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Article de revue

Une approche contextualiste des pratiques de gestion des compétences par l’informel : une enquête sur quatre PME

Pages 14 à 33

Notes

  • [1]
    Quoique praticien, cet auteur a proposé des définitions synthétiques globales des travaux académiques sur la GC. En tant que synthèses, ces définitions nous semblent pertinentes.
  • [2]
    En effet, le cadre contextualiste n’est pas un cadre théorique à proprement parler, mais une structure d’analyse permettant de mener une démarche interprétative (et non hypothético-déductive).
  • [3]
    Rappelons et soulignons que les nodules de sens, et leurs articulations, ne sont pas le résultat de notre raisonnement ou d’hypothèses théoriques, mais proviennent du traitement des entretiens menés avec plusieurs dizaines de salariés et encadrants dans les quatre cas étudiés. Il ne s’agit donc pas de « faits », ou encore d’une réalité objective, mais d’un mode de vécu, exprimé par ces acteurs. Bien entendu, ce, ou plutôt ces vécus ne sont pas exprimés par les acteurs avec une telle structuration. C’est notre démarche méthodologique qui aboutit à une telle structuration. De la même manière, les acteurs n’exprimeraient peut-être pas, spontanément en tout cas, leurs propos à l’aide des catégories mentales que nous faisons émerger (nodules de sens) par l’analyse narrative à l’aide de NVivo (catégorisation). Il s’agit donc bien, de notre part, d’une « interprétation d’interprétations », en cohérence avec notre position épistémologique.
  • [4]
    Mais le caractère incrémental que nous induisons peut relever de la durée brève et non longitudinale de notre étude, qui ne nous permet pas d’observer des ruptures.

Introduction – Gestion des compétences : formalisation et structure informelle

1Notre recherche sur les démarches de gestion des compétences dans les PME vise à aller au-delà d’une analyse de la gestion des compétences (GC) basée seulement sur les guides formalisés. Les travaux qui font état de dispositifs de gestion des compétences dans les PME se basent essentiellement sur les procédures formelles dédiées à la GC (DEFÉLIX, DUBOIS et RETOUR, 1999 ; PARLIER, 2005, par exemple). Nous pensons nécessaire, en particulier pour les PME, de ne pas en rester aux dispositifs explicites de GC, mais aussi de tenir compte de l’ensemble des relations entre membres de l’organisation, notamment des interactions informelles. Considérer les PME comme des organisations dans lesquelles la GC se fait aussi – si ce n’est surtout – « par l’informel », amène à s’interroger sur l’interprétation que les salariés font des situations et des contextes dans lesquels ils interviennent et dans lesquels ils mobilisent leurs ressources (de manière consciente ou non).

2Si l’on cherche à repérer une gestion des compétences au moyen de référentiels de compétences, de déclarations de politique générale ou d’interventions de cabinets spécialisés, il est clair que les PME ne se prêtent pas à un tel repérage (DEFÉLIX et al., 1999). La simple transposition des problématiques provenant de grandes entreprises oriente souvent le regard que l’on pose sur les PME (BAYAD, MAHÉ DE BOISLANDELLE, NEBENHAUS, SARNIN, 1995) : il apparaît donc nécessaire de dépasser le manque de procédures formalisées en la matière.

3L’intérêt de mener une recherche sur la gestion des compétences dans les PME se justifie d’abord par la rareté des travaux existants sur la GC spécifique à ce type d’organisation. De plus, de nombreux travaux reposent le plus souvent sur une instrumentation décontextualisée, c’est-à-dire ne tenant pas compte des contextes, de l’histoire et des modes de coordination de ces entreprises. Ainsi, pour Autissier (2003), par exemple, beaucoup de décisions managériales privilégient trop souvent le caractère instrumental des dispositifs de gestion au détriment de leur compréhension et de leur acceptation par les acteurs qui auront à les utiliser, ce qui explique bon nombre d’échecs dans les changements organisationnels. Dès lors, il est possible d’envisager une gestion des compétences qui ne soit pas outillée par une instrumentation. « Dans ce cas, des pratiques témoignant de l’importance que l’on accorde à la question des compétences et des ressources que l’on y consacre, peuvent se baser sur une représentation informelle des compétences des salariés » (COLIN et GRASSER, 2003).

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« Les membres des équipes de travail ont besoin d’un référentiel et d’un langage opératif communs. »
« Fabrication de cartes à jouer dans une maison de la place Dauphine, à Paris. », peinture (vers 1680), Musée Carnavalet, Paris.
Photo © AKG images

4Une structure formelle est constituée des relations prescrites (ce qui doit être fait), par opposition aux relations réelles (ce qui se fait) existant entre les unités organisationnelles ou entre les membres d’une organisation (BERGERON, 1986 ; BRUNET et SAVOIE, 2003). De plus, il existe, en parallèle (et en interaction avec la structure formelle), une structure informelle qui est enracinée dans les relations réelles et dans les dimensions affectives de l’organisation.

5Cette structure informelle existe dans toutes les organisations : résultant de la formation de liens qui se constituent fatalement dans tout système social (LORRAIN et BRUNET, 1993 ; BRUNET et SAVOIE, 2003), elle met en jeu les représentations des membres de l’organisation (LE MOIGNE, 1990 ; DE MONTMOLLIN, 1986). Souvent, elle est considérée comme négative pour l’organisation. Une telle hypothèse est discutable : pour Farris (1979), aucune organisation ne peut fonctionner efficacement sans sa partie informelle. Dans notre recherche, cette structure informelle est particulièrement pertinente pour les PME.

6La formulation d’une gestion des compétences qui ne fait sens que par son instrumentation ne s’applique pas facilement aux PME, dans lesquelles les situations et le fonctionnement sont nécessairement complexes et singuliers à la fois. Au lieu de s’en remettre à une vision de la gestion des compétences se voulant exclusivement formelle (par nature et dans sa mise en œuvre), nous reconstruisons celle-ci dans les contextes des représentations des acteurs.

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« Une structure informelle existe dans toutes les organisations, résultant de la formation de liens qui se constituent fatalement dans tout système social. »
« La promenade du chef-d’œuvre des compagnons charpentiers. », illustration de Ch. Crespin pour Le Petit Parisien publié le 2 décembre 1900.
Photo © KHARBINE-TAPABOR

7Les recherches sur la compétence collective ont montré que les membres des équipes de travail ont besoin d’un référentiel et d’un langage opératif communs (RETOUR et KROHMER, 2006), c’est-à-dire d’une représentation de la situation et d’un vocabulaire partagés qui leur permettent de travailler ensemble, ce qui ne saurait advenir par l’imposition de règles formelles « d’en haut » (WEICK, 1995). La GC se construit au quotidien à partir des expériences, des apprentissages des salariés et de leurs (re)connaissances réciproques. Sont ainsi en jeu plusieurs processus parfois identifiés comme les piliers de la compétence collective : la confrontation des représentations des membres du collectif (RETOUR, 1999) et de savoir-faire (DE MONTMOLLIN, 1986), les activités langagières (activités discursives comme les réunions et discussions informelles ou textes, comme les notes écrites échangées qui permettent aux praticiens d’interagir et de coordonner leurs actions) (ARNAUD, 2008). En retour, ces pratiques ont des effets sur les compétences individuelles (DUBOIS, RETOUR, 1999). Elles sont intégrées dans des collectifs et cette intégration, outre les interactions citées ci-dessus, est aussi marquée par les différents niveaux de contextes organisationnel, interne et externe.

8Notre stratégie de recherche trouve sa légitimation dans une perspective contextualiste (PETTIGREW 1985, 1987 ; PETTIGREW et WHIPP, 1991), qui prend en compte le contenu du changement étudié, la compréhension du processus de changement et les contextes (interne et externe) dans lesquels il se produit. L’approche contextualiste s’inscrit comme une démarche pour la compréhension des organisations dans leurs dimensions humaines et processuelles. La théorie contextualiste et ses implications méthodologiques vont être mobilisées pour analyser le processus de gestion des compétences des PME par l’informel et pour comprendre son interrelation avec les contextes.

9Nous présenterons dans un premier point notre questionnement sur la place de l’informel dans une démarche classique de GC. Nous détaillerons dans un second point la méthodologie que nous avons suivie dans cette recherche. Nous présenterons ensuite de façon synthétique les résultats de la recherche. Enfin, dans un dernier point, nous en mettrons en évidence les limites et nous proposerons des pistes pour un prolongement de cette recherche.

La gestion des compétences par les « instruments » ne se fait-elle pas au détriment des phénomènes informels ?

10Après plusieurs dizaines d’années de travaux et d’expérimentations, les pratiques de gestion des compétences (mais aussi ce concept lui-même) paraissent insaisissables. Le concept est pour le moins polysémique. Dans la plupart des analyses, il est cependant marqué par les instrumentations opérées dans de grandes entreprises. Nous en déduisons que notre recherche doit viser à approfondir les dimensions informelles des interactions entre salariés dans les PME. Pour cela, nous proposons une approche contextualisée insistant sur les représentations des acteurs de la gestion des compétences par l’informel dans les PME.

