Couverture de G2000_363

Article de revue

La capacité d’absorption des Fintechs par les banques : le cas du crowdfunding

Pages 131 à 158

Notes

  • [1]
    Selon une étude de l’association Financement Participatif France qui réunit des professionnels du CF, et le cabinet KPMG, « les moyens alternatifs de financement (financements participatifs, prêts en ligne…) ont plus que doublé en 2016. Le CF à lui seul représente 37% du total, soit 233,8 millions d’euros dont 96,6 millions sous forme de prêts et 68,6 sous forme d’investissements en capital ».
  • [2]
    L’Ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif, complétée par les dispositions du décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 et celles du décret n° 2016-1453 du 28 octobre 2016.
  • [3]
    La réglementation prudentielle imposée par les accords de Bâle exige aux banques une valorisation des fonds propres proportionnelle aux crédits accordés, pondéré ou majoré selon le niveau de risque des emprunteurs.
  • [4]
    A noter que dans le cadre des prêts accordés aux entreprises (P2B ou B2B), les prêteurs et les entreprises financées peuvent convenir d’un pourcentage du bénéfice de l’entreprise (royalties), qui pourra servir d’alternative aux paiements d’intérêts.
  • [5]
    L’ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif, aujourd’hui complétée par les dispositions du décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 et celles du décret n° 2016-1453 du 28 octobre 2016.
  • [6]
    Selon le baromètre 2016 de Financement participatif France, une association qui regroupe des acteurs du CF en France, parmi toutes les branches du CF, c’est celle du Crowdlending qui progresse le plus vite : +46% sur un an, contre +37% pour les dons et +36% pour l’investissement en capital notamment.

Introduction

1En France, à l’occasion du rachat par La Banque Postale de KissKissBankBank, l’un des leaders du crowdfunding (CF) en Europe, le Président du Directoire de La Banque Postale annonçait ainsi sa stratégie d’acquisition :

2

La transformation du secteur bancaire est en cours et La Banque Postale y participe […]. Nous constatons l’émergence d’un écosystème bancaire ouvert avec de nouveaux acteurs qui conçoivent des offres alternatives de produits et services répondant à de nouveaux modes de consommation. Cette opération s’inscrit dans le prolongement de notre stratégie de déploiement d’une offre digitalisée de solutions financières à destination d’un public large ».
(Les Echos.fr, 2017)

3Le rachat de KissKissBankBank par La Banque Postale confirme une tendance qui se dessine dans le secteur bancaire en France comme à l’étranger (Chaboud, 2017). L’émergence des Fintechs, ces nouveaux entrants dont la vocation est d’associer les technologies digitales à la finance, vient en effet bouleverser les modèles d’affaires des institutions bancaires traditionnelles. Une étude conduite par le cabinet EY indique d’ailleurs que les banques devraient accroître leurs innovations digitales pour rester compétitives (EY, 2016, p.10). Dans ce cadre, une des options possibles pour les banques consiste à s’approprier certaines activités développées par les Fintechs afin de bénéficier des avancées et/ou du potentiel disruptif de ces dernières. D’après certains auteurs, il n’y a aucun doute que les Fintechs sont le moteur de l’innovation dans l’industrie des services financiers (Drasch et al., 2017). Ils sont également prédits pour y jouer un rôle important dans le futur (Dapp, 2014). L’innovation financière est définie par Lerner et Tufano (2011) comme « l’acte de créer et de populariser de nouveaux instruments financiers, de nouvelles technologies, institutions et marchés financiers ». Ainsi, alors que les banques sont encore fortement tributaires des systèmes bureaucratiques existants (Palmer, 2015), les Fintechs fournissent de nouvelles solutions financières permettant aux clients, particuliers et institutionnels, d’adopter de nouvelles façons plus rapides et plus flexibles de gérer leurs finances dans un environnement digital (Christensen, 2013 ; Ansari et Krop 2012). Aussi, compte tenu de la nouvelle donne compétitive, les banques ont pris conscience que les Fintechs ont un potentiel disruptif qu’il convient d’intégrer afin de maintenir un avantage concurrentiel.

4Dans cette recherche, nous mobilisons le cadre théorique de la « capacité d’absorption » (CA) (Cohen et Levinthal, 1990 ; Zahra et George, 2002) pour identifier et comprendre les déterminants ainsi que les mécanismes mis en œuvre par les banques pour intégrer les compétences développées par les fintechs. Le concept de CA offre l’avantage d’opérationnaliser la façon dont les connaissances extérieures sont intégrées aux connaissances actuelles d’une organisation (Bourkha et Demil, 2016). Il s’agit d’un concept bien ancré dans les recherches sur la connaissance, le transfert de connaissances, l’apprentissage organisationnel, l’innovation ou les alliances stratégiques (Noblet et Simon, 2010). Selon Ferreira et Ferreira (2017), il a été initialement introduit et défini par Cohen et Levinthal (1989, 1990) comme « la capacité d’une entreprise à identifier, assimiler et exploiter l’information disponible dans son environnement ». Ainsi, si les institutions bancaires traditionnelles veulent tirer profit des compétences issues des Fintechs, elles devront développer une CA pour « internaliser les connaissances externes » (Cohen et Levinthal, 1990, p. 130). Aussi, pour illustrer notre démarche, l’exemple du crowdfunding (CF) (ou financement participatif) nous semble offrir un matériau empirique pertinent si l’on cherche à inférer la nature de la CA des banques à intégrer les expertises développées par les Fintechs. Le CF apparait en effet comme l’une des manifestations les plus saillantes de la digitalisation du secteur bancaire et financier dans son ensemble. C’est également l’un des sous-segments des Fintechs les plus dynamiques depuis quelques années [1]. Dans son principe, le CF s’appuie sur la mobilisation d’un grand nombre de personnes (la « foule ») pour soutenir des projets de toute nature (Onnée, 2016), soit sous forme de dons (Donation-based crowdfunding), soit en échange d’un produit futur ou d’une récompense (produit prépayé, cadeaux, etc.) (Reward-based crowdfunding), soit sous forme de prêts (crowdlending) et, enfin, soit sous forme de participation au capital de l’entreprise (crowdequity). Ainsi, par rapport au financement bancaire traditionnel, les fonds peuvent être recueillis auprès d’un public large par le biais d’une plateforme numérique à travers laquelle n’importe quelle personne peut participer selon ses capacités individuelles.

5Les propos qui suivent présentent dans un premier temps le concept de capacité d’absorption (CA) et ses implications dans le cadre de cette recherche. Ensuite, la méthodologie de recherche sera présentée, ainsi que les résultats issus de l’étude empirique. Enfin, une conclusion permettra de discuter des enseignements et des principaux acquis de cette recherche.

