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Article de revue

La démocratisation des parcours étudiants à l’aune de l’autonomie résidentielle et du type d’études

Une nouvelle forme de polarisation scolaire et sociale

Pages 7 à 27

Notes

  • [1]
    Politique qui sera formalisée par Lionel Jospin dans sa loi d’orientation sur l’éducation en 1989.
  • [2]
    Les évolutions du baccalauréat, http://www.education.gouv.fr/cid2598/le-baccalaureat.html.
  • [3]
    Source : DEPP, ministère de l’Éducation nationale, effectifs de l’enseignement supérieur par type d’établissement, de 1990 à 2003.
  • [4]
    Pour une synthèse sur les territoires d’études, voir Bernela & Bonnal (2018).
  • [5]
    Il est à noter que l’influence positive du niveau de diplôme de la mère s’est d’ailleurs accentuée (sous l’effet de l’augmentation du niveau d’éducation des mères), particulièrement pour les niveaux les plus élevés (Duru-Bellat & Kieffer, 2008).
  • [6]
    Incluant actifs occupés et actifs inoccupés.
  • [7]
    Bien que nous procédions à un regroupement entre BTS et DUT, rappelons qu’il existe un certain nombre de différences entre ces deux formations courtes, en matière notamment de composition du public scolaire, de degré de sélectivité de la formation, mais aussi de contenus de la formation et de possibilités de poursuite d’études. Les données mobilisées n'ont toutefois pas permis cette distinction pour les deux panels (voir Annexe 1 de la version électronique de l’article).
  • [8]
    Les statistiques descriptives du point de vue des caractéristiques scolaires et sociales sont disponibles en Annexe de la version électronique de l’article.
  • [9]
    Ce constat peut notamment être corrélé avec des difficultés d’emploi qui se sont accrues entre les deux cohortes et un coût du logement qui a certainement augmenté.
  • [10]
    Diplôme d’études universitaires générales.
  • [11]
    Tel que DUT, puis École d’ingénieur ou de commerce.
  • [12]
    Environ 15 % des jeunes de ce parcours sont concernés.
  • [13]
    Concernant l’apprentissage, il est à noter que plusieurs facteurs peuvent être favorables à la décohabitation : rémunération, insertion professionnelle en partie réalisée, perspectives d’emploi à l’issue du diplôme.
  • [14]
    Sciences et techniques des activités physiques et sportives.
  • [15]
    Les spécifications du modèle incluant les variables explicatives et de contrôle sont présentées en détail dans l’annexe 3 de la version électronique de l’article.
  • [16]
    Et encore récemment Beaud (2020).
  • [17]
    D’un côté, les jeunes ont significativement plus de chances d’être dans les trois trajectoires décohabitantes lorsqu’ils résident dans une ville petite ou moyenne (plutôt que dans une grande agglomération) renvoyant sans doute au fait que le marché immobilier dans les villes moyennes est plus propice à l’autonomie des étudiants (Driant, op. cit.) ; de l’autre, ils ont également plus de risque d’être cohabitant professionnel plutôt que cohabitant universitaire. Tout comme Caille & Lemaire (op. cit.), nous observons ainsi que les jeunes originaires d’une ville moyenne pourraient davantage opter pour les filières courtes (phénomène plus notable pour les jeunes du panel 1995).

1En France, des années 60 aux années 2000, le nombre de jeunes dans l’enseignement supérieur est passé de 300 000 à plus de deux millions. Cet essor des effectifs étudiants a eu pour corollaire une diversification de leur recrutement (Galland & Oberti, 1996). Au début des années 1960, l’Université se définissait par l’homogénéité de son public (Bourdieu & Passeron, 1964). À partir des années 90, suite à la démocratisation de l’accès au baccalauréat, c’est la diversité de celui-ci qui la caractérise. Cette diversité se reflète, notamment ces trente dernières années, par l’hétérogénéité des parcours étudiants. Dans la plupart des travaux, la notion de parcours étudiants renvoie aux types d’études effectués (type de discipline, type de filière, études longues ou courtes, sélectives ou non, professionnalisantes ou généralistes) (Erlich & Veley, 2010).

2Certains travaux soulignent toutefois l’intérêt de considérer des éléments plus larges que le type d’études dans la définition des « parcours étudiants ». Charles & Deles (2018) mettent par exemple en avant l’importance de prendre en compte d’autres dimensions, telles que la linéarité des études, mais aussi l’autonomie résidentielle des étudiants. Les rythmes d’entrée dans la vie étudiante peuvent effectivement être différents du point de vue de cette dernière dimension : entre étudiants qui cohabitent avec leurs parents durant leurs études et ceux qui décohabitent (Germain, 2014).

3Dans cet article, nous définissons alors le parcours étudiant comme un enchevêtrement entre type d’études et situation vis-à-vis de l’autonomie résidentielle. À notre sens, l’hétérogénéité des parcours étudiants réside à la fois dans le cursus étudiant en lui-même et dans la manière de vivre sa vie étudiante, particulièrement à travers la possibilité de réaliser une première expérience d’indépendance. L’enjeu est donc d’analyser comment ces deux éléments cardinaux de la vie étudiante – type d’études et autonomie résidentielle – s’agencent dans la trajectoire de la personne afin d’appréhender différents parcours-types. La décohabitation est un processus complexe, multiforme et réversible (Solard & Coppoletta, 2014). Dans cette étude, ce processus est réduit à une forme binaire (décohabitants ou cohabitants) afin de se concentrer, pour chaque étudiant, sur une analyse de séquences comprenant une combinaison type d’études/type de logement sur plusieurs années.

4L’originalité de cet article réside dans la proposition d’un nouvel éclairage dans le champ de la démocratisation de l’enseignement supérieur. La littérature a largement démontré le lien existant entre massification de l’enseignement supérieur et inégalités du point de vue du type d’études (Duru-Bellat & Kieffer, 2008), au travers du concept de démocratisation ségrégative (Merle, 2002). En effet, l’élargissement de l’accès au baccalauréat (toutes séries confondues) et l’augmentation du nombre d’étudiants n’induisent pas pour autant une égalisation dans les chances d’accès à certaines études (notamment sélectives et prestigieuses), indépendamment des caractéristiques sociales des individus. Les travaux faisant état d’un lien entre la démocratisation de l’enseignement supérieur et les inégalités du point de vue des possibilités d’autonomie résidentielle sont moins développés (Grignon & Gruel, 1999). Cette première expérience d’autonomie peut pourtant être une étape charnière de la trajectoire de l’individu, en influençant la manière de vivre sa vie étudiante (Gruel & al., 2009). L’autonomie résidentielle affecte par ailleurs des éléments aussi cruciaux que la satisfaction vis-à-vis de sa vie ou encore la confiance en l’avenir (Datsenko & al., 2018).

5À notre sens, la démocratisation de l’enseignement supérieur renvoie à la fois à l’ouverture des possibilités d’études supérieures et à celle des possibilités de vivre cette expérience d’autonomie (indépendamment des origines sociales des personnes). Cette recherche vise à croiser ces deux dimensions, intrinsèquement liées, qui renvoient à l’opportunité, pour le jeune, de s’émanciper du milieu familial et de franchir des seuils décisifs dans le passage à la vie adulte. L’ambition de l’article est donc de mettre en lumière les inégalités qui interviennent de manière simultanée sur ces deux dimensions, et ce, de manière dynamique, à travers la caractérisation et l’étude de différents « parcours étudiants » types.

6Cet article se singularise par ailleurs par le fait de proposer une comparaison dans le temps de ces « parcours étudiants ». En effet, à partir des années 2000, l’enseignement supérieur se caractérise par une diversification de l’offre éducative, dans un contexte de relative stabilité des effectifs étudiants, mais de quelques changements du point de vue de la composition du public étudiant (avec notamment l’augmentation des bacheliers professionnels). Nous examinons de quelle manière les différences au sein de ces parcours (parcours d’études et de cohabitation /décohabitation) ont évolué : des inégalités persistent-elles, du point de vue des caractéristiques éducatives (type et mention au baccalauréat), mais également des origines sociales ? Ont-elles diminué ou augmenté ?

7Un tel travail est rendu possible, d’un point de vue empirique, par la mobilisation de deux cohortes d’étudiants : les données des deux panels de la Direction de l’évaluation et de la prospective (DEPP), celui de 1989 et celui de 1995. Ces données nous permettent de lire de manière comparée les trajectoires d’études, jusqu’à cinq ans après l’obtention du baccalauréat, et de décohabitation/cohabitation de jeunes ayant suivi des études supérieures. Après avoir caractérisé les changements de contexte entre les deux panels et leurs possibles effets en matière d’inégalités dans une première partie, nous proposons une comparaison des différents « parcours étudiants » dans une seconde partie, pour enfin mettre en perspective les inégalités, entre les deux cohortes, dans les probabilités d’appartenir à un parcours étudiant plutôt qu’à un autre.

1 Type d’études et décohabitation : quels contextes pour quels effets en matière d’inégalités ?

8Le panel DEPP 1989 et celui de 1995 s’inscrivent dans deux contextes sociétaux radicalement différents. Le premier se situe notamment dans le contexte de la massification scolaire, alors que le second se met en place dans un contexte de stagnation des effectifs de bacheliers. Après avoir précisé les principales différences structurelles entre les deux générations du point de vue de la composition du public étudiant et de l’offre d’études supérieures, nous questionnons quels effets ces changements pourraient avoir induit sur les différents « parcours étudiants », particulièrement en matière d’inégalités sociales et scolaires.

1.1 D’une génération à l’autre : l’impact des 80 % au bac, la diversification de l’enseignement supérieur et le tournant du processus de Bologne

9Le panel DEPP 1989 est pleinement concerné par le phénomène de la massification scolaire quantitative. Au milieu des années 80, dans un contexte économique caractérisé par la montée du chômage, J.-P. Chevènement, alors ministre de l’Éducation nationale, fixe l’objectif de conduire 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat [1]. Cet objectif politique a rapidement fait écho au sein des familles, de toutes origines sociales. Les études supérieures sont ainsi vues comme une protection face au chômage. Les effets de cette politique se feront sentir en 1995, date à laquelle 63 % des jeunes d’une classe d’âge obtiennent le baccalauréat, alors qu’en 1989, 36 % étaient dans ce cas [2].

