viennent clore l’ouvrage. Ils proposent l’un des réflexions sur la nature de l’évolution des démonstrations expérimentales, l’autre une grille d’analyse des relations entre expérience et théorie. Avec cette étude, P. Galison concentre ainsi son attention sur l’administration de la preuve au sein du laboratoire. Le parti pris retenu par M. Atten et D. Pestre est, quant à lui, différent. Dans la lignée des travaux d’Harry Collins [14], ils choisissent de ne pas rester confinés dans l’espace clos de l’atelier du physicien où sont produites les preuves, mais d’examiner leur réception, considérant que c’est leur acceptation par d’autres qui, pour une large part, instituent les preuves en tant que telles. C’est donc l’étape qui, dans le processus d’administration de la preuve, suit celle examinée par P. Galison qui est ici analysée de manière privilégiée, l’étude étant centrée sur les « lectures » que les preuves avancées par H. Hertz ont suscitées, sur les différentes modalités d’appropriation des résultats énoncés. Car, pour M. Atten et D. Pestre, « ce sont ces manières d’apprécier, dans le feu de l’action, les actes expérimentaux, les argumentaires et les hommes avec qui on débat qui disent ce que sont les systèmes effectifs de preuves » (p. 11). D’où ils déduisent que « c’est donc à partir des faires et des dires des « lecteurs » qu’il convient de juger de la force d’un argumentaire donné comme preuve » (p. 12). La structure narrative de l’ouvrage traduit cette conviction et lui donne forme, en déroulant chronologiquement une « analyse précisément située des énoncés et des actions entreprises pour maîtriser et penser les ondes de Hertz » (p. 6). Après un premier chapitre dans lequel sont exposées la nature des expériences réalisées par H. Hertz et les conclusions qu’il en tire, les six suivants sont consacrés à différents moments et lieux où, d’une manière ou d’une autre, des réactions à ces résultats se sont manifestées ou ont été exprimées. Les situations décrites sont sélectionnées pour leur capacité à illustrer des propositions plus générales sur l’administration de la preuve. Elles font office de pièces à conviction. Un dernier chapitre succinct offre un bilan réflexif de la démarche mise en œuvre par les auteurs et des résultats établis.

La construction collective des argumentations convaincantes

9 Ces deux ouvrages s’accordent sur nombre de leurs hypothèses et leurs résultats convergent sur plusieurs points. Il n’est possible ici que d’en évoquer quelques-uns.

10 L’hypothèse à la source de ces travaux consiste à rompre avec une vision idéalisée de la preuve qui aurait la forme d’une implication logique ou d’une démonstration mathématique, une preuve qui tirerait sa force de persuasion uniquement de sa valeur intrinsèque. Abordant l’administration de la preuve comme une activité humaine et pratique mettant en jeu des connaissances, les auteurs de ces ouvrages s’emploient à décrire la manière dont, en situation, les argumentations convaincantes se construisent. Processus complexe, la constitution des faits expérimentaux de la physique conjugue des éléments disparates, implique des instruments, des matériels, des collaborateurs, des jugements en situation, des négociations et des interactions entre chercheurs, autant d’éléments dont le rôle respectif exact est à définir dans chaque cas. « Notre propos n’est toutefois pas de dire qu’il n’y aurait ni rigueur ni « épreuve du réel» en ces matières » (p. 120) affirment, sans ambiguïté, D. Pestre et M. Atten. P. Galison ne les démentirait pas. L’analyse fine des contenus des savoirs – dont la lecture pour le néophyte est, il ne faut pas le cacher, parfois ardue – que proposent ces deux livres en apporte l’assurance.

11 La question de la relation qui peut exister entre expérience et théorie, abondamment débattue par les philosophes, taraude à son tour P. Galison. À travers les études de cas menées, il s’efforce chaque fois d’observer de quelle manière la théorie est impliquée dans le travail expérimental, de comprendre comment, pratiquement, expérience et théorie interagissent, montrant par ailleurs que chacune, et notamment l’expérimentation, dispose d’une part d’autonomie et de vie propre. P. Galison, et c’est là une des forces de son étude, ne se satisfait pas d’évoquer ces relations en termes vagues – influencer, orienter, jouer un rôle… – mais cherche à préciser la nature et l’importance des liens dont il avance l’existence, à en décrire les formes complexes. Pour qui veut mettre à jour les différents mécanismes qui relient le travail expérimental aux éléments de la théorie, il importe, selon lui, d’abandonner les schémas explicatifs classiques de relations univoques et déterminantes, pour considérer l’influence des théories en termes de contraintes exercées sur le raisonnement expérimental et d’envisager plusieurs niveaux :

« Parmi tous les niveaux de théories qui imposent les contraintes sur l’expérimentation figurent des croyances qui s’échelonnent depuis de grands principes métaphysiques englobants jusqu’à des modèles détaillés qui s’écrouleront bientôt au fil du temps ».
(p. 75)
Affinant son analyse, en prenant comme source d’inspiration La Méditerranée de Fernand Braudel [15], il propose, au final, de distinguer trois temporalités au sein du réseau de contraintes s’exerçant sur les pratiques expérimentales et les arguments : à long, moyen et court termes [16].

