Flux 2005/2 n° 60-61

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Article de revue

L'Amérique, la France, les réseaux : quand une entreprise de haute technologie française rachetait un géant américain des télécommunications…

Pages 96 à 104

English version

1Georges Pébereau a dirigé le cabinet de plusieurs ministres de l’Équipement avant d’entrer à la fin des années 1960 à la Compagnie Générale d’Électricité. Devenu Président du groupe, il lui donne dans la première moitié des années 1980 une dimension nouvelle à travers deux mouvements de croissance externe de grande ampleur : la fusion avec les activités télécommunications de Thomson puis le rachat des sociétés européennes de télécommunications du groupe ITT. La CGE sera par la suite réorganisée pour donner naissance principalement aux deux grandes entreprises d’équipements de réseaux : Alstom et Alcatel.

2Il évoque ici pour FLUX une époque où le rôle de l’État, la vision de la politique industrielle et le contexte international étaient différents de ce qu’ils sont désormais. Il se tourne aussi vers les interrogations du temps présent et en appelle à une nouvelle mobilisation des énergies au service d’une industrie nationale ambitieuse.

3Ce document reprend des éléments extraits de l’ouvrage : « L’industrie, une passion française », écrit par Georges Pébereau et Pascal Griset et préfacé par Thierry Breton. Presses Universitaires de France, mars 2005, 270 pages.

4Flux : Georges Pébereau, vous avez été l’un des principaux dirigeants de l’industrie française entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1980. À quel moment avez-vous décidé de choisir ce cap alors que vous étiez engagé dans une carrière plus classique de Haut fonctionnaire ?

5Georges Pébereau : J’ai tout d’abord été un ingénieur suivant le cursus classique de son Corps. J’ai ainsi été nommé en 1959 à la tête de l’arrondissement Est du service des Ponts et chaussées de l’ancien département de la Seine, après avoir contrôlé pendant quelques mois les transports parisiens et notamment la RATP. Les transports publics se développaient alors rapidement ; on parlait du RER mais on était sceptique sur la possibilité technico-économique de construire de nouveaux souterrains sous Paris. Je suis également devenu président de l’association des ingénieurs des Ponts et Chaussées et des Mines (PCM) avec deux vice-présidents prestigieux Pierre Guillaumat pour les Mines, Pierre Donatien Cot, pour les Ponts, et avec des collaborateurs de talent, parmi lesquels Claude Abraham qui deviendra par la suite président de la CGM, Jean-Pierre Chapon, futur secrétaire général de la Marine Marchande, Pierre Delaporte, futur président d’EDF.

6Pierre Guillaumat, alors président d’Elf Aquitaine, avait un prestige considérable. C’était un homme d’abord plutôt froid, alliant rigueur et autorité. Il fut pour moi un appui précieux tant par ses conseils dans le jeu vis-à-vis des membres du gouvernement, auquel je n’étais pas préparé, que par ses relations pour placer les ingénieurs des deux Corps. Pierre Donatien Cot, qui était alors directeur général de l’Aéroport de Paris, avant de devenir directeur général d’Air France, était également un homme de rigueur et d’autorité. Il se prit au jeu et n’hésitait pas à intervenir à mes côtés. Roger Gaspard, président d’EDF, qui avait été mon lointain prédécesseur aux Ponts et Chaussées de la Seine, me prit en affection et parraina mes premiers pas en dehors de mon sérail d’origine. À la tête du PCM, j’apparaissais alors, aux yeux de certains, comme un véritable chef de clan, dirigeant dans l’ombre les carrières des hommes, les décisions des administrations dans les domaines nous concernant… c’était bien évidemment très excessif et ne reflétait que très imparfaitement la réalité d’une action tournée vers la gestion des talents, au service du bien public, plutôt que vers la pérennisation d’un quelconque pouvoir clanique. J’ai assumé cette responsabilité de 1964 à 1966.

7Ma première mission consista à faire face à une décision gouvernementale, qui avait révolutionné le Corps des Ponts -la subordination des ingénieurs en chef des ponts et chaussées aux préfets dans les départements- et à contrebalancer le poids croissant des énarques dans les cabinets ministériels : à la suite d’une campagne agressive, dans laquelle je fus bien secondé par mes vice-présidents, dix-sept ingénieurs des Mines et des Ponts se retrouvèrent dans des cabinets ministériels après les élections de 1966 contre deux précédemment : une véritable révolution !

