Notes
-
[1]
AN (Archives nationales) BB 18 6023, Ministère des Finances à celui de la Justice, 23 février 1893.
-
[2]
George A. Akerlof, « The Market for Lemons : Quality Uncertainty and the Market Mecanism », Quaterly Journal of Economics, vol. 84, n° 3, 1970, pp. 488-500 ; Joseph Stiglitz, « The Causes and Consequences of Dependance of Quality on Price », Journal of Economic literature, vol. 25, n° 1, 1987, pp. 2-48.
-
[3]
L’information économique est incomplète si on ne connaît plus ni les bénéfices, ni les objectifs des autres agents. Elle devient imparfaite si, de plus, on ne connaît ni les comportements précédents des autres acteurs, ni, de façon générale, l’environnement économique, c’est-à-dire les techniques et les normes (sur ces aspects, Robert Gibbons, A Primer in Game Theory, Prentice hall, New Jersey, Englewood Cliffs, 1992).
-
[4]
Voir à ce sujet les travaux pionniers de William Landes et Robert Posner, parmi lesquels : « Trademark Law : an Economic Analysis », Journal of Law and Economics, 1987, vol. 30, n° 2, pp. 265-309.
-
[5]
Zorina Khan, « Property Rights and Patent Litigation in Early 19th Century America », The Journal of Economic History, vol. 55, n° 1, 1995 pp. 58-97 ; Douglass North, Robert Thomas, The Rise of Western Civilization : a New Economic History, Cambridge, Cambridge University Press, 1973.
-
[6]
Pour une synthèse critique de la nouvelle économie du droit, voir Thierry Kirat, Économie du droit, Paris, La Découverte, 1999.
-
[7]
Sur les contrats incomplets voir Éric Brousseau, L’économie des contrats, Paris, Puf, 1993.
-
[8]
Sur la dynamique de la consommation voir, entre autres : Patrick Verley, Nouvelle histoire économique de la France contemporaine, Paris, La Découverte, 1995 ; Maurice Levy-Leboyer, François Bourguignon, L’économie française au xixe siècle, Paris, Economica, 1985.
-
[9]
Sur ces aspects voir, entre autres : Marcel Lachiver, Vins, vignes et vignerons, Paris, Fayard, 1988 ; Gilbert Garrier, Rémy Pech, Genèse de la qualité des vins, Dijon, Bourgogne publications, 1994 ; G. Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, Paris, Larousse, 1998.
-
[10]
M. Lachiver, Vins…, op. cit., pp. 428-434 ; voir aussi les ouvrages de Roger Dion, Histoire de la vigne et du vin en France, des origines au xixe siècle, Paris, l’auteur, 1959 et de Jean-François Gautier, Histoire du vin, Paris, Puf, 1992 ; G. Garrier, Le phylloxéra, Paris, Albin Michel, 1989.
-
[11]
Sur les détails techniques des procédés voir : Albert Bedel, Traité complet de manipulation des vins, Paris, Garniers frères libraires-éditeurs, 1887 ; Armand Gautier, La sophistication des vins. Méthodes analytiques et procédés pour reconnaître les fraudes, Paris, Librairie J.-B. Baillière et fils, 1884.
-
[12]
Sur les hygiénistes en général voir : Lion Murard, Patrick Zylberman, L’hygiène dans la République, Paris, Fayard, 1996 ; Christian Topalov, La nébuleuse réformatrice, Paris, EHESS, 1999.
-
[13]
Nicolas De la Mare, Traité de police, 4 t., 1 : Paris, P. Cot, 1705. 2 : Paris, P. Cot, 1710. 3 : Paris, Brunet, 1719. 4 : Paris, Hérissant, 1735.
-
[14]
Sur les contentieux en matière de plâtrage à cette époque, voir AN BB 18 6025.
-
[15]
Gérard Fox, « Rapport sur le plâtrage des vins », Bulletin du ministère de l’Agriculture, 1887, n° 5, pp. 483-522.
-
[16]
Journal des chambres de commerce, 1886, n° 10, p. 331.
-
[17]
AN BB 18 6023, Supplique des marchands de vins de Nancy au procureur général de Nancy, 19 août 1880 ; Lettre du procureur général de Nancy au ministre de la Justice, 20 août 1880 ; Préfecture de l’Hérault au ministre de la Justice, 26 août 1880 ; Ministre aux procureurs de Nîmes, Montpellier, Toulouse, Agen et Aix, 31 août 1880, Chambre syndicale de commerce en gros des vins et spiritueux de Paris et du département de la Seine au ministre de l’Agriculture, 23 août 1890 ; Ministre du Commerce au ministre de la Justice, 11 septembre 1880.
-
[18]
AN BB 18 6023, Ministre de l’Agriculture au ministre de la Justice, 7 septembre 1880.
-
[19]
AN BB 18 6023, Cour d’appel de Montpellier au ministre de la Justice, 7 septembre 1880.
-
[20]
AN BB 18 6023, Ministère de la Justice au ministre du Commerce, 29 novembre 1880 ; Ministre du Commerce au ministre de la Justice, 28 décembre 1880.
-
[21]
AN BB 18 6023, Ministre de l’Agriculture au ministre de la Justice, 4 mai 1881.
-
[22]
AN BB 18 6023, Préfecture des Pyrénées-Orientales au ministre de la Justice, 19 octobre 1881.
-
[23]
AN BB 18 6023, Ministre des Finances au ministre de la Justice, 5 septembre 1881 Ministre de la Justice au ministre des Finances, 20 novembre1881.
-
[24]
AN B 18 6023, Note interne du ministère de la Justice, sans date, mais vraisemblablement entre octobre et novembre 1882.
-
[25]
AN BB 18 6023, Ministre du Commerce au ministre de la Justice, 4 août 1882, 6 avril 1883, 27 août 1885, 26 février 1886 ; Ministre de la Justice au ministre du Commerce, 16 mars 1883, 26 août 1884 ; circulaire du ministre de la Justice aux procureurs généraux, 25 août 1886.
-
[26]
AN BB 18 6023, Ministre des Affaires Étrangères au ministre de la Justice, 20 septembre 1886.
-
[27]
AN BB 18 6023, Préfecture des Pyrénées-Orientales au ministre de la Justice, 19 octobre 1881.
-
[28]
G.M. « Le plâtrage des vins », Débats, 29 août 1890.
-
[29]
AN BB 18 6023, Cour d’appel de Montpellier au ministre de la Justice, 23 septembre 1890 ; Ministère de la Justice au procureur général de Montpellier, 24 septembre 1890 ; Instruction du ministère de la Justice aux procureurs généraux, 26 septembre1890.
-
[30]
AN BB 18 6023, Procureur général de Montpellier au ministre de la Justice, 8 décembre 1890.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
Voir sur cet aspect, la rubrique « Bercy-entrepôt », in Revue vinicole du 26 mars 1891, p. 51, et du 30 juillet 1891, p. 127.
-
[33]
R. Pech, Entreprise viticole et capitalisme en Languedoc Roussillon, du phylloxéra aux crises de mévente, Toulouse, Éditions de l’université de Toulouse, 1975, annexes statistiques. Voir aussi les commentaires dans la rubrique « Bercy-entrepôt », in Revue vinicole, 1885-1900.
-
[34]
AN BB 18 6024, Ministère des Finances au ministère de la Justice, le 8 décembre 1891 ; Note interne de la chancellerie du ministère de la Justice, 16 décembre 1891 ; Circulaire du ministre de la Justice aux procureurs, 16 janvier 1892 ; Ministère des finances à celui de la Justice, le 20 février 1896 ; Ministre des Finances à celui de la Justice, avril 1899 ; Ministre de la Justice à celui des Finances, 30 mai 1899.
-
[35]
AN BB 18 6023, Chambre syndicale du commerce en gros des vins et spiritueux de la Gironde au procureur général de la cour d’appel de Bordeaux, 10 avril 1891.
-
[36]
AN BB 18 6024, Cour d’appel de Montpellier au ministre de la Justice, 5 mai 1899, avec annotations en marge de la Direction des affaires criminelles, s. d.
-
[37]
AN BB 18 6023, Procureur général de Rouen au ministre de la Justice, 23 avril 1891.
-
[38]
AN BB 18 6023, Ministre de la Justice à celui des Finances, 10 octobre1891.
