Couverture de GAP_143

Article de revue

Un changement politisé dans la politique de défense

Le cas des ventes d'armes

Pages 79 à 103

Notes

  • [1]
    L’auteur souhaite remercier la Direction générale de l’armement (DGA) pour le financement de ses travaux de recherche, et les évaluateurs anonymes ainsi que le comité de rédaction pour leurs conseils. L’auteur est seule responsable de ses propos.
  • [2]
    Le service de la Direction générale de l’armement (DGA) en charge du soutien aux exportations d’armement a eu plusieurs noms successifs : département « expansion-exportation », puis Direction des affaires internationales (DAI), Direction des relations internationales (DRI), aujourd’hui Direction du développement international (DDI puis DI). Pour plus de clarté, nous utiliserons l’acronyme le plus récent, DI.
  • [3]
    Nous ne reprenons pas à notre compte les expressions assez normatives que sont « État pousse-au-crime » et « État-vertu ».
  • [4]
    Le Secrétariat général de la défense nationale est devenu le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale en 2009. Pour plus de clarté, nous utilisons uniquement l’acronyme le plus récent, SGDSN.
  • [5]
    AFP, « Frégates de Taïwan : Thales et l’État condamnés à rembourser 630 millions d’euros », Le Monde, 9 juin 2011.
  • [6]
    Entretien, responsable politique, 2 juillet 2013.
  • [7]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 août 2013.
  • [8]
    Entretien, responsable politique, 20 mars 2013.
  • [9]
    Entretien, haut fonctionnaire, 27 janvier 2014.
  • [10]
    Entretien, haut fonctionnaire, 27 janvier 2014.
  • [11]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [12]
    Entretien, responsable politique, 20 mars 2013 ; « Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, 5e Conférence des ambassadeurs à Paris du 27 au 30 août 1997 », 29 août 1997 [http://discours.viepublique.fr/notices/973145017.html] (consulté le 10 février 2014).
  • [13]
    Entretien, responsable politique, 2 juillet 2013.
  • [14]
    Entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013.
  • [15]
    Entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013.
  • [16]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [17]
    Entretien, DAS, 22 juillet 2013.
  • [18]
    Entretien, haut fonctionnaire, 27 janvier 2014.
  • [19]
    Entretien, SGDSN, 18 juin 2013.
  • [20]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [21]
    Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement no 2334, présenté par Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veryet, 25 avril 2000, p. 97-99.
  • [22]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [23]
    Assemblée nationale, Commission des finances, de l’économie générale et du plan, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2008 (no 189), Gilles Carrez rapporteur général, Annexe no 9, Défense, Environnement et prospective de la politique de défense, Équipement des forces, Jean-Michel Fourgous rapporteur spécial, 11 octobre 2007, p. 37.
  • [24]
    M. Alliot-Marie, « Vœux aux industriels », 11 janvier 2006 [http://discours.vie-publique.fr/notices/063000143.html] (consulté le 1er avril 2013).
  • [25]
    Devenue ensuite la Commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux.
  • [26]
    Sénat, Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Projet de loi de finances pour 2008 – Défense – Audition de M. Hervé Morin, ministre de la Défense, 10 octobre 2007.
  • [27]
    Y. Fromion, « Les exportations de défense et de sécurité de la France », Rapport confié par M. Dominique de Villepin, Premier ministre, 2006.
  • [28]
    « Préface d’Hervé Morin, ministre de la Défense », CAIA. Le magazine des ingénieurs de l’armement, 90, octobre 2009, p. 4-5.
  • [29]
    « Contrôle et soutien des exportations d’équipements de défense : les deux facettes d’une même réalité », CAIA. Le magazine des ingénieurs de l’armement, 90, octobre 2009, p. 34.
  • [30]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [31]
    Ministère de la Défense, Rapport au Parlement. Les exportations d’armement de la France en 2008, août 2009, p. 51 ; ministère de la Défense, DGA/COD, Dossier de presse, « Premier bilan de la stratégie de relance des exportations du ministère de la Défense », 5 juin 2008.
  • [32]
  • [33]
  • [34]
    Sénat, Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Projet de loi de finances pour 2009, Mission Défense – Audition de M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la Défense, 29 octobre 2009.
  • [35]
    « Préface d’Hervé Morin, ministre de la Défense », CAIA. Le magazine des ingénieurs de l’armement, 90, octobre 2009, p. 5.
  • [36]
    Ministère de la Défense, Les Exportations d’armement de la France en 2007, Rapport au Parlement, octobre 2008, p. 48.
  • [37]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 août 2013.
  • [38]
    Entretien, industriel, 1er juillet 2013.
  • [39]
    « Richard prend le contrôle des ventes d’armes », Intelligence Online, 343, 1er octobre 1998.
  • [40]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [41]
    Entretien, responsables politiques, 24 juillet 2013, 20 décembre 2013, 27 janvier 2014.
  • [42]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 juin 2013 ; entretien, SGDSN, 18 juin 2013.
  • [43]
    Notice biographique Who’s Who in France.
  • [44]
    Entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013.
  • [45]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 août 2013.
  • [46]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [47]
    Entretien, responsable politique, 24 juillet 2013.
  • [48]
    Député du Cher, département où sont localisées des industries de défense, comme Nexter, Roxel.
  • [49]
    Y. Fromion (2006), « Les exportations de défense et de sécurité de la France », Rapport confié par M. Dominique de Villepin, Premier ministre.
  • [50]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013 ; entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013.
  • [51]
    Entretien, ministère de la Défense, 16 juin 2013.
  • [52]
    Entretien, SGDSN, 18 juin 2013.
  • [53]
    Entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013.
  • [54]
    Entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013 ; Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement no 2334, présenté par Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veryet, 25 avril 2000, p. 96 ; « Richard prend le contrôle des ventes d’armes », Intelligence Online, 343, 1er octobre 1998.
  • [55]
    Entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013.
  • [56]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [57]
    « SOFEMA se lance à l’international », Intelligence Online, 490, 17 décembre 2004.
  • [58]
    Entretien, haut fonctionnaire, 27 janvier 2014.
  • [59]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [60]
    Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la Défense, sur le rapport sur les exportations d’armement de la France en 1999, les conditions dans lesquelles elles sont exécutées et la réforme des procédures de contrôle de ces exportations, à l’Assemblée nationale le 25 avril 2001 [http://discours.vie-publique.fr/notices/013001201.html] (consulté le 10 février 2014).
  • [61]
    Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement no 2334, présenté par Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veryet, 25 avril 2000, p. 99-100.
  • [62]
    Entretien, responsable politique, 2 juillet 2013 ; entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013.
  • [63]
    Entretien, ministère de la Défense, 15 juillet 2013.
  • [64]
    Entretien, ministère des Affaires étrangères, 11 juin 2013.
  • [65]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 juin 2013.
  • [66]
    Entretien, responsable politique, 2 juillet 2013.
  • [67]
    Entretien, ministère de la Défense, 29 avril 2013.
  • [68]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [69]
    Entretien, responsable politique, 4 juin 2013.
  • [70]
    Entretien, haut fonctionnaire, 27 janvier 2014.
  • [71]
    « Armement : la France perd des munitions à l’export », La Tribune, 6 juillet 2006.
  • [72]
    Entretien, SGDSN, 30 mai 2013 ; entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013 ; entretien, responsable politique, 24 juillet 2013.
  • [73]
    Entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013 ; entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [74]
    « Armement : la France perd des munitions à l’export », La Tribune, 6 juillet 2006.
  • [75]
    Conseil des industries de défense, qui rassemble les différentes organisations professionnelles des entreprises de défense.
  • [76]
    Entretien, ministère de la Défense, 10 juin 2013.
  • [77]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 juin 2013.
  • [78]
    Entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013.
  • [79]
    Entretien, responsable politique, 2 juillet 2013 ; entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013.
  • [80]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [81]
    Ministère de la Défense, DICOD, Dossier de presse, « La stratégie de relance des exportations du ministère de la Défense », 13 décembre 2007.
  • [82]
    Entretien, responsable politique, 24 juillet 2013.
  • [83]
    Entretien, responsable politique, 24 juillet 2013.
  • [84]
    Assemblée nationale, Rapport sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye et sur les récents accords franco-libyens, no 662, président Pierre Moscovici, rapporteur Axel Poniatowski, 22 janvier 2008. Audition conjointe de M. Jean de Ponton d’Amécourt, ancien directeur chargé de la délégation aux affaires stratégiques (DAS) au ministère de la Défense, et de l’ingénieur général Jean Hamiot, ancien adjoint au directeur de la délégation aux affaires stratégiques chargé du contrôle des biens et technologies sensibles, de la réflexion en matière de stabilité stratégique et menaces nouvelles, 6 décembre 2007.
  • [85]
    Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Audition de M. Michel Miraillet, directeur des affaires stratégiques, sur le projet de loi de finances pour 2008, 10 octobre 2007.
  • [86]
    « Débat sur les ventes d’armes », Intelligence Online, 560, 13 décembre 2007.
  • [87]
    Ibid.
  • [88]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [89]
    Présidence de la République, ministère de la Défense, « Défense et sécurité nationale : le Livre blanc », juin 2008, p. 279.
  • [90]
    « Arbitrage entre la DAS et la DGA », Intelligence Online, 575, 24 juillet 2008.
  • [91]
    Entretien, ministère de la Défense, 25 mars 2013.
  • [92]
    Entretien, ministère de la Défense, 25 mars 2013.
  • [93]
    Entretien, responsable politique, 24 juillet 2013.
  • [94]
    Entretien, ministère de la Défense, 25 mars 2013.

