Notes
-
[1]
L’observation d’opinions majoritairement positives mais faiblement ancrées a conduit Leon Lindberg et Stuart Scheingold à forger l’expression de « consensus permissif » pour les qualifier. Cette expression a été largement reprise des années 1970 à la fin des années 2000, période à laquelle le constat d’une affirmation de l’euroscepticisme a conduit Gary Marks et Liesbet Hooghe à affirmer que le « consensus permissif » s’était changé en « désaccord contraignant ». Cf. L. Lindberg, S. Scheingold (1970), Europe’s Would Be Polity : Patterns of Change in the European Community, New Jersey (N. J.), Prentice Hall ; L. Hooghe, G. Marks (2009), « A Postfunctionalist Theory of European Integration : From Permissive Consensus to Constraining Dissensus », British Journal of Political Science, 39 (1), p. 1-23.
-
[2]
Pour une synthèse de cette littérature et une analyse des effets sur le jugement à l’égard de l’Union européenne de l’évaluation des performances économiques pendant la crise économique, voir C. Belot, I. Guinaudeau (2016), « Economic Crisis, Crisis of Support ? How Macro-economic Performance Shapes Citizens’ Support for the EU (1973-2014) », in S. Saurugger, F. Terpan (eds), Crisis and Institutional Change in Regional Integration, Londres, Routledge.
-
[3]
Comme le soulignent les auteurs, dans les modèles de l’attribution de responsabilité au niveau national, c’est le plus souvent la proximité partisane qui constitue le principal biais au niveau individuel.
-
[4]
Providing an Infrastructure for Research on Electoral Democracy in the European Union.
-
[5]
European Electoral Study (EES) 2009, présentation de l’enquête sur le site [http://europeanelectionstudies.net/].
-
[6]
Le principal journal d’information télévisé, deux journaux de la presse dite « de qualité » et un journal plus populaire type « tabloïd ». Il s’agit des données médias de EES 2009.
-
[7]
À l’exception d’une étude portant sur la Politique Agricole Commune. Cf. C. Daugbjerg, A. Swinbank (2007), « The Politics of CAP Reform : Trade Negotiations, Institutional Settings and Blame Avoidance », Journal of Common Market Studies, 45 (1), p. 1-22.
-
[8]
K. Weaver identifiait huit stratégies distinctes d’évitement du blâme : la limitation de l’apparition de certaines questions à l’agenda politique, la redéfinition des problèmes, la stratégie du maniement conjoint « de la carotte et du bâton », le report de responsabilité, la désignation d’un bouc émissaire, la « prise du train en marche », la stratégie de se rendre solidaire des autres dans l’intérêt de tous à travers la formation d’une décision consensuelle et enfin l’abandon de la décision à une autre institution, notamment via des mécanismes automatiques. K. Weaver (1986), « The Politics of Blame Avoidance », Journal of Public Policy, 6 (4), p. 371-398.
-
[9]
De fait, la discussion sur l’importance relative des facteurs utilitaires – évaluation des performances, ratio des coûts et bénéfices – et des facteurs identitaires – rôle du type d’appartenance nationale, inclusive ou exclusive, unique ou multiple ? dans la formation des jugements à l’égard de l’Union européenne continue d’être au cœur de cette littérature. L’ouvrage de Matthew Gabel (1998), Interests and Integration. Market Liberalization, Public Opinion and European Union, Ann Arbor (Mich.), University of Michigan Press, présente l’analyse la plus complète de la première approche. Les travaux de Lauren McLaren ont ouvert la seconde perspective au début des années 2000. Cf. notamment L. Mc Laren (2002), « Public Support for the European Union : Cost/Benefit Analysis or Perceived Cultural Threat », The Journal of Politics, 64 (2), p. 551-566.
-
[10]
Pour une synthèse récente de ces travaux, et notamment des apports et limites de l’approche quantitative et l’intérêt des enquêtes qualitatives développées ces quinze dernières années, voir le chapitre 1 de V. Van Ingelgom (2014), Integrating Indifference. A Comparative, Qualitative and Quantitative Approach to the Legitimacy of European Integration, Colchester, ECPR Press.
-
[11]
L’analyse de discours est au cœur du passionnant ouvrage de C. Schrag Sternberg (2013), The Struggle for EU Legitimacy. Public Contestation 1950-2005, Basingstoke, Palgrave Macmillan. Parce que l’approche choisie est interprétative, ses travaux rentrent cependant moins directement en discussion avec le mainstream de la littérature sur les jugements citoyens. L’intérêt de l’approche quali-quanti proposée par Hobolt et Tilley est de faire entrer en discussion les résultats portant sur les discours médiatiques, ceux des élites et les enquêtes d’opinion.
-
[12]
Selon les analyses les plus récentes, si ce constat reste dans les grandes lignes avéré, on observe cependant ces dernières années dans certains pays, l’émergence d’une polarisation des positions des partis de gouvernement sur les questions européennes, ce qui permet aux électeurs de développer un vote européen. Cf. notamment W. Van der Brug, C. De Vreese (eds) (2016), (Un)intended Consequences of EU Parliamentary Elections, Oxford, Oxford University Press.
-
[13]
D. Georgakakis (dir.) (2012), Le Champ de l’eurocratie : une sociologie du personnel de l’UE, Paris, Economica ; A. Smith (ed.) (2004), Politics and the European Commission, Actors, Interdependance, Legitimacy, Londres, Routledge ; C. Robert (2017), « La politique européenne de transparence (2005-2016) : de la contestation à la consécration du lobbying : une sociologie des mobilisations institutionnelles, professionnelles et militantes autour des groupes d’intérêt à l’échelle européenne », Gouvernement et action publique, 1 (1), p. 9-32.
-
[14]
H. Lebovics (2004), Bringing the Empire Back Home, Durham, Duke University Press.
-
[15]
M. Barnett, M. Finnemore (2004), Rules for the World : International Organizations and Global Politics, Ithaca (N. Y.), Cornell University Press.
-
[16]
Par exemple, S. Lefranc (2009), « La professionnalisation d’un militantisme réformateur du droit : l’invention de la justice transitionnelle », Droit et société, 73 (3), p. 561-589 ; E. Rambaud, Médecins sans Frontières, sociologie d’une institution critique, Paris, Dalloz.
-
[17]
M. Bauer, C. Knill (eds) (2007), Management Reforms in International Organizations, Baden-Baden, Nomos.
-
[18]
V. Dimier (2014), The Invention of a European Development Aid Bureaucracy. Recycling Empire, Basingstoke, Palgrave Macmillan, p. 3.
-
[19]
Ibid., p. 53.
-
[20]
Ibid., p. 142.
-
[21]
Ibid., p. 175.
-
[22]
K. Thelen (2003), « How Institutions Evolve », in J. Mahoney, D. Rueschemeyer (eds), Comparative Historical Analysis in the Social Sciences, Cambridge, Cambridge University Press, p. 208-240.
-
[23]
R. Parizet (2015), Les Paradoxes du développement. Sociologie politique des dispositifs de normalisation des populations indiennes au Mexique, Paris, Dalloz.
-
[24]
E. Schatz (2009), Political Ethnography : What Immersion Contributes to the Study of Power, Chicago (Ill.), Chicago University Press ; L. Joseph, M. Mahler, J. Auyero (eds) (2007), New Perspectives in Political Ethnography, New York (N. Y.), Springer.