1 – La capacité d’absorption : un concept pour comprendre les déterminants de l’appropriation du CF par les banques

6Les modifications de l’environnement opérationnel des banques et l’émergence de nouveaux acteurs remet en question les pratiques commerciales existantes et les structures établies (Châlons et Dufft 2017 ; Bharadwaj et al., 2013). Les professionnels du secteur ont compris les défis auxquels ils sont confrontés. Pour y faire face, il apparait primordial de surmonter les problèmes internes déclarés (Tornjanski et al., 2015) et créer un avantage compétitif en prenant en compte l’innovation externe (Chesbrough, 2004). Dans un tel contexte d’exploitation de nouvelles opportunités externes, le champ des recherches en stratégie et organisation s’est intéressé aux interactions pouvant exister entre les informations présentes dans l’environnement et la capacité de l’entreprise à les intégrer et à les réutiliser à des fins commerciales (Bocquet et Mothe, 2014). Cet intérêt pour les chercheurs a donné naissance au concept de « capacité d’absorption » (CA). Depuis les articles pionniers de Cohen et Levinthal (1989 et 1990), la CA est désormais un concept bien établi (Aribi et al. 2014). Une littérature abondante atteste de son rôle crucial dans l’innovation et la gestion des entreprises (Zahra et George, 2002 ; Imbert et Chauvet, 2012 ; Mariano et Walter, 2015; Costa et Monteiro, 2016). Cohen et Levinthal (1989) ont donné une définition à ce concept en le présentant dans un premier temps comme « l’aptitude d’une firme à reconnaître la valeur d’une nouvelle information, à l’assimiler et à l’appliquer à des fins commerciales ». Puis, dans un deuxième temps, comme « la capacité d’une firme à valoriser et à reconnaître des connaissances externes, à les assimiler et à les exploiter à des fins commerciales » (Cohen et Levinthal, 1990). D’après Zahra et Georges (2002), la capacité d’absorption représente la capacité dynamique qui soutient l’avantage concurrentiel d’une entreprise : « Il s’agit d’un ensemble de routines et de processus organisationnels par lesquels l’entreprise ou le système acquiert, assimile, transforme et exploite la connaissance pour produire une capacité organisationnelle dynamique ». Ainsi, à l’instar de Zahra et George (2002), nous considérons la CA comme une capacité « dynamique » au sens de Teece et al. (1997), qui désigne la capacité à intégrer, construire et reconfigurer les ressources et compétences dans un environnement mouvant et de plus en plus concurrentiel (Bocquet et Mothe, 2014).

7Dans cette recherche, nous avons souhaité développer un modèle conceptuel permettant de mettre en évidence le processus et les déterminants de la CA des banques à intégrer les expertises développées par les plateformes de crowdfunding (PC) (Figure 1). Ce modèle s’inspire notamment des modèles théoriques proposés par Zahra et George (2002, p. 192), et Todorava et Durisin (2007, p.776).

Figure 1

Modèle de la capacité d’absorption du CF par les banques (Adapté de Zahra et George (2002); Todorava et Durisin (2007)

Figure 1

Modèle de la capacité d’absorption du CF par les banques (Adapté de Zahra et George (2002); Todorava et Durisin (2007)

8Dans ce modèle, plusieurs aspects méritent d’être discutés. Tout d’abord, le modèle décrit un processus structuré pour développer la CA. Les rectangles englobent les variables dans lesquelles le processus de la CA intervient.

  • Les connaissances portent sur les antécédents à la CA. Dans notre contexte d’analyse, celles-ci combinent les expertises développées par les plateformes de crowdfunding (PC) avec les capacités existantes des banques. Elles s’intéressent aux similarités de pratiques et/ou aux compétences distinctives (spécifiques et/ou disruptives). Dans cette perspective, Haas et al. (2015) ont pu démontrer que les services proposés par les PC ne sont pas fondamentalement spécifiques par rapport à ceux proposés par les institutions bancaires traditionnelles, dans la mesure où les deux modèles d’affaires reposent sur un même objectif : permettre la collecte d’épargne pour financer les besoins de l’économie. Cependant, Haas et ses collègues postulent que certains services proposés par les PC sont tout-à-fait novateurs par rapport à ceux proposés par les institutions bancaires traditionnelles. Plus précisément, l’avantage comparatif du CF par rapport aux banques est de pouvoir desservir des segments de marché que les banques ne peuvent honorer efficacement, et ce, grâce à une réglementation particulière plus souples [2] en termes de gestion des risques. En effet, en raison des contraintes réglementaires imposées par les accords de Bâle [3], qui contraignent les banques à limiter la prise de risque excessive, les banques ne peuvent financer que des projets qu’elles jugent moins risqués selon leurs critères de sélection. De plus, d’autres compétences telles que la mise en relation en ligne entre les porteurs de projets et les apporteurs de fonds, ainsi que l’évaluation des risques par la « foule », sont tout-à-fait nouvelles pour les banques. De fait, les PC tirent parti des avantages de la digitalisation pour réunir, sur la base du principe de partage et/ou de collaboration, différents acteurs en ligne. Au-delà, le CF permet également au porteur de projet de tester l’intérêt du public envers son projet et d’en vérifier par la même occasion sa viabilité, d’obtenir des suggestions susceptibles d’améliorer le projet en utilisant la « sagesse de la foule » (Surowiecki, 2004). Or ce type d’avantages ne peut être mobilisé par le porteur de projet lorsque celui-ci a recours au financement bancaire.
  • Aussi, dans le modèle présenté, la capacité d’absorption se réfère ici à l’acceptation de ce concept proposée par Zahra et George (2002). Ces auteurs proposent une conception bidimensionnelle de la capacité d’absorption en définissant l’acquisition et l’assimilation des connaissances comme une capacité d’absorption potentielle (CAP), la transformation et l’exploitation de ces mêmes connaissances comme une capacité d’absorption réalisée (CAR). L’acquisition est censée capter les efforts pour identifier et acquérir de nouvelles connaissances externes. L’assimilation consiste à comprendre les informations et les connaissances acquises. Une banque ne pourra en effet utiliser une information que si celle-ci a été comprise au regard de ses applications potentielles. Le processus de transformation s’effectue par la combinaison des connaissances préexistantes avec celles récemment acquises afin de produire de nouvelles connaissances. L’exploitation porte sur la mise en pratique des connaissances acquises, assimilées et transformées, afin de proposer un nouveau produit ou une nouvelle offre. Certaines études mentionnent la possibilité qu’une entreprise puisse avoir un niveau élevé de CAP, c’est-à-dire une capacité d’acquérir les connaissances de l’environnement externe et de les assimiler, mais une faible CAR, c’est-à-dire une faible capacité de transformation et d’exploitation (Jansen et al. 2005). Ainsi, le simple fait d’être exposé à des sources d’information externes ne conduit pas nécessairement au développement de la CAR, surtout lorsqu’il existe une faible complémentarité avec les connaissances préexistantes, mais aussi en raison des contraintes réglementaires existantes, par exemple celles imposées par les accords de Bâle aux banques susceptibles de poser certains obstacles au développement de la CA.
  • Enfin, dans le processus de la CA, nous déduisons que si une banque est capable de développer une CA, il est probable qu’une telle banque puisse acquérir un avantage compétitif en développant l’innovation et la flexibilité. Ainsi, Selon Barney (1991), la conjonction de différentes capacités d’absorption (CAP et CAR) conduit les entreprises à atteindre une performance supérieure, ce qui se traduit souvent par un avantage compétitif. Dans le modèle originel de Zahra et George (2002, p.192), le processus de la CA est complété par l’adjonction de trois variables modératrices : les facteurs déclencheurs à l’interface entre les connaissances et la capacité d’absorption, les mécanismes d’intégration sociale se situant entre la CAP et la CAR, et l’existence ou non de mesures de protection permettant de réduire l’imitation lors de la création de nouveaux produits/services à l’issue du processus de la CA. Ces variables dites « contingentes » (Todorova et Durinsin, 2007, p.776) sont susceptibles d’influencer le développement de la CA. Dans la Figure 1, nous avons adapté et reconfiguré ces variables à nos objectifs de recherche. Ces dernières sont représentées par les cercles. Il s’agit : des éléments déclencheurs et des mécanismes d’intégration organisationnelle.
  • Les éléments déclencheurs sont les événements qui vont encourager ou contraindre la banque à répondre à des « stimuli internes ou externes » (Zahra et George, 2002). Ainsi, certaines recherches indiquent que les évènements pouvant influencer l’avenir d’une industrie concernée (crises, ruptures technologiques, changements politiques, etc.) peuvent devenir des catalyseurs potentiels conduisant l’entreprise à développer une CA (Zahra et George, 2002 ; Imbert, 2015).
  • Les mécanismes d’intégration portent ici sur les modalités de mise en œuvre organisationnelle. Dans ce cadre, Jansen et al. (2005) stipulent que les processus d’absorption peuvent être améliorés par la présence au sein de l’organisation d’un éventail de mécanismes organisationnels facilitant ce processus. Dans le même ordre d’idées, Todorova et Durisin (2007) suggèrent que les mécanismes organisationnels d’intégration facilitent l’acquisition, le partage et l’exploitation des connaissances. Ces mécanismes s’intéressent ici aux modèles opérationnels par lesquelles les banques peuvent orienter leurs stratégies d’absorption (création d’une plateforme en interne, filialisation ou partenariat avec une PC existante).