1En 2000, la prise en charge de l’instruction des demandes d’autorisation d’exportation d’armement, première étape du processus de contrôle de ces exportations, est retirée de la Direction du développement international (DI) [2] du ministère de la Défense, responsable par ailleurs des actions de soutien aux exportations. L’instruction des demandes d’autorisation est alors confiée à la Direction des affaires stratégiques (DAS), chargée des analyses politiques, qui obtient par là le pilotage du contrôle des exportations d’armement au ministère de la Défense, tandis que la DI conserve les compétences de soutien. Mais, en 2008, cette réforme est annulée et la DI récupère l’instruction des demandes d’autorisation.

2Ce revirement à moins de dix ans d’écart laisse entendre que la séparation des fonctions de soutien et de contrôle au ministère de la Défense n’a pas été consensuelle. La réforme initiale a de plus lieu sous un gouvernement de gauche, puis est annulée sous un gouvernement de droite, ce qui suggère que le changement de majorité politique a pu peser dans cette volte-face. Or, les exportations d’armement ont trait à un domaine d’action publique, la défense, décrit comme objet d’un consensus parmi la classe politique (Dobry, 1986 ; Irondelle, 2007 ; Meunier, 2012 ; Pascallon, 2007 ; Gautier, 2009). Les revues de littérature consacrées aux politiques d’armement par Irondelle, Joana (2004), et Demotes-Mainard (2013) ne recensent pas d’impact de l’alternance politique dans l’évolution des politiques d’armement. Plus largement, un travail consacré à la politisation de la politique de défense en France (Irondelle, 2007) conclut que la différence gauche/droite n’est perceptible qu’en termes de stratégies d’affichage et de légitimation des candidats à l’élection présidentielle. Cependant, ni Lionel Jospin en 1995 ou 1997, ni Nicolas Sarkozy en 2007, ne mentionnent cet enjeu publiquement au cours de leurs campagnes. Pour autant, l’alternance politique ne peut à elle seule expliquer le changement, puisque la réforme de 2000 n’a pas été annulée immédiatement au retour de la droite en 2002, cette annulation ayant attendu 2008. Cet article propose donc de s’interroger, à travers l’étude de l’évolution dans le temps des rapports entre soutien et contrôle des ventes d’armes, sur l’explication du changement et l’impact de l’alternance politique dans un domaine d’action publique traditionnellement considéré comme « a-politique » (Irondelle, 2007).

3En mobilisant l’approche programmatique (Genieys, Hassenteufel, 2012), cet article montre que la compétition entre deux groupes d’acteurs politico-administratifs, opposés par un double clivage bureaucratique et partisan, entraîne le changement. Un premier groupe « pro-contrôle » se compose de hauts fonctionnaires passés par les cabinets de gauche sous François Mitterrand, de la direction de la DAS, du cabinet du ministre de la Défense de L. Jospin. Leur programme prône un contrôle des exportations indépendant, s’appuyant sur l’émergence de régulations internationales et « d’affaires », qui justifie de confier la charge du contrôle à une direction politique (la DAS). Un deuxième groupe « pro-soutien » se compose de hauts fonctionnaires proches de l’équipe gouvernementale de N. Sarkozy, de la direction de la DI, de députés de droite, et là encore de membres du cabinet du ministre de la Défense. Leur programme privilégie un soutien à l’export efficace, à la faveur d’arguments davantage économiques. Ceci légitime la prise en charge du contrôle des ventes d’armes par une direction responsable du soutien à l’export (la DI) pour une meilleure collaboration entre les deux fonctions. Ces acteurs programmatiques établissent donc par un travail de politisation un lien entre réforme bureaucratique et orientation de la politique de ventes d’armes : la séparation des fonctions de contrôle et de soutien, présentée comme un moyen de renforcer le contrôle, favorise la DAS ; à l’inverse, le regroupement des fonctions, présenté comme un moyen de renforcer le soutien, privilégie la DI. Les hauts fonctionnaires cherchant à récupérer l’autorité sur le secteur, tout en poursuivant des objectifs politiques, sont alliés à des hommes politiques qui veulent marquer symboliquement un changement d’orientation de la politique d’exportation d’armement, en mettant en avant soit une politique de modération, soit un appui aux industriels. Ainsi, l’enjeu symbolique pour les acteurs politiques et la politisation des enjeux bureaucratiques par les acteurs administratifs s’alimentent mutuellement. La juxtaposition de ces enjeux explique que le secteur des ventes d’armes soit perméable à l’alternance politique. Cependant, l’étude des interactions entre groupes d’acteurs montre qu’il faut attendre une redistribution des ressources pour que le changement soit possible en 2008, et non en 2002 dès le retour d’une majorité de droite au pouvoir.

4Après avoir sélectionné l’approche programmatique, nous identifierons deux programmes d’action, « pro-contrôle » et « pro-soutien ». Puis nous examinerons comment l’alternance impacte la compétition des groupes politico-administratifs portant ces programmes. Ainsi, nous verrons que politics matter dans le secteur des ventes d’armes, au sens où des programmes politisés permettent de comprendre le contenu du changement, mais que l’alternance politique n’explique pas ici le timing du changement. Il faut pour cela prêter attention aux interactions et à la répartition des ressources entre acteurs et à l’évolution des rapports de force.

La politique de défense est ce que les acteurs en font : le changement dans les politiques de défense

5Comment aborder le changement dans la politique d’exportation d’armement ? Nous retraçons les enjeux qui s’entremêlent dans cette politique grâce à la littérature sur les ventes d’armes. Cependant, cette littérature n’aborde que rarement les acteurs ou le changement – c’est pourquoi nous nous tournons ensuite vers des travaux plus larges sur la question du changement dans la politique de défense. Ceux-ci nous conduisent à choisir l’approche programmatique pour étudier le changement à partir des interactions entre groupes d’acteurs.

Une littérature sur les ventes d’armes dépourvue d’acteurs

6Les exportations d’armement, c’est-à-dire le transfert d’un territoire national vers un autre de capacités militaires, se situent au croisement de différents dilemmes. La littérature qui leur est dédiée apporte un éclairage sur ces enjeux.

7Les déterminants du soutien étatique aux ventes d’armes ont été analysés à partir de la typologie du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI, 1971, p. 17). Les auteurs du SIPRI catégorisent les États vendeurs en trois groupes, selon des buts hégémoniques, économiques, ou restrictifs. Cette typologie est reprise soit telle quelle, soit nuancée par nombre d’auteurs du champ (Harkavy, 1975 ; Kolodziej, 1979 ; Smith et al., 1985 ; Sanjian, 1988, 1991 ; Krause, 1992). Wezeman (2010, p. 200) parle également de motivations économiques et politiques. Yanik (2006) privilégie les motivations économiques pour expliquer les ventes d’armes, et y ajoute la marge d’interprétation des normes de contrôle. À l’inverse, Moore (2010) estime que les exportateurs violent les embargos du fait de facteurs politiques. On peut retenir de ces études que le soutien aux exportations s’explique par des considérations économiques et politico-stratégiques, auxquelles s’ajoutent parfois des considérations idéelles. C’est ce que démontre l’étude des exportations d’armement française par Kolodziej (1987), pour qui celles-ci sont guidées par l’idée d’indépendance imprimée depuis les années 1960 dans la politique étrangère.

8Les recherches sur le contrôle des exportations soulèvent aussi des intérêts stratégiques, économiques et idéels, qui entrent en confrontation avec les précédents. Pour Davis (2002), des questions de sécurité et l’importance croissante de considérations normatives poussent les États à réguler les exportations vers les États en conflit et/ou dont les gouvernements violent les droits de l’homme. Cet aspect éthique revient dans les travaux autour du Code de conduite des exportations européen (Holm, 2006 ; Bauer, 2003 ; Bromley, Brozska, 2008 ; Depauw, 2010 ; Erickson, 2013). En outre, le contrôle des exportations a aussi un aspect économique, puisqu’il s’agit de ne pas vendre son savoir-faire à un potentiel compétiteur sur le marché de l’armement (Hagelin, 2012). D’autres travaux soulignent l’importance du contrôle pour la sécurité collective. Étant donné leurs conséquences sur les rapports de force militaires, les ventes d’armes sont vues comme potentiellement déstabilisatrices d’un équilibre régional.

9Cette littérature révèle que l’articulation des fonctions de soutien et de contrôle est liée aux arbitrages entre ces dilemmes économiques, stratégiques et idéels. Cette tension s’incarne dans les interactions entre acteurs en charge de la politique et qui doivent effectivement réaliser ce choix. Or, peu de ces travaux effectuent une analyse au niveau des acteurs. Gärtner (2010) évoque le dilemme entre mécanismes multilatéraux et intérêts économiques et politiques du contrôle, mais il s’en tient au niveau international et non domestique. Sanjian explique d’ailleurs que la typologie du SIPRI est « relativement inattentive à l’impact des processus politiques domestiques sur les choix nationaux » (1991, p. 180). Nous n’avons relevé qu’un seul ouvrage traitant du lien entre soutien et contrôle des exportations d’armement au niveau d’analyse des acteurs. Dans La Défaite des généraux (1994), Cohen étudie la prise de décision en matière de ventes d’armes (p. 149-188). Il différencie un État « pousse-au-crime » (soutien) d’un État « vertu » (contrôle) [3], à partir de l’affaire des vedettes de Cherbourg, l’affaire Luchaire et l’aide militaire à l’Irak. Selon lui, ces trois cas illustrent « l’incapacité de l’État-vertu à maîtriser les pulsions de l’État “pousse-au-crime” » (p. 176). Cet argument peut cependant être contesté. L’étude de Cohen ne concerne que trois affaires où les acteurs du soutien ont emporté les arbitrages contre ceux du contrôle, mais il n’étudie pas de cas où l’inverse aurait pu se produire. Or, la réforme que nous étudions suggère que les acteurs en charge du contrôle ont réussi à imposer leur indépendance vis-à-vis des acteurs du soutien au ministère de la Défense, pour un temps tout du moins.

