Couverture de FP_020

Article de revue

Entretien avec Moustapha Safouan

Pages 179 à 192

Notes

  • [1]
    Conférence prononcée aux Journées d’Espace analytique, à Paris, « On forme des analystes », le 14 mars 2009 et publiée dans ce numéro sous le titre, « L’analyste ne s’autorise que de lui-même », p. 11.
English version

1 Christian Hoffmann : Nous pourrions commencer par une question : vous parlez à un moment donné dans votre conférence  [1] des différents critères de fin d’analyse internes à l’enseignement de Lacan, en vous posant la question : « Est-ce qu’il y a une logique dans ce passage d’un critère à l’autre ? » Et surtout, lorsque vous parlez du critère de l’assomption de la menace de castration, vous évoquez l’assomption de l’interprétation de la menace de castration, dont vous dites qu’elle n’est pas sans rapport avec le fantasme fondamental. Donc, ça nous interroge. Et, si je poursuis un peu sur ce plan, en ce qui me concerne, j’entendrai cette question de l’assomption de l’interprétation de la menace de castration comme la découverte du distinguo entre la jouissance de la castration, ou la jouissance de la menace de castration, et l’assomption de la castration.

2 Moustapha Safouan : Vous parlez de la fin de l’analyse. Ceci demande à être précisé. Parce que c’est clair qu’on ne peut pas épuiser l’inconscient. On ne finit pas l’analyse comme on arrive à un terminal, comme on descend de l’autobus ou du train. Parce que l’inconscient est lié – comme cela a été montré par la suite par Lacan, empruntant ce terme à Jakobson – à la division du sujet, entre sujet de l’énonciation et sujet de l’énoncé. J’ajoute que cette division est liée à notre circulation dans le langage, parce que le langage nous permet, bien sûr, d’exprimer nos intentions, nous permet de parler des choses, mais il ne nous donne absolument rien de l’ordre d’une définition qui serait comparable à une saisie d’essence. Ce qui veut dire que le sujet de l’énonciation, je le place dans ce « il ne sait pas » ; nous parlons par exemple de l’âme, alors qu’on ne sait même pas quelle est cette âme, ni même si elle est. Nous opérons des calculs sans savoir ce qu’est la calculabilité. C’est d’ailleurs ce non-savoir qui motive un deuxième temps, et qui serait le temps où se pose la question : qu’est-ce que l’âme ? Qu’est-ce que la calculabilité ? Ce qui veut dire que nous passons d’un savoir à l’autre, mais, du même pas, nous passons d’une ignorance à une autre. Et ça, d’une façon générale. Ce que la psychanalyse montre d’une façon particulière, c’est le lien étroit entre le signifiant, dans la mesure où il ne prête aucune considération à nos intentions, avec la vérité, cette vérité d’ailleurs étant à concevoir, non pas comme quelque chose de caché que je trouve, mais comme un surgissement. Et donc, parler de la fin de l’analyse, c’est comme si on parlait de l’épuisement de l’inconscient, comme si on parlait d’une modification radicale de la situation même, ce n’est pas possible. Mais cela n’empêche que, dans la mesure où il s’agit dans l’analyse, comme je viens de le dire, de faire surgir une vérité du désir, on peut dire que sur ce chemin particulier du rapport au désir, dans la mesure où on attrape quelque chose de sa vérité, on peut dire que la psychanalyse va vers l’élucidation de la nature du fantasme, va vers l’élucidation du lien de ce désir avec un certain nombre de fantasmes où interviennent différentes catégories d’objet. Le fantasme fondamental, à mon avis, c’est la chose même qui donne son sens à la vie du sujet, avec l’objet phallique à l’aurore de l’existence. C’est autour de cela que la passion de l’être se cristallise. Mais toute la question est que cette passion phallique perd le sujet, en n’ayant pas la distinction en poche entre l’objet phallique comme effet de la métaphore paternelle et l’objet phallique comme une alternance de son corps, le père n’étant pas suffisamment dégagé des phases prégénitales pour se déprendre de cette mythologie du don, qu’on trouve chez certains analystes, il peut préférer, comme le dit Lacan dans des termes pittoresques mais tout à fait vrais, préférer l’instrument à l’objet, comme on préfère le fusil au gibier. Dans ce cas-là, il reste empêché par ce fantasme de traverser, en quelque sorte, les craintes qui entourent l’identification au phallus, dans la mesure où sa zone, c’est son rapport à l’avoir. C’est pour cela que je trouve que c’est Freud qui a dit jusqu’à présent ce qu’il y a de plus décisif sur la fin de l’analyse. Mais, évidemment, comme il s’agit d’une expérience du discours, on peut comprendre que ce dont il s’agit à la fin d’une analyse, ça serait que là où Freud constate un échec, on peut constater une traversée qui consisterait, non pas dans celle de la castration, mais dans l’interprétation de la menace de castration comme une vérité, et non pas comme la réalité. Voilà ce que je veux dire.

