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Article de revue

Les avis de salariés sur la plateforme Glassdoor, pour une lecture critique et contextualisée

Pages 17 à 26

Notes

1Consulter des avis en ligne sur un produit ou un service avant un achat est devenu habituel pour nombre de clients. Comment faisions-nous pour choisir un restaurant avant Tripadvisor ? Ce cliché du recours systématique à la technologie numérique concerne aussi le domaine du recrutement, car les candidats peuvent depuis quelques années consulter des avis de salariés sur leur futur potentiel employeur avant de postuler. Et comme dans le domaine commercial, l’existence de ces traces pérennes interpelle les entreprises, entre crainte et opportunité. Finalement, quelles sont les connaissances actuelles sur ce phénomène plutôt récent ?

2Historiquement, l’internet a été lié à la thématique de l’emploi dès l’apparition des premiers forums (Marschall, 2002). Progressivement, ces informations ont été transférées sur des plateformes dédiées, les jobboards comme Monster, et sur les sites Web des entreprises. Ce transfert des jobboards aux sites est justifié à la fois par les changements d’usages et de technologies, mais aussi pour des raisons budgétaires (Young et Foot, 2006). Cette orientation a favorisé aussi l’attractivité de l’organisation en suivant une stratégie de marque (Cober et al., 2004 ; Williamson et al., 2010) et en orientant la communication sur l’employeur et non plus seulement sur l’emploi. Les sites internet de recrutement se sont ainsi affinés dans le temps, de simple page au départ à un site indépendant pour certaines organisations. Orientée par une politique commerciale, cette communication numérique du recrutement a adopté certains principes marketing comme « le ciblage » ou « la marque » (Viot et Benraïss-Noailles, 2014). Ainsi, l’internet a, sur un temps long, accueilli les informations sur le marché de l’emploi, passant progressivement de la publication d’offres d’emploi, simple transfert des annonces papiers, à des stratégies communicationnelles de marque focalisées sur l’employeur.

3Ces investissements massifs des entreprises pour communiquer sur leur recrutement se justifient, notamment, par une vision du marché du travail comme marché de l’information dont la transparence serait une garantie d’efficience (Mellet, 2004) pour les différents acteurs. Dans ce contexte, apparaissent à partir de 2007 les premières plateformes d’avis de salariés, dont Glassdoor (Figure 1) est l’exemple emblématique. La promesse de ces nouveaux dispositifs communicationnels est de fournir une information qui serait plus transparente que celle des discours d’entreprise caractérisés par la logique de marque. Les salariés s’y expriment de façon anonyme et évaluent leur employeur par des avis et des mesures. Le candidat pourrait se faire une idée, construire une représentation de l’entreprise à partir de discours transparents, réels, fiables sur l’organisation. L’accueil par les entreprises françaises en 2014 lors de l’implantation de Glassdoor a cependant oscillé entre la crainte de voir des informations négatives se propager librement et sans contrôle sur l’internet et l’espoir d’obtenir à peu de frais des données sur le climat social [1]. L’histoire des plateformes d’avis de salariés est ainsi relativement diffusée.

Figure 1

Extrait de la plateforme Glassdoor sur la banque Société Générale, consulté le 2 juillet 2019

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Extrait de la plateforme Glassdoor sur la banque Société Générale, consulté le 2 juillet 2019

4La réception de ces avis est cependant plus imaginée que connue par les acteurs principaux, les concepteurs des plateformes et les entreprises. La fiction narrative de salariés et candidats rationnels, promue par les plateformes, a peu de chance de correspondre à une réalité humaine et sociale. Or, le questionnement des entreprises porte justement sur les usages réels des candidats et non les usages souhaités par ces plateformes.

5Notre question de recherche est ainsi centrée sur l’analyse de la réception des avis de salariés par les chercheurs d’emploi selon plusieurs axes : comment interprètent-ils ces avis de salariés et les considèrent-ils comme des sources d’information importantes et différentes des avis de clients ? Elle s’inscrit au cœur d’une communication de recrutement orientée par la marque employeur, en pleine évolution et cherchant, parfois désespérément pour certains métiers, des clés de compréhension de l’attractivité d’une entreprise.

6Nous préciserons d’abord, par une revue de littérature, le contexte dans lequel ces plateformes d’avis se sont développées. Nous expliciterons alors notre problématique de recherche avant de détailler la méthodologie qualitative suivie. Les principaux résultats montreront l’importance de la fiabilité de l’information pour la population rencontrée. Enfin, nous discuterons ces résultats à travers le prisme de notre cadre conceptuel tout en soulignant certaines limites de cette étude.

Les avis de salariés, le cas de la plateforme Glassdoor

7Alors que les données sur une entreprise étaient issues principalement de sites Web contrôlés par les directions générales, les avis de salariés sont venus bousculer ce paysage publicisé de la communication de recrutement baignée de marque employeur. Plus qu’un site Web, Glassdoor est une plateforme questionnée par plusieurs courants de recherche.

