Notes
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[1]
Cet article est tiré d’une thèse de science politique, intitulée : Les Réseaux transnationaux du vélo. Gouverner les politiques du vélo en vile. De l’utopie associative à la gestion par des grandes firmes urbaines (1965-2010), soutenue en 2013 à l’Université de Lyon.
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[2]
En 2006, les villes de Bruxelles, Marseille, Paris et Dublin ont, entre autres, débuté ou annoncé l’implantation d’un système de VLS. À chaque fois, JC Decaux a remporté l’appel d’offres.
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[3]
Gilles Vesco est vice-président du Grand Lyon, en charge des nouveaux modes de déplacement depuis 2001.
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[4]
Édito de Gilles Vesco dans la newsletter Vélo’v, no 16, mars 2007.
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[5]
Ils répondent ainsi à la principale critique formulée aux approches néo-institutionnalistes, consistant à analyser les mécanismes de résistance au changement au détriment d’une analyse du changement. Pour une synthèse de ces critiques, voir Di Maggio, Powell (1983).
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[6]
Cette approche s’appuie sur un certain nombre de travaux souhaitant réintroduire la question de la convergence des politiques publiques dans la comparaison internationale (Hassenteufel, 2005 ; Dupuy, Pollard, 2012). Outre le respect des préconisations méthodologiques pour la comparaison (Hassenteufel, 2000 ; Vigour, 2005), cette approche intègre les effets des interactions entre les acteurs des différents terrains étudiés dans la construction de la méthode comparée.
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[7]
C’est-à-dire « des exportateurs ou des importateurs de diagnostics, de principes et/ou de recettes d’action » (Pierru, 2007, p. 79). L’auteur nomme ainsi les acteurs qui participent à faire circuler un sens commun réformateur au niveau transnational des systèmes de santé nationaux.
-
[8]
La différenciation dans l’action publique urbaine représente un mode de définition et de traitement des problèmes publics à l’échelle des territoires urbains (Douillet et al., 2012, p. 9).
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[9]
72 entretiens ont été réalisés pendant la thèse, dont 9 à Lyon et 7 à Barcelone concernant les échanges entre les deux villes au sujet des VLS.
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[10]
Notamment les comptes rendus et les notes des voyages et échanges organisés entre les deux villes.
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[11]
Cet article a bénéficié du soutien d’un projet de l’Agence nationale de la recherche, VEL’INNOV (2012-2015), au sein de l’équipe de recherche du Centre Max Weber de l’ENS de Lyon, en partenariat avec le Laboratoire d’économie des transports, le LIRIS de L’INSA de Lyon et l’ENS de Lyon, physique.
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[12]
Pour réussir son implantation européenne, l’entreprise Clear Channel rachète la société britannique More Group et sa filiale ADSHEL en 1998, qui remporte notamment le marché de Rennes. Ce rachat accentue la concentration du marché autour de quelques grands groupes internationaux.
-
[13]
Entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JC Decaux, Lyon, le 17 novembre 2006.
-
[14]
Gérard Collomb, homme politique français (PS), sénateur depuis 1999, est maire de Lyon et président de la Communauté urbaine de Lyon depuis 2001.
-
[15]
Éditorial de Gérard Collomb, Grand Lyon Magazine, 12, avril-mai 2005, p. 3.
-
[16]
En revanche, l’enjeu financier du marché reste limité pour la société JC Decaux. Si aucun chiffre n’est communiqué à propos des résultats spécifiques à Lyon, le marché lyonnais n’est pas financièrement déterminant pour la poursuite de l’activité de JC Decaux à l’échelle internationale : « Quand vous signez l’aéroport de Shanghai pour vingt ans, c’est un marché de 450 millions d’euros, c’est comme si vous signez cinquante villes comme Grenoble. Malheureusement, quand vous perdez une ville, c’est un échec, une ville de la taille de Lyon, oui c’est un échec, mais ce n’est pas la fin du monde non plus pour l’entreprise ». Voir entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JC Decaux, Lyon, le 17 novembre 2006.
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[17]
Ibid.
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[18]
Voir le dossier de presse Cyclocity de JC Decaux, « Lyon : Cyclocity, du mobilier urbain à la mobilité urbaine », Paris, le 19 mai 2005 [http://www.JCDecaux.com/fr/Presse/Archives/2005/Lyon-Cyclocity-du-mobilierurbain-a-la-mobilite-urbaine] (consulté le 10 juillet 2012).
-
[19]
En 2010, JC Decaux est no 1 du marché du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire avec un chiffre d’affaires de 2,35 milliards d’euros (coté en bourse à l’Euronext 100 à Paris, au Dow Jones Sustainability à New York). Clear Channel Outdoor est alors no 2 du marché avec un chiffre d’affaires de 2,8 milliards de dollars (cotée au New York Stock Exchange). Cependant, Clear Channel est no 1 sur le marché des affichages publicitaires des aéroports. Voir le rapport d’activité annuel de l’entreprise JC Decaux en 2010 [http://www.jcdecaux.com/fr/Le-groupe-JCDecaux/Rapport-annuel] (consulté le 16 août 2011). Voir le rapport d’activité 2010 de l’entreprise Clear Channel Outdoor [http://clearchanneloutdoor.com/assets/downloads/pdfs_corp/CCO_Q4_2010_Release.pdf] (consulté le 4 août 2012).
-
[20]
La société CBS Outdoor, no 3 du marché, n’a pas développé d’offre de VLS.
-
[21]
Entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JC Decaux, Lyon, le 17 novembre 2006.
-
[22]
Cette ouverture s’opère suite à une tentative de régulation nationale des marchés de mobilier urbain et de l’affichage en France. Voir la décision no 98-D-52 du Conseil de la concurrence du 7 juillet 1998 relative à des pratiques relevées dans le secteur du mobilier urbain.
-
[23]
La gratuité du mobilier urbain et des services de VLS, invoquée tant par l’entreprise que par les élus, est donc toute relative.
-
[24]
Entretien avec le chargé de mission VLS de la société Clear Channel Outdoor, Dijon, le 29 juin 2010.
-
[25]
Entretien avec Angel Lopez, directeur du service de la mobilité de la municipalité de Barcelone, Barcelone, le 13 juin 2009 (traduction de C. Argibay).
-
[26]
On pense ici au réseau Eurocities (Payre, 2010).
-
[27]
Cette proximité partisane peut se traduire notamment par la venue du maire de Barcelone pendant la campagne des élections municipales à Lyon en mars 2008 afin de soutenir son homologue français.
-
[28]
Voir entretien avec Angel Lopez, Barcelone, le 13 juin 2009.
-
[29]
La délégation est composée d’Angel Lopez, le directeur du service de la mobilité de la municipalité de Barcelone, de deux techniciens de la municipalité, ainsi que du gérant des transports publics de Barcelone. Voir entretien avec Angel Lopez, Barcelone, le 13 juin 2009.
-
[30]
D’après les acteurs interviewés, le voyage de 2004 s’est déroulé au moment où JC Decaux venait de remporter le marché à Lyon, soit après le 24 novembre 2004, date de l’acte d’engagement entre le Grand Lyon et l’entreprise JC Decaux pour la mise à disposition et exploitation d’abris voyageurs, de mobiliers urbains d’information et d’un parc de vélos (Archives du Grand Lyon, direction de la voirie).
-
[31]
Syndicat des transports lyonnais.
-
[32]
Autorité des transports métropolitains de Barcelone.
-
[33]
Bernard Rivalta, élu PS de Villeurbanne est le président du Sytral depuis 2001.
-
[34]
Entretien avec Angel Lopez, Barcelone, le 13 juin 2009 (traduction de C. Argibay).
-
[35]
Cet élément nous a été rapporté à la fin de l’entretien réalisé avec Angel Lopez, mais n’a pas été enregistré. Il figure dans les notes rédigées au cours de l’entretien.
-
[36]
L’adjoint à la sécurité et aux transports de la municipalité de Barcelone est, depuis 2004, Jordi Hereu. Ce dernier succède en 2006 à Joan Clos pour la fonction de maire.
-
[37]
Angel Lopez est considéré comme le personnage « le plus important » des voyages puisqu’aucun acteur politique n’a participé aux déplacements à Lyon. Cette importance s’explique par la position qu’il occupe au sein de la structure politico-administrative de la municipalité de Barcelone. D’après Jordi Girard i Camarasa, les fonctions de directeur de service sont confiées à des individus proches du pouvoir politique car les cabinets politiques sont extrêmement réduits en Espagne, notamment par rapport au système français. Voir entretien avec Jordi Girard i Camarasa (2), chargé de mission Bicing au sein de la société Barcelona de Serveis Municipals (BSM), Barcelone, le 9 juin 2009.
-
[38]
Chargé de mission Vélo’v au service de la voirie du Grand Lyon depuis 2006.
-
[39]
Entretien avec Angel Lopez, Barcelone, le 13 juin 2009 (traduction de C. Argibay).
-
[40]
Dans le cahier des charges, la première tranche d’implantation de 750 vélos devait être réalisée au 1er mars 2007. Voir BSM, Description y caracteristicas generales de la gestion integral, implantacion y mantenimiento de un sistema de transporte publico individualizado mediante bicicletas, 2006, p. 5.
-
[41]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), chargé de mission Bicing au sein de la société Barcelona de Serveis Municipals (BSM), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[42]
L’entreprise organise ainsi une visite de son atelier de réparation des vélos, une présentation des données de régulation informatique du système, une sortie en plein cœur de Lyon pour présenter l’interface technique et informatique des stations et pour promouvoir le schéma d’intervention des bus et des camions de la société qui assurent la régulation. Voir Municipalité de Barcelone, service de la mobilité, compte rendu du voyage à Lyon de juillet 2006, Sistema de transport public de bicicleta a Lyon-Vileurbanne : Vélo’v, 8 p., document interne de la société BSM.
-
[43]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (2), Barcelone, le 9 juin 2009.
-
[44]
C’est également un sentiment partagé par le chargé de mission VLS de Clear Channel. Voir entretien avec le chargé de mission VLS de Clear Channel, Dijon, le 29 juin 2010.
-
[45]
Entretien avec le directeur mondial Smartbike de Clear Channel, Barcelone, le 6 mai 2011.
-
[46]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[47]
Voir notamment l’avenant à la convention du 24 novembre 2004, séance du conseil communautaire du Grand Lyon, le 13 novembre 2006, délibérations no 2006-3736 et no 2006-3695.
-
[48]
Entretien avec Harritz Ferrando, coordinateur de l’association BACC, Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[49]
Notamment à cause des concurrences historiques avec la région de Catalogne (Négrier, Tomas, 2003).
-
[50]
Ce dernier n’est pas géré par BSM mais par les services juridiques de la municipalité.
-
[51]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[52]
Voir l’encadré « Jordi Hereu, les politiques de “mobilité soutenable” au pouvoir ».
-
[53]
« L’autre différence était que JC Decaux avait son contrat publicitaire [à Barcelone], il avait ça en échange. Il nous disait : “nous, on peut mettre ça en place avec le contrat publicitaire, mais en échange vous n’inter-venez pas trop et vous ne regardez pas notre niveau de service”. C’était une condition qu’il donnait. Et nous on voulait regarder ça dans les détails. » Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
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[54]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
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[55]
Entretien avec Harritz Ferrando, Barcelone, le 21 novembre 2008.
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[56]
À cet égard, on note le processus d’apprentissage réalisé à partir des données récoltées à Lyon. Voir Municipalité de Barcelone, service de la mobilité, compte rendu du voyage à Lyon de juillet 2006, Sistema de transport public de bicicleta a Lyon-Vileurbanne : Vélo’v, 8 p., document interne de la société BSM.
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[57]
Seules les personnes domiciliées à Barcelone peuvent souscrire un abonnement au service. L’abonnement des utilisateurs ne peut donc se réaliser à partir des bornes, mais après envoi d’un courrier justifiant de la domiciliation. Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[58]
Voir BSM, Description y caracteristicas generales de la gestion integral, implantacion y mantenimiento de un sistema de transporte publico individualizado mediante bicicletas, p. 4., archives privées de l’auteur.
-
[59]
Voir entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[60]
Entretien avec Harritz Ferrando, Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[61]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (2), Barcelone, le 9 juin 2009.
- [62]
-
[63]
Cette différenciation dans la représentation publique ou privée des systèmes de VLS rappelle les processus de traduction analysés par M. Callon qui insiste sur l’importance de la dimension cognitive et les déplacements de sens observés dans la mise en œuvre de l’action publique (Callon, 1986).
-
[64]
Voir notamment les résultats du programme européen, Spicycles : Cycling on the Rise. Public Bicycles and other European Experiences. Final Book, 2009, [http://spicycles.velo.info/Portals/0/Deliverables/Spicycles-Final_Booklet_small.pdf] (consulté le 3 octobre 2012).