10Nous nous tournons donc vers des études concernant la défense plus largement, pour y trouver des explications du changement et des analyses au niveau des acteurs.

Le changement dans la politique de défense dans l’analyse des politiques publiques

11L’étude des politiques de défense dans la science politique française fait l’objet d’un dynamisme renouvelé, notamment depuis que Vennesson (2000) a repositionné les politiques de défense comme objet de recherche pour les politistes. Irondelle (2003, 2011a) explique la fin du service militaire grâce notamment à la fenêtre d’opportunité de l’élection présidentielle et au leadership présidentiel, changement « filtré » par les institutions préexistantes. Un ouvrage dirigé par Genieys (2004) suit le développement du char Leclerc et de l’avion de transport A400M, mettant en évidence l’existence d’élites de programme dans l’armement. Hoeffler (2011, 2013) montre que la privatisation des industries de défense et le développement de la coopération européenne ont été un moyen pour les États européens de sauvegarder ces industries. Dufournet (2011) étudie le renversement de la position française sur le traité d’interdiction des bombes à sous-munitions. Elle montre l’importance d’une échéance présidentielle pour modifier la direction d’une politique de défense. Mais ce faisant, elle souligne que c’est le travail de politisation par anticipation des diplomates qui a « traduit » le bouleversement électoral dans la formulation de la politique. Demotes-Mainard (2013) interroge l’arrêt de grands programmes américains. Afin de dépasser la multiplicité de facteurs explicatifs qu’il identifie dans la littérature (stratégique, économique, technologique et bureaucratique), il met en avant l’approche cognitive pour combiner analyse du contexte, des institutions et des acteurs. Pour expliquer l’évolution de la politique américaine de contrôle des exportations d’armes et de biens à double usage vers la Chine, Meijer (2013, 2014a, 2014b) propose un cadre d’analyse qui combine l’influence mutuelle des pressions domestiques et internationales sur les acteurs. D’après lui, la capacité de l’État américain à contrôler les exportations ayant diminué dans l’après-guerre froide, ceci a permis l’émergence d’une coalition poussant pour un assouplissement des contrôles afin de préserver l’industrie de défense américaine et ainsi de maintenir la prééminence des États-Unis – amenant à une réévaluation de l’arbitrage entre intérêts stratégiques et économiques par rapport à la guerre froide.

12Ces différentes études nous orientent donc vers une explication du changement par les acteurs. Cependant, la question de l’alternance politique dans la politique de défense y demeure indirectement traitée. Meijer montre l’importance du leadership présidentiel, mais que son implication dépend de l’intérêt qu’il porte à l’enjeu et non de son étiquette politique, se rapprochant ainsi sur ce plan des conclusions de Zhang (2006) sur les ventes d’armes américaines à Taiwan. Irondelle et Dufournet montrent que la fenêtre d’opportunité ouverte par l’élection présidentielle permet aux parties prenantes d’avancer leurs idées, ce qui semble attester d’un impact de la compétition électorale sur le changement dans les politiques de défense. Il faut donc retrouver dans la littérature théorique des hypothèses permettant de tester l’impact de l’alternance politique dans les réformes des procédures de contrôle et de soutien des exportations d’armement.

Les acteurs programmatiques comme moteur du changement

13Plusieurs cadres théoriques expliquent le changement à partir des acteurs d’un secteur de politique publique, notamment l’advocacy coalition framework (ACF). Selon cette approche « le processus de fabrication d’une politique se produit en premier lieu parmi les spécialistes (du domaine de cette politique) qui cherchent régulièrement à influencer la décision en la matière à l’intérieur d’un sous-système de politique publique particulier » (Sabatier, 2010, p. 49). Les acteurs sont mus avant tout par leurs croyances, non par leurs intérêts. Des coalitions se forment par les croyances partagées et interagissent au sein d’un secteur pour imposer leurs idées (Sabatier, Schalger, 2000, p. 227). À partir des coalitions, l’ACF propose plusieurs explications du changement, par l’apprentissage, les perturbations internes ou externes, ou un accord négocié (Sabatier, Weible, 2007). Les perturbations externes redistribuent les ressources au sein du sous-système et peuvent ainsi mener au remplacement d’une coalition par une autre – ce qui correspond aux changements induits par une alternance politique. Plus précisément, l’ACF estime que les perturbations sont une cause « nécessaire mais non suffisante » du changement : il faut que les acteurs voulant le changement se les approprient (Sabatier, 1998, p. 118).

14Cependant, les auteurs de l’ACF reconnaissent que les liens entre perturbations extérieures et changement de politique doivent être mieux établis (Sabatier, Weible, 2007, p. 199). C’est ce que leur reproche Hassenteufel (2008, p. 134) : selon lui les facteurs externes ne sont « pas suffisamment articulés aux coalitions de cause ». Une autre critique est que l’accent mis sur les croyances des acteurs occulte leurs intérêts (Bergeron et al., 1998, p. 216). Deux autres limites sont cruciales pour le questionnement poursuivi dans cet article. Tout d’abord, l’ACF ne prend que peu en compte la compétition politique dans l’analyse d’un sous-système et l’explication du changement (Zohlnhöfer, 2009). Enfin, sur le plan méthodologique, l’identification des coalitions et de leurs croyances repose principalement sur le codage d’auditions parlementaires et de questionnaires (Sabatier, Jenkins-Smith, 1999, p. 128). Or, les informations exprimées en public ne peuvent que succinctement rendre compte des rapports de force et des croyances des acteurs (Genieys, Hassenteufel, 2012, p. 102), particulièrement dans le secteur de la défense.

15À la suite de Meijer (2013), nous proposons l’approche programmatique. Cette approche permet d’identifier des groupes d’acteurs, relativement peu nombreux, liés par un programme d’action, lequel porte des valeurs communes, un diagnostic à des problèmes identifiés, un argumentaire légitimant l’action et des mesures concrètes. Ces acteurs participent aux processus décisionnels et disposent de ressources positionnelles, de savoir, de légitimité, relationnelles et temporelles, grâce auxquelles ils influencent l’action publique. Ils sont présents durablement dans le secteur sur lequel ils cherchent à influer, ce qui les place dans un processus d’apprentissage (Genieys, Hassenteufel, 2012, p. 96 ; Hassenteufel et al., 2010). Se situant déjà en position de force dans le système politico-administratif, la carrière des acteurs programmatiques n’est pas nécessairement en jeu, ils peuvent donc rechercher le changement dans un contexte de stabilité institutionnelle (Genieys, Smyrl, 2008, p. 88).

16L’approche programmatique comble de manière satisfaisante les limites de l’ACF. Elle établit un lien entre pressions externes et appropriation par les acteurs, à travers la notion de programme. Ici, le contexte est « construit par des acteurs des politiques publiques qui vont chercher à imposer une représentation en termes de contraintes » (Genieys, Hassenteufel, 2012, p. 111). Le contexte est une ressource pour les acteurs, qui politisent l’environnement en le réintégrant à l’argumentation en faveur de leur programme. Un même contexte peut donc être lu et repris différemment par les divers groupes d’acteurs programmatiques, qui en feront un usage politique. De plus, cette approche combine mieux idées et intérêts en postulant que les acteurs programmatiques promeuvent leurs idées et les réformes qu’elles entraînent qui, outre une meilleure option de politique publique à leurs yeux, représentent aussi une consolidation de leurs positions au sein de l’État (Hassenteufel et al., 2010, p. 258). Le changement s’explique donc principalement à partir de la « competition for authority over policy with other elite groups within the state » (Genieys, Smyrl, 2008, p. 76). Enfin, méthodologiquement, l’approche programmatique repère les acteurs et leurs croyances grâce à la sociologie des élites et la sociologie de l’action publique (Genieys, Hassenteufel, 2012, p. 102).

17De l’approche des acteurs programmatiques découlent plusieurs hypothèses pour notre cas d’étude. À la question comment expliquer des changements institutionnels dans un domaine d’action publique considéré comme « a-politique », on peut avancer l’hypothèse d’une compétition pour l’autorité sur la politique d’exportation d’armement entre groupes d’acteurs programmatiques (Genieys, Smyrl, 2008, p. 90).