Glassdoor, une plateforme d’avis de salariés au service de la désintermédiation

8Glassdoor est une plateforme d’avis de salariés emblématique par son histoire et son fonctionnement. Fondée en décembre 2007 aux États-Unis, cette entreprise s’est développée autour d’une fonction d’usage : la publication d’évaluations anonymes des entreprises par leurs salariés dans la perspective affirmée de favoriser la liberté d’expression de ces derniers (Pereira, 2017). Elle arrive en France en octobre 2014, non sans inquiéter ou du moins attirer l’attention des services « Ressources Humaines » de certaines organisations, notamment.

9Les parties prenantes impliquées sont, pour une première face de ce marché, les salariés qui déposent un avis et les utilisateurs, candidats à un recrutement, qui les lisent pour évaluer l’entreprise. Ce service est gratuit pour ces deux acteurs. La deuxième face de ce marché des avis de salariés est celle reliant la plateforme aux entreprises qui peuvent créer des comptes gratuits au départ dont certaines options sont payantes. Ce marché multiface caractéristique de l’économie des plateformes (Penard et Rallet, 2014) se complète par des annonceurs publicitaires. La nature du service étudié dans cet article est de permettre « aux utilisateurs de publier un contenu pour des employeurs quand ils ont été employés par l’employeur [2] ». La plateforme pour cette fonction présente des listes d’avis classés par entreprise en avantages, inconvénients et conseils à la direction (Figure 1).

10Le modèle d’affaires de cette plateforme est basé sur des levées de fonds. Le nombre de salariés serait de 700, la plateforme compterait plus de 34 millions de visiteurs uniques par mois et affirme disposer de données sur plus de 540 000 entreprises dans 190 pays [3]. La communication du groupe a évolué depuis sa fondation. Annoncée comme « le Tripadvisor du recrutement » au départ [4], sa mission s’est élargie et consiste aujourd’hui à « aider les gens à trouver des emplois et des entreprises qui leur plaisent, où qu’ils soient1 ». Cette évolution est significative de deux mouvements convergents sur ce marché oligopolistique des plateformes d’emploi. Ainsi, Glassdoor a d’abord cherché à désintermédier le marché de l’emploi en mettant en contact direct les salariés et les candidats. Une fois la plateforme bien établie, elle a opéré un mouvement inverse, celui de réintermédiation, se positionnant comme le partenaire indispensable à cette nouvelle relation. Observable dans de nombreux secteurs (Beuscart et al., 2016), cette logique de désintermédiation-réintermédiation peut aussi être associée à la construction économique d’un marché oligopolistique par un jeu de concentrations successives. La fonction d’usage de publication anonyme d’avis de salariés, initiée par Glassdoor, a été intégrée par de nouvelles plateformes comme Meilleures-entreprises en France ou Kununu en Autriche. Puis, les plateformes généralistes d’offres d’emploi comme LinkedIn et Indeed ont aussi adopté cette fonction et forment avec Glassdoor un triumvirat consacré par plusieurs classements et dominant le marché des plateformes d’emploi. Dans le paysage du recrutement, les avis de salariés sont devenus un marché économique soutenu par des acteurs aux ressources importantes. Ces moyens permettent en particulier un référencement efficace de ces sites internet.

11Ces avis ont aussi été étudiés dans la littérature scientifique dans deux mouvements successifs articulés autour de l’apparition de l’internet.

Les avis de salariés dans la littérature scientifique : du bouche-à-oreille à l’analyse de contenu

12Les avis de salariés ont connu deux grandes périodes d’étude dans la littérature scientifique. Avant leur affirmation grâce à l’internet et aux plateformes, leur effet a été étudié en adoptant l’image du bouche-à-oreille. Puis, le développement de Glassdoor a favorisé l’étude de données massives en se centrant sur le contenu et ses relations avec différentes variables organisationnelles.

Les avis de salariés et la nature des informations sur l’organisation

13Les avis de salariés ont d’abord été étudiés en tant que bouche-à-oreille en opposition à la communication institutionnelle du site internet de l’entreprise. Cable et Turban (2001) ont par exemple établi une typologie des sources de recrutement dans laquelle ils placent les avis de salariés comme externes à l’organisation et liés à l’expérience. Uen et al. (2011) ou Van Hoye et al. (2014) montrent, par une méthode expérimentale, l’influence du bouche-à-oreille dans l’attractivité de l’entreprise. Ces auteurs mettent en avant le fait qu’un avis de salarié peut avoir plus d’impact sur la prise de décision qu’une information issue de l’entreprise considérée comme moins crédible. De même, Kaur et Dubey (2014) proposent une problématisation des avis de salariés comme source non contrôlée et réaliste sur l’organisation. Ils posent l’hypothèse que la crédibilité repose sur l’absence de contrôle des avis par les organisations. L’information est considérée comme plus réaliste car elle présente des éléments positifs mais aussi négatifs.