Le caractère insaisissable et polysémique du concept de compétence et le danger de réduire la gestion de celle-ci à l’instrumentation

11La notion de compétence fait l’objet de très nombreuses contributions qui lui confèrent la caractéristique d’être employée de façons très diverses (GILBERT et PARLIER, 1992). Depuis le début des années 1990, de nombreux auteurs (MEIGNANT, 1990 ; LEDRU, 1991 ; GILBERT et PARLIER, 1992 ; STROOBANTS, 1991 ; LE BOTERF, 1994 ; ZARIFIAN, 1999 ; DIETRICH, 2005, notamment) opérant dans le champ des ressources humaines proposent des synthèses en vue d’en dresser un cadre conceptuel unifié.

12Cependant, chacun des auteurs aborde plusieurs aspects essentiels de la GC et de sa mise en œuvre en l’absence d’une définition transcendante qui fasse autorité. Les praticiens et les chercheurs ont longtemps privilégié une approche analytique de la compétence. Celle-ci est encore souvent définie comme une somme de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être (LEVY-LEBOYER, 1996) appliqués dans des situations concrètes.

13La définition qu’en donne Anne Dietrich rappelle que les savoir-être ne sont pas de simples « savoirs » analogues aux savoirs « purs » et aux savoir-faire : la compétence inclut certes une formalisation du travail, une capacité de représentation des processus et d’anticipation des aléas, mais elle inclut aussi une intériorisation des normes de qualité et de contrôle qui modifie le niveau d’implication et le degré d’autonomie des individus (DIETRICH, 1999). Cela relève non pas de l’application, mais de la construction.

14L’approche de Stroobants (1991) adresse directement cette particularité : « La compétence est le fruit d’une opération où se produit un changement dans le rapport aux choses. Ce changement affecte autant les savoirs mobilisés que l’individu qui les développe ». La compétence relève donc d’un processus de reconnaissance qui habilite un travailleur à acquérir, puis à exercer un certain type d’habileté : une habilitation. Même individuelle, la compétence est donc une construction dans un contexte humain (voire aussi, bien entendu, dans un contexte technique et matériel, pour ne pas dire scientifique). Cette proposition nous invite à saisir la compétence dans le cadre du rapport social qui l’a rendue possible.

15Toutefois, « les compétences ne sont pas des êtres ou des faits que l’on pourrait directement observer. Les compétences ne sont pas des entités qui existeraient indépendamment des pratiques d’évaluation cherchant à les repérer » LE BOTERF, (1994, p. 20) [1]. Ce qui existe, ce sont des personnes, des équipes ou des réseaux qui agissent, avec plus ou moins de compétences : toute compétence est ainsi finalisée et contextualisée.

16Le recours aux caractéristiques de l’individu ne suffit pas à rendre compte de la complexité des situations et donc à déclarer la compétence d’un individu (LEVY-LEBOYER, 1996). Une compétence n’est ni un savoir, ni un savoir-faire, ni une attitude : elle se manifeste quand une personne utilise ces ressources pour agir de manière située (LE BOTERF, 1997). Capacités à résoudre un problème dans un contexte donné (LEDRU, 1991), les compétences sont des ensembles de connaissances, de capacités d’action et de comportements structurés en fonction d’un but et dans un type de situation donnés (GILBERT et PARLIER, 1992).

17La notion de compétence est donc un objet difficile à appréhender, si ce n’est invisible (MERCK et SUTTER, 2009). En effet, comme la compétence n’existe qu’au travers de ses manifestations (pensées, discours et actes), il est nécessaire de recourir à l’interprétation pour lui donner une forme intelligible et compréhensible.

18Cette représentation est perturbée par le caractère polysémique de la conceptualisation de la/des compétence(s), qui est l’une des principales causes de la difficulté à la/les appréhender et à la/les gérer. Plus précisément, comme le soulignent Merck et Sutter (2009, p. 44), il y a confusion entre le « concept » de la compétence et sa « représentation », du fait d’une collision entre trois approches intellectuelles issues de deux « cultures » de pensée : la première, rationaliste, héritée d’un mode de pensée technico-rationaliste, et les deux autres – l’une constructiviste et l’autre phénoménologique –, plus proches d’un mode de pensée relevant des sciences humaines.

19Comme le précisent Gilbert et Schmidt (1999), l’évaluation des compétences dans les organisations est d’abord un processus : elle n’est en rien réductible à une instrumentation, même si de nombreuses entreprises ont, dans les faits, cédé à la tentation de voir dans l’instrument une fin plutôt qu’un moyen. Elles ont parfois été poussées dans cette voie par l’expertise des acteurs des organismes de conseil.

20Une large part des travaux portant sur l’appréhension, la représentation et, surtout, la prégnance de l’instrumentation de la gestion des compétences, sont issus de l’analyse des pratiques de GC dans les grandes entreprises. Or, la « problématique GC » ne nous semble pas refléter le même discours et la même réalité dans les PME que dans les GE : le discours normatif issu du modèle de GC en GE laisse penser que, dans les PME, il n’y aurait pas d’autre forme de GC que, celle qui est instrumentée. Mais cette impression tient à une focalisation sur les seuls aspects formalisés et instrumentalisés de la GC. Dès lors, il est pertinent de se demander si cette GC rend effectivement compte de toute la réalité du phénomène.

21Il nous semble important de raisonner à partir de cette zone d’ombre non explicitée (STROOBANTS, 1991), qui relève d’abord des interactions entre opérateurs au travail, parmi lesquelles se construisent les pratiques informelles dans le fonctionnement de l’entreprise. À l’instar des travaux de Nonaka et Takeuchi (1997), nous interrogeons les pratiques mobilisées au quotidien qui ne sont pas (ou peu) liées au formel dans le travail. Ferrary (1998) décrit ces compétences informelles comme des savoirs et des savoir-faire tacites, dont la mobilisation garantit une partie essentielle du différentiel de performance.

22S’il est admis que les compétences s’appuient sur des connaissances (explicites ou tacites), toutefois sans s’y réduire (PERRENOUD, 1997), Ferrary (1998) indique que dans cette notion de compétence, il existe une part tacite et spécifique, qu’il désigne par « compétences informelles ». Négliger cette part revient à renoncer à l’une des caractéristiques fondamentales de la compétence, qui est, justement, de ne pouvoir être totalement prévisible.

23Dès lors, nous pouvons envisager une gestion des compétences non outillée par une instrumentation, c’est-à-dire admettre que les pratiques informelles au sein des PME sont essentielles pour comprendre la construction – et donc, la gestion – des compétences qui y ont cours.

24L’acceptation d’un univers construit avec les représentations des acteurs (LE MOIGNE, 1990) oriente notre démarche. De ce fait, nous considérons que la compétence est un construit dans les représentations des acteurs. Nous y voyons une explication du fait que la GC rencontre de facto une plus forte adhésion dans les PME que dans les GE, dès lors que nous ne réduisons pas la GC à un ensemble d’outils formalisés et de déclarations.

La spécificité de l’humain et la gestion des compétences dans les PME

25La plupart des travaux qui traitent de la GC, en particulier ceux à visée pratique (écrits professionnels en vue d’une implantation), adoptent une approche universaliste : ils considèrent que cette démarche, et surtout les outils de gestion des compétences peuvent être mis en œuvre n’importe où et que tel ou tel type de pratique est dans l’absolu plus efficace qu’une autre, sans considération du contexte. Or, la particularité du « contexte PME » est particulièrement importante pour la GC.

26Les PME sont considérées à juste titre comme étant l’un des maillons essentiels du tissu productif. Aux grandes structures hiérarchiques sont souvent opposées de petites organisations dans lesquelles des relations informelles, de proximité, assureraient des rapports sociaux plus fluides et une gestion des ressources humaines plus efficace (TORRES, 1998). La taille est l’un des éléments importants qui caractérisent une entreprise : c’est l’un des principaux facteurs de contingence du contexte (MINTZBERG, 1982 ; DESREUMAUX, 1992 ; TORRES, 1998). Une telle perspective d’approche des organisations développant des modes de structuration spécifiques en fonction de l’environnement dans lequel elles opèrent a d’abord été étudiée au sein du modèle (ou de l’école) de la contingence (BURNS et STALKER, 1961 ; LAWRENCE et LORSCH, 1967, 1989 ; MILES et SNOW, 1978 ; MINTZBERG, 1979).

27Nous adoptons une approche différente. Au-delà des critères « classiques » de l’école de la contingence, il nous semble important d’intégrer dans les facteurs de contexte, au sens de l’analyse contextualiste, la nature du travail, le mode de division et de coordination, la répartition du pouvoir et le degré de centralisation de la prise de décision.