18À partir des propositions de Genieys et Hassenteufel (2012, p. 99-101) pour opérationnaliser l’approche programmatique, nous avons d’abord repéré les personnes détenant les postes-clés dans le secteur entre 1990 et 2010 grâce à des sources écrites (Who’s Who, « Acteurs publics », Annuaire du service public, Journal officiel). Puis ces informations, combinées à 50 entretiens semi-directifs et des sources primaires (rapports publics) et secondaires (revues spécialisées), ont permis de reconstituer les perceptions et trajectoires des individus ayant une carrière longue liée aux exportations d’armement. Au ministère de la Défense, les acteurs administratifs responsables du soutien aux exportations sont principalement la DI, qui fait partie de la DGA, et l’État-Major des armées (EMA), qui via des démonstrations ou des mises à disposition des matériels notamment a aussi un rôle de promotion. Les acteurs administratifs participant au processus de contrôle sont également la DI et l’EMA, ainsi que la DAS depuis 2000 – auxquels s’ajoutent des services de renseignement. Leurs avis sont débattus au cabinet avant d’être confrontés à ceux du ministère des Affaires étrangères, de l’Économie et des finances, et du Secrétariat général pour la défense et la sécurité nationale (SGDSN) [4] lors de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). C’est en premier lieu parmi ces institutions que nous avons repéré puis interrogé les acteurs, sur leurs perceptions, leurs interactions et leurs trajectoires.

Deux programmes articulant objectifs politiques et réorganisation administrative : explication du contenu du changement

19Il s’agit à présent d’identifier les programmes d’actions qui établissent l’articulation entre orientation de la politique publique et réformes bureaucratiques. Nous verrons ainsi comment l’argumentation dans le contenu des programmes légitime la redistribution des compétences entre la DAS et la DI au ministère de la Défense.

L’appropriation des contextes économique et idéel au sein des programmes d’action

20Identifier un programme est une des conditions pour être en présence d’acteurs programmatiques (Genieys, Smyrl, 2008, p. 88). Pour ce faire, nous allons tout d’abord voir que, bien que les contextes économiques et idéels présentent des paramètres similaires en 2000 et en 2008, les acteurs partisans de la séparation du soutien et du contrôle reprennent des arguments idéels, tandis que ceux en faveur du regroupement mettent en avant des arguments économiques pour justifier leurs programmes respectifs.

21Depuis le début des années 1990, des mécanismes internationaux sont mis en place pour assurer la prise en compte des questions éthiques dans le commerce des armes. En 1992, les Nations Unies créent le Registre des Armes Classiques, lequel promeut une plus grande transparence (Holtom et al., 2011) ; la campagne sur les mines antipersonnel démarre au début des années 1990 jusqu’en 1997 (Price, 1998) ; celle pour le Code de conduite européen commence en 1996-1997 et aboutit en 1998 (Stavrianakis, 2010). Mais le développement de régulations internationales se poursuit au long des années 2000. Les ONG réclament le renforcement du Code de conduite européen dès 2003, devenu une Position commune en 2008 (Stavrianakis, 2010). Les pressions de la société civile pour un traité sur le commerce des armes commencent dès le début des années 2000 et se poursuivent le long de la décennie (Bromley et al., 2012). La campagne sur le traité sur les bombes à sous-munitions débute en 2003, avec une Convention adoptée en 2008 (Dufournet, 2011). Au même moment, éclatent en France des scandales liés à des ventes d’armes. Lors de la guerre du Golfe de 1990-1991, l’Irak utilise des équipements militaires d’origine française contre les armées françaises (Isnard, 1991). En outre, l’Irak ne rembourse pas des crédits octroyés par la France, ce qui pousse des parlementaires à demander un meilleur encadrement du financement des ventes d’armes (Barillot, Elomari, 1995, p. 8-10). D’autres scandales marquent les années 1990 : l’affaire Luchaire (1987), les « Exocet » argentins (1988), les frégates de Taïwan (1991), l’Angolagate (1994), et le Rwanda (1994). Ces affaires ont cependant des répercussions de long terme puisque ce n’est qu’en 2011 que l’affaire taiwanaise est définitivement jugée [5] et que le verdict en appel de l’Angolagate est rendu (Robert-Diard, 2011). D’autres affaires ont éclaté depuis, avec la révélation d’un meurtre en 2006 lié à une vente de sous-marins à la Malaisie (Vidalie, 2013), et le possible lien entre les ventes de sous-marins au Pakistan et l’attentat de Karachi (Arfi, Lhomme, 2008). Ainsi, le contexte idéel pouvait fournir des arguments favorables au contrôle tant en 2000 qu’en 2008.

22Sur le plan économique, une crise des exportations d’armement sévit depuis la fin des années 1980. La baisse des dépenses militaires mondiales à la fin de la guerre froide a réduit les débouchés. La fin de la guerre froide a de plus mis un terme à un argument des Français pour la promotion de leurs matériels, puisque l’ordre bipolaire permettait à la France de faire valoir sa position de troisième voie entre États-Unis et Russie (Gautier, 2009, p. 475). La France a aussi perdu une clientèle autrefois fidélisée, et fait désormais face à une forte concurrence : « Le marché est beaucoup plus fluide, et on est en concurrence avec tout le monde, partout. Maintenant les Russes et les Chinois sont en Amérique latine, les Américains sont en Inde… ce n’était pas le cas avant » [6]. Enfin, les matériels français sont apparus à leur désavantage par rapport aux matériels américains pendant la guerre du Golfe (Keller, 1995, p. 159) [7]. Ainsi, après un « âge d’or » (Bourdeille, 1990, p. 8), c’est un déclin qui s’amorce (voir graphique 1). On assiste à une reprise de la croissance des dépenses militaires mondiales à partir de 2001-2002, tirée par les guerres en Afghanistan et en Irak et les efforts de modernisation en Europe et chez des pays émergents (Bélanger et al., 2012, p. 1), mais les échecs successifs de la vente du Rafale ont un retentissement symbolique qui participe de l’impression du déclin des ventes d’armes françaises malgré l’embellie provisoire du marché. Enfin, la crise budgétaire depuis 2008 ainsi que les retraits d’Afghanistan et d’Irak limitent à nouveau les dépenses militaires, surtout en Europe et aux États-Unis (Quéau, 2013).

Graphique 1

Évolution des livraisons d’armement françaises (en millions de TIV), 1960-2012*

Graphique 1

Évolution des livraisons d’armement françaises (en millions de TIV), 1960-2012*

* Les Trend Indicator Value (TIV) sont l’unité de mesure du SIPRI pour évaluer les volumes de livraison des systèmes d’armes conventionnels.

23Le contexte économique difficile pour les exportations d’armement françaises pouvait donc en 1997-2000 comme en 2006-2007 être mobilisé pour légitimer les arguments en faveur du soutien aux exportations.

Un contrôle indépendant ou un soutien efficace ? Politisation des enjeux bureaucratiques

24On identifie donc deux programmes en 1997-2000 puis 2006-2007, mobilisant des arguments idéels puis économiques, pour imposer une perception de la conduite des exportations d’armement, vision qui elle-même justifie de renforcer l’autorité soit de la DAS soit de la DI.

25En arrivant au pouvoir en 1997, les socialistes français ont « la volonté de se démarquer des périodes précédentes et de ne pas reproduire des problèmes politiques comme autrefois, Iran-Irak ou la guerre des Malouines, où on se voit obligé de condamner l’usage d’armements que l’on a vendus [8] ». Dit de manière plus directe, « la majorité socialiste considérait que les gouvernements précédents avaient été laxistes [9] ». Lorsqu’il prend place à l’hôtel de Brienne, Alain Richard demande alors à son représentant spécial pour les exportations d’armement un rapport (non publié), dont l’un des objectifs est d’obtenir « des exportations non critiquables sur le plan de la transparence et des conséquences. Le ministre souhaitait un système qui garantisse vis-à-vis de l’opinion que tout a bien été vu [10] ». L’objectif est de « remettre la France dans les normes internationales [11] ». Cela s’est traduit par la signature de la Convention sur les mines antipersonnel en 1997, le rapport au Parlement sur les exportations d’armement en 2000, le contrôle des opérations d’intermédiation en 2001 et la ratification de la Convention anti-corruption de l’OCDE en 2000. Par ailleurs, la gauche française arrive au pouvoir au même moment que le New Labour au Royaume-Uni. La campagne de ce dernier contenait des propositions pour renforcer le contrôle (Davis, 2002 ; Matelly, Le Blanc, 2004, p. 145). Le gouvernement Blair lance rapidement l’initiative d’un Code de conduite européen des exportations d’armes, et le gouvernement Jospin accepte l’offre britannique de coproposer cette initiative auprès des partenaires européens [12].

26S’élabore ainsi un programme d’action autour de l’idée que « la France n’est pas assez rigoureuse [13] » et qu’il faut « donner un grand tour de vis [14] ». Afin de défendre un objectif politique privilégiant « la culture du contrôle » (Neu, 2000), se développe un argumentaire selon lequel « mettre promotion et contrôle au même endroit ce n’est pas une bonne idée [15] ». En effet, selon les acteurs portant ce programme, si promotion et contrôle sont sous une autorité commune, les agents deviennent « totalement schizophrènes, puisqu’on ne sait plus sur quoi on est noté [16] ». Ils légitiment la vision selon laquelle « pour un contrôle robuste, il fallait séparer les variables [17] ». La justification était d’« éviter les conflits d’intérêt » (Neu, 2000), créés selon eux du fait d’une proximité perçue comme trop forte entre les ingénieurs de l’armement de la DI et les industriels. Autrement dit, « il ne fallait pas être à la fois juge et partie [18] ».