12 Dans sa première étude de cas, P. Galison montre comment les présuppositions théoriques qu’avait Einstein, en particulier la confiance qu’il manifestait dans la possibilité d’unifier plusieurs phénomènes de la physique, ou encore sa ferme croyance dans l’hypothèse de la validité du modèle de l’électron en orbite autour d’un noyau, ont pu conditionner sa façon de collecter les données, ou influer sur l’interprétation qu’il en donnait. En attirant l’attention sur une partie seulement des phénomènes qu’il est possible de considérer, en délimitant le champ des observations, en proposant une échelle de grandeur des effets à mettre en évidence, les présuppositions théoriques façonnent les procédures de mesure et les techniques d’interprétation. P. Galison évoque notamment cette pratique courante des expérimentateurs qui consiste à trier les données issues de l’expérience. Le choix d’éliminer des données, d’écarter certains résultats, peut être fondé sur le sentiment que les conditions d’une bonne observation n’ont pas été réunies, qu’ils ne sont pas fiables ou qu’ils ne conviennent pas parce qu’ils ne sont pas conformes aux attentes a priori de l’expérimentateur, à ce qu’annonce la théorie ou pour une autre raison. La collecte des données, loin d’être un enregistrement passif, met ainsi en jeu la capacité de juger des expérimentateurs. À l’encontre d’une vision de la science dans laquelle toute intervention humaine serait proscrite, P. Galison rappelle que

« de tels jugements, fondés sur l’action conjointe de l’expérience et de la théorie, ne sont pas des caractéristiques d’une « mauvaise» méthode d’expérimentation. Ils font partie intégrante de l’entreprise expérimentale ».
(p. 75)
Au cours de son enquête sur les courants neutres, P. Galison démontre par ailleurs comment la machine porte aussi des présuppositions théoriques préalables qui y sont matériellement incorporées (p. 259).

13 Que les théories auxquelles on adhère aient également un rôle à jouer dans la manière non plus par laquelle les résultats expérimentaux sont produits mais dont ils sont reçus, c’est ce que mettent en évidence M. Atten et D. Pestre. Ils relèvent ainsi que les plus prompts à être persuadés de la validité des résultats de H. Hertz, et à réagir à l’article qu’il avait fait paraître, lui réservant même un accueil très chaleureux, furent les défenseurs britanniques de la théorie du physicien écossais James Clerk Maxwell (1831-1879), précisément parce qu’ils estimaient que les expériences de Hertz apportaient une preuve expérimentale confirmant leur hypothèse fondamentale, à savoir que « les ondes transversales de lumière sont des ondes électrodynamiques » (p. 25). Avant même d’avoir tenté d’en vérifier les résultats, par la réplication des expériences, les maxwelliens britanniques ont ainsi applaudi aux travaux de Hertz.

14 Ce qui ressort également de cet exemple, comme des études de cas menées par P. Galison, c’est que ce qui convainc les expérimentateurs n’est pas nécessairement ce qui convainc les théoriciens, mais aussi que la conviction est affaire de degrés. L’examen de situations où le doute s’insinue, où les premières convictions établies se fissurent et conduisent à la remise en cause de résultats se révèle à cet égard instructif. Les deux ouvrages illustrent abondamment le fait que si beaucoup d’individus peuvent, à une époque donnée, être convaincus par un résultat expérimental, les raisons que chacun a d’y croire sont loin d’être identiques. Dans son étude sur la découverte du muon, P. Galison, analysant plus particulièrement les facteurs qui entrent en ligne de compte dans la définition de ce qui fait preuve pour le groupe des expérimentateurs, souligne le poids des traditions ou styles expérimentaux dans la force de persuasion de certains types de preuves. D’un laboratoire à l’autre, des traditions expérimentales distinctes se développent, caractérisées notamment par des savoir-faire acquis par les scientifiques dans la manipulation de certains instruments ou appareils. Ces traditions instrumentales sont transmises par apprentissage sur le tas d’une génération de scientifiques à la suivante. Les dynamiques de développement de ces traditions instrumentales ont des temporalités qui ne coïncident pas avec celles des théories ; des pratiques expérimentales peuvent ainsi se perpétuer alors qu’une théorie nouvelle est venue supplanter l’ancienne (p. 13). À propos des expériences sur les rayons cosmiques, P. Galison montre, en comparant deux équipes qui travaillent en parallèle, combien leurs motivations, leurs équipements mais surtout le style de leur démonstration diffèrent. La réaction des physiciens aux résultats énoncés par des confrères est notamment conditionnée par leurs habitudes expérimentales. Dans les années 1930, les expérimentateurs chevronnés des chambres à brouillard font ainsi davantage confiance aux « événements en or » – des photographies uniques (de trajectoires à travers les plaques de plomb montrant une perte d’énergie) qui exhibent l’existence des phénomènes – qu’aux démonstrations statistiques sur lesquelles se fondent les scientifiques attachés à l’usage des compteurs Geiger. Les deux groupes de physiciens sont ainsi convaincus par des preuves de nature distincte : tandis que l’un accorde du crédit à des arguments statistiques, l’autre fonde sa conviction sur une preuve visuelle. De façon analogue, dans le cas des expériences qui conduisent à admettre l’existence de courants neutres, les expérimentateurs travaillant pour le projet Gargamelle adhèrent aux arguments basés sur l’utilisation de chambre à bulles, là où leurs homologues américains préfèrent faire confiance aux détecteurs électroniques. Le caractère plausible ou probant de certains résultats peut aussi dépendre de la confiance accordée aux hommes ou aux instruments auxquels ils sont associés [17].