8Un objectif majeur dépassera cependant cette première action : obtenir du général de Gaulle et de Georges Pompidou la création d’un ministère regroupant les activités précédemment dispersées dans cinq ministères différents en matière d’urbanisme, de transport, de logement, de travaux publics et de tourisme. Cela répondait à une logique économique irréfutable et je finis par obtenir gain de cause avec l’appui actif de mes vice-présidents. Edgar Pisani devint ainsi le premier ministre de l’Équipement, assisté de deux secrétaires d’État, Roland Nungesser pour le logement et André Bettencourt pour les transports. Parrainé par François Bloch-Lainé, alors patron de la Caisse des Dépôts et Consignations, et par Paul Delouvrier, alors préfet de région de l’Île de France, j’entrai au cabinet d’Edgard Pisani, entouré d’un petit staff d’ingénieurs des ponts, parmi lesquels Claude Abraham et Pierre Delaporte. Au sein du cabinet, je supervisais l’ensemble du secteur économique avant de prendre quelques mois plus tard la tête de la direction de l’aménagement foncier et de l’urbanisme, qui était la direction la plus importante du nouveau ministère et qui intervenait en amont des autres directions pour l’élaboration des plans d’urbanisme et en aval par le pilotage des opérations d’aménagement urbain et, notamment, des villes nouvelles. Edgard Pisani était un homme remarquable. Grand résistant, d’une grande rigueur intellectuelle et morale, il alliait une parfaite maîtrise de la technocratie à des talents oratoires exceptionnels, illustrant que le verbe précède la pensée et la fait progresser. Il avait par passion et par raison le culte de la réforme, ce qui était chose rare chez les ministres. Nous avons conçu en quelques nuits, avec quelques collaborateurs, au château de Targé, qui appartenait à sa femme, Frenette Ferry, une loi foncière qui constitua à l’époque un événement et resta en vigueur jusqu’à ces dernières années, ainsi que deux lois cadres pour le logement et pour les transports. Edgard Pisani m’a beaucoup apporté : il m’a appris à sortir de ma peau de technocrate et à accepter l’intervention de l’irrationnel dans le processus de formation de la décision. Après son départ du Ministère de l’Équipement, je pris la direction de ses trois successeurs, François-Xavier Ortoli, Robert Galley et Albin Chalandon : tous trois furent et restent mes amis. J’ai piloté auprès d’eux la fusion des différentes composantes du nouveau ministère et le regroupement des corps de fonctionnaires concernés, ce qui n’était pas chose aisée.

9Flux : Lorsque vous entrez à la Compagnie Générale d’Électricité : quelle est sa situation, sa place dans l’industrie française ?

10Georges Pébereau : J’avais été sollicité par Ambroise Roux qui en cette fin des années 1960 œuvrait pour accéder à la présidence du groupe. J’arrivais dans une entreprise ancienne, mal connue dans le public, et dont j’analysais rapidement les faiblesses, mais aussi le potentiel. L’activité de la CGE avait été bouleversée par la nationalisation de l’après-guerre. Fabriquer des téléviseurs, des cuisinières, des accumulateurs ou des centraux téléphoniques n’avait rien à voir avec l’activité de production et de distribution d’électricité. Deux mondes totalement différents coexistaient.

11La culture ancienne du groupe était restée cependant présente durant de longues années. C’était un esprit suisse, lent et méthodique. L’entreprise était assez refermée sur elle-même, elle n’attirait pas les hommes de talent mais son image était positive. Avantage de cette frilosité, les bons de la Caisse Nationale de l’Énergie reçus dans le cadre de la nationalisation avaient été précieusement conservés dans un coffre. Là où d’autres s’étaient lancés avec ce capital dans des opérations ambitieuses et s’y étaient cassés les dents, la CGE avait amassé un véritable pactole. Les bons, dans ce cas de figure, se sont avérés être un excellent placement et sont devenus un véritable trésor de guerre pour qui oserait s’en servir. À la fin des années 1960, le temps était sans doute venu, car la culture ancienne s’était affaiblie. L’époque et les gens avaient changé, l’esprit avait évolué depuis 1945.

12En ce qui concerne les « courants faibles » qui représentaient un point important crucial de mes responsabilités, Ambroise Roux avait créé deux départements (commutation et transmission) dirigés respectivement par Louis Le Saget et François Merlin, deux hommes proches de lui, de sa génération. Ils contrôlaient ces domaines sensibles, car très liés aux commandes publiques. J’ai pris d’emblée en mains les relations avec les grands partenaires et concurrents, tout particulièrement avec Thomson CSF, LM Ericsson, Philips et, à moindre degré les filiales françaises d’ITT qui étaient beaucoup plus puissantes que nous et qui nous « snobaient ».