-
[25]
L. Atlani-Duault (2005), Au bonheur des autres, Anthropologie de l’aide humanitaire, Nanterre, Société d’ethnologie ; M. Fresia (2012), « La fabrique des normes internationales sur la protection des réfugiés au sein du comité exécutif du HCR », Critique internationale, 54, p. 39-60 ; D. Mosse (ed.) (2011), Adventures in Aidland : The Anthropology of Professionals in International Development, vol. 6, New York (N. Y.), Berghahn Books.
-
[26]
A. Escobar (1995), Encountering Development : The Making and Unmaking of the Third World, Princeton (N. J.), Princeton University Press.
-
[27]
J. Ferguson (1990), The Anti-politics Machine : “Development”, Depoliticization and Bureaucratic Power in Lesotho, Cambridge, Cambridge University Press.
-
[28]
J. Rancière (1995), La Mésentente. Philosophie et politique, Paris, Galilée, p. 18.
-
[29]
M. Cusson (1981), Délinquants pourquoi ?, Paris, Armand Colin.
-
[30]
Les études se sont essentiellement portées sur l’analyse de la délinquance à partir de catégories socialement identifiées. Pour en savoir plus, se reporter aux travaux de Gérard Mauger sur les bandes (2006) ou de Coline Cardi et Geneviève Pruvost sur la violence des femmes (2012).
-
[31]
Les travaux sur le traitement institutionnel de la délinquance se concentrent sur le système pénal-judiciaire. Le CESDIP joue un rôle central dans ces recherches et la production scientifique s’y rapportant.
-
[32]
I. Astier (2007), Les Nouvelles Règles du social, Paris, PUF.
Sara Hobolt, James Tilley (2014), Blaming Europe ? Responsibility Without Accountability in the European Union, Oxford, Oxford University Press
1Les citoyens européens identifient-ils l’Union européenne comme responsable des décisions politiques prises au niveau européen ? On a longtemps considéré qu’en raison du très faible niveau de connaissances des citoyens à l’égard du processus d’intégration européenne, leurs opinions étaient faiblement structurées et dépendaient fortement des positions de leurs élites [1]. L’existence d’une relation entre performances économiques et soutien à l’Union européenne avait été observée dès la crise des années 1970. La plupart des observateurs considéraient cependant qu’il s’agissait de l’unique domaine où les citoyens étaient en mesure d’évaluer les performances de l’Union européenne [2]. Le nombre croissant de domaines concernés par les décisions communautaires et la saillance politique et médiatique plus forte des questions européennes, qui favorise certaines formes de compétences, invite désormais à considérer que l’Union européenne peut être jugée par les citoyens sur ses actes. L’ouvrage de Sara Hobolt et James Tilley se donne pour objectif d’expliquer pourquoi, quand, comment et avec quelles conséquences les individus jugent l’Union européenne « responsable », au sens où ils considèrent que sur tel ou tel enjeu les décisions sont prises au niveau de l’Union européenne et qu’elle doit donc être évaluée en fonction.
2Le modèle proposé par Hobolt et Tilley est simple : l’attribution de responsabilité au niveau européen dépend à la fois de l’équilibre institutionnel dans une gouvernance multiniveaux, autrement dit des compétences de l’Union européenne dans les traités, et de ses performances. Ces deux mécanismes d’attribution de responsabilité jouent cependant un plus ou moins grand rôle en fonction à la fois d’un biais attitudinal individuel, l’attitude à l’égard de l’Union européenne [3], et du niveau d’information des citoyens. Ce niveau d’information découle des éléments cognitifs à disposition dans l’espace public, en particulier via les médias et les gouvernants, et du niveau de compétence politique d’un individu, lui-même lié aux caractéristiques sociales, tel le niveau d’instruction et aux facteurs politiques, tel le degré d’intérêt pour la politique.
3Empiriquement, l’ensemble de l’ouvrage s’appuie sur les nombreuses données du projet PIREDEU [4] collectées, dans le cadre d’un financement européen, pendant la période des élections européennes de 2009. Le projet est ambitieux et mêle plusieurs types de données : une enquête d’opinion quantitative dans tous les États-membres [5], une enquête « experts » en ligne auprès de plus d’une centaine de chercheurs en science politique et en droit public, une analyse du discours de quatre médias dans chacun des 27 États membres [6] et une collecte de toutes les prises de position gouvernementales en Allemagne, au Royaume-Uni et en Irlande entre 2008 et 2012. L’ouvrage, rédigé de façon claire et efficace, est structuré en quatre parties et neuf chapitres. Partant de la construction d’un modèle d’attribution de responsabilité au niveau européen (1re partie), les auteurs examinent ensuite le rôle de chacune de ses composantes – les citoyens (2e partie), les médias et les gouvernants (3e partie) – pour enfin aboutir à l’analyse des effets de cette attribution de responsabilité à l’Union européenne sur le processus d’intégration (4e partie).
Au cœur de la crise de légitimité : une Union européenne jugée responsable sans devoir pour autant rendre des comptes
4Pour tester leur modèle, les auteurs s’intéressent tout d’abord aux citoyens et cherchent à comprendre si, quand et comment les citoyens considèrent l’Union européenne responsable et dans quelle mesure ce jugement est adéquat – when do they get it right (chapitre 3) or wrong ? (chapitre 4) – eu égards à ses attributions. Leurs résultats montrent que leurs jugements sont, dans l’ensemble, corrects. Les citoyens jugent l’Union européenne davantage responsable lorsqu’elle possède une compétence exclusive (taux d’intérêt), que lorsqu’elle est faible (santé). Pour autant, ils ont tendance à considérer qu’il y a un certain brouillage des rôles entre niveaux national et européen, aucun niveau n’étant pleinement responsable à lui seul. Examinant ensuite le rôle joué par les médias – télévision et presses élitaires et tabloïds – ils montrent, à travers une étude des effets de « priming » et de « framing », au cœur de la sociologie de la réception, que l’Union européenne fait surtout l’objet d’un discours neutre et centré, par exemple, sur les élections européennes dans les autres pays ou les différentes forces en présence. Pour autant, les médias jouent bien un rôle. Une plus forte exposition à des informations télévisuelles sur l’Union européenne tend à augmenter l’attribution de responsabilité à l’Union européenne. Par ailleurs, une plus forte exposition à la presse écrite renforce la capacité des individus à distinguer le bon niveau de responsabilité, et ce une fois contrôlées les variables de statut ou de diplôme (chapitre 6).
5L’idée que les élites se déchargent de leurs responsabilités sur l’Union européenne en cas de mauvaises performances apparaît comme un truisme mais n’a que rarement été étudiée [7]. Hobolt et Tilley procèdent à l’analyse des discours sur la crise financière des dirigeants allemand, britannique et irlandais entre 2008 et 2012 (chapitre 7) via un codage recensant l’ensemble des attributions de responsabilité (crédit ou blâme) à un tiers. Leurs résultats peuvent surprendre : dans le contexte de la pire crise économique qu’aient connue les pays européens depuis la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants produisent davantage un discours qui crédite les autorités nationales et européennes de bonnes performances, qu’un discours de blâme. Lorsque blâme il y a, il est plus souvent dirigé envers le gouvernement précédent qu’envers l’Union européenne. Les gouvernants adoptent bien cependant, sur les questions européennes, des stratégies d’évitement du blâme – telles qu’identifiées par la littérature à la suite de l’article désormais classique de Kent Weaver [8]. Cependant plutôt que de désigner l’Union européenne comme bouc émissaire, ils adoptent des stratégies alternatives. Dans le discours de Merkel, l’attribution de responsabilité est partagée entre les différents niveaux de gouvernance alors que dans celui de Cameron la crise économique est avant tout une crise de la zone euro. La stratégie de Merkel relève donc du partage de responsabilité, ce que Weaver désigne par l’expression « circle the wagons », alors que la stratégie de Cameron repose sur la redéfinition du problème. Ces stratégies contribuent conjointement à un discours de dilution de la responsabilité.