-
[39]
AN BB 18 6023, Ministre des Finances à celui de la Justice, 14 décembre 1891.
-
[40]
AN BB 18 6023, Cour d’appel de Pau au ministre de la Justice, 10 août 1891.
-
[41]
AN BB 18 6023, Ministère de la Justice au ministre des Finances du 25 février1892.
-
[42]
AN BB 18 6023, Procureur général de la Cour de cassation au ministre de la Justice, 15 mars 1892.
-
[43]
AN B 18 6023, Cour d’appel de Paris au ministre de la Justice, 29 mars 1893 ; Ministère des Finances à celui de la Justice, 23 février 1893.
-
[44]
AN BB 18 6023, Ministère des Finances à celui de la Justice, 23 février 1893, 27 mars 1893, 4 juillet 1893 ; Procureur général d’Aix au ministre de la Justice, 6 mars 1893 ; Direction des douanes au ministre de la Justice, 1 février 1895 ; Ministre de la Justice au procureur général de Rouen, 2 mars 1895 ; Procureur général de Rouen au ministre de la Justice, 26 mars 1895 ; Ministère de la Justice à celui des Finances, 2 mars 1895.
-
[45]
AN BB 18 6024, circulaire de la direction générale des douanes, 15 avril 1899.
-
[46]
AN BB 18 6023, Ministère du Commerce, direction du commerce, au ministre de la Justice, 30 mars 1900.
-
[47]
Ibid.
-
[48]
AN BB 18 6023, Ministre de la Justice à celui du Commerce, 11 avril 1900.
-
[49]
AN F 12 4847, Direction générale des contributions indirectes au ministre des Finances 10 mars 1900 ; AN F 12 6873, Chambre de commerce de Narbonne au ministre du Commerce, 20 novembre 1902 ; Chambre syndicale des distillateurs en gros de Paris au ministre du Commerce 16 mai 1901.
-
[50]
Henry Sempé, « Régime économique du vin », Bordeaux, thèse, 1898, appendice statistique, tableau XV ; R. Pech, Entreprise viticole…, op. cit.
-
[51]
Rubrique « Bercy-entrepôt », Revue vinicole, numéros entre septembre 1890 et avril 1891 ; AN F 12 6874, La question des droits sur les vins étrangers, Bordeaux, Feret et fils, 1898, extrait de la Revue économique de Bordeaux, du 1er novembre 1898, p. 13 ; Direction générale des douanes, Tableau décennal du commerce de la France 1887-1896, Paris, Imprimerie nationale, 1898, vol. 1, pp. CCLXXII-III.
-
[52]
Annuaire statistique de la France, p. CVI, Paris, Imprimerie nationale, 1899 ; Louis Privat, « Régime douanier en France », Bordeaux, thèse, 1904, appendice statistique, tableau VII, pp. 13-14.
-
[53]
Sur ce processus, voir R. Pech, Entreprise viticole…, op. cit.
1 En février 1893, le ministre des Finances rappelle à son homologue de la Justice que « suivant les instructions qui lui ont été adressées », le service des douanes met à la disposition des parquets les vins importés qui sont reconnus, à l’analyse, renfermer une quantité de plâtre supérieure à deux grammes par litre. Or, le parquet de Marseille se refuse à donner suite aux procès-verbaux rédigés en cette matière par la douane de ce port pour le motif que, dans une poursuite intentée à l’occasion d’une contravention de l’espèce, le tribunal aurait renvoyé les prévenus des fins de la plainte, en se fondant sur ce que la quantité de plâtre contenue dans le liquide, bien que supérieure à la limite de tolérance, était trop faible pour pouvoir nuire à la santé.
2 Le ministère public aurait fait connaître, en outre, qu’il ne se croyait pas le droit de poursuivre la mise à la consommation en douane des vins plâtrés, les poursuites ne lui paraissant motivées qu’en cas de vente de ces vins à la consommation proprement dite [1].
3 C’est là un cas typique d’attitudes différentes à l’égard du droit de la part d’une administration (le service des douanes en l’occurrence) et d’un magistrat. La controverse concerne une boisson et porte sur la manière d’attribuer les responsabilités des acteurs économiques concernés. Deux éléments entrent en jeu dans cette opération, à savoir l’impact du produit sur la santé et la définition de mise en vente. L’analyse scientifique et la notion juridique du marché conditionnent donc les issues des contentieux et, par-là même, l’impact du droit et de son application sur les comportements économiques.
4 Cependant, les théories économiques et les analyses historiographiques dominantes de nos jours auraient du mal à rendre compte de ces questions. La théorie néoclassique traditionnelle se borne à opposer le marché aux institutions et aux normes, ces dernières donnant en tout cas vie à un équilibre sub-optimal par rapport à celui de la concurrence parfaite. De plus, cette approche n’envisage pas le problème de la qualité. Chaque produit étant considéré comme homogène (le vin, la margarine, etc.), la définition de ses caractéristiques n’est pas prise en compte ; selon cette approche, les prix reflètent la qualité et donnent une information suffisante à l’acheteur.
5 La théorie des asymétries d’information (lors d’un échange, les deux contractants ne disposent pas de la même information sur le produit et/ou sur la contrepartie) de George A. Akerlof, puis de Joseph Stiglitz, permet en apparence seulement de régler le problème. En effet, même si, contrairement aux théories précédentes, la qualité dépend du prix, il suffit que l’acheteur ait toutes les informations pour que le cadre concurrentiel soit rétabli [2].
6 À partir de ces prémisses, les auteurs néo-institutionnalistes expliquent les dispositions sur les produits soit par des institutions excessivement présentes et des marchés imparfaits, voire incomplets [3], soit par des coûts de transaction excessifs [4]. Cette approche a finalement trouvé de larges échos auprès des historiens [5].
7 Pour sa part, l’économie du droit vise à combler cette lacune en prenant en considération le rapport entre normes et action économique. Cependant, à l’exception de quelques auteurs hétérodoxes, ces travaux ont du mal à sortir du paradigme de l’école de Chicago, pour laquelle les contentieux doivent s’évaluer du point de vue strictement économique, à savoir la minimisation des coûts de transaction [6]. En associant la rationalité à la minimisation des coûts de création et d’activation des normes, ces auteurs ont souvent recours à la notion de contrats incomplets. Selon cette théorie, les parties seraient incapables de tout prévoir lors de la stipulation d’un contrat et de ce fait une incertitude plane sur leurs comportements respectifs [7]. Or cette idée, malgré les déclarations de principe de ses partisans, garde l’opposition traditionnelle entre, d’une part, le « marché » et, d’autre part, les normes et les institutions. En effet, sur cette base seulement, il est possible d’imaginer que des contrats « complets » puissent être formulés (et en ce cas, on revient à une situation de concurrence parfaite). Mais, de ce fait, ces théories ne laissent aucune place au contentieux judiciaire en tant que créateur de normes et en tant que variable affectant les hiérarchies économiques.
8 Ma thèse est, au contraire, que la construction de la qualité est un processus à la fois technique, économique et institutionnel et qu’elle ne peut s’expliquer qu’en prenant en considération l’interaction entre activité économique et règles de droit. Ces dernières seront alors envisagées tant dans leur construction que dans leur application ; en particulier, après avoir rappelé l’essor des « falsifications » (c’est-à-dire les contentieux en matière de qualité des produits) au cours de la seconde moitié du xixe siècle, j’évoquerai les caractères des principales dispositions législatives en la matière ainsi que leur application dans les contentieux. Ces derniers relèvent à la fois de la logique juridique et des stratégies économiques. Dans ce contexte, deux aspects recevront une attention particulière. D’une part, je mettrai en évidence la tension entre temps juridiques et temps économiques, l’application de normes sur les produits posant en effet la question des stocks et des productions en cours. D’autre part, je montrerai comment les règles de droit et leur application conditionnent l’organisation spatiale du marché. Les stratégies économiques, l’accumulation des stocks, les rapports entre commerce de gros et au détail, entre commerce et production, entre réseaux locaux, nationaux et internationaux se modifient selon que la définition juridique du marché et de l’échange inclut ou non les caves et les entrepôts. Autrement dit, les temporalités économiques et la dimension spatiale des marchés ne peuvent pas s’envisager en dehors du champ normatif de l’économie.
9 Les limites temporelles choisies vont de l’adoption de la première loi générale sur les falsifications (1851) à celle de 1905 sur les fraudes et les falsifications. La première est suivie de nombreuses applications qui permettent précisément de rendre compte de la naissance de la seconde.
