Notes
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[1]
Transition [n.f.]: du latin transitio « passage ». Passage lent, graduel, transformation progressive (changement, évolution). Passage d’un état stationnaire à un autre [phys.]. Ce qui constitue un état intermédiaire, ce qui conduit d’un état à un autre (Source: Grand Robert de la Langue Française).
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[2]
Notons que la principale énergie renouvelable en Europe et dans le Monde reste l’hydraulique, mais c’est une technologie ancienne, dont les possibilités de développement, étroitement liées à la géographie, sont limitées. Le potentiel hydraulique en Europe est déjà largement exploité, même s’il reste encore certaines marges d’amélioration et la possibilité d’équiper quelques fleuves ou vallées. On ne peut donc pas s’appuyer sur un éventuel développement massif de l’hydraulique pour répondre aux enjeux de la transition énergétique.
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[3]
Les objectifs différenciés par pays sont en partie liés à leur situation initiale en matière de production ENR : la France, qui dispose d’un parc hydraulique plus important que l’Allemagne, se voit assigner un objectif plus élevé: l’effort de déploiement d’ENR à faire d’ici 2020 est ainsi à peu près similaire d’un pays à l’autre. Le paquet énergie-climat s’articule autour de trois objectifs : augmentation la part des ENR à 20% de la consommation finale d’électricité d’ici 2020, réduction des émissions de GES de 20% d’ici 2020 par rapport à 1990, augmentation de 20% de l’efficacité énergétique de 20% d’ici 2020. Le dernier objectif n’est qu’indicatif.
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[4]
En effet, un développement important du PV ne signifie pas que les clients puissent devenir autonomes et s’abstraire totalement de l’énergie issue des moyens centralisés de production et acheminée jusque dans leur lieu d’habitation par les réseaux de transport et de distribution. D’une part, parce que le solaire est une énergie intermittente, qui ne produit pas de manière régulière pendant toute l’année (et pendant toutes les heures d’une journée) et d’autre part, parce que les usages des consommateurs ne sont pas complétement synchrones avec la production PV. Il faut donc s’appuyer sur le réseau pour couvrir la demande qui n’est pas satisfaite par le PV, sauf à utiliser des moyens de stockage de l’énergie. Mais à l’heure actuelle et dans un avenir prévisible, les techniques de stockage sont encore beaucoup trop onéreuses pour rendre ce genre de scénario crédible à court-moyen terme.
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[5]
On a par exemple constaté une réduction de l’impact de la hausse des prix du pétrole sur les taux de croissance des pays développés lors des derniers épisodes de hausses brutales des prix.
1La transition énergétique vise à qualifier l’évolution, le passage, d’un système énergétique à un autre [1]. Il y a eu de nombreuses transitions énergétiques dans l’histoire, mais celle que nous sommes en train de vivre est probablement de nature différente. Il ne s’agit pas simplement, comme par le passé, du remplacement de la source d’énergie dominante par une autre, plus performante, ou d’une évolution dans les formes d’organisation et de fonctionnement des filières d’approvisionnement ou de commercialisation des énergies. Il s’agit d’une transition plus structurelle dans la mesure où c’est l’objectif assigné au secteur énergétique qui change. Alors que depuis la révolution industrielle l’énergie avait pour fonction d’accompagner et d’alimenter la croissance économique dans une logique productiviste, elle doit maintenant servir un autre but: favoriser l’émergence d’une « low carbon economy ». Cette transition énergétique, déjà à l’œuvre dans de nombreux pays en Europe, commence à avoir des impacts sur les formes d’organisation du secteur électrique et sur les modèles d’activité des principaux groupes énergéticiens. Des évolutions stratégiques ont lieu, des déplacements de frontières sont constatés, de nouveaux acteurs, venant d’autres continents ou d’autres secteurs d’activités, apparaissent, qui modifient le paysage concurrentiel et modifient les équilibres antérieurs. Dans la plupart des pays européens (et au sein de l’Union Européenne), des formes plus ou moins institutionnalisées de transition énergétique sont d’ores et déjà à l’œuvre: des lois programmatiques sont signées ou vont l’être prochainement, des mécanismes économiques et financiers de soutien aux nouvelles filières de production d‘électricité dé-carbonées sont opérationnels, des incitations et des obligations à la maîtrise des consommations sont appliquées, certaines réformes des systèmes électriques sont envisagées que ce soit en France, au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne ou dans les pays scandinaves, pour ne citer que quelques exemples. À ce jour, la forme la plus achevée et la plus ambitieuse de transition énergétique a lieu en Allemagne, qui s’est dotée depuis 2011 d’une législation en la matière et a entamé une série de réformes qui vont au-delà du seul système électrique. Dans ce premier volet, nous nous intéresserons aux caractéristiques principales de la transition énergétique et ses implications en matière de stratégies industrielles et de modification du paysage concurrentiel.