28L’entreprise est une structure constituée d’humains en interaction soumis à des contraintes collectives. Ceux-ci intériorisent des comportements relationnels propres à des communautés spécifiques en apportant leur variété culturelle, mais en contribuant dans le même temps à créer une culture locale. À côté de l’impératif économique, ces humains ainsi rassemblés font concomitamment émerger des processus de vie collective que l’on ne saurait réduire à des instrumentations. La GC relève elle aussi de ces processus.

29La plupart des travaux de recherche sur la GC ont été réalisés surtout dans de grandes entreprises (KLARSFELD, OIRY, 2003 ; PARLIER, 2004, 2005 ; ZARIFIAN, 2005). Ces travaux décrivent des outils différant de la manière dont les pratiques sont vécues par les acteurs.

30Plusieurs auteurs (DEFÉLIX, DUBOIS et RETOUR, 1999 ; PARLIER, 2005) font état de pratiques d’entreprise indiquant l’existence d’un dispositif de GC dans les PME. C’est admettre que dans ces entreprises, il est possible de repérer une façon de gérer les compétences, envisagées dans leur contexte. Pour Defélix et al. (1999), si l’on s’attend à repérer une GC au moyen de référentiels de compétences, de déclarations de politique générale ou d’interventions de cabinets spécialisés, il est clair que des PME ne se prêtent pas à ce type de repérage.

31Une simple transposition des problématiques des GE oriente souvent le regard que l’on pose sur les PME (BAYAD, NEBENHAUS, MAHE DE BOISLANDELLE, SARNIN, 1995) : il apparaît donc nécessaire de dépasser l’absence de procédures formalisées lorsque l’on envisage la GC en PME. Pour Defélix et al. (1999), la GC en PME peut se développer soit dans le cadre d’une stratégie réactive, soit dans celui d’une stratégie pro-active. Dans le premier cas, la PME doit acquérir ou bien développer les compétences demandées par le marché en identifiant soit les compétences actuellement exigées, soit les compétences que son activité de veille lui permet d’anticiper. Dans le second cas, la PME fait de ses compétences le levier de son avantage concurrentiel et de sa stratégie (HAMEL et PRAHALAD, 1989), soit à partir des seules compétences qu’elle détient, soit en cherchant à enrichir ce savoir-faire initial.

32Nous partons du postulat que la GC en PME n’est absente qu’en apparence, puisqu’elle est difficilement repérable dès lors qu’on la rechercherait sur le modèle de la GC telle qu’elle est déployée dans les grandes entreprises au moyen de référentiels, de déclarations de politiques générale ou d’intervention de cabinets spécialisés. Certes, des instruments et des pratiques formelles sont des outils apparents qui sont déployés dans certaines PME. Mais toute pratique informelle diffère de la pratique formelle correspondante, et il est essentiel d’en tenir compte lorsque l’on s’intéresse à la GC en PME. En effet, toute pratique prescrite diffère d’une pratique par nature intuitive.

33Pour synthétiser, nous émettons l’hypothèse que dans les PME, la GC est présente, mais principalement de manière informelle. D’ailleurs, dans les GE, la présence de la GC se manifeste par différents instruments mobilisés, mais peut-être n’y est-elle qu’apparente et ne représente-t-elle pas une d’adhésion réelle : ainsi, même en GE, la GC « réelle » peut être différente de la GC « formelle » ou encore « prescrite ».

34Pour Autissier (2003), beaucoup de décisions managériales privilégient encore trop souvent le caractère instrumental des dispositifs de gestion, et ce, au détriment de leur compréhension et de leur acceptation par les acteurs qui auront à les utiliser. Dès lors, il est possible d’envisager une gestion des compétences qui ne soit pas outillée par une instrumentation. « Dans ce cas, des pratiques témoignant de l’importance que l’on accorde à la question des compétences et des ressources que l’on y consacre, peuvent se baser sur une représentation informelle des compétences des salariés » (COLIN et GRASSER, 2003).

35Ainsi, pour appréhender ces pratiques souvent « invisibles » en PME, il faut adopter une démarche d’analyse appropriée, qui accorde une part centrale aux représentations des acteurs. C’est pourquoi, pour comprendre ces situations, nous devons analyser ce que les acteurs « savent », perçoivent et se représentent (GIDDENS, 1984). C’est en ce sens que nous mobilisons le cadre d’analyse contextualiste pour savoir en quoi le contexte interagit avec les pratiques de gestion des compétences par l’informel.

Le cadre d’analyse contextualiste

36L’approche contextualiste est un cadre d’analyse de la réalité des organisations qui n’induit aucun schéma explicatif particulier (GUTIERREZ, WARNOTTE, dans BROUWERS et al., 1997). Ce courant insiste sur l’importance des représentations d’acteurs (PETTIGREW, 1973, 1985, 1987). La théorie contextualiste est articulée autour de trois dimensions centrales :

  • les contextes, où une distinction est opérée entre l’externe et l’interne de l’organisation, qui renvoient à des niveaux d’analyse distincts ayant chacun leur spécificité et leur temporalité propres ;
  • le processus, dont l’analyse vise à capter le jeu des forces entre acteurs, leurs actions et leurs interactions qui font évoluer l’organisation durant un laps de temps donné ;
  • enfin, le contenu, qui réfère aux domaines précis concernés par les changements que l’on veut étudier.

37Dans notre recherche, la GC n’existe pas seulement par les instruments mis en œuvre, mais aussi (et surtout) par la perception des acteurs, qui éclaire leur comportement et leur attitude. La perception des compétences inclut des éléments allant du niveau le plus effectif des compétences au niveau le plus symbolique valorisé par les acteurs. Le niveau visible relève notamment des décisions en matière de rémunération, des évolutions de carrière, de l’intérêt pour le travail, etc. Le niveau symbolique est celui qui est sans doute le plus difficile à déceler, car les formes symboliques s’exercent au quotidien dans les relations interpersonnelles, surtout entre les salariés et leurs responsables hiérarchiques directs.

38La manière dont les acteurs forgent leur connaissance de l’organisation contribue à construire les réalités sociales sur la base desquelles ils fondent leur action. C’est en ce sens que l’approche contextualiste reprend la théorie du contexte organisationnel comme construit mental (WEICK, 1979). Autrement dit, le comportement des membres de l’organisation relève d’un processus heuristique. Celui-ci n’est pas déterminé seulement par des éléments « objectifs », ce qui explique qu’une même situation peut être construite mentalement de manières divergentes par les différents acteurs d’une structure, et donc ouvrir sur̀ des rationalités divergentes. Dans ce cadre d’analyse, nous considérons que les pratiques de GC par l’informel (le contenu) relèvent d’un processus entretenant des liens simultanés et dialectiques avec les contextes.

39En inscrivant notre problématique de recherche dans la perspective du cadre d’analyse des situations à partir du triptyque contextes/contenu/processus, nous avons choisi une démarche qualitative d’étude de cas. Cette méthodologie se construit pour répondre à un objet précis en s’adaptant aux spécificités des contextes étudiés. Cela s’est traduit notamment par une démarche structurée, dont l’issue est une représentation et une explication d’un phénomène complexe (YIN, 1991).

La méthodologie de notre recherche et l’analyse des études de cas

40Le choix d’opérer par études de cas vise à saisir un processus résultant de croisements constants entre action et éléments de contexte en évolution. Notre analyse cherche à « faire sens » plus qu’à « donner la preuve », selon l’expression de Passeron (1992, cité par WACHEUX, 1996 p. 15). La description de cette étape est fondamentale pour tendre vers un degré élevé de fiabilité dans l’analyse des données et la restitution des résultats. Comme le souligne Wacheux (1996, p. 227), l’analyse consiste à réduire les informations pour les catégoriser et les mettre en relation avant d’aboutir à une description, à une explication ou à une configuration (p. 227).

41Notre recherche est inductive en ceci qu’elle vise à faire émerger les pratiques à partir d’observations et d’entretiens et qu’elle ne constitue pas un test d’hypothèses formulées a priori (GLASER et STRAUSS, 1967 ; MILES et HUBERMAN, 1991). Nos propos théoriques, supra, aboutissent en effet à un cadre interprétatif, et non à une modélisation à tester. Notre approche n’est cependant pas totalement « ground based », car nous avons utilisé le cadre analytique [2] de l’analyse contextualiste. Cependant, nos observations ayant fait alterner observations, entretiens et constructions de modèles successifs d’interprétation, elle est au bout du compte plus abductive que strictement inductive.

Le terrain

42Nous avons constitué un échantillon de quatre entreprises de taille moyenne (voir le Tableau ci-dessous) que nous avons jugé représentatif et suffisant au regard de la finalité de notre recherche (HLADY-RISPAL, 2002). Notre préoccupation a été principalement de disposer d’un nombre de cas suffisant pour pouvoir mettre en relief les éléments de compréhension du phénomène étudié (WACHEUX, 1996).