10 Plusieurs sources ont été mobilisées. Outre les imprimés de l’époque et certaines archives des associations économiques, j’ai largement puisé dans les archives des magistrats et du ministère de la Justice. De cette manière, j’ai pu reconstituer les interactions non seulement entre acteurs économiques et magistrats, mais également les différends internes au ministère de la Justice et leur impact sur la dynamique institutionnelle et économique.
Une falsification généralisée
11 Si les problèmes de qualité du vin n’étaient pas inconnus sous l’Ancien Régime et pendant la première moitié du xixe siècle, ce n’est qu’après 1850 et encore plus au cours du dernier quart du xixe siècle qu’ils deviennent centraux, tant dans les arguments des associations économiques que dans les politiques économiques et dans le débat public. Cette intensification reflète plusieurs phénomènes liés entre eux ; ainsi, l’urbanisation crée un vaste marché du vin et ouvre la route à une massification de la production [8]. Dès la moitié du siècle, le marché du vin se caractérise par une expansion soutenue de la demande, surtout urbaine. Ce phénomène encourage un processus de différenciation du produit : au vin de l’ouvrier (vins en vrac, héritage des piquettes traditionnelles des raisons vigneronnes, surtout vin ordinaire produit dans le Midi), s’ajoute le « vin du bourgeois ». Aux grands crus girondins et aux grands champagnes s’ajoutent ainsi les vins « de qualité », c’est-à-dire les premiers « châteaux » et les champagnes de qualité intermédiaire destinés aux couches bourgeoises moyennes [9]. Cependant, à partir de la fin des années 1870, le phylloxéra provoque une chute considérable de la production de raisin, à un moment où les acteurs misent encore sur une hausse des marchés urbains, notamment de qualité inférieure. Ce phénomène encourage l’essor de techniques nouvelles permettant de corriger des vins trop faibles ou imparfaits par des colorants, du sucre, des sels, du plâtre, etc., voire même de fabriquer du vin à partir des raisins secs. Ce processus se superpose à l’internationalisation des échanges, qui engendre à la fois des problèmes de concurrence et une situation d’incertitude accrue quant à la qualité des denrées achetées et à la réputation de correspondants commerciaux [10].
12 Cet état d’incertitude est ultérieurement accru par l’essor de la chimie de synthèse qui provoque l’effondrement de la distinction traditionnelle entre produit agricole et produit industriel : les conservateurs, les colorants artificiels, etc. permettent d’obtenir des vins de qualité-type, des « bouquets de Bourgogne » et autres [11].
13 Plusieurs réactions à ces phénomènes s’observent. Au tapage des acteurs économiques, qui visent souvent, par le biais de l’argument sanitaire, à se débarrasser des nouveaux concurrents (à l’intérieur comme à l’extérieur), s’ajoute celui des hygiénistes qui condamnent des pratiques accusées de sacrifier la santé du consommateur à l’appât du gain [12]. Cette tension entre discipline de la concurrence et protection de la santé publique se retrouve dans les textes de loi que les acteurs mobilisent et qui, pour certains, sont hérités de l’Ancien Régime [13]. En effet, si sous l’Ancien Régime la sécurité alimentaire, en tant que volet de la sécurité politique (la « police »), recevait une attention particulière, le code pénal et surtout les lois de 1851 sur les fraudes et falsifications et de 1855 (l’élargissant aux boissons) se préoccupent essentiellement de la loyauté du commerce plutôt que de la santé du consommateur. À partir du dernier quart du xixe siècle, ces catégories ont de plus en plus du mal à être appliquées du fait des progrès techniques qui, d’une part, accentuent les demandes des uns et des autres à voir frapper une nouvelle technique de production, et qui, d’autre part, mettent les magistrats, les experts et les scientifiques dans l’embarras, du fait des difficultés à distinguer les différentes substances et leur impact sur la santé.
14 Les « lois spéciales » cherchent à répondre à ces contraintes en donnant une définition officielle du vin. Cependant, elles suivent des attitudes différentes et posent dès lors des problèmes de coordination avec le code pénal et avec la loi de 1851. Ainsi, la loi Griffe (1889) définit le vin comme le produit de raisins frais ou de jus de raisin frais. Cette définition vise essentiellement à distinguer les vins « industriels » (de raisins secs, de sucre) de tous les autres. Cette loi, voulue par le Midi et par une partie des commerçants parisiens, n’impose cependant aucun affichage précis de l’information sur le produit. Cette lacune est comblée par la loi Brousse (1891) qui, non seulement, oblige à afficher les caractéristiques du produit (présence de plâtre, sucrage, raisins secs), mais offre également une définition du vin dans laquelle on précise les inputs de la production (liste des sucres admis et des sucres interdits).
15 Bien évidemment, l’adoption de ces dispositions aurait été impensable sans la conjoncture politico-économique de ces années : la montée du protectionnisme en France comme dans de nombreux pays et le poids politique des intérêts viticoles, de la propriété en particulier, sous la IIIe République. En même temps, il serait erroné de voir dans la construction et dans l’application des règles de droit que le simple reflet des rapports de force politiques ; les aspects formels du droit sont en effet aussi soumis à une logique propre qu’il faut déceler afin de rendre véritablement compte de l’interaction entre le droit et le marché.
Temps juridique et temps économique : rétroactivité des normes, stocks et anticipations
16 Le code pénal distingue les produits nuisibles à la santé des autres ; à l’exception notable du mouillage du vin, il n’est possible d’inculper le vendeur que dans le premier cas, même si l’acheteur avait connaissance de la « falsification ». C’est pourquoi, aussitôt après l’adoption de la loi de 1855 sur la falsification des boissons, la preuve du caractère nuisible de certaines substances introduites dans le vin, à commencer par le plâtre, acquiert une importance tout à fait centrale, tant dans le débat scientifique et politique qu’au sein des contentieux judiciaires [14]. En effet, s’il était démontré que le plâtre était nuisible à la santé, alors les magistrats pourraient condamner un négociant ayant vendu du vin plâtré même si l’acheteur en avait connaissance. Autrement, le négociant ne peut être condamné que si l’on démontre qu’il a perpétré une fraude envers l’acheteur. La question du plâtre dans le vin se place donc au carrefour de l’action économique, du débat scientifique et des pratiques judiciaires. Or l’adjonction de sulfate de potasse est une technique traditionnelle utilisée, dans le Midi de la France, dans le Mezzogiorno d’Italie et en Espagne, pour éviter que les vins tournent vite au vinaigre du fait de la chaleur et des changements soudains de température (ce problème étant aggravé du fait de l’absence de véritables caves). Le plâtrage est également utilisé afin d’éviter que les vins tournent en cas de pluie au moment des vendanges [15]. Cette technique répond donc en partie à un problème ancien, celui de se protéger de certains risques de production.
17 Cependant, à partir des années 1880, ce procédé remplit une autre fonction qui consiste à accélérer le processus de fermentation du vin. Alors que dans le premier cas l’objectif était celui de garder la qualité du vin, le second vise plutôt à accroître la quantité, même au détriment de la qualité. Comme l’observe le Journal des chambres de commerce, « Nos pères obtenaient le même résultat d’une façon naturelle en laissant vieillir le vin et en faisant deux ou trois soutirages [16] ».
18 Compte tenu de la diffusion géographique de cette pratique, il est évident que toute interdiction ou limitation du plâtrage frapperait le Midi de la France et les importations d’Italie et d’Espagne. Ces enjeux expliquent la virulence du débat sur le plâtrage ; entre 1855 et 1880, des sentences contradictoires se multiplient, même si le Comité consultatif d’hygiène maintient ses conclusions de 1856 selon lesquelles le plâtre n’est pas nuisible à la santé. En 1880, le Comité change d’opinion, estimant nuisible tout vin contenant plus de deux grammes au litre ; des circulaires des ministères de la Justice, du Commerce et des Finances donnent à cette conclusion une valeur normative. Cependant, cette disposition devra attendre dix ans avant d’être appliquée, aux protestations du Midi s’ajoutant celles des associations des commerçants d’autres régions qui importent des produits d’Espagne et d’Italie. Chaque année, ces groupes posent le même problème : des stocks importants de vins plâtrés ont été produits et achetés ; compte tenu de la « crise », il faudrait attendre que ces stocks soient écoulés avant d’appliquer la circulaire d’interdiction [17]. Le ministre de l’Agriculture entend cet argument [18] qui soulève donc un problème majeur, à savoir le rapport entre le temps juridique et le temps économique. En principe, les lois ne sont pas rétroactives ; dans le cas de normes concernant les produits, le problème se pose cependant du rapport entre, d’une part, le moment de leur entrée en vigueur et, d’autre part, les temps de production et les rythmes de circulation des produits.