3 Christian Hoffmann : Je voudrais poursuivre sur ce fil. D’abord, je voudrais évoquer ce que vous avez dit du don, parce que c’est quelque chose qui m’a beaucoup intéressé dans votre ouvrage Le Langage ordinaire et la différence sexuelle, où vous rapportez que Lacan était très occupé par l’idée de la limite du don. Je voudrais aussi poursuivre sur une autre question concernant le savoir. J’aurais volontiers tendance à dire que dans la fin d’analyse, il peut se produire le fait que, par un acte analytique, l’analyste interprète non seulement les pensées latentes d’un rêve par exemple, mais il peut être amené à signifier à l’analysant qu’il s’agit là de ce que Freud appelait « son meilleur savoir ». Il me semble que si cet acte-là se produit dans une fin d’analyse, cet acte peut avoir un effet d’analyse du transfert et une chute de ce qu’on appelle le sujet supposé savoir, avec ce que ça suppose aussi du côté de la chute de ce que l’analyste est devenu comme objet dans le transfert. Cette assomption par l’analysant de « son meilleur savoir », qui concerne la vérité de son propre désir inconscient, refoulé, creuse quelque chose du côté de la Chose, de la perte fondamentale. Bref, la signification de la limite du Don.

4 Moustapha Safouan : D’abord, cette idée de fin d’analyse, encore une fois, est une idée qui nous invite à plus de réserves. On peut parler d’une analyse suffisamment conduite pour permettre au sujet d’exercer l’analyse. Évidemment, pour que le sujet soit à même d’exercer l’analyse, il peut y avoir un minima et un maxima qui est le seuil. Le minima, c’est qu’il soit convaincu, persuadé qu’il a fait l’expérience de la réalité de l’inconscient. Ça, c’est une chose. L’autre chose, c’est qu’il subit une telle modification de ce qui s’appelait – c’est un terme qui laisse à redire, mais enfin, on peut l’utiliser pour faciliter le discours – une telle modification de son économie libidinale qui lui permet d’exercer l’analyse sans faire intervenir son désir à lui. Alors, il ne faut pas oublier que si Lacan a remis en question la formation de l’analyste telle qu’elle se déroulait dans les institutions, c’est en raison de ce qu’on a vu de l’abondance de la littérature pendant les années 1950/1960/1970 sur le contre-transfert. Pour Lacan, le contre-transfert, c’était une fumisterie pour ne pas parler du désir de l’analyste. Donc, il n’y a pas de fin d’analyse mais il y a un maniement et quelque chose de plus souhaitable. Cela donc pour commenter juste la première question. Mais si vous voulez bien, j’aimerais que vous me rappeliez la suite pour que j’y réponde.

5 Christian Hoffmann : J’évoquais l’assomption par l’analysant de « son meilleur savoir » et ses effets sur le sujet-supposé-savoir du transfert.

6 Moustapha Safouan : Toute la question, c’est que, dans la mesure où le signifiant intervient dans ce qui s’appelle « la formation de l’inconscient », c’est-à-dire dans la mesure où il s’avère plus solidaire avec la vérité qu’avec l’intention, étant donné que nos désirs comportent toujours une composante narcissique qui est en quelque sorte un mensonge sur le désêtre, sur le manque à être, alors la vérité va dans le sens de démonter le narcissisme du désir, et pas le désir lui-même. Ce qui fait que ce qui surgit dans une analyse, c’est le rapport du désir, non pas au moi, mais à ce qui l’a déterminé comme désir, comme manque à être. Le meilleur savoir, c’est un terme qui exprime le savoir qu’on acquiert comme seulement la condition de la mise en place du désir, mais ça ne veut pas dire que c’est un savoir qui était déjà là.

7 Christian Hoffmann : Vous dites aussi, dans vos différents travaux sur la formation des analystes, que le désir de l’analyste peut être une nouvelle formation de l’inconscient, c’est-à-dire que le désir de l’analyste pourrait naître comme ça dans l’analyse, et dans l’analyse du transfert, de par le rapport même à la découverte du désir. Cette découverte dont vous venez de parler, du désir au-delà de son aspect narcissique pourrait effectivement dégager un nouveau désir qu’on appellerait « désir de l’analyste ». Et du fait même que l’analysant réalise que cette découverte a un « prix sans égal », comme vous dites ; c’est-à-dire que l’analysant réalise la valeur même du désir au-delà de son aspect narcissique. Et ça, ça peut, comme vous le dites, effectivement engendrer un nouveau désir du côté justement du désir de l’analyste.