10L’objectif de 80 % au baccalauréat se comprenait aussi par l’intégration de nouveaux bacheliers, à savoir les baccalauréats technologiques, créés en 1969, et les baccalauréats professionnels, mis en place en 1985 (Beaud, 2002). La hausse des effectifs lycéens a généré quasi immédiatement une augmentation du nombre d’étudiants, engendrant de fait une diversification du public étudiant (Galland & Oberti, op. cit.) en raison de son élargissement social et scolaire. Ce public, plus hétérogène que par le passé, se hiérarchise aussi selon les filières d’études.

11Après une croissance importante des effectifs de l’enseignement supérieur et une augmentation de la population étudiante de près de 27 % entre 1990 et 1995, on assiste à une relative stabilisation des effectifs entre 1995 et 2005. Malgré cette plus faible croissance des effectifs étudiants entre le panel 89 et le panel 95, plusieurs différences majeures apparaissent. Au niveau du secondaire, le panel DEPP 1995 s’inscrit dans un mouvement de stabilité des taux d’accès au baccalauréat : environ 62 % de bacheliers dans une classe d’âge, avec une forte progression des baccalauréats professionnels (Beaud, 2008). En effet, de 1995 à 2004, la répartition des bacheliers s’est modifiée en faveur des séries professionnelles, ce qui a pu augmenter le nombre d'étudiants.

12Du point de vue de l’offre d’études supérieures, le panel DEPP 1995 s’inscrit dans le contexte européen du processus de Bologne (déclaration signée en 1999), qui a conduit à une harmonisation du système européen d’enseignement supérieur, avec la mise en place du LMD (licence-master-doctorat). Ce passage au système LMD « entraîne une reconfiguration de l’offre universitaire de formation, notamment dans le sens d’une professionnalisation plus poussée des parcours traditionnels » (Duru-Bellat & Verley, 2009, p. 212) et une élévation du niveau de formation (Duru Bellat, 2006). Parallèlement, les années 2000 voient une recomposition de l’enseignement supérieur avec une désaffection des filières universitaires au profit de filières plus professionnalisantes ou plus sélectives (Erlich &Verley, 2010). Cette désaffection des filières universitaires peut être reliée à l’essor d’autres cursus dans l’enseignement supérieur, notamment l’attrait pour les formations en Section de Technicien Supérieur (STS), en Institut Universitaire de Technologie (IUT), entre 1995 et 2002, ou encore en écoles paramédicales [3]. On observe également une augmentation des formations d’ingénieur, en partie due à la création des classes préparatoires intégrées. Ce mouvement de reconfiguration de l’offre d’enseignement supérieur n’est pas sans lien avec la répartition géographique des établissements d’enseignement supérieur, notamment avec la mise en place du plan « Université 2000 » (U2000), dont l’objectif était de faire face à une forte croissance des effectifs universitaires et d’opérer un rééquilibrage des universités sur le territoire français. [4]

1.2 Inégalités et « Parcours étudiants »

13L’augmentation et la diversification des types de bacheliers accédant à l’enseignement supérieur, d’une part, ainsi que la diversification de l’offre d’enseignement supérieur, d’autre part, pourraient avoir induit un certain nombre d’effets sur les parcours étudiants (entendus comme type d’études des jeunes et situation vis-à-vis de la décohabitation).

14Du strict point de vue du type d’études, l’augmentation, puis la stabilisation des effectifs de l’enseignement supérieur ne sauraient être synonymes d’une plus grande démocratisation, notamment à cause de la hiérarchie des différentes filières d’études (Millet, 2003) conduisant à une véritable différenciation sociale des filières et des disciplines. Pour un même type de baccalauréat et à performance scolaire donnée, certaines filières demeurent en outre extrêmement fermées socialement (secteur de la santé en filières longues, Grandes Écoles, etc.). Au sens de Caille & Lemaire (2009) et Dumay & al. (2010), la situation sociale du père et le niveau d’éducation des deux parents, en particulier celui de la mère [5], font partie des éléments qui structurent fortement le niveau final d’études des jeunes.

15Parallèlement, la modification de l’offre d’enseignement supérieur pourrait également induire des effets en matière d’inégalités. Ainsi, la multiplication des filières de l’enseignement supérieur public et privé a pu venir renforcer les asymétries d’information, ce qui tend à défavoriser les étudiants peu dotés en capitaux sociaux et informationnels. Pour Pinto (2008), le développement de l’offre d’enseignement supérieur conduit à brouiller les règles du jeu et à pénaliser « les étudiants les moins dotés en ‘sens du placement’« . En outre, pour l’auteure, l’essor des filières professionnalisantes sélectives (École de commerce ou École d’ingénieur par exemple) engendre des formes de professionnalisation « par le haut » (avec une forte valeur sociale du titre) et tend donc plutôt à favoriser les enfants des classes supérieures, notamment en raison de l’importance accordée aux codes sociaux et aux « savoirs être » (savoirs mettant en valeur les ressources les plus directement liées à l’origine sociale). Il est à noter que, d’une manière générale, « Plus l’entrée dans une formation est sélective, plus l’aire géographique de recrutement pour l’établissement est importante et plus les chances d’effectuer une décohabitation sont fortes » (Bernela & Bonnal, 2018, p. 53). Un lien peut alors être établi entre origine sociale, formation sélective et chances de décohabitation.

16De la même manière, le développement des filières professionnalisantes « par le bas » (avec un taux d’emploi important, mais également une probabilité importante pour les jeunes de se voir cantonnés dans les professions intermédiaires ou les postes d’employés), telles que les filières STS, sont plus susceptibles d’accueillir des enfants d’origine modeste. Non seulement elles constituent une poursuite d’études privilégiée pour les bacheliers technologiques et professionnels, mais elles représentent aussi une offre éducative de proximité, dans un contexte où elles peuvent être un accès aux études supérieures « au moindre coût, et au moindre risque, pour les étudiants qui n’iraient pas jusqu’à décohabiter, étant donné leur passé scolaire et leurs antécédents familiaux » (Grignon & Gruel, op. cit.). Le développement des antennes universitaires semble aller dans le même sens (Felouzis, 2001) : une présence plus importante de jeunes d’origine modeste et à performances scolaires plus faibles (relativement à l’Université centrale).

17Il existe en effet un lien structurant entre type d’études (BTS versus classes préparatoires, Université centrale versus antenne universitaire) et chance de décohabitation qui en découle. D’un côté, tel que rappelé par Grignon & Gruel (Ibid.) et Bernela & Bonnal (2018), les chances de décohabiter peuvent être conditionnées aux types d’études suivies et donc dépendre de l’offre éducative. Elles seraient plus élevées pour les formations les plus sélectives, comme les études de médecine et les classes préparatoires, plus faibles pour les études de droit, de sciences politiques, de sciences économiques, mais également pour les STS, filières moins sélectives et plus répandues sur le territoire. D’un autre côté, il paraît également envisageable que le type d’études soit conditionné au critère de cohabitation. Par exemple, pour certains, ne pas s’éloigner du groupe familial peut être un critère prioritaire dans les choix scolaires et professionnels (Thalineau & Hot, 2015).

18Ainsi, l’environnement familial peut influencer directement le type d’études (par les capitaux économiques, socioculturels et informationnels qu’il nécessite) et indirectement les chances de décohabitation (par la force de l’articulation entre types d’études et autonomie résidentielle), mais peut aussi jouer directement sur les chances de décohabitation. En la matière, les jeunes d’origine sociale favorisée seraient surreprésentés parmi les décohabitants (Bensoussan, 1996 ; Pihan, 1998). En outre, si le choix des études peut parfois être conditionné à des éléments résidentiels liés au rapport à la mobilité des jeunes, il peut l’être également pour des raisons économiques. Par exemple, comme le rappelle Driant (2016), les conditions de logement se resserrent en matière d’offre, mais également en matière de prix des loyers et de condition d’accès (notamment cautionnement ou garantie). L’offre de logement peut tout à fait conditionner la poursuite d’études. La marchandisation des conditions de logement peut aussi être un facteur de croissance des inégalités d’origine sociale (avoir des parents de catégories socioprofessionnelles supérieures est un réel atout pour accéder à un logement).

19Ainsi, un certain nombre d’éléments de contexte (nouveaux bacheliers, diversification de l’offre éducative, condition de logement) pourraient contribuer à un accroissement des inégalités en termes de probabilités de suivre un certain « parcours étudiant » : avec, d’un côté, des filières sélectives et/ou professionnalisantes « par le haut », impliquant plutôt une décohabitation et, de fait, permettant à certains jeunes de vivre une première expérience d’autonomie, et de l’autre, des filières moins sélectives et/ou professionnalisantes « par le bas » (Pinto, 2008), plutôt de proximité, avec un maintien sous dépendance familiale.

Encadré 1. Construction des panels

Les panels de la Direction des études et de la prospective (DEPP), de 1989 et de 1995, ont été mis en place par le ministère de l’Éducation nationale. Ils réalisent un suivi longitudinal d’une cohorte de jeunes lors de leur entrée en sixième ou en première année de Section d’éducation spécialisée (SES) dans un établissement public ou privé en France métropolitaine, jusqu’à cinq années après le baccalauréat pour les bacheliers de 1989. Pour le panel 1995, précisons que le suivi à partir de 2005 s’est effectué en collaboration avec l’INSEE (dispositif EVA : entrée dans la vie adulte). En 1989, 27 000 jeunes ont été interrogés jusqu’au baccalauréat, 9 858 ont été suivis après le baccalauréat. En 1995, ces chiffres sont respectivement de 17 462 et de 7 963 jeunes (Enquête DEPP et EVA). Les élèves entrés en sixième en 1989 sont parvenus au baccalauréat entre 1996 et 2000, selon leur parcours dans l’enseignement secondaire, et ceux entrés en sixième en 1995, entre 2002 et 2006 (Lemaire, 2012).