Mais où s’arrêtent les stocks et où commence la nouvelle production ?
19 Comme le fait remarquer le procureur général de Montpellier, cette question, apparemment facile à régler en théorie, est compliquée à appréhender dans la pratique, car les mélanges sont courants et les contrôles extrêmement difficiles [19].
20 Cet écart entre le temps juridique et le temps économique est par ailleurs accru du fait qu’un changement des techniques de production (tel qu’il est nécessaire pour renoncer au plâtrage) requiert du temps et des investissements considérables en caves et en techniques de vinification. Cet argument, évoqué par plusieurs associations professionnelles, est toutefois écarté par le Comité consultatif d’hygiène publique, selon lequel « c’est aux producteurs de trouver des moyens pour reconduire le vin à la limite indiquée [20] ».
21 Cependant, du fait des pressions du ministère de l’Agriculture, du Commerce et de l’Industrie, celui de la Justice suspend l’application de la circulaire d’interdiction du plâtrage [21]. Cette solution ne satisfait pas pour autant les producteurs et les commerçants du Midi qui souhaiteraient que la circulaire de 1880 soit tout simplement retirée [22].
22 À ces protestations, s’ajoutent, pour des raisons opposées, celles du ministre des Finances [23]. Finalement, à l’intérieur même du pouvoir judiciaire, les magistrats ne se conforment pas toujours aux directives de la Chancellerie et les experts de cette dernière sont eux aussi divisés sur la question [24].
23 En août 1882, ce casse-tête juridique et politique encourage les nouveaux ministres de la Justice et du Commerce à ordonner une enquête aux préfets sur le plâtrage et sur les attitudes à son égard de la part des associations économiques et dont les résultats sont censés être transmis au comité consultatif des arts et manufactures. Cette solution, qui trouve le soutien de plusieurs associations économiques (à commencer par le syndicat des vins et spiritueux en gros de Paris et du département de la Seine), permet évidemment de gagner du temps. De ce point de vue, elle se révèle efficace, car le Comité ne rendra sa décision qu’en 1885 [25], en confirmant le caractère nuisible du plâtrage. De ce fait, il n’y a plus aucune raison de suspendre la circulaire de 1880, comme le souligne une nouvelle circulaire du ministère de la Justice. Cependant, du fait de l’opposition du ministre des Affaires Étrangères [26], cette décision est rapportée et, un an après l’autre, la circulaire de 1880 demeure suspendue jusqu’en 1890.
24 En résumé, tout au long des années 1880, une norme adoptée est suspendue, alors que la coordination entre administrations et à l’intérieur de la même administration fait défaut. Ces éléments ouvrent la voie à une circulation informelle de l’information juridique et contribuent à accroître l’incertitude de la masse des acteurs économiques quant à la stabilité des normes. Cette situation donne avantage aux acteurs favorables au risque, car, comme l’explique le conseil général des Pyrénées-Orientales, la suspension de la circulaire de 1880 « fait vivre les viticulteurs et les négociants dans une inquiétude continuelle [27] ».
25 De manière générale, l’incertitude concernant les règles de droit et leur application rend tout à fait rationnel d’investir dans les vins plâtrés du Midi et d’Espagne qui, le phylloxéra aidant, connaissent un essor important tout au long de cette période. En effet, pour renoncer au plâtrage, il faudrait investir en caves et en procédés de vinification plus sophistiqués mais dont les bénéfices ne sont pas certains étant données les normes aléatoires.
26 Cette situation se modifie en 1890 du fait de plusieurs éléments, à commencer par la pression de plus en plus importante des hygiénistes et des ligues antialcooliques. À cela, il faut ajouter les succès remportés par le Midi dans la politique commerciale tant extérieure (adoption de tarifs douaniers protectionnistes) qu’intérieure (la loi Griffe marginalise les vins de raisins secs). En contrepartie, le Midi est obligé de céder sur le plâtrage. Finalement, les associations du Midi, tout en protestant contre l’interdiction du plâtrage, jugent qu’après plus de dix ans de contentieux à ce sujet, l’incertitude des normes constitue la cause principale de l’instabilité des marchés [28]. De ce fait, le 26 septembre 1890, la Chancellerie envoie une instruction aux procureurs généraux qui élargit la tolérance à la récolte de 1890, « mais seulement jusqu’au 1er avril 1891 [29] ».
27 Ce décalage entre temps juridique et temps économique peut se manifester aussi à d’autres niveaux ; par exemple, le produit peut être obtenu avant l’entrée en vigueur d’une norme mais être stocké depuis ; aussi, la production peut-elle débuter avant, mais s’achever après l’entrée en vigueur de la norme. Dans tous ces cas, le décalage ne peut être comblé sauf à imposer un seuil temporel qui, lui, divise le licite de l’illicite de manière tout à fait arbitraire. Cette solution affecte évidemment les comportements économiques et modifie les hiérarchies en place. Comme l’explique le procureur général de Montpellier au ministre, « quand votre circulaire interdisant le plâtrage (1/9) a été diffusée, la vendange avait à peine commencé ».
28 Cette issue aurait des retombées importantes en matière de profit :
« Il est à noter que cette année le commerce n’a pas attendu que le vin fut fait pour l’acheter ; de très importants achats ont été faits bien avant la récolte. Il est donc évident que le commerce régional, qui avait acheté des vins auparavant, se trouve dans une situation d’infériorité par rapport aux négociants qui achètent à l’étranger [30]. »
Qui a donc bénéficié le plus de cette situation ?
« Ce qui a caractérisé le commerce cette année c’est la hâte qu’a mis le commerce à traiter avec la propriété. On a énormément acheté avant le commencement des vendanges. Ces traités ont eu lieu à un prix très rémunérateur pour la propriété.
On peut dire qu’on a généralement payé pendant cette période 5 francs par hectolitre au-dessus du prix de l’année dernière. Ce prix a été maintenu et même dépassé jusqu’au moment des orages. »
29
À partir de ce moment, des différences de prix se sont produites entre le vin récolté avant et celui récolté après les orages.
Pour les négociants, le discours est plus complexe :« Les premiers ont été en grande faveur et le sont encore, les seconds ont été vendus à des prix suivant qualité. Je crois que la grande majorité des propriétaires de la région ont déjà vendu et de ce fait leurs ventes ont été plutôt favorables. »
En revanche, « si le mouvement signalé continue toute l’année, le commerce qui a beaucoup acheté serait exposé à des pertes ». Finalement, la baisse des prix peut-elle être rattachée à l’incertitude qui a été le résultat des circulaires sur le plâtrage ? Les vins récoltés avant la circulaire ont été vendus à de bonnes conditions, meilleures que l’année dernière. Pour les autres : « peut-être, mais il s’agit d’une faible quantité » [31].« un grand nombre de négociants de la région ont acheté comme commissionnaires, pour des maisons de Paris, Lyon, etc. Pour ces ventes, le commerce n’a pas grand aléa à courir et son bénéfice est à peu près constant ».
30 Autrement dit, le rapport entre le temps de l’économie et le temps juridique est influencé par les pressions politiques qu’exercent les associations d’acteurs économiques ; ce rapport conditionne à son tour les anticipations et les stratégies économiques. En l’occurrence, les espoirs fondés sur l’essor des marchés urbains et sur la hausse des prix des vins ordinaires encouragent les producteurs et les commerçants à s’accorder sur des achats anticipés pour lesquels la qualité du vin compte moins que la quantité. L’application de la circulaire sur le plâtrage interrompt, du moins en partie, ce circuit ; la valeur des stocks en sort considérablement amoindrie, soit du fait que les vins sont plâtrés (et désormais interdits), soit parce que, quand ils ne le sont pas, les producteurs n’ont pas eu le temps d’investir dans des caves pour éviter que le vin tourne [32]. C’est là une source importante de la chute du marché des vins ordinaires au début des années 1890 [33].