14Ces auteurs mettent en évidence la nature de l’information disponible sur les organisations en insistant sur la problématique de la crédibilité de l’information et de son contrôle. Les avis sont alors considérés par les chercheurs d’emploi comme une information plus crédible et moins contrôlée que la communication institutionnelle. Cette crédibilité est pourtant peu mise en avant dans la deuxième vague d’étude des avis devenus des traces publiques sur l’internet.

Les données massives de Glassdoor

15L’existence de données massives accessibles pour les chercheurs a favorisé l’émergence d’études scientifiques sur les avis de salariés, Glassdoor étant l’outil privilégié. Certains travaux se concentrent sur le contenu des avis pour proposer une structure (Stamolampros et al., 2019) mais la plupart associent le contenu des avis à des variables organisationnelles.

16Une première relation concerne celle entre la satisfaction de salariés (Luo et al., 2016 ; Ji et al., 2017 ; Symitsi et al., 2018 b) ou leurs sentiments (Symitsi et al., 2018 a) et la performance financière de l’organisation. Ces études, en considérant ces avis comme représentatifs du climat de l’entreprise, démontrent des relations statistiques entre une satisfaction mesurée par ces avis et des indicateurs financiers. Elles proposent des catégories d’avis qu’elles associent ensuite à des niveaux de performance. Par exemple, Luo et al. (2016) analysent 257 000 commentaires tirés de Glassdoor et les classent selon 9 catégories (intégrité, travail d’équipe, innovation, respect, qualité, sécurité, communauté, communication, récompense) associées à des secteurs et des indicateurs de performance financière.

17D’autres auteurs étudient le lien entre le contenu des avis et certains indicateurs relatifs à la marque employeur. Par exemple, Dabirian et al. (2017) ont analysé le contenu de 38 000 évaluations d’employés sur Glassdoor et les classent selon 7 catégories. En rapprochant ces catégories des scores obtenus dans Glassdoor par ces organisations, ces auteurs montrent que les relations sociales ou l’intérêt du travail sont des critères importants dans les entreprises les mieux notées. De même, Robertson et al. (2019) ont mis en évidence que le contenu des commentaires n’est pas toujours associé à une marque affirmée. Ces auteurs soulignent le paradoxe d’organisations dont la marque employeur est reconnue favorablement par des classements ou des récompenses, mais dont le contenu des avis est plutôt négatif.

18Ces études fournissent des repères utiles à la compréhension du contenu des avis, mais elles négligent le contexte de la rédaction. Ces textes sont en effet intégrés dans une plateforme suivant la logique économique de l’internet et dont les objectifs, peuvent influencer le contenu. Ces biais importants sont connus pour les commentaires de clients accusés d’être extrêmes et menacés de faire boule de neige (Aral, 2014).

19Pour autant, les auteurs mentionnés précédemment dans la deuxième vague de recherche ne remettent pas ou peu en question la qualité des données recueillies sur les plateformes comme Glassdoor. Ces avis sont considérés comme des données objectives, alors qu’ils sont le fruit d’une construction influencée par les plateformes et les rédacteurs. De même, la lecture des avis n’est pas interrogée alors que les premières recherches sur les avis de salariés sont centrées sur la crédibilité de ces avis. C’est pourquoi nous souhaitons intégrer dans notre analyse de la réception de ces données par des candidats à un recrutement les dimensions contextuelles de ces avis.

20Plutôt que de nous centrer sur la prise de décision du candidat, nous avons étudié les racines de ce processus. Pour cela, nous avons analysé la réception de cette communication organisationnelle, réception définie comme une construction du sens associé à ces textes en situation. L’analyse de cette réception favorise la compréhension des motivations d’un phénomène dans son contexte technologique et social, préalable nécessaire à l’étude des attitudes des candidats, dont le choix de l’employeur.

21Pour répondre à cette problématique, une méthodologie qualitative et profonde basée sur des mises en situation a été privilégiée.

Mises en situation, discours collectifs et individuels

22La volonté de comprendre un phénomène complexe de réception a orienté la méthodologie vers les approches compréhensives (Dumez, 2013). Plusieurs choix méthodologiques ont orienté ces travaux : l’utilisation de mises en situation, une population interrogée et un secteur particulier, et enfin le croisement du regard dans la collecte et le traitement des données recueillies.

Le choix des mises en situation d’une population

23Pour aborder notre problématique de réception des avis de salariés, une première possibilité était d’utiliser des questionnaires ouverts portant sur la thématique. Nous avons cependant préféré des mises en situation pour limiter les discours généralisants et décontextualisés. Ce premier choix a orienté notre recueil de données vers des formes de collecte intégrant un contexte précis dans lequel le discours des personnes rencontrées était recueilli. Les individus étaient ainsi interrogés par rapport à des mises en situation, des séquences de navigation sur des sites internet de recrutement, et pas à partir de questions générales sur leur analyse des avis de salariés. De même, les sites d’avis de salariés n’étaient pas les seuls sites analysés ; d’autres sites étaient accessibles aux personnes interrogées, comme en situation d’une recherche d’informations sur une entreprise par un candidat à un recrutement.