-
[65]
Entretien avec le chargé de mission VLS de Clear Channel, Dijon, le 29 juin 2010.
-
[66]
Position de l’entreprise relevée lors de l’entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JC Decaux, entretien téléphonique, le 20 avril 2009. En outre, l’entreprise française venait de remporter en 2006 le marché du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire de la ville de Barcelone.
-
[67]
Lors d’un entretien, Angel Lopez revient sur cette épisode : « [Avec JC Decaux] les prix ne sont pas des prix réels, 1 €, 1 000 €, 1 500 €, 3 000 €, 4 000 € par bicyclette, parce qu’il négocie toujours, c’est opaque. Nous avons fait différemment pour exiger un contrat pour connaître le vrai coût. Ils nous ont dit “non, nous ne nous présentons pas à Barcelone”, parce que ce n’était pas relié à la publicité. Clear Channel s’est présentée, avec un système équivalent et nous avons choisi Clear Channel parce qu’il n’y en avait pas d’autres. » Entretien avec Angel Lopez, Barcelone, le 13 juin 2009 (traduction de C. Argibay).
-
[68]
Entretien avec le directeur mondial Smartbike de Clear Channel, Barcelone, le 6 mai 2011.
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[69]
Notamment au sein du dossier de présentation du produit Smartbike de l’entreprise, dont le titre est Smartbike, an Innovative Approach to Public Transport. Il est ainsi noté dans l’introduction du document : « Smartbike is a revolutionary and exciting new means of public transportation, using new technologies to facilitate fast and easy access to the user and organized to be a true public transport service for each individual. » Voir Clear Channel Outdoor, Smartbike, Information Document, septembre 2007, 16 p.
-
[70]
GRACQ, « Quel vélo public choisir pour nos grandes villes ? », Vile à vélo, 133, décembre 2007, archives privées de l’association GRACQ à Bruxelles.
-
[71]
JC Decaux remporte finalement l’appel d’offres fin 2008 concernant 2 500 vélos répartis sur 180 stations dans le cadre d’un marché relié à l’affichage publicitaire. Voir concession pour l’exploitation d’un système de location de vélos automatisé sur le territoire de la région de Bruxelles-Capitale, le 5 décembre 2008 (archives de la direction gestion et entretien de la région de Bruxelles-Capitale).
-
[72]
Hypothèse également soutenue dans la thèse de Vincent Béal au sujet des politiques urbaines d’environnement : « les villes, ou plutôt certaines d’entres elles, bien pourvues en ressources financières, organisationnelles et réputationnelles, ont réussi à tirer avantage de ce nouveau contexte d’action pour se hisser en position de leader de la lutte contre le changement climatique » (Béal, 2011, p. 538).
-
[73]
Le système de 200 vélos répartis sur 20 stations ne comptait plus que 143 utilisateurs par an en 2010 pour un coût annuel de 640 000 euros [http://www.lepoint.fr/societe/la-fin-des-v-hello-23-06-2011-1347475_23.php] (consulté le 29 août 2012). La municipalité a déclaré avoir été « prise dans cet espèce d’engouement du vélo en libre-service » [http://www.revue-transport-public.com/component/content/article/640/1593?sectionid=57] (consulté le 29 août 2012).
-
[74]
Ce tableau a été réalisé par l’auteur. Seuls les systèmes comprenant 200 vélos ou plus ont été listés. Toutefois, nous avons incorporé deux exceptions : le système de Gijon en Espagne (JC Decaux) et celui de Perpignan en France (Clear Channel) pour montrer que ces groupes peuvent implanter des systèmes plus restreints. Pendant cette période, d’autres systèmes ont été implantés par ces mêmes entreprises dans le reste du monde. Des dispositifs ont aussi été mis en place par d’autres sociétés ou organismes. Enfin, après 2009, de nombreux systèmes basés sur d’autres modèles économiques se sont développés, notamment à Londres, Lille, Copenhague, Montréal et Strasbourg.
-
[75]
Vile, rail et transports, 496, 19 mai 2010.
-
[76]
Voir « En France, Clear Channel ne croit plus au marché du VLS », Vile, rail et transports, 496, 19 mai 2010, p. 26.
-
[77]
Voir « Le Vélib’, si populaire, mais si cher », Le Figaro, 25 juin 2008, p. 2 ; « La facture salée du Vélib’ », Les Échos, 9 octobre 2009.
-
[78]
Voir notamment « Vélo’v ne fait pas d’ombre aux autos », 20 minutes, 9 janvier 2006.
-
[79]
Voir « Londres lance et finance son vélo d’hypercentre », Vile, rail et transports, 496, 19 mai 2010, p. 34.
-
[80]
Voir « Montréal lance son réseau de vélos en libre-service », Le Monde, 13 mai 2009 [http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2009/05/13/montreal-lance-son-reseau-de-velos-en-libre-service_1192333_3222.html] (consulté le 10 septembre 2012). La ville de New York a implanté en 2013 le système Bixi, en partenariat avec une société américaine Alta Bicycle Share et le soutien de Citibank.
-
[81]
En 2013, le système lyonnais a été classé en tête des meilleurs systèmes de VLS au monde par l’Automobile Club de France [http://www.automobile-club.org/actualites/a-la-une/les-automobiles-et-touring-clubs-europeens-ont-teste-40-stations-de-velos-en-libre-service-a-travers-l-europe.html] (consulté le 16 juin 2014).
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[82]
Entretien avec Albert Asseraf, directeur de la stratégie, marketing et études de JC Decaux, « Paris est la vitrine mondiale du vélo en libre-service », La Gazette, 2007 [http://www.etyc.org/la-gazette/295-paris-estla-vitrine-mondiale-du-velo-en-libre-service.html] (consulté le 6 août 2012).
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[83]
Cet article est le fruit de la discussion qui s’est engagée lors de la soutenance de ma thèse. Pour cette discussion, que Patrick Hassenteufel, Emmanuel Négrier, Marie-Emmanuelle Chessel, Guillaume Faburel, Gilles Pollet et Renaud Payre soient particulièrement remerciés. Merci à Camilo Argibay pour son soutien à Barcelone, ainsi qu’aux évaluateurs de la revue Gouvernement et action publique.
1Engagée depuis 2005, la diffusion des systèmes de vélos en libre-service (VLS) gérés dans le cadre de partenariats publics-privés avec les grandes firmes spécialisées dans l’affichage publicitaire et le mobilier urbain pose la question des phénomènes de convergences des politiques publiques [1]. Le service proposé par JC Decaux à Lyon depuis 2005, Vélo’v (4 000 vélos répartis sur 353 stations) a fait figure de modèle pour de nombreuses municipalités [2]. Dans ce contexte, la ville de Barcelone a fait figure d’exception. En 2007, les décideurs politiques ont finalement opté pour un autre prestataire et un dispositif sensiblement différent. Comment s’est élaboré ce processus de différenciation ? Considéré comme un modèle, pourquoi le système lyonnais Vélo’v n’a pas été reproduit à Barcelone ? Malgré deux voyages organisés à Lyon pour élaborer le cahier des charges de son futur dispositif, Barcelone a construit un autre modèle économique et un autre modèle de gestion pour administrer son système Bicing.
2L’implantation d’un dispositif de VLS à Barcelone pourrait être analysée à partir des travaux portant sur les transferts de politiques publiques. Les dispositifs de VLS s’inscrivent bien dans le cadre de l’emprunt et l’utilisation de savoirs d’un système politique vers d’autres systèmes politiques (Dolowitz, Marsh, 1996, p. 344). La mise à jour de relations polarisées caractérise les recherches en termes de transfert de politiques publiques. Ces dernières insistent sur l’existence d’un modèle et d’un lieu de réception. Avec les systèmes de VLS, les élus valorisent d’ailleurs ce type de relations, comme l’attestent les propos de Gilles Vesco, vice-président du Grand Lyon [3] : « La réussite de Vélo’v crée des vocations. Le Grand Lyon est copié dans le monde entier » [4]. En partant de relations polarisées, ces recherches questionnent les convergences à l’œuvre entre des systèmes institutionnels et politiques [5]. Dans cette perspective, la diffusion de programmes urbains occupe une place non négligeable dans la littérature portant sur les transferts (Delpeuch, 2008 ; Kaluszynski, Payre, 2013). L’observation des mécanismes de transfert valorise les processus d’appropriation, de sélection, d’innovation et de modification des modèles transférés.
3Cependant ces travaux questionnent peu les facteurs politiques qui opèrent dans ces processus. À partir de l’analyse de la circulation des politiques de VLS, il s’agit de réintroduire une sociologie des acteurs opérant les transferts et de s’interroger sur les processus de convergence et de différenciation des politiques urbaines. À cet égard, nous postulons que les acteurs politiques locaux participent, d’une part, à structurer un cadre plus large d’échanges à l’échelle transnationale qui ne se définit pas uniquement en termes d’import-export, mais en termes de réciprocité (Hassenteufel, Maillard, 2013) et de coalitions d’acteurs. D’autre part, les contextes politiques locaux concourent à différencier les dispositifs de VLS en fonction des configurations locales.
4En partant de la construction d’un modèle d’action en faveur des vélos en libre-service à Lyon, il s’agit de s’interroger sur les processus de convergence et de différenciation qui s’opèrent entre le dispositif Vélo’v à Lyon (2005) et celui mis en œuvre à Barcelone (2007). Une première lecture pourrait analyser les processus de convergence comme le résultat d’une adaptation des villes aux dispositifs et projets standards, diffusés par les acteurs du marché, notamment dans les villes dotées d’importantes ressources économiques (Kantor, Savitch, 2002). Le modèle économique des services proposés par JC Decaux et Clear Channel – mobiliers et vélos financés par les recettes de l’affichage publicitaire – plaide en faveur d’une prise en compte des variables économique et financière dans les processus de convergence. Cet article souhaite pourtant discuter le poids des variables économiques en croisant l’analyse de ces dernières avec celle des facteurs politiques qui interviennent dans la réception d’un système de VLS à Barcelone. En quoi les modes d’organisation politique structurent-ils à la fois le potentiel de marché d’une ville et son rapport plus ou moins distancié aux standards industriels ?
5La convergence des politiques publiques est ici appréhendée à partir d’une comparaison transnationale [6] entre les villes de Lyon et de Barcelone car les travaux comparatistes offrent de nombreux intérêts pour analyser l’action publique urbaine soumise à des processus de transnationalisation. Premièrement, le poids des échelles institutionnelles et la variété de leur construction politique sont mieux pris en compte dans les processus de convergence. En outre, ces variables sont appréhendées au prisme des relations entre les différentes échelles et permettent ainsi de resituer les échanges dans le cadre des interdépendances entre les municipalités et les autres niveaux de gouvernement. Deuxièmement, ces travaux s’intéressent aux transformations des éléments qui circulent et aux effets sur les entités et les acteurs impliqués dans les échanges. Certains auteurs incitent alors à mettre au jour les processus de « comparaison en action » (Payre, 2011) effectués par les acteurs. Enfin, ces travaux conduisent à réaliser une sociologie des acteurs opérant les transferts (Hassenteufel, 2005). On repère ainsi des « passeurs » [7] qui s’investissent dans les échanges en facilitant la diffusion de modèles. Les normes, les outils et les dispositifs portés par ces acteurs ne font pas l’objet d’une transplantation au niveau des politiques publiques. Les éléments sont adaptés, transformés et traduits localement ou nationalement (Westney, 1987).
6Les processus de convergence et de différenciation ont mis en scène les élus de la municipalité de Barcelone qui ont construit un nouveau modèle économique et organisationnel pour les VLS à partir du contexte politique, social et institutionnel de Barcelone. Plus généralement, ces processus permettent de questionner les ressources des élus pour faire face à la standardisation de l’action publique urbaine contemporaine (Borraz, John, 2004 ; Moulaert et al., 2005) et de nourrir les débats sur la différenciation de l’action publique locale (Douillet et al., 2012) [8]. L’enquête s’est déroulée au cours des échanges entre les villes de Lyon et de Barcelone à propos des systèmes de VLS, soit entre 2006 et 2010. Des entretiens avec les principaux acteurs ayant participé aux échanges entre ces deux villes, à savoir des cadres et des techniciens administratifs, des cadres des entreprises privées et des responsables associatifs, constituent le premier matériau de cette enquête [9]. La consultation des archives municipales [10] et privées (associatives et émanant des entreprises), ainsi que l’observation des scènes d’échanges, forment le second matériau de cette recherche.