8 Moustapha Safouan : Je crois que le désir de l’analyste est comme une nouvelle formation de l’inconscient, je me demande si ce n’est pas Lacan qui a dit ça. Je crois que c’est Lacan qui a dit ça.

9 Christian Hoffmann : Vous le reprenez dans votre livre.

10 Moustapha Safouan : Oui. Cela s’explique du fait qu’un sujet est divisé entre procès d’énonciation et procès d’énoncé. C’est-à-dire que sur le plan de l’énonciation, le sujet ne sera pas exactement dans la même position qu’avant. Et c’est dans ce sens-là que je parlerai d’une nouvelle formation de l’inconscient, c’est-à-dire une modification du sujet, pas comme sujet de l’énoncé mais comme sujet de l’énonciation.

11 Alain Vanier : « Nouvelle formation de l’inconscient » veut-il dire une nouvelle modalité du retour du refoulé ?

12 Moustapha Safouan : Oui. On peut dire même que c’est une façon de consentir à la fin à ce qui a procédé au refoulement primordial.

13 Alain Vanier : Il y longtemps, tu avais donné une définition judicieuse de la fin de l’analyse, de ce qu’on pouvait attendre de la fin d’une analyse : ne pas s’y croire, cesser de s’y croire, psychanalyste.

14 Moustapha Safouan : C’est-à-dire ne pas s’identifier à son identification ?

15 Alain Vanier : J’ai trouvé que la formule était très juste. Parce qu’en plus de la question de l’identification, il y a celle d’une modification du statut de la croyance. Freud utilise le mot conviction, mais aussi celui de croyance en l’existence de l’inconscient comme effet de l’expérience de l’analyse, pas une certitude, une nouvelle croyance, une nouvelle conviction.

16 Moustapha Safouan : C’est sûr, parce que tout le hic est dans ceci qu’un sujet n’a pas d’identité. Un sujet n’a pas d’identité, selon moi. Ce qui fait son problème, c’est que son identité – si on peut dire – ou ce cautionnement de l’identité, ça se résout en identification. Quelques identifications sont déjà reçues avant la naissance. Évidemment, dans la mesure où il y a, comme on l’admet, une assomption de la subjectivité dans la psychanalyse, au niveau du jeu du narcissisme et du désir qui me poussent à me faire objet, dans cette mesure à la fin de l’analyse, on voit qu’elle ne se résume pas à cette identification, qu’il y a là aussi une division entre les identifications et le manque de l’identité, l’identité en manque. Ce qui fait que le sujet prend ses distances par rapport à ces identifications, qu’il ne croit pas qu’il est vraiment ceci ou cela, parce que vraiment il n’est rien. Je vous assure, il n’y a pas très longtemps, j’ai eu un analysant qui n’a aucune culture, ni psychanalytique ni philosophique, qui a fini par dire – mais c’était au bout de sept ou huit ans d’analyse – « On est visible comme objet, mais on n’est pas visible comme sujet. » À partir de tout cela, on conçoit que la psychanalyse nous permet de prendre des distances vis-à-vis de nos identifications, et peut-être même nous permet de prendre des distances vis-à-vis de toutes les croyances, les croyances en général. Ce qui ne veut pas dire qu’on avale tout, mais ça veut dire qu’une thèse ne se différencie d’une autre que par le sérieux avec lequel on la soutient sur le plan de l’argumentation de la preuve.

17 Alain Vanier : Ce n’est pas très clair pour moi, mais ça serait le passage du particulier au singulier, ou quelque chose comme ça ?

18 Moustapha Safouan : Évidemment, quand on parle du sujet de l’énonciation, nous sommes au niveau de la particularité, de la singularité absolue, c’est-à-dire sur le plan où le sujet ne saurait se faire objet, puisqu’il n’est pas réflexif.

19 Christian Hoffmann : Vous retenez parmi vos critères de fin d’analyse la division maximale, comme distanciation. Voilà, ça précise un peu les choses. La division maximale comme distanciation.

20 Moustapha Safouan : Ça, c’est un terme, « l’assomption de la division » ; je ne sais pas qui l’a dit, mais je suis sûr que je le tiens de Lacan. C’était dans le cadre d’un contrôle ; on avait renoncé à ce qui s’appelait le « contrôle collectif ». Lacan le prônait d’ailleurs, parce que ce n’est pas dans un groupe qu’on peut entendre le rapport du sujet à la vérité. Ce n’est pas possible. Mais n’empêche que – sans doute parce qu’il voulait recruter Green et Stein – il a inséré quelque chose de l’ordre d’un contrôle limité à un groupe de choix (je me rappelle son terme), parce que quand il m’avait invité à y participer, il m’a dit « un groupe de choix », qui était composé de Laplanche, Serge Leclaire, évidemment Stein et Green, Piera Aulagnier, peut-être Granoff, je ne me rappelle plus. C’est dans le cadre d’un échange qui a eu lieu dans ce groupe que j’ai entendu la formule, ce que croire en la psychanalyse rend possible ou permet, ou sur quoi débouche une analyse, c’est à l’assomption maximale de la division du sujet. C’est dans ce cadre-là.