24Dans ce cadre, et pour recueillir des données les plus homogènes possibles, les mises en situation étaient centrées sur les banques et les jeunes diplômés. Les banques recrutent environ 40 000 candidats par an [5] et les jeunes diplômés sont une des cibles privilégiées de ce secteur économique. Plus précisément, l’analyse a porté sur les banques particulièrement investies dans la communication de recrutement envers les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, niveaux Bac + 3 à Bac + 5 potentiellement recrutables dans ce secteur.

25Ce premier choix méthodologique a permis de favoriser l’homogénéité du recueil des données, réalisé par un dispositif suivant une même logique, des mises en situation avec une population proche, des jeunes diplômés, et un secteur identique, les banques françaises.

Complémentarité des focus groups et des entretiens d’auto-confrontation simple

26Un autre choix méthodologique a été de croiser les regards sur cette situation de recrutement pour améliorer la réflexivité du chercheur et permettre le recueil d’interprétations variées des avis de salariés. Les deux méthodes d’observation retenues sont celles des focus groups et de l’auto-confrontation. Cette double approche, collective et individuelle, cherche à prendre en compte les limites réciproques de ces démarches.

Caractéristiques et organisation des focus groups

27Les 10 focus groups réalisés ont concerné 68 jeunes diplômés qui ont échangé pendant une heure environ. Cette discussion a fait suite à une navigation internet d’une trentaine de minutes sur des sites liés au recrutement : sites d’une banque de réseau française (site institutionnel, page Facebook et Twitter sur le recrutement) et sites d’avis de salariés sur cette même banque. Les focus groups sont constitués de six ou sept étudiants chacun et nous avons cherché à en équilibrer le genre et l’origine (BTS ou DUT, formations de deux ans après le baccalauréat).

28Les focus groups ont été organisés sur deux terrains de recherche différents. Le premier est une école d’ingénieurs en alternance. Six groupes vus en trois demi-journées ont regroupé des étudiants volontaires de dernière année. Le projet est présenté et expliqué aux étudiants par le chercheur qui n’est pas leur enseignant. Le TD dans lequel les focus groups s’insèrent concerne les techniques de recherche d’emploi au cours duquel les avis de salariés ne sont pas abordés. L’expérience de l’alternance et la proximité de l’obtention du diplôme apparentent ces étudiants à de jeunes diplômés.

29Le deuxième terrain concerne quatre focus groups de la licence professionnelle « Assurance, Banque, Finance, spécialité ‟chargé de clientèle” ». Ces étudiants ont pour la plupart une première expérience de stage ou d’emploi dans une banque et recherchent un emploi dans ce secteur. La période des focus groups se situe en fin de formation, juste avant le stage.

30Ces deux terrains concernent des étudiants en fin d’études et permettent de constituer des groupes réels et non artificiels. Leurs différences (contenu des études, niveau) favorisent le recueil de discours différents sur les avis de salariés. Afin de faciliter des échanges spontanés, la posture du chercheur a été celle d’un animateur et non d’un connaisseur dominant. De même, le placement des étudiants pendant le focus group, la salle, l’accueil,… ont été pensés pour développer des échanges croisés entre participants.

31Au total, dix focus groups (six « ingénieurs » et quatre « licences ») d’une heure environ ont été réalisés pour 68 étudiants en novembre et décembre 2015. Cette méthode de recueil présente certaines limites, dont la possibilité d’une influence excessive de certains individus sur le groupe. C’est pourquoi nous avons souhaité compléter cette phase par des entretiens individuels.

Principes des entretiens d’auto-confrontation simple

32Les entretiens individuels ont été réalisés par auto-confrontation simple (Pélissier, 2017). Le principe est le suivant : les jeunes diplômés sont mis en situation de recherche d’informations sur une banque française en tant que candidats à un recrutement comme pour les focus groups. Leur navigation dure une trentaine de minutes sur différents sites dont Glassdoor et est enregistrée dans un fichier vidéo. Ils visionnent ensuite cet enregistrement avec le chercheur en lui expliquant les raisons de leurs choix, leurs pensées au moment de la navigation. Cette méthode présente l’avantage d’approcher la construction du sens par les jeunes diplômés au moment de leur recherche d’informations et limite les discours construits et généralisants.

33Dans cette recherche, l’échantillon est de 21 étudiants et jeunes diplômés de l’enseignement supérieur de niveau Bac + 5 à la fin de leurs études. Ils sont volontaires pour participer et sont issus de deux terrains différents : une école d’ingénieurs en informatique et un IAE (Institut d’Administration des Entreprises). L’âge moyen de l’échantillon est de vingt-quatre ans et quatre mois ; 67 % sont des hommes et 33 % des femmes. Mais cette répartition est déséquilibrée entre les deux groupes. Les ingénieurs informatiques sont tous des hommes. Ces entretiens ont été réalisés entre mai et décembre 2016 et chacun a duré environ 1 heure 30 (trente minutes de navigation et une heure d’entretien).