31 Finalement, le décalage entre les temps de l’économie et les temps du droit conditionne aussi le comportement des administrations ; cet impact se manifeste non seulement lors de l’élaboration et de la mise en place d’une règle de droit mais aussi lors de son application. Si le ministère du Commerce est favorable à ce que l’interdiction du plâtrage soit repoussée, celui des Finances encourage la solution tout à fait opposée ; le ministère de la Justice se trouve tiraillé entre les deux, tout en étant davantage exposé aux critiques de l’opinion publique. Chaque ministère souhaite donc que la responsabilité politique de l’interdiction tombe sur d’autres départements ou que, au pire, il y ait coordination de manière à faire front commun [34].
32 Au décalage incontournable entre les temps juridiques et les temps de l’action économique répond donc la tentative de l’administration publique d’orienter son intervention sur des séquences normatives certaines et acceptées par toutes ses branches. La mise en pratique des normes entraîne des différends entre les ministères et même à l’intérieur d’un même département dans la mesure où elle affecte leur poids politique. Tout accord coopératif entre administrations implique l’imposition d’une chronologie juridique qui, cependant, contrarie les intérêts de l’un ou de l’autre groupe économique. C’est précisément ce qui se passe lorsque les normes sur le plâtrage sont appliquées ; les acteurs économiques ayant davantage recours à cette pratique – producteurs du Midi, importateurs des vins d’Espagne – se retrouvent aussitôt en situation d’infériorité par rapport à ceux qui avaient misé sur d’autres logiques productives. C’est aussi dire que les contentieux judiciaires affectent les hiérarchies économiques, non seulement par le biais des temporalités multiples du droit et de l’économie, mais également à travers la construction spatiale des marchés.
La construction juridique de l’espace marchand
33 Les stocks posent problème aux constructions juridiques des temps de l’économie ; cet aspect exige à son tour une définition des lieux physiques de détention des stocks, à savoir les caves et les entrepôts. La distinction entre ces locaux et les magasins proprement dits est nécessaire afin de définir la « mise en vente » d’un produit et de préciser le moment où un « stock » se transforme en produit mis en vente. La résolution de cette question affecte doublement le marché du vin et ses hiérarchies ; sur le marché intérieur, elle conditionne les rapports de force entre vignerons, commerçants de gros et de détail et leurs stratégies respectives. Selon, en effet, que la cave est incluse ou non dans les notions juridiques du marché et de mise en vente, l’attribution des responsabilités en présence de vin plâtré et l’intérêt à garder des stocks seront différents. Cette question se pose également pour les échanges internationaux ; le rapport juridique entre cave, marché et entrepôt conditionne le traitement réservé aux vins plâtrés importés (d’Espagne en particulier) par rapport aux vins plâtrés du Midi. Organisation institutionnelle des échanges et discipline de la concurrence sont une fois de plus concernées.
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Ainsi, la circulaire du ministère de la Justice de 1880, interdisant le plâtrage, pose le problème de définir la « circulation » et la « mise en vente » d’un produit. Ensuite, la circulaire ministérielle du 25 mars 1891, adressée aux procureurs généraux précise que « les vins plâtrés au-delà de la limite ne tombent sous le coup de la loi que lorsqu’ils sont livrés à la consommation ou qu’ils seront trouvés en circulation. Les vins dans les caves demeurent exclus ». Aussitôt après, la chambre syndicale du commerce en gros des vins et spiritueux de la Gironde écrit au procureur général de la cour d’appel de Bordeaux afin de préciser la signification du mot « cave » :
Nous retrouvons sous un autre angle un problème évoqué plus haut, à savoir la distinction entre les vins plâtrés à interdire et les vins plâtrés à tolérer car faisant partie des stocks. À la délimitation temporelle (vins récoltés ou achetés à partir d’une certaine date) correspond celle des lieux du dépôt ; les caves sont ainsi distinguées des entrepôts. Cependant, cette distinction ne va pas de soi. Ainsi, le procureur général de Montpellier, commentant une saisie de vins plâtrés, souligne que, par rapport à la « mise en vente de la boisson », l’incertitude subsiste quant à la signification de cette expression : l’arrivée, se demande-t-il, peut-elle être considérée comme une mise en vente ? Selon le procureur, toute réponse à cette question dépend des modalités des contrats d’achats. Il faut tenir compte du fait « qu’on consomme la vente de la marchandise qu’on accepte d’ordinaire d’une façon définitive seulement après l’avoir goûtée et avoir constaté sa parfaite concordance avec l’échantillon. » Cette interprétation est pourtant contestée au sein de la division des affaires criminelle du ministère de la Justice où, en marge du rapport, on note : « c’est un cas particulier ; les achats se font souvent d’une autre façon [36] ». Mais, à son tour, le procureur général de Rouen observe que :« La loi, affirme la chambre, exclut les vins en cave, mais frappe les vins en circulation. Faut-il entendre que les vins actuellement en entrepôt auront libre circulation et que les dispositions s’appliquent seulement aux vins récoltés ou importés à partir de cette date [35] ? »
La définition juridique de la « cave » et, en particulier, le fait qu’elle soit inclusive de l’entrepôt affecte donc les hiérarchies sur le marché du vin. Car, en ce cas, les importateurs et les commerçants se voient accorder la même tolérance que les négociants et les débitants et peuvent ainsi déplâtrer le vin et le mettre en vente. La solution inverse se présente au cas où l’entrepôt serait distingué de la cave ; cette solution pénaliserait les importateurs par rapport aux débitants. C’est pourquoi, les commerçants des régions importatrices de vins plâtrés d’Espagne s’opposent à cette dernière interprétation, soutenue en particulier par la direction des douanes : « La loi, s’écrie ainsi la chambre de commerce de Bordeaux, se réfère au vin vendu, mis en vente ; mais le vin saisi n’a pas été mis en circulation puisqu’il est dans le quai de débarquement, dans l’entrepôt des douanes. » Le ministère des Finances et la chambre de commerce de Bordeaux sollicitent alors l’avis du ministère de la Justice ; cependant, à l’intérieur de ce dernier aussi les avis sont partagés. L’extension aux entrepôts des normes concernant les caves est d’abord rejetée, puis, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi de juillet 1891, admise [38]. Cette attitude incertaine ne convainc pas le directeur des douanes qui confirme son interprétation et pose deux questions au garde des sceaux : « l’importation constitue-t-elle un commencement de livraison ? Seulement dans le cas de réponse affirmative les marchandises pourraient être saisies ». Ensuite, « vous dites que le passage d’un magasin à un autre ne donne pas lieu à poursuites ; en est-il de même pour un négociant étranger qui a une succursale en France ? [39] »« la déclaration faite à la douane n’équivaut pas à la mise en circulation ni à la mise en vente. Elle n’est que la formalité destinée à acquitter les droits d’importation sur les produits étrangers entrant en France. Ces produits ne seront livrés à la consommation que lorsqu’ils auront payé les droits de régie. N’est-ce pas aussi au seul moment de la sortie des entrepôts, lorsque les droits de régie seront versés, qu’on devra les considérer comme mis en circulation ? Le premier élément du délit prévu par la loi de 1851, la mise en vente, paraît donc manquer entièrement [37] ».
35 La division criminelle et la Chancellerie du ministère de la Justice sont partagées, l’une étant plutôt favorable à l’interprétation du directeur des douanes, tandis que l’autre se dit prête à suivre, mais seulement « à la condition qu’on se trouve en présence d’un fait certain de vente ou de mise en vente ». L’impasse est à la fois interne aux dispositifs juridiques (la définition de vente), propre au fonctionnement de l’administration et à celui des marchés ; le manque de coordination est le fait moins d’une circulation imparfaite de l’information que des interprétations multiples qu’en donnent les acteurs concernés.
Quelle sera alors la solution adoptée ?
36 La réponse vient, une fois de plus, de la pratique judiciaire. Au printemps 1891, deux négociants, Urrutia et Uhalde, sont trouvés en possession de vins plâtrés ; cependant le magistrat instructeur accepte leur bonne foi et ils sont relaxés. Le magistrat explique que, comme la loi du 11 juillet 1891 n’avait pas encore été approuvée, il n’y avait pas de dispositions pénales pour les vins plâtrés au-delà de deux grammes par litre. Cependant, le supérieur hiérarchique du magistrat critique cette interprétation : c’était là, avoue le procureur général de Pau dans une lettre au ministère, « une erreur du tribunal, car en réalité le fait tombait sous le coup de la loi du 27 mars 1851 ».
