Notes
-
[1]
En l’absence de définition communément admise de la mixité, nous avons utilisé le seuil de 30 % du sexe sous-représenté comme critère de sélection.
-
[2]
En architecture, 28 ans versus 26 ans ; en travail social, 35 versus 33 ans.
-
[3]
à titre de comparaison, le niveau de formation des personnes ayant potentiellement l’âge de leurs parents, en 2008, en Suisse, est le suivant : 40 % des hommes et 22 % des femmes de la classe d’âge 45-54 ans possèdent une formation supérieure ; ces personnes sont respectivement 36 % et 17 % dans la classe d’âge 55-64 ans (OFS, Enquête suisse sur la population active, publication au 31.03.2016).
-
[4]
Dans le domaine du travail social, le pourcentage de personnes mariées est le plus élevé (31 % versus moins de 17 % dans les trois autres domaines).
-
[5]
Mentionnons qu’en 2016, en Suisse, 58,8 % des femmes actives professionnellement travaillent à temps partiel, contre 17,1 % des hommes. Le temps partiel comme modalité d’emploi contribue non seulement à ralentir les carrières féminines, mais aussi plus généralement à creuser les inégalités entre les sexes (Dubach & al., op. cit. ; PNR60, 2014).
1 En Suisse, comme ailleurs, les représentations sociales liées à la division sexuelle du travail (Kergoat, 2012) et aux valeurs attachées aux différentes professions n’ont guère évolué. Ainsi, certaines professions et certains secteurs d’activités demeurent peu ou pas mixtes et les choix de profession sont toujours marqués par l’appartenance sexuée des individus (Guilley & al., 2014 ; Lamamra, 2017 ; Rey & Battistini, 2016). Outre cette ségrégation horizontale, d’importantes inégalités persistent sur le marché du travail. En effet, les femmes ont des salaires plus bas que leurs collègues masculins, sont plus souvent à temps partiel et occupent moins souvent des postes à responsabilités (Charles, 2005 ; OFS, 2013 ; PNR60, 2014 ; Walter & al., 2016). Les enquêtes réalisées sur les personnes diplômées des hautes écoles suisses confirment ces inégalités et relèvent également que les femmes, quel que soit leur domaine d’études, occupent moins fréquemment une activité correspondant à leur niveau de formation (Dubach & al., 2017 ; Rüber & Weiss, 2013 ; von Erlach & Segura, 2011).
2 Dans un tel contexte, quid des personnes qui choisissent une profession au sein de laquelle leur sexe est sous-représenté ? Diplômé·e·s d’une haute école spécialisée (HES, voir encadré 1), ces personnes voient-elles leur parcours marqué par leur appartenance sexuée et/ou par les normes de leur domaine d’activité ?
3 Nous présentons ici certains résultats issus d’un projet de recherche en cours portant sur l’insertion professionnelle des personnes diplômées des HES. Généralement définie comme une période de transition entre école et marché du travail (Demazière & Pélage, 2001), l’insertion professionnelle représente un terrain d’enquête fertile pour analyser les inégalités sexuées en termes d’accès à l’emploi (facilité ou difficulté et durée d’insertion), de conditions d’emploi et de travail (type de contrat, niveau de rémunération, type d’activité, etc.) ou de carrières (avancement, promotion). Notre étude porte sur les quatre domaines des HES les moins mixtes [1], c’est-à-dire ceux où les deux groupes de sexe coexistent « dans des espaces sociaux tantôt à suprématie numérique féminine, tantôt masculine » (Fortino, 1999, p. 369), soit deux domaines féminisés, le travail social et la santé, et deux domaines masculinisés, l’architecture et l’ingénierie.
Contexte
En Suisse, l’enseignement supérieur est qualifié de « degré tertiaire » et il correspond, selon la Classification Internationale Type de l’Éducation (CITE 2011) de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), aux niveaux 6 (Bachelor ou équivalent), 7 (Master ou équivalent) et 8 (Doctorat ou équivalent) (*). Il est constitué, d’une part, de la formation professionnelle supérieure (écoles supérieures, examens fédéraux) et d’autre part, des hautes écoles (universités, écoles polytechniques fédérales, hautes écoles spécialisées et hautes écoles pédagogiques).
Les hautes écoles spécialisées (HES), au cœur de cet article, ont été créées à la fin des années 1990. Selon le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (**), l’objectif était de « redynamiser l’économie et d’augmenter la réussite du système de formation professionnelle suisse en l’intégrant à la formation supérieure du degré tertiaire ». Les hautes écoles dispensent des formations axées sur la pratique dans divers domaines (santé, ingénierie, économie, etc.). L’orientation pratique est concrétisée par des périodes de stages (préalables à la formation ou durant celle-ci) offrant aux étudiant·e·s une proximité avec le monde des entreprises et de l’industrie, ainsi que par la possibilité de suivre sa formation en emploi (autrement dit en gardant une activité professionnelle en lien avec le domaine d’études).
Projet de recherche
La présente étude s’inscrit dans le projet de recherche « Regards croisés sur l’insertion professionnelle des diplômé·e·s HES minoritaires selon le sexe dans les domaines de la santé, du travail social, de l’ingénierie et de l’architecture » (direction : Séverine Rey & Morgane Kuehni, réalisée avec Rachel Fasel & Ophélie Guélat ; financement : Fonds national suisse de la recherche scientifique, 10001A_159293). Il se focalise sur les diplômé·e·s de niveau bachelor (licence dans le contexte français).
Le projet poursuit trois objectifs : (1) documenter la situation professionnelle et privée des diplômé·e·s HES à l’aide d’une analyse secondaire de données statistiques (l’objet de cet article) ; (2) examiner les politiques et pratiques en vigueur dans les entreprises et institutions de Suisse romande en matière d’accueil des minoritaires ; (3) analyser les parcours d’insertion des minoritaires tant du point de vue objectif (durée d’insertion, poste occupé, conditions de travail, etc.) que du point de vue subjectif. Pour les deux derniers objectifs, nous mobilisons des entretiens semi-directifs.
(*) : la Suisse a signé la Déclaration de Bologne en 1999.
(**) : https://www.sbfi.admin.ch/sbfi/fr/home/hs/hautes-ecoles/kantonale-hochschulen/fh-ph.html, page consultée le 22/12/2017.
4 Nous proposons ici d’identifier les différences significatives entre les domaines féminisés et masculinisés en termes de conditions de travail et de normes d’activité (niveau de revenu, taux d’occupation, possibilité de carrière et type d’entreprises dans lesquelles s’insèrent les diplômé·e·s ). La sexuation des domaines ne relève pas uniquement d’un aspect numérique (la suprématie d’un sexe sur l’autre), mais se comprend également en regard des normes genrées qui les structurent et orientent les comportements d’activité des hommes et des femmes en leur sein (Boussard, 2016 ; Guichard-Claudic & al., 2008 ; Lemarchant, 2017). Nous mobilisons un angle novateur en intégrant également des données relatives à la situation familiale des jeunes diplômé·e·s dans les quatre domaines d’activité (statut civil et parentalité notamment). Il s’agira ensuite d’analyser dans quelle mesure les personnes du sexe sous-représenté (les « minoritaires ») adhèrent aux normes propres à leur domaine d’activité ou les transgressent. Dit autrement, notre étude vise à confronter la sexuation des domaines avec l’appartenance sexuée des minoritaires : peut-on repérer des différences significatives entre majoritaires et minoritaires et, le cas échéant, dans quels domaines et sur quels aspects ? En quoi ces effets sont-ils révélateurs de logiques genrées (différenciation et hiérarchisation) qui imprègnent le monde du travail ?