34Cette méthode permet de recueillir un double corpus : les enregistrements des navigations, en particulier sur Glassdoor d’une part, et les commentaires des jeunes diplômés sur cette navigation d’autre part. Une des limites de cette approche est la naturalité de la mise en situation qui a été questionnée auprès des jeunes diplômés pendant l’entretien et ce biais limité par le recours à des sites réels et non expérimentaux.

Traitements croisés des données et réflexivité du chercheur

35Les discours entièrement retranscrits de ces 89 jeunes diplômés (68 en focus groups et 21 en entretiens individuels) ont ensuite été traités en croisant analyse qualitative (thématique) et quantitative (lexicométrique). L’approche qualitative a permis de repérer les thèmes abordés pendant les différents entretiens en fonction de la problématique de recherche. Le traitement quantitatif a investi la lexicométrie avec le logiciel Iramuteq (Ratinaud, 2009) et a fourni des analyses complémentaires liées notamment à la récurrence des discours (Ratinaud et Marchand, 2015). Croiser ces deux traitements, qualitatif et quantitatif, a favorisé la réflexivité du chercheur en apportant un regard sensiblement différent sur un même objet de recherche, des discours de jeunes diplômés sur des avis de salariés.

36Cette approche méthodologique a permis un recueil de données variées, profondes et situées. Les extraits de discours que nous présenterons dans les prochaines parties sont ainsi issus de ces mises en situation dans lesquelles de jeunes diplômés de l’enseignement supérieur se sont exprimés, notamment, sur la réception des avis publiés sur Glassdoor, en contexte de recrutement, pour le secteur bancaire français.

Une réception sociale et contextualisée des avis de salariés

37L’analyse des verbatim[6] a montré que ces jeunes diplômés investissaient une représentation sociale pour s’approprier ces dispositifs d’avis de salariés. La méconnaissance de ce type de plateformes les a conduits à chercher un rapprochement, un repère connu pour pouvoir recevoir ces données. Les sites d’avis de clients de produits ou services, ou d’utilisateurs de jeux vidéo sont apparus comme un outil d’induction utile.

38Les représentations sociales sont, par leur construction, à l’interface du social et de l’individuel et interviennent, notamment, dans la réception des communications (Moscovici, 1995). Elles peuvent se définir comme « un ensemble d’éléments (information, opinions, croyances…) entre lesquels les individus établissent des relations » (Moliner et Guimelli, 2015). Ces connaissances sont partagées et permettent de comprendre les jugements et les pratiques des individus (Guimelli, 1995). Deux mécanismes expliquent alors la construction d’une représentation sociale : « l’objectivation » et « l’ancrage [7] ». L’objectivation correspond au processus de re-présentation d’un objet nouveau à partir de références existantes pour l’individu. Cette réduction simplificatrice crée du sens pour les individus en rendant concret un concept ou une réalité nouvelle. L’ancrage désigne le processus de positionnement d’un nouvel objet dans les cadres de référence de l’individu, ses valeurs, ses croyances. L’objectivation crée un noyau central stable de la représentation de l’objet. L’ancrage va se traduire par des prises de position variables selon les groupes sociaux considérés.

Rayon de lumière réfracté par un prisme en un spectre multicolore

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Rayon de lumière réfracté par un prisme en un spectre multicolore

« L’objectivation correspond au processus de re-présentation d’un objet nouveau à partir de références existantes pour l’individu. Cette réduction simplificatrice crée du sens pour les individus en rendant concret un concept ou une réalité nouvelle. Le deuxième processus de construction d’une représentation sociale est l’ancrage, processus de positionnement d’un nouvel objet dans les cadres de référence de l’individu, ses valeurs, ses croyances. L’objectivation crée un noyau central stable de la représentation de l’objet. »
Photo © Kevin Hauff/IKON IMAGES-AKG IMAGES

39Nous montrerons dans cette section consacrée aux résultats en quoi les discours de ces jeunes diplômés permettent de déduire l’utilisation d’une représentation sociale au cœur de la réception des sites d’avis de salariés.

La question de la fiabilité des avis de salariés en ligne

40La réception des plateformes d’avis de salariés a investi une forme de représentation particulière, une représentation sociale. Ce dialogue recueilli pendant un focus group est à ce titre significatif :

41Répondant D : « Le problème, c’est que quand un client poste un commentaire, très souvent c’est pour dire quelque chose de négatif ; moi je le vois personnellement, quand j’achète quelque chose sur un site, si je suis content, je vais pas aller forcément le dire. »

42Répondant B : « Au final, c’est pareil que les avis de salariés des entreprises. »

43Les sites d’avis de salariés et les sites d’avis de clients, « c’est pareil » et ce caractère partagé par les groupes sociaux rencontrés a des conséquences importantes sur les jugements et pratiques de ces internautes. Une représentation individuelle et non partagée n’aurait pas eu la même influence sur les interprétations de ces jeunes diplômés. Les conséquences sur leur évaluation portent sur la fiabilité de ces sites.