7Dans un premier temps, l’article s’intéresse à la construction du modèle lyonnais pour et par les acteurs de Barcelone. La mise en visibilité internationale du système Vélo’v à Lyon ainsi que la stabilisation des relations entre les deux villes plaident pour une copie du modèle lyonnais. Dans un deuxième temps, il s’agit pourtant d’analyser la différenciation qui s’opère dans la réception du dispositif lyonnais au sein de la métropole barcelonaise. La différenciation s’effectue à partir des variables politiques territoriales et institutionnelles. Enfin, nous verrons que cette différenciation répond plus largement à des enjeux de positionnement des villes et de développement de l’activité des firmes à l’international. L’interdépendance entre les variables politiques locales et l’action des acteurs sur la scène internationale permet de livrer un certain nombre de conclusions sur les ressources et les contraintes de l’action publique urbaine, soumise aux injonctions du marché [11].
La construction publique-privée d’un modèle international standard : Vélo’v à Lyon
8La diffusion des systèmes de VLS en Europe découle d’un investissement nouveau des acteurs du marché du mobilier urbain et de l’affichage dans les politiques du vélo en ville (Huré, 2013). En 1998, la ville de Rennes est la première à avoir recours à l’entreprise américaine Clear Channel [12] pour implanter un système de VLS adossé au contrat du mobilier urbain. À partir de cette évolution, il s’agit d’abord d’expliquer comment l’expérience lyonnaise a consacré cette organisation publique-privée pour les systèmes de VLS en modèle international dès 2005, notamment pour les acteurs politiques de Barcelone.
Une standardisation internationale en question
« Dans le monde entier, la majorité des maires des grandes villes envie le maire de Lyon pour avoir eu la bonne idée au bon moment pour la mise en œuvre d’un tel service. Je serais tenté de dire que les Vélo’v à Lyon ont pris le pouvoir. […] Jean-Claude Decaux nous demande tous les jours de faire vivre au mieux ce service parce que c’est un enjeu pour JC Decaux aussi. C’est un enjeu de croissance car ce sera un vecteur de croissance future dans les grands marchés internationaux. Pour preuve, tous les maires des grandes villes, après l’expérience lyonnaise, veulent copier le maire de Lyon […] [13]. »
10D’après les propos du directeur régional Rhône-Alpes de JC Decaux, les entreprises et les élus organisent conjointement la diffusion de modèle de VLS. Dans cette première section, il convient d’analyser la construction publique-privé d’un modèle standard d’action publique, sur lequel la municipalité de Barcelone va s’appuyer, dans un premier temps, pour élaborer son programme de VLS. Il s’agit de comprendre comment le système lyonnais a été érigé en modèle par les décideurs politiques et institutionnels de Barcelone.
11Si le dispositif a donné une visibilité internationale à l’action du président du Grand Lyon [14] qui s’est ainsi positionné, selon ses propos, « en tête de l’innovation » [15], Vélo’v a également donné une visibilité internationale à l’entreprise qui attend des retombées en termes d’image [16]. Cette construction publique-privée d’un modèle d’action conduit à un processus de standardisation des politiques de VLS. Cette standardisation relève notamment de la volonté des élus d’implanter des VLS dans leurs villes. C’est l’explication donnée par le directeur régional de JC Decaux dans la suite de l’entretien cité supra :
« La preuve, successivement à l’expérience Vélo’v de Lyon, il y a eu évidemment Paris qui a été très jaloux de cette expérience, Marseille évidemment. Se sont lancés les appels d’offres d’Aix, Marseille, que l’on a gagnés, Bruxelles, des appels d’offres en cours, Mulhouse, Besançon avec du vélo urbain [17]. »
13Cette standardisation impulsée par le politique est aussi à mettre en lumière au regard du travail des entreprises qui introduisent de nombreux standards. Elles participent à harmoniser des normes techniques pour les systèmes de VLS à travers des brevets [18] et une importante production industrielle. Autrement dit, elles proposent une solution « clés en main » pour les élus. Le processus d’harmonisation des normes est également un moyen pour les entreprises de restreindre le nombre de prestataires présents sur le marché. La standardisation dépend ainsi de l’état de la concurrence. Elle est importante entre 1998 et 2007, puisque seules deux sociétés se positionnent alors sur ce type d’offres [19]. Elle est plus restreinte après 2007 lorsque de nouveaux prestataires font leur entrée sur le marché, notamment la société Cemusa, no 4 mondial du marché de mobilier urbain et de l’affichage publicitaire [20], puis les sociétés de transports urbains, Kéolis ou Véolia. Cette diversification des prestataires rappelle les mécanismes décrits par Chamberlin sur les phénomènes de concurrence monopolistique des firmes sur certains marchés et leur évolution (Chamberlin, 1933). Comme pour JC Decaux et Clear Channel, qui se sont partagés le marché des VLS de 1998 à 2007, on assiste ensuite à un renforcement de la compétition basée sur la différenciation des offres, avec le positionnement de nouvelles entreprises sur le marché.
14Pour les firmes, cette situation se traduit par une course à l’innovation, à la constitution de vitrines nationales et internationales pour gagner en notoriété, conquérir des marchés et rassurer les actionnaires des groupes cotés en bourse. Les relations entre municipalités et entreprises se trouvent ainsi imprégnées de cette compétition. Mais, selon le responsable régional de JC Decaux à Lyon, la compétition est avant tout d’ordre politique :
« Aujourd’hui, la surenchère qui est demandée aux différents opérateurs pour faire du vélo urbain encore plus performant qu’à Lyon, c’est surtout une forme d’annonce politique, de compétition politique entre les maires [21]. »
16Il est ainsi question de compétitions à la fois politique et industrielle pour implanter le plus important service de VLS en nombre de vélos. Avec 4 000 vélos répartis sur 343 stations, Lyon est devenue, en 2005, une vitrine de premier plan pour l’entreprise JC Decaux. La promotion du système à l’international s’effectue d’autant plus rapidement que l’entreprise propose de nombreuses ressources pour positionner la ville à l’international. Lyon bénéficie du partenariat historique avec l’entreprise française, présente depuis 1965 sur son territoire, et qui accompagne la municipalité dans de nombreuses manifestations internationales à travers des prestations symboliques (Huré, 2012). Ensuite, si l’émergence des entreprises dans les politiques du vélo s’explique par l’ouverture de la concurrence des marchés de mobilier urbain français et européens à partir de 1998 [22], ces entreprises vont aussi répondre au souhait des élus de financer un service avec les recettes de l’affichage publicitaire [23] et d’offrir des prestations pour internationaliser l’action des villes (par exemple par le développement de services pour accompagner les municipalités dans l’organisation de manifestations internationales).
17À cet égard, on retrouve avec JC Decaux à Lyon, les mêmes services assurés par Clear Channel à Rennes en 1998 puis à Barcelone en 2007, à savoir l’accueil des délégations de villes étrangères, la promotion de l’action municipale en faveur du vélo dans des manifestations internationales et la construction d’une image de marque des dispositifs. Surtout, l’entreprise participe financièrement à ces prestations. Depuis 2007, le système de VLS barcelonais Bicing constitue une vitrine pour l’entreprise Clear Channel auprès des villes étrangères, comme le souligne un chargé de mission VLS de l’entreprise américaine :
« On reçoit des villes à Barcelone. Lorsque je vous disais qu’on pratique les choses différemment de JC Decaux, on n’a pas les moyens en termes de développement d’offrir les voyages, ce genre de choses. Les villes viennent chez nous, on les reçoit, on les invite à déjeuner, on passe du temps avec elles, mais c’est tout. Ce n’est pas une grosse organisation, avec une prise en charge. On prend quand même en charge l’aéroport, ce genre de choses, mais c’est assez sobre. C’est un peu notre politique par rapport au groupe JC Decaux, et ce qu’on peut entendre. […] Donc oui, on se sert de Barcelone comme notre vitrine. La meilleure vitrine, c’est de venir faire visiter les gens et voir des vélos dans tous les sens qui tournent, comme à Paris et encore plus à Lyon, et là, en tant qu’élu et technicien, vous ne pouvez pas rester insensible et vous voulez la même chose. Donc oui, on fait ça à Barcelone, en plus on a de la chance d’être au bord de la mer [24]. »
19Cette promotion internationale réalisée par les acteurs privés vise d’abord à conquérir de nouveaux marchés, comme l’explique ce cadre de Clear Channel. Cependant, l’internationalisation des villes à travers les systèmes de VLS résulte d’une construction politique pour capter de nouvelles ressources proposées par les entreprises (Huré, 2013). Cette construction politique se structure sur chaque territoire et « permet de fédérer des systèmes d’acteurs urbains pérennisés par le partage d’une vision commune des ressources et des vocations d’une ville » (Pinson, Vion, 2000, p. 92). Elle permet également d’élaborer des modèles d’action. En 2005, Lyon devient effectivement un modèle en matière de VLS pour Barcelone, comme le concède un responsable institutionnel de la municipalité de Barcelone, en charge du service mobilité, qui retrace la genèse du système Bicing :
« L’expérience lyonnaise devait nous permettre de préparer la nôtre, notamment la rédaction du cahier des charges [de la ville de Barcelone]. Nous nous sommes beaucoup inspirés de Lyon parce que Lyon avait ce système depuis 2004, avec un système de 2 000 à 4 000 vélos. C’était clair que pour tout le monde, le modèle était Lyon, avec des stations tous les 300 mètres et la taille du système. Et le reste des modèles des autres villes comme Oslo, Rennes, Gijón, Cordoba, Berlin étaient vraiment trop petits. Ces systèmes ne fonctionnaient pas. Nous n’avons pas fait de voyages [dans ces villes], mais les photographies et les caractéristiques techniques nous ont suffi. Le système de Berlin avec la Deutsch Ban n’était pas pertinent et trop petit, 1 400 bicyclettes je crois, pour 1 000 abonnés. Lyon, c’était 3 000 puis 4 000 bicyclettes et 50 000 abonnés. 50 000 cela nous paraissait énorme, c’est très important. Donc le modèle était Lyon [25]. »
21L’observation des échanges entre les deux villes montre que le système lyonnais constitue, dès les premières réflexions, un modèle pour les acteurs barcelonais. La construction d’un standard international par les élus et l’entreprise JC Decaux à Lyon a ainsi fortement influencé les décideurs de la ville de Barcelone à regarder du côté de Lyon pour développer un projet de VLS. Cependant, l’emprunt du modèle lyonnais s’inscrit également dans le cadre d’échanges stabilisés entre les deux villes.
Stabilités relationnelles et temporalités électorales : des vecteurs de transfert ?
22Le choix du modèle lyonnais pour les VLS de Barcelone démontre une capacité des acteurs à s’insérer dans des échanges avec d’autres villes. À Barcelone, cette capacité s’est appuyée sur un investissement important des élus pour internationaliser la ville au cours des années 1990, notamment afin d’affirmer un leadership par rapport à la Généralité de Catalogne (McNeill, 1999 ; Pinson, Vion, 2000). Dans cette perspective, des échanges réguliers avec Lyon au sujet des politiques urbaines existent depuis le début des années 1990, notamment dans le cadre de réseaux de villes [26]. Par ailleurs, au moment où Vélo’v devient un modèle pour Barcelone, les deux maires, Gérard Collomb (Lyon) et Jordi Hereu (Barcelone) sont élus sur la même étiquette politique (PS et PSC) [27]. Si le choix du modèle lyonnais s’insère dans ces relations stabilisées, il est cependant guidé par des contraintes politiques électorales qui vont intensifier les échanges entre les deux villes au sujet des VLS.