6Dans la dernière partie enfin, Hobolt et Tilley traitent des conséquences de cette attribution de responsabilité à l’Union européenne. Dans tout système politique, attribuer de mauvaises performances à une autorité politique conduit à son éviction lors de la prochaine échéance électorale. Or, aucun mécanisme de ce type ne fonctionne au niveau européen. Par contre, tenir l’Union européenne responsable de mauvaises performances économiques paraît jouer un rôle sur la confiance dans le système politique européen dans son ensemble. D’où leur conclusion : « l’absence d’un mécanisme qui oblige les décideurs européens à rendre des comptes pourrait conduire à une crise de légitimité de l’UE encore plus fondamentale » (p. 136). Ils ajoutent qu’en l’absence de tout mécanisme qui permette à l’Union européenne de répondre de ses actes (accountability), la considérer responsable de mauvaises performances peut également fragiliser sur le long terme les systèmes politiques nationaux, les gouvernants ayant accepté de transférer leur responsabilité sans toutefois permettre aux citoyens de sanctionner d’autres élites qu’eux (chapitre 8).
7L’ouvrage se clôt par une réflexion prospective. Pour améliorer l’attribution de responsabilité entre niveaux de gouvernance en Europe et faire en sorte que les responsables des décisions communautaires rendent des comptes sur leurs actions, et puissent être récompensés ou punis en fonction, plusieurs solutions sont envisagées : politiser davantage les choix politiques européens, élire le président de la Commission au suffrage universel ou encore lui laisser choisir ses commissaires. Tout cela pourrait, selon les auteurs, favoriser l’émergence d’un système de partis à l’échelle du territoire de l’ensemble de l’Union européenne, qui pourrait se structurer autour de clivages sur des questions de redistribution, de réforme du marché du travail ou sur des réglementations environnementales. Au final, aucune de ces solutions ne leur paraît envisageable dans une Union à 27 ou 28, et les auteurs plaident donc pour une Europe à plusieurs vitesses ou une Europe à la carte.
Invitation à une approche renouvelée des mécanismes de formation du jugement citoyen
8Blaming Europe est un ouvrage nécessaire. Il est le premier à poser frontalement la question de l’attribution par les citoyens de responsabilités à l’Union européenne et il le fait en proposant une approche globale, qui s’interroge à la fois sur la formation du jugement, le rôle des différents leaders d’opinion dans l’attribution de diverses responsabilités à l’Union européenne, les conséquences de cette attribution de responsabilité pour le système politique européen et propose même des solutions pour remédier au déficit d’« accountability » de l’Union européenne. Le modèle proposé paraît plutôt convainquant. Le choix de tester l’influence de l’attitude générale à l’égard de l’Union européenne sur l’attribution de responsabilité à l’Union européenne apparaît cependant discutable. À l’évidence les performances attribuées à l’Union européenne peuvent elles-mêmes jouer un rôle dans la formation de cette attitude générale. Il est dès lors dommage de n’avoir pas plutôt testé l’effet du biais lié à l’appartenance identitaire dont les auteurs nous disent qu’il est au cœur de la formation de ces attitudes générales à l’égard de l’Union européenne [9].
9Les analyses des données sur les citoyens et les médias sont pertinentes mais assez attendues et reflètent le type de production dominante du sous-champ des études européennes consacrées aux perceptions des citoyens [10]. L’approche d’analyse des discours des gouvernants britanniques, irlandais et allemands apparaît par contre plus novatrice et particulièrement heuristique [11]. Elle constitue une invitation à développer ce type de travaux comparatifs, mêlant analyses quantitatives et qualitatives, du discours des autres acteurs du jeu politique national. Les gouvernants sont en effet loin d’être les seuls à produire un discours sur l’Union européenne et la formation du jugement citoyen dépend de ces configurations singulières d’acteurs au niveau national et de la capacité des challengers à brouiller ou amplifier le message des gouvernants. De la même manière, il y a un vrai intérêt à explorer le cadrage des médias sur les questions européennes mais on peut se demander si le choix de le faire au moment des élections européennes est le plus pertinent par rapport à la question posée. Certes, l’enjeu européen apparaît alors plus saillant, mais il est aussi davantage orienté vers la présentation des forces en présence qui ne s’opposent que peu sur les questions européennes, comme l’ont montré la plupart des travaux depuis les premières élections du Parlement européen au suffrage direct [12]. Une analyse du discours médiatique « au quotidien » pourrait révéler d’autres formes d’attributions de responsabilité ou de déresponsabilisation de l’Union européenne.
10Au final, Blaming Europe constitue un ouvrage important autant par ses apports que par les pistes de recherche qu’il ouvre. Elles ne pourront cependant être creusées qu’en sortant des sentiers largement labourés de l’exploitation des données Eurobaromètre et en recourant à l’analyse croisée, mêlant approches qualitatives et quantitatives, d’autres types de données. Une autre solution serait de convaincre la direction générale de la Communication de la Commission européenne (DG COMM), qui produit ces Eurobaromètres, de l’intérêt pour l’Union européenne d’une nouvelle collaboration avec les chercheurs autour de ces données, mais l’opinion publique européenne est sans doute devenue une donnée trop sensible pour être confiée au soin des chercheurs !
11Céline Belot
12Sciences Po Grenoble
13Université Grenoble Alpes
14Pacte-CNRS
Véronique Dimier (2014), The Invention of a European Development Aid Bureaucracy. Recycling Empire, Basingstoke, Palgrave Macmillan
16L’ouvrage de Véronique Dimier est construit à partir d’une synthèse de deux courants de recherche encore trop rarement pensés ensemble, les études européennes et les études (post)impériales. Il s’inspire en effet des analyses sociologiques des administrations européennes [13] tout en s’inscrivant également dans les travaux qui s’intéressent à la continuité du colonialisme et aux politiques de développement [14]. Par ailleurs, en revendiquant l’approche de Barnett et Finnemore [15] sur le monde social des organisations internationales, V. Dimier peut être de plus associée au « tournant pratique » des relations internationales et par le choix de son approche méthodologique aux travaux francophones qui s’intéressent aux professionnels de l’international [16]. Cette approche par les acteurs bureaucratiques et le développement de leurs carrières est l’une des entrées de l’auteur pour éclairer l’évolution par étapes de l’institution.
17V. Dimier propose en effet d’effectuer une sociologie des carrières des cadres de la D8, dans une perspective néo-institutionnaliste [17], qui s’intéresse à la stabilité identitaire des institutions dans la longue durée en relation avec l’évolution de l’environnement institutionnel dans une approche que l’auteur qualifie de « génétique et développementale [18] ». Elle combine des entretiens de dirigeants, des documents internes, des rapports d’évaluation et une analyse du journal de la direction, Le Courrier. À partir de ce matériau, elle analyse la genèse, l’autonomisation et finalement la bureaucratisation du directorat général de Développement et Coopération de la Commission européenne (DG8) en trois temps : l’émergence, la consolidation et le déclin d’un esprit de corps colonial. La structuration de l’ouvrage – chronologique – est particulièrement pédagogique pour saisir la compréhension de cette dynamique.
