Les années 1970 ont été marquées par une défiance croissante envers les multinationales. Elles étaient devenues si grosses et si internationales qu’elles étaient suspectées d’écraser la concurrence, et même de menacer les États. Cela a contribué, sans en être la raison première, à déclencher en France, il y a exactement quarante ans, des nationalisations massives. On connait la suite. La France a finalement fait marche arrière et rejoint le concert des nations. Les entreprises géantes étaient en effet (re)devenues fréquentables un peu partout sur la planète. On ne les appelait plus « multinationales », terme idéologique et négatif, mais « entreprises globales ».
Depuis, selon l’économiste François Lévêque, tout leur a réussi, à commencer bien sûr par la mondialisation. Ces quarante années ont été, pour elles, les Quarante triomphantes. On leur a déroulé le tapis rouge, ainsi qu’à leurs patrons, comme le titrait en 2015 Le Monde : « Carlos Ghosn, le PDG chef d’État ». Les chiffres d’affaires ont été décuplés, l’innovation est devenue incessante, la rentabilité a littéralement explosé. Les économistes sont formels : plus elles sont puissantes et performantes, plus elles le deviennent. Non seulement elles creusent l’écart avec leurs concurrents, mais elles sont aussi à l’origine d’inégalités toujours plus grandes dans tous les domaines. Elles troublent le fragile équilibre des finances publiques. Elles menacent depuis quelque temps de manipuler les consommateurs grâce aux données massives, mais aussi les citoyens en vendant leur puissance technologique à des manipulateurs d’opinion passés maîtres dans la diffusion d…