Lutte contre le changement climatique et « low carbon economy »
2La transition énergétique est une évolution vers un système énergétique capable de répondre en partie aux exigences d’une « low carbon economy », qui elle-même sera susceptible de donner une réponse adéquate aux risques et aux préoccupations liées à l’augmentation des gaz à effet de serre (GES) et au changement climatique. Un rapport récent de la Banque Mondiale (World Bank, 2012) rappelle les enjeux liés à ce phénomène si rien n’est fait pour le ralentir: élévation du niveau des mers, érosion des terres arables, occurrence plus élevée de manifestations climatiques dévastatrices (ouragans, épisodes de sécheresse extrêmes, etc.), tensions sur les ressources agricoles et sur l’eau dans certaines régions du monde. Les défis sont immenses. Si l’on veut avoir une chance raisonnable (50%/50%) de limiter à 2?C la hausse globale de la température (par rapport au niveau préindustriel), il faudrait ramener les émissions de GES de 50 milliards de tonnes, leur niveau actuel, à moins de 20 milliards de tonnes en 2050. Soit une diminution de plus de 50%, qui se traduirait par une réduction d’un facteur 4 dans les pays développés. Si, dans le même temps, la richesse mondiale est multipliée par trois, cela signifie qu’il faudra diminuer le ratio émissions/richesse produite par un facteur de 7 à 8 au niveau mondial, et dans une proportion encore plus élevée en Europe (Stern, 2012). Les conséquences sur l’économie en général et sur le secteur énergétique en particulier de la mise en œuvre des politiques publiques visant à atteindre (ou au moins à se rapprocher) de ces objectifs sont pour le moins structurantes et pourraient conduire à des bouleversements des modes de fonctionnement et des structures d’organisation des secteurs d’activités concernés.
3La transition énergétique est un des éléments centraux de l’émergence de cette « low carbon economy » avec d’autres facteurs comme les transformations des usages des sols (agriculture, exploitation forestière), les évolutions en matière de transport, de process industriels ou en matière de bâtiments, d’urbanisme et de logements. En effet, rappelons que le secteur énergétique est le principal responsable des émissions de GES au niveau mondial (26%), devant l’industrie (19%), la forêt (17%), l’agriculture (14%) et les transports (13%). Sa contribution risque encore d’augmenter (en pourcentage et en valeur absolue) du fait de la progression de la population mondiale, de l’urbanisation et de la montée générale des niveaux de vie. L’IEA (International Energy Agency) estime dans son scénario le moins volontariste que la demande mondiale d’énergie pourrait augmenter de 35% d’ici à 2035, essentiellement dans les pays émergents (IEA, 2013). Notons enfin que les émissions mondiales de GES liés à la combustion d’énergies fossiles ont été multipliées par 16 depuis 1900 et que la progression se poursuit, essentiellement alimentée par les besoins en énergie des économies en croissance des pays émergents.
4Face à ces défis, un certain nombre de pays se sont engagés dans un processus de transition énergétique. Des actions sont menées, aussi bien au niveau national, à travers des législations qui visent à redessiner les contours des secteurs énergétiques, mais aussi au niveau local, grâce aux nombreuses initiatives prises par les villes, qui jouent un rôle de plus en plus actif en la matière (ADEME, 2013). Le trait caractéristique de cette transition énergétique est qu’elle ne se borne pas au remplacement d’une source d’énergie dominante par une autre (plus compétitive, meilleur marché, plus abondante, plus accessible). On ne se place pas dans la situation, qui a été observée plusieurs fois dans l’histoire - avec des variantes selon les contextes nationaux et les situations géographiques -, où des progrès techniques ont permis l’émergence et la diffusion d’une technologie nouvelle, parce qu’elle devenait plus compétitive, donnait un meilleur rendement énergétique et permettait d’obtenir des biens et services associés (éclairage, force motrice, transport, etc.) à meilleur marché. Ce qui lui permettait de supplanter toutes les sources d’énergie alternatives ou de les réduire à des marchés de niche. Depuis la 1 re révolution industrielle, ce type de transition énergétique a eu lieu de nombreuses fois. Elle prend la forme, soit des transitions entre énergies, avec l’arrivée d’une nouvelle forme d’énergie qui rend les anciennes obsolètes et favorise le développement d’une demande, donc de services associés, qui soutient ladite énergie et enclenche un mécanisme auto-renforçant (passage de la lampe à pétrole à la lampe à incandescence par exemple, passage de la machine à vapeur alimentée par du charbon au moteur électrique, etc.) (Pearson, Foxon, 2012). Soit elle se traduit par des transitions qui ont lieu au sein du même système énergétique, comme par exemple, dans le cas de l’électricité, des évolutions des combustibles utilisés pour produire le courant: émergence puis domination du charbon vers 1880, puis pétrole dans les années 1920 et pénétration forte et massive du gaz naturel à partir des années 1980 (le gaz, le pétrole et le charbon étant remplacés partiellement ou quasi complètement par le nucléaire dans certains pays comme la France). Si elles ont de fortes implications, ces formes de transition entre énergies ne reflètent pas exactement celle que nous sommes en train de vivre actuellement (Fouquet, Pearson, 2012).
5Dans la transition énergétique qui s’annonce, l’objectif est de mettre le système énergétique au service d’une économie décarbonée (« low carbon economy »). Les objectifs poursuivis introduisent donc une rupture forte par rapport au principe guidant le système énergétique et son rapport avec le reste de l’économie: produire le maximum d’énergie, augmenter de manière constante les rendements, de manière à alimenter les besoins en croissance rapide du reste de l’économie (industrie, agriculture, transports). Maintenant, ce dont il s’agit, c’est de procéder à une transformation du secteur énergétique afin qu’il contribue à l’objectif de réduction des émissions de GES, ce qui se traduit d’une part, par la montée en puissance des énergies renouvelables non émettrices de C02 et, d’autre part, par la recherche d’une maîtrise de la demande (la sobriété énergétique).