44Dans notre étude, les récepteurs interrogés, en objectivant Glassdoor comme une plateforme d’avis, expliquent la problématique de la fiabilité étudiée dans le premier courant de recherche résumé précédemment. Cette dernière est davantage héritée de l’expérience des plateformes d’avis de clients ou d’utilisateurs que d’une confrontation avec les sites institutionnels des banques. Ces avis de salariés sont soupçonnés d’être manipulés par l’entreprise. La notion de fake news imprègne les remarques des locuteurs comme le répondant T :

45Répondant T : « Parce qu’après, il y a peut-être certains avis qui sont payés ou des trucs comme ça, ou c’est une entreprise qui veut une bonne image mais certains, on le sentait que c’était réel, c’était du vécu. »

46Un support peu fiable, des manipulations possibles mettent en question la fiabilité de ces informations. Le contexte des avis décrédibilise aussi ces données. Les avis sont souvent l’apanage des mécontents, des « rageux » qui vont étaler leurs revendications sur l’internet. Autre élément de la culture en ligne, après le fake : les « rageux » vont polluer les informations en surreprésentant les éléments négatifs. Le discours du répondant A souligne cette idée reprise par d’autres :

47Répondant A : « Je pense que le problème avec ce genre de site, c’est que les gens qui laissent des avis sont mécontents et donc ça aura tendance à donner que des avis négatifs. »

48Ce répondant associe explicitement les sites d’avis de salariés à un genre plus général. Cette expression, « ce genre de site », matérialise le processus d’objectivation qui a traversé les discussions sur cet objet nouveau pour ces locuteurs. Au contexte défavorable de l’internet s’ajoute celui du salarié. Par exemple, l’état d’esprit de la personne au moment de la rédaction de l’avis est un élément important pour prendre du recul sur la donnée comme l’affirment les répondants M et J :

49Répondant M : « Tout dépend de l’état d’esprit de la personne, parce que j’ai remarqué, soit ils y sont encore, soit ils sont partis de l’entreprise, tout dépend comment ça s’est passé, je pense qu’il faut peser le pour et le contre. »

50Répondant J : « C’est des avis, c’est selon la personne. S’il faut, la personne, la veille elle se prend un blâme par son employeur. »

51De même, l’avis va dépendre du service dans lequel se situe le salarié. Le répondant D rappelle cet élément de bon sens et remet ainsi en cause l’association entre l’avis et la vision globale de l’entreprise :

52Répondant D : « Dans les entreprises, en fonction des services, l’ambiance est complètement différente. Dans un groupe, entre deux services, c’est différent, alors entre deux sociétés à 200 km… »

53Dans le même ordre d’idées, le métier du salarié a aussi son importance. Le répondant M. énonce ainsi :

54Répondant M : « Le problème aussi c’est que l’on voit pas le poste et que c’est anonyme, enfin si c’est la secrétaire qui parle, nous ça nous dit rien, entre guillemets. Ça nous importe peu, elle est pas dans le même service que nous. »

55La connaissance partagée sur ces avis correspond ainsi à un questionnement sur la fiabilité des avis d’internautes qui est remise en cause par le support, les possibilités de manipulation, les spécificités du contexte d’émission du message et un manque d’informations pour situer ces données. Ce débat, non résolu et en construction, va conduire à des pratiques prudentes.

Des pratiques de fiabilisation des avis

56Les refus d’utiliser des sites d’avis de salariés, exprimés clairement, sont rares dans ce corpus. La prescription partagée et déclarée est plutôt une pratique prudente de cette source d’informations avec plusieurs techniques proposées pour prendre en compte le manque de fiabilité. La « moyenne » est une première façon de prendre en compte ces avis. La technique est alors de construire une « moyenne » des avis comme l’explique le répondant B :

57Répondant B : « En faisant la moyenne, on se donne quand même un avis qui est pas très très loin de la réalité. »

58Le terme de « moyenne » est abusif, puisqu’il s’agit de données textuelles. L’idée est de détecter une tendance qui semble plus proche de la notion de majorité. Le dialogue entre les répondants L, A et B détaille cette approche :

59Répondant L : « On regarde la majorité des avis, s’il y a que des avis négatifs, ça donne pas envie. S’il y a qu’un avis négatif, on n’en prend pas compte. »

60Répondant A : « C’était quand même des informations qui se recoupaient, c’était toujours les mêmes. »

61Répondant B : « [ [8] sur le nombre voilà. Même qu’ils soient positifs ou négatifs, si tu prends sur la base, tu vois qu’il y en a plein qui se croisent, qui touchent la même idée donc ça te permet d’avoir des grandes lignes positives ou négatives sur l’entreprise. »

62Pour trouver une tendance, la lecture doit être alors massive. Un peu comme pour les big data, ces jeunes diplômés préconisent une approche globale de cette source d’informations qui peut permettre de compenser son manque de fiabilité. Ce dialogue dynamique d’un des focus groups, aux phrases courtes, reprend ce principe de prudence appliqué aux sites d’avis :

63Répondant B : « C’est pour ça, il en faut en quantité. »

64Répondant J : « Peut-être pas tous les lire mais… »

65Répondant B : « De personnes différentes. »

66Cette première approche qui recoupe les avis par rapport à leur propre environnement se complète d’un recoupement externe qui les croise avec d’autres sources comme le site internet de l’entreprise. Cette méthode de validation de l’information, sans doute apprise au cours de leur formation, et appliquée lors des recherches sur l’internet, est transférée aux sites d’avis de salariés. Après le recoupement interne, le recoupement externe vient tenter de compenser la crainte de faible fiabilité de la source. Ces internautes critiques croisent deux sources en espérant que ce mélange improbable fournira tout de même une idée approximative de l’organisation pour la préparation des entretiens ou de la lettre de motivation.