21 Christian Hoffmann : J’ai eu quelques échos aussi de ce groupe par quelqu’un qui y participait – et je crois que c’est intéressant pour nous aujourd’hui –, qui me disait que dans ce groupe de contrôle collectif, Lacan aurait été particulièrement attentif du côté de ce que l’analyste pouvait apporter comme matériel, comme on dit, comme matériel sur l’enfance de ses patients. Il avait remarqué que l’intérêt de Lacan était là.

22 Moustapha Safouan : Je pense que personne n’a prêté autant d’attention à la relation mère-enfant que Lacan. Et je dirais même que Winnicott envisageait sur le plan normatif, thérapeutique ce que doit être cette relation, mais Lacan l’envisageait telle qu’elle se déroulait et ce que ça donnait. C’est tout à fait une autre approche. Ce que vous venez de dire là, en le rapportant d’un participant à ce groupe, ne m’étonne absolument pas. Bien sûr, Lacan a dit ça. D’ailleurs, il n’y a qu’à voir dans son analyse de Hans. Tout le drame de Hans l’a rapporté à ceci : que les femmes admiraient son zizi, et, par contre, dévalorisaient son désir. Quand il jouait avec des petites filles, etc., c’était amusant. C’est-à-dire exactement le contraire de ce qu’il fallait.

23 Alain Vanier : J’ai un petit garçon en analyse, il a 8 ans et demi, il est tout le temps malade. Et quand il est très malade, sa mère s’occupe beaucoup de lui. Récemment, il me disait : « Quand ma mère s’occupe de moi, je me sens beaucoup plus près d’elle, mais je me sens loin de moi. »

24 Moustapha Safouan : C’est la vérité qui sort de la bouche de l’enfant. C’est incroyable.

25 Alain Vanier : Je pensais aussi à une autre fois où on avait parlé, lors d’un jury, il y a longtemps – je ne sais pas si tu te souviens –, une ancienne AE de l’École freudienne de Paris était présente.

26 Moustapha Safouan : Oui, je me rappelle.

27 Alain Vanier : Elle avait fait une des premières passes à l’École freudienne, et t’a demandé ce que tu avais pensé de sa passe quand elle avait été nommée, puisque tu faisais partie du Jury d’agrément. Tu avais dit, ce qui m’a beaucoup surpris, que tu n’avais rien compris au début à la Passe parce que tu cherchais trop la fin de l’analyse. Lacan aussi, au début, s’intéressait à cette même question, qu’il a progressivement abandonnée pour s’intéresser plutôt à des choses surprenantes à première vue : quel journal lisait le passant, quelles étaient ses opinions politiques, comment traitait-il sa femme, enfin des choses comme ça. Des questions en rapport avec une modification de l’économie libidinale, un remaniement de la jouissance. Ce fut un glissement dans l’enseignement de Lacan, dans l’expérience de la passe, que tu as connu ?

28 Moustapha Safouan : En tout cas, après la constitution du graphe, Lacan, qui était extrêmement clair avec ce graphe sur le rapport du désir au fantasme en tant que ce fantasme donne au moi ses certitudes, après, on peut dire que plus le sujet s’est soumis au message de l’inconscient et en a pris acte, plus le sujet s’est dépêtré du fantasme, a pris ses distances par rapport à son fantasme. Ça ne veut pas dire qu’on finira par un désir en-dehors de tout fantasme, mais qu’au moins ce fantasme, on n’a pas tellement intérêt à le garder, parce qu’on tient tellement à ses certitudes. Et donc, dans la mesure où ça doit se traduire dans les relations concrètes, quelqu’un qui se dégage de son fantasme parental ne sera pas avec sa femme et ses enfants le même que quelqu’un qui est noyé dans ce fantasme. Et c’est pour cela qu’apprendre quelque chose sur les relations familiales de l’analyste, la façon dont il est avec sa femme et ses enfants, ça peut être instructif.

29 Alain Vanier : Il y a une discussion à Espace assez soutenue en ce moment sur la question de la distinction entre la passe et la fin de l’analyse. Qu’en penses-tu ?