L’essor des énergies renouvelables
6La montée en puissance, lente et progressive, des énergies nouvelles et renouvelables (ENR) ne date pas d’hier. Conçues sous leur forme actuelle dans les années 1970-1980, les deux principales énergies renouvelables, le solaire (essentiellement sous sa forme photo-voltaïque) et l’éolien terrestre connaissent une très forte expansion depuis les années 2000 [2]. D’abord confinées à quelques niches, essentiellement tirées par des efforts importants de R&D, ces technologies se sont progressivement développées grâce à la mise en place au tournant des années 2000 de mécanismes de soutien qui vont leur permettre de prospérer. Ces mécanismes forment l’ossature des premières politiques publiques en faveur des énergies renouvelables. Ils vont être renforcés et systématisés après que l’Union Européenne se soit fixé en 2008 l’objectif d’atteindre 20% d’énergies renouvelables (hydraulique comprise) dans la consommation finale d’énergie d’ici 2020. Cet objectif, qui fait partie du paquet climat-énergie, est décliné selon les États membres (23% pour la France, 18% pour l’Allemagne) [3]. La Commission Européenne a récemment proposé (janvier 2014) de définir de nouveaux objectifs pour 2030 : une réduction de 40% des émissions de GES (par rapport à leur niveau de 1990) et 27% d’énergies renouvelables dans la consommation d’énergie finale, dont 45% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’électricité, contre 21% aujourd’hui (en majorité de l’hydraulique) (European Commission, 2014).
7Dans la grande majorité des États membres de l’Union Européenne (ainsi qu’aux USA et dans d’autres pays de l’OCDE), les mécanismes de soutien aux ENR prennent la forme de feed-in-tariffs, ou tarifs d’achat. Le principe est simple: les agents économiques qui investissent dans des équipements éoliens ou solaires bénéficient de prix garantis tout au long de la durée de vie de l’installation. Il est prévu de leur acheter la totalité de leur production, quelles que soient les conditions de marché, à un prix déterminé à l’avance, défini une fois pour toutes. Le prix d’achat de l’énergie renouvelable est fixé à un niveau et pour une durée qui permettent de garantir un amortissement des dépenses consenties (en capital initial et en coûts opérationnels) et un retour positif sur investissement. Économiquement, ces mécanismes de soutien, qui fonctionnent hors de toute référence aux prix qui s’établissent sur les marchés de l’électricité et aux coûts des moyens de production « classiques », sont justifiés s’ils permettent à une filière encore naissante de trouver des conditions favorables à son éclosion et facilitent son développement.
8Bénéficiant d’une visibilité importante, d’une garantie de recettes et de tarifs d’achat avantageux, les agents économiques (groupes énergétiques, particuliers) sont incités à s’équiper de panneaux solaires et d’éoliennes car ils peuvent en attendre un bénéfice. De leur côté, les équipementiers sont également incités à augmenter leurs capacités de production, à construire des usines plus importantes, à réaliser davantage d’efforts de R&D afin de répondre à cette nouvelle demande et tenter d’en capter la plus grande part en réduisant les coûts des installations et équipements qu’ils mettent sur le marché. Avec ces mécanismes de soutien va s’enclencher un mouvement général de constitution de filières industrielles autour du solaire photovoltaïque (PV) et de l’éolien, qui va se traduire par l’émergence de groupes de conception/ construction spécialisés dans ces domaines, concurrencés par des équipementiers généralistes qui vont aussi y investir massivement.
9Tout ceci va bénéficier largement à ces filières, dont les coûts connaissent des baisses très marquées. Les coûts des modules PV sont divisés par 50 entre le début des années 1970 et le début des années 2010, passant de 50 $/Wc à 1$/Wc (SER - Syndicat des Énergies Renouvelables, 2013). Globalement, l’installation complète de panneaux PV chez un particulier commence à devenir rentable sans mécanisme de soutien dans les pays ou les régions bénéficiant d’un fort ensoleillement (Espagne méridionale, Italie du Sud, Grèce, Californie, Arizona). C’est-à-dire que l’énergie produite par l’installation PV d’un particulier lui revient à peu près au même prix que l’énergie qu’il achète auprès de son fournisseur habituel d’électricité, ce qui ne signifie pas pour autant que les deux sources d’énergie sont interchangeables ou rendent les mêmes services [4]. Ces baisses de coûts sont à la fois liées aux améliorations de procédés issues de la R&D, aux gains de rendement, aux standardisations de techniques de fabrication et aux économies d’échelle générées par l’explosion des capacités de production.
10Pour le PV, on estime qu’à chaque doublement de la capacité de production mondiale, le coût moyen des modules baisse d’environ 20% (SER, 2013). Un autre facteur de baisse de coûts est à chercher dans la politique interventionniste du gouvernement chinois qui a délibérément choisi de subventionner les grands producteurs nationaux. Ceux-ci ont construit de nombreuses nouvelles usines, ce qui a décuplé leurs capacités de production et leur a permis d’inonder le marché mondial de panneaux PV à bas coûts. Aujourd’hui, les industriels chinois produisent plus de 60% des modules PV mondiaux. Ce faisant, ils ont étouffé une bonne partie de leurs concurrents européens et américains, dont certains ont dû jeter l’éponge, comme l’allemand Q-Cells, numéro trois mondial en 2007 et qui depuis a fait faillite (voir tableau 1).