15 Les deux ouvrages s’accordent également à souligner le caractère collectif de la construction de la preuve. Dans Heinrich Hertz. L’administration de la preuve, les auteurs nous font découvrir que ce collectif n’est pas limité à la communauté scientifique. Les démonstrations expérimentales organisées à destination de publics divers participent au processus de persuasion des scientifiques, à la certification des résultats par la communauté. H. Hertz présente ainsi ses expériences tour à tour à ses proches, à ses collègues, aux membres des sociétés savantes auxquelles il appartient, aux notables de Karlsruhe et à ses étudiants. À Paris ou à Londres, des conférences ou autres manifestations publiques s’appuyant sur la mise en scène d’expériences semblables à celles de Hertz ont également lieu. Ces démonstrations publiques « soulignent le rôle qu’on fait jouer aux sens des spectateurs dans l’administration de la preuve » (p. 69) expliquent M. Atten et D. Pestre, rappelant que le procédé est déjà fort ancien. Pointant le changement radical d’échelle qui s’est opéré au cours du xxe siècle en physique expérimentale, P. Galison met notamment l’accent sur l’intensification du caractère collectif des recherches conduites. On est ainsi passé d’expériences menées sur un coin de table, effectuées par un ou deux chercheurs, à de véritables entreprises qui impliquent des équipes internationales de centaines de personnes, travaillant dans des laboratoires qui s’étendent sur plusieurs centaines d’hectares, mobilisent des équipements monumentaux, se déroulent sur plusieurs années et requièrent des dizaines de millions de dollars. Quelle incidence cela a-t-il sur l’administration de la preuve ?

« Dans une expérience de physique des hautes énergies […], les structures sociales, techniques et argumentatives sont toutes qualitativement plus complexes que celle que l’on trouve dans les expériences précédentes »
(p. 280)
répond P. Galison. Le développement de l’expérimentation à grande échelle, en multipliant le nombre des intervenants et des collaborations expérimentales, a conduit à une reconfiguration des modes de travail des scientifiques, à une planification et une division du travail plus poussées, à une centralisation accrue des décisions politiques, à l’instauration de hiérarchies de décision parallèles, et, par conséquent, à une complexification de la construction des argumentaires convaincants.

16 En en décrivant les formes historiquement situées, c’est la « variété de ce qui est pensé et construit comme preuve » [18] que s’attachent à mettre en lumière les auteurs de ces deux livres, dont la présentation de quelques-uns des résultats n’épuise pas, loin s’en faut, la richesse des analyses portées sur l’administration de la preuve en physique.

Les pratiques saisies par l’histoire des sciences

17 Faire de l’histoire des sciences aujourd’hui conduit à exposer ses travaux à des critiques sur plusieurs fronts disciplinaires. C’est un regard d’historien que je souhaite ici porter sur ces deux livres. L’historien des sciences interroge aujourd’hui non seulement les connaissances produites par les scientifiques, mais la manière dont elles ont été produites. Rien d’étonnant dès lors à ce que les manières de produire l’histoire soient à leur tour questionnées.

