Notes
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Ci-après BALO.
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[2]
Annonces pour lesquelles toutes les informations nécessaires aux analyses sont disponibles et dont les valeurs quantitatives aberrantes (extrêmes) ne nuisent pas aux résultats, d’où le retrait de l’annonce d’Anovo en 2003.
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[3]
De telles sociétés renvoient une image peu fiable au marché car, du fait de l’illiquidité et du faible niveau de prix de leurs titres, elles sont souvent les cibles privilégiées de manipulations financières (Hamon, 2002).
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[4]
Analyse menée en consultant la base de données en ligne « Les Echos » et les quotidiens au format papier puisque la rubrique « Salle des marchés » et les avis financiers ne figurent pas dans la base.
1Certaines opérations sur titres, initiées par les dirigeants d’entreprises cotées, ne présentent a priori qu’un caractère « cosmétique » sur les marchés financiers. Elles consistent principalement à modifier la structure de capital de la société mais sans lui apporter aucune ressource ni bénéfice supplémentaire. Leur mise en place ne peut donc se justifier par un besoin en capitaux mais s’inscrit en revanche dans la politique financière suivie par l’équipe dirigeante. Ces outils à sa disposition lui permettent notamment de gérer les relations avec le marché et conduire une politique de fidélisation et/ ou d’élargissement de l’actionnariat, afin que celui-ci réponde favorablement à une demande ultérieure de fonds. Ces initiatives sont alors bien souvent « génératrices d’illusions » (Ginglinger, 1991). Certes la société distribue de nouvelles actions, en rembourse d’anciennes, multiplie ou divise le nombre de titres détenus par chaque actionnaire. Mais en réalité, elle ne modifie pas la situation patrimoniale de chaque détenteur d’actions. C’est ce qui leur vaut l’appellation d’opérations « blanches » et la relative difficulté à justifier leur recours par les dirigeants d’entreprises. Pourtant ces opérations sont assez fréquentes en France notamment et certaines d’entre elles paraissent appréciées des investisseurs. Ce papier présente une analyse d’un type d’opérations sur titres particulier ; les divisions et regroupements d’actions, à la lumière des annonces parues dans le Bulletin des Annonces Légales et Obligatoires [1] et la presse financière. Leur principe et fonctionnement sont abordés en première section. La deuxième section présente les données récoltées. Les résultats des différentes études et analyses sont détaillés dans les sections trois et quatre puis discutés ensuite dans la dernière section.
Les divisions/regroupements d’actions, des opérations « blanches »
2Les divisions/regroupements d’actions sont autorisées en France depuis un décret d’Octobre 1973. Elles consistent à diviser ou multiplier le nombre d’actions qui constituent le capital d’une société tout en divisant ou multipliant par le même quotient la valeur unitaire de chaque titre. Les dividendes et droits de votes sont aussi modifiés en proportion. Il s’agit donc bien d’une opération « blanche » dans le sens ou celle-ci ne modifie que la structure du capital (le nombre de titres et leur valeur nominale) sans augmenter ni diminuer les moyens de financement, la valeur de l’entreprise ou la richesse en portefeuille des actionnaires. La littérature scientifique Anglo-Saxonne est pourtant relativement riche et abondante sur le sujet, depuis Dolly dans les années 30 et les articles de référence de Fama, Fisher, Jensen et Roll (1969) puis Grinblatt, Masulis et Titman (1984). Cette littérature fait ressortir deux principales hypothèses expliquant le recours à ces opérations. L’hypothèse de « signaling » indique que les annonces de divisions permettent aux dirigeants de divulguer au marché l’information privée qu’ils détiennent vis-à-vis des perspectives futures favorables de l’entreprise (McNichols, Dravid, 1990) (Nayak, Prabhala, 2001). L’objectif est de réduire l’asymétrie d’information entre dirigeants et investisseurs. L’hypothèse d’ajustement des prix se base quant à elle sur l’idée que les divisions/regroupements permettent de ramener le cours des actions à un niveau optimal en matière de volumes de transactions, de liquidité et de volatilité, ou répondant à certaines normes (Lakonishok, Lev, 1987) (Lamoureux, Poon, 1987) (Goyenko, Holden, Ukhov, 2006). Peu de travaux existent cependant avec pour terrain d’étude un marché autre que le marché américain et notamment le marché français. Les travaux de Yon (1987) indiquent tout de même, sur la base d’une enquête auprès de dirigeants d’entreprises françaises, que ces derniers sont plutôt favorables à l‘idée de transmission d’information. Les différentes études exploratoires suivantes permettent alors d’appréhender précisément les motivations actuelles des dirigeants français quant aux divisions et regroupements d’actions, la visibilité de leur annonce pour les investisseurs et l’adéquation entre les intentions publiquement affichées et les résultats réels obtenus.