23Le premier voyage organisé à Lyon en 2004 témoigne du caractère imprévisible des opportunités. Le voyage n’avait pas pour objectif de mener une réflexion sur les VLS. Il était consacré à l’observation de la gestion des transports publics urbains et s’insérait dans des échanges réguliers entre les deux villes [28]. C’est au cours du voyage que la délégation de Barcelone [29] découvre le dispositif Vélo’v [30]. Présent lors de ce déplacement, le directeur du service mobilité de la municipalité de Barcelone, Angel Lopez, revient sur les transformations opérées au cours du voyage :
« C’était un voyage pour voir uniquement le fonctionnement de la structure du CERTU, pour voir comment l’État français, qui est très centralisé, avait choisi Lyon pour héberger le Centre de recherche des transports urbains. Nous avions beaucoup réfléchi au cas espagnol pour faire la même chose à Barcelone. Barcelone pourrait abriter le centre de recherche sur les transports en Espagne. Puis, au cours du voyage, nous avons été visiter le Sytral [31], qui est l’équivalent de l’ATM [32] et M. Rivalta [33] nous a expliqué le système des transports publics lyonnais, le trolleybus, les bus électriques, etc. Mais il nous a aussi expliqué le plan de la bicyclette et le projet Vélo’v ainsi que sa complémentarité avec les transports publics et le fait que la bicyclette était gérée par le Grand Lyon. Donc nous avons contacté le Grand Lyon pour nous renseigner sur la bicyclette et Vélo’v [34]. »
25Si le déplacement à Lyon était d’abord destiné à observer l’organisation des transports publics, les agents de la municipalité de Barcelone ont transformé cet objectif au cours du voyage en privilégiant l’observation d’un nouveau dispositif : les vélos en libre-service. Ce processus montre que les acteurs ne ramènent pas forcément ce qu’ils sont venus chercher dans les voyages (Hietala, 1993 ; Saunier, 2003). Une sélection s’opère à partir des « passeurs » (Pierru, 2007). Un compte rendu du voyage est alors transmis par A. Lopez à l’adjoint en charge de la mobilité et des transports de Barcelone [35], qui n’est autre que le futur maire de Barcelone [36]. Ce compte rendu nous renseigne sur le rôle de ces « passeurs » car la synthèse oriente déjà la vision et le travail de l’élu, notamment à travers une présélection des informations [37]. Les informations transmises aux élus sont déterminantes pour la décision politique. Cette dernière est prise par le maire en 2006 afin d’anticiper les élections municipales de juin 2007. Un second voyage est alors organisé à Lyon pour réaliser explicitement un transfert des données du système lyonnais. Ce contexte électoral est mis en avant dans le récit du second voyage organisé à Lyon relaté par le directeur du service mobilité de Barcelone :
« Nous avons aussi fait un voyage uniquement pour Vélo’v [juillet 2006] à Lyon avec Gilles Vesco, Keroum Slimani [38], mais un peu précipitamment, c’est-à-dire que notre modèle était Lyon. En fait, il y a eu un moment politique où nous devions aller très vite, en deux mois, car il y a eu un événement politique qui arrivait, avec les élections qui arrivaient en juin 2007. L’opposition de droite, pour simplifier, dit qu’elle va annoncer pour sa campagne, d’aller vers un système de bicyclettes publiques. Je peux vous dire que, très rapidement, nous avons été à Lyon et nous avons annoncé le lancement d’un système. Et effectivement, en 2006, il y a eu l’appel d’offres qui s’est terminé à la fin de l’année 2006 [39]. »
27À l’approche des élections municipales, la majorité sortante (socialiste) apprend au printemps 2006 que l’opposition (parti populaire) souhaite intégrer un système de VLS dans son programme. Le maire décide alors de mobiliser les agents ayant participé au voyage à Lyon en 2004 pour préparer le cahier des charges de Bicing. Les élus souhaitent inaugurer le dispositif avant les élections [40]. La temporalité électorale accélère le recours au transfert. Selon Bernard Jouve, « les leaders politiques « se rabattent-ils » sur les solutions techniques éprouvées, qui ont le mérite de la reproductibilité […] Les élus sont pressés par le temps de l’élection, les experts sont là avec des solutions techniques non pas simples mais dont ils maîtrisent la mise en œuvre » (Jouve, 2003, p. 40). Dans ce contexte, les agents municipaux de Barcelone décident de copier le cahier des charges du système lyonnais. Les échanges entre villes se trouvent ici fortement contraintes et encadrées par les acteurs politiques. La contrainte de temps ne permet pas aux services d’organiser d’autres voyages, même si des données informatiques sur les systèmes de Stockholm et d’Oslo sont récoltées à distance [41]. Le choix de la destination s’est donc effectué par rapport aux données du premier voyage à Lyon. Autrement dit, la destination a été choisie en fonction de l’héritage des interactions stabilisées entre Lyon et Barcelone. En outre, pour le voyage de 2006, un nouvel acteur est mobilisé : la société BSM (Barcelona de Serveis Municipals), chargée de rédiger l’appel d’offres.
Encadré 1. La société publique BSM (Barcelona de Serveis Municipals) à Barcelone
BSM administre les services liés à la mobilité, mais aussi les espaces publics, également délégués à des prestataires. Parmi les services liés à la mobilité, on retrouve les parkings municipaux, la zone verte (zone 30 avec stationnement payant en surface), les VLS, la gare d’autobus et la fourrière. L’objectif de BSM est de développer une « mobilité soutenable » à partir de l’investissement des recettes qu’elle dégage de la gestion des parkings et de la zone verte dans des projets de développement durable. Cet objectif, présent dans le plan de la mobilité de Barcelone, manifeste la volonté politique de financer la « mobilité soutenable » avec les recettes automobiles. BSM gère un budget annuel d’environ 125 millions d’euros.
28Pour implanter un dispositif de VLS, la rédaction du cahier des charges est une opération déterminante pour la sélection des candidats. Des éléments techniques peuvent influencer le choix des décideurs en écartant des concurrents potentiels. C’est pourquoi l’entreprise JC Decaux s’investit dans l’accueil de la délégation de la municipalité de Barcelone à Lyon en 2006. Une partie du voyage se déroule au côté de l’entreprise pour observer le système de gestion des vélos [42]. Les agents de JC Decaux facilitent la diffusion de données techniques en faveur de leur système. À ce titre, la société participe activement au processus de transfert. Quels sont les effets de cette circulation des données privées ? Dans le cas de Barcelone, le cahier des charges rédigé par la municipalité est quasiment similaire à celui élaboré par le Grand Lyon pour Vélo’v. On retrouve les principales caractéristiques techniques du système lyonnais : gratuité les trente premières minutes, stations tous les 300 mètres, grille d’évaluation, tarification, implantation du système répartie en trois phases, accès par carte bancaire, etc. L’objectif implicite est d’implanter le service proposé par JC Decaux, comme le suggère un technicien de BSM, en charge du suivi du système Bicing :
« Si tu regardes le système [Bicing], ce n’est pas trop différent entre Lyon et Barcelone. Si tu regardes l’appel d’offres, c’est très semblable à celui de Vélo’v, surtout sur les tarifs et sur les différents modes d’utilisation (un jour, une semaine, un an). Après, on a un peu changé les choses, mais l’appel d’offres était basé sur le système de JC Decaux [43]. »
30Les processus de circulation des données participent-ils à biaiser la concurrence entre les entreprises ? Pour ces dernières, tout semble effectivement se jouer lors de la rédaction du cahier des charges, c’est-à-dire dans la phase de prospection transnationale des villes pour implanter des VLS. La circulation des données sert à légitimer des modèles. La construction de ces modèles peut participer plus généralement à réorganiser les règles de la concurrence entre les entreprises. Selon le directeur mondial Smartbike de Clear Channel, le cahier des charges de la ville de Barcelone donnait un avantage certain à JC Decaux pour remporter l’appel d’offres [44] :
« L’appel d’offres a commencé en 2006. Clairement, c’est un projet que la ville de Barcelone a géré avec JC Decaux. Ils avaient préparé l’appel d’offres pour JC Decaux. JC Decaux a demandé beaucoup d’argent pour le gérer. Barcelone a mis des limites en termes de budget, puis ils ont lancé l’appel d’offres. On a participé mais sans se faire d’illusion, car c’est clair que quand tu lis le cahier des charges, il a clairement été rédigé au départ pour JC Decaux. C’était une description du système JC Decaux [45]. »
32Le mode opératoire privilégié est alors davantage axé sur un transfert à l’identique du système lyonnais pour répondre à des contraintes de temporalité politique électorale et de mise en œuvre des projets (Marrel, Payre, 2006). Dans le cadre d’une action publique ayant recours aux acteurs du marché, ce choix incite fortement à privilégier l’entreprise observée à l’étranger, à savoir JC Decaux. Dans ce contexte, pourquoi l’entreprise française n’a-t-elle pas remporté le marché de Barcelone ?
Les facteurs politiques de la différenciation du modèle à Barcelone
33Des facteurs politiques propres au contexte barcelonais vont s’imposer pendant la phase de transfert du modèle lyonnais. Ces facteurs politiques concernent dans un premier temps l’adaptation du système à l’organisation institutionnelle de Barcelone. Pour ce faire, les élus choisissent de passer par une délégation de service public (DSP), ayant pour conséquence de transformer le modèle économique des VLS. Dans un deuxième temps, des innovations vont intervenir pour satisfaire les acteurs locaux impliqués dans la réception du dispositif. Plusieurs innovations sont introduites dans la structure économique, la gestion institutionnelle, les objectifs du dispositif, et les discours et représentations politiques du service.
Un ajustement institutionnel du modèle économique
34Dans un premier temps, la diffusion du modèle lyonnais est confrontée aux contraintes de l’organisation institutionnelle et politique de la gestion de la mobilité à Barcelone. En effet, la gestion du vélo dans les villes de Lyon et de Barcelone relève de modes de gouvernement différents, qui reflètent notamment les contraintes et les opportunités juridiques de développement des institutions locales propres à chaque pays (Négrier, 2005). Tandis que l’organisation lyonnaise est très centralisée autour de la Communauté urbaine qui impulse quasiment l’ensemble des politiques du vélo sur les 57 communes composant son territoire en 2008, la municipalité de Barcelone administre exclusivement les politiques publiques de son territoire, témoignant ainsi des difficultés à construire un pouvoir métropolitain (Négrier, Tomas, 2003).
35L’analyse des modèles organisationnels de gestion des politiques du vélo à Lyon et Barcelone montre une structuration différenciée des interactions avec les entreprises. Si la Communauté urbaine de Lyon administre directement le contrat en rencontrant régulièrement les agents de JC Decaux, cette gestion à Barcelone relève d’un autre modèle. Les élus de Barcelone passent par l’intermédiaire de BSM, l’agence municipale de la mobilité, pour gérer les relations avec l’entreprise choisie. Ces schémas de régulation des relations avec les entreprises ont des répercussions sur la place du politique dans les négociations. À Lyon, si le président de la Communauté Urbaine intervient occasionnellement, notamment dans les échanges avec Jean-Claude Decaux, le vice-président en charge des nouvelles mobilités, Gilles Vesco, organise et préside les réunions hebdomadaires avec l’entreprise. À l’inverse, à Barcelone, les élus n’interviennent que ponctuellement auprès des entreprises et délèguent le suivi du dossier à BSM. Cependant, ces derniers contrôlent bien les décisions techniques à travers une commission [46]. L’implantation du système est indirectement suivie par les élus. Ces derniers coordonnent une activité de contrôle. Leurs décisions sont notifiées à BSM, qui organise des rencontres avec l’entreprise pour assurer le suivi technique du dispositif.
36À Lyon, la mise en œuvre du dispositif a nécessité des échanges quotidiens avec l’entreprise. Ces échanges réguliers renforcent la centralisation de la décision autour de l’entreprise, de l’élu en charge du dossier et du président du Grand Lyon. C’est donc un nombre d’acteurs restreint qui prend l’essentiel des décisions. Cependant, cette centralité de la décision n’a pas forcément été favorable à la Communauté urbaine de Lyon lorsqu’il s’est agi de négocier des avenants au contrat avec l’entreprise [47]. Ces derniers ont globalement été bénéfiques à l’entreprise (Huré, 2012). En ce qui concerne les relations avec les associations, JC Decaux ne participe pas aux réunions de concertation mensuelles. L’entreprise n’entretient pas non plus de relation régulière avec les élus de proximité (élus d’arrondissement) et les acteurs impliqués au niveau des quartiers (conseils de quartier, associations de riverains). La participation restreinte des acteurs associatifs et des élus d’arrondissement aux négociations n’affaiblit-elle pas le pouvoir politique par rapport à celui de l’entreprise ?
37Compte tenu de la fragmentation institutionnelle qui prévaut à Barcelone, ce schéma de régulation des relations avec le prestataire est relativement différent dans la capitale catalane. La municipalité de Barcelone doit en effet composer avec de multiples partenaires. Elle doit négocier à la fois avec la Généralité de Catalogne et avec les 17 autres communes de sa région urbaine, regroupées au sein d’une entité métropolitaine des transports (EMT) pour organiser les transports publics urbains et périurbains. L’EMT souhaite notamment implanter des VLS sur les 17 communes qui composent l’association, indépendamment du système Bicing. Cette volonté témoigne des concurrences entre la municipalité et les autres communes périphériques de Barcelone. Selon Harritz Ferrando, coordinateur de l’association Bicicleta Club de Catalunya (BACC) :
« Voilà que le président de cette association [l’EMT] a eu l’idée de dire qu’il voulait le Bicing dans toute la région. Alors l’EMT a commencé à travailler indépendamment du Bicing, car la mairie de Barcelone a dit : “faites ce que vous voulez”. Et là, c’est prévu qu’il y ait un système métropolitain avant l’été [2009]. Mais c’est compliqué car chaque ville décide. L’EMT peut faire des études et proposer mais à la fin ce sera la ville qui financera [48]. »
39Outre le fait que Barcelone ne dispose pas d’une entité métropolitaine forte [49], le recours à BSM s’inscrit dans une stratégie politique de renforcement du pouvoir de cette agence au niveau local. De plus, en administrant des délégations de service public (DSP), BSM a imposé la DSP comme modèle contractuel pour le dispositif Bicing. Avec une DSP, le système devient déconnecté du marché de mobilier urbain et de l’affichage publicitaire, par ailleurs détenu par JC Decaux [50]. Au final, le choix de recourir à BSM s’est effectué pour des raisons politiques. Le développement de la « mobilité soutenable », incarné par l’action de la société BSM, constitue alors une priorité du nouveau maire Jordi Hereu [51]. BSM lui apporte de nombreuses ressources : visibilité politique, renforcement du pouvoir municipal, expertise, financement de l’Aeras Verde. En outre, BSM offre une interface pour réguler les relations entre la municipalité et les prestataires de service.