27L’un des objectifs de la séparation était donc de récupérer le rôle d’interlocuteur des industriels, plus précisément le « pouvoir de filtrage », soit la possibilité de trier en amont les demandes d’autorisation [19]. En outre, l’entrée de la DAS dans le contrôle des exportations permettait au cabinet, en charge d’arbitrer les dossiers, de disposer d’avis contradictoires. Mettre en contradiction les différents acteurs au sein du ministère renforçait la capacité de décision du cabinet de par la multiplication des avis et des canaux d’information [20]. Un dernier argument justifiant le déplacement de l’instruction des dossiers était qu’il fallait, à l’analyse technique de la DI, ajouter une analyse politique et prospective [21] – travail correspondant aux compétences de la DAS : « la décision de dire oui ou non est une décision politique, or la direction politique au ministère de la Défense est à la DAS [22] ». Ces différents arguments légitimaient donc l’acquisition par la DAS de l’instruction des demandes d’autorisation : en privilégiant l’analyse politique dans le contrôle des exportations, la DI, en charge du soutien, n’est plus censée avoir la haute main sur les dossiers. Ainsi, en créant une procédure de contrôle autonome du soutien à l’export, les acteurs favorables à cette réforme justifiaient par leur programme le renforcement de la DAS.

28Mais à partir de 2006-2007, un programme mobilisant des arguments économiques propose un autre objectif. Le mot d’ordre est de « restaurer la confiance entre les industriels d’une part, les services de l’État et le monde politique d’autre part [23] ». En 2006, la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie propose le député Yves Fromion pour un rapport examinant l’adéquation entre le soutien des ventes d’armes et le marché international [24]. Son rapport, bien reçu par les industriels (Ruello, 2006), donne l’impulsion pour engager les réformes mises en œuvre ensuite : peu après son entrée en fonction, le ministre Hervé Morin annonce un plan de soutien aux exportations. Ce plan comprend la création d’une Commission interministérielle pour les exportations de défense et de sécurité [25] et d’un plan national stratégique des exportations de défense. L’« adaptation » des procédures de contrôle est aussi lancée [26].

29Parmi les mesures visant à mieux appuyer les exportations, un premier argument présente la réforme du contrôle comme un moyen d’améliorer le soutien. Le rapport Fromion de 2006 préconise que le système de contrôle soit adapté « à ses ambitions en matière d’exportation [27] ». La « fluidification » et la « modernisation » du contrôle font partie des mesures pour améliorer le soutien à l’export [28]. Un dirigeant de la DI écrit en 2009 que « contrôle et soutien des exportations d’équipements de défense [sont] les deux facettes d’une même réalité [29] ». Ces arguments font valoir que séparer le soutien et le contrôle « était absurde [30] ». On retrouve l’argumentation réévaluant le contrôle comme un appui au soutien dans divers documents ministériels [31]. Cette idée transparaît en particulier dans les programmes de performance budgétaire. Dans le projet de loi de finances 2008, le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », le contrôle des exportations fait partie de l’action « diplomatie de défense ». Le contrôle des exportations « contribue directement à la sécurité de la France face à des menaces intérieures et extérieures sensibles [32] ». Mais, l’année suivante, le contrôle est déplacé au sein de l’action « soutien aux exportations », qui a pour finalité de « développer les exportations d’armement et, à cet effet, de soutenir les industriels exportateurs dans leurs actions [33] ». Les indicateurs relatifs au soutien et au contrôle des exportations d’armement sont donc réunis au sein d’un seul objectif, celui du soutien [34].

30Un autre argument est relatif au dialogue avec l’industrie. D’après H. Morin, « l’objectif est une meilleure prise en compte des besoins de nos entreprises qui nous demandent de répondre rapidement aux questions qu’elles nous posent, en particulier dans le cas des PME-PMI [35] ». De la même manière, un rapport datant de 2008 argue que le regroupement des fonctions de contrôle et de soutien a pour but de faciliter « les relations entre les entreprises et l’administration. Les industriels auront désormais un point d’entrée unique, la DGA/DDI, pour déposer toute demande d’exportation [36] ». Dit plus clairement : « on a rattaché le contrôle au soutien dans l’idée que ça serait plus rapide de rapprocher l’administration du business [37] ».

31Ce programme légitime la réappropriation par la DI de l’instruction des dossiers : en privilégiant la notion d’un contrôle à l’appui des actions de promotion, la DI est de nouveau considérée comme la plus compétente. H. Morin a d’ailleurs expliqué : « J’ai décidé de renforcer le rôle de la DGA dans l’organisation des exportations d’armement et notamment de lui confier l’instruction des dossiers d’autorisation d’exportation jusqu’alors répartis dans deux services différents du ministère » (Cabirol, 2008). Ainsi, à l’inverse de la rhétorique développée en 1999-2000 qui voulait un contrôle « politique », les acteurs programmatiques en position de force en 2007 veulent un soutien « efficace ». Un industriel peut donc décrire la réforme ainsi : « Avec le changement entre la DGA et la DAS, c’est le moment où le contrôle est passé soutien [38]. » Là encore, un programme permet de justifier une vision des solutions adéquates à des problèmes perçus dans la politique d’exportation, mais aussi de renforcer l’autorité d’acteurs administratifs sur l’action publique concernée.

Tableau 1

Deux programmes politisés et opposés

Tableau 1
Objectif politique Réappropriation du contexte Lien avec la réforme administrative Programme « pro-contrôle » Contrôle plus indépendant Régulation internationale ; évitement des scandales Donner le contrôle à une direction politique, pour une analyse politique et prospective Programme « pro-soutien » Soutien plus efficace Enjeux économiques ; dialogue avec les entreprises Donner le contrôle à une direction en charge du soutien pour une meilleure collaboration entre contrôle et soutien

Deux programmes politisés et opposés

32Ces deux programmes constituent un travail de politisation faisant le lien entre réforme bureaucratique et orientation de la politique d’exportation d’armement : la séparation des fonctions de contrôle et de soutien, présentée comme un moyen de renforcer le contrôle face au développement de normes dans la régulation des ventes d’armes, favorise la DAS ; à l’inverse, le regroupement des fonctions, présenté comme un moyen de renforcer le soutien dans un contexte économique difficile, privilégie la DI. L’existence de deux programmes politisés permet de comprendre que l’alternance politique peut impacter le contenu du changement. Mais il reste à déterminer comment des groupes d’acteurs portent ces programmes et réussissent à les mettre en œuvre, et donc à expliquer le timing du changement.

Compétition entre acteurs programmatiques : explication du timing du changement

33Les programmes décrits précédemment sont portés par deux groupes d’acteurs dont la constitution montre une juxtaposition entre les clivages bureaucratiques et partisans. Le groupe « pro-contrôle » est composé principalement d’acteurs marqués à gauche et liés à la DAS. Le groupe « pro-soutien » est composé d’acteurs marqués à droite et liés à la DI. Ce n’est qu’en étudiant la composition de ces groupes, leurs ressources et leur compétition que le poids de l’alternance politique devient visible : le changement de majorité doit pouvoir modifier les rapports de force entre les groupes d’acteurs.

Deux groupes d’acteurs programmatiques divisés par un clivage partisan et bureaucratique

34Un premier groupe « pro-contrôle », en charge des postes-clés de la politique d’exportation d’armement un peu avant et pendant la période Jospin, est regroupé notamment autour de la direction de la DAS, considérée comme un « super-cabinet diplomatique » (Frison-Roche, 2005). Le premier directeur de la DAS, Jean-Claude Mallet, « haut fonctionnaire de sensibilité de gauche » (Genieys, 2008, p. 125), est un ancien membre du cabinet de Pierre Joxe à l’Intérieur puis à la Défense. Il prend la tête de la DAS à sa création en 1992, puis part en 1998 diriger le SGDSN, qu’il quittera en 2004 (Chanteloup, 2012, 2007). Lorsque J.-C. Mallet arrive à la tête du SGDSN, pour « la première fois en France, le secrétaire général de la défense nationale va présider en personne la [prochaine] réunion de la [CIEEMG]. […] Jean-Claude Mallet marque ainsi sa volonté d’exercer pleinement ses attributions, et de les élargir au-delà d’un rôle purement technique de “secrétariat” [39] ». Il a soutenu la réforme de la répartition du contrôle entre la DI et la DAS [40], impulsée principalement par les membres du cabinet d’A. Richard, dont certains avaient aussi travaillé à la DAS et même participé à sa création [41]. La réforme a été également soutenue par le successeur de J.-C. Mallet à la DAS [42], de même passé par des cabinets ministériels de gauche [43].

35Le groupe « pro-soutien » parvenu à imposer l’annulation de la réforme moins de dix ans plus tard est regroupé principalement autour de la direction de la DI. Son directeur a été décrit comme l’homme ayant réussi à revenir sur la séparation du soutien et du contrôle, grâce notamment à ses « connexions avec l’Élysée » [44], plus précisément une « relation privilégiée avec Claude Guéant » [45]. Ancien directeur de la Direction des relations économiques extérieures du ministère de l’Économie et ancien directeur des affaires financières du ministère de la Défense, le nouveau directeur de la DI avait été choisi en 2006-2007 par M. Alliot-Marie pour redynamiser les ventes d’armes [46]. Ce groupe d’acteurs programmatiques compte en outre des membres du cabinet du ministre de la Défense qui, arrivant en poste, ont considéré le processus de contrôle des exportations trop long et ont fait de ce sujet une priorité [47]. Enfin, des députés ont aussi impulsé la réorganisation du contrôle. En effet, le rapport d’Y. Fromion [48], en 2006 [49], dont une grande partie des mesures proposées ont été reprises, peut être vu comme un « texte programmatique de référence » (Genieys, Hassenteufel, 2012, p. 103) et a été pour partie inspiré par la DI [50].

36Ces informations sont formalisées dans deux tableaux infra. Le premier indique les acteurs favorables à la réforme en 2000 et leurs opposants. Le second indique les acteurs souhaitant l’annulation de cette réforme en 2008, et leurs opposants.