L’échantillon d’étude
3L’échantillon d’étude retenu pour les analyses recense toutes les opérations de division et regroupement d’actions effectuées par des sociétés cotées à la bourse de Paris entre Janvier 2003 et Décembre 2007 (5 ans). Proposé au vote de l’Assemblée Générale, ce type d’opération est initialement annoncé au BALO dans la convocation relative à cette même Assemblée. Une fois votée, l’annonce de l’opération est généralement relayée dans la presse spécialisée avant sa réalisation effective, à la date d’exercice. Les différentes dates d’annonce et de réalisation des opérations sont ainsi identifiées et recoupées à partir de plusieurs sources d’information financière comme le quotidien Les Echos, le BALO, les rapports annuels des sociétés et plusieurs sites internet dédiés à la bourse et répertoriant les annonces financières (Euronext, Abcbourse, Boursorama, Reuters, AMF). Les informations relatives aux raisons invoquées par les dirigeants sont retenues à partir de ces mêmes sources. Enfin, les données financières quantitatives, utilisées dans l’étude de l’évolution des caractéristiques des titres, sont extraites de la base de données DATASTREAM.
4Finalement, l’échantillon se compose de 105 annonces [2] réparties assez régulièrement sur les 5 années de la période d’observation. Le tableau 1 présente la distribution des opérations année par année sur la période étudiée. Les divisions sont assez courantes sur le marché français, une vingtaine par an, tandis que les annonces de regroupement d’actions sont nettement plus rares, avec douze opérations au total. Un fait intéressant peut également être mentionné, illustré par le tableau 2 sur la page suivante. La grande majorité des entreprises annonçant une division de titres paient régulièrement des dividendes à leurs actionnaires, soit environ 82%. De plus, presque 80% d’entre elles annoncent une distribution de dividendes simultanément à l’annonce de division. En comparaison, les sociétés qui initient un regroupement semblent moins disposées à distribuer des dividendes à leurs actionnaires.
Nombre d’observations par échantillon et par année
Nombre d’observations par échantillon et par année
Informations relatives au paiement des dividendes
Informations relatives au paiement des dividendes
Analyse des annonces de modification de nominal
5Les résultats de trois études se succèdent dans cette section. La première consiste en une analyse des délais de mise en place des opérations. Elle est complétée par le dépouillement des articles et informations pertinentes parues dans le quotidien « Les Echos » sur une période de deux ans afin d’en appréhender plus précisément la visibilité. La troisième étude concerne plus particulièrement les motivations des dirigeants révélées publiquement au marché dans les différentes annonces et/ou avis financiers pour justifier le recours aux divisions et regroupements d’actions.
Le « timing » et le déroulement des opérations
6Le déroulement et le « timing » des opérations paraissent sensiblement différents entre divisions et regroupements d’actions (Cf. tableau 3). Le processus est plus long et annoncé davantage à l’avance pour les regroupements. Cette différence peut s’expliquer par le fait que les entreprises initiant un regroupement d’actions sont généralement de plus petites taille (Cf. tableau 10), moins « visibles » et jouissant d’une réputation moindre [3] que les sociétés en division. Le temps nécessaire à la diffusion de l’information de manière efficace sur l’ensemble du marché s’en trouve donc augmenté. En outre, près de la moitié des annonces de division par voie de presse sont faites dans les cinq jours précédant la date d’exercice alors que l’opération est prévue depuis en moyenne deux mois.