9Dans cet article, nous nous intéressons donc à ces deux variables dites « contingentes » pour explorer la CA des banques à intégrer les compétences développées par les PC. En effet, bien que la littérature actuelle ait identifié certains facteurs contingents spécifiques qui modèrent un processus de CA (Ziam et al., 2013), on ne sait pas encore très bien comment cette modération fonctionne dans l’écosystème bancaire et financier. De plus, bien qu’il existe une abondante littérature concernant la CA, ce sujet n’a suscité que peu d’intérêt de la part des chercheurs dans le contexte d’analyse qui nous intéresse. A notre connaissance, les travaux de Bourkha et Demil (2016), et Cepeda-Carrión et al. (2016) sont les rares ayant cherché à comprendre empiriquement les déterminants de la CA dans le contexte bancaire, en analysant respectivement l’imitations sur le marché des cartes bancaires en France, et la relation entre la CA et la valeur créée aux parties prenantes (clients internes ou salariés, et clients externes) dans le secteur bancaire espagnole. Notre recherche contribue à cette littérature en élargissant l’analyse aux facteurs contingents de la CA.

10Les propos qui suivent présentent tout d’abord la méthodologique de recherche adoptée, ensuite, les résultats observés.

2 – Méthodologie de recherche

11La recherche s’appuie sur une démarche exploratoire visant à fournir un premier portrait des pratiques d’absorption des banques. Une approche plus processuelle pourra être entreprise ultérieurement afin de tester les liens entre les variables du modèle et d’en évaluer les impacts sur les avantages compétitifs. En effet, les initiatives d’absorption du CF par les banques sont encore récentes. En cela, nous estimons qu’il est trop tôt pour aborder une étude dans cette perspective. Dans cette recherche, il s’agit alors de nous positionner comme des interprètes du terrain (Stake, 1995) en nous appuyant sur la perception des professionnels de la banque. Pour ce faire, nous avons choisi d’utiliser la méthodologie d’étude de cas par comparaisons inter-sites telle que définie par Eisenhardt (1989) et Yin (1994). Cette approche, qui consiste à analyser plusieurs cas simultanément, est intéressante ici en ce qu’elle permet d’enrichir la démarche d’observation du terrain, et d’identifier les différences/similitudes entre les cas (Baxter et Jack, 2008). Elle permet également de découvrir des régularités entre les cas étudiés. Nous avons ainsi identifié et sélectionné 7 (Sept) cas, en l’occurrence 7 grands groupes bancaires, selon une approche raisonnée (Seawright et Gerring, 2008). En d’autres termes, nous avons constitué un échantillon au regard de l’intérêt porté par les banques dans la fourniture des services du CF (Cf Tableau 1). A noter que le nombre de cas relativement bas dans l’échantillon ne compromet en rien nos analyses. En effet, selon Fortin et Gagnon (2016), et Dyer et al. (1991), dans une méthodologie d’étude de cas, le nombre de cas ou la longueur des séjours du chercheur sur le terrain ne sont pas en soit la question clés. Le plus important est de savoir si le chercheur est capable de décrire et de comprendre le contexte du (des) cas étudié(s) (Gustafsson, 2017). Dans ce cadre, le chercheur doit se soucier de fournir des données valides plutôt que de s’interroger sur leur représentativité. Aussi, les entretiens semi-structurés qui constituent notre principal matériau empirique se sont déroulés de janvier 2017 à juillet 2017. Ils ont été conduits auprès d’interlocuteurs concernés par les problématiques de la digitalisation et/ou des nouvelles technologies au sein des banques de l’échantillon (Cf Tableau 1). Le guide d’entretien semi-directif était structuré autour de plusieurs thèmes portant sur la perception des répondants concernant le développement de la capacité d’absorption, dont les motivations et la volonté des banques à adopter les services du CF, et la vision d’un modèle organisationnel d’intégration des services du CF. La synthèse des différentes questions est présentée en annexe 1. Les entretiens, d’une durée moyenne de 1 heure, ont été enregistrés et retranscrits. Nous avons choisi de trianguler les données issues des entretiens avec des données secondaires émanant de différentes sources (presse financière, sites internet, informations en ligne sur le CF, les fintechs et les banques). Les données secondaires ont permis de mieux comprendre le cadre général de notre problématique de recherche, d’éclairer et confronter parfois les propos des répondants. Enfin, concernant la méthodologie d’analyse de données, la nature qualitative des informations collectées nous a conduits à opter pour une « analyse de contenu ». Dans ce cadre, les données recueillies ont d’abord fait l’objet d’une analyse intra-site pour identifier les réponses de chaque répondant. Les informations recueillies ont ensuite été comparées d’un cas à l’autre afin de dégager des régularités, des points de convergence et/ou de différence.

Tableau 1

Liste des entités analysées, fonction des répondants et modes d’absorption du CF

Tableau 1
Nom de l’organisation Statut juridique Fonction du répondant Modes d’absorption du CF Banque Populaire Caisse d’Epargne (BPCE) Coopératif mutualiste Directeur de la digitalisation des offres entreprises et nouveaux modèles économiques ◆ Partenariat avec HAPPY CAPITAL, une PC dédiée à l’investissement dans le capital de start-ups et de PME ; ◆ Création de PROXIMEA, une PC régionale filiale à 100% de la Banque Populaire ; ◆ Création de ESPACE DONS, une PC dédiée au service à des associations, fondations et fonds de dotation. BNP Paribas Société Anonyme Responsable du service « Développement et innovation » ◆ Création de REALTYPIES, une PC dédiée au financement de l’immobilier ; ◆ Partenariat avec la PC ULULE, auquel la banque finance les projets ayant réussi à finaliser leur financement sur la PC. Crédit Agricole Coopératif mutualiste Directeur du Développement Numérique ◆ Partenariat avec MiiMOSA, une PC dédiée à l’agriculture et à l’alimentation. La PC a été « incubée » par le VILLAGE BY CA, la pépinière de start-ups du Groupe bancaire. Crédit Coopératif Coopératif mutualiste Responsable partenariats, recherche et développement ◆ Création de AGIR & CO, une PC centrée sur le don et la récompense ; ◆ Partenariat avec diverses PC, dont : » AFEXIOS, une PC d’equitycrowdfunding, » ARIZUKA, une PC de dons (partenariat et prise de participations dans le capital de la PC), » CAPSENS (SPEAR), une PC de prêts. Crédit Mutuelle Arkéa Coopératif mutualiste Directeur général adjoint en charge de l’innovation et des opérations ◆ Création de KENGO, une PC régionale basée sur le don et la récompense ; ◆ Prise de participation dans KOREGRAF, une PC spécialisée dans l’immobilier ; ◆ Prise de participation dans le capital de PRÊT D’UNION (prêts aux particuliers).