5 Cet article repose sur une analyse secondaire des données statistiques de l’Enquête auprès des personnes diplômé·e·s des hautes écoles, réalisée par l’Office fédéral de la statistique (OFS, cf. encadré 2). Après avoir brièvement commenté le profil sociodémographique et la situation privée des jeunes diplômé·e·s des deux sexes (minoritaires et majoritaires) dans les quatre domaines concernés par notre enquête (partie 1), nous dresserons un bilan de leurs réalités professionnelles (partie 2). Notre analyse met en exergue d’importantes différences entre les domaines masculinisés et féminisés. Elle confirme par ailleurs le constat établi par plusieurs enquêtes : des orientations professionnelles dites « atypiques » n’ont pas les mêmes conséquences pour les hommes minoritaires que pour leurs homologues femmes (Couppié & Epiphane, 2015, 2016 ; Flamigni & Pfister Giauque, 2014). Dans la troisième partie, nous questionnons la satisfaction au travail des jeunes diplômé.e.s en mobilisant une perspective longitudinale. Notre analyse permet de nourrir le débat théorique traitant de l’impact du genre sur la satisfaction au travail et met au jour un apparent paradoxe. En effet, alors que leurs conditions d’emploi et de travail s’améliorent quelques années après leur insertion sur le marché du travail, la satisfaction professionnelle de ces jeunes diplômé.e.s diminue. Nous concluons en reprenant les principaux enseignements de notre analyse en regard de la problématique des inégalités sexuées dans ces quatre domaines d’activité.
Cette enquête est réalisée sous mandat du gouvernement suisse, par l’Office fédéral de la statistique (OFS), en collaboration avec le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation. Il s’agit d’une enquête exhaustive par panel, lancée tous les deux ans auprès des personnes ayant obtenu un titre (bachelor, diplôme, licence, master et doctorat) dans une haute école (universitaire, spécialisée ou pédagogique). Les diplômé·e·s de chaque année paire sont interrogé·e·s un an après l’obtention de leur titre. Les individus y ayant répondu (première vague, V1) sont invités à participer à une seconde enquête quatre ans plus tard (deuxième vague, V2). Les thématiques portent sur leur formation, leur transition sur le marché du travail, ainsi que sur leur situation professionnelle et privée.
Nous avons travaillé sur la cohorte des diplômé·e·s 2008, interrogé·e·s en 2009 (V1) et en 2013 (V2), et avons sélectionné les personnes ayant obtenu un bachelor dans une HES dans les quatre domaines qui nous intéressent. Le taux de réponse de la population retenue est de 51 % en V1 et de 34 % en V2 (i.e. 67 % des répondant·e·s de la V1 ; attrition de 33 % entre les deux vagues).
Le nombre de répondant·e·s effectif par domaine, à chaque vague respective, se distribue comme suit : architecture (y compris construction et planification), 314, 187 ; ingénierie (technique et technologies de l’information), 1035, 664 ; travail social, 525, 370 ; santé, 263, 169. Lors des analyses, une pondération a été appliquée selon les directives de l’OFS. Calculée par l’OFS à partir de données chiffrées connues de l’univers de base (nombre de titres par sexe, domaine, haute école, etc.), elle permet d’estimer les résultats pour l’ensemble de la population étudiée. Toutes les analyses présentées ont été répétées avec et sans pondération et cette opération ne modifie jamais le sens ou la significativité des résultats.
1 Mise en couple et parentalité plus précoces dans les domaines féminisés
6 Pour la cohorte 2008, le domaine dans lequel les femmes diplômées sont les plus minoritaires est celui de l’ingénierie (5 %), alors qu’en architecture, ce taux se situe à 22 % (voir tableau 1a). Dans les domaines féminisés, les hommes représentent 25 % des jeunes diplômé·e·s en travail social et 17 % en santé. Un an après l’obtention de leur titre (V1), la moyenne d’âge est de 29 ans et varie selon les domaines : en travail social, la moyenne est supérieure de six ans à celle des trois autres domaines (33 ans versus 27 ans), car il s’agit parfois d’une deuxième formation. En architecture et en travail social, les hommes sont plus âgés que les femmes [2], mais il n’existe pas de différence de sexe au sein des deux autres domaines.
7 Le niveau de formation des parents est relativement élevé pour cette génération, puisque 47 % des pères et 29 % des mères possèdent une formation supérieure [3]. Le niveau est plus élevé pour les diplômé·e·s des domaines ingénierie, architecture et santé. Ainsi, la moitié des pères ont une formation de niveau supérieur, pour 38 % d’entre eux en travail social. De même, les mères des titulaires de bachelors santé sont plus nombreuses à posséder une formation supérieure que celles des diplômé·e·s en travail social (38 % versus 26 %), les autres domaines se situant entre deux. A l’intérieur de chaque domaine, le niveau de formation des pères et des mères ne varie pas en fonction du sexe des diplômé·e·s.
8 Le tableau 1b présente l’évolution de la situation privée des jeunes diplômé·e·s un an et cinq ans après l’obtention de leur titre. Au sortir de leurs études, ils et elles sont le plus souvent célibataires [4], mais les diplômé·e·s des domaines féminisés vivent plus souvent avec un·e partenaire que les diplômé·e·s des deux autres domaines. Quatre ans plus tard (V2), le pourcentage des marié·e·s a augmenté dans chaque domaine et les deux domaines féminisés se différencient nettement des deux domaines masculinisés : 46 % de marié·e·s en travail social et 45 % en santé versus 28 % en ingénierie et 32 % en architecture. L’augmentation est la plus forte en santé. Le pourcentage de diplômé·e·s ayant des enfants est généralement inférieur à celui des personnes mariées, mais le modèle de ces deux caractéristiques est similaire entre les domaines et au cours du temps. En vague 1, 27 % des diplômé·e·s dans le social sont parents versus moins de 9 % dans les autres domaines. En vague 2, les parents sont toujours les plus nombreux en travail social (49 %), suivi du domaine de la santé (36 %). Dans les deux domaines masculinisés, avoir un ou des enfants est moins fréquent (architecture, 25 % ; ingénierie, 20 %). à l’intérieur des domaines, il n’y a pas de différences entre les sexes, sauf en travail social où les hommes sont plus souvent mariés et ont plus souvent des enfants que les femmes. En contrôlant l’âge, les différences concernant le mariage et les enfants disparaissent entre hommes et femmes en travail social et s’estompent entre les domaines en vague 1. En revanche, en vague 2, les diplômé·e·s en santé sont plus souvent marié·e·s que tous les autres et le clivage entre secteurs féminisé et masculinisé se maintient avec plus de chance d’être parents pour les diplômé·e·s des secteurs féminisés.
9 Les travaux pionniers de Berenice Neugarten, dans les années 1960, avaient mis en exergue que les étapes du parcours de vie − comme la mise en couple, le mariage ou l’arrivée du premier enfant − étaient associées à des normes d’âge (Neugarten & al., 1965). Si ces normes se sont assouplies au fil des années, des attentes sociales normatives liées à l’âge et au sexe des individus demeurent (Fasel & Spini, 2011 ; Sapin & al., 2014 ; Settersten & Hagestad, 1996). Notre analyse révèle que l’accès à la parentalité relève de normes d’âge, mais pas seulement, puisque des différences entre domaines persistent à chaque vague. Dans les domaines féminisés, les diplômé·e·s vivent plus souvent avec un·e partenaire que celles et ceux des domaines masculinisés en vague 1 et, en vague 2, ces diplômé·e·s sont plus souvent marié·e·s (santé) et déjà parents.