2 Malgré un contexte sociétal transformé, des parcours relativement similaires…

20Les deux situations que nous considérons comme caractéristiques des parcours étudiants sont enchevêtrées (choix d’études et situation vis-à-vis de la décohabitation), sans que l’on puisse déterminer un caractère prioritaire ou une hiérarchie (est-ce le critère de choix d’études qui est prioritaire ou celui de cohabitation/décohabitation pour l’individu ?) ni identifier clairement un effet causal (est-ce le choix d’études qui oriente la décohabitation/cohabitation ou le critère de cohabitation qui influence le choix d’études ?). Nous optons, dès lors, dans la partie empirique, pour une approche descriptive permettant une analyse simultanée des deux situations, et ce, de manière dynamique, sur cinq années, afin de rendre compte de parcours étudiants-types.

21Si la période de 1990 à 1995 est marquée par une nette augmentation des effectifs (27 %), cette hausse ralentit à partir de 1995 ; on assiste même à une légère diminution de effectifs étudiants, de - 0.7 %, entre les années 1995-1996 et 2001-2002 (années d’entrée dans les études supérieures des jeunes des panels 89 et 95). Dans ce contexte de stabilisation des effectifs, marqué, nous l’avons vu, par un certain nombre de changements, nous souhaitons observer la diversité des parcours étudiants. L’entrée dans la vie étudiante est ici définie par les situations en termes d'études, d'emploi et de logement. Chaque individu est défini par deux de ces critères (1/ type de situation : études/marché du travail [6] ; et 2/ type de logement : cohabitant/décohabitant). Par exemple, l’individu peut être étudiant et décohabitant. Lors des deux premières années, nous avons affiné la situation quant aux études : étudiant en classes préparatoires, étudiant à l’Université ou en École supérieure post-bac et étudiant en filière professionnelle (BTS et DUT, respectivement Brevet de technicien supérieur et Diplôme universitaire de technologie) [7]. Nos parcours types sont définis dans les deux panels à partir des cinq années qui suivent l’obtention du baccalauréat (voir Annexe 1 en version électronique de l’article).

Encadré 2. Les séquences et la construction de la typologie

Afin de créer les typologies, nous avons utilisé la méthode d’appariement optimal (Optimal Matching) sous le logiciel R, et plus précisément le package TraMineR, développé par Gabadinho & al. (2009). Les méthodes d’appariement optimal permettent de comparer le degré de similarité de séquences. Elles bâtissent alors des typologies de séquences, c’est-à-dire qu’elles rapprochent des suites d’éléments. Le calcul d’une distance entre chaque individu s’opère en fonction du nombre de transformations nécessaires pour passer d’une séquence à une autre. Ici, les coûts de substitution sont fixes pour chacun des états car nous attribuons à chaque état une même valeur. La valeur des coûts de substitution est par défaut 2. Une substitution étant équivalente à la combinaison d’une insertion et d’une suppression, nous avons fixé le coût d’insertion-suppression (ou coût indel : insertion-deletion en anglais) à la moitié du coût de substitution, soit 1. Une fois la distance entre les séquences définie, une méthode de regroupement est appliquée pour agréger les séquences en un nombre réduit de groupes, en l’occurrence 5.
 
Attrition des panels
En 1989, lors de l’entrée en sixième, 21 479 élèves ont été interrogés ; ils sont 17 830 en 1995. Ils ne sont plus que 9 858 du panel 1989 la première année après le baccalauréat et 7 963 pour le panel 1995. Au cours de l’avancement dans les années d’études, le nombre de répondants à l’enquête a diminué. Au final, l’échantillon sur lequel nous travaillons se compose de 3 930 individus en 1989 et de 5 035 en 1995. Étant donné que nous travaillons sur des données longitudinales, nous avons retenu exclusivement les jeunes pour lesquels nous disposions des réponses sur la situation vis-à-vis des études et du logement sur les cinq ans après le baccalauréat. Ce cylindrage des données induit certaines limites, particulièrement compte tenu des effets de l’attrition dans les deux panels (nous observons notamment, pour les deux panels, une surreprésentation des jeunes dans les filières générales). Afin de pallier la sous-représentation des jeunes des filières plus professionnelles, les données ont été pondérées.

22L’originalité des trajectoires construites ici réside dans le fait de considérer non pas une situation chaque année, comme de manière classique, mais simultanément deux situations une même année (vis-à-vis de la formation ou du marché du travail et vis-à-vis de l’autonomie résidentielle), chose possible dans les méthodes d’appariement optimal. Plus globalement, l’usage de ces méthodes permet de regrouper les trajectoires selon le type d’événements qui les caractérise et le moment où ces événements surviennent (Cayouette-Remblière & de Saint Pol, 2013, p. 64). Ainsi, cela explique que certains jeunes aux parcours scolaires bien différenciés les premières années, comme par exemple pour le panel 1995, les jeunes inscrits en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles (CPGE) et ceux inscrits en filières professionnelles, soient regroupés dans une même trajectoire-type (parcours 2). Ils ont en effet en commun le même moment de la décohabitation (première année d’étude) et un parcours d’études long (tout au long des cinq années suivies). L’approche par trajectoire-type a été choisie, notamment car elle permet d’apprécier la dynamique individuelle de l’enchaînement des séquences (études, emploi, décohabitation). La procédure de classification retenue a permis de faire émerger cinq parcours dans le panel 89 et dans celui de 95.

23Au final, d’une manière globale, les parcours types peuvent être rapprochés (Tableau 1). En effet, pour les deux panels, nous retrouvons deux parcours débutant par des études professionnalisantes (type BTS, DUT), l’un s’effectue en étant cohabitant (Parcours 1), l’autre en étant plutôt décohabitant (Parcours 4). Nous observons également, pour les deux panels, deux parcours d’études plutôt académiques et universitaires : l’un s’effectue en étant cohabitant (Parcours 2), l’autre correspond à des études longues tout en étant décohabitant dès les premières années (Parcours 5). Enfin, un dernier type de parcours rrenvoie à des études très sélectives après le baccalauréat (type classes préparatoires) et se compose d’étudiants décohabitants (pour certains, dès le début du parcours, pour l’immense majorité, à partir de la fin de la deuxième année d’études). Cette dernière trajectoire est qualifiée de « Parcours sélectif ».

Tableau 1. Parcours étudiants des Panels 1989 et 1995

Type en 1989En %Type en 1995En %
1Parcours « professionnel cohabitant » : cohabitants professionnels, puis insertion sur le marché du travail9,4Parcours « professionnel cohabitant » : cohabitants et décohabitants professionnels, puis insertion sur le marché du travail en étant cohabitants14,5
2Parcours « sélectif » : décohabitants CPGE* et cohabitants universitaires durant deux ans, puis décohabitants27Parcours « sélectif » : décohabitants CPGE, professionnels qui suivent des études longues et cohabitants universitaires durant deux ans, puis décohabitants25,6
3Parcours « universitaire cohabitant » : cohabitation tout au long d’études supérieures longues29Parcours « universitaire cohabitant » : 
cohabitation tout au long d’études supérieures longues
22,6
4Parcours « professionnel décohabitant » : décohabitants professionnels, puis insertion sur le marché du travail10Parcours « professionnel décohabitant » : cohabitants et décohabitants professionnels, puis insertion sur le marché du travail en étant décohabitants18,3
5Parcours « universitaire décohabitant » : étudiants décohabitants dès la première année avec études longues24,6Parcours « universitaire décohabitant » : étudiants décohabitants dès la première année avec études longues19

Tableau 1. Parcours étudiants des Panels 1989 et 1995

* : Classes préparatoires aux Grandes écoles.
Source : Panel DEPP 89 et Panel DEPP-EVA 95, données pondérées.

24Il existe de grandes tendances caractérisant ces cinq types de parcours d’études et reflétant des similarités entre les deux panels (notamment du point de vue des caractéristiques scolaires et sociales des jeunes).

25• Le Parcours « professionnel cohabitant »

26Ce parcours type se caractérise tout d’abord, pour les deux panels, par une formation professionnalisante avec maintien au domicile parental, puis une insertion sur le marché du travail au terme de deux ou trois années d’études supérieures. Pour les deux panels, il s’agit du parcours regroupant le plus de bacheliers technologiques et professionnels, avec une légère baisse du nombre de bacheliers technologiques et une augmentation du nombre de bacheliers professionnels de près de dix points [8] (sans doute sous l’effet structurel de l’augmentation des bacheliers professionnels entre les deux panels).

27Dans les deux panels, le parcours se démarque par un passage en STS, avec une présence un peu plus marquée des STS tertiaires (représentant notamment une poursuite d’études possible pour les meilleurs bacheliers professionnels du tertiaire), dans une moindre mesure par un passage en IUT. Environ 5 % des jeunes de ce parcours suivent cette formation professionnelle par apprentissage, pour les deux panels.

28On observe par ailleurs des similarités du point de vue des caractéristiques scolaires des jeunes de ce parcours, pour les deux générations. Ils se démarquent par des performances scolaires plutôt faibles, puisque les trois quarts d’entre eux n’ont pas obtenu de mention au baccalauréat. La proportion de jeunes ayant un niveau jugé passable en français en sixième est également la plus importante parmi l’ensemble des parcours.

29Ce parcours est également assez marqué socialement. Les parents de ces étudiants sont en effet très largement titulaires d’un diplôme inférieur au baccalauréat (par exemple, 80 % des pères en 1989 et en 1995 ont un diplôme inférieur au baccalauréat ; cela concerne respectivement 79 % et 70 % des mères).

30Enfin, un des marqueurs majeurs de ce parcours réside dans le fait de s’insérer sur le marché du travail tout en restant chez les parents. Ce résultat fait écho au travail de Solard & Coppoletta (op. cit.) : bien que certains jeunes terminent leur formation initiale plus tôt, ils s’émancipent plus tard que les autres. Les auteurs évoquent alors plusieurs éléments explicatifs pouvant intervenir : des facteurs monétaires (par exemple une insertion sur le marché du travail plus compliquée), mais également possiblement des facteurs non monétaires et plus subjectifs, comme des dimensions relationnelles et géographiques de la décision de décohabitation. Ici, en matière de décohabitation, une différence notable est à observer : alors que cette tendance de maintien au domicile parental concerne 52 % des jeunes du panel 89, elle touche 95 % des jeunes du panel 95 [9].

31• Le Parcours « sélectif »

32Les jeunes de ce parcours se démarquent, pour les deux panels, par des études supérieures sélectives et longues, en étant en large majorité décohabitants, particulièrement à partir de la 3e année.