Liste des entités analysées, fonction des répondants et modes d’absorption du CF

tableau im4
Nom de l’organisation Statut juridique Fonction du répondant Modes d’absorption du CF La Banque Postale Société Anonyme Directeur adjoint de la stratégie et du développement ◆ Partenariat, puis acquisition à 100% de la PC KISSKISSBANKBANK, l’un des leaders du CF en Europe. ◆ Partenariat avec la PC HELLOMERCI. COM, une PC basée sur le prêt solidaire. Société Générale Société Anonyme Responsable de l’Innovation ◆ Partenariat avec la plateforme BULB IN TOWN, dédiée au financement de projets de proximité ; ◆ Partenariat avec la plateforme SPEAR, spécialisée dans le financement solidaire.

12Les analyses intersites tirées de l’étude empirique ont permis de dégager les résultats présentés dans la section qui suit.

3 – Résultats empiriques

13Conformément aux objectifs de cette recherche, la présentation des résultats s’intéresse donc aux deux variables dites « contingentes » présentées dans le modèle de recherche, à savoir les éléments déclencheurs et les modalités d’intégration organisationnelles. Rappelons que la première catégorie de variables, les éléments déclencheurs, s’intéressent aux événements ayant conduit les banques à développer la CA. Les modalités d’intégration organisationnelles appréhendent quant à elles les options organisationnelles prises par les banques pour opérationnaliser la CA (orientations données dans la valorisation des instruments financiers du CF, création d’une plateforme en interne, filialisation ou partenariat avec une PC existante). Ainsi, en analysant ces deux variables du modèle, nous répondons ici à l›objectif principal visé par cette recherche, à savoir: comprendre les déterminants et les mécanismes mis en œuvre par les banques pour intégrer les compétences développées par les PC.

14La présentation des résultats qui suit reposera essentiellement sur l’expression des différents points de vue émanant des répondants, à partir des « phrases-témoins » (Krief & Zardet, 2013) issues des entretiens.

3.1 – Les éléments déclencheurs de la CA des banques

15Pour explorer les éléments déclencheurs, nous avons examiné les principales motivations des banques à fournir les services du CF. Une des motivations des banques à intégrer le marché du CF est liée à son essor :

16

« Le CF a d’abord été considéré par les banques comme quelque chose d’anecdotique, plutôt associé à l’économie solidaire qu’à un réel outil de financement de l’économie. Aujourd’hui, le CF représente une forme de financement en pleine expansion, qui côtoie dorénavant les banques et les autres grands acteurs traditionnels du financement. Même si le CF ne représente pas encore une part importante de l’univers du financement, son développement rapide inquiète et force chacun d’entre nous à réagir d’une façon ou d’une autre. Le bon réflexe aujourd’hui, du point de vue d’un banquier, est de faire un choix dès à présent par rapport à cette nouvelle filière ».

17Les répondants voient également le CF et son caractère digital comme un facteur de transformation du secteur bancaire. L’adoption de solutions digitales apparait comme indispensable pour s’adapter aux mutations de l’industrie. Le CF est perçu comme une solution pour s’adapter à la digitalisation :

18

« Il s’agit de rapprocher le CF avec la façon dont les banques devraient modifier leur propre modèle d’affaires. L’arrivée massive du digital dans nos vies professionnelles, quel que soit l’activité, entraine des évolutions comportementales que les organisations doivent pouvoir s’approprier ».

19Pour un autre répondant :

20

« Le crowdfunding est vraiment l’un des modèles d’affaires innovants les plus importants issus du secteur bancaire, car avant cela, vous n’étiez pas vraiment capable de faire quelque chose comme ça. Si vous aviez besoin d’un prêt, vous devriez partir à la banque, mais maintenant, grâce à la digitalisation, à internet, aux réseaux sociaux, vous avez maintenant une alternative, pour ainsi dire ».

21Les répondants perçoivent également le CF comme un facteur d’amélioration des processus bancaires traditionnels et bureaucratiques :

22

« Quand vous sollicité un prêt, vous parlez d’abord à un conseiller clientèle dont les mains sont joliment liées, après quoi, vous êtes transféré dans une unité de crédit se trouvant au siège, même si votre agence bancaire a toutes vos informations. Là-bas, une autre personne avec un niveau de décision légèrement supérieur vous attribuera le crédit ou pas. Et ce processus peut prendre des semaines, voire des mois ».

23Au-delà des motivations liées à l’essor du CF et à la rigidité des processus organisationnels actuels des banques, les répondants ont également décrit des motivations liées à l’amélioration de l’image des banques et à la possibilité d’atteindre de nouveaux marchés.

24Ainsi, un répondant justifie le CF basé sur le don de la manière suivante :

25

« Principalement, c’est la réputation qui pourrait améliorer l’image des banques coopératives qui ont vraiment eu une réputation un peu à la baisse, n’étant pas vraiment de première qualité en termes de digitalisation. Avec cela, nous essayons de moderniser réellement notre image, d’être proche des gens et d’aider vraiment les gens. Développer une plateforme de dons venait parfaitement en complément de notre activité basée sur des valeurs coopératives ».

26Un autre répondant reconnait qu’il s’agit là d’une opportunité pour élargir l’offre de service actuelle des banques :

27

« Nous parlons ici d’un service de financement bancaire très traditionnel, et de la façon dont il pourrait être étendu. En outre, lorsque nous parlons de financement, il s’agit du financement par le public (ie la foule). L’argent ne provient pas du bilan de la banque, mais collecté sur le marché. Traditionnellement, cela n’était possible que pour les entreprises cotées et notamment les grandes entreprises. En outre, les banques doivent tenir compte de l’évolution de la réglementation et des possibilités de financer des entreprises plus petites et plus risquées. Ainsi, les deux aspects liés au CF sont le développement du milieu des affaires, avec notamment la création de nombreuses start-ups, et l’évolution de la réglementation, ce qui nous obligent, nous les banques, à proposer de nouvelles solutions ».

28Un autre répondant déclare :

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« Le circuit bancaire traditionnel n’est pas forcément taillé pour appréhender les opportunités des marchés émergents, parfois atypiques, ou autorisés à prendre des risques quand les perspectives de réussite reposent sur trop d’inconnues. Avec le CF, vous pouvez certainement tirer parti de nouvelles cibles de clientèles, ou faire des affaires où, pour diverses raisons, vous ne pourriez pas le faire autrement. Par exemple, en termes de gestion des risques. Vous avez peut-être l’intention d’aider un client, qu’il s’agisse d’un client privé ou d’une entreprise, d’accorder un prêt à celui-ci, mais vous ne pouvez pas le faire en raison du risque impliqué. Alors qu’avec le CF, vous pouvez impliquer d’autres investisseurs dans la prise de risque, ce qui vous aidera à servir votre client. Donc, c›est un domaine très intéressant ».

30Toujours sur la gestion des risques, un autre répondant déclare :

31

« Avec le CF, il n’y a pratiquement pas de collatéraux ou d’engagements, comme c’est le cas pour les prêts bancaires. Lorsque les banques prêtent de l’argent, elles veulent s’assurer qu’elles peuvent récupérer leur argent et, habituellement, il existe des termes assez restrictifs, ce qui peut nuire aux start-ups et à la croissance des PME. Le CF fournit un canal permettant aux banques de répondre à des clients plus risqués, qui ne peuvent actuellement être servis en raison de contraintes réglementaires. C’est un bon levier pour elles de soutenir l’innovation, mais en isolant le risque ».

