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Futuribles, n° 428, janvier-février 2019, p. 33-106.
1Voici un numéro de Futuribles bien conforme à l’objectif que nous poursuivons : celui de pouvoir fournir à nos lecteurs une analyse rigoureuse et néanmoins lisible des grands enjeux du monde contemporain appréhendés au travers d’une démarche résolument pluridisciplinaire et prospective. Et comme Futuribles est une revue, non un magazine, point n’est question ici de « surfer » rapidement sur tous les sujets, aussi nous faut-il faire preuve de discernement dans la composition de chaque numéro. Alors que le précédent portait entre autres sur l’Afrique, la réforme des retraites en France, le corps humain, ce numéro de juillet-août comporte un dossier spécial sur la plasticité du cerveau et d’autres articles sur divers sujets tout aussi importants.
2Ainsi en est-il de celui d’Hélène Le Teno qui s’attache à montrer comment, ayant pris conscience que les ressources naturelles étaient limitées et notre écosystème vulnérable, des entreprises, notamment en Europe et aux États-Unis, s’attachent désormais à « faire mieux avec beaucoup moins », faisant ainsi figure de pionnières sur la voie de la transition écologique. Tel est le cas également du texte de Pierre Bréchon qui, s’appuyant sur cinq enquêtes menées entre 1981 et 2018, présente un panorama de l’évolution des valeurs des Français qui, à maints égards, remet en cause bien des idées reçues. En témoigne sa conclusion dans laquelle il écrit notamment que les Français — plutôt heureux de leur vie — revendiquent de l’autonomie, de la tolérance, sont plutôt plus altruistes qu’auparavant, plus impliqués politiquement, plus demandeurs d’ordre public… Au sommaire aussi de ce numéro, un bref article sur l’entreprise post-RSE, la tribune européenne portant cette fois-ci sur la Russie, et une chronique sur la montée des populismes et la résurgence de mouvements fascistes.
3Mais j’en viens à notre dossier spécial, deuxième dossier sur le cerveau humain après avoir l’an dernier abondamment traité de l’intelligence artificielle, puis publié au début de cette année un premier opus intitulé « Cerveau et apprentissages [1] ». Nous nous intéressons ici à la plasticité du cerveau, donc à son exceptionnelle capacité à modifier son fonctionnement en fonction des expériences connues tout au long de sa vie grâce à des mécanismes que décrit merveilleusement Jean-Pierre Henry, que je tiens à remercier pour le concours très précieux qu’il nous a apporté en vue de l’élaboration du dossier que nous vous livrons ici. Il fallait à l’évidence toute sa compétence scientifique et son talent pédagogique pour introduire la série d’articles publiée dans ce numéro. Son texte, « Le cerveau, une machine vivante », explique d’abord comment se forme le cerveau depuis la sixième semaine après la conception (in utero), puis tout au long de l’existence, et comment il se régénère continuellement de ses expériences pour développer ses capacités, notamment celle de la mémoire.
4Mais il expose aussi quelles sont les pathologies dont le cerveau peut être atteint (notamment les accidents vasculaires cérébraux) et les progrès accomplis dans leur traitement et, bien entendu, celles qui peuvent apparaître à mesure de son vieillissement (maladies d’Alzheimer, de Parkinson, de Charcot). Il montre d’une part comment sa plasticité permet au cerveau lui-même de trouver des solutions à ces dysfonctionnements ; d’autre part quels sont les progrès accomplis et prévisibles quant à la compréhension de ces pathologies et aux réponses thérapeutiques appropriées.
5Les trois articles suivant viennent très concrètement illustrer ses propos, à commencer par celui d’Hugues Duffau. Pourfendant l’idée (dite du « localisationnisme ») selon laquelle chaque aire du cerveau correspondrait à une fonction bien précise (mouvement, langage, mémoire…), il explique que ce qui confère au cerveau son extraordinaire plasticité — et le distingue fondamentalement des modèles d’intelligence artificielle — résulte du fait qu’il constitue un système extrêmement complexe dont toutes les parties fonctionnent en interaction. Hugues Duffau nous explique en conséquence que l’ablation d’une lésion cérébrale ne peut pas s’effectuer en ignorant l’ensemble du réseau neuronal dynamique qui est propre à chacun…
6Une illustration de ces processus nous est ensuite fournie par Karim Benchenane dans son article « Rêves, sommeil et mémoire ». Il montre qu’il existe différentes formes de mémoire et que, comme l’apprentissage et la mémorisation consomment une grande partie de l’énergie nécessaire au fonctionnement du cerveau, le sommeil est indispensable à la récupération physique. Nous éclairant sur les controverses scientifiques en cours, il nous alerte enfin sur le risque de conditionnement social pendant que nous dormons, notamment en raison de possibles interactions cerveau-machine, un sujet qui fera l’objet d’un troisième dossier dans Futuribles d’ici la fin de l’année.
7Notre dossier se termine avec un texte de Serge Picaud qui explique comment fonctionne la vision grâce à la rétine et à ses photorécepteurs transmettant au cerveau les informations adéquates. Exposant les avancées scientifiques actuelles et potentielles, il présente les progrès qui ont été déjà réalisés pour restaurer la vision d’individus nés aveugles ou victimes de diverses maladies oculaires.
8Ce numéro est exceptionnellement imprimé en couleur pour faciliter la compréhension des images illustrant le dossier, un « fait peut-être porteur d’avenir » pour notre revue en 2020.
9Les sciences du vivant font des progrès fantastiques et la convergence des technologies inévitablement nous interroge : l’homme de demain sera-t-il réparé, augmenté ou remplacé par on ne sait quel cyborg issu de la mouvance posthumaniste ? Restons vigilants sur les questions éthiques, philosophiques, mais aussi économiques, sociales et politiques, qui ne manqueront pas de se poser.
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Futuribles, n° 428, janvier-février 2019, p. 33-106.