33D’un point de vue scolaire, pour les deux panels, les jeunes ont connu les meilleurs parcours : ce sont majoritairement des bacheliers scientifiques, titulaires d’une mention bien ou très bien (avec une nette augmentation des mentions très bien entre les deux générations).

34Ce parcours est également très marqué socialement pour les deux panels : les niveaux de diplôme des parents sont les plus élevés (41 % des pères possèdent un diplôme de l’enseignement supérieur et 35 % des mères en 1989, et respectivement 45 % et 45 % en 1995). Il détient la plus forte proportion de jeunes dont la mère possède un niveau de diplôme beaucoup plus élevé que les pères.

35Pour les deux générations, ce parcours se caractérise par la présence significative d’étudiants en CPGE. Toutefois, une différence notable apparaît. Tandis que pour le panel 1989, une partie des jeunes sont des cohabitants et suivent des études à l’université (notamment en DEUG [10] sciences humaines et sociales et en DEUG sciences de la nature et de la vie) avant de devenir décohabitants à partir de la 3e année, pour le panel 1995, une partie des jeunes suivent des études professionnelles dans le supérieur (particulièrement des DUT) tout en étant décohabitants et en poursuivant des études longues. Nous pouvons faire l’hypothèse que ces jeunes ont emprunté la voie professionnelle du supérieur dans un premier temps comme moyen détourné d’accès à l’enseignement supérieur sélectif et long [11]. Par ailleurs, ce parcours se démarque, pour le panel 95, par le poids de nouveaux étudiants : ceux des classes préparatoires (ou des cycles préparatoires des Écoles d’ingénieurs). Les différences observées dans ce parcours sélectif tiennent ainsi sans doute principalement à la diversification de l’offre d’enseignement supérieur et aux changements institutionnels entre les deux générations.

36• Le Parcours « universitaire cohabitant » 

37Les jeunes de ce parcours type suivent des études universitaires longues, tout en restant au domicile parental pour les deux panels.

38Pour les deux générations, on retrouve un nombre massif d’étudiants à l’université (particulièrement en droit et en lettres). On notera une différence pour le panel 95, avec la présence de jeunes passant en BTS tertiaire (voire en DUT [12]) avant de poursuivre à l’université en étant cohabitants. Ainsi, le parcours est moins homogène que pour le panel 89.

39D’un point de vue scolaire, des similarités apparaissent : un peu plus du tiers d’entre eux sont des bacheliers scientifiques (36 % en 1989 et 37 % en 1995) et un peu plus du quart (26 % en 1989 et 28 % en 1995) sont titulaires d’un baccalauréat économique et social (ES). Cette dernière proportion est la plus forte parmi l’ensemble des parcours. En outre, les performances scolaires de ces jeunes sont plutôt moyennes ; on notera par exemple le fait que 74 % (pour le panel 89) et 70 % (pour le panel 95) des jeunes n’ont pas obtenu de mention au baccalauréat.

40Ce parcours se démarque également du point de vue de sa composition sociale, les parents étant moyennement diplômés, avec une légère diminution du nombre de jeunes ayant un père diplômé de l’enseignement supérieur (34 % ont un père titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur pour le panel 89, contre 26 % pour le panel 95) et une augmentation du niveau de diplôme des mères (les diplômées de l’enseignement supérieur passent de 21,4 % à 30,7 %).

41• Le Parcours « professionnel décohabitant »

42Les jeunes de ce parcours suivent des études professionnelles et s’insèrent sur le marché du travail en étant décohabitants (en 1995, une partie de ces jeunes restent toutefois au domicile parental durant leurs études courtes avant de décohabiter au moment de l’insertion). Entre les deux panels, on observe une légère diminution des étudiants en DUT du secteur secondaire, une légère augmentation des BTS du secteur secondaire et une réelle augmentation des BTS de secteur tertiaire (de 23 % à 45 %).

43Un autre élément semble distinguer les deux générations, soit le poids de l’apprentissage [13], qui est en nette augmentation (passant de 1.5 % à 7,7 %).

44Une dernière différence est notable du point de vue du type de baccalauréat obtenu. Ainsi, pour le panel 89, un tiers des jeunes possèdent un baccalauréat scientifique et 40 % sont titulaires d’un baccalauréat technologique, tandis qu’en 1995, ce sont essentiellement des jeunes titulaires d’un baccalauréat technologique (et dans une moindre mesure, professionnel).

45Pour les deux panels, les caractéristiques scolaires sont proches, avec des résultats scolaires assez moyens (performances scolaires moyennes en sixième et les trois quarts n’ont pas obtenu de mention au baccalauréat).

46Du point de vue de la composition sociale, c’est également dans ce parcours, après celui des professionnels cohabitants, que le niveau de diplôme des parents est le plus faible pour les deux générations.

47• Le Parcours « universitaire décohabitant »

48Partir de chez ses parents dès la première année d’études et suivre des études longues à l’université constituent la caractéristique principale des jeunes de ce parcours pour les deux panels. Ce parcours est assez homogène et n’a quasiment pas évolué entre les deux générations. On y retrouve notamment des étudiants de langues, de sciences humaines et Sociales ou encore de STAPS [14] ou de Premiers cycles d’études médicales (dont la proportion augmente pour le panel 95). Une part importante (45 % en 1989 et en 1995) des jeunes de ce parcours sont des bacheliers scientifiques. C’est également dans ce parcours que la proportion de jeunes ayant obtenu une mention bien ou très bien au baccalauréat est la plus forte, après celle des étudiants en CPGE. Du point de vue de la composition sociale, pour les deux panels, la proportion de parents diplômés du supérieur est élevée.

49Les parcours étudiants sont ainsi moins uniformes pour les jeunes du panel 95. Quelques similarités transparaissent cependant. Pour les deux générations, plus les jeunes sont titulaires d’un baccalauréat scientifique, plus ils s’orientent en classes préparatoires ou dans une formation sélective un an après le baccalauréat et plus leurs parents sont diplômés, plus ils décohabitent et font des études longues en vivant seul. Lorsque la mère est beaucoup plus diplômée que le père, les étudiants sont davantage des décohabitants en classes préparatoires ou des décohabitants à l’université. Ainsi, les jeunes ne s’engagent pas dans les études supérieures de la même manière : études courtes ou longues, mais aussi et surtout en restant chez leurs parents ou en quittant le domicile parental, selon leurs parcours scolaires, mais aussi ceux de leurs parents. Certains jeunes ont en effet la possibilité de suivre les études supérieures de leur choix à proximité du domicile parental ; certains, au contraire, doivent partir de chez leurs parents pour le faire. D’autres n’ont pas la possibilité de décohabiter et se « contentent » possiblement de filières d’études supérieures plus localisées, les inégalités géographiques d’implantation des lieux universitaires venant renforcer les inégalités sociales (Germain, 2014). Enfin, pour certains, la cohabitation persiste, même après l’insertion sur le marché du travail.

3 Des inégalités dans les probabilités d’appartenir à un parcours étudiant plutôt qu’à un autre

50Afin d’analyser quelles sont les chances de fréquenter un parcours plutôt qu’un autre, nous proposons le recours à deux régressions logistiques pour les deux panels. L’objectif est double : 1/ rendre compte de potentielles inégalités sociales et/ou éducatives dans les chances de suivre un certain parcours en prenant en compte un ensemble de variables de contrôle ; 2/ tenter d’apprécier l’évolution de ces inégalités afin de mesurer une éventuelle augmentation, diminution et/ou recomposition.

51La variable que nous cherchons à expliquer est le parcours étudiant de la personne. Pour les deux panels, nous mesurons la probabilité d’appartenir à un parcours X par rapport au fait d’appartenir au parcours des universitaires cohabitants, que nous prenons comme parcours de référence en raison de son importance numérique. Nous considérons deux principales variables explicatives : les caractéristiques scolaires et l’environnement social des jeunes [15]. Nous analysons, dans un premier temps, les variables scolaires, pour appréhender, dans un second temps, le poids de l’environnement social.

3.1. Une plus forte prédestination des bacheliers

52Pour les deux panels, les caractéristiques scolaires en fin de secondaire sont déterminantes. Le type de baccalauréat est la variable la plus discriminante : détenir un baccalauréat technologique ou un baccalauréat professionnel augmente significativement les probabilités de fréquenter des parcours professionnels, qu’ils soient cohabitants ou décohabitants. Ce phénomène est légèrement plus marqué pour les jeunes du panel 95 dans le parcours professionnel décohabitant, et particulièrement pour les bacheliers professionnels (effet de l’augmentation structurelle de ce type de baccalauréat entre les deux panels).

53Concernant les parcours universitaires, on observe le même phénomène pour les deux panels : détenir un baccalauréat économique et social (ES) ou technologique, plutôt qu’un baccalauréat scientifique (S), diminue les probabilités de décohabiter à l’université (plutôt que de cohabiter). La relation est plus significative pour le panel 95 pour les bacheliers technologiques qui ont moins de chances d’être décohabitants universitaires.

54Enfin, du point de vue du parcours sélectif, des différences apparaissent entre les deux panels. Le poids du type de baccalauréat obtenu est beaucoup plus marqué pour le panel 1995 : les bacheliers S sont davantage privilégiés, notamment par rapport aux bacheliers ES qui ont par exemple 48.5 % de chances en moins d’appartenir à ce parcours. En revanche, si le poids de la mention est toujours aussi significatif dans les chances de fréquenter les parcours sélectif comme universitaire, il est moins prononcé qu’auparavant, sans doute sous l’effet de l’augmentation structurelle du nombre de mentions délivrées.