32En définitive, comme on peut le constater dans les différents propos, les acteurs bancaires ont pris la mesure et la portée du CF dans leur écosystème. Le CF est une activité en plein essor que les banques ne peuvent plus ignorer. Aussi, à travers son absorption, les banques ont l’opportunité de repenser leurs pratiques organisationnelles en s’appuyant sur les expertises développées par les PC. Elles ont une occasion d’intégrer l’univers du digital. Les banques peuvent également bénéficier d’un regain de notoriété en absorbant ce mode de financement en plein essor. L’offre des services du CF dans un environnement digital permettrait ainsi aux banques de passer d’une image de prestataires de services obsolètes vers des acteurs à même de soutenir certains types de projets actuellement non soutenus ou insuffisamment accompagnés par les banques. L’intégration du CF fournirait également aux banques un nouveau canal pour atteindre de nouveaux marchés et financer de nouveaux risques. Aussi, se pose la question de savoir quelles options organisationnelles peuvent être prises par les banques pour opérationnaliser le CF.

3.2 – Les modalités d’intégration organisationnelles

33Pour explorer les modalités d’intégration organisationnelles, nous avons examiné les orientations données par les acteurs bancaires quant à l’utilisation des différents outils de financement proposés par le CF ; ensuite, les options organisationnelles pour opérationnaliser le CF.

Les banques et l’utilisation des différents véhicules de financement du CF

34Rappelons qu’il existe quatre principaux modèles de financement à travers le CF : le modèle basé sur le don (Donationbased crowdfunding), celui basé sur la récompense (Reward-based crowdfunding), celui basé sur la participation au capital (crowdequity) et, enfin, le modèle basé sur le prêt (crowdlending) [4]. Ces différents modèles diffèrent les uns des autres en termes d’objectif de financement et en termes de rémunération (Hemer, 2011) ; Pazowski & Czudek, 2014). Nous faisons le choix ici de traiter conjointement les modèles du don et celui basé sur la récompense. En effet, dans la stratégie des banques, ces deux modèles semblent présenter des objectifs similaires. De plus, le modèle basé sur la récompense est parfois qualifié de « don avec récompense », par opposition au don pur. Ainsi, pour Hemer (2011), le don n’est pas ici semblable à l’acte altruiste de donner sans attendre une récompense en retour. La récompense ici pouvant être un élément tangible (produit, cadeaux, etc.) (Belleflamme, et al., 2015, p.12), ou de simples remerciements à l’issue de la campagne.

Les modèles basés sur le don et la récompense

35L’intérêt de ces modèles pour les banques proviendrait d’objectifs à but non lucratif tels que le service à la communauté ou le mécénat. Un autre objectif est celui lié à la fidélisation de la clientèle. Comme souligné par un répondant :

36

« De notre point de vue, en tant que groupe financier coopératif, c’est principalement utilisé pour la fidélisation des clients, et aussi du point de vue social. C’est aussi un des aspects pour lesquels le CF peut être adopté par les banques. […] Ce n’est donc pas pour augmenter le volume d’affaires ».

37Un autre répondant exprime des motifs similaires, en ajoutant que le modèle du don offre la possibilité de tester le marché pour un potentiel élargissement à d’autres formes de CF :

38

« Notre plateforme est essentiellement basée sur le don à des fondations, et se concentre sur les associations et les individus qui collectent de l’argent pour leurs associations, pour des projets d’aide sociale ou de mécénat. Nous l’utilisons [la plateforme] aussi comme une première entrée dans le CF, afin d’apprendre, de voir comment le CF se développe, avant d’entrer dans une offre de services à destination des entreprises ».

39Ainsi, au-delà des objectifs à but non lucratif et de fidélisation de la clientèle, il semble que le CF basé sur le don constitue un segment permettant d’amorcer une offre de services plus global du CF. De cette façon, une banque peut pénétrer le marché sans risque de réputation pouvant découler des pertes financières auxquelles peuvent être confrontés les investisseurs. En effet, le marché du CF, encore immature, et plus encore que les marchés bien établis, n’est pas exempt de risques de défauts sur les entreprises financées. Ces défauts peuvent s’avérer préjudiciables à l’image de la banque dans la mesure où les investisseurs supportent intégralement les risques.

Le modèle basé sur l’investissement en capital

40Les répondants voient dans ce modèle un moyen pour les banques de faciliter le financement de l’innovation. Comme l’indique un répondant :

41

« La mise en place d’un service de CF basé sur le capital peut être une bonne idée si vous voulez aborder le marché des start-ups, si vous cherchez des contacts avec des start-ups. Si vous pensez qu’il est important de développer votre clientèle d’entreprises du futur, en accordant davantage d’efforts dans le financement de start-ups qui pourraient devenir des entreprises viables demain ».

42Le CF basé sur le capital apparait aussi comme un moyen d’offrir la possibilité aux investisseurs de diversifier leurs portefeuilles, au-delà des instruments financiers traditionnels. Comme l’indique un autre répondant :

43

« C’est le seul nouveau secteur d’investissement qui n’était pas disponible pour les investisseurs particuliers auparavant. Or la plupart des entreprises qui utilisent le CF basé sur le capital sont des start-ups. Pas toutes, mais la plupart d’entre elles. Donc, c’est un nouveau canal de collecte de fonds pour les entreprises ; et pour les investisseurs, c’est vraiment une nouvelle classe d’actifs. Donc si auparavant vous ne pouviez pas investir dans des fonds de capital-risque, maintenant vous pouvez choisir des start-ups qui vous paraissent intéressantes et pour lesquelles vous êtes sûrs que c’est vraiment le produit d’avenir qui est proposé. Ainsi, pour les investisseurs, le CF offre une plus grande variété de produits sur lesquels ils peuvent investir ».

44Le CF basé sur le capital permettrait finalement aux banques d’accéder au marché de start-up et au financement de l’innovation. Cette même possibilité est également offerte aux investisseurs individuels qui peuvent désormais accéder à un marché qui leur était traditionnellement inaccessible. Néanmoins, un défi important pourrait provenir du manque d’expertise de ces derniers dans l’évaluation des risques liés aux projets. Comme indiqué par un répondant :

45

« Je crois qu’il est bon si les investisseurs moins expérimentés investissent dans les start-ups. Cela permet à tout le monde de financer l’économie, mais il est utile de savoir évaluer les risques d’investissement. Or les investisseurs moins expérimentés n’ont pas l’expérience nécessaire pour évaluer les projets ».

46Il apparait également possible d’évoquer ce même défi du côté des banques. En effet, un répondant met l’accent sur le manque d’expérience de certaines banques dans ce domaine et juge nécessaire de recruter des experts afin de faciliter, le cas échéant, la mise en place d’un service de CF basé sur le capital.

Le modèle basé sur le prêt

47L’argument le plus partagé des répondants a été la similitude du CF basé sur le prêt avec les prêts bancaires traditionnels. La principale différence résidant ici dans le mode de financement. En effet, alors que les banques traditionnelles déploient des financements à partir de leurs propres bilans, ici, les prêts sont financés par la «foule» qui se réunit en un prêt unique. Les répondants mettent également en avant les compétences actuelles détenues par les banques dans le domaine du crédit. Comme souligné par un répondant :

48

« Pour adopter le CF, je conseillerais de commencer par les prêts, car c’est notre cœur de métier. C’est là que nous nous sentons à l’aise. Il serait probablement plus facile pour nous d’entrer sur ce marché. Ensuite, nous pensons qu’il y a un risque légèrement moins élevé du côté des prêts. En effet, si vous entrez dans un financement par capitaux propres, il est évidemment qu’à risque élevé, rendement élevé. Et ce n›est pas vraiment la culture que nous avons dans la banque. Donc, il y aurait un risque légèrement plus élevé, car évidemment 90% des startups échoueront, alors nous perdrons de l’argent et ce n’est pas vraiment comparable à notre situation actuelle. Notre vision clé pour les clients est toujours de se dire : notre banque est sûre, notre argent est sécurisé. Donc, ce serait quelque peu conflictuel.