18 L’ouvrage de M. Atten et D. Pestre débute par ces lignes :

« Ce petit livre n’est pas un livre d’histoire. Ce n’est pas un livre qui vise à établir de façon systématique ce qui advint pendant les trois ou quatre années qui firent suite à la publication, par le grand physicien Heinrich Hertz, de ses fameux articles concernant la propagation des ondes électromagnétiques », avant d’enchaîner avec « Ce livre est bien le fait de deux historiens… ».
(p. 5)
Le qualificatif de « grand » accolé ainsi d’emblée au physicien H. Hertz, comme d’ailleurs celui de « fameux » dont les auteurs créditent d’entrée de jeu ses articles, pourrait laisser craindre l’écriture d’une histoire dont l’explication se fonderait sur les connaissances de la physique que l’on a aujourd’hui [19]. La suite de l’ouvrage rassure tout à fait sur ce point de méthode. Chez P. Galison en revanche, la cause n’est pas entendue de manière aussi catégorique. En attestent plusieurs passages, introduits par l’adverbe « rétrospectivement », à l’image de celui-ci :
« Rétrospectivement, on peut noter que les deux physiciens utilisèrent une mauvaise particule primaire pour les rayons cosmiques (l’électron), produite dans un processus qui n’a pas lieu (la fusion spontanée d’atomes d’hydrogène en oxygène, azote, etc.), puis qu’ils invoquèrent une loi d’absorption qui était également incomplète (elle ignore la production de paires, les effets de liaison électronique, etc.) [20]. »
où l’analyse du physicien de formation qu’est également P. Galison semble prendre le pas sur celle de l’historien.

19 Mais, revenons sur l’entrée en matière de Heinrich Hertz. L’administration de la preuve et ses présupposés. Est-ce là, aux yeux des auteurs, le caractère essentiel et caractéristique de la pratique de l’historien que d’être « systématique » [21] ? Une des spécificités de la méthode de l’historien réside-t-elle dans son aptitude à besogner ? La nécessité de faire court, imposée par la collection dans laquelle paraît ce texte, est probablement source de cette formulation rapide [22] qui, si elle était prise au pied de la lettre, tendrait à renouer avec l’image de l’historien en tâcheron laborieux qui établit ou met à jour les faits puis qui doit laisser à d’autres, à l’épistémologue ou au sociologue, le soin de les interpréter ou d’en dégager le sens véritable. Cette vision de l’histoire comme discipline pourvoyeuse de matériaux empiriques dans lesquels il serait possible de puiser pour étayer théories ou réflexions n’est pas celle que je défends. Les auteurs de cet ouvrage sont, à n’en pas douter, trop avertis de ce qu’est un « fait », physique comme historique, pour ne pas être soupçonnés de prétendre à une telle division du travail ou même de croire possible la dissociation de ces deux opérations que sont l’élaboration du « fait » et son interprétation. Qu’un partage des tâches entre un auteur qui rassemblerait la documentation historique et un autre qui en tirerait les enseignements ne soit pas la meilleure façon de procéder est également une banalité. L’impression de placage artificiel de propos préconçus sur un matériau historique qui en résulte inévitablement a pour conséquence première de fragiliser le pouvoir de conviction de l’étude. Les fragments de récit historique sertis dans un discours qui n’a pas servi à les établir ne cessent-ils pas de jouer le rôle qui leur est assigné, de faire preuves ?

20 L’aspect probablement le plus stimulant de ces deux ouvrages, et ce qui les rend attrayants et instructifs pour un public bien plus large que celui des seuls historiens des sciences, est qu’interrogeant les pratiques des physiciens d’hier, ils questionnent en effet, involontairement peut-être mais immanquablement, les pratiques de recherche actuelles des sciences sociales. En application du principe de réflexivité de D. Bloor, quelques sociologues des sciences se sont livrés à l’exercice qui consiste à analyser leurs propres façons de faire avec les grilles de lecture forgées pour étudier les sciences dures. On ne peut manquer également de citer ici Pierre Bourdieu, qui, pour son dernier cours au collège de France, a choisi de revenir sur les résultats de travaux d’histoire et de sociologie des sciences, dont il livre une lecture fort intéressante, afin de tenter une analyse réflexive de son œuvre [23]. Indirectement, les livres de P. Galison, M. Atten et D. Pestre invitent les sciences sociales et l’histoire à un questionnement introspectif sur la manière dont l’administration de la preuve est réglée dans chacune des disciplines. Qu’est-ce qui fait preuve pour l’historien, le sociologue ou l’anthropologue ? Michel de Fornel et Jean-Claude Passeron constatent que, pour ce qui les concerne, ces disciplines ont jusqu’ici plutôt éludé les interrogations sur les modalités des démarches de preuve [24]. Pour ce qui est des historiens, il faut reconnaître que, si des éléments de réponse ont été formulés, notamment en réplique aux défenseurs du « tournant linguistique » [25], rares sont ceux qui, à l’instar d’Antoine Prost, abordent la question frontalement [26]. C’est dans la perspective de contribuer à nourrir une réflexion de ce type que ces deux ouvrages d’histoire des sciences peuvent également être lus. Les réponses apportées dans le cas de la physique expérimentale des xixe et xxe siècles sont autant de points de comparaison susceptibles de mettre en lumière des similitudes et analogies entre les métiers d’historien et de physicien, ou au contraire de faire apparaître des dissemblances radicales.