Tableau 1

Les quatre PME constituant notre échantillon

Tableau 1
Date de création Activité Taille Chiffre d’affaires COSTER Créée en 1965. Ennoblissement textile 61 salariés 9 509 198 SEM Créée en 1957. Rachat par des cadres dirigeants en 2004. Machines-outils, automatisme, électrotechnique, tôlerie fine et mobilier urbain 50 salariés 5 100 000 SOLAR Créée en 1970 Appareils de chauffage et de rafraichissement pour l’industrie et le tertiaire 47 salariés 9 243 732 FAP Créée en 1947 Fermetures PVC et Aluminium 90 salariés 15 855 483

Les quatre PME constituant notre échantillon

La procédure de collecte des données

43Le matériel empirique de notre recherche a été alimenté sur le terrain par différentes sources (YIN, 1989 ; VAN DE VEN, 1992 ; MILES et HUBERMAN, 1994), notamment par la documentation, les interviews et l’observation directe. Les entretiens individuels ont permis de recueillir des données reflétant au mieux la représentation mentale des salariés (cadres, responsables de proximité, opérateurs de production). Nous avons eu recours à un questionnaire non directif élaboré à partir de guides d’entretien dans l’esprit du cadre d’analyse contextualiste. Ces entretiens ont été enregistrés par ailleurs, puis retranscrits dans leur intégralité pour être ensuite codés. Ainsi, nous avons pu procéder à dix-neuf entretiens individuels (dont deux entretiens de groupe).

44En complément des entretiens effectués dans les cas étudiés, des échanges sur le tas (entretiens informels) ont contribué à notre analyse. Une attention particulière a été apportée aux gestes expérimentés et maîtrisés, à la récurrence des comportements et au discours accompagnant les gestes.

L’analyse des données

45Pour réduire les données recueillies, les catégoriser et les mettre en relation (WACHEUX, 1996), nous avons utilisé le logiciel NVivo 8. Le choix de ce logiciel nous a paru évident, car il permet de réaliser une analyse thématique de manière polyvalente : tantôt déductive, en ayant, préalablement à l’analyse, identifié des thèmes issus de la littérature à repérer dans le corpus, et tantôt inductive, en partant du corpus pour générer des thèmes (DESCHENAUX, 2007). Ce logiciel est reconnu comme étant bien adapté aux recherches visant la construction théorique (BOURNOIS et al., 2002). Le principe de l’analyse du logiciel NVivo 8 s’inscrit dans une démarche de décontextualisation et de recontextualisation du corpus.

46À partir du discours des salariés, nous avons isolé des nodules, et à partir de ces nodules, il a été élaboré un référentiel qui a permis de restructurer le discours des acteurs. Un travail de codification systématique a ensuite été mené pour l’ensemble des données recueillies. Cette étape visait à donner une représentation des entretiens résumée et facilement accessible (MILES et HUBERMAN, 2003).

47Nous avons créé des codes que nous appelons Tree nodes (dans le langage NVivo). Ces codes sont issus de nos guides d’entretiens. Cette première technique est privilégiée par Miles et Huberman (2003). Par la suite, nous avons défini d’autres codes pendant le processus de codage. Ces codes, que nous appelons Free nodes, sont directement issus de l’analyse des documents et des entretiens : ce sont des codes émergeant du terrain, selon l’approche de Strauss et Corbin (1990), qui constituent de la sorte un processus abductif. Nous avons ainsi pu identifier un processus de GC par l’informel construit par différents « composants » (ou éléments structurants) qui seront présentés dans les graphiques infra.

48Après ces étapes d’analyse des données, nous avons obtenu les principaux résultats de notre recherche, que nous présenterons de façon synthétique ci-après.

La synthèse des résultats et la contribution des études de cas

49Parmi les PME constituant notre échantillon, aucune ne connaît à strictement parler un déploiement de l’instrumentation des compétences au sens de Gilbert (1997), Klarsfeld et Oiry (2003). Nous sommes loin d’une formalisation des dispositifs de gestion des compétences dans ce type d’organisation.

50L’identification des nodules de sens dans les entretiens et leur codage structuré nous ont permis de dégager trois ensembles de catégories mentales structurées, qui montrent comment ces acteurs construisent mentalement leur réseau cognitif autour de la notion de compétence, à partir de leur expérience actuelle (voire de leur expérience passée).

51Nous présentons ces nodules ci-après. Nous préciserons ensuite les éléments de contextes interne et externe, avant de commenter et de discuter ces résultats dans les paragraphes suivants. Pour la clarté de l’exposé, nous avons préféré présenter les trois ensembles de nodules avant de les commenter en détail à la suite de la présentation des quatre cas et de leurs contextes.

Figure 1

Contenu de la GC par l’informel

Figure 1

Contenu de la GC par l’informel

Le contenu se réfère aux domaines précis concernés par les changements sous étude. Il nous a permis de mettre en évidence les variables qui servent de levier au contenu. Parmi ces variables, il y a les acteurs concernés par la compétence et les compétences proprement dites dans lesquelles s’élaborent les pratiques informelles identifiées.
Figure 2

Contexte de la GC par l’informel

Figure 2

Contexte de la GC par l’informel

Les variables contextuelles internes/externes et les configurations organisationnelles de notre échantillon nous permettent d’explorer les pratiques de GRH à partir desquelles nous analysons un processus de GC par l’informel.
Figure 3

Processus de la GC par l’informel

Figure 3

Processus de la GC par l’informel

À partir de l’analyse structurante des entretiens, de nos observations et des documents secondaires, le processus nous permet de mettre en évidence l’articulation des dimensions pertinentes qui rendent compte du processus de gestion des compétences par l’informel dans les PME de notre échantillon. Ces dimensions sont pour l’essentiel composées par les interactions informelles et quotidiennes qui définissent et orientent l’action des salariés dans laquelle se construit le processus.

52Ces quatre études de cas présentent des similarités tant dans le contexte que dans le contenu. Cependant, les articulations du contenu, du contexte et (NONAKA et TAKEUCHI, 1995) du processus sont significativement différentes dans chacun des cas. Au-delà de leurs différences, ces articulations montrent pour chaque cas le rôle des interactions informelles dans la GC, ce qui est cohérent avec notre interprétation théorique : la GC, dans ces PME, relève faiblement de démarches formalisées, mais les compétences y sont bien gérées par de multiples canaux et interactions informelles entre les diverses parties prenantes à la GC.

53Nous présenterons donc d’abord les points structurants analogues des quatre cas avant de présenter la façon dont, pour chacun, il y a singularité, en particulier dans l’articulation concrète entre contenu, contexte et processus.

54Le Tableau 2 ci-dessous montre qu’il y a « de l’informel, dans les quatre cas », avec des différences qui vont plus clairement apparaître dans les éléments de contexte interne. Il apparaît aussi que, si les relations informelles sont prégnantes dans les pratiques de GC de ces entreprises, la formalisation de la GC est plus ou moins forte suivant les cas (ce que nous préciserons ci-après, dans nos commentaires).

Tableau 2

Variables contextuelles internes

Tableau 2
Structure formelle/informelle Coordination du travail Stratégie Proximité dirigeant/ salariés L’informel dans l’organisation Évaluation du personnel Coster Accentuation des relations informelles Ajustement mutuel et supervision directe Orientée par les intentions du dirigeant Distance hiérarchique moyenne Permet au groupe de mieux faire face aux différentes pannes des machines, par exemple Entretien d’évaluation pour les techniciens par leur superviseur directe/ Évaluation par l’observation Sem Prise de décisions collégiales sur tous les dossiers importants. Liens fort du fait de la reprise de la société par d’anciens cadres. Standardisation des procédés, du fait de leurs diverses activités. Orientée par une équipe de dirigeants Distance hiérarchique moyenne Des groupes de travail se forment pour chaque commande exigeante de clients afin de répondre au mieux aux attentes de ces derniers. Évaluation par l’observation mutuelle/ Entretien d’évaluation annuel pour les commerciaux et les techniciens Solar Liens forts, renforçant la structure formelle déjà en place Standardisation des qualifications sur la base de programmes de formation surtout en interne, mais aussi en externe. Orientée par les intentions du dirigeant Distance hiérarchique forte Le travail de groupe pour favoriser l’apprentissage et resserrer les liens. Entretien d’évaluation annuel/ Évaluation par l’observation FAP Liens forts entre l’administratif et l’atelier. Standardisation des qualifications sur la base de formations internes. Orientée par les intentions du dirigeant Distance hiérarchique moyenne En favorisant l’entraide des commerciaux et des techniciens. Entretien d’évaluation annuel/ Évaluation par l’observation

Variables contextuelles internes

55Les variables contextuelles externes sont présentées dans le Tableau 3 de la page suivante.