67Un cas particulier intervient quand les avis sont intégrés au site internet de la banque. La BNP Paribas a en effet choisi d’intégrer le site Glassdoor dans son site institutionnel. L’internaute voit alors la mise à jour des scores attribués par les salariés. En cliquant sur le logo de Glassdoor, il accède au site pour pouvoir consulter l’ensemble des avis. Cette recontextualisation du site d’avis interroge certains jeunes diplômés. Le passage ci-dessous transmet, en quelque sorte, les avis de soupçons de manipulation du site internet. Le répondant Y affirme ainsi :

68Répondant Y : « Même si, généralement, je regarde un petit peu ce qui est dit, ce n’est pas ce qui va passer en priorité pour moi, étant donné que c’est quand même la banque qui le montre. S’ils le montrent, c’est que, quelque part, il y a un avantage pour eux. Ils vont pas mettre quelque chose, un avis négatif dessus. J’en tiens compte mais ce n’est pas non plus quelque chose qui va vraiment faire pencher la balance. »

69Le simple fait de déclarer le partenariat entre BNP Paribas et Glassdoor suffit pour certains à modifier la réception des témoignages :

70Répondant U : « Et on apprend également dans l’article sur leur site internet à BNP Paribas, qu’ils soutiennent Glassdoor. Donc, c’est un peu ambigu. J’aurais dû entrer dans l’article, je n’ai pas lu entièrement. Du coup, on peut se demander si les avis sur Glassdoor sont vraiment objectifs, si le site est soutenu par BNP Paribas. »

71Le manque de fiabilité des avis n’est pas compensé par l’intégration dans le site institutionnel qui est perçue comme orientée. Ce raisonnement à charge (si les avis sont montrés par l’entreprise, alors ils sont faux et s’ils sont faux, ils n’ont pas d’intérêt) montre que les contextes des dispositifs ne s’annulent pas, mais plutôt qu’ils fusionnent. Dans ce cas, le contexte du site institutionnel influence le site d’avis sans que cela profite à ce dernier. Le soupçon d’impartialité de BNP Paribas s’ajoute alors au manque de fiabilité des avis pour former une impression négative. Ce marché multiface, faisant intervenir une plateforme, des salariés et une entreprise, ne permet pas alors de fiabiliser les données de la plateforme d’avis de salariés, selon ces jeunes diplômés.

Représentation sociale des plateformes d’avis de salariés

72La structure générale d’une représentation sociale se retrouve ainsi dans les discours des récepteurs interrogés. La représentation partagée sur les plateformes d’avis de salariés est formée de connaissances communes sur la faible fiabilité de cette source d’informations et sur les techniques de prévention des internautes. Ne connaissant pas ou peu ce type de plateformes, ils les ont comparées et rapprochées des sites d’avis de clients qu’ils pratiquent régulièrement. Ce processus correspond à une phase d’objectivation d’un nouvel objet social. Pour autant, comme le débat est récent, les jugements oscillent entre excès et prudence, l’ancrage est variable. Ce sens commun de lecture de Glassdoor comme plateforme d’avis se retrouve aussi bien pendant les focus groups que les entretiens d’auto-confrontation. L’analyse d’un processus d’objectivation et d’ancrage pour un objet considéré comme nouveau par cette population est aussi cohérente avec l’existence d’une représentation sociale des plateformes d’avis. L’approche lexicométrique a conforté cette analyse d’une réception investissant une représentation sociale. En effet, la classification descendante hiérarchique (CDH) de Reinert (1983), en créant des groupes de segments de texte, souligne des mondes lexicaux dont la structure renvoie aux représentations sociales (Ratinaud et Marchand, 2015).

73La représentation sociale des plateformes d’avis fonde les discours et pratiques de ces jeunes diplômés dont l’historique des usages explique l’interprétation de Glassdoor. Cette réception replace ainsi les avis dans un contexte particulier, celui de l’internet avec ses usages et sa culture de l’évaluation. Ceci souligne l’influence du dispositif sur la réception des avis, la plateforme Glassdoor n’étant pas neutre selon ces résultats. En se déclarant et en se concevant comme un Tripadvisor de l’emploi, Glassdoor crée une situation proche de celle des avis de clients. Les avis de salariés héritent alors des représentations des avis de clients et forment un ensemble partagé de croyances, notamment sur leur manque de fiabilité. Ironie du sort, c’est en voulant profiter de la renommée de Tripadvisor que Glassdoor hérite de sa mauvaise réputation.