13À l’international, où nos accords de licence nous laissaient très peu de liberté, le seul contrat significatif portait sur la construction en Afrique du Sud, en plein apartheid, d’un réseau de transmission le long des voies ferrées. Nous y perdions -problèmes de sécurité aidant - des sommes considérables. J’ai passé plusieurs semaines à Johannesburg et au Cap pour négocier un repositionnement du Groupe avec deux interlocuteurs de qualité, le Général Postmaster Louis Rives et le Ministre des Télécommunications et des Sports. Ce dernier n’était autre que le futur président de Clerk.

14Flux : Quelles furent les évolutions qui permirent à ces activités, et notamment à celles de CIT-Alcatel, de prendre une telle ampleur ?

15Georges Pébereau : A l’échelle de la France, l’élan donné par Georges Pompidou en matière de politique industrielle a été décisif. Georges Pompidou était un cerveau exceptionnellement organisé. Il ne tolérait pas une note de plus d’une page et demie et il y répondait en quelques mots d’une extrême précision. Lorsqu’il s’agissait d’industrie, il savait se tourner immédiatement vers l’essentiel de manière très pragmatique et s’inscrivait dans la continuité. Son pouvoir d’analyse était exceptionnel, ses décisions étaient parfaitement rationnelles et d’une parfaite clarté. Il n’est pas faux d’établir une réelle continuité entre son action à Matignon et à l’Élysée pour ce qui concerne les affaires industrielles.

16Sa nomination à Matignon avait été, pour moi comme pour beaucoup, une surprise. Il succédait à Michel Debré, qui devenait ministre de l’économie et des finances et tout le monde attendait avec intérêt de voir comment s’établirait l’équilibre entre les deux hommes. J’assistais à l’époque à certains comités interministériels et j’ai pu suivre avec fascination la manière dont Georges Pompidou s’est imposé sans que rien ne vienne troubler l’harmonie de ces réunions. Michel Debré était un homme très attachant, par son intelligence, sa fougue, sa gentillesse, et il avait toute l’autorité que lui conférait le rôle qu’il avait joué auprès du Général pour la rédaction de la Constitution. Au cours des toutes premières séances, il apparaissait un peu comme une référence, un juge de paix… Progressivement Georges Pompidou a pris véritablement le pouvoir, par sa façon de préciser, de corriger, de remettre parfois les ministres à leur place. En trois mois, il était devenu un Premier ministre à part entière, véritable patron contrôlant totalement le pouvoir. Il avait alors la pleine maîtrise de son art. Auprès de Georges Pompidou, à Matignon, il ne faut pas oublier le rôle qui a été tenu par René Montjoie. Ingénieur des mines, il avait été recruté par François-Xavier Ortoli. Homme d’une remarquable intelligence, doté d’un esprit de synthèse exceptionnel, il avait en charge le secteur économique. C’était un personnage clef de l’équipe et son rayonnement en faisait un véritable directeur adjoint de cabinet. Il succéda à Ortoli au commissariat général du Plan, avant qu’une maladie affreuse ne l’emporte. C’est Bernard Esambert qui lui succéda. Cet homme remarquable s’est révélé dans un style très différent de celui de son prédécesseur. Il coordonnait directement et effectivement une masse considérable d’affaires dépendant de différents ministères qu’il associait à la préparation des décisions. Là, se faisait réellement la politique industrielle de la France. Il était dès lors presque inutile de travailler avec les ministères. Mes relations avec le Ministère des finances étaient ainsi quasiment nulles.

17Flux : Cette politique industrielle n’a t’elle pas entraîné des proximités trop fortes entre certaines entreprises, notamment la CGE, et l’État ?

18Georges Pébereau : Si indubitablement une véritable complicité existait pour mettre en phase les projets de la CGE avec les ambitions de la politique industrielle de la France, beaucoup de choses ont été déformées ou exagérées en la matière. Il est certain qu’Ambroise Roux fut l’un des très grands champions de l’interpénétration, allant jusqu’au mélange des genres, entre l’administration et l’entreprise et qu’il orientait sans doute plus spontanément le groupe vers les domaines qui dépendaient d’une manière ou d’une autre du Pouvoir, tâche facilitée au demeurant par sa position au CNPF. Il fit de ce postulat un véritable système. Peu d’hommes ont réussi en ce domaine aussi bien que lui. Je me suis tout d’abord inscrit dans ce dispositif, pour lequel j’étais à vrai dire parfaitement préparé.