18Dans les deux premiers chapitres de l’ouvrage, l’auteure présente l’émergence d’une équipe d’ex-fonctionnaires de l’administration coloniale française à travers leur socialisation, leurs connaissances préalables des clients africains et leur fort esprit de corps. Elle montre comment ces fonctionnaires réussissent, lors des négociations pour créer l’Association entre États africains et Communauté économique européenne (CEE), à convaincre ses partenaires d’entrer dans une logique collective (ouverture de leurs marchés aux produits coloniaux français, participation au financement de projets de développement dans les anciennes colonies), tout en assurant la continuité de leurs carrières coloniales, ce qui garantit une certaine autonomie des bureaucraties de l’aide au niveau européen. La figure charismatique de Jacques Ferrandi, passé par le ministère de la France d’Outre-mer et ancien directeur général des services économiques de l’Afrique occidentale française, est centrale. Celui-ci crée le « modèle Ferrandi » dans lequel les choix de financement de projets sont effectués en fonction des situations et des liens personnels entretenus avec les partenaires africains, contre le style techniciste et universel de la banque mondiale. Ce modèle constitue un style néo-patrimonial d’exercice du pouvoir au sein de l’administration européenne.
19Les chapitres 3 et 4 sont dédiés à la quête de légitimité et d’autonomie de la DG8 en Europe et en Afrique. La nouvelle administration devant affronter à la fois le scepticisme des leaders africains envers le néo-colonialisme et les doutes des États membres sur la prédominance française dans la nouvelle administration, le chapitre 3 s’intéresse aux relations publiques mises en œuvre par l’équipe de Ferrandi pour convaincre les clients africains de l’intérêt de leur mission ainsi que les partenaires européens de l’intérêt commun qu’ils peuvent trouver dans la DG8. L’auteur montre ici comment s’articulent les carrières individuelles, la culture administrative et l’environnement institutionnel de la D8. Elle souligne particulièrement le fait qu’une grande partie de ces techniques de légitimation viennent du répertoire colonial français. Par exemple, les voyages en Afrique organisés pour les décideurs politiques sceptiques en Europe et la présentation de l’Association comme un « acte d’amitié et de coopération [19] » permettent de convaincre les élites politiques africaines et européennes de l’utilité et de l’indépendance de la mission. Cette autonomie doit cependant être préservée, comme le montre le chapitre 4. V. Dimier pointe à la fois les débats autour de l’accès inégal aux financements du FED et la critique récurrente de la domination française, ainsi que les tensions entre le gouvernement français et l’action européenne en Afrique. Face à ces critiques, la DG8 organise son autonomie en adoptant pragmatiquement des éléments de réforme, notamment la création de postes de contrôleurs dans les pays africains, tout en maintenant ses pratiques de patronage. Et quand les critiques se transforment en crises institutionnelles, des dynamiques de reconfiguration de l’institution se produisent, qui renforcent encore son autonomie.
20Dans la logique évolutive du récit de l’auteure, la fonction des chapitres suivants est de décrire l’âge d’or de l’identité néo-patrimoniale de la DG8. Les chapitres 5 et 6 approfondissent l’étude de ces dynamiques en analysant les effets du « choc » qu’a représenté, pour la DG8, l’entrée de la Grande-Bretagne et de son espace colonial africain dans la CEE. Le chapitre 5 traite des négociations sur la convention de Lomé, pendant lesquelles se sont affrontées deux méthodologies bureaucratiques différentes au sein de l’administration européenne. Par exemple, de jeunes économistes liés aux intérêts britanniques tentent d’introduire de nouveaux outils orientés vers les « besoins » des pays clients contre la coalition autour de Ferrandi. Si un changement de pouvoir finit par détrôner Ferrandi, son système clientéliste et son équipe restent intacts, et V. Dimier explique dans le chapitre 6 que son réseau se consolide même. C’est ce qui explique la faiblesse des dénonciations des violations des droits humains commises par ses clients africains et la mise en place d’une conditionnalité de l’aide de façon tardive, dans les années 1990. C’est aussi ce qui permet de comprendre le maintien de politiques de développement rural et la construction de routes malgré leurs échecs répétés, exemplifié par l’auteure dans le chapitre 7. Elle démontre ici de façon convaincante comment l’identité néo-patrimoniale de la DG8 se maintient sur le long terme.
21Dans une dernière partie, V. Dimier présente en revanche les processus qui entraînent un changement dans l’institution. Les chapitres 8 et 9 se focalisent plutôt sur la rationalisation progressive de la DG8 entre les années 1980 et 1990. Le chapitre 8 est dédié à l’intégration progressive d’indicateurs d’efficacité comme « arme politique [20] » des intérêts britanniques dans les années 1980. Malgré leur imposition, les évaluations ont peu d’impact sur l’identité de la DG8, mais ils permettent le virage vers la conditionnalité de l’aide dans les années 1990 (chapitre 9). La technicisation des décisions qui accompagnent ce tournant bureaucratique a par ailleurs aussi permis d’apporter des changements aux modalités de recrutement des fonctionnaires. C’est ce processus qui déclenche finalement l’érosion progressive de l’identité institutionnelle néo-patrimoniale de la D8. Les deux derniers chapitres (10 et 11) traitent donc de la fin de l’esprit de corps des anciens « artistes coloniaux [21] » et de l’émergence des gestionnaires du new public management. Ils montrent que cela introduit un changement radical (la distribution de l’aide est transférée à un nouveau service (EuropeAid) de la commission et à des spécialistes techniques convaincus des atouts de l’efficacité), quoique cette manière de se conformer aux règles n’élimine pas l’esprit clientéliste de l’ancien DG8 qui marque jusqu’à aujourd’hui les pratiques des délégations européennes en Afrique. Si l’analyse de la dernière partie est dédiée au déclin de la culture professionnelle d’origine, l’auteur montre donc que certaines pratiques se maintiennent sur le long terme.
22Le grand intérêt de cet ouvrage tient à la défense convaincante de son hypothèse centrale, soutenue par la mobilisation des théories néo-institutionnalistes : l’existence d’une sédimentation institutionnelle (institutional layering [22]) qui entraîne une dépendance du sentier par rapport aux pratiques coloniales, du fait des liens personnels entretenus avec les élites africaines. La démonstration empirique est particulièrement riche. La force de l’argumentation de l’auteur repose sur la belle exploitation des entretiens menés avec les dirigeants de la DG8, qui accompagnent de façon éloquente le fil conducteur de l’ouvrage. Le travail de contextualisation est par ailleurs à la fois pédagogique et sérieux en ce qu’il mobilise de nombreuses autres sources, ce qui garantit la solidité de l’analyse. On regrettera seulement la place relativement limitée accordée aux analyses des projets de développement. Le récent ouvrage de R. Parizet [23] sur les paradoxes des politiques indigénistes de développement montre par exemple la plus-value d’une intégration des différentes échelles des politiques de développement, car cela permet de mesurer la portée limitée des politiques menées. Un approfondissement de ces analyses aurait permis de donner encore plus de force à la démonstration de la colonialité renouvelée de la politique européenne de développement.
23Jan Verlin
24Université Paris-Nanterre
25Institut des sciences sociales du politique (ISP)
Raphaëlle Parizet (2015), Les Paradoxes du développement. Sociologie politique des dispositifs de normalisation des populations indiennes au Mexique, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle Bibliothèque de Thèses »
27Il est heureux que la collection « Nouvelle Bibliothèque de Thèses » de Dalloz ait choisi de publier l’ouvrage de Raphaëlle Parizet, car il constitue une contribution importante à l’analyse des politiques et des dispositifs de développement, à partir du cas mexicain. Raphaëlle Parizet y propose une réflexion attentive et minutieuse de la façon dont, au Mexique, et plus particulièrement dans le Chiapas, les politiques de développement ciblées sur les populations indiennes contribuent à les normaliser, tout en produisant des effets paradoxaux et parfois contraires. Étayé par une enquête ethnographique de plusieurs années (2009-2012), l’ouvrage permet de rendre à la fois plus complexes et plus compréhensibles les logiques qui accompagnent la mise en place des politiques de développement « avec identité » et les conséquences de celles-ci.