Tableau 3

Variables contextuelles externes

Tableau 3
Environnement économique/RH Environnement technologique Environnement politique Environnement institutionnel et juridique Relation de la concurrence Coster Difficultés liées au recrutement de profils spécifiques au métier en perdition dans la région (Textile) Résistance aux produits à bas coûts, car l’entreprise se positionne sur une niche technologique Peu d’offres de formation pour les métiers du textile/ formation inadaptée aux métiers de l’entreprise Activité fortement polluante. Rejet des eaux usées dans un bassin. Réglementation stricte sur le retraitement des eaux Une des dernières entreprises d’ennoblissement de textile de la région. La concurrence vient plutôt de l’extérieur Sem Difficultés liées au recrutement de techniciens Se positionne sur des niches technologiques Formation inadaptée aux besoins de l’entreprise Poids des contraintes réglementaires Forte concurrence Solar Difficultés liées au recrutement de techniciens Évolution rapide, innovation permanente Aide à la formation, contrats de professionnalisation Renforcement de la réglementation thermique Forte concurrence FAP Difficultés liées au recrutement de techniciens Innovation permanente Aide à la formation Poids des contraintes réglementaires Forte concurrence

Variables contextuelles externes

56Les variables contextuelles internes/externes et les configurations organisationnelles de notre échantillon nous permettent d’explorer les pratiques de GRH à partir desquelles nous analysons un processus de gestion des compétences par l’informel.

Le nodule « contenu » (voir la Figure 1 de la page 21)

57Le nodule « contenu » se réfère aux domaines précis concernés par les changements à l’étude. Nous identifions dans ce nodule deux composantes qui traduisent l’importance, d’abord des acteurs qui y participent, et ensuite des compétences reconnues. Les « acteurs concernés par la compétence » sont les salariés de notre échantillon pour lesquels nos entretiens et nos observations montrent l’existence d’une récurrence de pratiques informelles (surtout par groupe de travail). Il s’agit ici des opérateurs de production (notés « techniciens » dans la Figure 1 de la page 21), du personnel administratif et des commerciaux.

Le nodule « acteurs »

58Dans notre recherche, la construction, la mobilisation et la gestion des compétences sont appréhendées par les pratiques informelles nécessaires au fonctionnement de l’entreprise. Parmi ces pratiques informelles, nous identifions précisément des interactions sociales que les salariés sont motivés à maintenir entre eux de façon implicite. La confiance, dans ces situations de travail, prend un caractère de réciprocité aussi bien entre salariés qu’entre le dirigeant et ses salariés (voir le Tableau 4 ci-dessus).

Tableau 4

Les différents acteurs

Tableau 4
Sous-nodule Explication Verbatim Les « techniciens » / opérateurs de production Il est apparu lors de nos entretiens que les efforts de formation, les intentions d’apprentissage étaient surtout dirigées vers la catégorie des « techniciens » (ou opérateurs de production), par rapport à d’autres groupes de salariés. Les pratiques observées évoquées et les discours marquaient, en effet, l’existence de ces comportements en situation de travail. « Notre mode de rémunération des techniciens fait qu’aujourd’hui, on ne demande pas qu’un technicien sache “que” dévisser “machin” : on demande également à un technicien qu’il sache parler un petit peu, qu’il ait une bonne présentation, qu’il soit un petit peu vendeur… » Les employés administratifs Les employés administratifs apparaissent, comme nodule NVivo, en lien avec les acteurs de la compétence. Les entretiens et nos observations montrent que le lieu où s’opèrent les interactions ne constitue pas simplement un environnement et un ensemble de circonstances favorisant les interactions, mais qu’il s’agit fondamentalement d’un ensemble de pratiques et de conduites souvent informelles, avec leur histoire et leurs valeurs, qui apportent un plus à l’interaction. Les commerciaux Les relations commerciaux/clients sont soit strictement formelles, soit intermédiaires. C’est notamment le cas de clients avec lesquels naît une familiarité au travers de conseils et de « tuyaux » sur le fonctionnement des produits. Cette dualité de point de vue se perçoit bien dans le propos, par exemple, du directeur industriel de l’entreprise FAP. « …Et puis, de temps en temps, j’intervenais. Et j’écoutais les commerciaux, aussi, lors de conversations informelles – oui, informelles : voilà ! Les commerciaux, ils avaient leur version. Et les clients, ils avaient leur version… »

Les différents acteurs

Le nodule « compétences »

59Les compétences se manifestent par la mise œuvre d’un certain nombre de pratiques que nous avons identifiées. Il s’agit de l’accès, par l’informel, aux sources de connaissances, à la coordination informelle et à une approche par le groupe informel. À partir des entretiens, les salariés nous ont fourni des informations sur leurs expériences, sur leurs pensées et sur leurs comportements liés à l’intervalle de temps entre leur situation face à un aléa et leur recours aux savoir-faire implicites (non visibles pour les autres, et en particulier pour les responsables) (voir le Tableau 5 ci-dessous).

Tableau 5

Le nodule « compétences »

Tableau 5
Sous-nodule Explication Verbatim L’accès aux sources de connaissance par l’informel C’est l’accès par la dimension non formalisable des connaissances qui sont à la base des compétences, dans un contexte de travail. Nos entretiens montrent que les situations de coordination sont nombreuses ; elles sont surtout favorisées par la taille de l’entreprise et la proximité entre les salariés. Cette spécificité favorise les situations dans lesquelles la transmission des informations se fait surtout par l’informel (nous pouvons citer, à nouveau, la transmission orale). « Nous (les entreprises textiles), on fonctionne beaucoup sur l’oral… » (Coster). « Sur le plateau, en haut, chacun se forme, chacun écoute, se forme automatiquement – par l’information qui circule, comme ça… » (Solar). « Il y a une proximité évidente entre nous, les collaborateurs… » (Sem). « Oui, ça reste important, le face-à-face… » (FAP). Les formations internes C’est la manière que privilégient les entreprises de notre échantillon pour transmettre des connaissances, souvent de manière informelle, en s’appuyant simplement sur le collectif. C’est un type d’apprentissage qui relève essentiellement d’une formation informelle. Celle-ci offre aux salariés intégrant l’entreprise l’avantage de pouvoir s’insérer directement dans le groupe (et, pour ceux qui y sont déjà, une occasion de renforcer les liens du groupe). « Pour des secteurs donnés (par exemple, pour l’achat de colorants et de produits), cette personne est restée un an avec la personne qui est partie en retraite » (Coster). La coordination informelle Cette coordination fait référence aux mécanismes de coordination en situation de travail mobilisés en réponse à une situation complexe ou imprévisible. Elles ne font l’objet ni d’une prescription ni d’une planification. La coordination informelle implique un lieu ayant une configuration qui permette des rencontres régulières, des échanges et de la convivialité. C’est à travers ces concertations informelles qu’émergent les solutions aux problèmes, mais elles sont aussi des occasions de transmettre des connaissances, au fur et à mesure que la situation évolue. Le groupe informel Le groupe informel fait ici référence aux liens qui se créent naturellement dans un groupe de salariés (souvent de même compétence) qui constitue un réseau d’échange par les interactions améliorant la transmission d’informations en marge d’un cadre formel. Le groupe informel (repéré grâce aux entretiens) valide deux de ces dimensions : d’une part, la dynamique des groupes (ANZIEU et MARTIN, 2000) comme lieu d’acquisition par l’individu de l’expérience de l’interdépendance et de la coopération et, d’autre part, les communautés de pratiques (BROWN et DUGUID, 1991, 1998, 2000 ; DE WENGER, 1998, 2000) qui insistent sur le rôle des échanges informels pour trouver des solutions complémentaires aux procédures incomplètes face aux difficultés. « On a envoyé des gens du bureau passer une journée à l’atelier (des fois, deux jours – parce que ça les intéressait…). Bon…, c’est l’inverse, que l’on n’arrive pas à faire… : c’est un peu plus compliqué… » (FAP).

Le nodule « compétences »

60La transcription des entrevues nous a permis de dégager plusieurs nodules (et les thèmes sous-jacents), qui tous concernent des pratiques informelles. Le nodule « pratiques informelles » et les sous-thèmes sous-jacents traduisent la représentation que les acteurs ont d’eux-mêmes, entre le discours et leurs pratiques en situation de travail.

61En mobilisant l’approche contextualiste, le processus de gestion des compétences que nous identifions et qui se déroule à l’intérieur de l’organisation n’est pas indépendant de ceux qui se déroulent à l’extérieur de celle-ci.

Le contexte (voir la Figure 2 de la page 22)

62Comme nous l’avons vu supra il n’y a pas « un » (seul) contexte, mais des contextes externe et interne.

Le contexte externe

63Dans le nodule contexte externe de notre modèle NVivo, les entretiens ont mis en évidence les unités d’analyse suivantes (voir le Tableau 6 ci-après).