Le timing des opérations (en jours de bourse)
Le timing des opérations (en jours de bourse)
La visibilité des annonces dans la presse financière
7Cette étude complète la précédente et analyse plus particulièrement les articles qui évoquent textuellement les entreprises de l’échantillon dans « Les Echos », les avis financiers et la rubrique « Salle des marchés » du quotidien [4], reprenant toutes les annonces de marché du jour. La fenêtre d’observation couvre une période de 3 mois avant la date de réalisation de chaque opération. On peut alors apprécier de manière plus fine le processus d’annonce de l’opération à la presse, à destination essentiellement d’investisseurs potentiels pas encore actionnaires de la société, et juger de la valeur donnée à une telle information dans ce quotidien (supposé é représentatif de ce type de presse). Le tableau 4 sur la page suivante récapitule les résultats.
Récapitulatif du dépouillement des articles et annonces parus dans « Les Echos » entre Aout 2003 et Septembre 2005
Récapitulatif du dépouillement des articles et annonces parus dans « Les Echos » entre Aout 2003 et Septembre 2005
8142 articles en rapport avec les sociétés de l’échantillon sont identifiés et retenus à partir de la base de données « Les Echos ». Ceux-ci traitent de 25 entreprises différentes sur 38 concernées pour cette période, avec seulement 16 articles évoquant 11 opérations différentes. Finalement, en y ajoutant les communiqués de presse et les assertions dans la rubrique « Salle des marchés », 29 opérations sur 38 sont annoncées dans le quotidien. Si l’annonce d’une modification de nominal présente un caractère informationnel particulier, celui-ci semble pour le moins confidentiel, noyé d’une part dans la multitude de décisions mises à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale. D’autre part, l’annonce de l’opération n’est pas systématiquement reprise dans la presse économique et financière en tant que telle. Le cas échéant, les délais sont longs, puisque l’information est souvent dévoilée dans le journal quelques jours seulement avant la date d’exercice, voire le jour même.
Contenu des annonces et motivations affichées des dirigeants
9Cette troisième analyse comprend le recensement de toutes les causes et raisons évoquées publiquement par les dirigeants d’entreprises de l’échantillon d’étude. Ces motivations « officielles » figurent dans les annonces au BALO, les avis financiers, les communiqués de presse ou encore les rapports annuels des sociétés concernées. Au final, neuf propositions récurrentes se dégagent et sont reprises dans le tableau 5.
Motivations affichées des dirigeants à l’annonce de l’opération
Motivations affichées des dirigeants à l’annonce de l’opération
10Les deux objectifs principaux évoqués pour justifier les divisions d’actions sont l’amélioration de la liquidité des titres et la facilitation de l’accès aux investisseurs particuliers. Alors qu’il s’agit plutôt de revaloriser le cours dans le cas des regroupements, pour sortir d’une situation de « penny stock », généralement peu appréciée des investisseurs, et rendre le titre plus attractif pour les institutionnels. Ces deux opérations antagonistes semblent ainsi destinées à favoriser tantôt les investisseurs individuels tantôt les institutionnels, selon que l’on baisse ou revalorise le niveau de cours des titres. L’objectif n’apparait pas d’ordre informationnel mais davantage opérationnel, aussi bien pour les divisions que les regroupements. En ce sens, il n’est plus en accord avec les résultats antérieurs de l’enquête de Yon (1987) mais il faut tout de même nuancer cette interprétation. Les informations récoltées ici ne sont pas des réponses précises et sincères de la part des décideurs à une véritable enquête mais seulement des objectifs évoqués de manière publique et volontaire.
Etude des caractéristiques des actions en division/regroupement
11Ce deuxième volet d’analyses étudie l’évolution de plusieurs caractéristiques des titres en division/regroupement. Plusieurs fenêtres d’observation sont employées.
12L’objectif est d’apprécier dans une certaine mesure l’impact des opérations sur ces caractéristiques et de mettre en perspective les motivations des dirigeants précédemment abordées avec les effets réellement observés sur le marché.