21 La comparaison entre ces deux métiers n’est en rien nouvelle et sa fécondité n’est plus à démontrer. La définition de l’histoire comme « une technique (un métier) fondée sur la manipulation (d’archives, de séries, de contextes, d’échelles, d’hypothèses) et l’expérimentation » [27], formulée par Bernard Lepetit, dans l’ouvrage paru en 1995 qu’il a dirigé et intitulé Les formes de l’expérience, suggère encore, par son vocabulaire, un rapprochement qui, près d’un demi-siècle plus tôt, était au cœur de l’essai inachevé de Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien[28]. Dans cet exercice de légitimation d’une « science des hommes dans le temps », M. Bloch ne ménage pas les parallèles avec les activités des savants reconnus comme tels. Dans cette tentative pour définir le métier d’historien, ses pratiques, ses méthodes d’observation et d’investigation, les références au scientifique, qu’il soit mathématicien, physicien ou chimiste, sont, en effet, omniprésentes et les comparaisons entre les façons de faire propres aux deux professions récurrentes. À l’excès parfois, sans que cela n’entame toutefois l’intérêt ou l’actualité de l’ensemble de cette réflexion méthodologique, qui reste à méditer. En particulier, pour les situations qui remontent à plus d’un siècle, l’impossibilité absolue dans laquelle se trouve l’historien d’observer lui-même les phénomènes qu’il étudie et l’irréductible fatalité de l’histoire à être une « connaissance par traces », soulignées par M. Bloch, sont des considérations qui, banales en apparence, méritent de rester constamment présentes à l’esprit. Elles apparaissent en effet pouvoir notamment servir d’efficaces garde-fous à l’occasion d’emprunts faits à des disciplines comme la sociologie, l’ethnologie ou l’anthropologie. L’historien importe des questionnements, des concepts, des grilles d’analyse, fait sien le vocabulaire, le jargon parfois, de ces disciplines. Les apports de la transgression de frontières disciplinaires sont indéniables lorsque ces emprunts sont contrôlés, c’est-à-dire s’accompagnent d’une réflexion sur les possibilités mêmes ou les conditions d’un tel transfert. La crainte de voir l’appropriation par l’historien d’outils nouveaux se faire au détriment de certaines règles de base du métier n’est cependant pas totalement infondée. L’usage du mot « pratique(s) » dans les travaux historiques aujourd’hui m’apparaît ainsi symptomatique d’emprunts non maîtrisés au vocabulaire d’enquêteurs ayant la possibilité de se livrer à des observations en situation. Le mot est sous toutes les plumes, ou presque. Trop peu d’auteurs toutefois se sont interrogés sur les meilleurs moyens d’approcher lesdites pratiques lorsque celles-ci appartiennent au passé. Dans de nombreux cas, le mot « pratique(s) » est utilisé alors que, de toute évidence, les sources mobilisées ne permettent pas de les saisir et que, manifestement, de pratiques effectives il ne peut être véritablement question. L’écart entre ce qui est dit et ce qui est fait n’aurait que peu d’importance si l’attention particulière portée aux pratiques n’était au centre de la démarche préconisée.