Liste des 10 principaux producteurs mondiaux de modules PV en 2007 et 2012
Liste des 10 principaux producteurs mondiaux de modules PV en 2007 et 2012
11Les réductions de coût, fortes et régulières, se sont traduites par une progression, toute aussi forte et régulière, du nombre d’installations PV mises en service dans le Monde et en Europe. Durant la décennie 2000, le PV a vu sa croissance, exprimée en termes de capacité installée, atteindre 59% par an en moyenne. Le PV a dépassé la barre des 100000 MW de capacité installée en 2012 au niveau mondial. Là encore, c’est l’Union Européenne qui tire le secteur, la zone concentre près de 70% des capacités installées mondiales, suivies de la Chine et des États-Unis. Inexistante au début des années 2000 avec moins de 1000 MW de capacité installée dans le monde, le PV est devenu une filière de production d’électricité importante, qui, dans certains pays, permet de couvrir une part significative de la demande. En Italie et en Allemagne, le PV couvre plus de 6% de la demande nationale d’électricité (et 2,7% dans l’ensemble de l’Union Européenne). La croissance ne devrait pas s’arrêter là: dans les années qui viennent, les projections qui émanent de l’association des producteurs PV font état d’une poursuite de l’expansion de la filière, qui pourrait atteindre entre 123000 MW et 179000 MW de capacité installée en 2017, ce qui permettrait de couvrir plus de 10% de la consommation annuelle en Europe (EPIA - European Photovoltaic Industry Association, 2012) (voir tableau 2).
Répartition mondiale de la capacité installée dans le photovoltaïque
Répartition mondiale de la capacité installée dans le photovoltaïque
12Qu’en est-il dans le secteur de l’éolien? En ce qui concerne les coûts, la tendance est similaire à celle expérimentée dans le PV, même si la pente est moins marquée. Les coûts de l’éolien ont été divisés par 5 entre 1980 et 2010. Actuellement, dans les zones venteuses, les éoliennes terrestres peuvent rivaliser, en termes de coûts complets, avec certains moyens de production thermiques classiques. Ce qui n’est pas le cas pour l’éolien offshore, filière qui est en train de prendre son essor et dont le potentiel est important dans certaines parties d’Europe (Mer du Nord, Royaume-Uni, Ouest de la France), mais qui reste encore beaucoup trop onéreuse pour pouvoir envisager un développement sans subvention. À l’avenir, des réductions de coûts sont encore possibles pour l’éolien terrestre, mais leur magnitude reste très incertaine, elles sont estimées dans une fourchette large, comprise entre 0% et 40% de baisse en 2030 par rapport aux coûts constatés actuellement (NREL - National Renewable Energy Laboratory, 2012). Pour l’éolien, les baisses de coûts sont essentiellement dues aux améliorations techniques apportées aux rotors et turbines (taille, conception), à l’électronique de puissance et aux économies d’échelle en fabrication.
13Cela s’est traduit, comme pour le PV, par une progression très forte de la capacité installée. La capacité installée mondiale d’éolien terrestre a été multipliée par dix entre 2002 et 2012: passant de 31 100 MW à plus 282 587 MW. En Europe, la progression est aussi très significative, entre 2002 et 2012, la capacité installée passant de 23100 MW à 106000 MW. L’éolien compte pour plus de 11% de la capacité installée de l’ensemble des moyens de production européens et contribue à hauteur de 7% à la satisfaction de la demande. Dans un contexte économique déprimé, où la demande électrique ne progresse que très peu (voire diminue dans certains pays), les installations éoliennes ont représenté en 2012 autour de 40% de la totalité des investissements consentis en Europe en matière de production d’électricité (EWEA - European Wind Energy Association, 2013) (voir tableau 3).
Répartition mondiale de la capacité installée dans l’éolien terrestre
Répartition mondiale de la capacité installée dans l’éolien terrestre
14Les constructeurs européens et américains, qui ont traditionnellement de fortes positions sur le marché mondial, gardent leur suprématie. General Electric (USA) et Vestas (Danemark) sont en 2012 les principaux fournisseurs de turbines éoliennes dans le monde, suivies par d’autres firmes comme Siemens (Allemagne) ou Enercon (USA). Les constructeurs chinois, inexistants il y a quelques années, font une percée remarquée et alimentent en priorité un marché national en forte croissance (voir tableau 4 page suivante).
Liste des 10 principaux producteurs mondiaux de turbines éoliennes*
Liste des 10 principaux producteurs mondiaux de turbines éoliennes*
* Capacité installée durant l’année 201215On l’a vu, la croissance des énergies renouvelables est largement due à l’efficacité des mécanismes de soutien. Mais, compte tenu de l’évolution des coûts, d’une part, et de l’augmentation des dépenses qu’ils font peser sur la collectivité, d’autre part, ces mécanismes sont progressivement remis en cause.
16Jusque très récemment, la baisse des coûts ne s’est pas toujours accompagnée d’une diminution de même ampleur du niveau des tarifs d’achat. Mal dimensionnés, trop généreux, ils ont permis à certains acteurs de bénéficier d’effets d’aubaine, en rentabilisant beaucoup plus vite que prévu leurs investissements. Un phénomène d’emballement s’est enclenché, qui a conduit à une progression très forte du nombre de nouvelles installations à partir de 2007-2008. Comme dans la plupart des pays les tarifs d’achat des ENR sont financés par des taxes prélevées sur les factures payées par les clients finaux, celles-ci finissent par s’en ressentir. Avec la progression spectaculaire des productions issues des installations photovoltaïques et éoliennes, le montant des taxes s’envole et constitue le principal facteur d’augmentation des factures d’électricité. Ainsi, en France, la CSPE (Contribution au Service Public de l’Électricité), taxe qui finance un ensemble de mesures, dont le soutien aux ENR, passe d’un montant global de 1,4 milliard € en 2003 à 6,2 milliards € au titre de 2014, cette progression étant essentiellement due aux besoins croissants de financement des ENR. Appliquée à chaque client (résidentiel ou non) au prorata de sa consommation annuelle, elle renchérit la facture d’un client résidentiel moyen d’environ 13% (CRE - Commission de Régulation de l’Énergie, 2013).