Tableau 6

Le nodule « contexte externe »

Tableau 6
Sous-nodule Explication L’environnement économique Dans notre étude empirique, nous avons clairement recherché le sens donné par les salariés aux éléments extérieurs à l’entreprise et identifié ceux qui avaient un effet sur leurs pratiques, surtout informelles. C’est la perception par les acteurs de leurs compétences et le lien qu’ils établissent avec les variables externes pour justifier leurs pratiques informelles qui est frappant. La concurrence La concurrence est une unité d’analyse NVivo qui revient également dans le discours des acteurs de notre échantillon. La présence de plusieurs acteurs présents simultanément sur un même marché contribue à mobiliser des pratiques de gestion pour plus de compétences. Formation académique Il est question ici de la perception, par l’entreprise, d’un écart entre la formation académique et les emplois (surtout techniques). Il est reproché à la formation académique de faire référence à des compétences trop générales. La demande Ce nodule met en évidence le fait que la compétence peut être stimulée par le technicien qui se déplace chez le client et sait bien le conseiller, lui proposant éventuellement des produits d’entretien (comme il peut s’agir d’une assistante commerciale qui sait répondre au téléphone en apportant des réponses pertinentes aux questions des clients). La législation La législation réfère aux règles juridiques qui encadrent le respect des contraintes environnementales que doivent observer les entreprises dans leurs activités. Les entretiens montrent que les contraintes que ces règles représentent aboutissent à de constants ajustements rectificatifs qui sont perçus par les salariés comme étant source de compétences.

Le nodule « contexte externe »

Le contexte interne

64Le contexte interne couvre les caractéristiques internes de l’entreprise. L’analyse des entretiens sous NVivo nous permet d’éclairer le sens de l’action de l’entreprise et de ses acteurs à travers son histoire, sa structure et son mode de fonctionnement. Le modèle établi à partir des entretiens montre l’existence de liens avec les éléments d’analyse mentionnés dans le Tableau 7 de la page suivante.

Tableau 7

Le nodule « contexte interne »

Tableau 7
Sous-nodule Action du dirigeant Explication L’importance du rôle du dirigeant dans les PME se confirme dans les quatre entreprises de notre échantillon. Le discours des acteurs reconnaît à l’action du dirigeant un rôle d’impulsion favorisant les conditions permettant aux salariés d’entrer en interaction (écrit, oral, observation). Verbatim Souplesse dans la gestion Dans nos quatre cas, l’encadrement de proximité prend le temps de la transmission lente des connaissances. Il est également garant d’une modalité orale de transmission des savoir-faire (en particulier dans le cas de l’entreprise textile Coster). La taille et le chiffre d’affaires de l’entreprise La taille Ces entreprises n’externalisent pas d’activité, sauf pour la certification qualité (cas Coster). Lorsqu’il y a une réorganisation du travail, elles conservent leurs salariés en les formant sur le tas, en interne, pour les adapter à la nouvelle configuration et aux éventuelles évolutions et exigences du marché. « Mais, aujourd’hui, on n’a pas un besoin énorme [de plus d’instruments de gestion des compétences. Ndr]. Le jour où on sera 60 ou 70 personnes, on appliquera peut-être des méthodes différentes… » (Solar). Chiffre d’affaires La compréhension de ce point relève de la contribution des compétences des salariés aux résultats de l’entreprise. Les salariés expriment leur conscience de l’existence d’un lien entre la « performance » des transmissions rapides et fluides des compétences et ses effets sur le chiffre d’affaires. Encadrement Les entretiens mettent en lumière la place que prend le salarié expérimenté aux côtés duquel les jeunes sont au contact du responsable de service, pour lequel le jugement au quotidien importe souvent beaucoup plus que l’entretien annuel faisant partie de la démarche formelle de GC. La proximité entre salariés La proximité détermine ici le sentiment qu’a un salarié d’un rapprochement avec un autre salarié ou avec un groupe de salariés dans l’espace ou dans le temps, mais aussi dans une même façon de coordonner les activités. « Il y a une bonne culture d’entreprise, un projet, que l’on essaie de transmettre à l’ensemble des salariés, parmi les cadres, les intermédiaires qu’il faut… La direction souhaite qu’ils travaillent ensemble pour la satisfaction de la clientèle et pour le bien de tous, [pour] la bonne réussite de tous…, pour que les collaborateurs qui travaillent avec nous soient contents de travailler dans cette entreprise » (FAP). L’expérience C’est sans doute la valeur sur laquelle l’entreprise capitalise le plus pour la transmission des connaissances. Dans les entreprises de notre échantillon, les exemples où l’on valorise l’expérience des salariés détenteurs du savoir-faire reviennent assez souvent. Complexité du produit La complexité du produit est prise en compte dans nos entretiens pour justifier la nécessité de la formation interne, puisqu’il est difficile de trouver les compétences nécessaires à l’extérieur L’organisation du travail Si cette unité d’analyse paraît quelque peu générale, nous souhaitions identifier à travers les entretiens la capacité d’interaction d’un groupe au sein d’une PME en fonction d’un enjeu bien déterminé. « Lorsqu’il y a un dossier difficile, ça peut paraître banal, mais il peut y avoir des visions opposées, parmi nous… On réussit à s’asseoir tous, à une même table, pour partager des points de vue, sur lesquels on se regroupe : ça prouve que l’on est capable de travailler ensemble… » (Sem). L’histoire de l’entreprise Dans le discours des acteurs des PME, nous avons repéré le fait que le recours aux faits historiques était de nature à justifier le mode de fonctionnement de ces organisations. La confiance Les entreprises la présentent comme un élément indispensable permettant au dirigeant d’adhérer à la conduite de l’entreprise et de se fier au groupe de salariés pour sa capacité à transmettre les connaissances et à interagir. « Je pense que, si l’on veut être efficace, il faut traverser des étapes ensemble. Il faut avoir vécu différentes choses, pour savoir à qui faire confiance… » (FAP).

Le nodule « contexte interne »

Le processus (voir la Figure 3 de la page 22)

65Dans les PME de notre échantillon, les salariés sont placés dans un environnement d’échanges et d’interactions qui favorise la connaissance des compétences collectives. L’analyse des résultats permet de constater une concordance entre la complexité d’une situation d’interaction, le facteur humain comme source de connaissance et la nature informelle des connaissances. À l’aide de NVivo 8, nous avons pu établir, dans le modèle suivant, la structuration globale de ces éléments de sens à partir du discours de nos interlocuteurs.

66Les interactions informelles ont permis d’identifier dans le langage des salariés l’action (ou l’influence) non prescrite et réciproque qui peut s’établir entre eux, et qui est, dans le même temps, susceptible de produire de la connaissance. L’analyse des événements historiques et du transfert des compétences par l’informel nous a permis de retenir quatre unités d’analyse : l’observation, l’écoute, le discours et les notes écrites. Ce modèle comporte une phase d’interactions informelles durant laquelle s’effectue la collecte d’informations. Les quatre « unités d’analyse » permettent une évaluation informelle des compétences. Les personnes impliquées dans les situations d’interaction peuvent avoir un rôle de source de connaissance, et elles-mêmes « prendre connaissance » par les quatre modalités [3].

67L’évaluation informelle, quant à la manière de faire ou de se conduire des salariés dans l’entreprise, relève de multiples énoncés. Nous observons de ce fait une évaluation au quotidien qui se développe en marge des pratiques formelles et annuelles d’évaluation des compétences. Selon que l’on soit dans une démarche formelle (réponse en mobilité interne, formation, recrutement ou gestion des âges) ou dans une démarche informelle (encouragements, félicitations, remarques, approbations, corrections permanentes par des rappels à « la manière de faire » et au « savoir-être » dans l’entreprise, par des gestes, par le langage (discours), par des notes adressées entre collègues), la réponse diffère.

68L’évaluation informelle des compétences commence par une phase d’analyse (non formellement structurée) durant laquelle le constat est fait soit d’une pratique informelle jugée appropriée, soit d’une différence constatée. Celle-ci entraîne une phase pendant laquelle des solutions par l’expérience et par le jugement sont proposées. Il s’agit, au final, d’un partage informel des connaissances et donc d’une gestion des compétences n’ayant ni expression officielle ni pratiques précises.

L’observation, l’écoute, le discours et les notes écrites

69Les situations d’observation et d’écoute, le discours et les notes écrites sont favorisés par les nombreuses interactions consécutives à nos entretiens et à nos observations. Elles permettent d’avoir un contact visuel, une écoute, une note sur un éventuel écart par rapport aux compétences d’un collègue, par exemple, et de procéder, le cas échéant, à un ajustement sur l’instant.

70

« Par exemple, sur le plateau, en haut, chacun se forme, chacun écoute, se forme automatiquement par l’information qui circule comme ça ».
(Solar)

71Notons que les réponses aux entretiens que nous avons menés laissent une place prépondérante aux détenteurs de la connaissance que sont les salariés plus expérimentés et les managers de proximité, ainsi que les salariés entre eux. Le transfert de connaissances ne suffit pas à lui seul à construire la compétence.

72

« Pour être un bon, il faut avoir des connaissances, mais ce n’est pas suffisant. Il faut aussi prouver que dans l’action on est capable de les appliquer rarement telles quelles, mais surtout les adapter au contexte. Il faut en plus dialoguer avec ses collègues et ses supérieurs. C’est tout cela qui fait que l’on devient bon ».
(Sem)

Le nodule « évaluation informelle »

73En considérant le quotidien des salariés, nous observons que l’évaluation va au-delà de la pratique formelle du contrôle annuel des compétences.