10 En Europe, l’arrivée du premier enfant pour les femmes se situe le plus souvent après la fin des études et une première insertion sur le marché du travail (Galland, 2000 ; Gustafsson, 2001). Plusieurs études démontrent qu’à niveau de formation égal, le temps entre la fin des études et la primo-maternité varie en fonction du domaine professionnel. Sur des données norvégiennes, Lappegard & Ronsen (2005) ont mis en évidence le même modèle que celui que nous avons observé, à savoir que, dans les domaines comme l’ingénierie, le premier enfant arrive moins rapidement que dans les domaines féminisés. Les auteures apportent deux explications à cela : la structure de l’emploi dans les domaines concernés et une auto-sélection de certaines femmes − celles dont l’importance attribuée à la famille est la plus élevée − vers des domaines dans lesquels la conciliation travail-famille paraît plus aisée. Dans la même veine, les analyses des données européennes, présentées par Van Bavel (2010), indiquent que les femmes de niveau universitaire travaillant dans des domaines fortement féminisés deviennent mères plus rapidement que les autres après l’obtention de leur titre.
11 Alors que les études précitées concernent uniquement les femmes primipares, notre analyse concerne les deux sexes, et le clivage se situe entre les domaines féminisés et masculinisés. La question de savoir s’il s’agit d’un effet d’adaptation aux normes genrées de leur réalité professionnelle ou d’un effet antérieur d’auto-sélection des individus reste en suspens. Dans les deux cas toutefois, c’est l’horloge sociale et non l’horloge biologique qui sonne, avec une transition plus rapide vers la mise en couple et la parentalité après la fin de la formation dans les domaines féminisés.
Tableau 1a. Caractéristiques sociodémographiques de la cohorte des diplômé·e·s HES 2008 par domaine (interrogé·e·s en 2009, vague 1)
Caractéristiques | Domaine d’études | |||
Architecture | Ingénierie | Travail social | Santé | |
Pourcentage de minoritaires | 22 % | 5 % | 25 % | 17 % |
Age (en années) | 27 (28 ; 26) | 27 | 33 (35 ; 33) | 27 |
Père avec formation supérieure | 51 % | 49 % | 38 % | 51 % |
Mère avec formation supérieure | 31 % | 28 % | 26 % | 38 % |
Effectif
(hommes ; femmes) | 314
(242 ; 72) | 1035
(983 ; 52) | 525
(132 ; 393) | 263
(44 ; 219) |
Tableau 1a. Caractéristiques sociodémographiques de la cohorte des diplômé·e·s HES 2008 par domaine (interrogé·e·s en 2009, vague 1)
Note : les chiffres en gras indiquent une différence entre hommes et femmes statistiquement significative au seuil de .05. Dans ces cas, les valeurs respectives des hommes et des femmes sont indiquées entre parenthèses. Les effectifs correspondent au nombre brut d’individus ayant répondu aux questions. Les pourcentages et les moyennes sont pondérés (cf. encadré 2).Lecture : l’âge moyen des diplômé·e·s en architecture est de 27 ans en 2009 ; dans ce domaine, les hommes sont en moyenne plus âgés que les femmes (28 ans versus 26 ans).
Tableau 1b. Évolution des caractéristiques sociodémographiques de la cohorte des diplômé·e·s HES 2008 par domaine entre 2009 (V1 = vague 1) et 2013 (V2 = vague 2)
Caractéristiques | Domaine d’études | ||||
Architecture | Ingénierie | Travail social | Santé | ||
Vit avec un.e partenaire | |||||
V1 | |||||
V2 | 63 % | 58 % | 70 % | 70 % | |
Marié·e | |||||
V1 | 16 % | 12 % | 31 % | 17 % | |
V2 | 32 % | 28 % | 46 % (64 % ; 40 %) | 45 % | |
Enfant(s) | |||||
V1 | 7 % | 7 % | 27 % (37 % ; 24 %) | 9 % | |
V2 | 25 % | 20 % | 49 % (57 % ; 45 %) | 36 % | |
Effectif
(hommes ; femmes) | 187
(134 ; 53) | 664
(635 ; 29) | 370
(100 ; 270) | 169
(29 ; 140) |
Tableau 1b. Évolution des caractéristiques sociodémographiques de la cohorte des diplômé·e·s HES 2008 par domaine entre 2009 (V1 = vague 1) et 2013 (V2 = vague 2)
Note : les chiffres en gras indiquent une différence entre hommes et femmes statistiquement significative au seuil de .05. Dans ces cas, les valeurs respectives des hommes et des femmes sont indiquées entre parenthèses. Les effectifs correspondent au nombre brut d’individus ayant répondu aux questions. Les pourcentages sont pondérés (cf. encadré 2)Lecture : le pourcentage des diplômé·e·s HES ayant un enfant en vague 1 est de 7 % en architecture et en ingénierie, 27 % en travail social et 9 % en santé. Ces pourcentages ne varient pas entre les hommes et les femmes au sein des domaines, sauf en travail social, où 37 % des hommes sont pères versus 24 % des femmes sont mères.
2 Une insertion rapide et durable qui varie selon le sexe et les domaines d’activité
12 Pour présenter la situation professionnelle des hommes et des femmes dans les domaines investigués, nous avons sélectionné des informations réparties en trois sous-parties : premièrement, l’insertion des diplômé·e·s sur le marché du travail ; deuxièmement, le profil des entreprises que ces personnes rejoignent ; et, enfin, leurs conditions de travail.
2.1 Insertion dans les domaines féminisés : les hommes cumulent les avantages
13 Dans les domaines investigués, l’insertion sur le marché du travail est rapide et durable : un an après l’obtention de leur titre, 83 % des diplômé·e·s sont insérés sur le marché du travail, dont 90 % sous contrat à durée indéterminée. Après cinq ans, ce taux d’insertion atteint 96 % avec une augmentation à 96 % des contrats à durée indéterminée. La part de personnes non actives est de 14 % à la vague 1 (essentiellement des personnes ayant entrepris un master) et de 3 % à la vague 2. Les personnes à la recherche d’un emploi représentent 2 % (V1) et 1 % (V2) des titulaires de bachelor.
14 Une part importante des diplômé·e·s n’ont pas eu à chercher un emploi à la fin de leur formation : 14 % ont poursuivi l’activité professionnelle exercée avant la fin de leur bachelor, 25 % se sont vu proposer un emploi. Ce type de transition facilitée varie selon les domaines, de même qu’elle est fortement différenciée selon le sexe des diplômé·e·s (voir tableau 2). L’accès à l’emploi est favorisé en travail social avec 23 % des personnes qui poursuivent une activité professionnelle exercée avant la fin de leurs études, les hommes étant légèrement plus favorisés que les femmes (29 % versus 21 %). En santé, la transition à l’emploi est aussi facile : 37 % des étudiant·e·s se voient proposer des emplois quel que soit leur sexe. En architecture, les hommes sont clairement plus sollicités que les femmes (30 % versus 17 %). En ingénierie, aucune différence entre hommes et femmes sur ces caractéristiques n’apparaît.