17Face à ce constat, qui vaut surtout pour le PV, les autorités publiques décident de réagir à partir de 2009 pour réduire progressivement le niveau des tarifs d’achat et pour conditionner la fixation des barèmes à la pente de diminution des coûts. En France comme en Allemagne, des réformes ont lieu, qui font évoluer les mécanismes d’aide, en les conditionnant à des objectifs quantitatifs et en les redimensionnant à la baisse. Ainsi, en France, depuis 2011, les tarifs d’achat du PV sont réévalués à la baisse tous les trimestres pour tenir compte de la diminution tendancielle des coûts des installations ; ces baisses pouvant être modulées en fonction du rythme de progression du marché. S’il est trop rapide par rapport aux attentes des pouvoirs publics, la baisse des tarifs d’achat est accentuée. Des objectifs quantitatifs sont fixés par type d’installations (résidentielles, commerciales, industrielles) qui, au total, conduisent à ce qu’une cible de progression annuelle de 1000 MW soit fixée. Cette combinaison de pilotage fin des tarifs et des quantités installées est justifiée par la volonté de limiter la hausse de la CSPE et de ralentir le rythme de progression des factures. D’autres pays, comme l’Italie ou l’Espagne, dont le parc installé de PV est très important et se trouve globalement proche du seuil de rentabilité, ont choisi de ne plus accorder de soutien financier aux nouvelles installations PV depuis début 2012 et mai 2013 respectivement (de la Tour et alii, 2013). Quant à l’éolien, même si elles existent, les baisses de coûts sont moins importantes que dans le PV et n’ont pas nécessité de remise en cause aussi radicale du niveau des tarifs d’achat. Même si les mécanismes de soutien à l’éolien sont eux aussi moins généreux que par le passé et ont tendance à diminuer avec la baisse des coûts. Les coûts moyens de l’éolien tendant à se rapprocher des prix de marché, il est de plus en plus question, dans un horizon pas trop lointain, d’une extinction progressive des mécanismes de soutien à l’éolien terrestre, qui, s’il devient compétitif par rapport aux modes de production « classiques », n’aura plus besoin d’être aidé financièrement.
18L’essor des énergies renouvelables s’est accompagné de la structuration de filière en amont. Elle a aussi conduit les principaux groupes énergéticiens européens à investir ce champ et à intervenir en tant qu’investisseur et exploitant d’installations, au point d’en faire, pour certains d’entre eux, un de leurs axes majeurs de développement. En général, les grands groupes acquièrent des compagnies spécialisées, s’adossent à des compétences externes puis créent des filiales qui portent ces activités et en assurent le développement: EDF EN (EDF), RWE Innogy (RWE), Enel Green Power (ENEL), etc. Leurs stratégies se déploient en général simultanément dans plusieurs zones géographiques, aussi bien en Europe et aux USA que dans les pays émergents. Ces stratégies de développement géographique sont fonction des positions initiales des groupes, de leurs connaissances des marchés et des opportunités qu’elles peuvent y déceler. En général, ces filiales ne sont pas spécialisées dans une seule filière de production renouvelable, même si elles sont le plus souvent plus engagées dans l’éolien terrestre (et développent des projets dans l’éolien offshore) que dans le PV. Globalement, les activités renouvelables de ces grands groupes ne figurent pas encore parmi leurs activités les plus importantes (en termes de volume d’affaires), mais elles connaissent des taux de croissance importants (autour de 20% à 25% par an en moyenne sur les dernières années). Pour ces groupes énergétiques, l’énergie renouvelable est devenue au fil des ans un relais de croissance important (voir tableau 5).
Chiffres-clés des principaux énergéticiens en Europe actifs dans les ENR (au 31 décembre 2012)*,**
Chiffres-clés des principaux énergéticiens en Europe actifs dans les ENR (au 31 décembre 2012)*,**
*Y compris activités hydrauliques.** En partie exploitée mais non détenue.