37
Encouragé par le ministère, le procureur demande à son substitut de faire appel. Le jugement tombe le 8 août 1891 :
Cette affaire confirme les divergences au sein de la magistrature sur l’interprétation de la loi de 1891 et son rapport avec celle de 1851. Le débat porte sur la définition juridique de la vente ; l’importation peut se distinguer de la mise en vente en prenant en considération le lieu où le produit se trouve et le rôle de l’administration publique dans le processus de perfectionnement de la livraison. L’entrepôt de la douane peut alors s’envisager comme étant extérieur à l’échange ou comme en faisant partie. La construction de l’échange, sa pratique judiciairo-économique passe par la définition de ces éléments ; deux solutions sont alors disponibles : soit une nouvelle règle de droit qui précise la liste des lieux à assimiler au marché et au magasin (solution politique) ; soit un arrêt de la Cour de cassation qui indique l’interprétation des lois concernées (solution jurisprudentielle). Selon la solution retenue, la légitimation de la décision et son incidence sur les équilibres politico-institutionnels (en particulier le rapport entre pouvoir législatif et pouvoir judiciaire) ne seront pas les mêmes. Ainsi, à la suite de l’arrêt cité de la cour de Pau, aux yeux d’une majorité de responsables du ministère de la Justice, l’occasion ne saurait être plus propice pour résoudre judiciairement les contentieux sur l’interprétation de la loi de 1891. La division criminelle invite alors le procureur général de Pau à former un pourvoi en Cassation ; à ce moment, le garde des Sceaux admet alors « qu’il y a lieu de considérer l’importation comme constituant un commencement de livraison et tombant, par suite, sous le coup de la loi du 11 juillet 1891 (art. 3) [41] ».« Attendu que la loi de 1851 n’a jamais cessé d’être en vigueur, spécialement en ce qui concerne l’introduction à une dose malfaisante du plâtre dans le vin ; que l’absence de poursuite à une certaine époque de ce genre de délit n’a eu d’autre cause que l’incertitude existant au sujet de la détermination exacte du degré de dosage à partir duquel l’immixtion était nuisible à la santé ; que dans tous les cas, des circulaires prescrivant une tolérance à cet égard ne pourraient avoir pour effet d’abroger une loi ; attendu que le conseil d’hygiène en 1880 a déclaré nuisible à la santé au-delà des deux grammes par litre ; les vins saisis contiennent 2,60 grammes, et donc atteints par l’article 3 de la loi du 27 mars 1851 ; attendu que ces vins ayant une provenance étrangère, le prévenu en pouvait ignorer la constitution nuisible et qu’il devait bénéficier de la présomption de bonne foi, mais que cette décision ne saurait avoir pour conséquence la restitution des vins saisis […] le tribunal infirme […] [40]. »
38 Avant la décision de la Cour de cassation, le ministre de la Justice n’hésite pas à questionner le procureur général de cette Cour afin d’en connaître l’orientation. Le procureur explique que, lors de l’arrêt de la cour d’appel de Pau, « la loi du 11 juillet 1891 était en vigueur et la cour de Pau devait l’appliquer. Cependant, il est contestable que cette loi ait abrogé les dispositions antérieures, ordonnant la confiscation des boissons nuisibles à la santé et la cour de Pau déclare que le vin saisi avait ce caractère. Le succès du pourvoi me paraît donc douteux ».
39 Le procureur saisit l’occasion pour critiquer le recours de plus en plus fréquent à la Cour de cassation de la part des ministères publics [42]. Dès lors, le ministère de la Justice se trouve dans une situation difficile ; plusieurs experts de la Chancellerie et de la division criminelle sont réticents à saisir la Cour de cassation et ces doutes sont confirmés par la Cour elle-même. D’autres fonctionnaires du ministère soulignent, au contraire, l’importance d’aboutir à une action homogène des parquets et des douanes par le biais d’une sentence en cassation. Finalement, la première solution l’importe et l’affaire Urrutia est abandonnée.
40 Cependant, cette issue n’arrête pas pour autant les différends entre le ministère de la Justice et celui des Finances. Les douanes, conformément à l’interprétation de leur directeur Pallain, continuent de saisir les vins plâtrés dès leur entrée sur le territoire français ; pour leur part, les parquets continuent d’acquitter car, comme l’explique un substitut du tribunal de la Seine, « les marchands […] n’avaient jamais pris vision de la marchandise » déposée dans l’entrepôt des douanes [43]. Malgré les pressions exercées à la fois par le garde des Sceaux et par le ministre des Finances, ces issues se multiplient tout au long de la seconde moitié des années 1890 [44].
41 C’est ainsi que, le ministère des Finances change de stratégie ; non seulement, il suit l’orientation du garde des Sceaux, mais il la porte à ses conséquences extrêmes. Le 15 avril 1899, une circulaire de la direction des douanes, après avoir rappelé les décisions des parquets, en tire la conséquence que « le simple fait de l’importation de vins surplâtrés ne permet pas de poursuivre l’expéditeur, le déclarant ou le détenteur de ces vins. » La circulaire ordonne alors aux agents de s’abstenir, « dans l’avenir, de signaler aux parquets les importations de vins surplâtrés [45] ». Cette attitude ouvertement provocatrice suscite les réactions souhaitées par ses auteurs ; des protestations se lèvent de la part des milieux viticoles qui avaient soutenu l’interdiction du plâtrage et qui trouvent à cette occasion l’appui du ministre du Commerce. L’orientation des parquets, suivis maintenant par les douanes, s’écrie ce dernier, est inadmissible, d’autant plus qu’elle donne vie à une inégalité de traitement en faveur des vins étrangers [46].
42 La solution à cette impasse de presque dix ans va finalement être politique. Le 6 mars 1900, on dépose un projet de loi à la Chambre selon lequel « L’article 3 de la loi du 11 juillet 1891 est modifié comme suit : il est défendu de mettre en vente, de vendre ou de livrer, de détenir ou de mettre en circulation des vins plâtrés contenant plus de 2 grammes de sulfate de potasse par litre ». Le ministre du Commerce n’est pourtant guère satisfait ; il aurait préféré, comme son homologue des Finances, une issue jurisprudentielle [47]. Par contre, le ministère de la Justice ne peut qu’être soulagé d’une issue politique de la question. Dans sa réponse au ministre du Commerce, le garde des Sceaux, tout en affirmant partager les critiques à la sentence du tribunal de Paris, ajoute que « cependant cette décision n’a pas arrêté la jurisprudence car en appel les juges ont infirmé la première sentence en précisant que la poursuite est possible même sans la mise en vente. D’autre part, la cour n’avait pas jugé la mise en vente comme l’élément essentiel, mais elle avait montré que cet élément essentiel n’avait pas été suffisamment établi. » Dans ces conditions, conclut le ministre, on ne peut pas parler de fausse interprétation de la cour et de ce fait il n’y a aucune nécessité d’en appeler à la Cour de cassation [48].
43 Tant à la Chambre qu’au Sénat, la proposition de loi est justifiée précisément par la différence de traitement auquel les vins étrangers seraient soumis par rapport aux vins français. Alors que ces derniers sont saisis par les services des contributions indirectes, les vins plâtrés étrangers, la jurisprudence aidant, entrent couramment en France. La nouvelle loi sur le plâtrage est donc approuvée malgré les protestations des associations de producteurs et de commerçants qui avaient davantage recours aux importations espagnoles et, en partie, italiennes [49].
44 Ce long débat sur la définition de « mise en vente » aura finalement touché à plusieurs aspects essentiels sur le plan institutionnel, économique et jurisprudentiel. Ainsi, la référence à des lieux définis, en particulier la distinction entre cave et entrepôt, renvoie à une hiérarchie commerciale précise, celle entre marchand de gros et marchand au détail. Le fait que l’entrepôt soit ou non assimilé à une cave affecte l’application des règles de droit et, par ce biais, cette hiérarchie. Ce n’est pas un hasard si, au cours des années 1890, le commerce de gros se concentre et si plusieurs détaillants cherchent à entrer en contact directement avec les producteurs [50]. En effet, les attitudes différentes des administrations et des parquets augmentent l’incertitude et suscitent dès lors l’exigence d’une concentration des unités économiques afin de réduire le risque. En même temps, plusieurs acteurs économiques s’accommodent plutôt bien des bouleversements des marchés, comme le prouve leur recours rare en cassation sur ces sujets. Les équilibres politiques, institutionnels et économiques se définissent mutuellement par le biais précisément des caractéristiques des produits.