28Le cadrage de l’auteure n’est pas celui de la « diffusion » des politiques internationales à des échelles nationales ou locales, mais permet au contraire de montrer que les politiques de développement nationales et internationales se tissent ensemble, pour finalement construire des instruments et des indicateurs qui répondent à la fois à des enjeux internationaux et nationaux. L’analyse précise de ce contexte national, à travers par exemple la façon dont la pauvreté a été mesurée sous le mandat du président Vicente Fox (2000-2006), est très clairement illustrative de cette démarche très riche. Dans son premier chapitre intitulé « Comprendre la question autochtone au Mexique », l’auteure lie avec finesse les dimensions nationales, inter- et trans-nationales, montrant combien les différentes échelles se nourrissent historiquement les unes les autres. Elle éclaire ainsi très justement la spécificité de l’action publique mexicaine, tout en la resituant dans une dynamique globale et historique. Son analyse des politiques indigénistes depuis les années 1970 permet de comprendre comment s’est fabriqué le lien entre « administration de la pauvreté » et de la marginalisation et gouvernement des Indiens (p. 69 et suivantes) à travers des programmes successifs et la reconnaissance constitutionnelle de la diversité culturelle. Analysant les transformations institutionnelles successives, l’auteure montre comment l’on passe d’une action publique « par le bas » avec l’Institut national indigéniste (INI), à une action « par le haut » avec la Commission pour le développement des peuples autochtones (CDI) suite à l’élection de Vicente Fox en 2000, et ce que cela comporte de rapprochements avec les discours et les instruments onusiens sur le développement humain.
29L’important travail de terrain réalisé est un autre apport majeur de l’ouvrage. Cette enquête mérite bien l’étiquette d’ethnographie politique [24], qui combine entretiens, observations, reconstitution de trajectoires, analyse de documents de tous types, le tout basé sur une immersion longue sur le terrain et permet d’ancrer l’analyse dans un matériau empirique dense et riche. L’ouvrage est ainsi tissé de notes de terrains et d’extraits d’entretiens qui font entrer le lecteur concrètement dans la façon dont les dispositifs étudiés se produisent, se mettent en œuvre et sont travaillés par le contexte local. On pense par exemple à la façon dont, à partir d’une description fine réalisée dans une antenne locale de la CDI au Chiapas, Raphaëlle Parizet parvient à montrer que des « traces » de l’ancien INI sont partout présentes (à travers des affiches, des documents ou des vocables), soulignant ainsi non pas tant la rupture que la continuité et les formes d’hybridation entre les deux politiques (p. 87-88). On peut également souligner les très riches données de terrain sur le recrutement des participants aux projets participatifs, et sur les trajectoires des « courtiers » et autres intermédiaires de ces projets dans l’excellent chapitre 4 sur « la fabrique de la participation ».
30L’ouvrage permet également de contribuer aux travaux actuels qui – en anthropologie en particulier – s’intéressent aux organisations internationales dans leur travail routinier de production des normes et des indicateurs [25]. Ici, le travail du Bureau du développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Mexique, permet d’entrer, à travers notamment les parcours biographiques des acteurs, dans ce que Raphaëlle Parizet désigne comme un « système expert » (p. 153) dominé par des économistes. L’analyse de leurs trajectoires met en lumière de nombreux points de similitudes, qui contribuent de fait à produire des visions partagées véhiculées par un langage commun. L’enjeu est alors pour l’auteure de montrer à la fois la façon dont les points de vue convergent et finissent par produire un consensus sur ce qu’est – ou doit être – le développement des populations indiennes, et dans le même temps parvenir à faire sentir les rapports de force qui se maintiennent au sein de ce « système expert ».
31Au fil de l’ouvrage Raphaëlle Parizet démontre que l’enjeu principal de ces politiques de développement, et des alliances entre des institutions nationales et internationales aux pratiques et aux visées pourtant parfois différentes pour ne pas dire contradictoires, est d’éviter de poser la question autochtone en termes politiques, c’est-à-dire dans le contexte étudié en termes d’autonomie, et de la réduire à une problématique technique de déficit de développement. La production du consensus, la promotion de la « neutralité » (p. 236) notamment grâce aux dispositifs de participation, et l’évitement du mouvement zapatiste, sont des intérêts communs des institutions nationales et internationales.
32Un autre intérêt de l’ouvrage est de montrer la contribution de nombreux chercheurs et universitaires qui travaillent sur la région et la problématique indigène à la « normalisation des populations indiennes ». On a d’ailleurs envie d’en apprendre plus sur le contexte qui a suscité et rendu possible ce rapprochement entre scientifiques et instituts nationaux, et de comprendre les questions que ces formes d’engagement ont pu poser aux chercheurs impliqués dans ces dispositifs (on pense notamment aux questions de catégorisation et de comptage des Indiens dans les années 1980 et 1990 [p. 124 et suiv.]). Ici, des entretiens non pas seulement auprès de ceux qui promeuvent encore aujourd’hui ces « indicateurs avec identité », mais avec des chercheurs plus critiques, qui, même s’ils ont été pris dans ces dynamiques auraient sans doute pu éclairer plus finement les controverses, débats et dilemmes qui les agitaient alors, et contribuer ainsi à nuancer et affiner les conclusions de l’auteure.
33En outre, il aurait peut-être été utile d’appliquer cette réflexivité critique sur le rôle des sciences sociales à la démarche même de l’auteure, dont on aurait pu souhaiter qu’à son tour – et en suivant l’exemple de certains des auteurs dont elle se réclame, tels David Mosse et ses collègues qui pratiquent l’auto-ethnographie – elle s’inclut dans l’analyse pour tenter de réfléchir aux impacts de sa propre posture vis-à-vis de son objet. Peut-être ainsi aurait-il été possible d’éviter certains passages maladroits conduisant le lecteur à penser par exemple qu’elle est l’une des seules chercheuses à rester ou revenir régulièrement dans les communautés indigène (p. 355-356) ou qu’elle est parvenue tout au long de son enquête à maintenir le terrain à bonne distance, sans que sa présence ne pose de questions politiques ou d’engagement, à elle ou aux acteurs qu’elle rencontrait. On apprend ainsi rapidement (p. 200) que l’auteure a elle-même été sollicitée pour participer à des travaux organisés par les deux institutions qu’elle analyse, ce qui est une posture classique sur ce type d’objets, sans toutefois que la réflexivité ne soit poussée assez loin pour que le lecteur comprenne les conséquences de cet engagement sur l’enquête. Si cette réflexivité avait été menée de façon pleinement symétrique, les agacements répétés contre les collègues mexicains et européens ayant contribué aux politiques indigénistes – sans aucun doute justifiés – n’en auraient été que plus compréhensibles.