3.2. L’influence des facteurs familiaux sur les parcours étudiants

55Concernant le poids des origines sociales, quelques différences notables apparaissent entre les jeunes du panel 1989 et 1995. Le poids du diplôme du père semble s’être accentué pour l’ensemble des parcours étudiants. Pour les jeunes du panel 95, l’impact du diplôme du père joue de manière plus significative et plus prononcée que pour les jeunes du panel 89. Ainsi, avoir un père diplômé de l’enseignement supérieur augmente les chances de fréquenter des parcours d’études longs (universitaire ou sélectif, décohabitant ou cohabitant) et diminue celles d’opter pour des filières courtes. Le clivage est par ailleurs davantage marqué entre les pères ayant un baccalauréat comme plus haut niveau de diplôme et ceux qui ne le possèdent pas (lorsque les pères sont bacheliers, les jeunes ont par exemple 1.7 fois plus de chances de fréquenter le parcours sélectif). Ce constat rejoint notamment celui de Caille & Lemaire (op. cit.) indiquant que les bacheliers de « première génération » évoluent souvent dans un contexte familial qui ne les incite pas toujours à faire les choix les plus ambitieux, ne serait-ce que par méconnaissance des filières les plus sélectives (comme les CPGE).

56Le déterminisme socioculturel des parcours étudiants, à performance scolaire donnée, semble donc s’être renforcé. Parmi les pistes explicatives, cette tendance pourrait notamment provenir de la multiplication des filières de l’enseignement supérieur public et privé, rendant plus opaque l’information pour les étudiants dotés, à la base, de faibles capitaux sociaux et informationnels (Pinto, 2008). Par ailleurs, du point de vue des origines sociales, un nouvel élément apparaît : les différences de niveau de diplôme entre les parents. Le fait que les mères soient nettement plus diplômées que les pères joue un rôle significatif sur les probabilités de fréquenter deux parcours de jeunes décohabitants : le parcours universitaire décohabitant et le parcours sélectif. Avoir une mère beaucoup plus diplômée que le père (forte hypogamie féminine) augmente notamment de 1,7 fois les probabilités d’être dans le parcours sélectif pour les jeunes du panel 95.

57Une dernière variable familiale semble peser sur les destins étudiants : celle du statut migratoire du père. Pour les deux panels, le fait d’avoir un père né à l’étranger diminue les probabilités d’appartenir au parcours professionnel décohabitant plutôt qu’au parcours universitaire cohabitant. Bien que ce constat paraisse de prime abord contre-intuitif, il est plutôt en cohérence avec la littérature sur le sujet indiquant qu’en France, toutes choses égales par ailleurs (en l’occurrence pour un même niveau scolaire et à environnement socioculturel donné), les enfants d’origines immigrées optent davantage pour les filières générales que pour des filières professionnelles (Vallet & Caille, 2000 ; Olympio & di Paola, 2018). En revanche, un phénomène nouveau apparaît en 1995 : les jeunes ayant un père né à l’étranger ont significativement moins de chances d’être décohabitants (parcours sélectif ou universitaire) plutôt que cohabitants universitaires. Cette tendance pourrait rejoindre le constat de Hamel & al. (2011) [16] : il pourrait exister une forme de spécificité du passage à l’âge adulte pour les filles et fils d’immigrés (se démarquant notamment par une importance moindre du modèle d’expérimentation, davantage la caractéristique des jeunes de la population majoritaire).

58En dernier lieu, et non sans lien avec les éléments familiaux, notons que d’un point de vue géographique, la proximité comme motivation dans le choix de la formation influence aussi significativement les différences entre cohabitants universitaires et décohabitants universitaires. Dans les deux panels, choisir sa formation en raison de sa proximité diminue significativement les probabilités d’être décohabitants universitaires. Ce critère de proximité nous renvoie alors au fait que certains jeunes pourraient se « contenter » de filières d’études supérieures plus localisées, mais de moindre prestige ou de rentabilité sociale inférieure. En outre, alors que le critère de proximité jouait sur les chances d’être décohabitants professionnels pour les jeunes du panel 89, cette relation n’est pas significative pour ceux du panel 95. Cet affaiblissement de la relation peut sans doute s’expliquer par la multiplication des offres de formation sur le territoire français, notamment en matière de filières professionnelles. En revanche, la taille de l’unité urbaine est une variable essentielle à contrôler car très significative dans la détermination des parcours étudiants des deux panels [17].

Conclusion

59Globalement, nous avons pu montrer que les différents « parcours étudiants » types pouvaient être rapprochés. Pour les deux panels, il existe en effet deux parcours débutant par des études professionnalisantes (l’un s’effectue en étant cohabitant, l’autre en étant plutôt décohabitant), deux parcours d’études plutôt académiques et universitaires (l’un s’effectue en étant cohabitant et l’autre décohabitant dès les premières années) ainsi qu’un dernier type de parcours renvoyant à des études très sélectives (en décohabitant). Au-delà de ses similarités, quelques différences notables sont à retenir. Tout d’abord, les proportions respectives de ces parcours types ont connu des évolutions : ainsi, la proportion de cohabitants professionnels (9 % en 1989 et 15 % en 1995) a évolué à la hausse, alors que celles des cohabitants ou décohabitants universitaires ont diminué (respectivement 29 % en 1989 et 23 % en 1995 pour les premiers et 25 % en 1989 et 19 % en 1995 pour les seconds).

60Par ailleurs, sous l’effet d’importants changements modifiant à la fois l’offre éducative, le public étudiant et le contexte institutionnel (mais aussi possiblement le contexte économique et les conditions de logement), les parcours sont moins uniformes et linéaires dans les années 90 qu’au début des années 2000. C’est particulièrement le cas pour le parcours sélectif, où les parcours d’excellence s’élargissent aux étudiants des DUT et des classes préparatoires intégrées. C’est également le cas au sein du parcours universitaire cohabitant où on voit se dessiner plus nettement la possibilité, pour les jeunes des filières professionnelles, de poursuivre des études universitaires (possiblement sous l’effet de l’incitation à la poursuite d’études induite par le processus de Bologne).

61Le caractère moins uniforme des parcours étudiants entre les deux panels n’est pas pour autant synonyme d’une plus grande démocratisation de l’enseignement supérieur.

62Tout d’abord, les chances d’appartenir à un parcours plutôt qu’à un autre sont très marquées par les antécédents scolaires. En la matière, les bacheliers scientifiques confirment leur avantage comparatif vis-à-vis des études longues décohabitantes, particulièrement concernant les chances d’accéder à des parcours sélectifs. D’un autre côté, sous l’effet conjoint du développement des filières professionnalisantes et de l’essor du baccalauréat professionnel, on observe une prédestination plus nette des bacheliers technologiques et professionnels pour les filières courtes (soulignant la force de l’articulation entre enseignement secondaire et enseignement supérieur).

63Par ailleurs, le statut migratoire et les diplômes des parents continuent de structurer très fortement les parcours étudiants (le diplôme du père jouant de manière encore plus significative sur les chances de fréquenter des parcours d’études longs). En outre, l'influence de l’élévation du niveau de diplôme des mères entre les deux générations s'étend au-delà des chances de suivre des études longues (Duru-Bellat & Kieffer, op. cit., Dumay & al., op. cit.) ; elle affecte la manière de vivre son parcours étudiant en augmentant significativement les chances d’accéder à une autonomie résidentielle (à caractéristiques scolaires données). Ce résultat étaye quantitativement l’idée développée, à un niveau qualitatif, par Thalineau & Hot (op. cit.) d’un lien entre diplôme des mères et rapport à la mobilité des enfants. Pour les auteurs, ce phénomène pourrait provenir du fait que, dans les familles faiblement dotées scolairement, le groupe familial constitue l’univers de référence pour le jeune.

64Les différentes réformes opérées en matière d’éducation ne semblent pas avoir porté leurs fruits du point de vue de la réduction des inégalités d’origine familiale. L’apport de notre recherche réside dans la mesure quantitative d’une véritable polarisation scolaire et sociale des parcours étudiants (entendus comme type d’études des jeunes et situation vis-à-vis de la décohabitation), polarisation qui semble se renforcer dans le temps. À un bout du spectre, nous observons des parcours de décohabitants dans les filières sélectives regroupant très clairement les jeunes aux meilleures performances scolaires et aux environnements socioculturels les plus favorisés ; et à l’autre bout, nous analysons des parcours de jeunes cohabitants en études professionnelles, dont l’effectif a augmenté entre les deux panels, qui cumulent vulnérabilité scolaire et sociale. Il n’est pas neutre d’observer le fait que ces jeunes moins favorisés ont en outre la particularité de s’insérer sur le marché du travail en restant cohabitants, rappelant le fait que la décohabitation est aussi le privilège des jeunes qui réussissent (Solard & Coppoletta, op. cit.). Par la suite, il serait ainsi nécessaire d’analyser davantage l'impact de ces parcours sur la manière de vivre sa vie adulte : moyen d’accès à l’emploi, emploi occupé (catégories socioprofessionnelles, durée de travail…), difficultés financières ou de logement.


Annexe 1. La construction des trajectoires types dans les panels 89 et 95

65L’objectif est de construire des trajectoires étudiantes et de début de vie active, le cas échéant à la lumière de leur situation résidentielle (en situation de cohabitation ou de décohabitation). Lors des deux premières années, nous avons affiné la situation quant aux études : étudiant en CPGE (Classe Préparatoire aux Grandes Écoles), étudiant à l’Université ou en École supérieure et étudiant en filières professionnelles (telles que Brevet de technicien supérieur, Diplôme universitaire de technologie). Soulignons que la distinction BTS et DUT n’a pas été systématiquement possible pour une partie des jeunes du panel 95. Afin d’harmoniser la comparaison, nous avons donc opter pour un regroupement de ces deux catégories (BTS et DUT) pour les deux panels.

66Pour les trois années suivantes nous différencions seulement en études supérieures ou en emploi.

67Ainsi, pour les deux premières années les jeunes peuvent se trouver dans les huit états suivants :

68- Université ou École supérieure en étant cohabitant – UniCo ou décohabitant – UniD

69- Classes préparatoires en étant cohabitant – CpCo ou décohabitant – CpD

70- Filières professionnelles en étant cohabitant – FpCo ou décohabitant – FpD

71- En emploi en étant cohabitant -EmCo ou décohabitant -EmD

72Dans les trois années qui suivent, ils peuvent se retrouver dans les quatre états suivants :

73- En études supérieures en étant cohabitant – EsCo ou décohabitant – EsD

74- En emploi en étant cohabitant -EmCo ou décohabitant – EmD

75Ces états permettent de construire une trajectoire sur cinq ans sous forme de séquence pour chaque individu telle que : FpCo FpCo EmCo EmD EmD. Une fois les séquences établies, nous optons pour un travail typologique afin de dresser un portrait global des transitions les plus significatives. Nous élaborons des classes les plus homogènes possible et constituons des séquences-types grâce à une méthode de classification (en retenant le critère de Ward). Après avoir observé les typologies à différents niveaux de partition (3 à 10), un découpage en cinq classes a été retenu pour les deux panels, permettant à la fois de caractériser de grandes trajectoires étudiantes mais aussi de faire apparaitre des parcours un peu moins classiques ».