Encadré 2. Jordi Hereu, les politiques de « mobilité soutenable » au pouvoir
Sa carrière politique s’accélère en 2006 lorsque le maire de Barcelone Joan Clos (1997-2006) le désigne pour prendre sa succession suite à sa nomination au poste de ministre de l’Industrie, du tourisme et du commerce. J. Hereu prend ses fonctions de maire en septembre 2006, puis remporte les élections municipales de juin 2007. Bicing est d’ailleurs inauguré pendant la campagne électorale en mars 2007.
40L’explication institutionnelle des transformations du modèle lyonnais peut être complétée par des variables proprement politiques, qui relèvent notamment du parcours du maire de Barcelone, J. Hereu [52]. Sa trajectoire professionnelle, ainsi que sa spécialisation politique dans le secteur des transports peuvent expliquer son investissement dans les politiques de VLS. La reformulation des objectifs du dispositif vise également à répondre aux particularités de l’économie barcelonaise. Tandis que le tourisme représente le premier secteur d’activité depuis le début des années 1990, la ville a dû faire face à une croissance urbaine intense depuis les années 1980 (McNeill, 1999 ; Négrier, Tomas, 2003). Cet investissement du maire résulte donc d’un impératif de développement économique et territorial.
41Les spécificités politiques et institutionnelles de Barcelone ont des effets directs sur la gestion du dispositif et des relations avec le prestataire. La séparation du marché des VLS de celui du mobilier urbain et de l’affichage est ainsi l’élément de différenciation le plus fort engagé par les élus. Ces derniers décident de créer un marché uniquement dédié aux VLS, une première mondiale à cette échelle. Cette séparation est d’autant plus symbolique que les élus avaient la possibilité d’intégrer un dispositif de VLS dans le renouvellement du marché de mobilier urbain en 2006. Malgré l’insistance de la société JC Decaux pour procéder ainsi [53], la municipalité décide de privilégier une gestion sous forme de DSP par l’intermédiaire de BSM. Cette décision contraint JC Decaux à ne pas postuler à l’appel d’offres de Barcelone et laisse Clear Channel, seule, présenter une offre. Par ailleurs, JC Decaux avait de nouveau remporté la concession du mobilier urbain, sans les VLS, en 2006 et se retrouvait donc en position de force dans le cas où la municipalité décidait d’intégrer son dispositif de VLS dans le marché du mobilier urbain.
42L’institution organise ici le marché. La création d’un marché autonome des VLS à Barcelone va produire plusieurs effets, notamment sur les caractéristiques du dispositif Bicing et la procédure d’appel d’offres. La séparation des marchés offre des opportunités aux décideurs politiques pour adapter le modèle lyonnais au contexte local et reformuler ainsi les objectifs de la politique publique. Les élus sont ici délestés des contraintes liées aux négociations avec l’entreprise au sujet des mobiliers urbains ou de l’affichage. Le marché de VLS séparé permet donc aux élus de garder la main sur les objectifs, et surtout sur le financement des prestations. Ce constat est notamment fait par le technicien de BSM en charge du système Bicing :
« Le contrat, c’est pour dix ans, 2,5 millions d’euros par an pour 1 500 vélos. Il y avait déjà dans l’appel d’offres l’option jusqu’à 6 000 vélos et on a levé l’offre. Maintenant il y a 6 000 vélos et c’est 10 millions d’euros par an pendant dix ans et il n’y a pas de publicité. Nous [Barcelone], ce n’est pas un partenariat public/privé, c’est une délégation de service public, on externalise notre service à une entreprise privée, mais en échange de rien, car Barcelone a déjà un contrat de publicité avec JC Decaux. Nous souhaitons mettre en place un service de vélos complètement à part. Il était nécessaire que ce service dépende de la politique cyclable de la mairie, et non de la publicité. On voulait bien séparer les choses. […] Nous c’est plus cher bien entendu de manière globale pour la mairie, mais au moins on a un contrôle strict des activités [54]. »
44Tandis que les élus lyonnais affichent un bénéfice de 18,3 millions d’euros sur l’ensemble du contrat Vélo’v d’une durée de treize ans, les autorités de Barcelone annoncent un coût de 100 millions d’euros sur dix ans. Cette dépense est toutefois habilement camouflée par le transfert des recettes du stationnement automobile pour financer le système Bicing. La séparation des marchés facilite la connaissance des coûts du dispositif. Cette connaissance des coûts a probablement pesé dans le choix d’un autre modèle de gestion. Toutefois, l’activité de reformulation politique des objectifs intervient aussi sur des aspects cognitifs des VLS et sur des éléments techniques précis afin de satisfaire les groupes d’acteurs impliqués dans la décision ou impactés par l’émergence de la politique publique.
Différencier pour gouverner : une adaptation à la configuration territoriale
45Le processus de différenciation s’opère dans un contexte où différents groupes d’acteurs s’impliquent dans la décision. Ces groupes ne partagent pas les mêmes objectifs. Deux groupes d’acteurs interviennent particulièrement dans les débats sur l’implantation du système Bicing : les associations d’usagers et les commerçants, notamment ceux proposant un service de location de vélo. Le coordinateur de l’association BACC résume les critiques formulées par ces groupes d’acteurs :
« Il y a eu une critique très forte des commerçants. Ils critiquent le Bicing parce qu’ils pensent qu’ils ont perdu de l’argent. Nous on pense que c’est la crise, seulement ce n’est pas l’avis des commerçants de vélos. La critique des associations, c’est plutôt que le Bicing mange tout le budget. Le plan stratégique de la bicyclette n’a pas été pris en compte. La mairie dit qu’on est encore en phase d’évolution, parce qu’on commence à parler de plafond auquel arrive le Bicing. Et une fois le rôle consolidé du Bicing, quel sera le rôle de la bicyclette privée [55] ? »
47Tandis que les revendications des associations portent sur le budget trop important alloué au dispositif par rapport à l’ensemble de l’enveloppe consacrée au développement du vélo à Barcelone, les commerçants pointent la diminution de leur chiffre d’affaires dans le cas où les touristes privilégieraient Bicing à la location de bicyclettes en magasin. Au final, le problème se cristallise sur l’utilisation du système par les touristes et les effets de cette utilisation. Des réunions de concertation sont organisées, contribuant à ouvrir le processus de décision et à mobiliser les groupes d’acteurs autour du projet. En matière de politiques de déplacements urbains, ce processus d’ouverture constitue un mode de légitimation pour les élus, notamment en vue de mobiliser des « groupes sociaux » en faveur des projets urbains (Jouve, 2003, p. 39). La mobilisation des associations d’usagers et surtout des loueurs de vélo, et la prise en compte de leurs objectifs transforment les catégories transférées à partir du modèle lyonnais. Autrement dit, on observe une reformulation des objectifs en fonction des attentes de certains groupes d’acteurs implantés sur le territoire de Barcelone. Dans ce processus, le politique occupe une place singulière. Il se positionne comme un médiateur entre les caractéristiques du modèle choisi dans le cadre du transfert et les différents intérêts territoriaux.
48Le problème de l’utilisation du système par les touristes est résolu à travers la limitation d’accès au système. Les élus décident d’interdire cet accès aux touristes. En outre, il s’agit d’éviter les dégradations importantes relevées sur le système lyonnais [56]. Pour mettre en œuvre cette restriction d’accès, la différenciation touche un élément technique des systèmes de VLS. Les élus refusent l’accès par carte bancaire, un service qui représentait un coût supplémentaire [57]. Cette reformulation s’opère de manière explicite, puisque la prestation d’accès par carte bancaire est présente dans le cahier des charges du dispositif élaboré en 2006 [58], puis disparaît lors de l’implantation en 2007 [59].
49Dans cet exercice de médiation, les élus peuvent asseoir leur autorité sur les différents groupes d’intérêts. Ils participent à la fois aux processus de standardisation des politiques publiques pour rester dans le jeu de la compétition interurbaine, tout en proposant des mécanismes de différenciation au niveau local pour gouverner et imposer leur autorité sur les différents groupes impliqués dans les politiques de VLS.
50Au contact de leurs administrés, les élus concourent à inventer de nouvelles représentations de la politique publique à travers des éléments de langage et de communication ainsi qu’en apportant des modifications dans la gestion du dispositif. La dimension publique du service est ainsi davantage valorisée à Barcelone. On ne parle plus de « vélos en libre-service », mais de « bicyclettes publiques » (bicicleta publica) ou de transports publics à bicyclette. Ces éléments de langage s’accompagnent d’une nouvelle modification du modèle. Pour Harritz Ferrando, « ce qui prouve qu’il s’agit d’un transport public, c’est l’horaire. L’horaire d’utilisation du Bicing finit en même temps que le métro, à minuit. En fin de semaine, le métro ouvre toute la nuit, alors le Bicing ouvre toute la nuit [60] ». À Lyon, le système est disponible 24h sur 24h tous les jours. La différence concerne également la gestion des abonnements. À Barcelone elle est entièrement assurée par les services municipaux, ce qui contribue à renforcer le caractère public du service. À Lyon, c’est l’entreprise JC Decaux qui effectue cette tâche. Pourquoi la dimension publique du service est beaucoup plus valorisée à Barcelone qu’à Lyon ? Outre le modèle contractuel de la DSP offrant une dichotomie plus nette des missions de chacun des partenaires, la construction politique d’une représentation publique du service vise à calmer les tensions, voire à contenir l’opposition autour du dispositif, au sein de la majorité municipale de Barcelone. En effet, entre 2007 et 2011, le Parti Socialiste Catalan (PSC) gouverne la municipalité avec deux autres formations politiques : Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), de centre gauche, et Iniciativa per Catalunya Verds (ICV), regroupant l’ancien Parti communiste et les écologistes. Mais l’ERC a quitté la majorité en cours de mandat à cause de plusieurs divergences, au sein desquelles on retrouve la gestion de Bicing. J. Girard i Camarasa, technicien de BSM en charge de Bicing, résume les tensions politiques au sein de la municipalité de Barcelone :
« Dans la mairie, au début du mandat, il y avait les socialistes, il y avait les écologistes et Esquerra republicana, c’est les catalanistes indépendantistes. Les catalanistes sont sortis du gouvernement. Ils sont là pour donner le support ou pour ne pas donner le support dans certains projets. Donc le gouvernement de la ville peut être mis en minorité. Donc il y a un problème avec ça. Et avec le Bicing il y a eu des problèmes parce que Esquerra republicana, ils ont des positions différentes que les socialistes sur ce sujet. Depuis qu’ils se sont séparés, il y a quelques difficultés [61]. »
52Pour obtenir la majorité des voix au conseil municipal, les socialistes doivent s’appuyer sur le groupe ERC qui n’appartient plus à la majorité depuis 2009. Or, ERC défend une position différente des socialistes au sujet de la gestion du système. Il se prononce depuis 2007 en faveur d’une gestion du service en régie. Le groupe dénonce régulièrement le partenariat avec Clear Channel et présente, à ce titre, un projet de municipalisation du système pendant la campagne électorale de 2011 [62]. Le développement d’un discours municipal portant sur la gestion publique de Bicing vise donc à satisfaire le parti ERC et son électorat. Dans le cadre d’une politique visible comme Bicing, le maire doit apaiser les divergences politiques sur la gestion du système. Cet apaisement passe par la construction d’une image publique du dispositif. Cette dernière est le fruit de la recherche d’un consensus politique. On assiste donc à une transformation cognitive des politiques publiques des VLS à travers des impératifs de gouvernement local. Cette différenciation par rapport au modèle lyonnais, affiche à la fois la singularité de l’action municipale au niveau local et au sein de la compétition urbaine internationale [63].
53La séparation des marchés, la création d’un nouveau modèle de gestion et l’émergence de discours porteurs de sens pour les acteurs locaux, sont des ressources de différenciation valorisables par les élus dans l’action internationale de la municipalité de Barcelone. Toutes les villes peuvent-elles mobiliser ce type de ressources ? La capacité d’adaptation des modèles est inégale et dépend ainsi des ressources à disposition des villes.