Conclusion : gérer ou ignorer les avis de salariés ?

74Cet article a souhaité analyser les avis de salariés publiés en ligne par le regard de leurs utilisateurs, les candidats au recrutement. Le résultat principal est une lecture critique de cette source de données influencée par une représentation sociale de ce type de plateformes. Les jeunes diplômés étudiés sont des acteurs qui savent adapter le contexte particulier des avis à leur situation de recrutement. Loin de transformer ces avis en parangon de la représentation de l’entreprise, ils les prennent en compte avec prudence, recul, jugement critique. Pour ces récepteurs, l’avis n’est pas la vie, et ils reçoivent ces textes avec recul en les associant aux avis de clients. Ces derniers servent de référence car ces utilisateurs les ont davantage pratiqués que les avis de salariés qu’ils découvrent dans cet échantillon. Le caractère partagé de la représentation des avis pèse sur leur interprétation. Pour cet échantillon, ces derniers sont d’abord considérés comme des avis, au même titre que les avis clients, et ensuite comme des sources d’informations sur une organisation.

75Outre les limites d’un échantillon situé ou des spécificités du secteur analysé, l’absence d’approche longitudinale nous paraît importante à souligner. Dans un contexte de représentation émergente, une compréhension sur un temps plus long de la construction d’un objet social aurait apporté un regard plus profond sur ces avis. Des études complémentaires devront être menées pour poursuivre l’exploration de cette problématique des usages des avis de salariés dans un contexte de recrutement avec une méthodologie qualitative. Cette approche temporelle est d’autant plus importante que notre enquête est datée et demanderait une actualisation dans le contexte très évolutif du recrutement. Le caractère stable des représentations sociales permet cependant de soutenir une certaine pérennité des résultats.

76La prise en compte des avis par les entreprises n’est sans doute pas simple au même titre que la gestion de l’e-réputation d’une organisation. Notre analyse tend à relativiser l’influence de ces avis sur la candidature d’un jeune diplômé. En effet, la prudence et la méfiance des candidats au recrutement vis-à-vis des fake news créent un filtre propre à écarter, notamment, les avis les plus caricaturaux. Certains recruteurs adoptent d’ailleurs ce processus de filtrage quand un candidat s’inquiète de mauvais commentaires sur l’organisation (Corbille et al., 2018). Le manager devrait cependant rester vigilant, car, s’ils sont pris avec recul, ces avis sont tout de même consultés selon les jeunes diplômés de cette étude, mais pas seulement (Charbonnier et al., 2017). Des enquêtes montrent que les candidats se renseignent très majoritairement sur une entreprise avant de postuler [9] et les avis sont une des sources d’informations.

77Au moins deux voies d’analyse nous semblent alors possibles pour une prise en compte de ces avis par les entreprises.

78Pour la première piste, ces avis peuvent être intégrés dans la stratégie de marque employeur de l’organisation. Les réseaux d’ambassadeurs développés par certaines organisations participent de cette logique comme l’approche de l’inbound recruiting le conseille. Les jeunes diplômés que nous avons rencontrés n’ont pas reçu avec beaucoup d’enthousiasme cette solution d’intégration car ils se méfient aussi des discours aux accents publicitaires. Nous touchons cependant à une des limites de notre étude dont l’échantillon ne permet pas d’écarter complètement cette première orientation.

79Dans la seconde voie, l’amélioration des avis peut passer par une gestion du climat social rejoignant alors l’idéal de transparence de Glassdoor. Cette solution est sans doute plus complexe et longue qu’une action directe sur la rédaction des avis lorsque ce climat est dégradé et les avis négatifs nombreux. Elle a aussi ses limites, car la démarche de publication d’un avis de salarié n’est pas systématique. Comme le soulignent ces jeunes diplômés, il est possible que les mécontents publient davantage que les autres. Elle nous semble cependant être justifiée dans certaines organisations sur le long terme.

80Ignorer ces avis au prétexte d’un manque de fiabilité ou d’intérêt serait sans doute une posture difficile à tenir sur le long terme pour les entreprises concernées. Comme les jeunes diplômés, les managers responsables de la communication de recrutement ont eux aussi des représentations des avis de salariés pouvant expliquer et orienter les pratiques. Croiser ces constructions mentales avec des pratiques professionnelles apporterait un éclairage supplémentaire à ce phénomène émergent des publications d’avis de salariés.

Remerciements

Nous tenons à remercier Coralie Rivière et Édouard Chauvet (IUT de Rodez), Laetitia du Chaffaut et Sarah Françoise (Toulouse School of Management), ainsi que Patrick Sabi et Annie Fraison (École d’ingénieurs 3IL) pour leur précieuse aide lors de la mise en place des entretiens individuels et collectifs. Un merci particulier aux jeunes diplômés rencontrés pour leur sincérité et leur volonté de partage.

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Date de mise en ligne : 09/12/2020.

https://doi.org/10.3917/geco1.142.0017

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