Annexe 2. Éléments de statistiques descriptives concernant les données DEPP 89 et 95 (Type de baccalauréat, mention, diplôme des parents)

Tableau A. Parcours-type et type de baccalauréat

XPanel 89Panel 95
Parcours-typeBac SBac ESBac ESBac TechBac ProBac SBac ESBac ESBac TechBac Pro
Parcours professionnel cohabitant15.3412.707.4156.617.9411.9512.394.8153.0617.78
Parcours sélectif49.6521.3913.6314.830.5055.8416.7310.7015.750.98
Parcours universitaire cohabitant36.1226.1521.2915.361.0837.4628.0114.1818.471.89
Parcours professionnel décohabitant37.0713.665.1240.004.1512.5012.733.2153.7817.78
Parcours universitaire décohabitant44.4821.2125.658.230.4345.6426.0620.497.510.30

Tableau A. Parcours-type et type de baccalauréat

76Note de lecture : Pour les jeunes du Panel DEPP 89, 15,3 % des étudiants appartenant au parcours professionnel cohabitant ont un bac S.

77Source : Panel DEPP 89 et Panel DEPP 95

Tableau B : Parcours-type et type de Mention

XPanel 89Panel 95
Parcours-typePas de mentionMention ABMention BMention TBPas de mentionMention ABMention BMention TB
Parcours professionnel cohabitant76.7220.632.650.0079.300.151.3119.24
Parcours sélectif53.6328.0614.833.4849.213.8416.9629.99
Parcours universitaire cohabitant74.1220.844.850.1870.101.376.4422.08
Parcours professionnel décohabitant74.6320.734.150.4978.100.113.4418.35
Parcours universitaire décohabitant67.6422.947.581.8460.851.729.3328.09

Tableau B : Parcours-type et type de Mention

78Note de lecture : Pour les jeunes du Panel DEPP 89, 76.7 % des étudiants appartenant au parcours professionnel cohabitant n’ont pas eu de mention au baccalauréat.

79Source : Panel DEPP 89 et Panel DEPP 95

Tableau C : Parcours-type et niveau d’éducation des mères

XPanel 89Panel 95
Parcours-typeDiplôme de la mère inférieur au baccalauréatDiplôme de la mère égal au baccalauréatDiplôme de la mère supérieur au baccalauréatDiplôme de la mère inférieur au baccalauréatDiplôme de la mère égal au baccalauréatDiplôme de la mère supérieur au baccalauréat
Parcours professionnel cohabitant78.849.2611.9070.5218.4011.07
Parcours sélectif51.9417.1130.9534.4320.5745.00
Parcours universitaire cohabitant61.7316.8921.3849.6619.6730.67
Parcours professionnel décohabitant74.1514.6311.2267.9917.5414.47
Parcours universitaire décohabitant60.1718.0721.7542.8420.7436.41
       

Tableau C : Parcours-type et niveau d’éducation des mères

80Note de lecture : Pour les jeunes du Panel DEPP 89, 78.8 % des étudiants appartenant au parcours professionnel cohabitant ont des mères ayant un diplôme inférieur au baccalauréat.

81Source : Panel DEPP 89 et Panel DEPP 95

Tableau D

XPanel 89Panel 95
Parcours-typeDiplôme du père inférieur au baccalauréatDiplôme du père égal au baccalauréatDiplôme du père supérieur au baccalauréatDiplôme du père inférieur au baccalauréatDiplôme du père égal au baccalauréatDiplôme du père supérieur au baccalauréat
Parcours professionnel cohabitant80.329.4010.2879.89 9.7910.32
Parcours sélectif38.4716.9544.5852.44 12.0435.52
Parcours universitaire cohabitant51.3114.5934.1062.44 11.5026.06
Parcours professionnel décohabitant70.8715.1813.9669.27 16.8313.90
Parcours universitaire décohabitant48.4615.5236.0261.36 14.1824.46

Tableau D

82Note de lecture : Pour les jeunes du Panel DEPP 89, 80.3 % des étudiants appartenant au parcours professionnel cohabitant ont des pères ayant un diplôme inférieur au baccalauréat.

83Source : Panel DEPP 89 et Panel DEPP 95

Annexe 3. Spécifications des modèles économétriques
Le modèle multinomial : spécifications générales

84L’objet est d’identifier, parmi les caractéristiques individuelles, en particulier celles relatives au niveau d’éducation des parents, à l’environnement culturel de la famille de l’individu et aux performances scolaires, les déterminants de l’appartenance à l’une ou l’autre des cinq trajectoires mises en évidence. On s’intéresse donc aux déterminants de l’appartenance aux parcours types précédemment établis.
Dans cette perspective, nous estimons un modèle « logit multinomial » (Gouriéroux, 1984) (*) dans lequel la typologie (cinq modalités) est la variable à expliquer et les caractéristiques individuelles constituent les facteurs explicatifs. Il s’agit d’un modèle logit polytomique non ordonné (dont le modèle de base est le logit multinomial). Un tel modèle est structuré de manière telle que l’individu arbitre entre deux choix a et b, indépendamment des autres choix qui lui sont offerts. Cela suppose que la proximité de nature qui peut exister entre plusieurs choix offerts à l’individu n’est pas considérée. On parle d’hypothèse d’indépendance des choix offerts (IIA : Independance from Irrelevant Alternatives). Le modèle s’écrit :

Figure 1

Figure 0

Figure 1

Les variables du modèle
La variable à expliquer :

85La variable que nous cherchons à expliquer est ainsi le parcours étudiant de la personne. Tel qu’il est rappelé dans l’article, la variable d’intérêt se justifie par le fait que les deux situations que nous considérons comme caractéristiques des parcours étudiants sont enchevêtrées (choix d’études et situation vis-à-vis de la décohabitation), sans que nous souhaitions déterminer un caractère prioritaire ou une hiérarchie (est-ce le critère de choix d’études qui est prioritaire ou le critère de cohabitation/décohabitation pour l’individu ?) ni identifier clairement un effet causal (est-ce le choix d’études qui oriente la décohabitation/cohabitation ou le critère de cohabitation qui influence le choix d’études ?). Ainsi, pour les deux panels, notre variable d’intérêt est le parcours étudiant, plus spécifiquement la probabilité d’être dans un des cinq parcours types, parcours créés à partir de la méthode d’appariement optimal. Nous mesurons ainsi la probabilité d’appartenir à un parcours X par rapport au fait d’appartenir au parcours des universitaires cohabitants, que nous prenons comme parcours de référence, du fait de son importance numérique.

Les principales variables explicatives :

86En lien avec notre cadre conceptuel et nos hypothèses relativement aux segmentations scolaires et sociales, nous considérons deux principaux vecteurs. Un premier tient aux caractéristiques scolaires des jeunes. Ce vecteur de variables explicatives comprend le poids du passé scolaire : le fait d’avoir redoublé et les performances scolaires au début du collège, ainsi que les caractéristiques en fin de parcours secondaire (le type de baccalauréat obtenu et le type de mention). Un deuxième vecteur vise à mesurer le poids des origines familiales et sociales. Dans ce vecteur de variables explicatives, nous intégrons le niveau de diplôme du père et de la mère. Nous considérons également la situation d’homogamie ou d’hétérogamie quant aux niveaux de diplôme des parents, notamment compte tenu de l’élévation du niveau de diplôme des mères et de la diminution des situations d’homogamie (69,7 % à 65,4 %) et de l’augmentation de celles d’hypogamie féminine (14,2 % à 18,5 %). Nous appréhendons l’hypogamie féminine selon deux degrés : si la mère a un niveau de diplôme légèrement supérieur au père ou si la mère a un niveau de diplôme nettement plus élevé que le père. Nous réalisons la même approche pour mesurer l’hypogamie masculine Nous prenons également en compte le statut migratoire du père dans la mesure où cette variable tend à impacter les trajectoires scolaires (Olympio & di Paola, 2018).

Le contrôle des effets de structure :

87Nous intégrons enfin des variables de contrôle pouvant jouer sur les probabilités d’opter pour un certain parcours. Pour les deux panels, nous considérons deux variables prenant en considération des effets de territoires et de rapport au territoire pouvant avoir un impact sur les choix d’enseignement et les processus de décohabitation. Concernant le rapport au territoire, nous considérons le fait que le choix d’enseignement supérieur soit motivé par un critère de proximité avec le domicile parental. Concernant les effets de territoires, nous prenons en compte la taille de la ville où la scolarité du collège a été effectuée.
Nous intégrons par ailleurs la structure parentale dans laquelle le jeune a grandi (famille nucléaire, monoparentale ou recomposée) et le nombre de frères et sœurs. Nous considérons également le fait que la mère ne travaille pas. Afin d’évaluer les ressources financières de l’étudiant, nous considérons par ailleurs, pour les deux panels, le fait d’être boursier en début de parcours, de travailler en parallèle de ses études ou de bénéficier d’un soutien financier de la part de ses parents en début de parcours et pour le panel 1989, le statut d’occupation du logement des parents lors de l’entrée en sixième du jeune. Nous contrôlons également le sexe de l’individu.

Qualité de l’ajustement et robustesse du modèle

88Conformément à notre positionnement conceptuel, notre modélisation se centre sur l’analyse de deux variables principales : l’origine sociale et les antécédents scolaires que nous identifions comme ayant une influence sur les parcours étudiants. Les statistiques descriptives ont révélé une relation entre les parcours étudiants et nos deux principales variables. Le recours à un logit multinomial se justifie par la nécessité de prendre en compte un ensemble de variables susceptibles d’exercer une influence sur les parcours, notamment car certaines variables de contrôle sont corrélées avec les variables principales et à la variable d’intérêt.