Coalitions publiques-privées et différenciation politique dans le positionnement international des villes
54La capacité de différenciation des modèles standards dépend des ressources politiques et économiques mobilisées par les villes afin de se positionner dans la compétition internationale. Après avoir montré les facteurs politiques œuvrant à la différenciation des politiques urbaines à travers le cas des VLS à Barcelone, il convient maintenant d’analyser comment le potentiel de marché pour les entreprises permet d’activer la formation de coalitions publiques-privées pour positionner les villes à l’international. Nous verrons, enfin, que ce processus est vecteur de classements implicites et de hiérarchisation des villes en fonction de ce potentiel de marché.
La formation de coalitions publiques-privées dans la compétition interurbaine
55Les transformations du modèle lyonnais ont conduit à l’avènement d’un nouveau modèle barcelonais de gestion des VLS. À travers ce dernier, les autorités publiques de Barcelone souhaitent se positionner dans la compétition interurbaine en s’imposant, à leur tour, comme une référence incontournable pour l’élaboration des politiques de VLS des autres villes européennes. La différenciation territoriale vise plus généralement à légitimer un positionnement international de Barcelone à travers les VLS. Ce positionnement dépend fortement des relations entre les grandes firmes urbaines et les pouvoirs publics, dont les activités à Barcelone, comme à Lyon, sont interdépendantes (Huré, 2012).
56Le cas de Bicing montre que l’action internationale de Barcelone s’appuie sur un fort marketing territorial qui tient à la capacité des élus à différencier les modèles et à apporter des innovations aux dispositifs standards qui dominent les échanges entre les villes. Cette action internationale se définit donc par rapport à la capacité des élus à produire du sens à cette action au niveau local. Cependant, elle est étroitement liée à la volonté des entreprises de différencier leurs offres pour peser dans la compétition internationale. En outre, les élus et les entreprises poursuivent un objectif commun consistant à valoriser des modèles pour accéder à des réseaux et des financements européens afin de développer les marchés de VLS (programmes Optimizing Bike Sharing in European Cities ; Sustainable Planning and Innovation for biCYCLES, etc.). Ces réseaux peuvent alors fournir des études de Benchmarking et des classements concernant les systèmes de VLS [64]. Cette action publique-privée à destination de l’Union européenne s’opère dans le cadre d’une mobilisation plus générale des collectivités en faveur de politiques européennes en matière de transports urbains (Pflieger, 2012). Dans cette perspective, on assiste au renforcement des interdépendances entre acteurs publics et privés pour positionner les villes à l’international et dans les réseaux et programmes européens.
57Ce processus bénéficie aux entreprises. Elles peuvent tirer profit de la différenciation des modèles pour distinguer leur offre de celles des autres prestataires. Ainsi, depuis le marché de Barcelone, Clear Channel « répond toujours à des appels d’offres séparés du marché [de mobiliers urbains] [65] ». Inversement, JC Decaux ne participe pas aux procédures sur des marchés de VLS isolés. D’ailleurs, un des effets inattendus du processus de différenciation a été la non-participation de JC Decaux à l’appel d’offres de Barcelone, notamment parce que la société française ne souhaitait pas modifier son modèle de gestion des VLS, relié à la publicité [66]. La municipalité n’a reçu qu’une seule offre pour son système, celle de Clear Channel [67]. Le processus de différenciation a donc aussi transformé les équilibres globaux du marché. Il a participé à créer les conditions d’une concurrence monopolistique entre les firmes urbaines (Chamberlin, 1933).
58Le système Bicing devient ainsi un nouveau modèle économique et organisationnel que l’entreprise Clear Channel s’approprie, au point de réaliser la promotion des innovations politiques apportées au dispositif. Par exemple, l’interdiction d’accès aux touristes est considérée par la société comme une mesure efficace à Barcelone. Plus généralement, l’entreprise participe à légitimer le nouveau sens donné par les acteurs municipaux à la politique publique. À cet égard, les acteurs privés font paradoxalement la promotion de la dimension publique du service. Ces ajustements de l’entreprise sont justifiés par le directeurmondial Smartbike de Clear Channel :
« On [Clear Channel] n’arrive pas déjà à livrer la demande que l’on a à Barcelone, si en plus on met les touristes, notamment avec le nombre de touristes à Barcelone, c’est impossible. On est une ville avec une forte pression de touristes. Le concept d’utilisation des touristes est différent, c’est plus la location longue durée. Je ne sais pas si c’est une bonne idée d’avoir les deux types. […] Au départ, les cent premières stations étaient équipées de la carte bleue. Ils [les élus] ont décidé de ne pas l’installer, premièrement pour cette raison d’équilibre entre l’offre et la demande ; la deuxième parce qu’à Barcelone, il y a plein de petites entreprises de location de vélos, donc pour ne pas faire de la concurrence. Le concept [Bicing] est différent, c’est un service de vélos publics, donc avec une rotation rapide du vélo. Il faut environ 25 minutes, 30 minutes. Prendre un vélo pendant deux heures, ils privatisent en quelques sorte le vélo. On conseille à la mairie de ne pas mettre de cadenas. L’objectif est un vélo public [68]. »
60L’appropriation des innovations politiques par Clear Channel se retrouve dans les documents de communication de l’entreprise [69]. Cette dernière légitime ainsi le nouveau modèle d’action élaboré par les acteurs politiques de Barcelone. Le processus de différenciation participe à construire les modèles cognitifs et la structure économique des services proposés par les acteurs privés. Par conséquent, il façonne les modalités de la compétition entre les entreprises à l’échelle internationale.
61Cette dynamique concourt à consolider des coalitions publiques-privées pour valoriser les dispositifs de VLS et positionner les villes dans la compétition internationale. Ces coalitions engagent non seulement l’investissement des firmes et des élus dans la valorisation et la mise en scène internationale du système Bicing, mais aussi les acteurs associatifs. Par exemple, Clear Channel a usé d’une stratégie d’alliance avec des acteurs associatifs pour diffuser le modèle barcelonais. Afin de répondre à l’appel d’offres de la région de Bruxelles-Capitale en 2008 pour implanter un système de VLS, l’entreprise s’est tournée vers les associations de défense du vélo à Bruxelles, le GRACQ et Pro Vélo, en organisant pour elles un voyage à Barcelone entièrement financé. La firme souhaitait convaincre les acteurs associatifs de choisir le modèle barcelonais en les incitant à intervenir dans la décision du projet bruxellois. Pour cela, elle a également participé à organiser une rencontre entre les associations bruxelloises et l’association barcelonaise. Dans un premier temps, cette stratégie s’est traduite par une prise de position publique de l’association GRACQ en faveur du système de Clear Channel à Bruxelles dans un article de la revue du GRACQ relatant le voyage [70]. Dans un second temps, une coopération directe s’est engagée entre l’association Pro Vélo et Clear Channel pour répondre conjointement à l’appel d’offres de Bruxelles. Si cette stratégie s’est révélée être un échec [71], la différenciation amorcée à Barcelone a conduit à construire un nouveau modèle destiné à être exporté grâce à la formation d’une coalition entre la municipalité, les acteurs associatifs et Clear Channel. Ce processus nous renseigne à la fois sur la construction politique des modèles de capitalismes urbains et sur l’intégration des firmes dans le gouvernement des métropoles.
62À Barcelone, le fait que JC Decaux ne s’intéresse pas au système barcelonais montre que les villes sont davantage dépendantes des acteurs du marché que des associations d’usagers locales ou des commerçants. Les marges de manœuvre des élus sont en effet limitées par le degré de rentabilité ou d’opportunité économique que représentent les partenariats pour les entreprises.
Vers une hiérarchisation marchande des villes ?
63La capacité de différenciation des politiques urbaines standards dépend des ressources que procure le partenariat avec une ville pour le développement de l’activité des entreprises. Par conséquent, on peut émettre l’hypothèse que les villes faiblement dotées de ressources financières, d’expertise, de rentabilité de l’affichage et de visibilité internationale – qualifiées ici de ressources économiques et institutionnelles – ne peuvent opérer de fortes transformations pendant les transferts [72]. Certaines villes, à travers leurs structures économique et institutionnelle, seraient donc mieux positionnées que d’autres pour organiser les échanges avec les grandes firmes (Hall, Soskice, 2001) et façonner les politiques de VLS. Dans le cas contraire, les transferts peuvent constituer des contraintes pour les élus : la contrainte de suivre les standards pour rester dans le jeu de l’innovation et de la compétition, sans disposer des ressources suffisantes pour différencier leur action.
64Le cas de l’implantation d’un système de VLS à Aix-en-Provence en 2006, puis sa fermeture en 2011, illustre parfaitement ces écarts de ressources à disposition des élus pour infléchir le poids important des acteurs du marché. Géré dans le cadre d’un partenariat entre la ville d’Aix-en-Provence et JC Decaux et implanté moins d’un an après le système lyonnais, le dispositif s’est avéré trop coûteux, notamment au regard du faible nombre d’usagers [73]. À Barcelone, le fait que Clear Channel soit la seule entreprise à répondre à l’appel d’offres représente ainsi une contrainte pour la municipalité, qui ne peut alors organiser un second tour de mise en concurrence pour faire monter les enchères. Il y aurait donc des politiques de VLS à plusieurs vitesses suivant le potentiel de marché des villes.
65Avec le rôle croissant joué par les entreprises dans les politiques du vélo, on assiste au développement d’inégalités dans la capacité de différenciation des services de VLS. Ces inégalités concernent l’aptitude des municipalités à élaborer des dispositifs alternatifs aux standards proposés par les entreprises du mobilier urbain. À bien des égards, une distinction semble s’opérer entre les villes. D’un côté, on retrouve les grandes métropoles capables de rassembler suffisamment de ressources économiques et institutionnelles pour attirer les entreprises, et de ressources politiques pour réguler et différencier les services proposés par les opérateurs (Paris, Lyon, Barcelone, Bruxelles, Milan, Séville, Valence). D’un autre côté, on repère des villes faiblement dotées de ressources économiques, institutionnelles et politiques. Ce sont les second cities du VLS : elles souhaitent rester dans le jeu, quitte à accepter une offre standardisée peu adaptée à leur contexte territorial (Marseille, Aix-en-Provence, Rouen, Nantes, Saragosse, Dublin). Enfin, un troisième groupe de villes n’est pas en mesure d’attirer les grandes entreprises. Ces villes sont dotées de fortes ressources politiques, notamment par leur fonction de capitale. Elles manifestent la volonté de différencier leur action en matière de vélo par rapport aux autres métropoles, mais elles sont faiblement munies de ressources économiques (Madrid, Lisbonne) ou de capacité à organiser le marché (Rome) (Delpirou, Passalacqua, 2014). Ainsi, on observe l’institutionnalisation d’une hiérarchisation des villes au sein des politiques urbaines du vélo.
Liste des systèmes de vélos en libre-service implantés par une société du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire dans les villes européennes entre 1998 et 2009 [74]
Liste des systèmes de vélos en libre-service implantés par une société du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire dans les villes européennes entre 1998 et 2009 [74]
66Les années 2010 semblent apporter une inflexion dans cette hiérarchie. En 2010, la couverture du magazine français, Vile, rail et transports, titre ainsi : « Vélib’. Vers la fin du modèle JC Decaux-Clear Channel ? » [75]. Le dossier mentionne les transformations intervenues avec l’émergence de nouveaux acteurs privés et le retrait progressif des entreprises JC Decaux et Clear Channel des second cities. Ces dernières firmes préfèrent dorénavant se concentrer sur les principales métropoles mondiales [76]. Si la crise économique de 2008 a stoppé un certain nombre de projets, notamment à Madrid, l’offre de VLS s’est élargie avec l’arrivée de nouveaux opérateurs sur le marché. Ces derniers ont profité d’une contestation plus générale du coût des systèmes de VLS gérés par les entreprises du mobilier urbain [77]. En outre, les premières évaluations montrent que l’objectif affiché par les élus de diminuer le nombre de déplacement en automobile n’a pas été atteint [78]. En France, les opérateurs de transports urbains, Kéolis (filiale de la SNCF) et Véolia-Transdev intègrent dorénavant des dispositifs de VLS dans les DSP pour la gestion des transports collectifs. Les villes de Bordeaux, Nice et Lille se sont tournées vers ces opérateurs. La ville de Londres s’est appuyée sur l’autorité organisatrice des transports, Transport for London, pour déléguer la gestion des VLS à une entreprise locale. Le financement par la publicité est toujours présent, désormais sur les vélos [79]. À Montréal, le système de VLS a été confié à une entreprise publique qui souhaite exporter son offre aux États-Unis [80]. Pour l’ensemble de ces offres, le choix des modèles de gestion et des prestataires a autant été guidé par des considérations financières que par la volonté des élus de différencier leurs politiques publiques pour en faire la promotion à l’international. Cependant, les références mondiales restent les systèmes de Clear Channel à Barcelone et de JC Decaux à Paris et, dans une moindre mesure à Lyon [81]. Avec 20 600 vélos répartis sur 1 451 stations, Paris se positionne maintenant comme « la vitrine mondiale du vélo en libre-service » selon un responsable de JC Decaux [82]. La ville de Londres s’est ainsi rendue trois fois à Paris pour observer les caractéristiques du système de JC Decaux. Montréal a également effectué le déplacement dans la capitale française pour formaliser son projet. Si ce statut de référence mondiale dépend des ressources économiques et politiques mobilisées par les coalitions publiques-privées, il est moins sûr que les systèmes de Montréal et de Londres, en partenariat avec des entreprises locales, parviennent à s’imposer durablement dans cette compétition.