13Les annonces de modification de nominal sont souvent accompagnées d’une annonce simultanée sur le montant du prochain dividende à verser.
14Ainsi les résultats sont différenciés par sous-échantillons (SE) selon que les sociétés distribuent (D) ou non (ND) des dividendes à leurs actionnaires.
La liquidité et les volumes de transactions
15La motivation principale à diviser, révélée par la communication des dirigeants à leurs actionnaires et aux investisseurs potentiels, s’inscrit dans une logique d’optimisation de la liquidité des actions et de facilitation des transactions sur le marché (Cf. tableau 5). De nombreux travaux scientifiques anglo-saxons corroborent notamment cette idée (Copeland, 1979) (Schultz, 2000). Cette notion de liquidité peut être observée via les volumes de transactions.
16Les taux de rotation journaliers moyens (TRM) sont alors calculés en divisant les volumes journaliers par le nombre de titres en circulation. Ils sont ensuite comparés sur deux périodes, ante et ex-opération, avec deux fenêtres pour chaque période : un an (250 jours de bourse) et 6 mois (125 jours de bourse), précédées/suivies d’une fenêtre tampon de 20 jours. Les résultats des tests paramétrique de Student et non-paramétrique de Wilcoxon figurent au tableau 6. Ils dévoilent une hausse significative du taux de rotation moyen à 1 an des entreprises en division de 2,58%, principalement les sociétés distributrices de dividendes avec une hausse de 3,22%. Aucune différence n’est significative à 6 mois, de même pour les regroupements d’actions, quelle que soit la politique de distribution des dividendes ou la fenêtre d’estimation. Le test de Wilcoxon corrobore dans l’ensemble ces résultats. L’hypothèse d’une amélioration de la liquidité des actions dont le nominal serait modifié est ainsi difficilement vérifiable. Elle apparait finalement négligeable sur ces données.
Comparaison des taux de rotations journaliers moyens à 1 an et 6 mois avant /après la date d’exercice
Comparaison des taux de rotations journaliers moyens à 1 an et 6 mois avant /après la date d’exercice
La structure de l’actionnariat au travers de l’évolution du « flottant »
17La facilitation d’accès aux investisseurs individuels et la répartition entre particuliers et institutionnels est approchée ici par la notion de « flottant » des actions. Il indique la part en % des actions d’une société qui est disponible à la négociation pour le public et les investisseurs ordinaires. Cette part représente ainsi les titres de capital qui ne sont pas détenus pour des raisons stratégiques par les dirigeants ou les investisseurs institutionnels notamment. Le tableau 7 détaille l’évolution du flottant moyen des sociétés de l’échantillon durant les mois entourant l’annonce et la réalisation de l’opération. La probabilité de rejet du test t de la moyenne est entre parenthèses.
Évolution du flottant lors de l’opération de modification de nominal
Évolution du flottant lors de l’opération de modification de nominal
18Le flottant augmente d’environ 3% en moyenne suite à la division, particulièrement après la date d’exercice, pour dépasser 50%. Il augmente aussi pour les regroupements d’environ 2%, alors qu’il dépasse déjà 50%, mais juste après l’annonce et non à la réalisation de l’opération. La variation du flottant intervient dans ce cas lorsque le niveau de prix du titre est encore « abordable » pour les particuliers, avant son augmentation annoncée. Ainsi, les divisions de titres paraissent aller dans le sens d’une augmentation de la part des investisseurs particuliers, en raison de la baisse du niveau de cours de l’action, au détriment des institutionnels plus sophistiqués. Les résultats pour les regroupements d’actions appuient également d’une certaine façon l’hypothèse d’une contrainte budgétaire et l’importance de la variable prix dans les choix de portefeuilles de titres des petits porteurs.
Le risque et la volatilité des cours
1950% des regroupements d’actions de l’échantillon sont mis en place par les dirigeants dans un souci apparent d’optimiser le risque des titres et diminuer leur volatilité (Cf. tableau 5, 6 opérations sur 12). Pour apprécier l’incidence des modifications de nominal sur le risque des actions, la volatilité des titres est comparée sur les mêmes intervalles que les taux de rotation moyens d’une part et autour des dates d’annonce et d’exercice des opérations d’autre part. Cette dernière analyse permet d’observer si un saut de variance survient à l’une ou l’autre de ces dates, ou entre les deux. La formule utilisée est la variance des rentabilités quotidiennes sur la période. Les résultats sont résumés dans les tableaux 8 et 9 ci-après.