« Les gens, maintenant, qui sont en formation, ils font des rencontres avec le directeur, même s’ils ne sont pas encore promus à leur nouveau poste, cela aide pour les préparer. Ils sont aussi reconnus par les collègues à leur nouveau poste. J’apprécie ce que l’organisation leur fait vivre, car ailleurs ce n’est pas toujours comme ça ».
(FAP)
« Vous savez, c’est une bonne chose de vouloir nous faire évoluer, mais comme cette façon de faire a été fabriquée sans nous, on a du mal à bien comprendre… Pour moi, seule l’habilitation de mon chef compte. C’est lui qui juge si j’ai bien travaillé ou pas. Au moins, ça, c’est concret ».
(Sem)
« J’explique comment on va faire, je le fais, il observe, il cherche à faire pareil et si ce n’est pas exactement cela, donc je corrige, ou alors il pose des questions, il dit : “Eh bien, je n’y arrive pas à faire exactement comme toi, explique-moi !”. Et là, effectivement, on ajuste, et là, c’est le top, quoi ! On apprend vachement plus vite comme ça ».
(Solar)
Cette évaluation est diffuse, consciente ou inconsciente et elle n’est pas facilement appréhendable – contrairement à une évaluation formelle. C’est dans l’interaction humaine qu’elle prend ses traits spécifiques.

La différence de pratiques construites

74L’analyse narrative des propos des acteurs nous a permis de repérer les indicateurs principaux qui révèlent la mobilisation de l’évaluation informelle (voir le Tableau 8 ci-dessous).

Tableau 8

La différence de pratiques construites

Tableau 8
Pratiques construites Extrait de Verbatim L’observation, l’écoute, le discours et les notes écrites « Par exemple, sur le plateau, en haut, chacun se forme, chacun écoute, se forme automatiquement par l’information qui circule comme ça. » Explication Les situations d’observation, d’écoute, le discours et les notes écrites sont favorisés par les nombreuses interactions, d’après nos entretiens. Elles permettent d’avoir un contact visuel, une écoute, une note sur un éventuel écart par rapport aux compétences du collègue et éventuellement de faire un ajustement. Pratiques construites Extrait de Verbatim Évaluation informelle « Je lui dis comment je vois les choses, comment je le ferais, on discute et on échange beaucoup. Je regarde comment il fait, je lui dis ses forces et ses faiblesses. Je lui explique pourquoi ce n’est pas complet ou qu’il peut être meilleur si c’est fait de cette façon. Je lui montre comment, moi, je travaille… » Explication Nous avons noté dans nos entretiens une pratique d’une évaluation annuelle des compétences des salariés. Dans le même temps, nous avons repéré des situations d’interaction entre les salariés, des encouragements, des félicitations, des remarques, des approbations, des corrections permanentes, des rappels à « la manière de faire » et au « savoir-être » dans l’entreprise par des gestes, par le langage et par des notes informelles adressées entre collègues. Pratiques construites Extrait de Verbatim Réponse compétence par l’informel « Ce cahier-là, il a été mis en place pour un problème bien spécifique. On s’est aperçu que l’on avait mis en place quelque chose et les opérateurs montent l’information à leur chef d’équipe et le chef d’équipe ne remontait pas spécialement l’information ou jugeait que ce n’était pas la peine d’informer. Or, on a compris que pour l’opérateur, il est important de lui donner une réponse sur n’importe quelle question. Donc, pour remédier à ça, comme on travaille 24/24, on leur a dit : “vous posez vos questions sur un cahier et on vous répondra sur un cahier”. Apparemment, c’est quelque chose qui se passe bien. »

La différence de pratiques construites

75Au-delà de cette décomposition analytique, nous proposons une lecture de notre objet de recherche par rapport aux concepts précédemment évoqués.

La gestion des compétences par l’informel

76En synthèse de notre analyse empirique des résultats d’analyse des quatre cas de notre échantillon, que pouvons-nous dire de la GC par l’informel au regard des conceptualisations proposées par de nombreux auteurs ? Pour répondre à cette question, nous retenons deux points de comparaison : l’approche du concept de compétence et la place de l’homme dans le processus.

L’approche du concept de compétence

77Les pratiques informelles que nous identifions (voir le Tableau 9 ci-après) autour de l’emploi ne sont pas proprement reconnues comme des pratiques de GC, encore moins comme des pratiques informelles. Toutefois, ces pratiques sont issues d’un processus s’inscrivant dans le cadre d’un rapport social qui l’a rendu possible, même si celui-ci se dérobe à l’observation. En ce sens, nos résultats sont cohérents avec l’approche de Stroobants (1991) pour qui la compétence n’est pas de l’ordre de l’application, mais de celui de la construction. En effet, l’observation et l’identification des pratiques informelles issues de l’analyse nous montrent que ces pratiques sont d’abord valorisées par les salariés eux-mêmes.

Tableau 9

Les apports des pratiques informelles à la GC

Tableau 9
Pratiques identifiées Effets sur les salariés Effets sur l’entreprise Contexte Formation interne Proaction et réaction à la perception de l’environnement économique et juridique Donne du sens à leurs actions Favorise l’initiative S’efforce de prendre en compte les exigences des clients Gestion souple Contenu Interactions sociales (les rencontres régulières, les échanges…) Pratiques souvent informelles attachées à l’histoire et aux valeurs de l’entreprise La confiance dans ces situations de travail La proximité entre salariés Observation et écoute La présence La discussion L’expérience acquise en interne Développement des compétences S’informer Intégration rapide du salarié dans l’entreprise Occasion d’aborder les problèmes Occasion de transmission des connaissances (volontaire, processus non organisé) Ajustement des comportements en situation de travail/difficultés néanmoins pour mettre en place une double compétence (technique et commerciale) Formation à moindre coût Adaptation spécifique à l’environnement Processus Évaluation informelle diffuse, consciente ou inconsciente Les actes du langage, l’imitation, la démonstration Transcription écrite Influencer et infléchir le comportement d’un autre salarié S’adapter au mieux à l’environnement

Les apports des pratiques informelles à la GC

78Nous identifions un déploiement des connaissances « théoriques », de savoir-faire, de qualités comportementales… face à des problématiques de gestion spécifiques dans ces PME (la combinaison et la mobilisation orientée des ressources (LE BOTERF, 1994)). C’est la partie tacite et spécifique de la notion de compétence, dont parle Ferrary (1998), qui apparaît.

L’homme comme le maillon d’ajustement « positif »

79Dans ces quatre entreprises, nous sommes dans le cas d’un travail industriel. Si chaque tâche peut souvent être précisée et formalisée entre différents postes de travail, en pratique les salariés doivent régulièrement composer avec des aléas et des contraintes (absence d’un collègue malade, outil défectueux, comme nous l’avons vu dans nos entretiens), et donc réagir à des événements imprévisibles (VELTZ, ZARIFIAN, 1994), qui orientent leurs actions, souvent en les faisant déroger aux consignes précises de l’entreprise. Ce décalage favorise l’émergence d’un véritable savoir-faire informel entretenu et transmis par les membres de l’entreprise afin de répondre à ce qui peut être perçu comme une incohérence, entre la prescription de l’organisation (et celle du (ou des) dirigeant(s)) et le travail réel des salariés.

80Ce savoir-faire informel des membres de l’entreprise peut être mis en lien avec les travaux de Retour et Krohmer (2006) sur la compétence collective.

81La compétence collective suppose une confrontation des représentations des membres du collectif décisionnel pour identifier et étudier différentes alternatives dans la situation rencontrée (RETOUR et KROHMER, 2006). Nous avons pu voir dans les résultats obtenus que la confrontation des représentations était courante et nous avons également noté des alternatives par des pratiques informelles qui peuvent conduire à des apprentissages individuels se traduisant par l’acquisition de nouvelles compétences propres à chaque salarié. Ces alternatives prises de façon informelle permettent d’améliorer la qualité ou la rapidité des décisions opérationnelles. Nous pouvions nous attendre à rencontrer des phénomènes de compétences collectives. Notre recherche montre plus précisément que, d’une part, les compétences collectives sont catalysées par les caractéristiques propres aux PME et que, d’autre part, l’articulation entre compétences collectives et compétences individuelles est aussi facilitée par les caractères propres aux PME. Nous pouvons toutefois nous interroger sur la capacité des compétences collectives à améliorer la qualité des décisions stratégiques de l’entreprise. Quelles modalités et quel degré de compétence collective sont propices à une telle performance ? Ce point, en particulier dans les PME, reste à étudier dans le cadre de futures recherches.

82Ces observations s’inscrivent également dans le sillage des travaux consacrés aux connaissances et processus d’apprentissage dans le contexte des organisations (NONAKA et TAKEUCHI, 1997). Ces travaux mettent en lumière l’importance des liens entre les dimensions tacites et explicites des connaissances et entre apprentissages à différents niveaux d’entités (individuels, de groupe, organisationnels et inter-organisationnels). La comparaison peut être faite avec les liens entre compétences informelles et compétences formelles, ainsi qu’avec les pratiques informelles d’apprentissage dans lesquelles on retrouve également ces notions de groupe et d’organisation. Les connaissances tacites sont étroitement liées à l’expérience de ceux qui les détiennent, mais comme le montrent nos observations, ce sont des expériences médiatisées par les échanges quotidiens et permanents dans les collectifs de travail.