15 Sur la moitié des diplômé·e·s en recherche d’emploi après l’obtention de leur titre, un quart déclare avoir éprouvé des difficultés à trouver un emploi correspondant à leurs aspirations. Cela concerne moins le domaine santé (12 %) que les autres domaines. Des différences entre les sexes apparaissent en travail social (16 % versus 37 %) et en santé (0 % versus 14 %), et rares sont les hommes qui mentionnent des difficultés.
16 Nous relevons ainsi un cumul d’avantages pour les hommes minoritaires, lors de la transition formation-marché du travail. Ainsi, non seulement ils se trouvent dans des domaines pour lesquels l’entrée sur le marché du travail est aisée, mais ils rencontrent aussi moins de difficultés à s’insérer que leurs homologues féminines.
Tableau 2. Insertion sur le marché de l’emploi par domaine d’études (vague 1)
Modalités d’insertion | Domaine d’études | |||
Architecture | Ingénierie | Travail social | Santé | |
Poursuite de l’activité professionnelle exercée avant la fin de la formation | 12 % | 12 % |
23 %
(29 % ; 21 %) | 7 % |
Emploi proposé |
27 %
(30 % ; 17 %) | 23 % | 19 % | 37 % |
Effectif
(hommes ; femmes) | 264
(208 ; 56) | 882
(837 ; 45) | 497
(125 ; 372) | 249
(40 ; 209) |
Difficultés à trouver un travail correspondant à ses aspirations | 25 % | 26 % |
32 %
(16 % ; 37 %) |
12 %
(0 % ; 14 %) |
Effectif
(hommes ; femmes) | 149
(115 ; 34) | 549
(523 ; 26) | 290
(65 ; 225) | 130
(18 ; 112) |
Tableau 2. Insertion sur le marché de l’emploi par domaine d’études (vague 1)
Note : les chiffres en gras indiquent une différence entre hommes et femmes statistiquement significative au seuil de .05 (en gras et italique au seuil de .06). Dans ces cas, les valeurs respectives des hommes et des femmes sont indiquées entre parenthèses. Les effectifs correspondent au nombre brut d’individus ayant répondu à ces questions. Les pourcentages sont pondérés (cf. encadré 2).Lecture : le pourcentage des diplômé·e·s HES auquel·le·s un emploi a été proposé au sortir de leurs études est de 27 % en architecture, 23 % en ingénierie, 19 % en travail social et 37 % en santé. Ces pourcentages ne varient pas entre les hommes et les femmes au sein des domaines, sauf en architecture, où c’est le cas pour 30 % des hommes versus 17 % des femmes.
2.2 Les femmes intègrent davantage les secteurs non-lucratifs
17 La taille des entreprises que les diplômé·e·s intègrent varie en fonction des domaines (voir tableau 3). En architecture et en travail social, elles et ils s’insèrent plus souvent dans des entreprises de moins de 50 personnes, en santé, majoritairement dans des structures de 1 000 personnes et plus (il s’agit principalement d’hôpitaux universitaires offrant de larges possibilités de formations continues). Les ingénieur·e·s se répartissent dans des entreprises de toutes tailles et exercent pour moitié leur profession dans des entreprises internationales. Le profil des entreprises varie également selon les domaines. Dans les domaines masculinisés, les diplômé·e·s trouvent un poste dans le secteur privé à but lucratif (81 % des architectes et 77 % des ingénieur·e·s), alors que les diplômé·e·s des domaines féminisés travaillent davantage dans des secteurs à but non-lucratif (associations ou secteur public). Ce modèle général ne varie pas entre les vagues 1 et 2. Il n’existe pas de différences entre les sexes au sein des domaines, sauf en architecture, où les femmes s’insèrent davantage dans le secteur public (27 % versus 11 %) que privé à but lucratif (66 % versus 86 %). Une différence similaire apparaît en vague 2, en ingénierie, avec les femmes se dirigeant moins souvent que les hommes vers le secteur privé à but lucratif (68 % versus 80 %), au profit du domaine privé à but non-lucratif (18 % versus 2 %). Le caractère (non-)lucratif des entreprises joue donc comme un nœud de la division entre les sexes à l’intérieur des domaines masculinisés, les femmes rejoignant davantage les secteurs non-lucratifs. Plusieurs travaux soulignent que les femmes ont de « bonnes raisons » d’intégrer le secteur public et associatif parce qu’elles y trouvent de meilleures conditions de rémunération et des politiques avantageuses en termes de conciliation vie professionnelle/vie familiale (Narcy & al., 2009), ou encore parce que « moins déclassées objectivement dans la fonction publique que dans le secteur privé, les femmes s’y estiment aussi moins déclassées » (Di Paola & Moullet, 2009, p. 53).
Tableau 3. Profil des entreprises dans lesquelles les diplômé·e·s s’insèrent en vague 1
Type d’entreprise | Domaine d’études | ||||
Architecture | Ingénierie | Travail social | Santé | ||
Secteur | |||||
Public |
15 %
(11 % ; 27 %) |
21 %
(21 % ; 17 %) | 61 % | 84 % | |
Privé à but non lucratif |
4 %
(3 % ; 7 %) |
2 %
(2 % ; 9 %) | 33 % | 5 % | |
Privé à but lucratif |
81 %
(86 % ; 66 %) |
77 %
(77 % ; 74 %) | 7 % | 11 % | |
Périmètre | |||||
Entreprise internationale | 16 % | 54 % | 1 % | 4 % | |
Taille | |||||
1 à 49 personnes |
71 %
(65 % ; 86 %) | 28 % | 55 % | 11 % | |
50 à 249 personnes |
15 %
(19 % ; 2 %) | 26 % | 28 % | 11 % | |
250 à 999 personnes |
9 %
(9 % ; 11 %) | 22 % | 12 % | 20 % | |
1000 personnes ou plus |
5 %
(7 % ; 0 %) | 24 % | 5 % | 57 % | |
Effectif
(hommes ; femmes) | 150
(111 ; 39) | 523
(499 ; 24) | 332
(91 ; 241) | 148
(22 ; 126) |
Tableau 3. Profil des entreprises dans lesquelles les diplômé·e·s s’insèrent en vague 1
Note : les chiffres en gras indiquent une différence entre hommes et femmes statistiquement significative au seuil de .05 (en gras et italique au seuil de .09). Dans ces cas, les valeurs respectives des hommes et des femmes sont indiquées entre parenthèses. Les effectifs correspondent au nombre brut d’individus ayant répondu à ces questions. Les pourcentages sont pondérés (cf. encadré 2).Lecture : les diplômé·e·s HES en santé s’insèrent pour 84 % dans le secteur public, 5 % dans le privé à but non lucratif et 11 % dans le privé à but lucratif. Ces pourcentages ne varient pas entre les hommes et les femmes pour ce domaine.