22 Certains travaux d’histoire des sciences n’échappent pas totalement à ce travers et l’ouvrage de M. Atten et D. Pestre est de ceux-là. À la suite des sociologues des sciences, la nécessité d’analyser les pratiques effectives des scientifiques y est affirmée à plusieurs reprises. Par ailleurs, reprenant les acquis des travaux anglo-saxons notamment, les limites de ce sur quoi l’article scientifique peut renseigner sont énoncées – « un article scientifique est rarement, nous le savons, le récit fidèle d’une expérience, l’enregistrement passif d’une suite de résultats obtenus « naturellement » » (p. 21) – et les distorsions opérées par ce type de document soulignées – « ses publications ne sont qu’une représentation schématique, une image idéale et simplifiée de ce qu’il a fait et vécu » (p. 36). Force est pourtant de constater que les sources primaires convoquées à l’appui de l’analyse de la réception des travaux de H. Hertz par les auteurs sont essentiellement des articles parus dans des périodiques scientifiques et, de manière exclusive, des documents imprimés. N’y a-t-il pas là une contradiction interne à affirmer que « le faire, le tacite et le corporel sont centraux dans les sciences » (p. 10) et à proposer une analyse de la réception des résultats du physicien H. Hertz avant tout fondée sur des articles scientifiques, alors même que l’impuissance de ce type de document à rendre compte de la science telle qu’elle se fait a été mise en exergue ? Les « faire et les dire » des lecteurs des travaux de Hertz, les « manières effectives de travailler» (p. 8), « les matières pratiques de juger des choses, les jugements en situation » (p. 11) peuvent-ils s’appréhender au travers d’articles publiés dans des revues scientifiques ? Le recours (pp. 34-36) à la correspondance de Hertz avec les maxwelliens, telle qu’elle a été éditée en 1987, ou à une partie des écrits manuscrits personnels de Hertz, rendus commodément accessibles grâce à leur publication en 1977, démontre pourtant tout le parti que l’on peut tirer de documents de cette nature pour le type d’histoire que les auteurs se sont fixé pour objectif d’écrire. L’utilisation de sources de nature équivalente pour le milieu de la réception aurait, à n’en pas douter, fourni des éléments permettant d’affiner l’analyse et d’affermir la démonstration. Ce constat d’une mise en œuvre simplement esquissée du programme de travail énoncé ne retire cependant rien au caractère stimulant des hypothèses et des propositions formulées sur l’administration de la preuve en physique.

23 Point de situation aussi paradoxale dans l’ouvrage de P. Galison, mais au contraire une attention explicite à la nature des sources convoquées, à leur adéquation au projet formulé, à leur capacité à servir d’indices pour saisir des pratiques. Tirant les conséquences des silences, non-dits ou omissions, qui caractérisent les articles scientifiques publiés, mais aussi, corrélativement, de la propension des publications savantes à couler dans le moule du protocole scientifique idéal les expériences qui ont été menées, P. Galison est parti en quête d’autres sources, des documents non publiés, susceptibles de lui permettre de « reconstruire les présuppositions théoriques, les essais, les procédures de mesure et les caprices des instruments » (p. 4) ou de retracer « les interactions quotidiennes entre les scientifiques » (p. VI). L’un des résultats importants de cette recherche qui traite de trois exemples appartenant à des époques différentes, c’est de montrer que la nature même des documents à interroger change au cours du xxe siècle. Les traditionnels carnets ou journaux de laboratoire et les correspondances, avec lesquels l’historien du xixe siècle travaille, doivent ainsi, dans l’analyse les expériences plus récentes de la physique, céder le pas à des matériaux d’un genre nouveau, demandes de financement ou programmes d’ordinateur (p. 4). Cette transformation de la nature des documents que l’historien est amené à manier et leur plus grande diversité – qu’on en juge par la liste que dresse P. Galison des sources qu’il a examinées : « propositions de projets, rapports d’avancement, actes de conférences, sorties d’ordinateurs, bandes de données, films, organigrammes, diagrammes de circuits, tirages de plans, résultats de dépouillement, correspondances administratives, transparents de présentations, résidus archéologiques de l’équipement » (p. VI) – sont assurément des données à ne pas négliger dans la définition des politiques de conservation des archives des sciences.

24 Le renouvellement des questionnements et la désignation de nouveaux objets d’investigation invitent l’historien des sciences à innover sur le plan des méthodes, à imaginer et déployer de nouvelles ruses pour tenter d’appréhender ce qui désormais fait partie intégrante de l’analyse : les pratiques matérielles, les savoirs tacites, les savoir-faire incorporés [29], les gestes. Les historiens des techniques, tout particulièrement ceux qui s’intéressent aux transformations métallurgiques et aux mines, s’emploient depuis quelque temps déjà à formuler des hypothèses sur les savoirs pratiques, à restituer des chaînes opératoires ou à reconstituer des gestes, à partir de la simulation de situations, de l’analyse physico-chimique en laboratoire des résidus de production et de démarches archéologiques [30]. La reconstruction d’instruments et la reproduction de pratiques expérimentales constituent également aujourd’hui des démarches suivies par quelques historiens des sciences [31], fructueuses en ce qu’elles permettent de fournir des informations supplémentaires susceptibles d’être confrontées et recoupées avec celles recueillies au moyen de sources textuelles et iconographiques. De telles expériences contribuent, à n’en pas douter, à l’émergence d’un savoir historique construit sur une critique de ses preuves.

Ouvrages commentés

  • ■ Peter Galison, Ainsi s’achèvent les expériences : la place des expériences dans la physique du xxe siècle, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », série « Anthropologie des sciences et techniques », 2002, XXIV-334 pages [How Experiments End, Chicago, University of Chicago Press, 1987].
  • ■ Michel Atten et Dominique Pestre, Heinrich Hertz. L’administration de la preuve, Paris, Puf, coll. « Philosophies », 2002, 127 pages.