19Je pensais sincèrement servir de manières complémentaires l’intérêt du pays et celui du groupe dans une démarche qui s’inscrivait dans le processus national visant l’émergence mondiale de l’industrie française. Mon expérience de la haute administration et de l’État me permettait de m’adapter parfaitement à cet environnement. Ma chance fut sans doute de rester suffisamment longtemps (18 mois) en cabinet ministériel pour en comprendre tous les mécanismes et suffisamment peu pour ne pas en prendre les travers. Dans les discussions, j’étais à la limite plus à l’aise pour jouer le rôle de mes interlocuteurs que le mien propre.

20Lors de négociations avec telle ou telle administration, je n’éprouvais de la sorte aucune difficulté à me placer dans la problématique de mon interlocuteur. Je pouvais penser comme lui, adopter ses références, m’engager dans un processus dialectique à l’issue duquel je lui proposais, dans des termes qui auraient pu être les siens, la solution qui me convenait et dont il avait besoin.

21Il serait vain de nier qu’en passant ainsi d’un système de valeurs à un autre, qu’en jouant de cette faculté d’adaptation à une demande non formulée que je faisais apparaître, il y avait de l’habileté et le souci de conclure des affaires profitables pour mon entreprise. Cette dualité n’était pourtant pas factice. Elle exprimait également ma pensée profonde et ma conviction que la convergence entre les intérêts de mon groupe et les priorités de l’État était à cette époque bonne pour la France. Cela correspondait d’ailleurs tout à fait à l’esprit des projets lancés sous l’égide du Commissariat Général du Plan sous l’ère de Gaulle – Pompidou, dont sont nées les grandes réalisations des décennies 70 et 80.

22Flux : En quoi la nationalisation de la CGE en 1982 a t’elle changé la donne ?

23Georges Pébereau : La nationalisation des moyens de production était évidemment un contre-sens, qui allait à contre-courant de l’évolution économique mondiale. Très singulièrement, et parce qu’elles n’ont pas duré assez longtemps pour produire leurs effets nocifs sur l’organisation et sur les comportements, les nationalisations ont cependant été d’une certaine façon une chance pour l’économie française en mettant fin à une forme de capitalisme dépassé, en ce qui concerne tant les hommes que les structures et les stratégies.

24Elles ont ainsi permis de mettre un terme à un système patriarcal, avec des mandats d’hommes trop vieux, privilégiant leurs problèmes d’ego et se cooptant mutuellement, sans que les actionnaires aient leur mot à dire.

25Elles ont également légitimé les convergences État-Entreprises de la période précédente et permis d’agir de façon plus rapide et plus claire dans le cadre d’une stratégie visant à la mise en place d’entreprises françaises mondialement compétitives.

26Enfin au plan international, les grands concurrents ont été pris de court. Ils n’ont pas réellement compris ce qui se passait. La portée des nationalisations leur a longtemps échappé et ce n’est que plus tard qu’ils réagirent pour contester la légitimité d’un dispositif qui donnait aux groupes français des moyens d’action garantis par l’État mais déployés dans le cadre d’une économie libérale, sans courir le risque d’OPA. Il est certain que toutes les opérations internationales, que nous avons menées à bien, depuis Kabelmetall jusqu’à ITT et ATT auraient dû susciter les mêmes réactions qu’aujourd’hui les opérations de croissance externe envisagées par EDF en Italie, en Espagne et ailleurs, à cela près que nous étions relativement petits mais considérés, à travers nos filiales, comme des acteurs à part entière dans la compétition internationale.

27Ces points se retrouvent pour la CGE. Même si l’âge ne jouait pas en ce qui le concerne, la mise à l’écart d’Ambroise Roux, président du groupe depuis 1970, a été ressentie de manière tout à fait positive, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la CGE, en faisant disparaître toute connotation politique ou nombriliste dans la gestion. Les entrelacs privé-public si complexes et parfois opaques, qui caractérisaient la CGE des années 1960-1970, devinrent inutiles. Il fut dorénavant possible d’agir au grand jour, plus sainement, avec des objectifs qui restaient globalement les mêmes. En termes de stratégie internationale, nous étions devenus non opérables et nous avions simultanément une possibilité de jeu, appuyée par les fonds publics, théoriquement illimitée.

28Flux : La reprise des activités télécommunications de Thomson a été un premier tournant dans la construction d’un groupe pouvant atteindre la taille critique sur le plan international. Comment celle-ci s’est t’elle organisée alors que les gouvernements successifs s’y opposaient depuis les années 1970 ?

29Georges Pébereau : Les méandres du processus politique de la décision m’échappent évidemment. Pour moi, tout commence rue de Grenelle dans le bureau de Laurent Fabius, lorsque celui-ci téléphone à Alain Gomez en ma présence et nous demande à tous deux d’étudier « ce qui peut être fait d’intelligent entre les deux groupes, qui ont le même actionnaire ».