37Ces tableaux font ressortir deux clivages qui se juxtaposent. Le premier est partisan : les acteurs favorables à la séparation ont des trajectoires liées à la gauche au pouvoir ; les acteurs favorables au regroupement sont plus proches de la droite. Outre les ressources liées à leur durée d’action dans le secteur (de savoir et de compétence) et liées à la détention de postes-clés (institutionnels), ceci leur confère également des ressources relationnelles, avec les acteurs politiques de gauche ou de droite. Le second clivage est bureaucratique. Le groupe « pro-contrôle » présente des trajectoires liées à la DAS, tandis que le groupe « pro-soutien » s’articule autour de la DI. Les opposants à chaque réforme présentent les caractéristiques inverses. Enfin, ce tableau éclaire un autre élément, qui renforce l’hypothèse de la politisation, puisqu’un député a pu influer la formulation de la politique de défense, en collaboration avec des acteurs administratifs, ce alors que le Parlement français est réputé peu influent en matière de défense (Irondelle et al., 2012).

Interactions et apprentissage pour expliquer le « timing » du changement

38Peu après sa création à la suite de la guerre du Golfe, la DAS connaît une rapide montée en puissance (Genieys, 2010, p. 160). Elle est en charge à l’origine surtout de prospective, mais la DAS s’engage bientôt dans la préparation du Livre blanc et des lois de programmation militaire (LPM) de 1994 et de 1996 (Gautier, 2009, p. 379). La nomination à sa direction d’un membre du cabinet de Pierre Joxe donne dès le départ à la DAS un haut profil. La DAS a ainsi un accès privilégié au pouvoir politique, dépendant directement du ministre (Frison-Roche, 2005). Aujourd’hui encore, la DAS est perçue comme « une extension du cabinet [51] ». L’élargissement des compétences de la DAS se fait au détriment de l’EMA et de la DGA, à un moment où ni l’un ni l’autre ne sont en capacité de s’y opposer. La réduction du format des armées, la préparation de la LPM, et les opérations extérieures et accaparent l’EMA (Frison-Roche, 2005). Quant à la DGA, elle est dans la deuxième moitié des années 1990 en disgrâce. « La DGA était considérée comme une machine à fric à laquelle il fallait tordre le cou. Et la DAS avait des moyens et de l’ambition [52] ». Les ingénieurs de l’armement de la DGA deviennent le « bouc émissaire » des difficultés industrielles (Joana, 2008, p. 47). Irondelle (2011b, p. 503-504) note que SGA, EMA et DAS critiquent alors vivement la DGA. La DGA fait en conséquence l’objet d’une difficile réforme à partir de 1996-1997 (Hoffler, 2011). C’est dans ce contexte, et alors qu’« à l’origine la DAS n’a aucune fonction de contrôle – ni de soutien [53] », que la DAS récupère la compétence du contrôle. « Ce choix […] permettait à la DAS de s’imposer face à la DGA, de concurrencer sa DRI (Direction des relations internationales) sur son propre terrain et de récupérer à son profit une partie de la fonction étude-recherche qui en sous-tendait l’action » (Frison-Roche, 2005).

Tableau 2

Groupe « pro-contrôle » et opposants

Tableau 2
Groupe « pro-contrôle » : partisans de la séparation soutien/contrôle en 2000 Opposants au groupe « pro-contrôle » : partisans du statu quo en 2000 Acteurs administratifs Acteurs politiques Acteurs administratifs Acteurs politiques Position au moment de la réforme (ressources positionnelles) Dir. SGDSN Dir. DAS Cab. Mindef Dir. DI Conseiller Mindef Trajectoire (ressources de savoir, de légitimité) Cab. Mindef ; Dir. DAS Cab. Mindef ; MAE DAS DGA ; DCN Ambassadeur Proximité aux acteurs politiques (ressources relationnelles) Gauche Gauche Gauche – Droite

Groupe « pro-contrôle » et opposants

Tableau 3

Groupe « pro-soutien » et opposants

Tableau 3
Groupe « pro-soutien » : partisans du regroupement soutien/contrôle en 2008 Opposants au groupe « pro-soutien » : partisans du statu quo en 2008 Acteurs administratifs Acteurs politiques Acteurs administratifs Acteurs politiques Position au moment de la réforme (ressources positionnelles) Dir. DI Adjoints Dir. DI Députés Cabinet Mindef Dir. DAS Dir. Livre blanc Ambassadeur Trajectoire (ressources de savoir, de légitimité) DREE ; Mindef DGA ; Industrie Circonscriptions industrie de défense SGDSN Contrôle export au MAE ; SGDSN SGDSN ; DAS ; Cabinet Mindef Cabinet Mindef ; DAS Proximité aux acteurs politiques (ressources relationnelles) Droite – Droite Droite – Gauche Gauche

Groupe « pro-soutien » et opposants

39La bataille a cependant été rude [54]. La DI faisait valoir que, quel que soit le guichet d’entrée pour les industriels, c’était de toute façon au cabinet de trancher. En outre, « la séparation des pouvoirs se situe de toute façon dans la procédure ministérielle [55] », c’est-à-dire dans les débats entre Défense, Affaires étrangères et Économie, en CIEEMG. L’enjeu pour la DI était de préserver ses attributions, puisqu’il s’agissait d’être à l’interface avec les autres ministères, mais aussi avec les industriels dans le dépôt de leurs demandes d’autorisation. De plus, le retrait des fonctions de contrôle de la DI « leur renvoie une image négative, l’idée qu’ils faisaient mal leur travail [56] ». Un autre opposant à la réforme a été le représentant personnel du ministre de la Défense pour les exportations, réputé proche de Jacques Chirac [57]. Dans un rapport, il préconise certes la séparation du contrôle et de soutien au ministère (Neu, 2009), mais cette conclusion lui avait été imposée [58]. En revanche, à aucun moment les industriels n’ont contesté la réforme [59].

40La réforme, une fois actée, est présentée comme « une amélioration de la mise en œuvre du contrôle [60] ». Concrètement, cela se traduit par le départ de quarante personnels de la DI vers la DAS. La DAS devient alors le guichet de dépôt des demandes d’autorisation des industriels. Elle devient également responsable de la synthèse des avis entre la DGA, l’EMA et la DAS [61]. Ainsi, malgré des résistances, in fine le groupe d’acteurs programmatiques « pro-contrôle » l’a emporté, employant ses ressources dans un contexte institutionnel favorable. Et ce n’est qu’après un processus d’apprentissage, et une fois que les acteurs portant la réforme pro-contrôle aient quitté des postes-clés du secteur, que cette décision a pu être renversée.

41La nouvelle répartition des tâches a entraîné une limitation radicale des interactions entre personnes en charge du soutien et celles en charge du contrôle. Des ingénieurs de l’armement de la DI sont statutairement passés sous l’autorité de la DAS, mais bien qu’ils soient restés dans les mêmes locaux [62], proches de leurs précédents collègues, la communication entre les uns et les autres est devenue difficile. Un acteur du soutien raconte :

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« Physiquement, ceux du contrôle ont toujours été au même endroit. Mais on nous faisait les gros yeux si nous [ceux du soutien] voulions parler à ceux du contrôle. On ne pouvait pas adresser la parole à ceux de l’autre côté de la porte. […] Il y avait un ingénieur qui faisait le pont entre les deux, ceux du côté soutien (à la DGA) et ceux du côté contrôle (à la DAS) [63]. »

43Cette absence de communication soulevait le problème de la remontée d’information des industriels vers les agents en charge du contrôle. « Comment gérer au mieux les urgences si on n’est pas sur le terrain ? Or, c’est pas la DAS qui est sur le terrain mais la DI » [64]. Plus précisément, les difficultés perçues dans la gestion des demandes d’autorisation des industriels étaient les suivantes :

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« Avec le contrôle à la DAS, on ne pouvait plus avoir le fonctionnaire de base du contrôle qui discute avec le fonctionnaire de base du soutien à la machine à café ou à la cantine. Le mec du soutien peut dire : j’ai un directeur commercial qui est assez stressé en ce moment, ça en est où… Ça ne préjuge pas du résultat du contrôle, mais ça permet d’aller plus vite [65]. »

45Une fois mise en œuvre, cette réforme a donc continué à faire débat, sujet de nombreuses réunions au niveau du cabinet [66]. Le contrôle était en effet de plus en plus considéré comme trop prépondérant : « Il y a eu un développement démesuré du contrôle [67] » ; « le oui devait être l’exception [68] » ; « la fonction CIEEMG était devenue étouffante [69] » ; « le contrôle est devenu trop tatillon [70] ».

46Outre le type d’avis rendus sur les dossiers des industriels (« elle fait des notes d’analyse politique en général très hostiles à toute vente y compris dans des pays comme la Grèce ou l’Espagne [71] »), la DAS concentrait également les critiques pour le système informatique de traitement des dossiers qu’elle avait mis en place, considéré comme contribuant à l’allongement des délais de traitement [72]. Cet allongement des délais, lié aussi à une forte augmentation du nombre de dossiers [73], a suscité le mécontentement des industriels. Ils considéraient le processus de contrôle comme « trop lent, beaucoup trop lent pour pouvoir se battre sur certains marchés qui demandent un temps de réaction rapide [74] ». Au point qu’on puisse parler de « fronde » : « Avec le contrôle à la DAS, les industriels se sont rendu compte qu’ils n’arrivaient pas à obtenir leurs autorisations. Le sujet de l’organisation du contrôle était très polémique, il y avait échanges de lettres entre le CIDEF [75] et le ministre » [76]. Ceci explique que, lorsqu’en 2007 une nouvelle équipe arrive à la DI, « quand on a demandé aux industriels comment améliorer le soutien l’État, ils nous ont répondu : qu’on ne leur mette pas des bâtons dans les roues, […] simplifier le contrôle [77] ». Cette idée sera une des bases du plan de relance de 2008 : le contrôle doit désormais contribuer à l’efficacité du soutien des exportations.