30 Moustapha Safouan : C’est-à-dire qu’une réponse adéquate à cette question demande qu’on revienne sur toute l’histoire de la psychanalyse : ce que ça veut dire une analyse didactique. Je pense que la fin de l’analyse, ça peut s’entendre dans deux sens. Le moment où le sujet arrête son analyse et la fin de l’analyse. Il se peut que le sujet mette fin à son analyse, alors que quelque chose reste à faire. Mais ça n’invalide pas forcément son analyse, du moment où on peut lui faire confiance de ne pas céder aux pièges du narcissisme tout le temps, d’être assez averti pour quand même maintenir sa relation avec l’inconscient, qu’il peut détecter dans ses contre-transferts, comme dans sa propre formation, etc. Alors, la fin de l’analyse, dans la mesure où on vient déjà involontairement de lui donner plusieurs formules, comme la distance par rapport aux identifications, comme le dégagement par rapport aux croyances, ou la chute de ses certitudes – peut-être quelque chose qui est tout à fait lié à la chute du sujet-supposé-savoir, et c’est une autre question –, dans la mesure où cette fin est accomplie, évidemment c’est souhaitable. Mais ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas au souhaitable qu’on va interdire l’exercice de l’analyse, parce que, dans ce cas-là, ça serait du militantisme pour la vérité. L’expérience de la passe, ce n’est que dans de très rares cas que ça peut nous mener vraiment à la fin de l’analyse. Mais une analyse authentique se poursuit quand même sur ce chemin-là, et dans cette mesure, la passe peut nous apprendre quelque chose sur ce qu’est la psychanalyse elle-même. Je serais pour accepter que quelqu’un s’occupe du problème institutionnel, c’est-à-dire qui soit en place d’AE, comme on disait, pas nécessairement parce qu’il a atteint la fin de l’analyse, mais parce qu’il nous a renseigné suffisamment sur ce qu’est l’analyse à partir de la sienne.

31 Alain Vanier : Donc, ça distingue vraiment la passe de la fin.

32 Moustapha Safouan : Quand on n’a rien appris sur ce que c’est que l’analyse, mais qu’on a appris plus sur son analyste et l’intervention du désir de son analyste, évidemment, on ne peut pas entériner ça.

33 Alain Vanier : D’autre part, un témoignage n’est-il possible qu’au temps de la passe ?

34 Moustapha Safouan : Un analyste qui est au travail depuis longtemps, il faut croire que c’est un travail assez épuisant, assez fatiguant, et que le problème de la vie concrète augmente, ne serait-ce que pour les enfants devenus adultes, etc. Et avec tout cela, l’analyste peut céder aux avantages de son statut professionnel et ne garder avec l’inconscient qu’une relation très ténue, s’il la garde encore, et par conséquent sa candidature pour la passe serait sans intérêt. Alors qu’un jeune est encore dans le feu de son devenir analyste, il peut nous donner des témoignages autrement plus instructifs. Ça se conçoit.

35 Alain Vanier : La question alors est : comment reste-t-on analyste ou comment se maintient le désir d’analyste ?

36 Moustapha Safouan : Ça se maintient toujours, dans la mesure où on ne préfère pas son narcissisme.

37 Alain Vanier : Je me souviens de deux énoncés, le premier de Leclaire, à quoi répondait un autre de Dumézil, approximativement : « L’institution est le lieu de la mise en commun des résistances de l’analyste », et « L’institution, c’est le lieu de la castration de l’analyste. »

38 Moustapha Safouan : Le lieu de la mise en place des résistances, ce n’est pas l’institution qui, par définition, ferait ça, mais c’est la psychologie des groupes.

39 Alain Vanier : Est-ce traitable ou sans solution ?

40 Christian Hoffmann : On pourrait peut-être s’inspirer de Kelsen qui, dans son article sur la notion d’État, à partir de La psychologie des foules, fait la différence entre la foule primitive avec un chef et une foule sans chef qui a mis une idée, une abstraction, à la place de l’idéal. Est-ce qu’une organisation d’une foule autour d’une fiction laisserait un peu plus de chance à l’analyse ?

41 Moustapha Safouan : D’abord, je suis étonné et ravi d’apprendre que Kelsen a produit un article sur Freud.

42 Christian Hoffmann : Oui : « La notion d’État à partir de La psychologie des foules de Freud », dans Imago.

43 Alain Vanier : Freud, dans Massenpsychologie, dit que soit il y a un chef, soit quand il n’y a pas de chef, c’est la bureaucratie. Il ne dit pas ça comme ça, mais il dit que ce qui devient important, c’est l’organisation, bien que l’individuation comme foule reste problématique.

44 Moustapha Safouan : Ça, c’est Weber. C’est-à-dire que l’institution, qui tire sa cohérence d’un chef charismatique, est plus propice à la psychologie de groupe – on en a eu la preuve – qu’une institution au charisme bureaucratique.