Comparaison des volatilités moyennes des titres à 1 an et 6 mois avant /après la date d’exercice
Comparaison des volatilités moyennes des titres à 1 an et 6 mois avant /après la date d’exercice
Comparaison des volatilités moyennes des titres à 15 jours avant /après la date d’annonce (An.) et d’exercice (Ex.)
Comparaison des volatilités moyennes des titres à 15 jours avant /après la date d’annonce (An.) et d’exercice (Ex.)
20Le test de Student ne détecte aucune différence significative de la volatilité à moyen terme. Les modifications de nominal, qu’il s’agisse de divisions ou de regroupements, ne semblent pas impacter de façon durable cette mesure de risque des actions. Seules les divisions sur un horizon de 6 mois présentent une différence significative au seuil de 10%, dans le sens d’une augmentation, au regard du test de Wilcoxon. Cependant, cette différence n’est plus significative à 1 an. Il est impossible de conclure à une quelconque variation sur la base de ces données et résultats.
21Par contre, à plus court terme, l’impact sur le risque apparait plus significatif. La variance des rentabilités des entreprises en division subit un saut positif à la date de réalisation, surtout pour les entreprises qui distribuent des dividendes. Le test de Student est significatif et positif aussi pour les entreprises en regroupement, mais à la date d’annonce de l’opération. Aucun résultat n’est significatif avec le test de Wilcoxon pour ce sous-échantillon. Finalement, le risque des titres dont le nominal est modifié varie aux mêmes intervalles que le flottant et appuie en ce sens les résultats précédents. L’augmentation momentanée du risque peut être imputable à un renforcement de l’activité des investisseurs, notamment les particuliers peu sophistiqués, sur les actions en fractionnement ou regroupement. Cet accroissement ponctuel de leurs transactions entraine un « bruit » à l’origine des modifications de volatilité, autour respectivement des dates d’annonce et de réalisation.
Le rapport de division et le niveau de prix avant et après l’opération
22Pour terminer ces analyses, les caractéristiques moyennes de prix des actions des sociétés de l’échantillon sont dressées dans l’idée d’y déceler une préférence pour un certain niveau de prix, en relation notamment avec leur taille. Les valeurs moyennes de taille et de cours 5 jours avant l’annonce comme les valeurs cibles (cours avant/facteur de division) figurent au tableau 10. La taille est calculée comme le logarithme de la valeur de marché de la société 5 jours avant l’annonce au BALO. La probabilité de rejet du test t de la moyenne est entre parenthèses.
Valeurs moyennes des prix des actions et taille des entreprises en division/multiplication
Valeurs moyennes des prix des actions et taille des entreprises en division/multiplication
23Les divisions rétablissent un niveau de cours inférieur à 100€ en divisant par presque 5 en moyenne la valeur des titres en circulation. Tandis que les actions en multiplication voient leur niveau de cours se redresser au dessus de l’unité pour atteindre une moyenne d’environ 8€. Enfin, les sociétés qui divisent sont de plus grande taille que celles qui multiplient leurs titres, comme celles qui distribuent des dividendes par rapport à celles qui n’en paient pas.