49Un autre répondant souligne des avantages similaires au modèle de CF basé sur le prêt, par comparaison à celui basé sur le capital ».

50

« En tant que banques, nous sommes dans l’activité de fournir des prêts et l’avons fait depuis plus de cent ans ; nos modèles de financement et de structures d’organisation sont construits sur la base de la fourniture de prêts. Il est donc plus facile pour nous d’intégrer et de démarrer par le modèle du prêt. Faire de l’offre de capital serait un jeu de balle complètement nouveau pour nous, surtout dans les start-ups ».

51Pour un autre répondant :

52

« Les prêts peuvent être plus adaptés aux banques dans le sens où il y a une échéance et un intérêt qui peuvent être payés mensuellement. Cela garantit que vous pouvez saisir l’entreprise à un stade précoce si celle-ci est confrontée à des problèmes. Avec la participation au capital, vous ne pouvez pas forcément obtenir quelque chose de l’entreprise jusqu’à ce qu›il soit trop tard car l’action de l’entreprise est la première à brûler ».

53Néanmoins, ce même répondant voit également un problème lié au cout du crédit dans le CF basé sur les prêts :

54

« Avec les prêts, le processus d’évaluation devrait être complètement différent et il est difficile de penser que ce type de prêts soit émis avec des niveaux d›intérêt raisonnables ».

55Les prêts proposés par les PC présentent en effet des taux relativement élevés (de l’ordre de 5 à 10%). L’argument du répondant semble également évoquer le manque d’expertise des banques dans le processus d’évaluation des projets. Alors que dans le cadre du CF, l’évaluation collective des projets par la communauté (ie la foule) constitue souvent une ressource spécifique permettant de mobiliser une expertise appropriée à chaque projet particulier. En somme, tout l’enjeu des banques est de croiser leurs forces avec les avantages que peut apporter le CF. C’est dans ce sens que les modalités de mise en œuvre organisationnelles doivent être pensées.

Les banques et les différents modèles organisationnels d’opérationnalisation du CF

56Le choix d’un modèle organisationnel pour les banques ne peut pas être vu sans équivoque. En effet, la conception dépend fortement des objectifs individuels et de la façon dont les banques perçoivent l’intégration du CF dans leur activité. Un répondant reflète ce raisonnement de la manière suivante :

57

« Je dirais que c’est naturellement une question de stratégie commerciale, et cela dépend de la façon dont vous concevez votre activité ; Quel est votre business model et comment vous percevez son rôle dans le service à vos clients et des affaires de la banque en général ».

58En ce qui concerne la conception d’un modèle organisationnel d’opérationnalisation du CF, ce même répondant identifie trois modèles possibles :

59

« […] En Europe comme dans le monde, soit vous le pratiquez (le crowdfunding) dans le cadre de vos opérations bancaires, mais encore faut-il que vous preniez en considération la vaste palette de lois imposées aux établissements de crédit, qui reste en arrière-plan dans chaque pays ; soit vous créez une filiale par laquelle vous proposerez une activité de CF. Dans ce cas, ce sera la filiale qui exercera à elle seule cette activité. Une autre approche pour les banques serait de collaborer avec les PC existantes ».

60Les trois modèles évoqués ci-dessus sont présentés dans les propos qui suivent, en commençant par l’examen du modèle intégré, suivis de l’approche par la création d’une filiale et, enfin, l’hypothèse d’une collaboration avec une PC existante.

Le modèle intégré

61L’adoption d’un modèle interne peut être justifiée par le désir d’avoir un contrôle total sur l’activité. Cependant, il existe une entrave principale à la mise en œuvre d’un tel modèle : la règlementation exclut implicitement tout modèle interne, car celui-ci est traité sous la réglementation prudentielle des banques. Or comme il a été évoqué plus haut, cette réglementation interdit toute prise de risque excessive. Un répondant commente l’approche interne comme suit :

62

« Si vous voulez plus d’influence sur la façon dont le CF doit fonctionner, alors une PC interne pourrait être la façon de procéder. Cependant, les risques pris sont incorporés au bilan de la banque. Dans ce sens, créer une filiale ou alors avoir un partenaire pour collaborer, sont beaucoup plus appropriés ».

63Un autre répondant explique l’un des risques pris à créer une activité de CF en interne en déclarant :

64

« Il faut faire attention à cela, en particulier sur le point de la réputation. Si je créée une telle plateforme, la plus petite chose que je veux, c’est un client insatisfait, qui se rend plus tard aux médias et dit : eh bien ils ne m’ont pas dit combien il était risqué et j’ai pu malgré tout investir dans ces prêts et maintenant, tout mon argent est parti. Donc, je suis sceptique que ça soit une bonne idée pour une banque de faire cela, alors je préférerais collaborer avec un partenaire ».

65Pour résumer, le modèle interne pourrait permettre aux banques de contrôler librement l’activité. Cependant, la possibilité de fournir un service de CF dans le cadre des opérations courantes de la banque est d’emblée incorporée au régime prudentiel de la réglementation bancaire.

La fourniture des services du CF à partir d›une filiale

66Un répondant justifie la création d’une filiale du fait d’une réglementation moins exigeante dans ce cadre, les risques étant externalisés par rapport au modèle intégré, et la filiale étant soumise à la règlementation spécifique plus souple du CF. Il décrit l’orientation vers une filialisation de la manière suivante :

« Si je souhaite mettre en place la structure la plus légère possible du point de vue de la réglementation, mais aussi du point de vue des risques, une filiale semble être un choix raisonnable. Les risques seraient alloués là-bas, et bien sûr le risque de réputation sera toujours présent, mais en quelque sorte, cela semble être une option viable. Par conséquent, je pense que si vous considérez cela dans une perspective de risque, une filiale semble être le choix le plus intelligent ».
Le modèle de filiale semble particulièrement pertinent en France, dans la mesure où la réglementation entrée en vigueur en 2014 [5], plus souple que celle des banques, clarifie les règles relatives au CF. Les banques doivent respecter la réglementation imposée aux établissements de crédit, qui, à bien des égards, est beaucoup plus stricte que la réglementation imposée aux PC en matière de gestion des risques. Si une banque met en place une filiale indépendante, qui fonctionnerait dans le seul but de fournir une activité de CF, les exigences réglementaires seraient beaucoup moins restrictives, car elles seraient traitées dans le cadre de la réglementation sur le CF. Ainsi, la création d’une filiale apparait comme une option plus accessible pour une banque voulant s’approprier l’activité du CF.

La coopération/partenariat avec une plateforme existante

67La banque peut initier un partenariat avec une PC existante ou s’associer avec une PC en réorientant les clients vers la PC sans prendre part au processus de décision. L’un des répondants précise le potentiel d’un modèle partenarial en déclarant :

68

« Un modèle de plateforme modulaire et flexible, capable d’ajouter de nouvelles fonctionnalités à notre système actuel (bancaire), pourrait être le meilleur canal du point de vue de la banque pour collaborer. Les banques sont habituées à être attachées à ces grands systèmes de mastodontes, qui sont restés pratiquement les mêmes pendant les 20 ou 30 dernières années, et on sait à quel point il est difficile de les faire évoluer pour l’instant. Pour cette raison, ce type de système modulaire pourrait être le moyen le plus intelligent de procéder ».