34Mais le principal débat que la lecture de l’ouvrage semble ouvrir est encore d’une autre nature. Il porte sur la difficulté (partagée y compris par l’auteure de ces lignes et souvent source de trouble notamment chez les anthropologues du développement) à tenir la proposition annoncée en introduction de l’ouvrage d’aller au-delà de la posture de l’anthropologie post-moderne et critique du développement qui, influencée par Foucault et s’appuyant essentiellement sur l’analyse des textes, réduit le développement à un ensemble de discours [26] ou à des dispositifs antipolitiques [27]. L’auteure revendique quant à elle une posture différente, une « sociologie politique du développement » qui, à la suite de Jean-Pierre Olivier de Sardan ou David Mosse notamment, propose des questionnements sur les dimensions politiques du développement, et prend surtout comme matériau les dispositifs tels qu’ils sont mis en œuvre et non tels qu’ils se disent. C’est sur cette question de la dépolitisation que la discussion mérite d’être poursuivie. Dès l’introduction de la première partie, en effet, le lecteur s’étant enthousiasmé de ce projet est en partie déçu. En mobilisant alternativement Nikolas Rose et Michel Foucault, l’auteure annonce l’analyse qui sera faite dans le chapitre 2 des indicateurs comme des dispositifs de « contournement du politique » par la réduction à des dimensions expertes et techniques (p. 101) puis dans le chapitre 3 comme « évitement du politique » par la technicisation de la question autochtone. Même si le chapitre 5 propose de questionner la dépolitisation grâce à une approche centrée sur la « politique informelle » (p. 249 et suiv.), en montrant que l’expression politique passe par des voies « non conventionnelles » (processus de socialisation, formation d’une élite locale, acquisition de compétences), on cherche en vain dans l’ouvrage des traces d’une expression de la critique que les acteurs aux prises avec ces dispositifs de développement viendraient eux-mêmes formuler, pouvant donner lieu à une réémergence du politique – en tant que rupture du consensus ou réapparition d’un sujet politique [28] – sur des scènes qui prétendent s’en être débarrassées.
35La question qui se pose alors est celle de savoir si tout cela fonctionne vraiment aussi bien, et si la production consensuelle d’espaces locaux pacifiés par les dispositifs de développement « court-circuite » vraiment « tout potentiel conflictuel inhérent au pluralisme des représentations du monde » comme l’affirme l’auteure (p. 237). L’expression de la critique est-elle à ce point neutralisée par les dispositifs de développement ou bien l’enquête – en se centrant sur les acteurs qui participent à ces projets et en ne s’aventurant que peu dans les espaces qui les contestent – n’a-t-elle tout simplement pas permis de la prendre en compte ? En concluant sur la « gouvernementalité » des dispositifs participatifs (p. 288), l’auteure semble finalement opter pour la perspective de l’efficacité de ces dispositifs en termes de neutralisation, sans aller tout à fait au bout de la proposition alléchante de son introduction.
36Mais ces questions, qui se posent à tous ceux qui observent des politiques de développement à travers le monde, sont difficiles à résoudre dans le cadre d’une seule enquête et méritent d’être approfondies dans le temps, par la multiplication des espaces d’observation, en remontant d’une part vers les espaces internationaux et en redescendant d’autre part vers les espaces locaux. L’ouvrage de Raphaëlle Parizet ouvre sans conteste de nouvelles perspectives dans lesquelles l’auteure s’engagera sans doute à l’avenir, afin de poursuivre l’exploration de ces formes non conventionnelles de politisation. La lecture de cette première enquête aussi fine qu’ancrée empiriquement donne envie de poursuivre le débat.
37Sandrine Revet
38Sciences Po
39Centre de recherches internationales (CERI)
Fabien Desage, Nicolas Sallée, Dominique Duprez (dir.) (2015), Le Contrôle des jeunes déviants, Montréal, Presses universitaires de Montréal
41L’ouvrage rassemble les contributions issues d’un colloque international tenu à Montréal en septembre 2014, organisé par l’ANR Spacecontrol. Divisé en quatre parties et en quatorze chapitres, il porte sur le contrôle des jeunes déviants sous des formes composites et complémentaires (idéologique, spatial, genré). Les analyses tirées de terrains variés et souvent très riches (centre éducatif renforcé, centre éducatif fermé, gangs de rue, réunions police/citoyens, favelas, parc Léon à la Goutte d’Or, « centro de internação » brésilien) concernent les États-Unis, le Canada, la France et le Brésil. Alors que la littérature porte essentiellement sur l’étiologie [29], les types de délinquance [30] et le traitement institutionnel [31] de cette dernière, ce livre offre un tour d’horizon sur ce que peut être le contrôle des jeunes, en soulevant des questions sociologiques et en proposant des perspectives heuristiques peu abordées dans ce champ. En effet, les textes analysent le contrôle de la déviance au prisme des espaces, qu’ils soient urbains ou carcéraux, et s’intéressent aux porosités qui existent entre ces derniers, aussi bien du côté des jeunes que des travailleurs qui les encadrent.
42La première partie, intitulée « Savoirs », comprend trois chapitres à visée théorique qui posent les jalons de la réflexion épistémologique de l’ouvrage : comment la délinquance juvénile est-elle pensée et traitée par les sciences et par les États ? Les contributions éclairent les rapports entretenus entre le savant et le politique dans la manière de définir et de solutionner les problèmes de délinquance juvénile. Elles présentent l’intérêt de dépasser les définitions de sens commun ou le stade du constat d’un « avènement néo-libéral » pour les questionner et les éclairer avec les outils des sciences sociales. Dans un premier chapitre stimulant, Gérard Mauger montre que les constructions des catégories de délinquants et leurs traitements sont le fruit d’un mélange entre les influences savantes et politiques. Il analyse les oppositions, superpositions et/ou affrontements entre ces dernières. Les théories actionistes et déterministes sont les deux principaux courants présentés et étudiés, et tous deux proposent des solutions différentes de la prise en charge des mineurs délinquants (aux actionistes la neutralisation ou la psychothérapie, aux déterministes le changement des structures sociales). Michel Parazelli et Karl Desmeules questionnent dans le second chapitre les deux formes de prévention de la délinquance juvénile que sont la prévenance et la prédiction. Par une étude minutieuse des bibliographies d’une revue, les auteurs révèlent la prédominance de l’approche prédictive, qui fait écho aux courants actionistes de la prise en charge de la déviance des jeunes. Les contributions scientifiques relevant du courant prédictif tiennent le haut du pavé aussi bien dans la recherche que dans les politiques publiques en se présentant comme neutres et objectivables statistiquement. Jean-Pierre Guay et Chantal Fredette montrent, dans un troisième chapitre, la complexité de l’élaboration d’instruments de mesure « fiables » pour identifier les appartenances des jeunes aux gangs de rue québécois. Plus qu’un outil de détermination d’appartenance à un gang, les auteurs proposent de travailler sur le degré d’implication des jeunes à ces gangs, afin de complexifier le phénomène. De façon transversale, l’ensemble des contributions questionnent ce que représente cette prévention prédictive mais aussi ce qu’elle produit. Basée sur l’empowerment, le traitement de la délinquance par la prédiction permettrait de mettre la main sur les trajectoires des individus, enrôlant ainsi les jeunes dès le plus jeune âge dans les normes du monde néo-libéral.