30À partir de là, s’engage la négociation entre les deux présidents. Il apparaît entre nous une parfaite convergence de vues et nous arrivons très rapidement à la conclusion qu’un accord satisfaisant pour les deux parties est à notre portée.

31Le contenu de cet accord est considérable : il s’agit non seulement de reprendre les activités téléphoniques de l’ancien Thomson que nous convoitions naguère, mais également les sociétés LMT et Ericsson France, ce qui nous donnait près de 80% du marché français de la commutation publique avec, pour seul concurrent, la CGCT restée filiale d’ITT et orpheline de LMT. S’ajoutaient à cela les activités câbles et les activités PABX et terminaux qui permettaient de renforcer significativement les Câbles de Lyon et TELIC Alcatel. J’attachai une particulière importance à la division radiotéléphone, qui était très complémentaire de nos propres activités dans le téléphone et qui était une excellente base de départ vers les domaines d’avenir que constituaient le téléphone mobile et l’exploitation de réseaux de téléphonie radiomobile, et dont nous avions jeté les premiers jalons à l’intérieur du groupe avec Xavier Namy.

32Tout cela constituait un véritable bouleversement de l’échiquier industriel qui n’avait rien à voir avec les opérations dont nous avions rêvé en d’autres temps et qui propulsait Alcatel de la onzième à la sixième place dans le classement mondial, avec, il faut bien le dire, une surpondération du marché national. La presse m’accusa de réaliser mon rêve secret en faisant « Téléphone de France », mais ce n’était qu’une première et petite étape sur la voie de la mondialisation…

33Restait à faire passer politiquement ces projets d’accord avec l’appui de Laurent Fabius.

34Au Ministère des PTT, seul Jacques Dondoux était capable de mesurer le problème technique et industriel auquel était confronté Thomson, et l’ampleur de l’enjeu international. Cela devait suffire. Matignon et la rue de Rivoli étaient hors du circuit.

35Restait l’Élysée. Charles Salzmann, qui avait une claire perception de l’échiquier international était pour, mais il n’était en charge que de l’informatique. Alain Boublil, qui était responsable du reste de l’industrie, était plutôt contre. Il nous invita à déjeuner, Alain Gomez et moi. Nous nous répartîmes les rôles et, à la fin du déjeuner, ce n’était plus notre projet, mais celui d’Alain Boublil, à l’objectivité duquel je dois rendre hommage.

36Dès lors, les carottes étaient cuites : la locomotive Boublil et l’appui de Laurent Fabius firent le reste.

37J’étais fondamentalement d’accord avec Alain Gomez mais les problèmes sont fort naturellement apparus lorsqu’il s’est agi de fixer le prix. Bien entendu, tout cela relevait en quelque sorte de transferts entre groupes ayant le même actionnaire, mais la négociation entre Alain Gomez et moi fut aussi dure sur les prix qu’elle avait été consensuelle sur les autres domaines. Il n’était pas question pour moi d’importer les pertes de Thomson, dont je savais qu’il faudrait plusieurs années à mes équipes pour les résorber. D’autre part, la négociation n’était pas à deux et il ne fallait pas que l’effort global des PTT, tant du point de vue des commandes que des dépenses de recherche, se relâche à l’occasion de la fusion. Jacques Dondoux fut donc étroitement associé à nos négociations et nous parvînmes à un accord à trois acceptable pour Thomson et qui ne grevait ni les finances, ni les résultats d’Alcatel et des Câbles de Lyon si nous tenions nos objectifs de gestion, qui étaient ambitieux

38Flux : Peu de temps après ce sera l’opération de rapprochement avec ITT qui fera d’Alcatel le numéro 1 des télécommunications mondiales. Cette opération a surpris. En toute logique les observateurs prédisaient plutôt en 1984 la disparition des entreprises européennes sous les assauts des sociétés américaines bien plus puissantes…

39Georges Pébereau : La « logique » s’est en effet trouvée démentie par une conjoncture favorable et l’opportunité pour la CGE de se porter acquéreur des activités télécommunications d’ITT en Europe. Nous étions bien plus petits que notre « proie » et pourtant, sur ce point, ma stratégie, si elle n’était pas évidente dans sa mise en œuvre, fut parfaitement claire dans ses objectifs : il me fallait prendre le contrôle effectif du futur groupe tout en limitant la mise de fonds financière. Je voulais d’autre part conserver dans toute la mesure du possible les axes forts de la stratégie d’alliance de la CGE. La ligne de conduite d’ITT était en revanche plus floue. Il est vrai qu’au cours des mois qui avaient vu émerger progressivement le projet, la situation ne s’était guère éclaircie en Europe. L’industrie des télécommunications présentait encore un visage fragmenté et les stratégies des uns et des autres restaient hésitantes.

40Pour que l’opération soit supportable financièrement je devais intégrer un nombre significatif de partenaires. Nous avons donc envisagé de multiples associés pour le tour de table de la holding. L’écheveau européen était cependant si difficile à démêler que la plupart des choix évoqués recelaient autant d’avantages que d’inconvénients tant les partenariats et les marchés étaient intimement imbriqués.

41En Grande-Bretagne Rand Araskog penchait pour une alliance avec GEC au détriment de Plessey. Je me montrais plus circonspect. Je devais dépasser la seule perspective d’une dynamique propre à Alcatel-Thomson, pour préserver le réseau tissé plus largement, dans d’autres métiers que les télécommunications, par la CGE. Sans être hostile à un rapprochement avec GEC, j’aurais préféré Plessey pour éviter un affrontement direct avec Siemens. En Belgique, Rand Araskog insistait pour qu’aucune initiative ne puisse être mal interprétée par Albert Frère, alors que mon penchant naturel me portait vers la Générale de Belgique. En Italie nous hésitions entre Italtel et l’IRI. Cela rendait les choses très compliquées, car le montage progressif de l’accord devait absolument tenir compte des futures alliances ou partenariats.

42Des choix devaient, en effet, être rapidement arrêtés en matière de politique commerciale pour pouvoir établir des projections crédibles dans notre business plan. Pour cela, il nous fallait de l’information, mais toute investigation risquant de nuire à la discrétion indispensable au bon déroulement des négociations nous devions également nous montrer extrêmement discrets. Rand Araskog était particulièrement pointilleux sur cet aspect des choses, exigeant que tout contact pris par un membre de la CGE avec un collaborateur de son groupe soit au préalable soumis à son accord personnel.

43J’étais plus détendu sur cet aspect du dossier. Mes réseaux personnels, les divers contacts entretenus par la CGE, me donnaient un ensemble d’informations très complet sur les possibilités existantes en Europe. Les liens privilégiés avec la Générale de Belgique, les réseaux plus personnels de Michel David Weill, de fréquents contacts avec Étienne Davignon me permirent, lorsque cela s’avéra nécessaire, de tester certaines hypothèses ou bien de disposer d’informations précieuses conservées pour le jour où chacun devrait enfin réellement dévoiler son jeu. J’étais en revanche beaucoup plus attentif au contexte politique susceptible de peser sur mon action. Entreprise nationalisée, la CGE était soumise aux décisions prises par son actionnaire, l’État. À mesure que s’approchait l’échéance électorale de 1986, la marge de manœuvre dont je disposais devenait plus incertaine. Je devais en effet prendre en compte les exigences du gouvernement tout en anticipant, de manière croissante, un retour éventuel de la droite au pouvoir.

44On oublie trop souvent que le rachat des activités télécoms d’ITT en 1986 n’était que l’un des volets d’un diptyque dont l’autre élément était constitué par des accords de grande envergure avec AT&T et Philips. J’avais en effet conclu avec APT, filiale commune de ces deux groupes, des accords de grande ampleur. Ils donnaient à Alcatel le leadership mondial sur le marché des faisceaux hertziens qui constituaient jusque-là une lacune dans sa gamme de produits et renforçaient significativement sa position pour les équipements de satellites. Ils lui permettaient de devenir clairement le n°1 mondial du téléphone devant AT&T. L’essentiel était pourtant bien dans le fait que ces accords introduisaient AT&T sur le marché français du téléphone, c’est-à-dire qu’Alcatel, leader mondial dans le secteur, aurait subi la concurrence du n°2 sur son marché domestique. Alcatel, qui avait fondé son développement sur une distorsion à son profit des lois de la concurrence, avait rempli son contrat en devenant le n°1 mondial et avait tout intérêt à se replacer en économie de marché sur son marché national et à y prouver sa compétitivité. Le risque au demeurant n’était pas considérable et nous avions mené en parallèle cette négociation avec celle développée avec ITT. Elles étaient pour moi indissociables.

45Alors qu’il entérinera les accords ITT, le gouvernement issu des élections législatives de 1986 refusera pourtant d’approuver les accords avec AT&T et Philips. Les raisons de cette décision demeurent à ce jour inexplicables pour moi. En guise de « concurrence », il fut décidé d’introduire sur le marché français LM Ericsson (qu’un précédent gouvernement en avait fait sortir à grands frais) et Matra (dont c’était le début dans le secteur de la commutation publique). L’avenir démontra que cette option n’était sans doute pas la meilleure…

46Flux : Les atouts dont disposait l’industrie française dans ce domaine des grands équipements de réseaux ont-ils été valorisés de manière satisfaisante ?