2.3 Plein temps et meilleures perspectives professionnelles dans les domaines masculinisés
18 Une large majorité des diplômé·e·s ont un contrat à durée indéterminée (CDI), indépendamment du domaine d’activité. En revanche, le taux d’occupation varie fortement selon les domaines investigués. Le tableau 4 présente en détail les conditions de travail dans ces différents domaines, à travers le temps. Dans les plus masculinisés, la norme est au plein temps. En vague 1, en ingénierie, 96 % des actifs et des actives exercent une activité professionnelle à plein temps ; en architecture, 94 %. En vague 2, ces taux se situent respectivement à 90 % et 83 %. Dans les domaines féminisés, le plein temps est moins répandu. En santé, 79 % ont un contrat à temps plein en vague 1, contre seulement 29 % en travail social. En vague 2, le taux chute à 48 % pour le domaine santé et 26 % en travail social. Dans les deux domaines masculinisés, les femmes travaillent aux mêmes taux que les hommes. Dans les deux domaines féminisés, il existe des différences sexuées. En travail social, les hommes sont plus souvent engagés à plein temps que les femmes (38 % V1, 42 % V2). En santé, la baisse du taux d’occupation entre les vagues est quasiment uniquement imputable aux femmes, puisque 70 % des hommes ont (encore) un contrat à plein temps. Pour les femmes comme pour les hommes, les deux raisons les plus souvent évoquées concernant le temps partiel sont « consacrer du temps à ses intérêts personnels » et « s’occuper des enfants et/ou du ménage ». L’importance du premier motif diminue au cours du temps (cité par 67 % des individus en vague 1 versus 47 % en vague 2), alors que celle du second augmente (31 % versus 43 %).
19 Le nombre d’heures hebdomadaire travaillé est supérieur dans les domaines masculinisés. En vague 1, la durée de travail est en moyenne de 45.3 heures en architecture, 43.7 en ingénierie, 41.4 en santé et 37.9 en travail social. Les hommes travaillent en général plus d’heures que les femmes, sauf chez les ingénieur·e·s où les femmes adoptent les mêmes comportements d’activité que les hommes. La durée de travail diminue entre les deux vagues pour tous les domaines et cette diminution est clairement sexuée puisqu’elle est plus importante pour les femmes.
20 La possibilité d’accéder à une position dirigeante un an ou cinq ans après l’obtention d’un bachelor varie en fonction du domaine. En architecture, elle est plus grande (42 % en vague 1 et 64 % en vague 2), suivie de l’ingénierie (26 % et 45 %) et du travail social (19 % et 30 %). La santé est le domaine dans lequel la proportion de diplômé·e·s exerçant une fonction hiérarchique supérieure est la plus faible (8 % V1, 12 % V2). Dans notre échantillon, le seul domaine où l’accès des femmes aux positions dirigeantes est clairement inégal à celui des hommes est l’architecture et ce, à chaque vague (20 % versus 47 % V1 ; 47 % versus 72 % V2).
21 Les revenus professionnels (convertis en équivalents plein temps) sont plus élevés en ingénierie et en travail social que dans les deux autres domaines. De manière générale, les hommes perçoivent des salaires supérieurs aux femmes et, au sein des domaines, cette différence s’observe en architecture. Les revenus augmentent d’une vague à l’autre, et ce davantage pour les hommes.
Tableau 4. Évolution des conditions de travail des diplômé·e·s HES 2008 par domaine entre 2009 (V1 = vague 1) et 2013 (V2 = vague 2)
Conditions de travail | Domaine d’études | ||||
Architecture | Ingénierie | Travail social | Santé | ||
Plein temps | |||||
V1 | 94 % | 96 % |
29 %
(38 % ; 25 %) | 79 % | |
V2 | 83 % | 90 % |
26 %
(42 % ; 20 %) |
48 %
(70 % ; 44 %) | |
Heures travaillées | |||||
V1 |
45,3
(46,4 ; 42,1) | 43,7 |
37,9
(39,9 ; 37,1) |
41,4
(42,8 ; 41,1) | |
V2 |
42,5
(43,5 ; 39,3) | 42,4 |
34,7
(38,8 ; 33,0) |
38,8
(43,1 ; 37,7) | |
Position dirigeante | |||||
V1 |
42 %
(47 % ; 20 %) | 26 %
| 19 %
| 8 %
| |
V2 |
64 %
(72 % ; 47 %) | 45 %
| 30 %
| 12 %
| |
Revenu (médiane) | |||||
V1 |
72
(73 ; 66) | 80
(80 ; 77) | 80
(81 ; 80) | 69
(70 ; 69) | |
V2 |
85
(87 ; 76) | 92
(92 ; 87) | 90
(96 ; 90) | 81
(85 ; 80) | |
Effectif
(hommes ; femmes) | 157
(117 ; 40) | 555
(528 ; 27) | 331
(91 ; 240) | 154
(26 ; 128) |
Tableau 4. Évolution des conditions de travail des diplômé·e·s HES 2008 par domaine entre 2009 (V1 = vague 1) et 2013 (V2 = vague 2)
Notes : revenu = revenu professionnel annuel brut standardisé en francs suisses (en milliers). Pour les individus travaillant à temps partiel, le revenu a été converti en celui d’un poste à plein temps.Les chiffres en gras indiquent une différence entre hommes et femmes statistiquement significative au seuil de .05. Dans ces cas, les valeurs respectives des hommes et des femmes sont indiquées entre parenthèses. Les effectifs correspondent au nombre brut d’individus ayant répondu à ces questions. Les valeurs sont pondérées (cf. encadré 2).
Lecture : le pourcentage des diplômé·e·s HES employé·e·s à plein temps en vague 1 est de 94 % en architecture, 96 % en ingénierie, 29 % en travail social et 79 % en santé. Ces pourcentages ne varient pas entre les hommes et les femmes au sein des domaines, sauf en travail social, où c’est le cas pour 42 % des hommes versus 20 % des femmes.
2.4 Ajustement des minoritaires aux normes d’activité : quel bilan ?
22 Les domaines masculinisés se différencient des domaines féminisés par un engagement à temps plein dans le monde professionnel, un plus grand nombre d’heures travaillées et de meilleures chances d’accéder à une position hiérarchique supérieure. Dans ces domaines, les femmes fraîchement diplômé·e·s embrassent par ailleurs les normes masculines d’engagement professionnel. Cet engagement est profitable pour les ingénieures qui subissent peu de discriminations, mais c’est l’inverse pour les femmes architectes. Ainsi, leur salaire est nettement inférieur à celui de leurs homologues masculins et leur accès aux postes à responsabilité est limité. Les femmes architectes se confrontent donc très clairement au « plafond de verre » (Fassa & Kradolfer, 2010 ; Laufer, 2004). Les hommes actifs dans les domaines féminisés s’ajustent également aux normes d’activité, mais dans une moindre mesure. Ils exercent moins souvent une activité à temps plein que les hommes des domaines masculinisés, mais leur taux d’occupation est tout de même plus élevé que celui de leurs collègues féminines. Enfin, nos données ne permettent pas de conclure qu’à ce stade de leur parcours professionnel, les hommes minoritaires accèdent plus facilement à des positions dirigeantes que les femmes ou qu’ils bénéficient d’un « escalator de verre » (Williams, 1992).
23 Relevons enfin que d’une vague à l’autre, la situation générale des jeunes diplômé·e·s, tous domaines confondus, s’améliore : accès à des positions dirigeantes, augmentation des revenus et diminution du temps de travail (taux d’occupation et heures travaillées). Des différences existent cependant entre les domaines masculinisés et féminisés et entre les hommes et les femmes, puisque la baisse du taux d’occupation est plus importante dans les domaines féminisés, surtout pour les femmes. À l’exception de l’architecture, les positions dirigeantes se distribuent de manière égalitaire entre les hommes et les femmes, mais les possibilités sont toujours moindres dans les domaines féminisés. Les salaires des hommes augmentent davantage que ceux des femmes dans chacun des domaines. L’avancée dans le parcours professionnel contribue donc à creuser les inégalités entre les sexes, l’élément le plus significatif étant une diminution du taux d’occupation des femmes dans tous les domaines, sauf en ingénierie [5].