Notes

  • [1]
    On se reportera à l’article de Dominique Pestre, « Pour une histoire sociale et culturelle des sciences. Nouvelles définitions, nouveaux objets, nouvelles pratiques », Annales. Histoire, sciences sociales, n° 3, 1995, pp. 487-522.
  • [2]
    Pour une présentation des différents courants de la sociologie des sciences, on peut notamment consulter : Dominique Vinck, Sociologie des sciences, Paris, Armand Colin, 1995 ou Olivier Martin, Sociologie des sciences, Paris, Nathan, 2000.
  • [3]
    Peter Galison, How Experiments End, Chicago, University of Chicago Press, 1987, 330 p. (trad. fr., Ainsi s’achèvent les expériences : la place des expériences dans la physique du xxe siècle, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », série « Anthropologie des sciences et techniques », 2002, 334 p.). Dans ce qui suit, les citations sont extraites de l’édition française. De cet auteur, aujourd’hui professeur d’histoire des sciences et de physique à l’université de Harvard, on peut également lire Image and Logic : A Material Culture of Microphysics, Chicago, University of Chicago Press, 1997 et Einstein’s Clocks, Poincaré’s Maps. Empires of time, New York, W. W. Norton and Company, 2003.
  • [4]
    Michel Atten, Les théories électriques en France, 1870-1900. La contribution des mathématiciens, des physiciens et des ingénieurs à la construction de la théorie de Maxwell, thèse nouveau régime d’histoire des sciences, École des hautes études en sciences sociales (EHESS), 1992.
  • [5]
    Créé en 1958 au sein de l’EHESS.
  • [6]
    Il est notamment l’auteur de : Physique et physiciens en France, 1918-1940, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 1985 [rééd. 1992] ; Louis Néel, le magnétisme et Grenoble : récit de la création d’un empire physicien dans la province française : 1940-1965, Paris, CNRS, 1990 ; Science, argent et politique. Un essai d’interprétation, Paris, Inra, coll. « Sciences en questions », 2003.
  • [7]
    D. Pestre, « Pour une histoire sociale… », op. cit.
  • [8]
    Sur ce même thème, et toujours en langue française, sont notamment également disponibles : Steven Shapin et Simon Schaffer, Leviathan and the Air-Pump. Hobbes, Boyle, and the Experimental Life, Princeton, Princeton University Press, 1985 (trad. fr., Leviathan et la pompe à air. Hobbes et Boyle entre science et politique, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », série « Anthropologie des sciences et des techniques », 1993) ; Christian Licoppe, La formation de la pratique scientifique. Le discours de l’expérience en France et en Angleterre (1630-1820), Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », série « Anthropologie des sciences et des techniques », 1996.
  • [9]
    Voir Michel Callon et Bruno Latour (éd.), La science telle qu’elle se fait. Anthologie de la sociologie des sciences de langue anglaise, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », série « Anthropologie des sciences et des techniques », 1991.
  • [10]
    David Bloor, Knowledge and Social Imagery, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1976 [réed. 1991] (trad. fr., Sociologie de la logique ou Les limites de l’épistémologie, Paris, Pandore, 1983).
  • [11]
    M. Atten et D. Pestre, Heinrich Hertz…, op. cit., p. 9.
  • [12]
    Sur la découverte scientifique, et sa reconnaissance en tant que telle, on se reportera aux réflexions très stimulantes d’Augustine Brannigan : The Social Basis of Scientific Discoveries, Cambridge, Cambridge University Press, 1981 (trad. fr., Le fondement social des découvertes scientifiques, Paris, Puf, 1996).
  • [13]
    P. Galison, Ainsi s’achèvent les expériences…, op. cit., p. 14.
  • [14]
    Harry M. Collins, Changing Order. Replication and Induction in Scientific Practice, Londres, Sage, 1985 [réed. 1992]. Du même auteur on pourra également lire l’ouvrage de vulgarisation : Harry Collins et Trevor Pinch, The Golem : What Everyone Should Know About Science, Cambridge, Cambridge University Press, 1993 (trad. fr., Tout ce que vous voudriez savoir sur la science, Paris, Seuil, coll. « Points sciences », 2001).
  • [15]
    De cet auteur, P. Galison cite à la fois La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1949, p. 18 et Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, 1969, p. 50 dans Ainsi s’achèvent les expériences…, op. cit., p. 254.
  • [16]