69Un autre répondant explique les avantages de la coopération de la manière suivante :

70

« […] Nous pensons que, en raison de la pression de la digitalisation de notre côté (les banques), il sera bénéfique de travailler avec les PC. Elles sont petites et elles peuvent avoir des ajustements rapides dans leurs processus. C’est un moyen d’obtenir des prêts à haut degré de risque, de sorte que la coopération avec eux serait sympa ».

71Lorsque nous avons demandé sa vision concernant le choix entre la création d’une filiale et la coopération avec une PC externe, un autre répondant avance les propos suivants :

72

« Eh bien je pense quelque chose entre les deux. Si je veux créer ma propre plateforme, il n’est probablement pas une bonne idée de coopérer avec un concurrent. Aussi, je préférerais adopter une coopération dès le début. D’autre part, je ne ferais absolument pas tout cela par moi-même, car avec les plateformes en ligne, les banques ne font pas trop bien. Ils n’ont pas trop d’expérience là où il s’agit de convivialité et d’interaction avec les clients dans un espace en ligne. De toute évidence, cela dépend de la banque, mais pour notre groupe, nous sommes vraiment bien avec les clients dans les territoires locaux, le contact personnel. Donc, je voudrais certainement avoir le concours de partenaires qui ont déjà des plateformes existantes ».

73Ce même répondant émet également un avis sur les avantages de la collaboration en se référant au modèle de CF basé sur le capital de la manière suivante :

74

« Ma théorie est que c’est une bonne idée de faire cela (le crowdfunding basé sur le capital) avec d’autres acteurs du financement ou même d’autres banques, et pas nécessairement seul parce que vous aurez des difficultés à choisir les bonnes start-ups. De plus, avec le CF basé sur le capital, le marché est probablement encore plus étroit que celui basé sur les prêts ».

75En somme, la coopération avec une PC aiderait les banques non seulement à attirer des projets en ligne, mais aussi à fournir une expertise appropriée dans la due-diligence des projets présentés. Ces résultats rejoignent celles des recherches antérieures qui suggèrent principalement deux raisons pour lesquelles les banques peuvent s’engager dans des coopérations interentreprises. Premièrement, pour des considérations d’ordre technologique impliquant notamment la capture de la connaissance tacite liée à la technologie du partenaire (Harrigan 1985 ; Pisano et al., 1988). Deuxièmement, pour des considérations liées à l’accès au marché et à la recherche de nouvelles opportunités, dont les nouveaux produits et marchés, l’entrée sur le marché et l’élargissement de la gamme de produits (Hladik, 1985, 1988). Par conséquent, les considérations d’ordre technologique et d’accès au marché peuvent être considérés comme deux raisons pouvant conduire les banques à coopérer avec les PC dans le cadre d’un processus d’absorption.

76Le tableau 2 suivant synthétise l’ensemble des résultats de cette recherche. D’une part, les facteurs encourageant ou contraignant les banques à déclencher et à développer un processus d’absorption du CF ; d’autre part les leviers organisationnels mobilisés dans ce cadre.

Tableau 2

Déterminants et mécanismes de la CA des banques à intégrer les compétences développées par les PC

Facteurs observésCritères d’observationRésultats des observations
Eléments déclencheurs de la CAMotivations des banques à fournir les services du CF.
  • Le CF est une nouvelle forme de financement en plein essor.
  • Le caractère digital du CF est un vecteur pour s’adapter aux transformations du secteur bancaire et financier.
  • Le CF est vecteur d’amélioration des processus bancaires traditionnels et bureaucratiques et de l’image des banques.
  • Le CF est une opportunité pour élargir l’offre de service en finançant de nouveaux risques.
  • Le CF offre la possibilité de mutualiser le risque avec des pourvoyeurs de fonds en ligne.
Mécanismes d’intégrationOrientation donnée à l’utilisation des produits proposés par le CF
  • Le don et la récompense : service à la communauté, mécénat, fidélisation de la clientèle.
  • L’investissement en capital : faciliter le financement de jeunes entreprises (start-ups) et de l’innovation ; outil de diversification des portefeuilles de la clientèle.
  • Le prêt : expertise déjà détenue par les banques, mais possibilités d’accéder à de nouvelles cibles en ligne, de faire évaluer les projets par la foule.
Modèles organisationnels possibles
  • Intégration du CF dans l’activité courante de la banque : impossible du fait de la réglementation prudentielle.
  • Filialisation de l’activité : pertinent du fait d’une réglementation plus souple, mais obligation de mobiliser une expertise appropriée.
  • Coopération/partenariat avec une PC existante : pertinent non seulement du fait d’une réglementation plus souple, mais aussi d’une meilleure captation de la connaissance tacite du partenaire.

Déterminants et mécanismes de la CA des banques à intégrer les compétences développées par les PC

4 – Discussion et conclusion : vers un écosystème bancaire ouvert pour développer l’innovation

77L’environnement opérationnel des banques est aujourd’hui fortement influencé par la digitalisation et son corollaire, le développement des Fintechs (Barberis, Chishti 2016). Pour certains experts, « les banques capables d’identifier et d’adopter les technologies digitales issues des Fintechs, qu’elles soient des solutions disruptives ou collaboratives, seront celles qui parviendront à devancer leurs concurrentes » (Accenture, 2017 ; DeVauplane, 2015). En cela, cet article avait pour objectif d’identifier et d’analyser les déterminants de la capacité d’absorption des banques à intégrer les compétences développées par les Fintechs. Parmi les technologies Fintechs, le crowdfunding (CF), dont le développement a été sans cesse croissant ces dix dernières années, suscite de plus en plus aujourd’hui l’intérêt des banques. L’article a permis de recueillir la perception des professionnels de la banque et d’illustrer différents points de vue quant à la capacité d’absorption (CA) du CF par les banques.

78Selon, les résultats observés, l’intégration des compétences externes devrait permettre aux banques de suivre le rythme de l’industrie des Fintechs en développement, en s’appropriant des innovations et des modèles commerciaux innovants. Le CF fournit aux banques un terrain d’expérimentation permettant d’adapter leurs processus actuels pour évoluer vers la digitalisation. Concernant les différentes formes de financement du CF, le modèle basé sur le don semble offrir aux banques les avantages liés à l’image de par l’implication de ces dernières aux œuvres d’utilité publique et/ou de mécénat. Le modèle semble également offrir un moyen permettant d’amorcer l’activité sans risque de réputation lié à la non-viabilité éventuelle des projets soutenus, et un moyen d’observation de l’évolution du marché avant une éventuelle intégration d’autres formes de CF. Le CF basé sur l’investissement en capital est perçu comme un outil relativement risqué par les banques pour un certain nombre de raisons. Tout d’abord, les compétences requises pour évaluer les start-ups peuvent se situées en dehors de leurs expertises actuelles. Deuxièmement, les risques impliqués sont relativement importants pour les investisseurs individuels en ligne, qui devraient être informés avec une forte importance pendant la phase de financement. Cependant, l’outil est perçu comme un moyen de s’attaquer à l’ensemble du marché du CF. Le CF basé sur les prêts présente une ressemblance plus étroite avec l’offre de service et les compétences historiques et actuelles des banques. En cela, le modèle peut s’avérer a priori moins risqué que celui basé sur le capital du fait d’une asymétrie d’information potentielle plus réduite pour les banques. En effet, les banques détiennent déjà de grandes quantités de données qui pourraient être utilisées dans le cadre d’une offre des services du CF. De plus, le modèle basé sur les prêts représente le segment dont la progression est pratiquement la plus importante sur le marché [6], et pourrait donc permettre de créer un volume et des revenus supplémentaires pour les banques.