47Toutefois, malgré les oppositions exprimées en 2000 et le mécontentement des industriels vis-à-vis de la DAS, l’annulation de cette réforme ne s’est pas faite dès l’alternance politique en 2002. Cette continuité s’explique à la fois par le temps que la réforme se mette en œuvre et produise ses effets, et donc par le temps d’apprentissage des acteurs politico-administratifs et industriels. Cet apprentissage avait d’ailleurs lieu au sein de la DAS même, où certains acteurs avaient conscience des difficultés [78]. Outre l’apprentissage, la démarche programmatique incite aussi à regarder les acteurs et leurs ressources non de manière absolue, mais en interactions (Hassenteufel et al., 2010). Or, J.-C. Mallet, l’un des patrons de la première réforme est resté à la tête du SGDSN jusqu’en 2004, poste qui le plaçait au cœur du processus de contrôle des ventes d’armes. De même, le Directeur des affaires internationales, technologiques et stratégiques du SGDSN en poste dans cette période était très attaché à un contrôle fort [79]. L’alternance en soi n’est donc pas suffisante, il faut qu’elle donne lieu à une véritable redistribution des ressources, comme le montrent les interactions menant au regroupement du soutien et du contrôle en 2008.

48Là encore, « cela n’a pas été sans mal de faire bouger les choses [80] ». Lors du plan de relance des exportations, le regroupement du contrôle à la DI n’est pas mentionné. La DAS y est même désignée comme l’interface du dialogue avec les industriels [81]. Mais au même moment, en coulisse, d’un côté,

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« la DI a beaucoup poussé pour le retour du contrôle. En particulier le directeur, qui était très influent. […] Il était question de récupérer les personnels, c’est certain [82] ».
De l’autre côté, « à la DAS, ils reconnaissaient qu’ils avaient du mal. Mais le directeur de la DAS, un diplomate, était opposé philosophiquement à la réforme [83] ».

50Les débats agitant le ministère sur cette réforme ont transparu en public. En décembre 2007, un ancien directeur de la DAS détaille la procédure de contrôle devant les parlementaires et conclut :

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« Il m’a semblé utile de rappeler cette procédure lourde et sérieuse qu’il est d’ailleurs envisagé d’alléger car certains la considèrent comme un obstacle aux exportations d’armement [84]. »

52Similairement, un échange lors d’une audition de Michel Miraillet, alors directeur de la DAS, à la Commission de Défense de l’Assemblée nationale, illustre les enjeux de la réforme et les résistances des tenants de la séparation : Y. Fromion souligne que « les exportations de matériel de guerre ont chuté de 50 % en quinze ans et la gestion prudentielle de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre doit être équilibrée par un soutien gouvernemental affirmé ». Ce à quoi M. Miraillet répond qu’

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« il est indispensable que l’organe de contrôle puisse avoir recours à l’expertise technique de l’ensemble de la DGA et pas seulement de sa direction du développement international, dont la mission est avant tout la promotion commerciale. Un contrôle sérieux reste nécessaire, compte tenu des tentations toujours présentes chez les industriels [85] ».

54La réorganisation des structures de contrôle a ensuite été vivement débattue lors de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, travaux dirigés par J.-C. Mallet [86].

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« Des membres de la commission du livre blanc proposent de remettre en cause ce cloisonnement [entre fonctions de soutien et de contrôle], en prônant le regroupement de la direction du développement industriel de la DGA et de la sous-direction du contrôle de la DAS. Ce à quoi les tenants de la formule actuelle rétorquent que le souci de mieux vendre ne peut s’accompagner d’une mise en cause de la rigueur qui prévaut aujourd’hui pour instruire les dossiers d’exportation [87]. »

56D’après un témoin, la décision de rapatrier le contrôle à la DGA a été emportée après des débats houleux en Commission du Livre blanc entre J.-C. Mallet et le directeur de la DI [88]. Le Livre blanc, publié en juin 2008, déclare que la politique d’exportation repose sur trois principes, le premier étant : « assurer, au sein de l’État, et à tous les niveaux – interministériels et ministériels – la séparation des fonctions de contrôle et de soutien des exportations, laquelle garantit l’absence de conflit d’intérêts [89] ». Cette affirmation pourrait laisser croire que les tenants de la séparation avaient réussi à résister à ceux qui souhaitaient le regroupement. Mais, dès juillet, un journal spécialisé rapporte que « les autorités françaises ont clos le débat ouvert en 2007 sur la réorganisation des procédures de vente d’armes au sein du ministère de la Défense », en décidant du retour au sein de la DI « de la soixantaine de ses fonctionnaires chargés de l’instruction des dossiers de vente », ajoutant que « la DGA n’avait jamais vraiment accepté de perdre ses prérogatives lors de la séparation des fonctions de contrôle et de promotion des équipements en 1999 [90] ». Ce sont donc les acteurs « pro-soutien » qui cette fois-ci l’ont emporté, et le rapatriement à la DI des demandes d’autorisation des industriels a lieu à l’été 2008.

57Toutefois, la DAS n’est pas tout à fait revenue à sa situation pré-2000, lorsqu’elle n’avait aucun rôle dans les exportations. Elle conserve en effet le rôle de synthèse de l’« avis Défense » pour la CIEEMG, et donne toujours un avis politique sur les dossiers [91]. Par ailleurs, « le cabinet peut mandater la DAS pour aller en CIEEMG s’il ne peut être présent [92] ». À nouveau, c’est à travers les interactions entre acteurs et leurs ressources relatives que l’on peut comprendre la présence persistante de la DAS dans le système de contrôle : ce sont les discussions entre des membres du cabinet d’A. Richard, acteurs de la réforme initiale de séparation, et les conseillers d’H. Morin, qui ont résulté au partage des tâches qui prévaut désormais [93]. La situation est donc aujourd’hui la suivante : « l’EMA est une force de régulation. La DGA est plus alerte. La DAS fait la part des choses [94] ».

58Cette section a montré que deux groupes d’acteurs étaient en compétition pour imposer leur programme. L’hypothèse d’acteurs programmatiques comme moteur du changement est donc validée. De plus, le fait d’avoir retracé ces débats montre que l’alternance politique seule ne suffit pas pour expliquer le changement. L’élection de J. Chirac en 2002 n’a pas suffisamment redistribué les ressources entre les acteurs, et il a fallu que la première réforme produise ses effets pour que les acteurs passent par un processus d’apprentissage. L’alternance politique ne permet donc d’expliquer à elle seule le timing du changement.

Conclusion : une alternance aux effets différés malgré la politisation des acteurs et des programmes

59Alors que la politique de défense est présentée dans la littérature comme imperméable aux alternances politiques, comment expliquer une réforme des procédures de contrôle et de soutien des exportations d’armement puis son annulation, sous un gouvernement de gauche, puis de droite ? En mobilisant l’approche programmatique, cet article a identifié deux programmes opposés articulant objectifs politiques et réforme bureaucratique. Ces programmes étant portés par deux groupes d’acteurs politico-administratifs, le contenu de la politique d’exportation d’armement a été perméable à l’alternance politique. Pour autant, la séparation du contrôle et du soutien des ventes d’armes n’a pas été annulée immédiatement avec le retour de la droite au pouvoir. Ceci s’explique par les interactions entre groupes d’acteurs : il faut d’abord qu’agisse un processus d’apprentissage et que l’alternance politique redistribue suffisamment les ressources des acteurs pour qu’un deuxième programme émerge et qu’un deuxième groupe puisse mettre en œuvre sa vision de la politique.

60Cette étude a validé les hypothèses de l’approche programmatique qui place les luttes entre acteurs pour l’acquisition d’autorité au cœur de l’explication du changement, en réunissant les différentes conditions pour être en présence d’acteurs programmatiques : un programme, des acteurs présents de façon durable à des postes-clés d’un secteur d’action publique, qui passent par un processus d’apprentissage.

61Il conviendrait néanmoins de vérifier si, conformément aux perceptions et objectifs des acteurs, ces réformes ont bien eu un effet sur les résultats de la politique publique. La répartition des compétences n’a-t-elle qu’une dimension symbolique ? Ou bien les exportations d’armement ont été réellement réorientées ? De futures recherches permettraient de combler cette limite de l’approche programmatique quant à l’étude de la mise en œuvre des politiques publiques.