83Cette perspective de Nonaka et Takeuchi éclaire nos résultats : la GC n’est pas réductible à une manifestation par des instruments de gestion. Les compétences informelles absentes des approches instrumentales sur lesquelles se basent beaucoup de travaux sur les compétences, peuvent jouer un rôle essentiel dans la perspective de la construction du processus de la GC par l’informel dans les PME. De la même manière, un lien étroit peut être établi sur le plan des relations entre apprentissages individuels, de groupe et organisationnels (ISAACS, 1993 ; SCHEIN, 1993). En particulier, les liens entre apprentissages individuels, apprentissages de groupe et apprentissages organisationnels qui s’établissent au travers des mémoires et routines organisationnelles dans lesquels les résultats d’apprentissages antérieurs sont encodés dans les images individuelles en fonction desquelles les individus agiront par la suite. Les situations d’apprentissage révélées dans nos entretiens de recherche ont été de nature à éclairer notre compréhension du processus de GC par l’informel : l’entreprise s’est appuyée sur les connaissances du groupe des salariés expérimentés et sur la capacité d’intégration et d’assimilation au plan individuel des salariés entre eux.

Conclusion

84Notre recherche indique que, dans les PME, les interactions non formalisées/instrumentées entre salariés favorisent une culture forte propice aux compétences collectives. Les modalités de gestion informelle de la GC se développent en étant sous-tendues par les éléments de contextes interne et externe que perçoivent les salariés.

85Cette perspective place l’humain au cœur des processus et permet de reconsidérer la perspective instrumentale dominante. L’analyse du contenu des pratiques informelles situées dans les contextes interne et externe de ces organisations nous a permis de mettre en évidence les processus émergeant dans chacun des cas. Ces analyses nous amènent à une modélisation du processus de gestion des compétences « par l’informel » construit par les relations interpersonnelles, modélisation que nous avons construite à partir de l’analyse textuelle des discours des salariés (en utilisant NVivo), complétée par des sources secondaires et par des périodes d’observation, sur la base des trois domaines de l’analyse contextualiste : contenu, contextes et processus.

86Les nodules de contenu montrent tout d’abord que les représentations des salariés donnent un poids important à l’identification des différentes catégories de salarié. Ensuite, et surtout, le fort sous-nodule Compétences réfère principalement aux pratiques informelles, structurées en trois champs de représentation : l’accès par l’informel aux sources de connaissances et de savoir-faire ; la coordination informelle ; enfin, le « groupe informel », qui est une partie intégrante de la représentation des compétences que se font les salariés de ces PME.

87Les nodules de contextes se sont, quant à eux, révélés très complexes et foisonnants. Enfin, le nodule processus a montré la pertinence de notre proposition interprétatrice.

88Les représentations des salariés peuvent aisément être structurées autour d’un pôle interactions informelles, d’une part, et, de manière plus originale, d’un pôle réponse compétence par l’informel, d’autre part. Ces deux pôles s’articulent autour de la catégorie de l’évaluation informelle des pratiques. La mise en évidence de cette catégorie (que l’on pourrait qualifier de « jugement informel croisé ») est un résultat significatif de notre analyse des représentations des acteurs. Tous les salariés, y compris à la base, « savent » qu’ils évaluent interactivement, quotidiennement, et de facto, la pertinence de leurs compétences, et les rectifient sans cesse par les interactions informelles (premier pôle) qui fondent leurs évaluations et également par le constat de « différences » (pour reprendre leurs termes, mais nous pourrions aussi dire par une mise en tension émergente – qui n’est ni instrumentée ni impulsée « d’en haut » –) entre l’actuel et le possible, en y « répondant » par l’informel (second pôle).

89Le premier pôle valide l’importance, dans le travail et dans la construction des compétences, des catégories observation, écoute, discours et notes – classiquement pourrions-nous dire – mais encore fallait-il tester que ces catégories font sens dans les discours des salariés et qu’elles structurent leur rapport à des pratiques de construction des compétences. Le pôle réponse compétence par l’informel est doublement intéressant pour notre problématique. D’une part, il valide l’importance de l’informel (et de l’incrémental [4]) dans le changement organisationnel, du moins dans l’évolution permanente des compétences. D’autre part, il valide l’approche par les catégories proprement informelles relevées, qui consistent, pour l’essentiel, en des propositions conceptuelles émanant de nombreux auteurs : discours interactifs quotidiens, apprentissage « par compagnonnage » (même au XXIe siècle dans des PME industrielles « modernes »), dynamique de groupe, notes écrites « semi-spontanées » (non instrumentées à la manière de guides de procédures ou autres) et rôle des gestes – en termes de représentations cognitives, mais aussi opératoires, pourrait-on dire de manière plus conceptuelle.

90L’analyse de l’ensemble des résultats permet ainsi de faire le lien entre la complexité d’une situation d’interaction, le facteur humain comme source de connaissance et la nature informelle des connaissances.

91Bien que, dans notre recherche, nous ayons porté une attention particulière au respect des critères de scientificité des connaissances et de validité des résultats, celle-ci comporte certaines limites.

92La sélection des quatre entreprises de notre échantillon en constitue la première. Une taille plus grande de l’échantillon et, surtout, une plus grande variété dans les caractéristiques des entreprises prises en compte permettraient certainement d’enrichir nos résultats. La durée et le coût du recueil des données pour un échantillon plus important étaient inenvisageables dans le cadre de temps limité de notre recherche. Si les entreprises de notre échantillon sont assez différentes, ce qui assure une relative validité analytique de nos résultats et évite un effet de similarité entre les cas, il n’en reste pas moins qu’il s’agit plutôt d’industries que d’entreprises de services.

93La durée de l’observation apparaît également représenter une limite, en ce sens qu’une durée plus longue aurait permis d’enrichir notre recherche quant à la signification que les acteurs attribuent à leurs pratiques et aux règles de construction sociale. Notre analyse n’est certainement pas assez longitudinale pour pleinement appréhender son objet. Elle repose sur un nombre limité d’entretiens et de documents secondaires. Une analyse plus fouillée aurait peut-être permis d’enrichir l’analyse.

94Enfin, une dernière limite de notre recherche tient à ce que les quatre études de cas sont situées dans une même région française.

95Au-delà des limites que nous venons d’évoquer, des pistes de recherche peuvent être avancées. Il serait notamment intéressant d’étendre cette recherche à d’autres PME, dans d’autres secteurs, voire à de grandes entreprises, en se focalisant sur des groupes de travailleurs d’un service afin d’évaluer le modèle de GC par l’informel dans d’autres contextes.

96Reconnaître les enjeux de la GC par l’informel permet de prendre en compte le « facteur humain » pour mobiliser les compétences, en particulier les éléments de représentation sociale parmi les salariés. Nous constatons aussi que si cette conceptualisation de la gestion des compétences par l’informel est pertinente en contexte de PME, elle est a priori, de manière logique, cohérente avec les modalités de travail dans de plus grandes entreprises, en particulier dans des organisations du travail postfordistes. Cette approche offre donc des perspectives de recherche plus générales dans le cadre de travaux sur les évolutions actuelles du management, des organisations du travail et de la production (Lean Production, Post-fordisme, Team work et autonomie, etc.).

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Notes

  • [1]
    Quoique praticien, cet auteur a proposé des définitions synthétiques globales des travaux académiques sur la GC. En tant que synthèses, ces définitions nous semblent pertinentes.
  • [2]
    En effet, le cadre contextualiste n’est pas un cadre théorique à proprement parler, mais une structure d’analyse permettant de mener une démarche interprétative (et non hypothético-déductive).
  • [3]
    Rappelons et soulignons que les nodules de sens, et leurs articulations, ne sont pas le résultat de notre raisonnement ou d’hypothèses théoriques, mais proviennent du traitement des entretiens menés avec plusieurs dizaines de salariés et encadrants dans les quatre cas étudiés. Il ne s’agit donc pas de « faits », ou encore d’une réalité objective, mais d’un mode de vécu, exprimé par ces acteurs. Bien entendu, ce, ou plutôt ces vécus ne sont pas exprimés par les acteurs avec une telle structuration. C’est notre démarche méthodologique qui aboutit à une telle structuration. De la même manière, les acteurs n’exprimeraient peut-être pas, spontanément en tout cas, leurs propos à l’aide des catégories mentales que nous faisons émerger (nodules de sens) par l’analyse narrative à l’aide de NVivo (catégorisation). Il s’agit donc bien, de notre part, d’une « interprétation d’interprétations », en cohérence avec notre position épistémologique.
  • [4]
    Mais le caractère incrémental que nous induisons peut relever de la durée brève et non longitudinale de notre étude, qui ne nous permet pas d’observer des ruptures.
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