45 Beaucoup de gens se sont adressés à Freud, beaucoup de gens voulaient être psychanalystes. Mais Freud lui-même a remarqué que c’étaient des gens qui n’étaient pas des modèles de normalité. Et alors, on va leur faire une analyse qui sera didactique. Le fait est que Lacan a vu toute la mascarade que ça donne sur le plan d’une institution analytique constituée sur le modèle d’un centre de formation professionnelle. Il avait déjà commencé à en faire la critique dans son formidable article de 1956, mais il n’a pas rompu avec l’idée de didactique. Jusqu’à la fin – « Je n’ai jamais parlé de didactique », alors qu’il en parlait –, jusqu’à la fin, il n’a pas rompu avec l’idée de la didactique. Je ne vais pas multiplier les citations, mais on le trouve très facilement. N’ayant pas rompu avec cette idée didactique et l’ayant indissolublement liée à la fin de l’analyse, l’histoire est devenue doublement fausse. Une analyse qui serait didactique, et, secundo, qui atteint nécessairement une fin, cette fin-là, alors que ce n’est pas nécessaire pour qualifier quelqu’un. L’histoire est devenue doublement fausse chez Lacan. C’est pour cela que je dis qu’à l’heure actuelle, ce dont il s’agit, c’est de rompre avec l’idée même de la didactique et avec l’idée même de la formation.

46 Il n’y a qu’une analyse, Lacan l’a dit aussi. Mais il a dit tout, Lacan. Parce que comme le candidat disait : « J’ai fini ma didactique. Je vais faire mon analyse personnelle », Lacan ajoutait : « Il y en a d’autres ? » C’est cela qu’il cherchait, d’autant plus qu’on peut dire qu’avec la notion de désir, c’est lui qui a mis ce terme à l’honneur dans son séminaire, Le désir et son interprétation, il a rompu définitivement avec la biologie. Parce que Freud, quand il a voulu étudier la sexualité infantile, avait besoin d’un concept qui lui permettait cette étude scientifique de la sexualité. Et alors il a forgé – parce qu’en son temps la biologie était la science-pilote, c’est-à-dire la science à laquelle on emprunte ses axiomes –, il a conçu cette libido comme une entité biologique qui est, comme tout ce qui est biologique, susceptible d’une évolution, qui va de je ne sais quelle fermeture – narcissisme primaire – vers les organisations objectales, sans qu’on sache comment jamais on sort de ce narcissisme primaire, au point que les gens ont parlé du « miracle de l’investissement de l’objet ». Sans parler de la fin, cette histoire de la phase génitale, où l’autre sera reconnu comme tel, c’est-à-dire parfaitement authentifié, hors toute contamination de moi dans cette relation. C’est faux, tout ça. Mais ça a marché. Ça se conforme à nos idéaux, qu’il y ait un couple accordé au destin biologique, etc. En introduisant la notion de désir comme quelque chose de centré autour du phallus comme un élément qui introduit un manque là où il n’y en a pas, et par le fait du jeu de signifiants, il a rompu complètement avec le biologisme. Au fond, le désir est un effet de la machination œdipienne. Tout ce que nous avons comme analyses didactiques, ce sont des œdipes échoués. Je ne vois pas pourquoi on triche avec ça. Évidemment, il y a échoué et échoué. C’est comme la différence entre la mésaventure et le désastre. Donc, la doctrine, c’est : si nous voulons rompre avec l’idée de la formation, avec l’idée de l’analyse didactique, nous pouvons le faire en nous appuyant sur Lacan lui-même. Mais lui-même ne l’a pas fait. Il est resté là-dedans jusqu’à la fin.

47 Christian Hoffmann : Mais il y a un point que vous reprenez dans votre livre Le Langage ordinaire et la différence sexuelle, qui est très important pour la question actuelle de ce qu’on appelle en science « le retour du naturalisme ». Ce que vous rappelez là, vous l’avez écrit dans votre livre aussi, vous dites que Lacan « ne s’est pas désintéressé de la biologie. Mais ce qui l’intéressait, c’est ce qui manque à la biologie pour qu’un être humain puisse devenir un humain, un désirant ». C’est très important pour se positionner aujourd’hui avec la psychanalyse.

48 Moustapha Safouan : Ce n’est pas parce qu’un analysant veut devenir analyste qu’on va lui faire une analyse sur mesure, on va le lui dire. Il fera une analyse personnelle parce qu’il n’y en a pas d’autre. Mais dans ce cas-là, qu’est-ce qu’il peut avoir comme raisons personnelles ? Qu’il nous dise ses raisons et on en juge le sérieux.

49 D’ailleurs, Lacan a même dit que le sujet préférerait quitter l’analyse que de savoir pourquoi il veut être analyste. Et c’est ça que demandent les institutions aussi. J’ai des gens qui se sont institués analystes – je ne sais pas, vous devez avoir ça – parce que leur fantasme c’est surtout d’ouvrir leur cabinet. Je vous assure que c’est la régression anale la plus atroce. Dès qu’ils ont commencé à sentir l’odeur de leur fantasme – c’est le cas de le dire – ils se sont institués analystes. C’est pour cela que l’institution a une fonction quand même, qui n’est cependant pas de former, mais de garantir.