3 Une insatisfaction grandissante, malgré l’amélioration des conditions de travail
24 Dans cette troisième partie, l’analyse se focalise sur la satisfaction professionnelle, soit la perception ou le rapport subjectif que les diplômé·e·s entretiennent à leur emploi. La satisfaction des individus varie-t-elle selon les domaines d’activité, selon le sexe des enquêté·e·s ou encore d’une vague à l’autre ? L’amélioration des conditions de travail constatée entre les vagues 1 et 2, pour l’ensemble des diplômé·e·s (niveau de revenu, accès à des postes à responsabilité, diminution du temps de travail), se reflète-t-elle dans la mesure longitudinale de la satisfaction au travail ? Les différences sexuées en termes de conditions d’emploi et de travail constatées dans certains domaines se retrouvent-elles dans le rapport que les hommes et les femmes entretiennent à leur emploi ?
25 Les travaux pionniers de Crosby (1982) ont mis en évidence un paradoxe concernant la satisfaction au travail des femmes. En effet, malgré des conditions moins favorables, ces dernières seraient plus satisfaites que les hommes. De nombreuses études se sont intéressées à ce phénomène et diverses explications ont été avancées (voir Joulain, 2005).
26 Plusieurs auteurs mobilisent, par exemple, une explication socio-historique, en insistant sur l’importance, pour les femmes, d’avoir accès au marché du travail. Ainsi, en comparant leur situation à celle des générations précédentes, certaines femmes estiment avoir acquis un meilleur statut, indépendamment de leurs conditions objectives d’emploi, ce qui se traduirait par une plus grande satifaction au travail (Baudelot & al., 2002 ; Schieman, 2002). Surtout présent dans les pays anglo-saxons, ce paradoxe était également observable en Suisse à la fin des années 1990 (Sousa-Poza & Sousa-Poza, 2000).
27 Dans une enquête plus récente effectuée sur le Panel de ménages britannique, Sousa-Poza & Sousa-Poza (2010) mentionnent une diminution des différences entre les sexes au fil des années : si les femmes demeurent en moyenne plus satisfaites de leur travail que les hommes, leur satisfaction au travail a diminué entre 1991 et 2001, réduisant ainsi la différence entre les sexes.
28 Toujours en Grande-Bretagne, Clark (1997) indique que le « paradoxe de la femme satisfaite de son travail » disparaît pour les travailleuses les plus jeunes, les plus formées et pour celles qui travaillent dans des domaines masculinisés. Cette différence entre domaines masculinisés et féminisés a également été constatée par Cassidy & Warren (1991). Ils ont montré que les niveaux de satisfaction des hommes et des femmes sont plus élevés dans les domaines masculinisés.
29 Dans une enquête plus récente, Couppié & Epiphane (2008) mentionnent au contraire une inversion de tendance. Ainsi, les jeunes femmes exerçant des professions masculinisées expriment davantage leur insatisfaction car les inégalités (pourtant moindres qu’ailleurs) sont parfois vécues plus durement lorsqu’elles existent.
30 Que révèlent les données recueillies en Suisse auprès des jeunes diplômé·e·s HES ? Les femmes ingénieures et architectes sont-elles davantage satisfaites que les femmes diplômées en santé et travail social car elles exercent dans des professions qui bénéficient d’un fort prestige et qui offrent a priori d’intéressantes perspectives de carrière ? Sont-elles davantage satisfaites que leurs homologues masculins ou ont-elles au contraire une perception négative de leur situation de travail, notamment lorsqu’elles subissent des discriminations ?
31 Ces questions sur la satisfaction au travail nous semblent d’autant plus pertinentes que Weiss & Rüber (2014) ont montré qu’au moment de la recherche d’un emploi, les critères de choix des diplômé·e·s varient en fonction du domaine et du sexe. Dans leur étude (portant sur les mêmes données que celles que nous utilisons dans cet article), les auteurs relèvent que les personnes formées dans les domaines féminisés accordent une plus grande importance à la possibilité de travailler avec d’autres personnes, à temps partiel et sans pression, alors que de bonnes opportunités de carrière et la renommée de l’entreprise sont les critères les plus importants pour les diplômé·e·s des domaines masculinisés. Le niveau de revenu est également une plus grande priorité pour les ingénieur·e·s que pour les diplômé·e·s des trois autres domaines. Ces caractéristiques genrées se retrouvent en miroir entre les femmes et les hommes, sans toutefois se confondre avec l’effet lié au domaine. Ainsi, quel que soit leur domaine d’activité, les femmes considèrent comme plus importants que les hommes les trois critères qui caractérisent les domaines féminins (travailler avec d’autres, à temps partiel et sans pression) ; alors que les hommes privilégient le revenu, les perspectives de carrière et la renommée de l’entreprise (y compris lorsqu’ils travaillent dans des domaines féminisés).
32 Quelle est la satisfaction des hommes qui exercent dans des domaines féminisés, domaines qui bénéficient, comme nous l’avons montré, de moins bonnes conditions salariales et de moindres possibilités de mobilité verticale que dans les domaines masculinisés ?
Dans le questionnaire de l’Enquête auprès des personnes diplômé·e·s des hautes écoles, la satisfaction au travail est abordée à travers quatorze items. Les répondant·e·s estiment sur une échelle de Likert, en cinq points (*), leur niveau de satisfaction du point de vue de différents éléments de leur activité rémunérée actuelle, comme, par exemple, les tâches à accomplir ou la pénibilité (voir tableau 5 pour la liste des items). Pour réduire ces données sans toutefois perdre trop d’informations, nous avons choisi d’effectuer une analyse factorielle en composantes principales. Ce type d’analyse prend en compte les profils des réponses des individus et leurs covariations.
L’analyse concerne les individus ayant répondu aux quatorze questions liées à la satisfaction au travail à la vague 1 (N = 1722). L’indice de KMO de .90 et la significativité du test de Bartlett à p < .001 indiquent une bonne factoriabilité des quatorze items. Les dimensions aux valeurs propres supérieures à 1 ont été retenues. Nous avons ainsi obtenu trois dimensions permettant d’expliquer 57 % de la variance totale, respectivement 22 %, 18 % et 17 % après rotation Varimax.
Le tableau 5 indique les saturations de chaque item sur chaque dimension. La saturation représente une corrélation entre un item et une dimension ; plus le coefficient est élevé, plus l’item contribue à définir la dimension. Dans ce tableau, les items sont ordonnés en fonction de la valeur des coefficients de saturation.
La première dimension, que nous avons nommée « conditions de travail », réunit des items qui font référence au statut et au revenu, mais aussi au poste. La deuxième dimension, intitulée « organisation du travail », concerne l’environnement de travail, les horaires et l’autonomie dans l’organisation, de même que l’espace pour la vie privée. La troisième dimension, « perspectives professionnelles », concerne les possibilités de promotion, de perfectionnement et la sécurité du poste
Enfin, chaque dimension a été traduite par une nouvelle variable en calculant la moyenne des réponses aux items qui la composent. Les analyses de fiabilité ont confirmé que les items concernés peuvent être associés (.63 < α < .84). (*) : Pour chaque item, les répondant·e·s cochent une case sur une échelle allant de 1 (pas du tout satisfait·e) à 5 (satisfait·e dans une très large mesure).