47Georges Pébereau : En ces premières années du siècle, je ne peux m’empêcher de penser que trop de bases patiemment construites pour développer une industrie française solide et garante de l’indépendance nationale dans ces domaines stratégiques ont été gaspillées. Faut-il pour autant parler de déclin irrémédiable et considérer que désormais les jeux sont faits ? Je ne veux pas le croire bien que la France n’ait pas su prendre les dispositions nécessaires pour préserver autant que faire se peut la maîtrise capitalistique et managériale de nos entreprises et pour optimiser leur insertion dans ce nouveau cadre. Nous subissons la mondialisation comme un mal inéluctable, alors que nous l’avions anticipée il y a trente ans, comme une chance exceptionnelle pour la France d’accroître son rayonnement mondial. Le bilan des entreprises publiques, privatisées ou en voie de l’être est pour le moins contrasté et certainement décevant au regard des espoirs qui étaient placés en elle au début des années 1990. Du côté des entreprises privées, on a assisté à une montée régulière des fonds de pension et de retraite anglo-saxons dans le capital de nos entreprises, facilitée par l’affaiblissement de la capacité d’intervention des groupes financiers français -Caisse des dépôts et consignations, compagnies d’assurances et banques- et par l’incapacité des gouvernements de favoriser l’apparition de nouveaux intervenants français de taille appropriée. Les reculs successifs sur la mise en place de véritables fonds de pensions français ont joué un rôle déterminant dans ce processus d’abandon. Aujourd’hui, les groupes anglo-saxons détiennent plus de 40% du capital des sociétés du CAC 40. L’actualité récente donne une illustration cruelle du déclin de l’industrie française : deux vecteurs essentiels, mais pourtant négligés, de l’ambition, la recherche et le capital, ont défrayé la chronique au cours des derniers mois. La recherche tout d’abord : un pays, qui s’abandonne économiquement, renonce en priorité à son effort de recherche, qui conditionne l’avenir des générations futures. Au-delà d’affrontements, qui ne sont dépourvus, ni d’enjeux corporatistes, ni d’arrière-pensées politiques, il est clair que la France a perdu beaucoup de terrain dans le domaine de l’excellence scientifique et technique depuis un quart de siècle. Nombre de chercheurs, dépenses d’équipement, dépôts de brevets, tous les indicateurs démontrent que la crise est profonde et que la mobilisation du pays pour un projet ambitieux en matière de recherche n’est plus qu’un vieux souvenir. Autre signe révélateur : les quelques grands succès industriels du temps présent reposent sur des programmes déjà anciens, tels Airbus, Ariane, le TGV, le nucléaire. Ces programmes existent aujourd’hui parce que quelques entreprises, dont la CGE, ont accepté, il y a quelques décennies, de donner une priorité absolue à la recherche dans leur stratégie industrielle, non pas seulement à la recherche-développement, mais à de véritables programmes de recherche pluriannuels visant à promouvoir des produits compétitifs sur la fin du siècle. Depuis lors, beaucoup d’autres fronts industriels se sont ouverts et la recherche française apparaît par trop discrète dans des domaines clairement identifiés comme stratégiques pour le siècle à venir. Comment ne pas être surpris par exemple de la relative discrétion des initiatives françaises dans les biotechnologies, alors que ce domaine semblait promis à un bel avenir dans notre pays dès les années 1990 ? Une des clés du succès des programmes de la décennie 1960-1970 résidait dans l’articulation entre recherche publique et recherche privée, sans laquelle Alcatel et Alstom n’auraient pas mondialement existé. Ce lien, qui répondait à des besoins de circulation des savoirs et des financements, n’est plus réellement assuré aujourd’hui et certaines structures publiques, et non des moindres, se sont sclérosées. Le problème est de plus en plus d’actualité compte tenu, d’une part, de l’importance des moyens affectés à la recherche publique et, d’autre part, de la privatisation de larges pans de l’économie. Il reste à espérer que la loi programme annoncée par le gouvernement mobilise une véritable ambition et organise une profonde remise en ordre des structures.

48Flux : Plus que d’audace technique ou de compétence économique, il vous semblerait donc que le problème reste politique ?