79Concernant les stratégies d’implémentation, le choix d’un design organisationnel se révèle variables et dépend de la stratégie commerciale de la banque. L’utilisation d’un modèle intégré aux activités courantes de la banque pourrait être justifié par le besoin d›un contrôle total sur le service proposé, mais s’avère éloigné des compétences et/ ou des modes opérationnels actuels des banques. Et surtout, le modèle apparait impossible à mettre en œuvre compte tenu des restrictions réglementaires imposées aux banques. La création et/ou l’acquisition d’une plateforme externe, ainsi que le partenariat avec une (des) plateforme(s) existante(s), semblent alors deux options envisageables pour une banque voulant intégrer le marché du CF. En effet, la réglementation bancaire plus stricte par rapport à celle du CF pourrait être contournée par ces biais. Aussi, le recours à un partenaire externe pourrait notamment résoudre les difficultés liées à l’évaluation des start-ups, domaine ne relevant pas forcément de l’expertise historique des banques.

80Finalement, les contributions de cette recherche sont à la fois théoriques, dans la mesure où nous montrons comment le concept de capacité d’absorption (CA) peut être appliquée à l’industrie de services financiers, et empiriques dans la mesure où elles étendent l’utilité de cette même théorie pour expliquer comment les banques peuvent s’approprier les activités émergentes et disruptifs des Fintechs. En ce sens, la contribution apporte quelques éléments de réponse aux praticiens au regard de nombreux enjeux liés à la conception de formes organisationnelles adaptées au management de l’innovation. Dans ce cadre, les banques peuvent fournir elles-mêmes certains services pour lesquels elles détiennent des compétences, en même temps qu’elles peuvent se procurer d’autres services réellement disruptifs auprès des Fintechs dans un écosystème en évolution. Aussi, pour compléter notre démarche, une analyse plus fine des relations entre l’industrie bancaire et les fintechs pourrait s’avérer fructueux. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous suggérons ci-après quelques pistes de réflexion en vue d’une analyse empirique des relations banques/ fintechs en général, et banques/crowdfunding en particulier, dans le contexte français.

81- Premièrement, cette recherche jette les bases d’autres recherches dans le domaine des Fintechs et leurs relations avec les banques, ou même avec d’autres acteurs de l’écosystème bancaire et financier. En cela, nous pensons qu’un approfondissement du concept de « capacité d’absorption » serait pertinent à plusieurs titres. Notamment, cela permettrait une analyse plus fine des mécanismes sous-jacents et leurs interactions afin de mieux cerner le processus d’une séquence d’absorption. De futures recherches pourraient également s’attacher à mesurer l’impact de la capacité d’absorption sur la performance et/ou les avantages compétitifs obtenus à l’issue d’un processus d’absorption. Ainsi, nous pourrions mieux comprendre le lien causal ou de processus entre l’information/connaissance, la capacité d’absorption et les avantages compétitifs, notamment en termes d’innovation. Comprendre les mécanismes qui sous-tendent la capacité d’absorption à la fois au niveau d’une banque et du système peut ainsi aider les managers à mieux adapter leurs actions en faveur de l’innovation.

82- Deuxièmement, sur le plan du volume des services offerts, il pourrait être intéressant d’analyser l’impact des relations financières entre les banques et le CF sur la quantité des transactions financières. Autrement dit, l’établissement d’une coopération ou l’appropriation du CF par les banques favoriserait il l’octroi d’un volume de crédits plus important que par le passé ?

83- Enfin, et troisièmement, sur le plan de la maîtrise des risques, il pourrait être envisageable d’analyser l’impact de ces relations sur le risque de crédits. Autrement dit, l’expérience acquise dans la gestion de ce type de risques par les banques ne serait-elle pas un domaine dont pourrait tirer profit les PC ? Du coté des PC, ne pourraient-elles pas faire valoir ici leur savoir-faire dans les nouveaux processus de traitement des données (Big Data) que la technologie digitale rend disponibles ? Sur ces deux questionnements, il est possible d’augurer que les PC aient pu développer des outils performants de traitement de données de masse, mais qu’elles manquent de matière première (données) pour les nourrir de manière à en tirer des produits et services innovants. En sens inverse, les banques détiennent des stocks de données importantes relatives à tous les compartiments de leur activité, mais qu’elles éprouvent des difficultés à les exploiter dans leurs systèmes d’information actuels souvent lourds et complexes qu’il semble difficile de les faire évoluer rapidement.


Annexe 1

Guide d’entretien (synthèse)

1 – Eléments déclencheurs de la capacité d’absorption

84Quels sont selon vous les éléments ou événements qui motivent les banques à s’intéresser au crowdfunding ?

2 – Modalités d’opérationnalisation du CF

A – Orientations données par les acteurs quant à l’utilisation des différents outils de financement proposés par le CF

85Il existe différents modèles de financement à travers le CF. Ces différents modèles diffèrent les uns des autres en termes d’objectif de financement et en termes de rémunération. Quelle orientation donneriez-vous à chacun de ces modèles en cas d’adoption de cette activité ?

  • Modèle basé sur le don (Donation-based crowdfunding),
  • Modèle basé sur la récompense (Reward-based crowdfunding),
  • Modèle basé sur la participation au capital (crowdequity),
  • Modèle basé sur le prêt (crowdlending).

B – Modalités organisationnelles

86Que pensez-vous des options organisationnelles suivantes qui s’offrent à vous pour intégrer le CF dans votre entité ?

  • Intégration dans les activités courantes de la banque
  • Création d’une plateforme en interne,
  • Filialisation par la création d’une plateforme externe
  • Partenariat avec une plateforme existante

Références

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  • Textes juridiques

    • Décret n° 2016-1453 du 28 octobre 2016 relatif aux prêts et titres en crowdfunding.
    • Décrets n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 relatif au financement participatif.
    • Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif.

Mots-clés éditeurs : crowdfunding, management de l’innovation, stratégie organisationnelle, secteur bancaire, capacité d’absorption

Date de mise en ligne : 17/02/2020

https://doi.org/10.3917/g2000.363.0131

Notes

  • [1]
    Selon une étude de l’association Financement Participatif France qui réunit des professionnels du CF, et le cabinet KPMG, « les moyens alternatifs de financement (financements participatifs, prêts en ligne…) ont plus que doublé en 2016. Le CF à lui seul représente 37% du total, soit 233,8 millions d’euros dont 96,6 millions sous forme de prêts et 68,6 sous forme d’investissements en capital ».
  • [2]
    L’Ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif, complétée par les dispositions du décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 et celles du décret n° 2016-1453 du 28 octobre 2016.
  • [3]
    La réglementation prudentielle imposée par les accords de Bâle exige aux banques une valorisation des fonds propres proportionnelle aux crédits accordés, pondéré ou majoré selon le niveau de risque des emprunteurs.
  • [4]
    A noter que dans le cadre des prêts accordés aux entreprises (P2B ou B2B), les prêteurs et les entreprises financées peuvent convenir d’un pourcentage du bénéfice de l’entreprise (royalties), qui pourra servir d’alternative aux paiements d’intérêts.
  • [5]
    L’ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif, aujourd’hui complétée par les dispositions du décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 et celles du décret n° 2016-1453 du 28 octobre 2016.
  • [6]
    Selon le baromètre 2016 de Financement participatif France, une association qui regroupe des acteurs du CF en France, parmi toutes les branches du CF, c’est celle du Crowdlending qui progresse le plus vite : +46% sur un an, contre +37% pour les dons et +36% pour l’investissement en capital notamment.

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