Discussion et conclusion
24Finalement, les différentes analyses menées dans ce papier entrainent davantage de questions que de réponses vis-à-vis des opérations de modifications de nominal, sur le marché français notamment. C’est un terrain d’étude intéressant de par ses spécificités institutionnelles et la concentration importante de son actionnariat. L’hypothèse classique outre-Atlantique de signal n’apparait pas dans les buts affichés publiquement par les praticiens. L’information relative à cet évènement particulier n’est pas vraiment relayée de façon instantanée dans la presse spécialisée et les différents canaux de diffusion. Elle se retrouve en outre souvent noyée dans une multitude d’autres informations pouvant avoir un effet modérateur ou substituable. Quant à l’idée d’un ajustement des prix dans le but d’optimiser les transactions ou d’influer sur le risque des actions, celle-ci est confrontée à des résultats empiriques très peu significatifs. Ils ne permettent pas de conclure à de réelles variations des mesures considérées à moyen terme. Toutefois, la possibilité pour les dirigeants de favoriser telle ou telle catégorie d’investisseurs en agissant sur le niveau de prix des actions se révèle être une piste de recherche intéressante. Elle l’est d’autant plus qu’il n’y a pas d’ajustement des quotités de négociation en France, contrairement au marché américain. La conséquence directe est alors une modification mécanique, en proportion du facteur de division, du montant nécessaire à un investisseur potentiel pour entrer dans le capital de la société. En ce sens, les divisions facilitent effectivement l’accès aux investisseurs individuels. L’intérêt des regroupements d’actions renvoie également à l’existence de certaines normes et aux préférences des investisseurs en termes de prix. La revalorisation de cours permet de revaloriser le titre lui-même en le sortant d’une situation de « penny stock » à laquelle les investisseurs associent généralement une image de mauvaise qualité. Deux éléments majeurs relatifs au comportement différencié des investisseurs se dessinent ainsi au travers de la discussion des résultats. Ces éléments sont reconnus par les dirigeants d’entreprises cotées françaises et intégrés dans leur politique financière. D’une part il existe certainement une contrainte de prix pour les investisseurs particuliers, avec un budget limité à allouer à l’épargne. Cette contrainte peut se traduire en termes de barrière à l’entrée dans le capital de l’entreprise pour cette catégorie d’investisseurs, si un niveau élevé est maintenu. D’autre part, certaines normes ou croyances paraissent influer sur le choix du niveau de prix cible des dirigeants. Les actions cotées en dessous d’1€ sont mal perçues par l’ensemble des investisseurs tandis que les actions cotées au dessus de 100€ sont « chères » pour les petits porteurs. Les dirigeants tiennent dès lors à leur disposition un outil d’ajustement de la composition et de la taille de leur actionnariat, en agissant sur le niveau de cours des titres. Ces observations ouvrent naturellement la voie vers des recherches plus poussées. L’utilisation de méthodologies d’études d’évènements appropriées permettrait d’analyser de façon instantanée l’impact des annonces sur les caractéristiques des titres, tout en distinguant les effets modérateurs possibles d’annonces simultanées (comme l’évolution du dividende). La piste d’un ajustement de l’actionnariat par la gestion du niveau de cours est aussi à creuser. Alors que la théorie classique indique que le niveau de prix unitaire des titres est négligeable et sans incidence, l’épreuve des pratiques réelles révèle que cette variable a une valeur pour les différents acteurs du marché. Un modèle théorique d’ajustement de l’actionnariat par le choix d’un niveau de prix « optimal » pourrait alors être envisagé, afin d’éclairer les recherches quant au à la problématique du choix du prix unitaire des actions.
Bibliographie
Bibliographie
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- Schultz P., 2000, « Stock Splits, Tick Size and Sponsorship », Journal of Finance, Vol. 55, n°1, p. 429-450, February.
- Yon D., 1987, « Augmentation de capital sans apport de fonds : l’exemple du marché de Paris, causes et conséquences », Thèse de doctorat, Université d’Aix-en-Provence.
Notes
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[1]
Ci-après BALO.
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[2]
Annonces pour lesquelles toutes les informations nécessaires aux analyses sont disponibles et dont les valeurs quantitatives aberrantes (extrêmes) ne nuisent pas aux résultats, d’où le retrait de l’annonce d’Anovo en 2003.
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[3]
De telles sociétés renvoient une image peu fiable au marché car, du fait de l’illiquidité et du faible niveau de prix de leurs titres, elles sont souvent les cibles privilégiées de manipulations financières (Hamon, 2002).
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[4]
Analyse menée en consultant la base de données en ligne « Les Echos » et les quotidiens au format papier puisque la rubrique « Salle des marchés » et les avis financiers ne figurent pas dans la base.