Tableau 5. Matrice des composantes après rotation Varimax (N = 1’722)
Items
Satisfaction de l’activité rémunérée du point de vue... |
Dimension 1
Conditions de travail |
Dimension 2
Organisation du travail |
Dimension 3
Perspectives professionnelles |
de la pénibilité intellectuelle ou physique des tâches à accomplir | .776 | .328 | |
du contenu des tâches à accomplir | .775 | ||
de l’adéquation avec vos qualifications professionnelles | .652 | .437 | |
de la charge de travail (charge qualitative ou quantitative, sollicitation, délai de réalisation des tâches) | .643 | .490 | |
du statut professionnel | .618 | .406 | |
du niveau de responsabilité, ainsi que de la liberté d’action et de décision | .507 | .465 | |
du revenu | .334 | .332 | |
de l’espace pour votre vie privée/vie familiale | .768 | ||
des horaires et des possibilités d’organisation autonome du travail | .750 | ||
de l’environnement de travail : poste de travail | .566 | ||
de l’ambiance de travail | .564 | .330 | |
des possibilités de promotion professionnelle | .761 | ||
des possibilités de perfectionnement et de formation continue | .743 | ||
de la sécurité de votre poste de travail | .421 | .518 |
Tableau 5. Matrice des composantes après rotation Varimax (N = 1’722)
Note : les coefficients inférieurs au seuil de .300 ne sont pas reportés dans le tableau. La saturation de la dimension sur laquelle chaque item sature le plus fortement est indiquée en gras.33 De manière générale, les analyses révèlent que les jeunes diplômé·e·s sont plutôt satisfait·e·s de leur activité professionnelle, la moyenne des réponses variant de 3.6 à 4.0 sur une échelle de Likert en cinq points (voir l’encadré 3 pour la construction des trois variables de satisfaction au travail). Les personnes interrogées se déclarent d’abord satisfaites de l’organisation du travail, puis de leurs conditions de travail et enfin de leurs perspectives professionnelles. Ce modèle se retrouve dans les domaines architecture, ingénierie et travail social. Seul le domaine santé fait figure d’exception, avec la satisfaction relative à l’organisation qui arrive à la deuxième place.
34 En comparant les domaines entre eux, force est de constater qu’il y a très peu de différences. Pour chaque dimension et à chaque vague, les moyennes ne varient pas entre les domaines architecture, ingénierie et travail social. Le domaine santé fait pourtant exception, avec des diplômé·e·s affichant une moindre satisfaction en matière d’organisation du travail. Les différences relevées précédemment au niveau de la situation professionnelle des diplômé·e·s des domaines masculinisés et féminisés ne se traduisent donc pas directement par des variations de leur satisfaction au travail. Nos données ne montrent pas d’effet positif lié au prestige de l’insertion dans un domaine masculinisé plutôt que féminisé, contrairement aux résultats de Cassidy & Warren (op. cit.).
35 Au sein des quatre domaines, les trois dimensions de la satisfaction au travail ne varient pas selon le sexe, sauf en architecture, où les femmes sont moins satisfaites que les hommes de leurs perspectives professionnelles en vague 2. Les inégalités de perspectives professionnelles mises au jour dans la partie précédente (positions dirigeantes occupées par 46 % des femmes versus 70 % des hommes) se répercutent donc très directement sur le rapport subjectif que les femmes architectes entretiennent à leur emploi. Les résultats de nos analyses ne permettent donc pas de confirmer le paradoxe de la femme satisfaite de son travail, mais vont plutôt dans le sens d’une insatisfaction chez les femmes qui subissent des discriminations dans les domaines masculinisés (Couppié & Epiphane, op. cit.), ce qui est le cas des architectes dans nos résultats.
36 L’analyse de l’évolution de la satisfaction au travail entre les vagues 1 et 2 permet de mettre au jour un autre paradoxe : celui d’une baisse de la satisfaction générale des diplômé·e·s alors même que leurs conditions de travail s’améliorent. Comme l’illustre la figure 1, la satisfaction diminue entre la première et la cinquième année post-formation, alors même que les contrats se stabilisent, que les revenus et le nombre de postes à fonction dirigeante augmentent et que le temps passé au travail baisse. Ce sont les deux premières dimensions de la satisfaction qui sont davantage concernées : l’organisation et les conditions de travail (T-test significatifs au seuil de 0.5).
Figure1. Satisfaction au travail un an et cinq après l’obtention du bachelor
Figure1. Satisfaction au travail un an et cinq après l’obtention du bachelor
Lecture : en moyenne, la satisfaction de l’organisation et des conditions de travail des diplomé.e.s diminue entre 2009 et 2013.38 Dans la littérature, un phénomène similaire est mis en évidence, mais de manière inconsistante. De nombreuses études s’intéressant à l’évolution de la satisfaction au travail utilisent l’âge comme indicateur. Les résultats de ce champ de recherche ne sont pas univoques, certains indiquent une augmentation linéaire de la satisfaction à travers les âges, d’autres reportent une courbe en U (Clark & al., 1996 ; Tay & al., 2014). En se centrant sur les premières années d’insertion professionnelle, notre travail permet d’aller au-delà d’une explication liée à l’âge. Nos résultats suggèrent que quelque chose de l’ordre de la désillusion ou du désenchantement se joue dans les premières années d’insertion sur le marché du travail, comme si les diplômé·e·s nourrissaient des attentes auxquelles le monde du travail ne répond pas.
39 La baisse de la satisfaction entre les vagues 1 et 2 n’est toutefois pas observable de manière similaire dans les quatre domaines investigués. Ainsi, elle n’affecte ni les mêmes dimensions, ni les deux groupes de sexe de manière homogène dans chacun des domaines. Les résultats de nos analyses sont reportés de manière schématique dans le tableau 6.
Tableau 6. Variation de la satisfaction au travail d’une vague à l’autre, selon le sexe
Tableau 6. Variation de la satisfaction au travail d’une vague à l’autre, selon le sexe
Note : H = Hommes ; F = Femmes.Note : une flèche descendante indique que la satisfaction diminue de manière significative au seuil de .05 entre la vague 1 et la vague 2. Une flèche horizontale informe qu’elle ne varie pas entre les vagues. Pour chaque domaine, lorsqu’il n’y a pas mention de sexe, l’effet de la vague est similaire entre hommes et femmes.
Lecture : en architecture, la satisfaction des conditions de travail diminue entre les deux vagues. Lorsque les analyses sont faites pour chaque sexe séparément, cet effet est observable pour les femmes seulement.
41 À part pour le travail social où la satisfaction reste stable à travers le temps et sur les trois dimensions, les autres domaines sont touchés à des degrés divers. En architecture, la dimension affectée par une moindre satisfaction est celle des conditions de travail et cette baisse est imputable aux femmes seulement. Les statistiques présentées dans la partie précédente mettent en avant des inégalités entre les sexes, en particulier au niveau salarial. Plus globalement, les femmes architectes expriment ici une insatisfaction en termes de statut, de niveau de responsabilité et d’adéquation de leur activité avec leur qualification professionnelle.
42 En ingénierie, ce sont les hommes qui manifestent une baisse de satisfaction concernant l’organisation du travail (horaires, environnement, ambiance). La satisfaction des femmes minoritaires dans ce domaine reste stable à travers le temps pour chacune des trois dimensions. Rappelons que c’est aussi le domaine dans lequel hommes et femmes sont le plus égalitaires en termes de conditions de travail et de comportements d’activité.