19Pour autant, malgré leur poids et leur capacité financière, ces grands groupes ne sont pas les seuls dans le paysage concurrentiel. Le développement des ENR est l’occasion pour de plus petites structures de se faire une place sur le marché: agriculteurs, coopératives, groupes privés locaux, distributeurs d’électricité, sociétés à capitaux publics détenues par des villes, etc. Ces acteurs investissent dans des parcs éoliens ou des centrales PV de manière très localisée, en privilégiant une zone ou une région et sans avoir vocation à engager une stratégie de développement de plus grande envergure. Le caractère décentralisé de ces installations, les garanties de revenu dont ces acteurs peuvent encore bénéficier grâce aux tarifs d’achat (ce qui facilite l’accès au crédit), l’ancrage dans les territoires: tous ces facteurs ont favorisé l’éclosion de nombreux acteurs de taille réduite qui détiennent, pris ensemble, une grande partie des capacités installées d’énergies renouvelables. Notons également l’émergence d’acteurs industriels accompagnant ces évolutions en proposant des services de gestion qui embarquent des avancées technologiques liées au secteur des télécommunications (energy boxes, transmission et traitement des données, contrôle électronique à distance…). En outre, une partie des énergies renouvelables, on pense ici essentiellement au PV, commence à être produite et consommée directement par les usagers pour couvrir une partie de leur consommation ou pour revendre l’énergie produite sur le réseau. Les consommateurs résidentiels, mais aussi certains clients du secteur tertiaire (grandes surfaces commerciales, bâtiments agricoles, hôpitaux, etc.) investissent eux-mêmes dans leurs unités de production décentralisées et captent donc une partie du marché des renouvelables. L’implication de ces clients finaux est moins forte dans l’éolien terrestre, qui se prête moins à une implantation au plus près des lieux de consommation, compte tenu de la taille des installations et de l’espace nécessaire à leur fonctionnement.
20Les renouvelables sont donc un axe de développement fort des énergéticiens qui se concentrent sur les installations de grande taille ou sur les projets qui demandent la mobilisation de capitaux importants, tandis que le reste du marché est plutôt dévolu à de nouveaux acteurs, privés comme publics, qui adoptent une démarche de proximité. Ceci a évidemment des conséquences sur le paysage concurrentiel. La mainmise des groupes énergéticiens sur la production et les ventes d’électricité est écornée par le développement des énergies renouvelables qui permet à de nouveaux acteurs d’émerger et de capter une partie de la demande. Pour l’instant, compte tenu du faible poids des ENR dans les bilans énergétiques, ce mouvement est encore embryonnaire, il concerne au mieux quelques pour cent des quantités d’électricité produite et consommée. Cependant, avec le développement attendu des ENR et dans la perspective des objectifs fixés par l’Union Européenne, ce mouvement pourrait s’accélérer dans les années à venir, conduisant à un émiettement progressif du nombre d’acteurs et à la formation d’une frange active et importante de petits acteurs locaux, publics et privés. Tout l’enjeu pour les grands groupes énergéticiens européens (mais aussi américains) est donc de capter une partie de ce marché pour profiter de son dynamisme et pour éviter de voir d’autres acteurs leur grignoter des parts de marché.
Maîtriser les consommations
21Le second volet de la transition énergétique est l’exigence de maîtrise des consommations. L’objectif, très ambitieux, de réduction des émissions de GES et de dé-carbonisation de l’économie ne peut pas être atteint seulement grâce au développement des ENR. Il faut non seulement aller vers une substitution des énergies carbonées par des énergies sans carbone, mais également réduire le niveau global des productions d’énergie, ce qui nécessite d’agir sur les niveaux de consommation. C’est la raison pour laquelle l’Union Européenne a adopté en 2008 comme objectif d’améliorer l’efficacité énergétique de 20% d’ici 2020 par rapport à 1990. Ce qui signifie que l’Union Européenne vise à obtenir une réduction des consommations énergétiques dans l’ensemble des États membres de 20% durant cette période, réduction se calculant par rapport à un scénario tendanciel de progression « naturelle » des consommations.
22Sur un horizon plus lointain et dans la perspective tracée par l’Union Européenne, la France, par la voix du Président de la République, s’est fixé un objectif de réduction de 50% de ses consommations énergétiques d’ici 2050. Cet objectif devrait être repris dans le cadre de la loi sur la transition énergétique attendue pour 2014 (voir encadré).
La transition énergétique en France
23La plupart des économistes et des historiens considèrent que l’énergie a joué un rôle prépondérant dans la croissance économique dont ont bénéficié les pays développés depuis la fin du XVIIIe siècle. Les progrès technologiques en matière de production d’énergie (utilisation du charbon, développement de machines à vapeur) ont certainement contribué de manière décisive à la révolution industrielle. D’une part en rendant possible toute une série d’innovations induites et d’améliorations dans de nombreux secteurs, d’autre part en abaissant les coûts de fabrication de nombreux produits. L’utilisation de l’énergie et sa diffusion dans l’ensemble de l’économie sont au cœur de spectaculaires gains de productivité (du travail et du capital) et sont sources de croissance économique (Stern, Kander, 2012). Nos économies actuelles font encore une utilisation extensive de l’énergie, ce qui se traduit par des niveaux absolus de consommations de produits énergétiques qui progressent sans cesse. Ainsi, les consommations énergétiques mondiales ont plus que doublé depuis le milieu des années 1960, sous l’effet du dynamisme économique et démographique des pays émergents. Car dans les pays développés, on constate un mouvement de décélération progressive: le contenu en énergie du PNB tend à décroître tendanciellement. Cela se produit sous l’effet de la progression des rendements énergétiques, puis des transformations des poids respectifs des secteurs économiques avec le déclin de l’industrie (en partie délocalisée vers les pays émergents) et la montée en puissance des services. La « dématérialisation de l’économie » réduit la consommation d‘énergie par unité de PNB [5]. Par exemple en France, la consommation d’énergie (primaire ou finale) progresse moins vite que le PIB depuis les années 1970 et cette tendance s’accélère depuis les années 2000. Cela signifie qu’il faut de moins en moins d’énergie pour produire un point de richesse nationale supplémentaire. Ce type de phénomène existe dans l’ensemble des pays développés et touche aussi bien l’Europe que les États-Unis. À ces mouvements de long terme s’ajoutent les effets de la crise qui, depuis 2008, pèsent sur la croissance de la demande d’énergie dans la plupart des pays européens et contribuent, dans certains d’entre eux, à provoquer une stagnation (Allemagne, France), voire une réduction des consommations d’électricité en termes absolus (Espagne, Italie). Ce qui ne s’était jamais vu depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
24Ces évolutions sont accentuées par un ensemble de mesures qui sont prises en Europe pour améliorer l’efficacité énergétique. Ainsi, en France depuis 2005 des certificats d’économie d’énergie (C2E) ont été créés, qui visent à contraindre les fournisseurs d’énergies (électricité, gaz, chaleur, froid, fioul domestique puis dans un second temps les carburants pour automobiles) à réaliser des économies d’énergies. Des dispositifs équivalents existent dans d’autres pays en Europe (Italie, Royaume-Uni, etc.). Les fournisseurs d’énergies sont ainsi incités à promouvoir activement l’efficacité énergétique auprès de leurs clients: ménages, collectivités territoriales ou professionnelles. Chaque fournisseur d’énergie se voit attribuer en début de période une certaine quantité d’économies d’énergies à effectuer (définie au prorata de ses ventes) et doit justifier en fin de période de la réalité de ces économies en présentant aux pouvoirs publics des certificats en quantité égale à leurs obligations initiales. Pour chaque kwh économisé par une action réalisée par un fournisseur d’énergie ou par une action menée chez un de ses clients (et dont il est à l’initiative, par exemple des travaux d’isolation dont il fait la promotion ou le remplacement d’une chaudière qu’il subventionne en partie), celui-ci reçoit un certificat. À chaque action effectuée correspond un montant normé de kwh économisés, calculés (et actualisés) sur toute la durée de vie de l’installation. Si le fournisseur n’est pas assez actif ou ne parvient pas à obtenir le nombre de certificats identique aux quantités d’énergie qu’il doit économiser, il devra payer une pénalité, qui sera d’autant plus élevée que le nombre de certificats manquants sera important.
25Le dispositif des C2E est progressivement durci et étendu depuis sa mise en œuvre en 2005. Sur la première période, couvrant les années 20062009 (prolongée à 2010), 65 Twh cumac (cumulés et actualisés) ont été économisées pour un objectif initial de 54 Twh cumac. Les obligations retenues pour la deuxième période 2011-2013 (qui sera prolongée d’un an) sont de 345 Twh cumac (soit 6,4 fois l’obligation de la première période), dont 90 Twh cumac pour les distributeurs de carburant qui deviennent de nouveaux obligés du dispositif. Enfin, sur la troisième période (2015-2017), l’objectif est porté cette fois à 660 Twh cumac, ce qui représente un doublement des obligations par rapport à la période antérieure. La répartition des volumes d’énergie à économiser est fixée de manière à obliger chaque fournisseur à réduire ses consommations d’énergie de 1,5% par an, conformément aux objectifs fixés par l’Union Européenne (voir supra). Pour la troisième période s’ouvrant en 2015, les obligations ne sont plus seulement liées aux volumes d’énergie vendue, elles sont aussi fixées en fonction de leur prix de vente (MEDDE - Ministère de l’Écologie, du Développement Durable et de l’Énergie, 2013). Jusqu’à présent, les actions entreprises ont surtout concerné le secteur résidentiel, qui concentre à lui seul près de 80% des économies réalisées, suivi du tertiaire (11%) et de l’industrie (7%). Les économies réalisées dépendent des gisements potentiels et de leur accessibilité. D’abord partant des actions les plus aisées et les moins coûteuses pour aller vers des interventions plus difficiles et moins abordables, les C2E sont plutôt axés vers l’amélioration des appareils de chauffage (lors de leur remplacement) et les travaux d’isolation et de rénovation thermique (voir tableau 6).
Les dix premières opérations effectuées depuis le lancement du dispositif des C2E*
Les dix premières opérations effectuées depuis le lancement du dispositif des C2E*
*Par ce type d’opération en % de l’ensemble des quantités d’énergie économisées depuis 2006.26L’importance de ce volet de maîtrise des consommations d’énergie est réaffirmée par l’Union Européenne, qui a adopté une directive sur le sujet fin 2012. Cette directive reprend l’objectif de 20% sans toutefois le rendre contraignant, mais introduit une obligation pour les États membres de s’organiser afin d’économiser des volumes annuels d’énergie à l’aide de mécanismes similaires à celui qui existe en France, ou à défaut de mécanismes alternatifs (subvention, fiscalité du carbone, prix de l’énergie, normalisation.). Les voies d’organisation sont laissées à la main des gouvernements nationaux, mais tous devront faire respecter une diminution des volumes annuels de consommation d’énergies de 1,5% par an. La directive cible également les acteurs publics, qui doivent donner l’exemple en mettant en œuvre des programmes ambitieux de réduction de leurs consommations énergétiques: obligation de rénover annuellement 3% du parc immobilier de l’administration centrale; acquisition d’équipements, produits et services économes en énergies, construction de bâtiments à haute performance énergétique. La directive européenne prévoit enfin une meilleure information auprès des clients en matière de consommation d’énergies et le déploiement de compteurs intelligents favorisant la mise en œuvre de mécanismes de gestion active de la demande et de mécanismes d’effacement des consommations (JOCE - Journal Officiel de l’Union Européenne, 2012).
27On le voit, la transition énergétique qui s’engage est différente à plus d’un titre de celles qui l’ont précédée. Différente dans ces objectifs, mettant en avant à la fois l’essor des énergies renouvelables et la maîtrise des consommations, elle tend à remodeler le paysage concurrentiel et oblige les grands énergéticiens à revoir leurs positionnements stratégiques. Auparavant orientés vers la satisfaction d’une demande en hausse constante, ils tiraient parti des économies d’échelle obtenues grâce à l’utilisation de moyens de production centralisés de grande taille et aux réseaux interconnectés pour produire de l’électricité en grande quantité et à des coûts unitaires en diminution régulière. Cela a favorisé la formation d’un paysage concurrentiel organisé autour de groupes verticalement intégrés de grande taille, dotés de compétences techniques et de capacités d’investissement importantes. La transition énergétique vient percuter cette organisation et incite les grands groupes énergétiques à repenser leurs modèles d’activité. L’émergence des ENR bouleverse les fondamentaux du marché de l’électricité et favorise l’arrivée de nouveaux acteurs, qui captent une partie de la demande, auparavant dévolue aux grands groupes. En outre, la réduction progressive du rythme de progression de la demande d’électricité, liée soit à des évolutions sur le temps long du contenu en énergie de l’économie, soit provoquée par les mécanismes visant à favoriser l’efficacité énergétique, joue également sur les perspectives de développement des grands groupes énergéticiens.
Bibliographie
Bibliographie
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- JOCE, 2012, Directive 2012/27/UE du Parlement Européen et du Conseil du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique, Bruxelles: Journal officiel de l’Union Européenne, 11 novembre 2012
- MEDDE, 2013, Dispositif des certificats d’économies d’énergie Mise en œuvre de la troisième période (20152017), Paris: Ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Énergie, 13 décembre
- Navigant Research, 2013, World Market Update 2012. International Wind Energy Development Forecast 20132017, Navigant Consulting, Inc, [En ligne] URL: http://www.navigantresearch.com/research/world-market-update-2012 (acessed April 28, 2014)
- NREL, 2012, The past and future cost of wind energy, Colorado : National Renewable Energy Laboratory
- Pearson P., Foxon T., 2012, “A low carbon industrial revolution? Insights and challenges from past technological and economic transformations”, Energy Policy, vol. 50, pp. 117-127. [En ligne] [http://dx.doi.org/10.1016/j.enpol.2012.07.061] (accessed March 26, 2014)
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- Stern N., 2012, “Climate change and the new industrial revolution”, Lionel Robbins Lectures 2012, London : London School of Economics
- Stern D., Kander A., 2012, “The role of energy in the industrial revolution and modern economic growth”, The Energy Journal, vol. 33, n°3, pp. 125-152.
- World Bank, 2012, Turn down the heat. Why a 4°C warmer world must be avoided, Washington: World Bank Report
Notes
-
[1]
Transition [n.f.]: du latin transitio « passage ». Passage lent, graduel, transformation progressive (changement, évolution). Passage d’un état stationnaire à un autre [phys.]. Ce qui constitue un état intermédiaire, ce qui conduit d’un état à un autre (Source: Grand Robert de la Langue Française).
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[2]
Notons que la principale énergie renouvelable en Europe et dans le Monde reste l’hydraulique, mais c’est une technologie ancienne, dont les possibilités de développement, étroitement liées à la géographie, sont limitées. Le potentiel hydraulique en Europe est déjà largement exploité, même s’il reste encore certaines marges d’amélioration et la possibilité d’équiper quelques fleuves ou vallées. On ne peut donc pas s’appuyer sur un éventuel développement massif de l’hydraulique pour répondre aux enjeux de la transition énergétique.
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[3]
Les objectifs différenciés par pays sont en partie liés à leur situation initiale en matière de production ENR : la France, qui dispose d’un parc hydraulique plus important que l’Allemagne, se voit assigner un objectif plus élevé: l’effort de déploiement d’ENR à faire d’ici 2020 est ainsi à peu près similaire d’un pays à l’autre. Le paquet énergie-climat s’articule autour de trois objectifs : augmentation la part des ENR à 20% de la consommation finale d’électricité d’ici 2020, réduction des émissions de GES de 20% d’ici 2020 par rapport à 1990, augmentation de 20% de l’efficacité énergétique de 20% d’ici 2020. Le dernier objectif n’est qu’indicatif.
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[4]
En effet, un développement important du PV ne signifie pas que les clients puissent devenir autonomes et s’abstraire totalement de l’énergie issue des moyens centralisés de production et acheminée jusque dans leur lieu d’habitation par les réseaux de transport et de distribution. D’une part, parce que le solaire est une énergie intermittente, qui ne produit pas de manière régulière pendant toute l’année (et pendant toutes les heures d’une journée) et d’autre part, parce que les usages des consommateurs ne sont pas complétement synchrones avec la production PV. Il faut donc s’appuyer sur le réseau pour couvrir la demande qui n’est pas satisfaite par le PV, sauf à utiliser des moyens de stockage de l’énergie. Mais à l’heure actuelle et dans un avenir prévisible, les techniques de stockage sont encore beaucoup trop onéreuses pour rendre ce genre de scénario crédible à court-moyen terme.
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[5]
On a par exemple constaté une réduction de l’impact de la hausse des prix du pétrole sur les taux de croissance des pays développés lors des derniers épisodes de hausses brutales des prix.