50 Je me rappelle avoir dit que dans les analyses que conduisait Lacan, il avait des gens qui disaient : « Je veux faire la Passe », et que Lacan ne pouvait pas dire non, mais il ne pouvait pas non plus l’entériner comme une démarche propice. Alors, la solution était de dire : « Adressez-vous au jury d’agrément et vous verrez. » Sans donner son avis. Ce qui lui permettait de garder la neutralité bienveillante sans laquelle il n’y a pas d’analyse. Ça, c’est pour cette histoire de ce que Lacan a fait avec certains de ses analysants qui se sont présentés à la Passe. Mais il y a aussi les vœux lacaniens en général sur la fonction de l’institution. Il a dit : « L’institution ne forme pas, mais on peut garantir, d’après les échos qu’on a ou ce qu’on peut constater dans les écrits, ou dans les questionnements qu’il pose, ou dans les interventions que fait un analyste, on peut juger si sa pratique, sa praxis est conforme à ce que nous attendons d’un analyste. » Mais alors, ça sera – comme je l’ai dit – une fonction constative et non pas constitutive. Seulement, Lacan, dans l’organisation de son école, a permis l’ouverture de la catégorie « Analyste praticien ». Et tout le monde s’est intitulé « analyste praticien », ce qui a gonflé l’École au-delà de tout contrôle possible.

51 À la vérité, je ne sais pas pourquoi un analyste qui pratique l’analyse, qui a fait son analyse personnelle, son contrôle avec X ou Y, des gens reconnus dans l’institution, pourquoi celui-là ne demanderait pas à présenter un papier clinique comme on le faisait autrefois. Je suis devenu membre adhérent de la Société de Paris en présentant un mémoire sur la nausée qui était dirigé par Lacan. Je ne suis pas contre l’adoption d’un critère comme ça pour reconnaître quelqu’un comme analyste membre de l’École, comme on disait.

52 La conception de Lacan est liée au fait que l’institution est un lieu où tout le monde fait attention au travail de l’autre, au travail de chacun. Comme c’est loin d’être le cas, et que quelqu’un qui a beaucoup de bagout peut canaliser l’attention, pour pallier à ce constat, on peut permettre à quelqu’un de faire un travail de sa propre initiative, du moment que c’est un travail clinique.

53 Aujourd’hui, j’ai reçu une lettre pour une réunion. J’ouvre, et je vois que ça commence par « Lacan a dit… » C’est vraiment le renoncement à toute réflexion.

54 Il y a trois choses. Il y a l’admission ; c’est une chose. Et puis il y a la fin d’un travail qui débouche sur le devenir analyste ; c’en est une autre. Et puis il y a le travail ou la fin d’un travail dont on s’autorise pour s’exposer à la Passe ou pour se présenter à la Passe. Ça fait trois choses différentes. Alors pour l’admission, c’est un problème pour lequel il n’y a pas de critères. En tout cas, on peut faire des efforts là-dessus pour quand même se mettre d’accord sur un minimum de ce que nous voulons de ceux qui veulent se joindre à nous. Ça, c’est légitime. L’autre question est de devenir quelqu’un qui est reconnu comme analyste membre de la Société – c’est pour cela que je dis que par rapport aux critères qu’a posés Lacan, étant donné le défaut de ce qu’il a dit par ailleurs, « l’obtention due au travail de chacun », on peut réintroduire le mécanisme d’un mémoire clinique.

55 Christian Hoffmann : À soutenir.

56 Moustapha Safouan : Ça peut être une façon de canaliser. Comme une institution a des centaines de personnes, elle ne va pas porter une attention spéciale à quelqu’un, on laisse à chacun l’occasion de présenter un mémoire, et de le confier à un jury.

57 En tout cas, pour ce qui est de reconnaître quelqu’un comme analyste qui travaille d’une façon qui répond à notre façon de concevoir la psychanalyse, on peut modifier ce que Lacan a préconisé dans le sens d’admettre que ça se demande – parce que, pour Lacan, ça ne se demandait pas – soit d’une façon qui revient à la méthode de présentation d’une étude clinique, soit en suivant une procédure comme celle d’Espace analytique à laquelle j’ai participé.

58 Alain Vanier : Pour les analystes praticiens à l’École freudienne de Paris, la garantie de l’École n’intervenait pas.

59 Moustapha Safouan : Mais quand même, ils figuraient sur la liste.

60 Alain Vanier : C’était ambigu, parce que ça n’intervenait pas au niveau de l’École, mais il y avait des institutions qui recrutaient des gens – des institutions soignantes, des hôpitaux – parce qu’ils étaient sur l’annuaire.