89Notre modèle ne peut être qualifié d’explicatif, au sens d’analyses causales, pour deux raisons. Premièrement, concernant nos principales variables explicatives, il est délicat de parler d’« effet pur » puisque ces variables peuvent être considérées comme endogènes. Par exemple, les antécédents scolaires sont par essence dépendants de plusieurs attributs individuels et familiaux, le choix des filières de formation (et du type de baccalauréat) étant donc endogène. En la matière, soulignons que le recours à une variable instrumentale n’a pas été une option possible dans la mesure où la base de données de dispose pas de variable véritablement exogène.

90Deuxièmement, la variable d’intérêt est complexe (variable polytomique non ordonnée renvoyant à un parcours étudiant combinant cursus d’études et situation vis-à-vis de la décohabitation sur cinq années). Il pourrait effectivement exister une proximité de nature entre les choix offerts à l’individu. En la matière, tel que suggéré par Afsa Essafi (2003) (**), une alternative au logit multinomial peut être le recours au modèle emboité dans la mesure où il permet de revenir sur l’hypothèse d’indépendance des choix offerts, parfois jugée peu réaliste. Cette alternative n’a pas été retenu par le fait que 1/ elle nécessitait d’établir des hypothèses relativement aux niveaux de décision des individus, ce qui n’est pas l’approche de l’article, qui opte, au contraire, pour une indétermination de la relation types d’études/situation vis-à-vis de la décohabitation ; 2/ elle obligeait à renoncer aux parcours comme variable d’intérêt.

91Globalement, dans notre analyse, il est ainsi davantage raisonnable de parler « d’approche descriptive » du travail de modélisation (Afsa Essafi, op. cit.), à savoir établir un état de fait, afin « d’analyser ce qui distingue les différentes catégories définies par la variable dépendante, de rechercher leurs traits distinctifs » (Afsa Essafi, Ibid.., p. 38). L’approche descriptive autorise à une certaine souplesse quant à l’intégration dans le modèle de variables à risques d’endogénéité, dans la mesure où l’ambition n’est pas tant de conclure définitivement sur les comportements des individus que de formuler des hypothèses de travail sur ces comportements.

92Pour autant, il est difficile de parler d’effet propre de nos variables explicatives en ayant une acception radicale du terme « toutes choses égales par ailleurs ». En effet, tous les éléments susceptibles d’impacter les parcours étudiants n’ont pas pu être pris en compte, faute de données disponibles. En particulier, il existe un important effet de structure influençant de manière substantielle les parcours étudiants, particulièrement du point de vue de la dimension décohabitation : l’effet de structure induit par l’offre éducative. Cet élément constitue une véritable limite de notre analyse. Tel que mentionné dans la présentation des variables, une alternative a été de faire usage de la taille de l’agglomération comme proxy de cette variable, dans la mesure où le taux de résidence parentale évolue d'une manière inversement proportionnelle au poids démographique des villes considérées (Pihan, 1998).

93Plus globalement, les variables de contrôle ont été sélectionnées sur la base de l’indice d’ajustement du Pseudo R2 de McFadden. Par ailleurs, afin d’estimer la qualité des régressions, les taux de prédiction correcte ont été calculés pour chaque panel et sont présentés dans les tableaux de résultats économétriques.

94(*) : Gourieroux, C. (1984), Econométrie des variables qualitatives. Paris : Economica.

95(**) : Afsa Essafi C. (2003), « Les modèles logit polytomiques non ordonnés : théorie et applications », INSEE, Série des Documents de Travail Méthodologie Statistique, (0301).

Annexe 4. Résultats des modèles

Tableau 2. Probabilité d’appartenir à un Parcours X plutôt qu’au Parcours universitaire cohabitant pour les jeunes du panel 89 – modèle logistique multinomial (en Rapports des Risques Relatifs)

XRéférence : Parcours universitaire cohabitant
Parcours professionnel cohabitantParcours sélectifParcours professionnel décohabitantParcours universitaire décohabitant
 RRR (Std. Err.)RRR (Std. Err.)RRR (Std. Err.)RRR (Std. Err.)
Hétérogamie (référence : homogamie)        
diplôme du père légèrement supérieur 1,23 (0,52) 0,83 (0,18) 2,03 (0,7)*0,70 (0,18) 
diplôme du père nettement supérieur 1,04 (0,34) 0,91 (0,18) 1,42 (0,39) 0,77 (0,16) 
diplôme de la mère légèrement supérieur 0,94 (0,35) 1,30 (0,36) 1,15 (0,43) 1,51 (0,44) 
diplôme de la mère nettement supérieur 0,60 (0,21) 1,51 (0,32)*0,99 (0,29) 0,97 (0,22) 
Diplôme du père (référence : diplôme inférieur au baccalauréat)        
Baccalauréat0,76 (0,22) 1,12 (0,21) 1,05 (0,27) 1,52 (0,3)*
Diplôme de l'enseignement supérieur0,45 (0,12)**1,76 (0,27)***0,61 (0,15)*1,72 (0,3)**
Diplôme de la mère (référence : diplôme inférieur au baccalauréat)        
Baccalauréat0,70 (0,19) 0,71 (0,12)*0,81 (0,19) 1,02 (0,18) 
Diplôme de l'enseignement supérieur0,60 (0,18) 0,50 (0,13) 0,71 (0,18) 1,01 (0,17) 
Statut migratoire du père (référence : père né en France)0,77 (0,17) 0,66 (0,11)*0,49 (0,12)**0,73 (0,13) 
Performance de l'élève à l'entrée en 6ème (référence : Bon)        
Non présent2,72e-07 (0,04) 0,86 (0,86) 4,85e-07 (0,00) 1,54 (1,85) 
Moyen1,34 (0,23) 0,95 (0,11) 1,08 (0,17) 1,08 (0,14) 
Passable1,14 (0,316) 1,16 (0,25) 1,50 (0,39) 1,05 (0,28) 
Insuffisant1,86 (0,70) 0,84 (0,32) 1,33 (0,56) 0,77 (0,36) 
Redoublement en primaire0,56 (0,16) 0,61 (0,16) 0,71 (0,21) 0,80 (0,24) 
Type de baccalauréat (référence : Bac S)        
Bac ES0,96 (0,23) 0 ,78 (0,10) 0,52 (0,11)**0,63 (0,09)**
Bac L1,02 (0,29) 0,67 (0,11)*0,27 (0,08)***0,87 (0,14) 
Bac technologique 12,97 (6,03)***0,26 (0,21) 3,84 (1,95)**0,11 (0,09)*
Bac professionnel8,26 (1,77)***1,13 (0 ,19) 2,97 (0,58)***0,45 (0,08)***
Mention au bac (référence : pas de mention)        
Mention assez bien 1,06 (0,19) 1,95 (024)***1,02 (0,18) 1,39 (0,19)*
Mention bien 0,30 (0,15)*4,09 (0,80)***0,91 (0,29) 2,2 (0,5)***
Mention très bien 5,55e-06 (0,00) 23,03 (17,18)***2,78 (2,93) 12,79 (9,96)**
Structure familiale (référence : vivre avec ses deux parents)         
Famille monoparentale0,14 (0,15) 0,62 (0,25) 0,32 (0,25) 1,02 (0,41) 
Famille recomposée0,44 (0,26) 0,66 (0,23) 0,80 (0,36) 0,59 (0,22) 
Nombre de frère et sœurs (référence : 1)        
enfant unique0,88 (0,22) 0,61 (0,11)**0,87 (0,21) 0,55 (0,11)**
20,75 (0,14) 0,94 (0,12) 1,06 (0,17) 0,83 (0,11) 
3 et plus0,96 (0,25) 1,01 (0,18) 0,86 (0,21) 0,89 (0,17) 
Mère au foyer0,56 (0,28) - 0,78 (0,34) 1,20 (0,42) 
Travail pendant les études1,86 (0,69) 1,64 (0,49) 1,61 (0,67) 1,11 (0,41) 
Pas d'aide financière de la famille1,22 (0,27) 1,07 (0,19) 0,76 (0,17) 0,92 (0,17) 
Etudiant boursier la première année0,92 (0,19) 0,78 (0,13) 1,70 (0,33)**1,43 (0,23) 
Sexe (référence : homme)2,14 (0,34)***1,44 (0,16)**1,97 (0,3)***0,76 (0,1)*
Choix des études motivé par la proximité1,17 (0,23) 0,82 (0,12) 0,25 (0,07)***0,39 (0,07)***
Taille de la commune (référence : commune urbaine et agglomération parisienne)        
Commune de -5000 habitants2,52 (0,34)*5,87 (1,89)***12,69 (4,61)***23,35 (7,54)***
Commune entre 5000 et 20000 habitants1,55 (0,39) 4,85 (0,85)***10,69 (2,36)***22,25 (4,1)***
Commune entre de 20000 et 50000 habitants2,40 (0,63)***5,07 (0,98)***11,76 (2,79)***21,59 (4,32)***
Commune entre 50 000 et 200 000 habitants1,21 (0,24) 3,00 (0,41)***4,34 (0,86)***7,90 (1,24)***
Type de logement des parents (référence : propriétaire)        
Parents locataires0,53 (0,12)**0,71 (0,10)*0,64 (0,14)*0,70 (0,11)*
Logement gratuit1,22 (0,43) 0,96 (0,26) 0,73 (0,27) 0,82 (0,24) 
Taux de prédiction correct80,23 % 62,37 % 74,53 % 64,26 % 
Number of obs  =3139
LR chi2(152) =1789,77
Prob > chi2  =0
Pseudo R2  =0,1878

Tableau 2. Probabilité d’appartenir à un Parcours X plutôt qu’au Parcours universitaire cohabitant pour les jeunes du panel 89 – modèle logistique multinomial (en Rapports des Risques Relatifs)

96Note de lecture : Avoir un père diplômé de l’enseignement supérieur (comparativement au fait d’avoir un père ayant un diplôme inférieur au bac) diminue de 55 % les risques d’appartenir au Parcours professionnel cohabitant plutôt qu’appartenir au Parcours universitaire cohabitant

97Source : Panel DEPP 89

Tableau 3. Probabilité d’appartenir à un Parcours X plutôt qu’au Parcours universitaire cohabitant pour les jeunes du panel 95 – modèle logistique multinomial (en Rapports de Risques Relatifs)

XRéférence : Parcours universitaire cohabitant
Parcours professionnel cohabitantParcours sélectifParcours professionnel décohabitantParcours universitaire décohabitant
 RRR (Std. Err.)RRR (Std. Err.)RRR (Std. Err.)RRR (Std. Err.)
Hétérogamie (référence : homogamie)        
diplôme du père légèrement supérieur 2,48 (1,04)*0,72 (0,17) 2,38 (0,79)*0.57 (0.17) 
diplôme du père nettement supérieur 1,51 ( 0,45) 0,77 (0,14) 1,44 (0,34) 0.86 (0.18) 
diplôme de la mère légèrement supérieur 0,85 (0,25) 1,49 (0,34) 0,85 (0,24) 1.11 (0.28) 
diplôme de la mère nettement supérieur 0,92 (0,27) 1,74 (0,34)**1,07 (0,26) 1,61 (0,35)*
Diplôme du père (référence : diplôme inférieur au baccalauréat)        
Baccalauréat0,43 (0,11)**1,66 (0,27)**0,95 (0,20) 1.37 (0.26) 
Diplôme de l'enseignement supérieur0,27 ( 0,07)***2,24 (0,32)***0,53 (0,12)**1,99 (0,33)***
Diplôme de la mère (référence : diplôme inférieur au baccalauréat)        
Baccalauréat1,13 (0,28) 0,87 (0,13) 1,11 (0,22) 0.78 (0.13) 
Diplôme de l'enseignement supérieur1,01 (0,28) 1,02 (0,15) 1,08 (0,18) 0,88 (0,15) 
Statut migratoire du père (référence : père né en France)0,79 (0,15) 0,57 (0,08)***0,39 (0,08)***0,44 (0,08)***
Performance de l'élève à l'entrée en 6ème (référence : Bon)        
Non présent1,20 (0,31) 1,30 (0,45) 1,40 (0,42) 1,31 (0,35) 
Moyen1,28 (0,19) 1,12 (0,12) 1,40 (0,2)*1.01 (0.13) 
Passable1,09 (0,22) 1,09 (0,18) 1,06 (0,21) 1.01 (0.21) 
Insuffisant0,78 (0,32) 0,76 (0,31) 0,64 (0,26) 0.29 (0.19) 
Redoublement en primaire0,65 (0,26) 0,77 (0,33) 1,06 (0 ,38) 1.84 (0.85) 
Type de baccalauréat (référence : Bac S)        
Bac ES1,31 (0,27) 0,51 (0,07)***1,22 (0 ,22) 0,63 (0,09)**
Bac L0,82 (0,25) 0,57 (0,09)***0,64 (0,17) 0.88 (0.15) 
Bac technologique 6,70 (1,30)***0,68 (0,11)*7,12 (1,27)***0,28 (0,06)***
Bac professionnel32,06 (15,26)***0,41 (0,27) 19,48 (9,18)***6.55e-07 (0.01) 
Mention au bac (référence : pas de mention)        
Mention assez bien 0,27 (0,29) 3,53 (1,26)***0,17 (0,18) 1.51 (0.64) 
Mention bien 0,29 (1,12)**3,64 (0,64)***0,77 (0,21) 1,77 (0,38)**
Mention très bien 0,74 (0,12) 1,73 (0,2)***0,77 (0,11) 1,43 (0,19)**
Structure familiale (référence : vivre avec ses deux parents)         
Famille monoparentale1,09 (0,95) 1,60 (0,75) 1,06 (0,80) 1.39 (0.76) 
Famille recomposée0,97 (0,39) 1,03 (0,31) 1,38 (0,46) 1.26 (0.41) 
Nombre de frère et sœurs (référence : 1)        
enfant unique1,08 (0,29) 0,84 (0,17) 1,11 (0,28) 1.32 (0.29) 
20,96 (0,15) 1,11 (0,13) 1,25 (0,18) 1,32 (0,17)*
3 et plus0,68 (0,14) 0,99 (0,14) 0,79 (0 ,15) 1.03 (0.17) 
Mère au foyer7,52 (10,46) 1,10 (1,43) 2,83 (4,19) 2.49 (3.22) 
Travail pendant les études1,90 (1,41)**1,02 (0 ,19) 1,06 (0,23) 0.92 (0 .20) 
Pas d'aide financière de la famille0,97 (0,14) 0,89 (0,10) 1,54 (0,2)**0.80 (0 .10) 
Etudiant boursier la première année1,03 (0,17) 1,23 (0,16) 0,86 (0,13) 1,37 (0,2)*
Sexe (référence : homme)1,75 (1,25)***1,19 (0,12) 1,01 (0,13) 0,46 (0,06)***
Choix des études motivé par la proximité1,26 (0,23) 0,68 (0,11)*0,98 (0,17) 0,43 (0,09)***
Taille de la commune (référence : commune urbaine et agglomération parisienne)        
Commune de -5000 habitants4,03 (0,82)***4,40 (0,72)***5,08 (0,96)*** 21,20 (3,97)***
Commune entre 5000 et 20000 habitants3,69 (0,76)***3,48 (0,57)***4,64 (0,89)***15,71 (2,91)***
Commune entre de 20000 et 50000 habitants4,40 (1,18)***5,44 (1,16)***4,08 (1,06)***24,66 (5,72)***
Commune entre 50 000 et 200 000 habitants2,46 (0,52)***2,88 (0,42)***3,04 (0,58)***8,98 (1,59)***
Taux de prédiction correct78,40 % 62,37 % 78,27 % 77,09 % 
Number of obs  =3658
LR chi2(152) =2385,79
Prob > chi2  =0.0000
Pseudo R2  =0,2095

Tableau 3. Probabilité d’appartenir à un Parcours X plutôt qu’au Parcours universitaire cohabitant pour les jeunes du panel 95 – modèle logistique multinomial (en Rapports de Risques Relatifs)

98Note de lecture : Avoir un père diplômé de l’enseignement supérieur (comparativement au fait d’avoir un père ayant un diplôme inférieur au bac) diminue de 73 % les risques d’appartenir au Parcours professionnel cohabitant plutôt qu’appartenir au Parcours universitaire cohabitant

99Source : Panel DEPP 95

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    • Millet M. (2003), Les étudiants et le travail universitaire : étude sociologique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon.
    • Olympio N.& di Paola V. (2018), « Quels espaces d’opportunités offrent les systèmes éducatifs ? Une comparaison des trajectoires de formation des jeunes, en France et en Suisse », Formation Emploi, n° 141, pp. 233-254.
    • Pihan J. (1998), « Les étudiants et leurs parents : cohabitation familiale et temps de déplacement », Espace Populations Sociétés, 16(2), pp. 181-198.
    • Pinto V. (2008), « "Démocratisation" et "professionnalisation" de l’enseignement supérieur », Mouvements, 55-56, pp. 12-23.
    • Solard J. & Coppoletta R. (2014), « La décohabitation, privilège des jeunes qui réussissent ? », Économie et Statistique, 469(1), pp. 61-84.
    • Thalineau A. & Hot F. (2015), « Le poids des relations familiales dans la mobilité géographique des jeunes inscrits en baccalauréat professionnel », Formation Emploi, 131(3), pp. 101-120.

Notes

  • [1]
    Politique qui sera formalisée par Lionel Jospin dans sa loi d’orientation sur l’éducation en 1989.
  • [2]
    Les évolutions du baccalauréat, http://www.education.gouv.fr/cid2598/le-baccalaureat.html.
  • [3]
    Source : DEPP, ministère de l’Éducation nationale, effectifs de l’enseignement supérieur par type d’établissement, de 1990 à 2003.
  • [4]
    Pour une synthèse sur les territoires d’études, voir Bernela & Bonnal (2018).
  • [5]
    Il est à noter que l’influence positive du niveau de diplôme de la mère s’est d’ailleurs accentuée (sous l’effet de l’augmentation du niveau d’éducation des mères), particulièrement pour les niveaux les plus élevés (Duru-Bellat & Kieffer, 2008).
  • [6]
    Incluant actifs occupés et actifs inoccupés.
  • [7]
    Bien que nous procédions à un regroupement entre BTS et DUT, rappelons qu’il existe un certain nombre de différences entre ces deux formations courtes, en matière notamment de composition du public scolaire, de degré de sélectivité de la formation, mais aussi de contenus de la formation et de possibilités de poursuite d’études. Les données mobilisées n'ont toutefois pas permis cette distinction pour les deux panels (voir Annexe 1 de la version électronique de l’article).
  • [8]
    Les statistiques descriptives du point de vue des caractéristiques scolaires et sociales sont disponibles en Annexe de la version électronique de l’article.
  • [9]
    Ce constat peut notamment être corrélé avec des difficultés d’emploi qui se sont accrues entre les deux cohortes et un coût du logement qui a certainement augmenté.
  • [10]
    Diplôme d’études universitaires générales.
  • [11]
    Tel que DUT, puis École d’ingénieur ou de commerce.
  • [12]
    Environ 15 % des jeunes de ce parcours sont concernés.
  • [13]
    Concernant l’apprentissage, il est à noter que plusieurs facteurs peuvent être favorables à la décohabitation : rémunération, insertion professionnelle en partie réalisée, perspectives d’emploi à l’issue du diplôme.
  • [14]
    Sciences et techniques des activités physiques et sportives.
  • [15]
    Les spécifications du modèle incluant les variables explicatives et de contrôle sont présentées en détail dans l’annexe 3 de la version électronique de l’article.
  • [16]
    Et encore récemment Beaud (2020).
  • [17]
    D’un côté, les jeunes ont significativement plus de chances d’être dans les trois trajectoires décohabitantes lorsqu’ils résident dans une ville petite ou moyenne (plutôt que dans une grande agglomération) renvoyant sans doute au fait que le marché immobilier dans les villes moyennes est plus propice à l’autonomie des étudiants (Driant, op. cit.) ; de l’autre, ils ont également plus de risque d’être cohabitant professionnel plutôt que cohabitant universitaire. Tout comme Caille & Lemaire (op. cit.), nous observons ainsi que les jeunes originaires d’une ville moyenne pourraient davantage opter pour les filières courtes (phénomène plus notable pour les jeunes du panel 1995).
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