43 Dans le domaine de la santé, les trois dimensions de la satisfaction diminuent d’une vague à l’autre. Les analyses effectuées séparément pour les femmes et les hommes montrent que pour les premières, c’est la satisfaction liée aux conditions (tâches à accomplir, charge, salaire) et à l’organisation de travail (horaire, conciliation avec la vie privée, ambiance) qui est impactée, alors que les hommes manifestent une insatisfaction liée aux manques de perspectives professionnelles (promotion, perfectionnement).
Conclusion
44 Dans cet article, nous avons étudié l’insertion sur le marché du travail helvétique de la cohorte 2008 des diplômé·e·s des HES, formé·e·s dans les domaines les moins mixtes : l’ingénierie, l’architecture, le travail social et la santé en mobilisant deux angles d’analyse novateurs. Tout d’abord, nous avons complété l’analyse de la situation professionnelle des jeunes diplômé·e·s par des données relatives à leur situation familiale. De plus, nous avons proposé une réflexion sur la manière dont les différences objectives en termes de conditions d’emploi et de travail selon les domaines et entre les sexes se doublent (dans certains cas) de différences subjectives façonnant la satisfaction professionnelle. La mobilisation d’une perspective de genre sur l’analyse statistique et l’utilisation de données longitudinales nous ont permis de dresser trois constats qui affinent la lecture des inégalités sexuées dans ces domaines.
45 En premier lieu, notre étude met en exergue le fait que les comportements d’activité des jeunes diplômé·e·s varient entre les domaines masculinisés et féminisés. Les personnes actives dans les domaines masculinisés ont une activité à plein temps, une insertion privilégiée dans des entreprises privées à but lucratif et davantage d’opportunités d’occuper des postes avec une fonction dirigeante, alors que c’est l’inverse dans les domaines féminisés. Les différences entre domaines masculinisés et féminisés ne sont par ailleurs pas circonscrites au monde du travail, mais concernent également la vie privée. La mise en couple et l’arrivée du premier enfant s’opèrent plus précocement pour les hommes et les femmes diplômé·e·s des domaines féminisés.
46 Notre analyse révèle également que les individus (indépendamment de leur sexe) se calquent le plus souvent sur les normes du domaine dans lequel ils s’insèrent, mais que cela est davantage le cas pour les femmes dans les domaines masculinisés que pour les hommes dans les domaines féminisés. Ces différences s’exacerbent par ailleurs entre la première et la cinquième année qui suit l’obtention du bachelor, creusant ainsi les inégalités entre domaines féminisés et masculinisés, mais aussi entre hommes et femmes à l’intérieur de chacun des domaines.
47 En deuxième lieu, notre étude montre que si le genre structure le monde du travail, les logiques à l’œuvre ne sont pas univoques. Les inégalités sexuées prennent des formes différenciées selon les domaines : l’accès au marché du travail est facilité pour les hommes en travail social, santé et architecture ; les salaires sont moins élevés pour les femmes, avec une différence marquée en architecture ; l’accès à des positions dirigeantes est plus limité pour les femmes en architecture ; la diminution du temps de travail au fil des années concerne davantage les femmes dans tous les domaines, et elle est particulièrement marquée pour les actives dans les domaines féminisés.
48 En troisième lieu, nos données ne confirment pas le paradoxe de la femme satisfaite de son travail (Crosby, 1982). En revanche, le caractère longitudinal des données recueillies sur la satisfaction nous a permis de dégager un paradoxe a priori surprenant. Ainsi, alors que les conditions objectives de travail s’améliorent entre la première et la cinquième année après l’obtention du bachelor, la perception subjective de l’emploi se détériore. Une analyse plus fine, décortiquant les effets par domaine et par sexe, montre que la satisfaction au travail ne diminue pas sur les mêmes dimensions selon les domaines et que, lorsqu’elle existe, cette diminution de la satisfaction est clairement imputable à un groupe de sexe. Dans le domaine où les inégalités sexuées sont les plus marquantes, l’architecture, les femmes se disent moins satisfaites que les hommes, alors que ce n’est pas le cas en ingénierie. Le prestige des domaines masculinisés ne suffit donc aucunement à augmenter la satisfaction des femmes, particulièrement lorsqu’il existe des discriminations. La baisse la plus significative de la satisfaction professionnelle concerne le domaine le plus féminisé de notre échantillon : la santé. Les diplômé·e·s mentionnent une moins bonne satisfaction sur les trois dimensions étudiées, mais qui varie selon le sexe. Les femmes se déclarent ainsi moins satisfaites de leurs conditions de travail et de son organisation, alors que les hommes déplorent plus spécifiquement le manque de perspectives de carrière.
49 Ce résultat nous semble préoccupant dans la mesure où l’érosion de la satisfaction au cours du temps porte précisément sur les dimensions que chaque groupe de sexe avait mentionnées comme les plus importantes lors de leur recherche d’emploi : pour les femmes, le fait de travailler avec d’autres et sans pression et, pour les hommes, les possibilités de carrière verticale (Weiss & Rüber, op. cit.).
50 Plus généralement, ces résultats nous permettent d’insister sur le caractère processuel et dynamique des inégalités sexuées qui ont cours sur le marché du travail, dans ses dimensions tant objectives (conditions d’emploi et de travail) que subjectives (satisfaction). L’insertion professionnelle est déterminée par un contexte d’activité qui est fortement genré. En effet, non seulement les conditions d’emploi ne sont pas identiques entre les domaines féminisés et masculinisés, mais les différences sexuées existent également au sein des quatre domaines et se renforcent avec l’avancée du parcours professionnel des enquêté·e·s de cette génération, souvent en phase pré-enfants. Or les enquêtes portant sur les parcours de vie (notamment Levy & Le Goff, 2016) montrent que les différences entre les hommes et les femmes s’exacerbent lors de la transition vers la parentalité.
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Mots-clés éditeurs : métier de la santé, architecte, représentation du travail, enseignement supérieur, ingénieur, division sexuelle du travail, insertion professionnelle, genre, métier de l’action sociale
Mise en ligne 11/04/2019
https://doi.org/10.4000/formationemploi.6889Notes
-
[1]
En l’absence de définition communément admise de la mixité, nous avons utilisé le seuil de 30 % du sexe sous-représenté comme critère de sélection.
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[2]
En architecture, 28 ans versus 26 ans ; en travail social, 35 versus 33 ans.
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[3]
à titre de comparaison, le niveau de formation des personnes ayant potentiellement l’âge de leurs parents, en 2008, en Suisse, est le suivant : 40 % des hommes et 22 % des femmes de la classe d’âge 45-54 ans possèdent une formation supérieure ; ces personnes sont respectivement 36 % et 17 % dans la classe d’âge 55-64 ans (OFS, Enquête suisse sur la population active, publication au 31.03.2016).
-
[4]
Dans le domaine du travail social, le pourcentage de personnes mariées est le plus élevé (31 % versus moins de 17 % dans les trois autres domaines).
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[5]
Mentionnons qu’en 2016, en Suisse, 58,8 % des femmes actives professionnellement travaillent à temps partiel, contre 17,1 % des hommes. Le temps partiel comme modalité d’emploi contribue non seulement à ralentir les carrières féminines, mais aussi plus généralement à creuser les inégalités entre les sexes (Dubach & al., op. cit. ; PNR60, 2014).