43La seconde partie, « Pratiques professionnelles », propose de lever le voile sur les prises en charge des jeunes dans un contexte prédictif et sécuritaire. Deux grandes tendances se dégagent des quatre chapitres qui y sont consacrés. La première est celle d’une reproduction du modèle carcéral dans la prise en charge des jeunes, en dépit de politiques affichées comme alternatives à l’incarcération. Les contributions de Nicolas Sallée et de Dominique Duprez sont à cet égard éclairantes. Qu’il s’agisse des centres éducatifs fermés français ou des « centros de internação » brésiliens, l’organisation des institutions qui accueillent les jeunes déviants reproduit, dans l’architecture et dans le fonctionnement, les logiques carcérales. Les frontières entre le « dedans » et le « dehors » restent cependant poreuses et constituent un moyen de négocier la paix sociale à l’intérieur des murs. La deuxième tendance est celle d’une dualité difficilement conciliable entre les missions de contrôle et les missions éducatives. Alors que les logiques sécuritaires prédominent, les missions éducatives des professionnels sont entravées à deux titres : d’abord parce qu’elles sont adossées à cette logique de contrôle, d’assignation aux règles, voire d’imposition physique, et ensuite parce qu’elles supposent une normalisation des jeunes déviants aux pratiques sociales dominantes, dont la majorité d’entre eux sont socialement très éloignés. La contribution de Géraldine Bugnon sur la liberté conditionnelle au Brésil illustre ces contradictions. Elle montre comment l’obligation de formation scolaire et professionnelle des jeunes brésiliens placés en libération conditionnelle est incompatible avec leurs conditions d’existence (déscolarisation, formation payante, emploi informel). Dès lors, les éducateurs souffrent d’injonctions contradictoires qui freinent l’exercice de leurs fonctions. La question de la « responsabilisation » des jeunes déviants est en filigrane dans toutes les contributions, nous rappelant que cette problématique s’insère dans une tendance qui se généralise dans les politiques publiques, notamment celles qui concernent l’assistance et l’insertion, et plus globalement celles qui touchent les publics précaires [32]. Ces derniers doivent assumer eux-mêmes les conditions de la réussite ou de l’échec de leur mesure éducative.
44L’extension du modèle prédictif impose des pratiques de contrôle et de neutralisation des jeunes déviants couplée à la responsabilisation de ces derniers. La troisième partie du recueil appelée « Catégorisations sociales » regroupe trois chapitres qui interrogent les effets de ces dernières sur la prise en charge des jeunes déviants. Céline Bellot et Marie-Ève Sylvestre analysent les problèmes posés par la catégorisation de populations à risque engendrées par les politiques prédictives de production de l’ordre public au Québec. Les jeunes sont une catégorie particulièrement ciblée, et cela aboutit à la négation de leurs droits. Les deux autres chapitres montrent comment les catégorisations des jeunes en France constituent un frein à une prise en charge individualisée. Saïda Houadfi souligne au terme d’une enquête auprès de personnels éducatifs (protection judiciaire de la jeunesse, centre de placement, éducateurs en action éducative en milieu ouvert, psychologues), comment le genre et la race se manifestent dans le travail des éducateurs et comment ils déterminent en partie la nature des réponses éducatives qu’ils apportent. L’auteure conclut qu’en France, la délinquance des filles renvoie à des analyses psychologisantes alors que celle des garçons s’oriente sur la responsabilisation. Le chapitre met également en exergue les processus qui renvoient à un ordre sexué établi. Filles et garçons sont assignés aux activités qui leurs sont socialement dévolues, et leur devenir est pensé en fonction de ces catégories. Ce chapitre fait écho à celui d’Hélène Cherronet qui restitue les mécanismes de transmission des valeurs de virilité et de masculinité qui imprègnent les pratiques et les postures professionnelles dans les centres éducatifs renforcés.
45La dernière partie du livre, « Territoires urbains », restitue les rapports entretenus entre les jeunes, les forces de police, les riverains et les municipalités. Que les exemples soient cariocas (Johanna Domingues Vargas et Natasha Elbas Neri), new-yorkais (François Bonnet) ou parisiens (Ana Maria Melo et Olivier Milhaud), les contributions aboutissent aux mêmes constats : les jeunes font l’objet de politiques de la ville visant principalement à contrôler et enrayer leur délinquance. Aussi, les municipalités concentrent leurs efforts sur l’éradication de cette dernière, que ce soit par le réaménagement de l’espace urbain, l’intervention de patrouilles armées, ou encore des tentatives de médiation avec la police ou de « démocratie participative » à leur endroit, étudiées par Valérie Sala Pala. Les conclusions de ces chapitres relatent la production d’effets similaires : les médiations engagées par les municipalités ne touchent pas le public escompté ; elles regroupent majoritairement des personnes âgées et des associations. Les tentatives de création de lien avec la police servent à légitimer son action auprès d’un public qui adhère au contrôle des jeunes. La violence des escadrons dans les favelas, couplée à la corruption des policiers génèrent un fossé toujours plus grand entre les jeunes et l’État. Enfin, la délinquance des jeunes est globalement détectée à partir de l’identification et la classification de populations catégorisées « à risque », qui, de fait, entraîne des prises en charge souvent biaisées et qui in fine, ne résolvent pas les problèmes concrets d’occupation de l’espace public ou de trafic de drogue par exemple.
46En guise de postface et de conclusion, Laurent Mucchielli revient sur les apports incontournables de ce recueil. Les analyses convergent sur plusieurs points. Premièrement, les facteurs favorisant les carrières délinquantes et les processus universaux « de ghettoïsation qui les concentrent » illustrent les difficultés des politiques publiques en matière de désaffiliation sociale. Deuxièmement, ces dernières sont inhérentes à des catégorisations sociales fondées plus sur le genre et la race que la classe sociale. Troisièmement, elles induisent des pratiques policières et des prises en charge socioéducatives qui renforcent les problèmes plutôt qu’elles ne les résolvent. Les solutions proposées pour enrayer la délinquance misent leur efficacité sur la responsabilité individuelle de jeunes, niant les potentiels apports d’une réflexion plus générale.
47Ainsi, on comprend à la lecture de l’ouvrage que le contrôle des jeunes déviants devient un problème dont le traitement se mondialise sous l’impulsion des méthodes prédictives et des instruments d’évaluation criminologiques (mesure du risque, prévention de la récidive pour assurer la sécurité). Les textes montrent bien comment s’opèrent les catégorisations sociales et les formes de contrôle qui en découlent. Cependant, on pourra regretter que le constat de méthodes uniformes à travers les pays ne soit pas dépassé pour proposer une analyse du traitement globalisé de la délinquance. L’ouvrage aurait en ce sens bénéficié d’une réflexion théorique sur la circulation de ses méthodes et sur les processus qui les amènent à faire sens pour les décideurs politiques comme pour les professionnels. Ajoutons à cela que malgré la richesse des monographies proposées, celles-ci donnent l’impression d’un cumul d’analyses alors qu’elles pourraient faire système.
48Juliette Soissons
49CURAPP-ESS, UMR 7319
Notes
-
[1]
L’observation d’opinions majoritairement positives mais faiblement ancrées a conduit Leon Lindberg et Stuart Scheingold à forger l’expression de « consensus permissif » pour les qualifier. Cette expression a été largement reprise des années 1970 à la fin des années 2000, période à laquelle le constat d’une affirmation de l’euroscepticisme a conduit Gary Marks et Liesbet Hooghe à affirmer que le « consensus permissif » s’était changé en « désaccord contraignant ». Cf. L. Lindberg, S. Scheingold (1970), Europe’s Would Be Polity : Patterns of Change in the European Community, New Jersey (N. J.), Prentice Hall ; L. Hooghe, G. Marks (2009), « A Postfunctionalist Theory of European Integration : From Permissive Consensus to Constraining Dissensus », British Journal of Political Science, 39 (1), p. 1-23.
-
[2]
Pour une synthèse de cette littérature et une analyse des effets sur le jugement à l’égard de l’Union européenne de l’évaluation des performances économiques pendant la crise économique, voir C. Belot, I. Guinaudeau (2016), « Economic Crisis, Crisis of Support ? How Macro-economic Performance Shapes Citizens’ Support for the EU (1973-2014) », in S. Saurugger, F. Terpan (eds), Crisis and Institutional Change in Regional Integration, Londres, Routledge.