45 En même temps, parler d’entrepôt et de circulation signifie aussi parler du rapport entre réseaux locaux, régionaux, nationaux et internationaux. Au début des années 1890, les entrepôts de Bercy accumulent les vins du Midi, alors que les importateurs du Bordelais et de Paris ont recours à des vins de coupage espagnols. Cette situation se renverse avec l’interdiction de la simple circulation de vin plâtré ; les stocks s’amenuisent et le vignoble algérien prend de l’essor [51].
46 Sur le plan microéconomique, cette recherche d’une définition institutionnelle des expressions de « mise en vente », « détention » et « circulation » affecte non seulement le fonctionnement, mais la conception elle-même du marché. Selon l’interprétation dominante des parquets des années 1890, la circulation d’un produit d’un entrepôt à l’autre demeure en dehors de la notion d’échange, alors que plusieurs administrations estiment que la « mise en vente » commence à partir de la simple détention et de la circulation du produit dans le cadre de la même entreprise. Au-delà d’un seuil non précisé d’autoconsommation, le marché, au point de vue juridique, inclut la potentialité de vente. La loi de 1900 adopte cette interprétation, en modifiant ainsi le lien entre production et commerce ; c’est pourquoi, les importations d’Espagne se réduisent et la concentration dans le Midi s’accroît [52].
47 En résumé, les règles de droit et leur application répondent à la dynamique économique et contribuent elles-mêmes à la construction du marché. L’internationalisation des marchés, l’essor des vignobles d’Algérie et les dynamiques différentes des régions françaises s’accompagnent d’une modification des éléments contractuels. Du coup, une nouvelle définition de la vente s’impose ; en particulier, il devient nécessaire de préciser les phases différentes de l’échange, surtout à l’échelle internationale. L’application des règles de droit dans les contentieux sur ces sujets renforce ce processus et contribue à la mise en place de hiérarchies économiques déterminées.
La construction judiciaire du marché
48 L’application des normes sur le vin met en évidence l’imbrication étroite entre règles de droit et action économique, mais selon une perspective assez distante de celle de la nouvelle économie du droit. En effet, parler de normes et de contrats incomplets n’a guère de sens dans la mesure où les règles de droit sont par définition « incomplètes » : elles offrent un cadre de référence aux acteurs économiques et en conditionnent ainsi les anticipations et les stratégies. Leur « incomplétude » est indispensable au fonctionnement du marché. De ce point de vue, les différends d’interprétation expriment moins l’insuffisance d’un dispositif que le principe de l’application ; selon cette perspective, l’action économique ne saurait se séparer de l’interprétation et de la norme juridique.
49 La construction du marché passe donc par l’activation des règles de droit et, inversement, celle-ci se place à l’intérieur de l’activité économique. Les qualités des produits s’identifient par le biais de la circulation de l’information et de sa signification juridique (tromperie, fraude, etc.), cette dernière étant fonction non seulement du comportement du vendeur mais également de la recherche d’information de la part de l’acheteur. Plus que le produit, c’est l’information le concernant qui structure un marché avec une offre et une demande. Les qualités sont distinguées entre qualités substantielles (sans lesquelles les parties n’auraient pas contracté) et qualités accessoires ; ces éléments, et non pas la nature complète ou incomplète du contrat, permettent de rendre compte du fonctionnement des échanges dans une économie de marché.
50 À des qualités changeantes des produits correspond une hiérarchisation conventionnelle de l’espace économique, à laquelle fait écho une partition tout aussi conventionnelle du temps. Le principe de la non-rétroactivité des normes se trouve en effet en difficulté lorsqu’il est confronté à la multiplicité des temps économiques. Tant que ce problème n’est pas résolu, les acteurs économiques misent sur les stocks de vins plâtrés qu’ils s’attendent à pouvoir écouler (étant donné le principe de non-rétroactivité). La rupture formelle de ce schéma en 1891 provoque un effondrement rapide du marché et modifie les stratégies des agents. Les stocks de vin perdent une partie de leur importance et les rapports économiques se modifient ; le commerce se concentre et les propriétaires cherchent aussi à se rassembler en des coopératives afin de vendre directement au consommateur final. Dans ce contexte, la définition juridique des lieux de vente ou de mise en vente est cruciale ; la question est en effet de savoir si les caves, les entrepôts des particuliers et ceux des douanes sont ou non inclus dans le marché. La réponse donnée influence plusieurs rapports, à commencer par l’importance relative du ministère des Finances par rapport à celui de la Justice, c’est-à-dire, au droit administratif par rapport au droit judiciaire. En outre, la définition de la « mise en vente » conditionne les rapports entre production et commerce et entre réseaux régionaux, nationaux et internationaux. En particulier, la solution trouvée après dix ans de contentieux entre administrations, particuliers et leurs associations permet de saisir et de détruire les vins plâtrés dès leur entrée en France. Cette solution contribue à la réduction des importations des vins d’Espagne et oblige le Midi à investir dans des caves. C’est là une des origines de la concentration de la production et de l’essor des coopératives du Midi [53]. Cependant, ces processus n’ont pas lieu dans un vide juridique. C’est précisément cette identification réciproque de l’action économique et de l’application de la règle de droit qui constitue le noyau dur d’une économie de marché.
Notes
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[1]
AN (Archives nationales) BB 18 6023, Ministère des Finances à celui de la Justice, 23 février 1893.
-
[2]
George A. Akerlof, « The Market for Lemons : Quality Uncertainty and the Market Mecanism », Quaterly Journal of Economics, vol. 84, n° 3, 1970, pp. 488-500 ; Joseph Stiglitz, « The Causes and Consequences of Dependance of Quality on Price », Journal of Economic literature, vol. 25, n° 1, 1987, pp. 2-48.
-
[3]
L’information économique est incomplète si on ne connaît plus ni les bénéfices, ni les objectifs des autres agents. Elle devient imparfaite si, de plus, on ne connaît ni les comportements précédents des autres acteurs, ni, de façon générale, l’environnement économique, c’est-à-dire les techniques et les normes (sur ces aspects, Robert Gibbons, A Primer in Game Theory, Prentice hall, New Jersey, Englewood Cliffs, 1992).
-
[4]
Voir à ce sujet les travaux pionniers de William Landes et Robert Posner, parmi lesquels : « Trademark Law : an Economic Analysis », Journal of Law and Economics, 1987, vol. 30, n° 2, pp. 265-309.
-
[5]
Zorina Khan, « Property Rights and Patent Litigation in Early 19th Century America », The Journal of Economic History, vol. 55, n° 1, 1995 pp. 58-97 ; Douglass North, Robert Thomas, The Rise of Western Civilization : a New Economic History, Cambridge, Cambridge University Press, 1973.
-
[6]
Pour une synthèse critique de la nouvelle économie du droit, voir Thierry Kirat, Économie du droit, Paris, La Découverte, 1999.
-
[7]
Sur les contrats incomplets voir Éric Brousseau, L’économie des contrats, Paris, Puf, 1993.
-
[8]
Sur la dynamique de la consommation voir, entre autres : Patrick Verley, Nouvelle histoire économique de la France contemporaine, Paris, La Découverte, 1995 ; Maurice Levy-Leboyer, François Bourguignon, L’économie française au xixe siècle, Paris, Economica, 1985.
-
[9]
Sur ces aspects voir, entre autres : Marcel Lachiver, Vins, vignes et vignerons, Paris, Fayard, 1988 ; Gilbert Garrier, Rémy Pech, Genèse de la qualité des vins, Dijon, Bourgogne publications, 1994 ; G. Garrier, Histoire sociale et culturelle du vin, Paris, Larousse, 1998.
-
[10]
M. Lachiver, Vins…, op. cit., pp. 428-434 ; voir aussi les ouvrages de Roger Dion, Histoire de la vigne et du vin en France, des origines au xixe siècle, Paris, l’auteur, 1959 et de Jean-François Gautier, Histoire du vin, Paris, Puf, 1992 ; G. Garrier, Le phylloxéra, Paris, Albin Michel, 1989.