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Notes

  • [1]
    L’auteur souhaite remercier la Direction générale de l’armement (DGA) pour le financement de ses travaux de recherche, et les évaluateurs anonymes ainsi que le comité de rédaction pour leurs conseils. L’auteur est seule responsable de ses propos.
  • [2]
    Le service de la Direction générale de l’armement (DGA) en charge du soutien aux exportations d’armement a eu plusieurs noms successifs : département « expansion-exportation », puis Direction des affaires internationales (DAI), Direction des relations internationales (DRI), aujourd’hui Direction du développement international (DDI puis DI). Pour plus de clarté, nous utiliserons l’acronyme le plus récent, DI.
  • [3]
    Nous ne reprenons pas à notre compte les expressions assez normatives que sont « État pousse-au-crime » et « État-vertu ».
  • [4]
    Le Secrétariat général de la défense nationale est devenu le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale en 2009. Pour plus de clarté, nous utilisons uniquement l’acronyme le plus récent, SGDSN.
  • [5]
    AFP, « Frégates de Taïwan : Thales et l’État condamnés à rembourser 630 millions d’euros », Le Monde, 9 juin 2011.
  • [6]
    Entretien, responsable politique, 2 juillet 2013.
  • [7]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 août 2013.
  • [8]
    Entretien, responsable politique, 20 mars 2013.
  • [9]
    Entretien, haut fonctionnaire, 27 janvier 2014.
  • [10]
    Entretien, haut fonctionnaire, 27 janvier 2014.
  • [11]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [12]
    Entretien, responsable politique, 20 mars 2013 ; « Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, 5e Conférence des ambassadeurs à Paris du 27 au 30 août 1997 », 29 août 1997 [http://discours.viepublique.fr/notices/973145017.html] (consulté le 10 février 2014).
  • [13]
    Entretien, responsable politique, 2 juillet 2013.
  • [14]
    Entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013.
  • [15]
    Entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013.
  • [16]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [17]
    Entretien, DAS, 22 juillet 2013.
  • [18]
    Entretien, haut fonctionnaire, 27 janvier 2014.
  • [19]
    Entretien, SGDSN, 18 juin 2013.
  • [20]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [21]
    Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement no 2334, présenté par Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veryet, 25 avril 2000, p. 97-99.
  • [22]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [23]
    Assemblée nationale, Commission des finances, de l’économie générale et du plan, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2008 (no 189), Gilles Carrez rapporteur général, Annexe no 9, Défense, Environnement et prospective de la politique de défense, Équipement des forces, Jean-Michel Fourgous rapporteur spécial, 11 octobre 2007, p. 37.
  • [24]
    M. Alliot-Marie, « Vœux aux industriels », 11 janvier 2006 [http://discours.vie-publique.fr/notices/063000143.html] (consulté le 1er avril 2013).
  • [25]
    Devenue ensuite la Commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux.
  • [26]
    Sénat, Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Projet de loi de finances pour 2008 – Défense – Audition de M. Hervé Morin, ministre de la Défense, 10 octobre 2007.
  • [27]
    Y. Fromion, « Les exportations de défense et de sécurité de la France », Rapport confié par M. Dominique de Villepin, Premier ministre, 2006.
  • [28]
    « Préface d’Hervé Morin, ministre de la Défense », CAIA. Le magazine des ingénieurs de l’armement, 90, octobre 2009, p. 4-5.
  • [29]
    « Contrôle et soutien des exportations d’équipements de défense : les deux facettes d’une même réalité », CAIA. Le magazine des ingénieurs de l’armement, 90, octobre 2009, p. 34.
  • [30]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [31]
    Ministère de la Défense, Rapport au Parlement. Les exportations d’armement de la France en 2008, août 2009, p. 51 ; ministère de la Défense, DGA/COD, Dossier de presse, « Premier bilan de la stratégie de relance des exportations du ministère de la Défense », 5 juin 2008.
  • [32]
  • [33]
  • [34]
    Sénat, Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Projet de loi de finances pour 2009, Mission Défense – Audition de M. Michel Miraillet, directeur chargé des affaires stratégiques au ministère de la Défense, 29 octobre 2009.
  • [35]
    « Préface d’Hervé Morin, ministre de la Défense », CAIA. Le magazine des ingénieurs de l’armement, 90, octobre 2009, p. 5.
  • [36]
    Ministère de la Défense, Les Exportations d’armement de la France en 2007, Rapport au Parlement, octobre 2008, p. 48.
  • [37]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 août 2013.
  • [38]
    Entretien, industriel, 1er juillet 2013.
  • [39]
    « Richard prend le contrôle des ventes d’armes », Intelligence Online, 343, 1er octobre 1998.
  • [40]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [41]
    Entretien, responsables politiques, 24 juillet 2013, 20 décembre 2013, 27 janvier 2014.
  • [42]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 juin 2013 ; entretien, SGDSN, 18 juin 2013.
  • [43]
    Notice biographique Who’s Who in France.
  • [44]
    Entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013.
  • [45]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 août 2013.
  • [46]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [47]
    Entretien, responsable politique, 24 juillet 2013.
  • [48]
    Député du Cher, département où sont localisées des industries de défense, comme Nexter, Roxel.
  • [49]
    Y. Fromion (2006), « Les exportations de défense et de sécurité de la France », Rapport confié par M. Dominique de Villepin, Premier ministre.
  • [50]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013 ; entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013.
  • [51]
    Entretien, ministère de la Défense, 16 juin 2013.
  • [52]
    Entretien, SGDSN, 18 juin 2013.
  • [53]
    Entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013.
  • [54]
    Entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013 ; Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement no 2334, présenté par Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veryet, 25 avril 2000, p. 96 ; « Richard prend le contrôle des ventes d’armes », Intelligence Online, 343, 1er octobre 1998.
  • [55]
    Entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013.
  • [56]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [57]
    « SOFEMA se lance à l’international », Intelligence Online, 490, 17 décembre 2004.
  • [58]
    Entretien, haut fonctionnaire, 27 janvier 2014.
  • [59]
    Entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [60]
    Déclaration de M. Alain Richard, ministre de la Défense, sur le rapport sur les exportations d’armement de la France en 1999, les conditions dans lesquelles elles sont exécutées et la réforme des procédures de contrôle de ces exportations, à l’Assemblée nationale le 25 avril 2001 [http://discours.vie-publique.fr/notices/013001201.html] (consulté le 10 février 2014).
  • [61]
    Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Rapport d’information sur le contrôle des exportations d’armement no 2334, présenté par Jean-Claude Sandrier, Christian Martin et Alain Veryet, 25 avril 2000, p. 99-100.
  • [62]
    Entretien, responsable politique, 2 juillet 2013 ; entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013.
  • [63]
    Entretien, ministère de la Défense, 15 juillet 2013.
  • [64]
    Entretien, ministère des Affaires étrangères, 11 juin 2013.
  • [65]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 juin 2013.
  • [66]
    Entretien, responsable politique, 2 juillet 2013.
  • [67]
    Entretien, ministère de la Défense, 29 avril 2013.
  • [68]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [69]
    Entretien, responsable politique, 4 juin 2013.
  • [70]
    Entretien, haut fonctionnaire, 27 janvier 2014.
  • [71]
    « Armement : la France perd des munitions à l’export », La Tribune, 6 juillet 2006.
  • [72]
    Entretien, SGDSN, 30 mai 2013 ; entretien, ministère de la Défense, 4 juin 2013 ; entretien, responsable politique, 24 juillet 2013.
  • [73]
    Entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013 ; entretien, responsable politique, 15 décembre 2013.
  • [74]
    « Armement : la France perd des munitions à l’export », La Tribune, 6 juillet 2006.
  • [75]
    Conseil des industries de défense, qui rassemble les différentes organisations professionnelles des entreprises de défense.
  • [76]
    Entretien, ministère de la Défense, 10 juin 2013.
  • [77]
    Entretien, ministère de la Défense, 28 juin 2013.
  • [78]
    Entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013.
  • [79]
    Entretien, responsable politique, 2 juillet 2013 ; entretien, ministère de la Défense, 22 juillet 2013.
  • [80]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [81]
    Ministère de la Défense, DICOD, Dossier de presse, « La stratégie de relance des exportations du ministère de la Défense », 13 décembre 2007.
  • [82]
    Entretien, responsable politique, 24 juillet 2013.
  • [83]
    Entretien, responsable politique, 24 juillet 2013.
  • [84]
    Assemblée nationale, Rapport sur les conditions de libération des infirmières et du médecin bulgares détenus en Libye et sur les récents accords franco-libyens, no 662, président Pierre Moscovici, rapporteur Axel Poniatowski, 22 janvier 2008. Audition conjointe de M. Jean de Ponton d’Amécourt, ancien directeur chargé de la délégation aux affaires stratégiques (DAS) au ministère de la Défense, et de l’ingénieur général Jean Hamiot, ancien adjoint au directeur de la délégation aux affaires stratégiques chargé du contrôle des biens et technologies sensibles, de la réflexion en matière de stabilité stratégique et menaces nouvelles, 6 décembre 2007.
  • [85]
    Assemblée nationale, Commission de la défense nationale et des forces armées, Audition de M. Michel Miraillet, directeur des affaires stratégiques, sur le projet de loi de finances pour 2008, 10 octobre 2007.
  • [86]
    « Débat sur les ventes d’armes », Intelligence Online, 560, 13 décembre 2007.
  • [87]
    Ibid.
  • [88]
    Entretien, ministère de la Défense, 7 juillet 2013.
  • [89]
    Présidence de la République, ministère de la Défense, « Défense et sécurité nationale : le Livre blanc », juin 2008, p. 279.
  • [90]
    « Arbitrage entre la DAS et la DGA », Intelligence Online, 575, 24 juillet 2008.
  • [91]
    Entretien, ministère de la Défense, 25 mars 2013.
  • [92]
    Entretien, ministère de la Défense, 25 mars 2013.
  • [93]
    Entretien, responsable politique, 24 juillet 2013.
  • [94]
    Entretien, ministère de la Défense, 25 mars 2013.
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