    Pour une critique de cette grille d’analyse, on pourra se reporter à Andrew Pickering, « Beyond Constaint : the Temporality of Practice and the Historicy of Knowledge », in Jed Buchwald (éd.), Scientific Practice : Theories and Stories of Doing Physics, Chicago, University of Chicago Press, 1995, pp. 42-55. P. Galison et A. Pickering entretiennent depuis longtemps des débats sur les manières d’interpréter les sciences. P. Galison présente son étude sur les courants neutres, comme une réponse à l’ouvrage d’A. Pickering : Constructing Quarks : A Sociological History of Particle Physics, Chicago, University of Chicago Press, 1984.
  • [17]
    Sur l’importance du rôle joué par la confiance accordée aux personnes que l’on connaît personnellement dans la constitution des savoirs, voir Steven Shapin, A Social History of Truth : Civility and Science in Seventeenth-Century England, Chicago, University of Chicago Press, 1994.
  • [18]
    M. Atten et D. Pestre, Heinrich Hertz…, op. cit., p. 117.
  • [19]
    Il convient de noter ici que le raisonnement téléologique est au fondement de certaines conceptions de l’histoire des sciences.
  • [20]
    P. Galison, Ainsi s’achèvent les expériences…, op. cit., p. 86.
  • [21]
    Dans le dernier chapitre du livre, les auteurs écrivent : « Le travail de l’historien ne consiste toutefois pas à prétendre tout dire mais à régler le flot d’informations de façon à produire une histoire lisible » (p. 116). Contradiction ou nuance ?
  • [22]
    À moins qu’il ne faille interpréter ces propos introductifs comme une concession faite à la manière de considérer l’histoire la plus répandue chez les philosophes, à qui l’ouvrage est prioritairement destiné.
  • [23]
    Pierre Bourdieu, Science de la science et réflexivité. Cours au collège de France 2000-2001, Paris, Raisons d’agir, 2001.
  • [24]
    Michel de Fornel, Jean-Claude Passeron (éd.), L’argumentation. Preuve et persuasion, Paris, EHESS, coll. « Enquête », n° 2, 2002, p. 7. Cet ouvrage tente de remédier à ce déficit d’analyse en proposant, dans une perspective de comparaison interdisciplinaire, six études « d’épistémologie descriptive visant à identifier quelques-unes des opérations les plus caractéristiques de l’administration des preuves dans nos disciplines ».
  • [25]
    Voir notamment Bernard Lepetit (éd.), Les formes de l’expérience. Une autre histoire sociale, Paris, Albin Michel, 1995 ; Jacques Revel, « Ressources narratives et connaissance historique », Enquête, n° 1, 1995, pp. 43-70 ; Roger Chartier, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et inquiétude, Paris, Albin Michel, 1998 ; Gérard Noiriel, Sur la crise de l’histoire, Paris, Belin, 1996 ; Carlo Ginzburg, Rapports de force. Histoire, rhétorique, preuve, Paris, Seuil-Gallimard, coll. « Hautes Études », 2003, pp. 13-42 (introduction).
  • [26]
    Antoine Prost poursuit une réflexion sur ce thème au travers notamment de trois articles : « Histoire, vérités, méthodes. Des structures argumentatives de l’histoire », Le Débat, n° 92, 1996, pp. 127-140 ; « Mais comment donc l’histoire avance-t-elle ? », Le Débat, n° 103, 1999, pp. 148-153 ; « Argumentation historique et argumentation judiciaire », in M. de Fornel, J.-C. Passeron (éd.), L’argumentation…, op. cit., pp. 29-48.
  • [27]
    Bernard Lepetit, « Histoire des pratiques, pratique de l’histoire », in B. Lepetit (éd.), Les formes de l’expérience…, op. cit., p. 13.
  • [28]
    Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 2002 [1949].
  • [29]
    Sur ce thème, voir notamment Christopher Lawrence, Steven Shapin (éd.), Science incarnate : Historical Embodiments of Natural Knowledge, Chicago, University of Chicago Press, 1998.
  • [30]
    Voir, par exemple, Paul Benoît, Denis Cailleaux (éd.), Mines et métallurgie dans la France médiévale, Paris, Association pour l’édition et la diffusion des études historiques, 1991.
  • [31]
    Concernant la reproduction de la balance de torsion de Charles-Augustin Coulomb, instrument qui a permis de déterminer la loi de force électrique, voir Christine Blondel, Matthias Döries (éd.), Restaging Coulomb. Usages, controverses et réplications autour de la balance de torision, Firenze, Olschki, coll. « Biblioteca di Nuncius : studi e testi », 1994. Heinz Otto Sibum a, quant à lui, refait les expériences de James Prescott Joule sur l’équivalent mécanique de la chaleur : « Les gestes de la mesure. Joule, les pratiques de la brasserie et la science », Annales. Histoire, sciences sociales, n° 4-5, 1998, pp. 745-774.

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