67Dans ce contexte, de nombreuses municipalités, accompagnées par certains réseaux et acteurs institutionnels, considérés comme des acteurs « traditionnels » des politiques du vélo (associations, États), se tournent de plus en plus vers une approche expérimentale des politiques en faveur du vélo. Ces expériences concernent autant les dispositifs techniques (vélos électriques, achat de vélos) que les modèles de gestion (nouveau partenariat avec les associations d’usagers, les petites entreprises locales, les entreprises publiques et les opérateurs de téléphonie mobile). Enfin, d’autres villes ne semblent pas vouloir s’insérer dans cette compétition des VLS, notamment parce qu’elles peuvent s’appuyer sur leurs partenariats locaux historiques avec les associations pour développer le vélo en ville et diffuser d’autres modèles de développement urbain internationaux (Amsterdam, Copenhague, Strasbourg). Ainsi, les modèles alternatifs au marché constituent de nouvelles pistes pour comprendre la fabrique de l’action publique urbaine en compétition.
Conclusion
68La circulation des VLS dans la majorité des grandes villes européennes à la fin des années 2010, la légitimation des partenariats publics-privés à l’échelle internationale, l’absence d’une forte concurrence au sein du marché jusqu’en 2008 et le travail normatif réalisé par les entreprises Clear Channel et JC Decaux, peuvent être analysés comme des éléments participant à élaborer des modèles d’action standards pour les villes. Cependant, cet article invalide la thèse de la standardisation des politiques publiques et de l’influence des standards sur l’action des élus au niveau des territoires (Borraz, John, 2004). La circulation des dispositifs de VLS entraîne une différenciation de l’action publique urbaine en faveur du vélo. Cette différenciation est la conséquence de l’importance des facteurs politiques dans la réception des modèles. Elle relève d’une construction des autorités politiques pour adapter les modèles retenus aux contextes institutionnels et aux configurations locales des territoires.
69La différenciation des modèles et les innovations observées tendent à infirmer la pertinence d’une analyse en termes de transfert de politique publique. La construction de nouveaux modèles l’emporte sur les processus de convergence (Westney, 1987). Toutefois, le transfert est ici analysé comme un usage spécifique des élus pour asseoir leur pouvoir. Il représente un outil pour comprendre le travail des acteurs politiques dans un cadre plus général d’échanges entre les villes. L’usage du transfert constitue une opportunité pour les élus d’impulser de nouvelles interactions avec d’autres villes et avec les entreprises privées, ainsi que de mobiliser les acteurs des territoires impliqués dans les politiques de VLS. Avec l’émergence des grandes firmes dans les politiques du vélo en ville, on assiste paradoxalement à un renforcement du pouvoir politique des élus des grandes métropoles. Ce processus s’observe à travers le développement de mécanismes œuvrant à maintenir l’autorité des élus dans les structures de pouvoir des territoires urbains. Le renforcement du pouvoir des élus municipaux s’observe également à partir des mécanismes visant à conserver des capacités d’action face aux entreprises. Les décideurs urbains peuvent opérer une différenciation des modèles et des standards, en partie élaborés par les entreprises, et introduire des innovations dans la gestion des dispositifs. Ils peuvent également reformuler les objectifs de ces politiques publiques en fonction des configurations locales. Ces transformations se réalisent pour faire accepter les dispositifs de VLS aux acteurs locaux impliqués ou impactés par le développement du vélo sur les territoires urbains. Ces transformations s’effectuent aussi pour répondre à des impératifs politiques vis-à-vis des relations entre les partis politiques dans les exécutifs locaux, notamment pour contenir les oppositions par rapport à l’implantation des systèmes de VLS. Enfin, ces transformations peuvent intervenir pour essayer de reconfigurer l’organisation des pouvoirs urbains, notamment des compétences institutionnelles. En définitive, les élus usent de leur positionnement central au sein des échanges entre les acteurs pour contrôler les processus de diffusion et gouverner les territoires. La différenciation des politiques publiques s’appuie donc sur des ressources – qualifiées ici de ressources politiques – permettant aux élus de conquérir et conserver des mandats, renvoyant ainsi à une forme de légitimation politique par les inputs.
70L’analyse des facteurs participant à la différenciation du modèle de VLS lyonnais à Barcelone permet d’apporter des éléments plus généraux pour comprendre le changement dans l’action publique. La capacité des acteurs à réaliser une différenciation des politiques urbaines est inégale et dépend de leurs propres ressources. À partir des contextes politiques et institutionnels urbains, nous avons relevé des dynamiques d’hybridation des modèles avec l’introduction d’innovations. Ces innovations dans les politiques de mobilité prennent sens à partir des cadres institutionnels, des rapports de force avec les groupes d’intérêt impliqués et des variables partisanes et électorales locales. Cependant, les innovations sont également pensées dans un cadre international, de compétition entre les villes. À cet égard, la capacité de différenciation des villes dépend aussi de ressources économiques, qu’il conviendrait de mieux analyser en menant des comparaisons avec d’autres services urbains. Enfin, les interdépendances observées entre les entreprises et les acteurs politiques dans la mise en scène d’une action publique internationale ne semblent pas marquer le retrait du politique. La variable politique peut donc sérieusement être prise en compte dans l’analyse de la construction des différents modèles de capitalismes urbains (Lorrain, 2005) [83].
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Mots-clés éditeurs : grandes firmes urbaines, Barcelone, transferts de politiques publiques, processus de différenciation, élus locaux, Lyon, vélos en libre-service
Mise en ligne 15/01/2015
https://doi.org/10.3917/gap.144.0115Notes
-
[1]
Cet article est tiré d’une thèse de science politique, intitulée : Les Réseaux transnationaux du vélo. Gouverner les politiques du vélo en vile. De l’utopie associative à la gestion par des grandes firmes urbaines (1965-2010), soutenue en 2013 à l’Université de Lyon.
-
[2]
En 2006, les villes de Bruxelles, Marseille, Paris et Dublin ont, entre autres, débuté ou annoncé l’implantation d’un système de VLS. À chaque fois, JC Decaux a remporté l’appel d’offres.
-
[3]
Gilles Vesco est vice-président du Grand Lyon, en charge des nouveaux modes de déplacement depuis 2001.
-
[4]
Édito de Gilles Vesco dans la newsletter Vélo’v, no 16, mars 2007.
-
[5]
Ils répondent ainsi à la principale critique formulée aux approches néo-institutionnalistes, consistant à analyser les mécanismes de résistance au changement au détriment d’une analyse du changement. Pour une synthèse de ces critiques, voir Di Maggio, Powell (1983).
-
[6]
Cette approche s’appuie sur un certain nombre de travaux souhaitant réintroduire la question de la convergence des politiques publiques dans la comparaison internationale (Hassenteufel, 2005 ; Dupuy, Pollard, 2012). Outre le respect des préconisations méthodologiques pour la comparaison (Hassenteufel, 2000 ; Vigour, 2005), cette approche intègre les effets des interactions entre les acteurs des différents terrains étudiés dans la construction de la méthode comparée.
-
[7]
C’est-à-dire « des exportateurs ou des importateurs de diagnostics, de principes et/ou de recettes d’action » (Pierru, 2007, p. 79). L’auteur nomme ainsi les acteurs qui participent à faire circuler un sens commun réformateur au niveau transnational des systèmes de santé nationaux.
-
[8]
La différenciation dans l’action publique urbaine représente un mode de définition et de traitement des problèmes publics à l’échelle des territoires urbains (Douillet et al., 2012, p. 9).
-
[9]
72 entretiens ont été réalisés pendant la thèse, dont 9 à Lyon et 7 à Barcelone concernant les échanges entre les deux villes au sujet des VLS.
-
[10]
Notamment les comptes rendus et les notes des voyages et échanges organisés entre les deux villes.
-
[11]
Cet article a bénéficié du soutien d’un projet de l’Agence nationale de la recherche, VEL’INNOV (2012-2015), au sein de l’équipe de recherche du Centre Max Weber de l’ENS de Lyon, en partenariat avec le Laboratoire d’économie des transports, le LIRIS de L’INSA de Lyon et l’ENS de Lyon, physique.
-
[12]
Pour réussir son implantation européenne, l’entreprise Clear Channel rachète la société britannique More Group et sa filiale ADSHEL en 1998, qui remporte notamment le marché de Rennes. Ce rachat accentue la concentration du marché autour de quelques grands groupes internationaux.
-
[13]
Entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JC Decaux, Lyon, le 17 novembre 2006.
-
[14]
Gérard Collomb, homme politique français (PS), sénateur depuis 1999, est maire de Lyon et président de la Communauté urbaine de Lyon depuis 2001.
-
[15]
Éditorial de Gérard Collomb, Grand Lyon Magazine, 12, avril-mai 2005, p. 3.
-
[16]
En revanche, l’enjeu financier du marché reste limité pour la société JC Decaux. Si aucun chiffre n’est communiqué à propos des résultats spécifiques à Lyon, le marché lyonnais n’est pas financièrement déterminant pour la poursuite de l’activité de JC Decaux à l’échelle internationale : « Quand vous signez l’aéroport de Shanghai pour vingt ans, c’est un marché de 450 millions d’euros, c’est comme si vous signez cinquante villes comme Grenoble. Malheureusement, quand vous perdez une ville, c’est un échec, une ville de la taille de Lyon, oui c’est un échec, mais ce n’est pas la fin du monde non plus pour l’entreprise ». Voir entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JC Decaux, Lyon, le 17 novembre 2006.
-
[17]
Ibid.
-
[18]
Voir le dossier de presse Cyclocity de JC Decaux, « Lyon : Cyclocity, du mobilier urbain à la mobilité urbaine », Paris, le 19 mai 2005 [http://www.JCDecaux.com/fr/Presse/Archives/2005/Lyon-Cyclocity-du-mobilierurbain-a-la-mobilite-urbaine] (consulté le 10 juillet 2012).
-
[19]
En 2010, JC Decaux est no 1 du marché du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire avec un chiffre d’affaires de 2,35 milliards d’euros (coté en bourse à l’Euronext 100 à Paris, au Dow Jones Sustainability à New York). Clear Channel Outdoor est alors no 2 du marché avec un chiffre d’affaires de 2,8 milliards de dollars (cotée au New York Stock Exchange). Cependant, Clear Channel est no 1 sur le marché des affichages publicitaires des aéroports. Voir le rapport d’activité annuel de l’entreprise JC Decaux en 2010 [http://www.jcdecaux.com/fr/Le-groupe-JCDecaux/Rapport-annuel] (consulté le 16 août 2011). Voir le rapport d’activité 2010 de l’entreprise Clear Channel Outdoor [http://clearchanneloutdoor.com/assets/downloads/pdfs_corp/CCO_Q4_2010_Release.pdf] (consulté le 4 août 2012).
-
[20]
La société CBS Outdoor, no 3 du marché, n’a pas développé d’offre de VLS.
-
[21]
Entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JC Decaux, Lyon, le 17 novembre 2006.
-
[22]
Cette ouverture s’opère suite à une tentative de régulation nationale des marchés de mobilier urbain et de l’affichage en France. Voir la décision no 98-D-52 du Conseil de la concurrence du 7 juillet 1998 relative à des pratiques relevées dans le secteur du mobilier urbain.
-
[23]
La gratuité du mobilier urbain et des services de VLS, invoquée tant par l’entreprise que par les élus, est donc toute relative.
-
[24]
Entretien avec le chargé de mission VLS de la société Clear Channel Outdoor, Dijon, le 29 juin 2010.
-
[25]
Entretien avec Angel Lopez, directeur du service de la mobilité de la municipalité de Barcelone, Barcelone, le 13 juin 2009 (traduction de C. Argibay).
-
[26]
On pense ici au réseau Eurocities (Payre, 2010).
-
[27]
Cette proximité partisane peut se traduire notamment par la venue du maire de Barcelone pendant la campagne des élections municipales à Lyon en mars 2008 afin de soutenir son homologue français.