61 Moustapha Safouan : Et n’oubliez pas que ça a coïncidé avec le moment où Lacan a dit : « L’analyste ne s’autorise que de lui-même. » Alors quelqu’un qui s’intitule analyste praticien, qui figure sur l’annuaire de l’École, avec en plus la prétention que ce faisant il est conforme au principe lacanien, ça a fait des dégâts. Moi-même, j’ai eu des analyses avec des gens qui ont voulu pratiquer l’analyse, qui sont venus m’annoncer qu’ils étaient installés, qu’ils pratiquaient selon l’adage : « L’analyste ne s’autorise que de lui-même. » Ou bien même quelqu’un qui parle de son intention, quand je lui donne ne serait-ce qu’un appel à un peu de patience, à nouveau c’est : « L’analyste ne s’autorise que de lui-même. » C’est devenu un désastre.

62 Alain Vanier : Ça a fonctionné comme une licence, comme une permission donnée par l’Autre.

63 Moustapha Safouan : De la façon dont on a interprété ça, c’est devenu ça.

64 Christian Hoffmann : Je voudrais revenir sur un point qui m’intéresse beaucoup. Je veux revenir au critère de fin d’analyse à propos du deuil. Je trouve qu’il y a souvent une confusion autour de cette question du deuil et de ce que Lacan a répété en long et en large depuis la Proposition de 1967 sur le repérage de la position dépressive dans la fin de l’analyse. Il en faisait même un indice comme ça par rapport au passage de l’analysant à l’analyste dans la passe. Il distingue quand même – et je trouve que c’est une distinction de taille – entre la position dépressive repérable dans l’analyse, mais dont il fait l’indice du transfert, et ce qu’il distingue de l’achèvement du deuil. Et je trouve que là il y a confusion entre le repérage d’une fin d’analyse dans une position dépressive, et ce qui n’est que l’indice de ce que l’analyste est devenu dans le transfert de l’analysant, à savoir un objet cause du désir, à perdre.

65 Mais, en tout cas, il distingue la dépression de l’achèvement, par la perte de l’objet dans l’analyse du transfert.

66 Moustapha Safouan : Mais on peut dire que toute l’analyse, dans la mesure où il y a un pas dans l’analyse accompli sur le chemin, c’est un deuil du narcissisme, parce qu’après tout, dans l’attachement aux figures familiales, le père, la mère, et même dans les relations actuelles, il y a une différence entre te prévaloir de ton manque ou te prévaloir de tes qualités. L’analyse est ce qu’il y a de plus opposé à une théologie de la perfection. Il ne s’agit pas, à la limite, de rompre avec les parents ou avec les investissements des parents, mais il s’agit de comprendre si on a été aimé pour son manque et non pas pour sa perfection. Donc, c’est de bout en bout, soit dans le passé, soit dans l’actuel, qu’il s’agit d’un deuil qui est le deuil du narcissisme.

67 Christian Hoffmann : Je pense même qu’on peut prendre des distances avec ce qu’on pourrait appeler la pulsion parentale. Il y a une distanciation avec ce qu’on pourrait appeler la pulsion parentale.

68 Moustapha Safouan : La pulsion parentale comme le désir était confondu par les analystes – à très bon titre, ce n’étaient pas des idiots – mais la découverte analytique était un chapitre ouvert sur la richesse des fantasmes comme on n’en a jamais vu avant. Je crois même que quelque part Lacan compare cette richesse de ce qui a été découvert par la psychanalyse par rapport aux fantasmes – je crois que la comparaison était là – à tout ce qu’on peut trouver dans un tableau de Jérôme Bosch. Et donc, dans la mesure où le désir est devenu synonyme de fantasme, alors l’analyste, c’est quand même quelqu’un qui a un désir, mais qu’est-ce qu’il garde comme fantasme ? La question était équivalente. Et, l’analyse c’est le fantasme – je crois qu’il a parlé de fantasme parental et d’un autre. C’était logique, ce qu’il disait, avec le temps de la théorie à un moment donné. Mais comme, avec Lacan, on voit dans quelle mesure le fantasme repose sur la confusion entre l’objet foncièrement perdu et l’objet de la demande, le signifiant de la demande, le phallus qui donne sens à ce qu’a vécu l’enfant se confond avec le petit zizi, toute l’histoire de Hans a invité à faire cette confusion, comme il y a eu la distinction d’isolation de l’objet a dans le rapport au fantasme, à partir de ce moment-là on peut concevoir que quelque chose du désir peut survivre au fantasme, rompre l’équivalence.


Date de mise en ligne : 12/10/2010

https://doi.org/10.3917/fp.020.0179

Notes

  • [1]
    Conférence prononcée aux Journées d’Espace analytique, à Paris, « On forme des analystes », le 14 mars 2009 et publiée dans ce numéro sous le titre, « L’analyste ne s’autorise que de lui-même », p. 11.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.14.80

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions