Notes
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[1]
On s’attend à ce que la population des apprentis et des non-apprentis diffère suivant des caractéristiques inobservables dans les bases de données. Il s’agit d’en tenir compte afin de ne pas attribuer à l’apprentissage un effet provenant en réalité de ces différences « intrinsèques » (biais de sélection). On suit donc une méthode par variables instrumentales consistant à estimer le lien de cause à effet entre l’apprentissage et l’insertion, en restreignant l’analyse à des sous-populations estimées comparables.
-
[2]
Il s’agit des résultats obtenus à partir de la méthode par variables instrumentales et identifiés sur des sous-populations particulières. Les écarts « moyens » précédemment mentionnés ne tiennent pas compte des différences « intrinsèques » entre apprentis et non-apprentis. Voir note 1.
-
[3]
Une hypothèse sous-jacente est que la probabilité que la dernière transition observée soit la dernière en réalité est indépendante du passage ou non par l’apprentissage.
-
[4]
Défini sur la base des seules entrées en apprentissage, le groupe des ex-apprentis inclurait ainsi des jeunes peu assidus ayant quitté la filière après quelques semaines aux côtés des diplômés. L’interprétation de l’impact de l’apprentissage serait alors délicate. La catégorisation basée sur les diplômes obtenus délimite ainsi probablement plus nettement groupe de traitement et groupe de contrôle. De plus, elle constitue une référence de comparaison internationale.
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[5]
Le groupe de traitement inclut les jeunes qui ont suivi le programme à évaluer (ici l’apprentissage), le groupe de contrôle rassemblant les autres.
-
[6]
Winkelmann (1996) utilise la même méthode et précise que la déclaration d’un salaire mensuel une unique fois dans l’année plutôt que chaque mois n’affecte que marginalement ses résultats.
-
[7]
Les analyses d’impact de l’apprentissage sur le salaire et sur la probabilité d’être plus souvent à temps plein qu’à temps partiel ne peuvent effectivement être réalisées que sur les individus travaillant au moins un mois l’année suivant la sortie d’études. Selon la méthode d’Heckman (1979), on insère donc, dans l’équation d’intérêt, l’inverse d’un ratio de Mills calculé sur une équation de sélection annexe par probit intégrant le taux de chômage régional et annuel dans les variables explicatives. Ces résultats sont disponibles auprès de l’auteur. Précisons qu’il ne s’agit donc pas ici de prendre en compte le biais de sélection dans les filières d’apprentissage (voir 2.2).
-
[8]
Une estimation par MCO fournit cependant des résultats très proches pour les quatre sous-échantillons.
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[9]
Les élèves quittent l’Hauptschule (resp. Realschule, Gymnasium) à 15-16 ans (resp. 16-17, 16-18).
-
[10]
À l’exception de l’analyse du salaire à la sortie du secondaire en 2001, les estimations françaises sans prise en compte du biais de sélection sont stables si l’on restreint l’échantillon successivement à chacune des enquêtes. Les résultats par variables instrumentales le sont moins du fait du calcul d’écarts-types en grappes au niveau régional et de la présence d’indicatrices de « supers-régions ». À l’exception du salaire de sortie du secondaire en 2001, la restriction de l’échantillon à une unique enquête n’offre cependant jamais de résultats significatifs et de sens contraire à ceux présentés ici.
-
[11]
En Allemagne, on ne connaît la valeur de l’instrument qu’à partir de 1992. Or, parmi les sortants du supérieur entre 1998 et 2013, certains ont terminé leur premier cycle du secondaire avant 1993. Ils sont inclus dans l’analyse sans prise en compte du biais de sélection du sous-échantillon du supérieur allemand dans la colonne 3 (resp. 5) du tableau 3a (resp. 5 et 6) et ne le sont pas dans la colonne 4 (resp. 6).
-
[12]
Chiffre disponible uniquement à la sortie du secondaire pour l’Allemagne, car l’apprentissage a lieu à ce niveau.
-
[13]
Ce résultat est une borne inférieure de la préférence réelle sur le marché externe, puisque les apprentis conservés par leur entreprise de formation sont probablement en moyenne plus employables sur le marché externe.
-
[14]
Le tableau 2 présente l’équation MCO de première étape utilisée pour les régressions avec prise en compte du biais. Une estimation de cette équation avec un modèle probit donne des résultats similaires.
-
[15]
Conformément à la littérature, on les définit en opposition aux « always takers » (ou « toujours preneurs ») et « never takers » (ou « jamais preneurs ») que sont les individus choisissant leur filière indépendamment du taux d’apprentissage de la région (valeur de l’instrument).
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[16]
Le mécanisme sous-jacent inclut un turnover classique, tout d’abord, l’ouverture de nouvelles filières d’apprentissage, ensuite, mais également un comportement mimétique des entreprises jusque-là non formatrices. On suppose ici que le surplus d’investissement régional n’engendre pas d’externalités négatives sur les offres préexistantes.
-
[17]
17 % des élèves du sous-échantillon du secondaire déclarent avoir suivi une orientation contrariée en sortie de 3e. L’échec dans l’accès à l’apprentissage et l’orientation vers un diplôme de spécialité autre que celle demandée représentent plus de 60 % des orientations contrariées. À noter que seule l’enquête de 2004 présente ces informations.
-
[18]
Avec l’hypothèse que la propension de ces jeunes à s’orienter vers l’apprentissage ne diminue pas lorsque le ratio d’apprentissage augmente.
-
[19]
Le niveau V correspond aux sorties d’études après l’année terminale de CAP ou BEP ou sorties de 2nd cycle général et technologique en seconde ou première. Les niveaux II et I regroupent les sorties d’études avec un diplôme de niveau supérieur à bac + 2.
-
[20]
Pour l’action menée par les länder en ce sens, voir par exemple Schlögl (2010, pp. 23-24).
-
[21]
Rappelons que les jeunes des deux sous-échantillons allemands étaient en concurrence au moment de postuler au système dual.
-
[22]
La population sur laquelle portent les résultats de seconde étape ayant été précisée, on peut désormais décrire ces derniers. De manière habituelle, on les analyse au regard des effets de traitement moyens discutés dans la partie 3.1. (ces derniers sont les effets sans prise en compte du biais de sélection et valables, en moyenne, sur l’ensemble de la population de chaque sous-échantillon à valeur des variables de contrôle donnée).
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[23]
Les estimations de l’impact de l’apprentissage sur le chômage en sortie d’études sont robustes aux (i.e. ne dépendent pas des) deux spécifications utilisées. Cela est vrai pour les quatre sous-échantillons.
Introduction
1 En Allemagne, depuis 1991, le taux de chômage des 15-25 ans est en moyenne inférieur de 11 points de pourcentage (p.p.) au taux français. Pour la population des 25-74 ans, l’écart est de 0.5 p.p.. On explique généralement la réussite allemande en termes d’intégration spécifique de ses jeunes par l’importance de son système d’apprentissage. Ainsi, plus de la moitié de chaque cohorte d’âge en est diplômée, alors que le développement de l’alternance explique une large part de la variance internationale du niveau du chômage des jeunes (Van der Velden & Wolbers, 2003).
2 En France, en revanche, l’apprentissage est minoritaire. Les études professionnelles concernent près de la moitié des élèves du secondaire, comme en Allemagne ; pour autant, seul le tiers d’entre eux suit un apprentissage, contre plus du double outre-Rhin. Institutionnalisée dans les années d’après-guerre, cette situation est remise en question à partir des années 1970, avec l’accroissement du chômage des moins qualifiés et des plus jeunes. L’impact des réformes visant à augmenter le nombre d’apprentis a cependant été limité : l’objectif de 500 000 jeunes en apprentissage, affiché par différentes majorités gouvernementales depuis 1993, n’a toujours pas été atteint. Dans ce contexte, le discours politique a pris une nouvelle direction : importer les principes du système d’apprentissage allemand. Cette nouvelle orientation s’appuie sur deux présupposés. D’une part, l’apprentissage en Allemagne serait plus répandu car son organisation permettrait d’impliquer plus fortement les entreprises. D’autre part, les apprentis y connaîtraient des transitions plus rapides vers l’emploi, ces deux éléments se renforçant l’un l’autre.
3 Cependant, à notre connaissance, les seules études portant sur l’insertion des apprentis allemands reposent sur des données anciennes (années 1980, 1990) et sur la seule (ex-) Allemagne de l’Ouest. En outre, il n’existe aucune étude comparative entre les deux pays. Ce travail se propose de combler cette lacune et son objectif est à la fois intra et inter-pays.
4 La plus forte représentation des apprentis, en Allemagne, explique mécaniquement une part de l’écart de taux de chômage des jeunes entre les deux pays. Ils appartiennent à la population active en emploi, tandis que les élèves ou étudiants de la voie scolaire sont comptabilisés comme inactifs. Si l’on calcule le taux de chômage de sortie d’études, et en considérant l’apprentissage comme une formation initiale, l’écart se réduit fortement et s’atténue rapidement avec le temps. Il se concentre ainsi surtout sur les premiers 12 à 24 mois suivant la sortie d’études (Brébion, 2017).
5 En mobilisant des données issues des enquêtes Génération du Céreq, pour la France, et du German Socio-Economic Panel, pour l’Allemagne, on analyse donc l’impact de l’apprentissage sur des variables de court terme : nombre de mois au chômage l’année suivant la sortie d’études, part du travail à temps plein versus temps partiel pendant ces douze mois, premier salaire à temps plein observable. Les éventuels biais de sélection sont traités par variables instrumentales [1]. L’instrument est la part du nombre d’apprentis dans le nombre total d’élèves ou d’étudiants au niveau correspondant prévalant l’année qui a précédé le choix de filière.
6 En moyenne, dans les deux pays, les apprentis bénéficient d’un meilleur accès au marché du travail que les sortants de la voie scolaire. L’avantage relatif est cependant plus fort en France. En effet, en termes de taux de chômage l’année suivant la sortie d’études, il équivaut à un bénéfice d’environ 6.5 p.p. de plus qu’en Allemagne – soit un gain supplémentaire de temps passé en emploi, par rapport aux sortants à temps plein, d’environ 25 p.p.
7 On montre ensuite que la réussite des apprentis résulte de canaux différents dans les deux pays. En France, le taux d’embauche des entreprises formatrices est moindre. Néanmoins, les entreprises y privilégient les ex-apprentis non embauchés par leur entreprise de formation aux sortants d’études par voie scolaire sur le marché externe, ce qui ne semble pas être le cas en Allemagne.
8 L’analyse causale fournit les principaux résultats [2]. On apporte d’abord des éléments suggérant que, en France et en Allemagne, la population sur laquelle elle porte est plutôt constituée de bons étudiants dans le supérieur et d’élèves en difficulté dans le secondaire. La voie duale n’a pas le même effet sur l’insertion de ces derniers dans les deux pays. En France, l’apprentissage dans le secondaire ne semble pas apporter de surplus de salaire à ces jeunes qui bénéficient cependant d’une forte plus-value en termes d’évitement du chômage. Dans le secondaire allemand, au contraire, l’apprentissage aurait un effet négatif sur leurs chances d’accès à l’emploi. Enfin, pour les sortants du supérieur mentionnés, dans les deux pays, le passage par l’apprentissage ne favorise pas l’insertion.
9 La première partie de l’article présente les modèles institutionnels d’apprentissage des deux pays et replace ce travail dans la littérature existante. La deuxième partie détaille les données et justifie le choix de la méthode par variables instrumentales et de l’instrument. La troisième partie décrit les résultats évoqués ci-dessus.
1 Apprentissage et insertion : modèles institutionnels et état de la littérature
10 On précise d’abord ici le contexte institutionnel de l’apprentissage, en France et en Allemagne. On résume ensuite les principaux éléments de la littérature relative à l’impact du cursus sur l’insertion dans les deux pays. On montre enfin que la littérature existante peine à établir dans quel pays l’avantage relatif des apprentis par rapport aux élèves ou étudiants en voie scolaire standard est le plus fort.
1.1 L’apprentissage, une formation hétérogène…
11 En Allemagne, l’apprentissage se fait traditionnellement dans le second cycle d’éducation secondaire et permet, en principe, de poursuivre ses études dans le supérieur (Bernhard, 2019, dans ce numéro). Il est accessible après les trois filières du premier cycle du secondaire (Hauptschule, Realschule, Gymnasium). Cependant, dans un contexte d’inflation des diplômes, les sortants d’Hauptschule – aux résultats scolaires généralement moins bons – éprouvent de plus en plus de difficultés à trouver une entreprise d’apprentissage. Seuls 40 % y parviennent, contre 60 % à la sortie de Realschule. En outre, lorsque cela est le cas, ils y reçoivent en moyenne une formation de moins bonne qualité que les sortants de Realschule et de Gymnasium. Les premiers signent plus souvent des contrats de deux ans dans l’artisanat, tandis que les seconds ont plutôt accès à des contrats de trois à trois ans et demi dans les grandes entreprises industrielles allemandes. Au vu de ces éléments, Möbus & Sevestre (1991, p. 88) incitent à « ne pas voir le système dual comme une formation unitaire. Elle le [serait] uniquement par le diplôme et les attentes d’éducation cadre au niveau national ».
12 En France, l’apprentissage est encore plus hétérogène, puisque la plupart des diplômes peuvent être obtenus via la voie scolaire standard ou en apprentissage. En particulier, les populations d’apprentis sont bien distinctes en-deçà et au-delà du baccalauréat. Les caractéristiques sociodémographiques et les résultats scolaires des apprentis du secondaire sont plus proches de ceux des élèves de lycée professionnel que de ceux des apprentis du supérieur (Kergoat, 2010). Les deux populations sont en outre relativement indépendantes : le baccalauréat constitue un « plafond de verre » avec peu de mouvements de part et d’autre (Moreau, 2008, p. 126). Comme en Allemagne, on retrouve donc, en France, des contrats d’apprentissage de qualité différente : plus d’artisanat dans le secondaire, des formations dans de grandes entreprises industrielles et de services pour le supérieur. La fonction de l’apprentissage y est de plus distincte. Alors qu’il dure au moins deux ans dans le secondaire, il constitue souvent une sorte de « super-stage » dans le supérieur, et dure moins d’un an dans 35 % des cas (Martinot, 2015, p. 21).
1.2… améliorant la transition vers l’emploi, en France, et, de façon plus ambiguë, en Allemagne…
13 En France, Simonnet & Ulrich (2000) montrent que, parmi les élèves quittant l’enseignement professionnel à la fin du secondaire, les apprentis trouvent plus rapidement un emploi et restent moins au chômage. L’effet sur les salaires est plus ambigu : nul à court terme (Issehnane, 2011), il est positif trois ans après la sortie d’études pour Abriac & al. (2009) et négatif quatre ans après la sortie d’études pour Sollogoub & Ulrich (1999). À la sortie du supérieur, Issehnane (2011) relève un effet positif de l’apprentissage sur les salaires, mais pas sur la probabilité d’emploi une fois le biais de sélection pris en compte.
14 En Allemagne, les perspectives salariales des jeunes en voie scolaire standard sont aussi bonnes que celles des apprentis (Winkelmann, 1994 ; Parey, ibid.). Cependant, selon Winkelmann (1996), l’apprentissage améliore la probabilité d’emploi en sortie d’éducation, sans prendre en compte l’éventuel biais de sélection. Parey (2012) montre que, parmi les jeunes hommes de 23 à 26 ans ayant quitté l’école en fin de secondaire, les ex-apprentis ont moins de chances de connaître une période de chômage de plus d’un mois (à la fois en moyenne et après prise en compte du biais de sélection). D’autre part, selon Winkelmann (ibid.), lorsqu’ils sont au chômage, ils peinent davantage à retrouver un emploi que les élèves de la voie scolaire. De manière importante, les études citées portent sur l’Allemagne de l’Ouest avant 2000. À notre connaissance, seuls Riphahn & Zibrowius (2015) ont travaillé sur l’ensemble du pays et sur une période plus récente. Ils se concentrent sur la différence entre études professionnelles et études générales, mais l’un de leurs résultats secondaires porte sur l’apprentissage et ils n’observent pas d’effet sur l’accès à l’emploi.
1.3… suivant des mécanismes variés dont l’analyse peine à établir dans quel pays l’avantage relatif est le plus fort
15 La littérature économique évoquée ci-dessous est fondatrice des travaux étudiant l’impact de l’apprentissage sur l’insertion professionnelle. Elle a révélé les mécanismes explicatifs de l’avantage des apprentis dans les deux pays et certains éléments seront repris dans la suite. Bien qu’aucun des travaux cités ici ne permette de conclure sur l’écart de réussite relative des apprentis français et allemands, il convient tout de même de les présenter brièvement (pour plus de détails, voir Brébion, op. cit.)
16 La littérature économique du capital humain explique la qualité de la transition école-emploi des apprentis par le prisme des stratégies de formation des firmes. Elle distingue deux situations idéal-typiques (Lindley, 1975). La première est basée sur les coûts et vise à réaliser un bénéfice pendant la période d’apprentissage (stratégie de production). La seconde constitue une stratégie d’investissement dans la formation de capital humain, avec un objectif d’embauche et de profits futurs. Relativement aux formés en voie scolaire standard, les chances d’emploi de l’apprenti sont donc moindres dans le cas d’une stratégie de production, étant donné la faible probabilité d’embauche dans l’entreprise d’apprentissage et la faiblesse des compétences acquises pendant l’apprentissage valorisables sur le marché externe.
17 Le raisonnement de cette littérature se structure autour des coûts de formation nets des subventions et de la production réalisée par l’apprenti. On considère ainsi généralement qu’un coût net négatif est révélateur de la première stratégie et que l’inverse prévaut pour la seconde.
18 Ce raisonnement est problématique pour une évaluation comparative, pour deux raisons. Sur le plan pratique, d’une part : l’enquête Cost Benefit Survey du BIBB, qui offre de riches données côté allemand, n’a pas d’équivalent en France, notamment en termes de coûts d’infrastructures de formation, ou de temps non productif des maîtres d’apprentissage. L’importance de l’écart de subventions pourrait malgré tout suffire à estimer, en première approximation, que le coût net de formation – et donc sa qualité – est supérieur outre-Rhin. Selon Martinot (op. cit., p. 71), cet écart est effectivement en moyenne de 5 000 euros par apprenti et par an en faveur des entreprises françaises. Cependant, et il s’agit de la seconde limite, à notre connaissance, la seule étude comparative portant sur la France et l’Allemagne (Fougère & Schwerdt, 2002), ainsi que le travail de Dionisius & al (2009) sur l’Allemagne et la Suisse remettent en cause l’existence d’un lien direct entre, d’une part, les coûts nets de formation et, d’autre part, sa qualité et la volonté de l’entreprise de conserver l’apprenti en fin de contrat (voir également Pfeifer & al., 2019, dans ce numéro).
19 La seconde littérature est institutionnaliste. Deux grands courants traditionnels abordent les études professionnelles comme élément majeur des cohérences institutionnelles française et allemande : l’École d’Aix-en-Provence et la littérature des Variétés du Capitalisme.
20 Pour la première, Möbus & Verdier (2000, p. 272) décrivent le diplôme professionnel comme étant de « nature profondément différente de part et d’autre du Rhin : fondamentalement une règle d’organisation du marché du travail en Allemagne […], un simple signal à valoriser sur ce marché en France ». En Allemagne, les entreprises jouent un rôle majeur dans l’organisation du système dual. En « compensation », elles structurent les postes de travail davantage en fonction du référentiel de compétences offert par ces cursus que selon leurs propres critères (Maurice, Sellier & Silvestre, 1979). En France, l’inverse prévaut. Il en résulte un développement plus important de l’apprentissage et une valorisation plus forte des compétences spécifiques outre-Rhin. La légitimation sociale dont bénéficient ces structures institutionnelles assure l’existence d’un équilibre dans les deux pays.
21 De manière différente, la littérature des Variétés du Capitalisme (VoC) fonde l’écart de développement de l’apprentissage sur un calcul rationnel des agents économiques, étant donné leur environnement institutionnel. En Allemagne de l’Ouest, la coordination sectorielle assurée par les associations d’employeurs a historiquement protégé les entreprises du risque de voir un concurrent débaucher un apprenti en fin de formation. Elle garantit également aux jeunes la valorisation de leur diplôme d’apprentissage grâce à l’acquisition de compétences spécifiques au secteur et non exclusivement à l’entreprise (Hall & Soskice, 2001). L’importance des droits de codétermination des conseils d’entreprise (droit de veto sur les licenciements par exemple) limite en outre la flexibilité de l’emploi, et donc le risque, pour les jeunes, de se doter de compétences spécifiques à une entreprise. Particulièrement développée en Allemagne, cette coordination est limitée en France. L’État y organise ainsi la formation professionnelle sans bénéficier d’un appui suffisant des acteurs privés pour développer l’apprentissage, comme en Allemagne (Culpepper, 2001).
22 L’École d’Aix et la littérature des VoC permettent donc d’expliquer à la fois la plus forte attractivité des études professionnelles et la plus forte prégnance de l’apprentissage en leur sein en Allemagne. Elles ne permettent cependant pas de conclure à une différence de réussite des apprentis par rapport aux élèves ou étudiants de la voie scolaire, en France et en Allemagne (Brébion, op. cit., pp. 13-17). In fine, la littérature citée ici pourrait permettre d’émettre des hypothèses – largement contradictoires entre elles – sur la différence de « rendement » qu’apporte l’apprentissage relativement aux études par la voie scolaire standard, dans les deux pays ; cependant, rien ne permet de conclure sur ce point. Le travail mené ci-dessous propose de nouveaux éclairages sur cette question.
2 Données et stratégie d’identification par variables instrumentales
23 Dans cette partie méthodologique, on présente les données sur lesquelles reposent l’analyse et les choix effectués pour mener à bien les estimations. Les résultats de ces dernières seront décrits et discutés dans la partie suivante.
2.1 Des données issues de deux enquêtes nationales
24 On utilise les interrogations à douze mois des enquêtes Génération du Céreq pour le cas français. Les répondants sont représentatifs de la cohorte de jeunes – y compris apprentis – quittant le système éducatif pour la première fois pour plus d’un an en 1998, 2001, 2004 ou 2007. Les résultats présentés ici sont estimés sur l’échantillon issu de la fusion de ces quatre enquêtes (voir note 10).
25 Côté allemand, l’échantillon des jeunes ayant quitté l’école entre 1998 et 2013 est extrait du German Socio-Economic Panel (SOEP), enquête représentative de la population dans son ensemble. Idéalement, on souhaiterait travailler sur la première transition école-emploi de cette population. Elle ne peut cependant être identifiée avec certitude du fait d’une forte attrition et de l’âge d’entrée dans le panel dans un pays où la fréquence des reprises d’études est élevée.
26 On utilise donc, pour les deux pays, la dernière transition école-emploi observée [3]. Précisons que, de manière inhérente aux données, l’échantillon allemand est plus restreint que le français, ce qui constitue une limite dans la comparaison.
27 On catégorise les jeunes suivant les diplômes obtenus et non en fonction de la dernière filière d’études suivie, car le SOEP n’offre que cette information. On ne distingue donc pas ici entre les spécialités de formation. En outre, si la sélection pour l’obtention du diplôme d’apprentissage s’avérait plus forte dans l’un des deux pays, cette méthode génèrerait un biais dans l’analyse comparative par rapport à une catégorisation basée sur le dernier diplôme préparé avant la sortie du système éducatif. Les objets d’études sont cependant différents et l’un ne semble pas préférable à l’autre [4].
28 Les estimations sont menées séparément sur deux sous-échantillons par pays : les sortants après un diplôme du secondaire (sous-échantillon du secondaire) et ceux ayant obtenu un diplôme du supérieur (sous-échantillon du supérieur). On s’attend effectivement à un effet différencié de l’apprentissage pour ces deux groupes.
29 Pour la France, la définition de ces deux sous-échantillons est triviale : jeunes quittant l’école après un certificat d’aptitude professionnelle, un brevet d’études professionnelles, un bac professionnel ou un brevet professionnel pour le premier ; après un diplôme de brevet de technicien supérieur, un diplôme universitaire de technologie, d’université, d’écoles d’ingénieurs ou de commerce pour le second. Dans les deux cas, le groupe de traitement inclut les diplômés en apprentissage, le groupe de contrôle [5] ceux des voies scolaires standards.
30 En Allemagne, le principe est identique dans le secondaire : les élèves quittant l’école après un diplôme du système dual forment le groupe de traitement, le groupe de contrôle regroupant les sortants de Berufsfachschule à temps plein et de Fachoberschule. Dans le sous-échantillon du supérieur, la méthode est différente. On étudie exclusivement, pour l’Allemagne, la filière d’apprentissage traditionnelle du secondaire, l’apprentissage dans le supérieur étant marginal sur notre période. Le groupe de traitement du sous-échantillon du supérieur est donc composé des étudiants ayant poursuivi avec succès leurs études dans le supérieur, après l’obtention d’un diplôme en apprentissage dans le secondaire. Le groupe de contrôle est composé des autres diplômés du supérieur. La comparaison des estimations pour les sous-échantillons du supérieur entre les deux pays doit donc être prudente.
31 L’analyse consiste à successivement estimer l’impact de l’apprentissage sur le chômage, l’emploi à temps plein et le salaire en sortie d’études. Trois variables sont utilisées. L’étude porte d’abord sur le nombre de mois passés au chômage, ainsi que sur le ratio du temps en emploi passé à temps plein versus à temps partiel, les douze premiers mois suivant la sortie d’étude. Ces variables sont calculées à partir des données calendaires dans les deux enquêtes. Dans un troisième temps, une analyse sur le salaire des emplois à temps plein est menée. Les enquêtés dans le SOEP ne fournissent qu’un seul salaire mensuel par an [6]. On utilise donc celui de l’enquête de l’année de sortie d’études lorsqu’il est disponible, le suivant sinon. Dans le cas français, le salaire utilisé est celui du plus long épisode d’emploi à temps plein des douze mois suivant la sortie d’études. On contrôle par la durée séparant la sortie d’études et le mois d’interview (resp. de début d’épisode) pour l’Allemagne (resp. pour la France). Précisons que la taille des échantillons d’estimation diffère suivant la variable dépendante considérée [7].
32 L’impact de l’apprentissage sur ces trois variables est d’abord étudié sans prendre en compte l’éventuel biais de sélection (voir 3.1) : on compare, à valeur des variables de contrôle donnée, la qualité moyenne de l’insertion professionnelle des ex-apprentis avec celle des sortants d’études de la voie scolaire à temps plein. On estime l’impact sur le salaire et sur le ratio du temps de travail à temps plein, versus à temps partiel, les douze premiers mois suivant la sortie d’études, par moindres carrés ordinaires (MCO). L’impact sur le nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie est calculé par une estimation de Poisson, car la variable dépendante est une variable de comptage [8]. Sa distribution est fournie en annexe 1 de la version électronique de l’article.
Sigles : German Socio-Economic Panel (SOEP), catégorie socio-professionnelle (CSP), certificat d’aptitude professionnelle (CAP), brevet d’études professionnelles (BEP), brevet de technicien supérieur (BTS), diplôme universitaire de technologie (DUT).
2.2 La prise en compte des différences intrinsèques ou biais de sélection
33 Comme évoqué en introduction, il est probable que les apprentis présentent des caractéristiques spécifiques inobservables et donc non captées par les variables de contrôle (plus forte appétence pour le monde de l’entreprise, par exemple). Les résultats obtenus dans les régressions pourraient alors s’expliquer non par le cursus suivi, mais par ces différences « intrinsèques » (biais de sélection).
34 On mobilise donc une méthode par variables instrumentales. Elle consiste à calculer un impact causal de l’apprentissage sur l’insertion de sous-populations estimées comparables. Ces sous-populations comprennent les jeunes dont le choix d’entrer en apprentissage est affecté par la variable instrumentale. L’estimation finale, valide seulement pour ces sous-populations, est dite « locale » (LATE). Concrètement, on utilise un modèle en deux étapes avec fonction de contrôle (FC) pour la première variable dépendante, où la première étape est un MCO et la seconde une estimation de Poisson (Wooldridge, 2007, 2014). Les résultats par doubles moindres carrés (2MCO) sont très proches – voir tableau 3.b). L’estimation pour les deux autres variables dépendantes est effectuée par 2MCO.
35 L’instrument est le taux d’apprentissage prévalant dans la région l’année qui a précédé le choix d’entrer en apprentissage ou de poursuivre son parcours en études par voie scolaire. Il existe effectivement une forte territorialisation de l’apprentissage dans les deux pays – voir ci-dessous et Garrouste & al (2018). On s’attend donc à ce que les dépenses et l’implication régionales en faveur de l’apprentissage expliquent la probabilité individuelle d’entrer en apprentissage. La démarche menée repose sur l’hypothèse que le taux d’apprentissage est une bonne variable proxy de cet investissement régional. Autrement dit, que ce dernier génère effectivement un développement de l’apprentissage. Une seconde hypothèse est que le taux d’apprentissage dépend avant tout de l’investissement régional, et, en particulier, qu’il ne repose pas sur des éléments influençant directement les variables dépendantes (condition d’exclusion). Ces hypothèses semblent relativement conservatrices et, comme énoncé ci-dessus, sont régulièrement reprises dans la littérature. Le niveau de l’instrument par sous-échantillon est visible dans le tableau 1 et son effet dans l’équation de première étape est illustré dans le tableau 2.
36 Comme évoqué, il existe effectivement une forte régionalisation de l’apprentissage dans les deux pays. En France, la loi de 1983 a transféré de l’État aux régions la compétence de droit commun relative à l’apprentissage. La loi quinquennale de 1993 a poursuivi le processus de décentralisation. Elle transfère l’ensemble des compétences en matière de formation professionnelle des jeunes de moins de 26 ans aux régions et requiert l’élaboration d’un Plan régional de développement de la formation professionnelle des jeunes. Elle s’accompagne, en outre, d’un désengagement financier de l’État en la matière. Les régions sont maintenant à l’origine de 23 % des dépenses pour l’apprentissage. Réciproquement, l’apprentissage est à l’origine de la moitié des dépenses régionales. À partir de 1983, et surtout après 1993, les régions sont donc contraintes de construire des politiques régionales d’apprentissage dont l’orientation dépend de la volonté et de la capacité des conseils régionaux à coordonner l’action des nombreux acteurs locaux.
37 En Allemagne, le rôle primordial des Länder dans l’organisation de l’apprentissage est connu. Avec les collectivités territoriales, ils gèrent les dépenses concernant les établissements du système dual. Ils sont également les principaux acteurs du choix des enseignements scolaires du cursus. D’autre part, les entreprises peuvent faire appel au bureau local de l’Agence fédérale pour l’Emploi pour pourvoir un emploi vacant. Enfin, outre les prérogatives des collectivités locales et régionales, les chambres de commerce et d’industrie sont en charge de « conseiller les entreprises, inscrire les apprentis, certifier les compétences des formateurs […] et de conduire le dialogue social à un niveau régional » (Hippach-Schneider, Krause & Woll, 2007).
38 Avant d’examiner les résultats, on précise ici la manière dont est construit l’instrument. Dans le cas français, le taux d’apprentissage est le ratio du nombre d’apprentis dans le secondaire (respectivement dans le supérieur), relativement au nombre total d’élèves en formation professionnelle dans le secondaire (resp. en éducation dans le supérieur) prévalant trois ans avant la sortie d’études. Côté allemand, l’apprentissage est un diplôme de second cycle du secondaire. Le choix d’entrer ou non en apprentissage s’est donc opéré à la sortie du premier cycle du secondaire pour le sous-échantillon du secondaire et pour le sous-échantillon du supérieur. Pour tous, le ratio de référence est donc celui qui s’applique dans la région l’année précédant la fin du premier cycle du secondaire. Par approximation, on utilise le ratio prévalant à 15 ans pour les agents du sous-échantillon du secondaire et à 16 ans pour ceux du sous-échantillon du supérieur [9].
Tableau 1. Distribution du ratio d’apprentissage par sous-échantillon
Tableau 1. Distribution du ratio d’apprentissage par sous-échantillon
Lecture : le ratio du nombre d’apprentis relativement au nombre total d’élèves en formation professionnelle prévalant dans le secondaire, trois ans avant la sortie d’études des élèves du sous échantillon français, est en moyenne de 45 %.Tableau 2. Effet marginal du ratio d’apprentissage sur la probabilité d’obtenir un diplôme d’apprentissage
Tableau 2. Effet marginal du ratio d’apprentissage sur la probabilité d’obtenir un diplôme d’apprentissage
Lecture : une augmentation d’un point de pourcentage du ratio d’apprentissage dans le secondaire français est associée à une augmentation de 0.56 p.p..de la probabilité de suivre un apprentissage l’année suivante, à ce niveau, en France.Note : il s’agit de l’équation de première étape utilisée pour les régressions avec prise en compte du biais. Une estimation par probit donne des résultats similaires.
Les écarts-types entre parenthèses sont obtenus en grappes par région. Valeurs significatives à 5 %, sinon * p<10 %.
Sigle : MCO, Moindres carrés ordinaires.
3 L’apprentissage, un cursus plus efficace en France qu’en Allemagne
39 On présente en deux temps les résultats des régressions. On s’intéresse d’abord aux estimations, à valeur des variables de contrôle donnée, de la qualité moyenne de l’insertion des ex-apprentis par rapport à celle des sortants d’études de voie scolaire standard. Cette première sous-partie ignore le biais de sélection et n’a donc pas de prétention causale.
40 On met ensuite en œuvre la stratégie d’identification par variables instrumentales décrite ci-dessus, de manière à prendre en compte le biais de sélection. Comme évoqué, cette identification causale des liens entre apprentissage et insertion porte sur des sous-populations spécifiques. Elles sont décrites dans la deuxième sous-partie. La troisième sous-partie révèle et discute finalement l’impact causal de l’apprentissage sur la qualité de l’insertion de ces sous-populations.
3.1 L’effet moyen de l’apprentissage sur l’insertion, le type de contrat et les salaires
41 Dans chacun des sous-échantillons d’analyse, les anciens apprentis bénéficient d’un meilleur accès à l’emploi que les sortants d’études par voie scolaire. La différence moyenne est cependant plus importante en France qu’en Allemagne. En termes de taux de chômage l’année suivant la sortie de secondaire (resp. supérieur), elle équivaut à un bénéfice d’environ 6.8 p.p. (resp. 6.3 p.p.) de plus en France qu’en Allemagne (voir tableau 3a) [10], [11] – soit un gain supplémentaire de temps passé en emploi par rapport aux sortants à temps plein d’environ 30 p.p. (resp. 20 p.p.).
42 Il convient de distinguer la réussite des apprentis sur le marché interne dans leur entreprise de formation et leur situation sur le marché externe des autres entreprises. Dans nos données, la part des apprentis français embauchés par leur entreprise de formation à la fin de leur contrat d’apprentissage, une fois leur diplôme obtenu, est de 42 % à la sortie du supérieur et de 38 % à la sortie du secondaire, contre 56 % à la sortie du secondaire en Allemagne [12].
43 Si les apprentis français subissent un taux de rétention plus faible, le tableau 4 révèle cependant que les apprentis non conservés sont préférés aux élèves ou étudiants par voie scolaire sur le marché externe, tandis que le contraire prévaut outre-Rhin.
44 Pour l’Allemagne, on retrouve ici un résultat étonnant, et déjà mis en évidence dans un autre contexte par Winkelmann (1996). Par rapport aux ex-élèves en voie scolaire standard, les ex-apprentis du secondaire non embauchés par leur firme de formation passent 0.37 mois de plus au chômage l’année suivant leur sortie d’études, à valeur des variables de contrôle donnée [13]. Ce résultat semble aller à l’encontre de la littérature institutionnaliste traditionnelle sur le sujet.
45 En effet, selon la littérature des VoC, le haut niveau de coordination prévalant traditionnellement dans le système d’apprentissage allemand devrait assurer une offre de compétences suffisamment générales pour être valorisée par les autres firmes du secteur (voir partie 1). Selon Dustmann & Schönberg (2007, p. 6), seules 5 % des compétences acquises en apprentissage, entre 1982 et 1992, seraient ainsi spécifiques à l’entreprise de formation en Allemagne. Le résultat décrit ici suggère donc une évolution institutionnelle.
46 Les travaux de Busemeyer & Thelen (2011) fournissent un élément d’explication. Ils mettent en évidence une mutation progressive du système d’apprentissage allemand, depuis un « système collectif de formation » – où les associations d’employeurs contraignent les grandes entreprises à former au-dessus de leurs besoins, au profit des entreprises plus petites – vers un « système de formation segmenté » où les grandes entreprises quittent ces organisations ou obtiennent des clauses moins contraignantes. Dans ce processus, les grandes entreprises formatrices orientent donc de plus en plus les compétences transmises vers leur marché interne et ont de moins en moins tendance à former sans embaucher. Les apprentis non conservés pourraient alors peiner à valoriser leurs compétences sur le marché externe.
Tableau 3 – a. Effet marginal de l’apprentissage sur le nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie d’études – Sans prise en compte du biais de sélection
Tableau 3 – a. Effet marginal de l’apprentissage sur le nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie d’études – Sans prise en compte du biais de sélection
Lecture : à la sortie du secondaire français, avoir obtenu un diplôme d’apprentissage est associé à une baisse de 1.39 mois du temps passé au chômage les douze mois suivants.Notes : valeurs significatives à 5 %, * p<10 %, ns : non-significatif.
(1) : sous-échantillon identique à celui utilisé dans la régression avec prise en compte du biais de sélection, voir note 11.
(2) : le coefficient est de 0,21 et donc très proche de celui de la colonne 3. Il est non-significatif aux seuils habituels en raison d’une variance plus élevée (0,17).
Tableau 3 – b. Effet marginal de l’apprentissage sur le nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie d’études – Avec prise en compte du biais de sélection
Tableau 3 – b. Effet marginal de l’apprentissage sur le nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie d’études – Avec prise en compte du biais de sélection
Lecture : à la sortie du secondaire français, pour la population cible (« compliers » ou « conformistes »), avoir obtenu un diplôme en apprentissage conduit à une baisse de 2,34 à 2,55 mois, suivant les spécifications, du temps passé au chômage les douze mois suivants.Note : les écarts-types entre parenthèses sont obtenus en grappes par région. Valeurs significatives à 5 %, * p<10 %,
Ns : non-significatif.
Sigles : 2MCO, Doubles moindres carrés ordinaires ; FC, Fonction de contrôle.
Tableau 4. Effet marginal de l’apprentissage en fonction de la rétention par l’entreprise de formation sur le nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie d’études
Tableau 4. Effet marginal de l’apprentissage en fonction de la rétention par l’entreprise de formation sur le nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie d’études
Lecture : à la sortie du secondaire allemand, avoir obtenu un diplôme en apprentissage est associé à une hausse de 0,37 mois du temps passé au chômage, les douze mois suivants, pour les jeunes non embauchés dans leur firme de formation, contre une baisse de 3.01 mois pour les autres.Note : valeurs significatives à 5 %.
47 L’effet moyen sur les salaires, lié au fait d’être formé en apprentissage, est positif en France, mais nul en sortie du supérieur et négatif en sortie du secondaire en Allemagne (voir tableau 5). Ce dernier résultat va à l’encontre de la littérature – dont la quasi-totalité des travaux utilise des données sur l’Allemagne de l’Ouest avant 2000. Trois éléments semblent pourtant lui donner sens.
48 Tout d’abord, les apprentis allemands entrent sur un marché du travail fortement doté en ex-apprentis, ce qui n’est pas le cas des sortants d’écoles professionnelles par voie scolaire. L’employeur qui privilégie les sortants d’apprentissage bénéficie donc d’une offre de travail plus importante que celui qui préfère les sortants d’études par voie scolaire. Les jeunes quittant l’école après l’apprentissage ont ensuite souvent reçu une formation de moindre qualité (voir 1.1).
49 L’entreprise formatrice est de plus en position de force, étant donné les faibles opportunités d’emploi de ces apprentis sur le marché externe, comme énoncé ci-dessus. Il est donc possible que, toutes choses égales par ailleurs, ce surplus de pouvoir de négociation permette de limiter le salaire d’embauche des apprentis sur le marché interne.
50 Enfin, l’apprentissage est associé à une meilleure probabilité de travailler à temps plein à la sortie du secondaire, dans les deux pays, et du supérieur, en France (voir tableau 6). Notons que, à genre donné, l’effet moyen est similaire dans le sous-échantillon du secondaire dans les deux pays. La plus forte proportion de filles parmi les apprentis allemands explique le niveau plus élevé du coefficient (voir annexe 3 de la version électronique de l’article).
Tableau 5. Effet marginal de l’apprentissage sur le log du premier salaire à temps plein déclaré l’année suivant la sortie d’études
Tableau 5. Effet marginal de l’apprentissage sur le log du premier salaire à temps plein déclaré l’année suivant la sortie d’études
Lecture : à la sortie du secondaire français, avoir obtenu un diplôme d’apprentissage est associé en moyenne à une hausse du salaire de 1 %, mais n’a pas d’impact significatif sur la rémunération de la population cible (« compliers » ou « conformistes »).Note : les écarts-types entre parenthèses sont obtenus en grappes par région dans les régressions 2MCO. Valeurs significatives à 5 %, * p<10 %, ns : non-significatif.
(1) Effet fixe de « Super-région » pour les régressions 2MCO.
(2) Sous-échantillon identique à celui utilisé dans la régression 2MCO, voir note 11.
Sigles : MCO, Moindres carrés ordinaires ; 2MCO, Doubles moindres carrés ordinaires.
Tableau 6. Effet marginal de l’apprentissage sur le ratio du temps de travail passé à temps plein versus temps partiel l’année suivant la sortie d’études
Tableau 6. Effet marginal de l’apprentissage sur le ratio du temps de travail passé à temps plein versus temps partiel l’année suivant la sortie d’études
Lecture : à la sortie du secondaire français, avoir obtenu un diplôme d’apprentissage est associé, en moyenne, à une hausse de 0.06 unités du ratio du temps de travail passé à temps plein versus à temps partiel, dans les douze mois suivants, et a un impact causal de 0.13 unités pour la population cible (« compliers » ou « conformistes »).Note : les écarts-types entre parenthèses sont obtenus en grappes par région dans les régressions 2MCO. Valeurs significatives à 5 %, * p<10 %, ns : non-significatif.
(1) Effet fixe de « Super-région » pour les régressions 2MCO.
(2) Sous-échantillon identique à celui utilisé dans la régression 2MCO, voir note 11.
Sigles : MCO, Moindres carrés ordinaires ; 2MCO, Doubles moindres carrée ordinaires.
3.2 Cerner les processus d’orientation pour définir la population cible – l’équation de première étape
51 Les résultats précédents ne prennent pas en compte le risque de sélection des jeunes se tournant vers l’apprentissage. Comme énoncé précédemment, pour s’assurer que l’effet calculé de l’apprentissage sur l’insertion est causal, on suit une stratégie d’analyse par variables instrumentales, où l’instrument est le taux d’apprentissage de la région l’année précédant le choix d’entrer en apprentissage ou de poursuivre son parcours en études par voie scolaire.
52 Son effet sur la probabilité d’entrer en apprentissage (équation de première étape) est présenté dans le tableau 2. En France, une augmentation d’un point de pourcentage du taux régional d’apprentissage augmente de 0.56 p.p. la probabilité de s’engager (avec succès) dans un cursus en apprentissage en études secondaires et de 0.83 p.p. en études supérieures. En Allemagne, l’effet du ratio d’apprentissage est moins tranché. Parmi les jeunes ayant quitté l’école en fin de secondaire, un surplus de 1 p.p. de l’instrument diminue de 0.43 p.p. la probabilité d’entrer dans le système dual l’année suivante et d’en sortir diplômé. Dans le sous-échantillon du supérieur, l’effet est au contraire positif (+ 0.78 p.p) [14].
53 L’effet de traitement « épuré » de la sélection – i.e. l’effet causal de l’apprentissage sur l’insertion – est obtenu en résultat de deuxième étape. Il est local (LATE) et valable uniquement pour les jeunes dont le choix d’entrer en apprentissage est affecté par le taux d’apprentissage de la région (i.e. pour ceux qui « se conforment au tirage » ou « compliers » [15]). Avant de le discuter, il convient donc d’identifier ces derniers et, pour cela, d’approfondir l’analyse des processus d’orientation vers l’apprentissage.
54 La sélection à l’entrée en apprentissage est un processus complexe. On peut distinguer trois mécanismes majeurs (Couppié & Gasquet, 2017, pp. 83-85). Le premier est géographique. L’apprentissage est territorialisé du fait de sa régionalisation, mais aussi en raison de traditions locales de plus long terme (ibid ; Culpepper, op. cit.). Le deuxième est « micro et individuel » : l’intérêt des jeunes pour l’apprentissage dépend de leurs caractéristiques socio-démographiques. En particulier, le genre et la proximité du milieu familial avec la filière prédisent fortement la probabilité de candidater en apprentissage (Couppié & Gasquet, ibid.). Le troisième mécanisme repose sur le classement des jeunes par les entreprises et les CFA (centres de formation d’apprentis) ou berufsfachschule (ibid.).
55 On s’attend à ce que plus les autorités régionales s’engagent en faveur de l’apprentissage et parviennent à accroître le nombre de contrats une année donnée, plus l’offre de contrats d’apprentissage l’année suivante soit élevée dans la région [16]. L’impact final de l’instrument (taux régional d’apprentissage) sur le type d’apprentis alors embauchés dépend de la sensibilité (l’élasticité) de la demande de formation à l’investissement régional. Il s’agit donc de comprendre si la hausse du ratio d’apprentissage attire des jeunes d’horizons différents ou permet simplement aux jeunes « traditionnels » de l’apprentissage en fin de file d’attente d’accéder au cursus.
56 Nous présentons des éléments suggérant que les deux sous-échantillons français et l’Allemagne, pris dans leur ensemble, relèvent de trois cas types différents.
57 Dans le secondaire français tout d’abord, si l’apprentissage était « réservé aux jeunes en situation d’échec scolaire » dans les années 1990, les élèves le préfèrent désormais aux cursus en lycée professionnel (Arrighi, Gasquet & Olivier, 2009). « L’attirance pour le mode de formation » est ainsi le déterminant du choix d’entrer en apprentissage dont l’incidence a le plus évolué entre 1992 et 2007 (Moreau, op. cit.). Cette tendance est, au moins pour partie, due aux politiques de revalorisation de la filière (promotion par des échanges avec les collégiens, auprès des entreprises, par la publicité…). On s’attend donc à ce que l’investissement régional attire vers l’apprentissage de bons élèves traditionnellement plus enclins à s’orienter vers un lycée professionnel. Dans un contexte de sélectivité élevé, ces jeunes pourraient prendre la place des élèves « traditionnels » situés à la fin de la file d’attente de l’accès aux contrats d’apprentissage. Cela ne semble cependant pas être le cas.
58 Les tableaux en annexe 4 de la version électronique de l’article, qui mobilisent les données de l’enquête Génération 2004, montrent ainsi qu’une hausse du ratio d’apprentissage de 1 p.p. est associée à une hausse de satisfaction des vœux d’orientation en fin de 3e, l’année suivante, de 0.16 p.p.. Cette corrélation résulterait principalement d’un moindre échec dans l’accès à l’apprentissage et d’une baisse des orientations contraintes vers un diplôme de spécialité autre que celle demandée (voir tableau 12) [17].
59 Ainsi, une hausse du ratio d’apprentissage semble associée à une baisse de la sélectivité l’année suivante. En d’autres termes, si certains bons élèves « non traditionnels » de la filière s’orientent vraisemblablement vers l’apprentissage du fait de la politique régionale, cette dernière permettrait avant tout aux élèves « traditionnels » situés en fin de la file d’attente de trouver un contrat [18]. En ce sens, les « compliers » (ou « conformistes ») seraient surtout des élèves moins valorisés sur le marché du travail que la moyenne des apprentis.
60 On ne dispose pas d’information permettant de mener un travail similaire pour le supérieur, en France. Cependant, on sait que l’adhésion à l’apprentissage y est plus forte que dans le secondaire. Ainsi, tandis que 27 % des élèves en apprentissage de niveau V [19] n’apprenaient pas le métier souhaité dans les Pays de la Loire, en 2007, ils étaient 20 % au niveau III et 12 % aux niveaux I et II (Moreau, 2008). De même, seuls deux tiers des élèves de niveau V évoquaient une attirance pour ce mode de formation, contre plus de 90 % dans le supérieur (ibid). Dès lors, l’ouverture de nouvelles places et de nouveaux cursus d’apprentissage, permise par l’investissement régional pour l’apprentissage dans le supérieur, devrait attirer, plus fréquemment que dans le secondaire, des « conformistes » de bon niveau, convaincus par le mode de formation, et se tournant vers l’apprentissage de manière non subie (voir Sarfati, 2015). La présence de ces « conformistes » aux côtés des jeunes situés en fin de file d’attente et profitant du surplus d’offre dans les filières traditionnelles du supérieur, devrait renforcer leur hétérogénéité en sortie du supérieur par rapport au secondaire.
61 Afin de traiter du cas allemand, il convient d’expliciter la stratégie consistant à suivre un apprentissage dans le secondaire avant de s’orienter vers le supérieur. Selon Lewin, Minks & Uhde (1996), pour la majorité des jeunes ayant suivi ce cursus scolaire, le choix d’entrer dans le supérieur était formulé dès la fin du premier cycle du secondaire – et donc avant d’entrer dans le système dual. Selon eux, les jeunes ayant effectué un apprentissage avant leur diplôme du supérieur sont des jeunes actifs dans leur choix d’études, qui s’attendent à un manque de formation pratique dans le supérieur et ont la volonté de le pallier. Ainsi, un engagement régional particulier en faveur de l’apprentissage devrait attirer ces bons étudiants si de nouvelles offres de contrats conformes à leurs attentes étaient créées.
62 La positivité du coefficient associé au ratio d’apprentissage pour le sous-échantillon du supérieur suggère que cela est effectivement le cas. En outre, il semble qu’à ce processus s’ajoute un effet réputation qui accentue d’autant la réponse positive de ces « conformistes ». L’engagement politique régional et la hausse de l’offre accroîtraient la propension des jeunes visant un diplôme du supérieur à choisir, dans un premier temps, l’apprentissage, à tel point que la hausse de la demande dépasse celle de l’offre [20]. Les derniers de la file d’attente à obtenir un contrat d’apprentissage au point d’équilibre pré-existant n’accèdent donc plus à la filière. Il s’agit des « conformistes » du sous-échantillon du secondaire [21]. Pour eux, la hausse du taux d’apprentissage a donc un effet négatif sur la probabilité d’entrer dans le système dual.
3.3 L’impact causal de l’apprentissage sur l’insertion de la population cible – l’équation de seconde étape
63 L’effet causal de l’apprentissage sur l’insertion (effet local de traitement, LATE) sur le ratio de travail à temps plein versus temps partiel est plus fort que l’effet moyen sans prise en compte du biais de sélection dans le sous-échantillon du secondaire, en France [22]. Il en est de même pour l’évitement du chômage, ce qui confirme l’existence, chez les « compliers » (ou » conformistes »), de caractéristiques inobservables négativement valorisées sur le marché du travail, résultat largement mis en évidence dans la littérature [23]. Au contraire, il apparaît que le coefficient sur les salaires perd sa significativité lorsque la sélection est prise en compte, suggérant une absence d’effet de l’apprentissage sur la productivité des « conformistes ». Les résultats des régressions sont fournis dans les tableaux 3-b, 5 et 6.
64 Ce dernier résultat est contre-intuitif si l’on en croit la partie 3.2 et si l’on considère que les « conformistes » sont surtout des élèves en difficulté scolaire relativement aux autres apprentis. La littérature en sciences de l’éducation a en effet montré que les externalités positives que les enseignements théoriques et pratiques produisent l’un sur l’autre sont maximales pour les jeunes montrant le moins d’appétence pour les études académiques (Unwin & Wellington, 1995). On s’attendrait donc à ce qu’à contrat d’apprentissage donné, ce cursus procure un gain de productivité plus élevé aux « conformistes » qu’à l’apprenti moyen, relativement aux études par voie scolaire.
65 Ce résultat met donc en évidence une hétérogénéité des contrats d’apprentissage. Si la majorité des « conformistes » se trouvent bien à la fin de la file d’attente pour ces contrats, ils sont alors susceptibles d’obtenir des formations de moindre qualité. L’apprentissage dans le secondaire, en France, leur fournit donc un avantage en termes d’emploi – malgré la faiblesse reconnue des taux d’embauche dans les firmes de formation – sans gain de productivité associé. En négatif, ces résultats révèlent également les maigres chances d’insertion de ces jeunes à la sortie du lycée professionnel.
66 Dans le sous-échantillon du secondaire allemand, l’effet moyen sur les salaires et sur le temps de travail semble disparaître lorsque la sélection est prise en compte – bien que ces deux résultats doivent être relativisés étant donné la faiblesse des F-statistiques. Le LATE sur l’évitement du chômage est plus concluant. Plus que la valeur du coefficient, qui est élevée dans les deux modèles estimés du fait d’écarts-types importants, son signe doit être discuté.
67 Comme dans le cas français, les « conformistes » semblent se trouver ici plutôt à la fin de la file d’attente pour l’obtention d’un contrat d’apprentissage (voir 3.2). Ils sont donc également susceptibles de suivre une formation de moins bonne qualité que l’apprenti moyen. Ils cumulent une faible probabilité d’embauche dans leur firme de formation – relativement aux autres apprentis allemands – et peu de compétences valorisables sur le marché du travail externe. Dès lors, l’apprentissage semble leur être moins profitable que les études par la voie scolaire standard pour s’insérer sur un marché du travail allemand déjà fortement doté en ex-apprentis.
68 Dans les sous-échantillons du supérieur des deux pays, on ne peut mettre en évidence d’impact causal de l’apprentissage sur les variables étudiées (chômag, salaire, part du temps travaillé à temps plein versus à temps partiel). En France, ce résultat est conforme à la littérature sur la question et souligne la sélectivité à l’œuvre dans ces filières. Les « conformistes » sont de bons étudiants dans les deux pays – bien qu’en France, leur hétérogénéité soit probablement plus forte, voir 3.2 – qui auraient aussi bien réussi dans un cursus par voie scolaire standard. En France, les fortes subventions allouées aux études en apprentissage de cette population semblent donc difficiles à justifier en termes de différentiel d’insertion.
Conclusion
69 Cet article compare l’effet des études en apprentissage sur les conditions d’accès au marché de l’emploi, en France et en Allemagne, entre 1998 et 2013. On se concentre sur l’impact de court terme, soit les douze mois suivant la fin d’études. Il a effectivement été montré ailleurs que la différence de taux de chômage en sortie d’études, entre les deux pays, s’atténue très rapidement avec le temps (Brébion, op. cit.). Les estimations sont menées séparément sur les sortants du secondaire et les sortants du supérieur.
70 On montre d’abord, qu’en moyenne, en France comme en Allemagne, les apprentis bénéficient de meilleures conditions d’accès au marché du travail que les sortants de la voie scolaire. Leur avantage relatif est cependant plus élevé en France. En termes de taux de chômage l’année suivant la sortie du secondaire ou du supérieur, la différence entre les deux pays équivaut à un bénéfice d’environ 6.5 p.p. pour la France – soit un gain supplémentaire de temps passé en emploi par rapport aux sortants à temps plein d’environ 25 p.p..
71 En outre, la réussite des apprentis ne résulte pas des mêmes canaux dans les deux pays. Si en France, le taux d’embauche dans les entreprises formatrices est moins élevé, les entreprises y privilégient les ex-apprentis non embauchés par leur entreprise de formation aux sortants de la voie scolaire sur le marché externe, ce qui ne semble pas être le cas en Allemagne. Ce résultat, conforme à une partie de la littérature économique, met en cause la validité, pour la période actuelle, de certaines conclusions de la littérature institutionnaliste traditionnelle.
72 Ces résultats « moyens » ne sont pas nécessairement « causaux ». Ainsi, ils ne prennent pas en compte le fait que la population des apprentis diffère de celle des non-apprentis suivant des caractéristiques inobservables dans les bases de données (risque de biais de sélection). On recourt donc, dans un second temps, à une méthode par variables instrumentales. Elle consiste à calculer un impact de cause à effet de l’apprentissage sur l’insertion de sous-populations estimées comparables. Ces dernières comprennent les jeunes dont le choix d’entrer en apprentissage est affecté par la variable instrumentale – que l’on définit comme le ratio du nombre d’apprentis sur le nombre total d’élèves ou d’étudiants au niveau correspondant et prévalant l’année précédant le choix de filière.
73 L’analyse causale fournit les résultats suivants. Dans le secondaire, nos résultats suggèrent que les jeunes dont l’accès à l’apprentissage dépend de l’instrument (la part du nombre d’apprentis) sont plutôt des élèves en difficulté, se trouvant à la fin de la file d’attente pour les contrats d’apprentissage, en France et en Allemagne. L’effet de la voie duale sur leur insertion diverge entre les deux pays.
74 En France, l’apprentissage ne semble pas apporter de gain salarial à ces jeunes qui bénéficient cependant d’une forte plus-value en termes d’évitement du chômage. Etant donné la faiblesse des taux d’embauche dans les entreprises formatrices – suggérant une qualité de formation plutôt médiocre – ces résultats révèlent donc également la mauvaise qualité de leur insertion professionnelle lorsqu’ils suivent des études par voie scolaire.
75 Dans le secondaire allemand, l’apprentissage aurait un effet négatif sur les chances d’accès à l’emploi pour ces jeunes. Ce résultat va à l’encontre de la littérature sur le sujet, mais est bâti sur des données plus récentes – comprenant une période de « crise » de l’apprentissage – et incluant l’Allemagne de l’Est. Une partie des études précédentes se concentre de plus exclusivement sur les hommes. À la sortie de l’apprentissage, les jeunes allemands non retenus par leur entreprise de formation entrent sur un marché du travail bien doté en ex-apprentis où, contrairement au cas français, ils se distinguent non par la nature de leur diplôme, mais plutôt par la faible qualité de l’apprentissage suivi.
76 Enfin, pour les sortants du supérieur, le passage par l’apprentissage ne favorise pas l’insertion, en France comme en Allemagne.
77 La comparaison réalisée offre plusieurs enseignements pour le contexte français. L’étude du cas allemand suggère d’abord qu’un développement trop important de l’apprentissage peut supprimer ses bénéfices pour les élèves les moins « scolaires ». Ensuite, en filigrane, les analyses révèlent que l’investissement dans l’apprentissage ne doit pas être réalisé au détriment de l’objectif d’amélioration de l’insertion à la sortie de la voie scolaire. Enfin, les résultats apportent des éléments favorables au basculement des subventions de l’apprentissage du supérieur vers le secondaire.
78 Notons cependant que la baisse des coûts de formation ainsi induite pourrait accroître l’incidence des formations sans visée d’embauche, alors que l’exemple allemand révèle que, sur un marché conséquent de l’apprentissage, les élèves non retenus par leur entreprise de formation sont en difficulté sur le marché externe. Dans le cadre français, où les taux de formation sans embauche finale sont élevés, on pourrait donc imaginer que le développement de l’apprentissage, issu du basculement des subventions du supérieur vers le secondaire, s’accompagne d’un droit de regard accru des représentants du personnel sur l’investissement de l’entreprise d’apprentissage dans la formation et sur sa qualité. Appliqué en Allemagne, ce principe semble effectivement assurer une hausse des taux d’apprentis conservés par les entreprises de formation sur le court et le moyen termes (Kriechel, Muehlemann, Pfeifer & Schütte, 2014).
79 Annexe 1 – Distribution de la variable dépendante du chômage : nombre de mois passés au chômage
80 Graphique 1 : Distribution du nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie d’études des sortants du secondaire en France
82 Lecture : 71 % de l’échantillon des ex-apprentis ayant quitté l’école en fin de secondaire en France n’a connu aucun mois de chômage l’année suivant sa sortie d’études
83 Source : Enquêtes Génération duCéreq, calculs de l'auteur
84 Graphique 2 : Distribution du nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie d’études des sortants du supérieur en France
86 Lecture : 69 % de l’échantillon des ex-apprentis ayant quitté l’école en fin de supérieur en France n’a connu aucun mois de chômage l’année suivant sa sortie d’études
87 Source : Enquêtes Génération du Céreq, calculs de l'auteur.
88 Graphique 3 : Distribution du nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie d’études des sortants du secondaire en Allemagne
90 Lecture : 67 % de l’échantillon des ex-apprentis ayant quitté l’école en fin de secondaire en Allemagne n’a connu aucun mois de chômage l’année suivant sa sortie d’études
91 Source : German Socio-Economic Panel, calculs de l'auteur.
92 Graphique 4 : Distribution du nombre de mois passés au chômage l’année suivant la sortie d’études des sortants du supérieur en Allemagne
94 Lecture : 84 % de l’échantillon des ex-apprentis ayant quitté l’école en fin de supérieur en Allemagne n’a connu aucun mois de chômage l’année suivant sa sortie d’études
95 Source : German Socio-Economic Panel, calculs de l'auteur.
96 Tableau 7 : Nombre de mois passés au chômage parmi les 12 mois suivant la sortie d'études en part des sous-échantillons considérés
Sortants du Secondaire | Sortants du Supérieur | |||||||
Apprentis | Elèves en voie scolaire standard | Apprentis | Etudiants en voie scolaire standard | |||||
France | Allemagne | France | Allemagne | France | Allemagne | France | Allemagne | |
0 | 71 % | 67 % | 53 % | 59 % | 69 % | 84 % | 56 % | 74 % |
1 | 4 % | 6 % | 4 % | 6 % | 5 % | 2 % | 6 % | 7 % |
2 | 4 % | 4 % | 5 % | 4 % | 6 % | 1 % | 7 % | 4 % |
3 | 4 % | 4 % | 5 % | 6 % | 5 % | 2 % | 6 % | 3 % |
4 | 3 % | 3 % | 4 % | 1 % | 3 % | 1 % | 5 % | 1 % |
5 | 2 % | 2 % | 3 % | 3 % | 3 % | 2 % | 4 % | 2 % |
6 | 2 % | 2 % | 4 % | 3 % | 2 % | 1 % | 4 % | 1 % |
7 | 2 % | 2 % | 3 % | 3 % | 2 % | 2 % | 3 % | 1 % |
8 | 1 % | 2 % | 2 % | 3 % | 1 % | 1 % | 2 % | 1 % |
9 | 2 % | 1 % | 3 % | 3 % | 1 % | 1 % | 2 % | 1 % |
10 | 1 % | 1 % | 3 % | 3 % | 1 % | 0 % | 2 % | 1 % |
11 | 1 % | 1 % | 2 % | 1 % | 0 % | 1 % | 1 % | 1 % |
12 | 4 % | 5 % | 10 % | 5 % | 2 % | 2 % | 4 % | 3 % |
97 Lecture : 84 % de l’échantillon des ex-apprentis ayant quitté l’école en fin de supérieur en Allemagne n’a connu aucun mois de chômage l’année suivant sa sortie d’études
98 Source : German Socio-Economic Panel et enquêtes Génération du Céreq, calculs de l'auteur.
101 Annexe 3 – Effet de l’apprentissage sur le type de contrat (temps plein versus partiel) selon le genre et sans prise en compte du biais de sélection
102 Tableau 10 – Effet marginal de l’apprentissage sur le ratio du temps de travail passé à temps plein versus temps partiel l'année suivant la sortie d'études selon le genre
Sortie du Secondaire | ||||
Allemagne | France | |||
Hommes | Femmes | Hommes | Femmes | |
MCO | MCO | MCO | MCO | |
(1) | (2) | (3) | (4) | |
Apprentissage | ns | 0,15 | 0,04 | 0,11 |
(0,04) | (0,01) | (0,02) | ||
Contrôles individuels | Oui | Oui | Oui | Oui |
Effet fixe de cohorte | Oui | Oui | Oui | Oui |
Effet fixe régional | Oui | Oui | Oui | Oui |
Observations | 409 | 492 | 10 335 | 5 030 |
103 Lecture : A la sortie du secondaire français, avoir obtenu un diplôme d’apprentissage est associé en moyenne à une hausse du ratio du temps de travail passé à temps plein versus à temps partiel de 0.04 unités, ans les douze mois suivants pour les hommes et de 0.11 unités pour les femmes.