-
[3]
Comme le soulignent les auteurs, dans les modèles de l’attribution de responsabilité au niveau national, c’est le plus souvent la proximité partisane qui constitue le principal biais au niveau individuel.
-
[4]
Providing an Infrastructure for Research on Electoral Democracy in the European Union.
-
[5]
European Electoral Study (EES) 2009, présentation de l’enquête sur le site [http://europeanelectionstudies.net/].
-
[6]
Le principal journal d’information télévisé, deux journaux de la presse dite « de qualité » et un journal plus populaire type « tabloïd ». Il s’agit des données médias de EES 2009.
-
[7]
À l’exception d’une étude portant sur la Politique Agricole Commune. Cf. C. Daugbjerg, A. Swinbank (2007), « The Politics of CAP Reform : Trade Negotiations, Institutional Settings and Blame Avoidance », Journal of Common Market Studies, 45 (1), p. 1-22.
-
[8]
K. Weaver identifiait huit stratégies distinctes d’évitement du blâme : la limitation de l’apparition de certaines questions à l’agenda politique, la redéfinition des problèmes, la stratégie du maniement conjoint « de la carotte et du bâton », le report de responsabilité, la désignation d’un bouc émissaire, la « prise du train en marche », la stratégie de se rendre solidaire des autres dans l’intérêt de tous à travers la formation d’une décision consensuelle et enfin l’abandon de la décision à une autre institution, notamment via des mécanismes automatiques. K. Weaver (1986), « The Politics of Blame Avoidance », Journal of Public Policy, 6 (4), p. 371-398.
-
[9]
De fait, la discussion sur l’importance relative des facteurs utilitaires – évaluation des performances, ratio des coûts et bénéfices – et des facteurs identitaires – rôle du type d’appartenance nationale, inclusive ou exclusive, unique ou multiple ? dans la formation des jugements à l’égard de l’Union européenne continue d’être au cœur de cette littérature. L’ouvrage de Matthew Gabel (1998), Interests and Integration. Market Liberalization, Public Opinion and European Union, Ann Arbor (Mich.), University of Michigan Press, présente l’analyse la plus complète de la première approche. Les travaux de Lauren McLaren ont ouvert la seconde perspective au début des années 2000. Cf. notamment L. Mc Laren (2002), « Public Support for the European Union : Cost/Benefit Analysis or Perceived Cultural Threat », The Journal of Politics, 64 (2), p. 551-566.
-
[10]
Pour une synthèse récente de ces travaux, et notamment des apports et limites de l’approche quantitative et l’intérêt des enquêtes qualitatives développées ces quinze dernières années, voir le chapitre 1 de V. Van Ingelgom (2014), Integrating Indifference. A Comparative, Qualitative and Quantitative Approach to the Legitimacy of European Integration, Colchester, ECPR Press.
-
[11]
L’analyse de discours est au cœur du passionnant ouvrage de C. Schrag Sternberg (2013), The Struggle for EU Legitimacy. Public Contestation 1950-2005, Basingstoke, Palgrave Macmillan. Parce que l’approche choisie est interprétative, ses travaux rentrent cependant moins directement en discussion avec le mainstream de la littérature sur les jugements citoyens. L’intérêt de l’approche quali-quanti proposée par Hobolt et Tilley est de faire entrer en discussion les résultats portant sur les discours médiatiques, ceux des élites et les enquêtes d’opinion.
-
[12]
Selon les analyses les plus récentes, si ce constat reste dans les grandes lignes avéré, on observe cependant ces dernières années dans certains pays, l’émergence d’une polarisation des positions des partis de gouvernement sur les questions européennes, ce qui permet aux électeurs de développer un vote européen. Cf. notamment W. Van der Brug, C. De Vreese (eds) (2016), (Un)intended Consequences of EU Parliamentary Elections, Oxford, Oxford University Press.
-
[13]
D. Georgakakis (dir.) (2012), Le Champ de l’eurocratie : une sociologie du personnel de l’UE, Paris, Economica ; A. Smith (ed.) (2004), Politics and the European Commission, Actors, Interdependance, Legitimacy, Londres, Routledge ; C. Robert (2017), « La politique européenne de transparence (2005-2016) : de la contestation à la consécration du lobbying : une sociologie des mobilisations institutionnelles, professionnelles et militantes autour des groupes d’intérêt à l’échelle européenne », Gouvernement et action publique, 1 (1), p. 9-32.
-
[14]
H. Lebovics (2004), Bringing the Empire Back Home, Durham, Duke University Press.
-
[15]
M. Barnett, M. Finnemore (2004), Rules for the World : International Organizations and Global Politics, Ithaca (N. Y.), Cornell University Press.
-
[16]
Par exemple, S. Lefranc (2009), « La professionnalisation d’un militantisme réformateur du droit : l’invention de la justice transitionnelle », Droit et société, 73 (3), p. 561-589 ; E. Rambaud, Médecins sans Frontières, sociologie d’une institution critique, Paris, Dalloz.
-
[17]
M. Bauer, C. Knill (eds) (2007), Management Reforms in International Organizations, Baden-Baden, Nomos.
-
[18]
V. Dimier (2014), The Invention of a European Development Aid Bureaucracy. Recycling Empire, Basingstoke, Palgrave Macmillan, p. 3.
-
[19]
Ibid., p. 53.
-
[20]
Ibid., p. 142.
-
[21]
Ibid., p. 175.
-
[22]
K. Thelen (2003), « How Institutions Evolve », in J. Mahoney, D. Rueschemeyer (eds), Comparative Historical Analysis in the Social Sciences, Cambridge, Cambridge University Press, p. 208-240.
-
[23]
R. Parizet (2015), Les Paradoxes du développement. Sociologie politique des dispositifs de normalisation des populations indiennes au Mexique, Paris, Dalloz.
-
[24]
E. Schatz (2009), Political Ethnography : What Immersion Contributes to the Study of Power, Chicago (Ill.), Chicago University Press ; L. Joseph, M. Mahler, J. Auyero (eds) (2007), New Perspectives in Political Ethnography, New York (N. Y.), Springer.
-
[25]
L. Atlani-Duault (2005), Au bonheur des autres, Anthropologie de l’aide humanitaire, Nanterre, Société d’ethnologie ; M. Fresia (2012), « La fabrique des normes internationales sur la protection des réfugiés au sein du comité exécutif du HCR », Critique internationale, 54, p. 39-60 ; D. Mosse (ed.) (2011), Adventures in Aidland : The Anthropology of Professionals in International Development, vol. 6, New York (N. Y.), Berghahn Books.
-
[26]
A. Escobar (1995), Encountering Development : The Making and Unmaking of the Third World, Princeton (N. J.), Princeton University Press.
-
[27]
J. Ferguson (1990), The Anti-politics Machine : “Development”, Depoliticization and Bureaucratic Power in Lesotho, Cambridge, Cambridge University Press.
-
[28]
J. Rancière (1995), La Mésentente. Philosophie et politique, Paris, Galilée, p. 18.
-
[29]
M. Cusson (1981), Délinquants pourquoi ?, Paris, Armand Colin.
-
[30]
Les études se sont essentiellement portées sur l’analyse de la délinquance à partir de catégories socialement identifiées. Pour en savoir plus, se reporter aux travaux de Gérard Mauger sur les bandes (2006) ou de Coline Cardi et Geneviève Pruvost sur la violence des femmes (2012).
-
[31]
Les travaux sur le traitement institutionnel de la délinquance se concentrent sur le système pénal-judiciaire. Le CESDIP joue un rôle central dans ces recherches et la production scientifique s’y rapportant.
-
[32]
I. Astier (2007), Les Nouvelles Règles du social, Paris, PUF.