-
[28]
Voir entretien avec Angel Lopez, Barcelone, le 13 juin 2009.
-
[29]
La délégation est composée d’Angel Lopez, le directeur du service de la mobilité de la municipalité de Barcelone, de deux techniciens de la municipalité, ainsi que du gérant des transports publics de Barcelone. Voir entretien avec Angel Lopez, Barcelone, le 13 juin 2009.
-
[30]
D’après les acteurs interviewés, le voyage de 2004 s’est déroulé au moment où JC Decaux venait de remporter le marché à Lyon, soit après le 24 novembre 2004, date de l’acte d’engagement entre le Grand Lyon et l’entreprise JC Decaux pour la mise à disposition et exploitation d’abris voyageurs, de mobiliers urbains d’information et d’un parc de vélos (Archives du Grand Lyon, direction de la voirie).
-
[31]
Syndicat des transports lyonnais.
-
[32]
Autorité des transports métropolitains de Barcelone.
-
[33]
Bernard Rivalta, élu PS de Villeurbanne est le président du Sytral depuis 2001.
-
[34]
Entretien avec Angel Lopez, Barcelone, le 13 juin 2009 (traduction de C. Argibay).
-
[35]
Cet élément nous a été rapporté à la fin de l’entretien réalisé avec Angel Lopez, mais n’a pas été enregistré. Il figure dans les notes rédigées au cours de l’entretien.
-
[36]
L’adjoint à la sécurité et aux transports de la municipalité de Barcelone est, depuis 2004, Jordi Hereu. Ce dernier succède en 2006 à Joan Clos pour la fonction de maire.
-
[37]
Angel Lopez est considéré comme le personnage « le plus important » des voyages puisqu’aucun acteur politique n’a participé aux déplacements à Lyon. Cette importance s’explique par la position qu’il occupe au sein de la structure politico-administrative de la municipalité de Barcelone. D’après Jordi Girard i Camarasa, les fonctions de directeur de service sont confiées à des individus proches du pouvoir politique car les cabinets politiques sont extrêmement réduits en Espagne, notamment par rapport au système français. Voir entretien avec Jordi Girard i Camarasa (2), chargé de mission Bicing au sein de la société Barcelona de Serveis Municipals (BSM), Barcelone, le 9 juin 2009.
-
[38]
Chargé de mission Vélo’v au service de la voirie du Grand Lyon depuis 2006.
-
[39]
Entretien avec Angel Lopez, Barcelone, le 13 juin 2009 (traduction de C. Argibay).
-
[40]
Dans le cahier des charges, la première tranche d’implantation de 750 vélos devait être réalisée au 1er mars 2007. Voir BSM, Description y caracteristicas generales de la gestion integral, implantacion y mantenimiento de un sistema de transporte publico individualizado mediante bicicletas, 2006, p. 5.
-
[41]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), chargé de mission Bicing au sein de la société Barcelona de Serveis Municipals (BSM), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[42]
L’entreprise organise ainsi une visite de son atelier de réparation des vélos, une présentation des données de régulation informatique du système, une sortie en plein cœur de Lyon pour présenter l’interface technique et informatique des stations et pour promouvoir le schéma d’intervention des bus et des camions de la société qui assurent la régulation. Voir Municipalité de Barcelone, service de la mobilité, compte rendu du voyage à Lyon de juillet 2006, Sistema de transport public de bicicleta a Lyon-Vileurbanne : Vélo’v, 8 p., document interne de la société BSM.
-
[43]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (2), Barcelone, le 9 juin 2009.
-
[44]
C’est également un sentiment partagé par le chargé de mission VLS de Clear Channel. Voir entretien avec le chargé de mission VLS de Clear Channel, Dijon, le 29 juin 2010.
-
[45]
Entretien avec le directeur mondial Smartbike de Clear Channel, Barcelone, le 6 mai 2011.
-
[46]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[47]
Voir notamment l’avenant à la convention du 24 novembre 2004, séance du conseil communautaire du Grand Lyon, le 13 novembre 2006, délibérations no 2006-3736 et no 2006-3695.
-
[48]
Entretien avec Harritz Ferrando, coordinateur de l’association BACC, Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[49]
Notamment à cause des concurrences historiques avec la région de Catalogne (Négrier, Tomas, 2003).
-
[50]
Ce dernier n’est pas géré par BSM mais par les services juridiques de la municipalité.
-
[51]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[52]
Voir l’encadré « Jordi Hereu, les politiques de “mobilité soutenable” au pouvoir ».
-
[53]
« L’autre différence était que JC Decaux avait son contrat publicitaire [à Barcelone], il avait ça en échange. Il nous disait : “nous, on peut mettre ça en place avec le contrat publicitaire, mais en échange vous n’inter-venez pas trop et vous ne regardez pas notre niveau de service”. C’était une condition qu’il donnait. Et nous on voulait regarder ça dans les détails. » Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[54]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[55]
Entretien avec Harritz Ferrando, Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[56]
À cet égard, on note le processus d’apprentissage réalisé à partir des données récoltées à Lyon. Voir Municipalité de Barcelone, service de la mobilité, compte rendu du voyage à Lyon de juillet 2006, Sistema de transport public de bicicleta a Lyon-Vileurbanne : Vélo’v, 8 p., document interne de la société BSM.
-
[57]
Seules les personnes domiciliées à Barcelone peuvent souscrire un abonnement au service. L’abonnement des utilisateurs ne peut donc se réaliser à partir des bornes, mais après envoi d’un courrier justifiant de la domiciliation. Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[58]
Voir BSM, Description y caracteristicas generales de la gestion integral, implantacion y mantenimiento de un sistema de transporte publico individualizado mediante bicicletas, p. 4., archives privées de l’auteur.
-
[59]
Voir entretien avec Jordi Girard i Camarasa (1), Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[60]
Entretien avec Harritz Ferrando, Barcelone, le 21 novembre 2008.
-
[61]
Entretien avec Jordi Girard i Camarasa (2), Barcelone, le 9 juin 2009.
- [62]
-
[63]
Cette différenciation dans la représentation publique ou privée des systèmes de VLS rappelle les processus de traduction analysés par M. Callon qui insiste sur l’importance de la dimension cognitive et les déplacements de sens observés dans la mise en œuvre de l’action publique (Callon, 1986).
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[64]
Voir notamment les résultats du programme européen, Spicycles : Cycling on the Rise. Public Bicycles and other European Experiences. Final Book, 2009, [http://spicycles.velo.info/Portals/0/Deliverables/Spicycles-Final_Booklet_small.pdf] (consulté le 3 octobre 2012).
-
[65]
Entretien avec le chargé de mission VLS de Clear Channel, Dijon, le 29 juin 2010.
-
[66]
Position de l’entreprise relevée lors de l’entretien avec le directeur régional Rhône-Alpes de JC Decaux, entretien téléphonique, le 20 avril 2009. En outre, l’entreprise française venait de remporter en 2006 le marché du mobilier urbain et de l’affichage publicitaire de la ville de Barcelone.
-
[67]
Lors d’un entretien, Angel Lopez revient sur cette épisode : « [Avec JC Decaux] les prix ne sont pas des prix réels, 1 €, 1 000 €, 1 500 €, 3 000 €, 4 000 € par bicyclette, parce qu’il négocie toujours, c’est opaque. Nous avons fait différemment pour exiger un contrat pour connaître le vrai coût. Ils nous ont dit “non, nous ne nous présentons pas à Barcelone”, parce que ce n’était pas relié à la publicité. Clear Channel s’est présentée, avec un système équivalent et nous avons choisi Clear Channel parce qu’il n’y en avait pas d’autres. » Entretien avec Angel Lopez, Barcelone, le 13 juin 2009 (traduction de C. Argibay).
-
[68]
Entretien avec le directeur mondial Smartbike de Clear Channel, Barcelone, le 6 mai 2011.
-
[69]
Notamment au sein du dossier de présentation du produit Smartbike de l’entreprise, dont le titre est Smartbike, an Innovative Approach to Public Transport. Il est ainsi noté dans l’introduction du document : « Smartbike is a revolutionary and exciting new means of public transportation, using new technologies to facilitate fast and easy access to the user and organized to be a true public transport service for each individual. » Voir Clear Channel Outdoor, Smartbike, Information Document, septembre 2007, 16 p.
-
[70]
GRACQ, « Quel vélo public choisir pour nos grandes villes ? », Vile à vélo, 133, décembre 2007, archives privées de l’association GRACQ à Bruxelles.
-
[71]
JC Decaux remporte finalement l’appel d’offres fin 2008 concernant 2 500 vélos répartis sur 180 stations dans le cadre d’un marché relié à l’affichage publicitaire. Voir concession pour l’exploitation d’un système de location de vélos automatisé sur le territoire de la région de Bruxelles-Capitale, le 5 décembre 2008 (archives de la direction gestion et entretien de la région de Bruxelles-Capitale).
-
[72]
Hypothèse également soutenue dans la thèse de Vincent Béal au sujet des politiques urbaines d’environnement : « les villes, ou plutôt certaines d’entres elles, bien pourvues en ressources financières, organisationnelles et réputationnelles, ont réussi à tirer avantage de ce nouveau contexte d’action pour se hisser en position de leader de la lutte contre le changement climatique » (Béal, 2011, p. 538).
-
[73]
Le système de 200 vélos répartis sur 20 stations ne comptait plus que 143 utilisateurs par an en 2010 pour un coût annuel de 640 000 euros [http://www.lepoint.fr/societe/la-fin-des-v-hello-23-06-2011-1347475_23.php] (consulté le 29 août 2012). La municipalité a déclaré avoir été « prise dans cet espèce d’engouement du vélo en libre-service » [http://www.revue-transport-public.com/component/content/article/640/1593?sectionid=57] (consulté le 29 août 2012).
-
[74]
Ce tableau a été réalisé par l’auteur. Seuls les systèmes comprenant 200 vélos ou plus ont été listés. Toutefois, nous avons incorporé deux exceptions : le système de Gijon en Espagne (JC Decaux) et celui de Perpignan en France (Clear Channel) pour montrer que ces groupes peuvent implanter des systèmes plus restreints. Pendant cette période, d’autres systèmes ont été implantés par ces mêmes entreprises dans le reste du monde. Des dispositifs ont aussi été mis en place par d’autres sociétés ou organismes. Enfin, après 2009, de nombreux systèmes basés sur d’autres modèles économiques se sont développés, notamment à Londres, Lille, Copenhague, Montréal et Strasbourg.
-
[75]
Vile, rail et transports, 496, 19 mai 2010.
-
[76]
Voir « En France, Clear Channel ne croit plus au marché du VLS », Vile, rail et transports, 496, 19 mai 2010, p. 26.
-
[77]
Voir « Le Vélib’, si populaire, mais si cher », Le Figaro, 25 juin 2008, p. 2 ; « La facture salée du Vélib’ », Les Échos, 9 octobre 2009.
-
[78]
Voir notamment « Vélo’v ne fait pas d’ombre aux autos », 20 minutes, 9 janvier 2006.
-
[79]
Voir « Londres lance et finance son vélo d’hypercentre », Vile, rail et transports, 496, 19 mai 2010, p. 34.
-
[80]
Voir « Montréal lance son réseau de vélos en libre-service », Le Monde, 13 mai 2009 [http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2009/05/13/montreal-lance-son-reseau-de-velos-en-libre-service_1192333_3222.html] (consulté le 10 septembre 2012). La ville de New York a implanté en 2013 le système Bixi, en partenariat avec une société américaine Alta Bicycle Share et le soutien de Citibank.
-
[81]
En 2013, le système lyonnais a été classé en tête des meilleurs systèmes de VLS au monde par l’Automobile Club de France [http://www.automobile-club.org/actualites/a-la-une/les-automobiles-et-touring-clubs-europeens-ont-teste-40-stations-de-velos-en-libre-service-a-travers-l-europe.html] (consulté le 16 juin 2014).
-
[82]
Entretien avec Albert Asseraf, directeur de la stratégie, marketing et études de JC Decaux, « Paris est la vitrine mondiale du vélo en libre-service », La Gazette, 2007 [http://www.etyc.org/la-gazette/295-paris-estla-vitrine-mondiale-du-velo-en-libre-service.html] (consulté le 6 août 2012).
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[83]
Cet article est le fruit de la discussion qui s’est engagée lors de la soutenance de ma thèse. Pour cette discussion, que Patrick Hassenteufel, Emmanuel Négrier, Marie-Emmanuelle Chessel, Guillaume Faburel, Gilles Pollet et Renaud Payre soient particulièrement remerciés. Merci à Camilo Argibay pour son soutien à Barcelone, ainsi qu’aux évaluateurs de la revue Gouvernement et action publique.