104 Note : Valeurs significatives à 5 %., ns non-significatif.
105 Sigle : MCO, moindres carrées ordinaires.
106 Source : German Socio-Economic Panel et enquêtes Génération du Céreq, calculs de l'auteur.
107 Annexe 4 – Effet moyen du ratio d’apprentissage sur la satisfaction du premier vœu d’orientation en fin de 3 e et sur la non-satisfaction pour cause de préférence pour une autre spécialité ou pour un apprentissage
108 Tableau 11 – Effet marginal du ratio d'apprentissage sur la satisfaction du premier vœu d'orientation en fin de 3e
Sortie du Secondaire | ||
France | ||
Probit | ||
(1) | ||
Ratio d'apprentissage | 0,16 | |
(0,05) | ||
Contrôles individuels | Oui | |
Effet fixe 'Super-région' | Oui | |
Observations | 4 443 |
109 Lecture : Dans le secondaire français, une hausse de 1 p.p. ratio d’apprentissage est associée à une augmentation de 0,16 % de la satisfaction du premier vœu d’orientation en fin de 3e.
110 Note : Les écarts types entre parenthèses sont obtenus en grappes par région, Valeurs significatives à 5 %.
111 Source : Enquête Génération 200 4du Céreq, calculs de l'auteur.
112 Tableau 12 – Effet marginal du ratio d'apprentissage sur la non-satisfaction du premier vœu d'orientation en fin de 3e en raison d'une préférence pour une autre spécialité ou pour un apprentissage
Sortie du Secondaire | ||
France | ||
Probit | ||
(1) | ||
Ratio d'apprentissage | -0,17 | |
(0,03) | ||
Contrôles individuels | Oui | |
Effet fixe 'Super-région' | Oui | |
Observations | 4 443 |
113 Lecture : Dans le secondaire français, une hausse de 1 p.p. du ratio d’apprentissage est associée à une baisse de 0,17 % sur la non-satisfaction du premier vœu d’orientation en fin de 3e pour cause de préférence pour une autre spécialité ou pour un apprentissage.
114 Note : Les écarts types entre parenthèses sont obtenus en grappes par région. Valeurs significatives à 5 %.
115 Source : Enquête Génération 2004 du Céreq, calculs de l'auteur.
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Notes
-
[1]
On s’attend à ce que la population des apprentis et des non-apprentis diffère suivant des caractéristiques inobservables dans les bases de données. Il s’agit d’en tenir compte afin de ne pas attribuer à l’apprentissage un effet provenant en réalité de ces différences « intrinsèques » (biais de sélection). On suit donc une méthode par variables instrumentales consistant à estimer le lien de cause à effet entre l’apprentissage et l’insertion, en restreignant l’analyse à des sous-populations estimées comparables.
-
[2]
Il s’agit des résultats obtenus à partir de la méthode par variables instrumentales et identifiés sur des sous-populations particulières. Les écarts « moyens » précédemment mentionnés ne tiennent pas compte des différences « intrinsèques » entre apprentis et non-apprentis. Voir note 1.
-
[3]
Une hypothèse sous-jacente est que la probabilité que la dernière transition observée soit la dernière en réalité est indépendante du passage ou non par l’apprentissage.
-
[4]
Défini sur la base des seules entrées en apprentissage, le groupe des ex-apprentis inclurait ainsi des jeunes peu assidus ayant quitté la filière après quelques semaines aux côtés des diplômés. L’interprétation de l’impact de l’apprentissage serait alors délicate. La catégorisation basée sur les diplômes obtenus délimite ainsi probablement plus nettement groupe de traitement et groupe de contrôle. De plus, elle constitue une référence de comparaison internationale.
-
[5]
Le groupe de traitement inclut les jeunes qui ont suivi le programme à évaluer (ici l’apprentissage), le groupe de contrôle rassemblant les autres.
-
[6]
Winkelmann (1996) utilise la même méthode et précise que la déclaration d’un salaire mensuel une unique fois dans l’année plutôt que chaque mois n’affecte que marginalement ses résultats.
-
[7]
Les analyses d’impact de l’apprentissage sur le salaire et sur la probabilité d’être plus souvent à temps plein qu’à temps partiel ne peuvent effectivement être réalisées que sur les individus travaillant au moins un mois l’année suivant la sortie d’études. Selon la méthode d’Heckman (1979), on insère donc, dans l’équation d’intérêt, l’inverse d’un ratio de Mills calculé sur une équation de sélection annexe par probit intégrant le taux de chômage régional et annuel dans les variables explicatives. Ces résultats sont disponibles auprès de l’auteur. Précisons qu’il ne s’agit donc pas ici de prendre en compte le biais de sélection dans les filières d’apprentissage (voir 2.2).
-
[8]
Une estimation par MCO fournit cependant des résultats très proches pour les quatre sous-échantillons.
-
[9]
Les élèves quittent l’Hauptschule (resp. Realschule, Gymnasium) à 15-16 ans (resp. 16-17, 16-18).
-
[10]
À l’exception de l’analyse du salaire à la sortie du secondaire en 2001, les estimations françaises sans prise en compte du biais de sélection sont stables si l’on restreint l’échantillon successivement à chacune des enquêtes. Les résultats par variables instrumentales le sont moins du fait du calcul d’écarts-types en grappes au niveau régional et de la présence d’indicatrices de « supers-régions ». À l’exception du salaire de sortie du secondaire en 2001, la restriction de l’échantillon à une unique enquête n’offre cependant jamais de résultats significatifs et de sens contraire à ceux présentés ici.
-
[11]
En Allemagne, on ne connaît la valeur de l’instrument qu’à partir de 1992. Or, parmi les sortants du supérieur entre 1998 et 2013, certains ont terminé leur premier cycle du secondaire avant 1993. Ils sont inclus dans l’analyse sans prise en compte du biais de sélection du sous-échantillon du supérieur allemand dans la colonne 3 (resp. 5) du tableau 3a (resp. 5 et 6) et ne le sont pas dans la colonne 4 (resp. 6).
-
[12]
Chiffre disponible uniquement à la sortie du secondaire pour l’Allemagne, car l’apprentissage a lieu à ce niveau.
-
[13]
Ce résultat est une borne inférieure de la préférence réelle sur le marché externe, puisque les apprentis conservés par leur entreprise de formation sont probablement en moyenne plus employables sur le marché externe.
-
[14]
Le tableau 2 présente l’équation MCO de première étape utilisée pour les régressions avec prise en compte du biais. Une estimation de cette équation avec un modèle probit donne des résultats similaires.
-
[15]
Conformément à la littérature, on les définit en opposition aux « always takers » (ou « toujours preneurs ») et « never takers » (ou « jamais preneurs ») que sont les individus choisissant leur filière indépendamment du taux d’apprentissage de la région (valeur de l’instrument).
-
[16]
Le mécanisme sous-jacent inclut un turnover classique, tout d’abord, l’ouverture de nouvelles filières d’apprentissage, ensuite, mais également un comportement mimétique des entreprises jusque-là non formatrices. On suppose ici que le surplus d’investissement régional n’engendre pas d’externalités négatives sur les offres préexistantes.
-
[17]
17 % des élèves du sous-échantillon du secondaire déclarent avoir suivi une orientation contrariée en sortie de 3e. L’échec dans l’accès à l’apprentissage et l’orientation vers un diplôme de spécialité autre que celle demandée représentent plus de 60 % des orientations contrariées. À noter que seule l’enquête de 2004 présente ces informations.
-
[18]
Avec l’hypothèse que la propension de ces jeunes à s’orienter vers l’apprentissage ne diminue pas lorsque le ratio d’apprentissage augmente.
-
[19]
Le niveau V correspond aux sorties d’études après l’année terminale de CAP ou BEP ou sorties de 2nd cycle général et technologique en seconde ou première. Les niveaux II et I regroupent les sorties d’études avec un diplôme de niveau supérieur à bac + 2.
-
[20]
Pour l’action menée par les länder en ce sens, voir par exemple Schlögl (2010, pp. 23-24).
-
[21]
Rappelons que les jeunes des deux sous-échantillons allemands étaient en concurrence au moment de postuler au système dual.
-
[22]
La population sur laquelle portent les résultats de seconde étape ayant été précisée, on peut désormais décrire ces derniers. De manière habituelle, on les analyse au regard des effets de traitement moyens discutés dans la partie 3.1. (ces derniers sont les effets sans prise en compte du biais de sélection et valables, en moyenne, sur l’ensemble de la population de chaque sous-échantillon à valeur des variables de contrôle donnée).
-
[23]
Les estimations de l’impact de l’apprentissage sur le chômage en sortie d’études sont robustes aux (i.e. ne dépendent pas des) deux spécifications utilisées. Cela est vrai pour les quatre sous-échantillons.