-
[11]
Sur les détails techniques des procédés voir : Albert Bedel, Traité complet de manipulation des vins, Paris, Garniers frères libraires-éditeurs, 1887 ; Armand Gautier, La sophistication des vins. Méthodes analytiques et procédés pour reconnaître les fraudes, Paris, Librairie J.-B. Baillière et fils, 1884.
-
[12]
Sur les hygiénistes en général voir : Lion Murard, Patrick Zylberman, L’hygiène dans la République, Paris, Fayard, 1996 ; Christian Topalov, La nébuleuse réformatrice, Paris, EHESS, 1999.
-
[13]
Nicolas De la Mare, Traité de police, 4 t., 1 : Paris, P. Cot, 1705. 2 : Paris, P. Cot, 1710. 3 : Paris, Brunet, 1719. 4 : Paris, Hérissant, 1735.
-
[14]
Sur les contentieux en matière de plâtrage à cette époque, voir AN BB 18 6025.
-
[15]
Gérard Fox, « Rapport sur le plâtrage des vins », Bulletin du ministère de l’Agriculture, 1887, n° 5, pp. 483-522.
-
[16]
Journal des chambres de commerce, 1886, n° 10, p. 331.
-
[17]
AN BB 18 6023, Supplique des marchands de vins de Nancy au procureur général de Nancy, 19 août 1880 ; Lettre du procureur général de Nancy au ministre de la Justice, 20 août 1880 ; Préfecture de l’Hérault au ministre de la Justice, 26 août 1880 ; Ministre aux procureurs de Nîmes, Montpellier, Toulouse, Agen et Aix, 31 août 1880, Chambre syndicale de commerce en gros des vins et spiritueux de Paris et du département de la Seine au ministre de l’Agriculture, 23 août 1890 ; Ministre du Commerce au ministre de la Justice, 11 septembre 1880.
-
[18]
AN BB 18 6023, Ministre de l’Agriculture au ministre de la Justice, 7 septembre 1880.
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[19]
AN BB 18 6023, Cour d’appel de Montpellier au ministre de la Justice, 7 septembre 1880.
-
[20]
AN BB 18 6023, Ministère de la Justice au ministre du Commerce, 29 novembre 1880 ; Ministre du Commerce au ministre de la Justice, 28 décembre 1880.
-
[21]
AN BB 18 6023, Ministre de l’Agriculture au ministre de la Justice, 4 mai 1881.
-
[22]
AN BB 18 6023, Préfecture des Pyrénées-Orientales au ministre de la Justice, 19 octobre 1881.
-
[23]
AN BB 18 6023, Ministre des Finances au ministre de la Justice, 5 septembre 1881 Ministre de la Justice au ministre des Finances, 20 novembre1881.
-
[24]
AN B 18 6023, Note interne du ministère de la Justice, sans date, mais vraisemblablement entre octobre et novembre 1882.
-
[25]
AN BB 18 6023, Ministre du Commerce au ministre de la Justice, 4 août 1882, 6 avril 1883, 27 août 1885, 26 février 1886 ; Ministre de la Justice au ministre du Commerce, 16 mars 1883, 26 août 1884 ; circulaire du ministre de la Justice aux procureurs généraux, 25 août 1886.
-
[26]
AN BB 18 6023, Ministre des Affaires Étrangères au ministre de la Justice, 20 septembre 1886.
-
[27]
AN BB 18 6023, Préfecture des Pyrénées-Orientales au ministre de la Justice, 19 octobre 1881.
-
[28]
G.M. « Le plâtrage des vins », Débats, 29 août 1890.
-
[29]
AN BB 18 6023, Cour d’appel de Montpellier au ministre de la Justice, 23 septembre 1890 ; Ministère de la Justice au procureur général de Montpellier, 24 septembre 1890 ; Instruction du ministère de la Justice aux procureurs généraux, 26 septembre1890.
-
[30]
AN BB 18 6023, Procureur général de Montpellier au ministre de la Justice, 8 décembre 1890.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
Voir sur cet aspect, la rubrique « Bercy-entrepôt », in Revue vinicole du 26 mars 1891, p. 51, et du 30 juillet 1891, p. 127.
-
[33]
R. Pech, Entreprise viticole et capitalisme en Languedoc Roussillon, du phylloxéra aux crises de mévente, Toulouse, Éditions de l’université de Toulouse, 1975, annexes statistiques. Voir aussi les commentaires dans la rubrique « Bercy-entrepôt », in Revue vinicole, 1885-1900.
-
[34]
AN BB 18 6024, Ministère des Finances au ministère de la Justice, le 8 décembre 1891 ; Note interne de la chancellerie du ministère de la Justice, 16 décembre 1891 ; Circulaire du ministre de la Justice aux procureurs, 16 janvier 1892 ; Ministère des finances à celui de la Justice, le 20 février 1896 ; Ministre des Finances à celui de la Justice, avril 1899 ; Ministre de la Justice à celui des Finances, 30 mai 1899.
-
[35]
AN BB 18 6023, Chambre syndicale du commerce en gros des vins et spiritueux de la Gironde au procureur général de la cour d’appel de Bordeaux, 10 avril 1891.
-
[36]
AN BB 18 6024, Cour d’appel de Montpellier au ministre de la Justice, 5 mai 1899, avec annotations en marge de la Direction des affaires criminelles, s. d.
-
[37]
AN BB 18 6023, Procureur général de Rouen au ministre de la Justice, 23 avril 1891.
-
[38]
AN BB 18 6023, Ministre de la Justice à celui des Finances, 10 octobre1891.
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[39]
AN BB 18 6023, Ministre des Finances à celui de la Justice, 14 décembre 1891.
-
[40]
AN BB 18 6023, Cour d’appel de Pau au ministre de la Justice, 10 août 1891.
-
[41]
AN BB 18 6023, Ministère de la Justice au ministre des Finances du 25 février1892.
-
[42]
AN BB 18 6023, Procureur général de la Cour de cassation au ministre de la Justice, 15 mars 1892.
-
[43]
AN B 18 6023, Cour d’appel de Paris au ministre de la Justice, 29 mars 1893 ; Ministère des Finances à celui de la Justice, 23 février 1893.
-
[44]
AN BB 18 6023, Ministère des Finances à celui de la Justice, 23 février 1893, 27 mars 1893, 4 juillet 1893 ; Procureur général d’Aix au ministre de la Justice, 6 mars 1893 ; Direction des douanes au ministre de la Justice, 1 février 1895 ; Ministre de la Justice au procureur général de Rouen, 2 mars 1895 ; Procureur général de Rouen au ministre de la Justice, 26 mars 1895 ; Ministère de la Justice à celui des Finances, 2 mars 1895.
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[45]
AN BB 18 6024, circulaire de la direction générale des douanes, 15 avril 1899.
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[46]
AN BB 18 6023, Ministère du Commerce, direction du commerce, au ministre de la Justice, 30 mars 1900.
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[47]
Ibid.
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[48]
AN BB 18 6023, Ministre de la Justice à celui du Commerce, 11 avril 1900.
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[49]
AN F 12 4847, Direction générale des contributions indirectes au ministre des Finances 10 mars 1900 ; AN F 12 6873, Chambre de commerce de Narbonne au ministre du Commerce, 20 novembre 1902 ; Chambre syndicale des distillateurs en gros de Paris au ministre du Commerce 16 mai 1901.
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[50]
Henry Sempé, « Régime économique du vin », Bordeaux, thèse, 1898, appendice statistique, tableau XV ; R. Pech, Entreprise viticole…, op. cit.
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[51]
Rubrique « Bercy-entrepôt », Revue vinicole, numéros entre septembre 1890 et avril 1891 ; AN F 12 6874, La question des droits sur les vins étrangers, Bordeaux, Feret et fils, 1898, extrait de la Revue économique de Bordeaux, du 1er novembre 1898, p. 13 ; Direction générale des douanes, Tableau décennal du commerce de la France 1887-1896, Paris, Imprimerie nationale, 1898, vol. 1, pp. CCLXXII-III.
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[52]
Annuaire statistique de la France, p. CVI, Paris, Imprimerie nationale, 1899 ; Louis Privat, « Régime douanier en France », Bordeaux, thèse, 1904, appendice statistique, tableau VII, pp. 13-14.
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[53]
Sur ce processus, voir R. Pech, Entreprise viticole…, op. cit.