49Georges Pébereau : En prenant ce mot au sens large oui. L’« Affaire » Danone l’a encore démontré récemment : qui décide réellement de l’avenir de nos grandes entreprises ? Lors des présidences de Charles de Gaulle ou de Georges Pompidou, la situation était d’une parfaite clarté : la maîtrise française du capital était le maître mot de la politique industrielle et nous avions pleinement conscience que c’était une ambition dans la durée d’autant plus exigeante que la mondialisation des marchés nous apparaissait comme inéluctable et rendrait de plus en plus nécessaire de préserver l’indépendance de nos centres de décision. C’est avec cet objectif et dans cette perspective que nous avons fait grandir la CGE et qui nous lui avons donné la structure d’un conglomérat industriel, la taille et la diversité des activités constituant un dissuasif à une éventuelle OPA. La protection du capital de la CGE, facile à assurer, s’étendait ipso facto à l’ensemble de ses filiales. Depuis lors, la maîtrise du capital de nos entreprises a cessé d’intéresser nos dirigeants et les fonds anglo-saxons exercent désormais une influence prépondérante. Dans le même temps, le processus de concentration internationale s’est inexorablement poursuivi. Il est désormais de plus en plus difficile d’être un acteur indépendant sur la scène internationale. Certes, la taille n’est pas une garantie contre les OPA. On a vu récemment des entreprises prendre le contrôle de sociétés dont la capitalisation était nettement supérieure à la leur. Il n’en reste pas moins qu’une capitalisation importante associée à une gestion dynamique constitue la base de toute indépendance. Or, le temps des OPA semble revenu : les rumeurs se multiplient et les « cibles » sont désignées. Nombre d’entreprises françaises voient leur nom apparaître dans la presse économique. Elles sont gratifiées d’attraits indéniables, ce qui est flatteur, mais semblent d’autant plus vouées à un destin inéluctable faute d’une capitalisation ou d’une structure de capital leur permettant de résister à un éventuel prédateur. Car la réussite n’est plus, bien au contraire, la garantie de la pérennité. Danone ou bien encore Carrefour, présentées comme des exemples de réussites du capitalisme français, ne sont-elles pas ainsi désignées comme des proies potentielles ? Dans le même temps, Bruxelles paraît incapable de proposer les lignes de force d’une politique industrielle européenne et semble se résigner à jouer les juges de paix d’un libéralisme orthodoxe servant naïvement les intérêts de groupes extérieurs à l’Union. L’affaire Schneider-Legrand a tristement démontré que la réalité du pouvoir, dès lors qu’il s’agit d’opérations importantes, a été irrémédiablement transférée à Bruxelles. Le secteur de l’aluminium a conforté ce sentiment. Rien ne semble ainsi avoir été possible pour résister à l’offre hostile du canadien Alcan sur Pechiney. Ce groupe avait pourtant été considéré pendant une très longue période comme un fleuron de notre industrie, qu’il fallait absolument préserver. Il avait été nationalisé, des fonds publics y avaient été investis et le redressement était acquis. Tout cela se conclut par une disparition favorisée, qui plus est, par des décisions absurdes de Bruxelles bloquant les initiatives, qui auraient justement pu donner à Péchiney les bases d’un développement durable. Avec les nationalisations, la France avait placé de larges pans de son industrie dans une situation d’exception. La dimension globalement négative de cette décision politique avait été partiellement compensée par les atouts dont certaines d’entre elles avaient su tirer parti. Fallait-il encore gérer au mieux la sortie de ce statut. Hélas, l’actualité de notre industrie montre qu’il n’y a pas eu de réflexion globale pour définir une politique de privatisation cohérente, assumée dans la durée, au-delà des clivages politiques, et permettant de lancer des entreprises suffisamment armées et musclées dans la compétition internationale. Dès lors, les réussites comme les échecs relèvent des circonstances, du plus ou moins grand talent des dirigeants, ou bien encore d’aléas conjoncturels. La « naïveté » du système des noyaux durs, qui permettait de satisfaire le chauvinisme supposé de l’électorat, apparaît désormais au grand jour. Alors que l’État, détenant 100% du capital, avait en mains tous les atouts pour organiser, avec d’autres groupes industriels et financiers, des alliances structurelles assurant une certaine pérennité de l’actionnariat, rien n’a été mis en place en 1986 pour s’assurer du contrôle capitalistique à long terme d’entreprises pourtant jugées stratégiques pour l’avenir du pays et dans lesquelles on avait, dans de nombreux cas, englouti des milliards de fonds publics. Leur structure capitaliste ne leur assure aujourd’hui aucune protection. On le sait, les entreprises dites « françaises » ne le sont donc plus réellement. On peut certes argumenter et mettre l’accent sur l’importance du management, de la localisation du siège social, tout cela, je l’admets, n’est pas anodin. Il n’en reste pas moins qu’en dernière analyse, lorsque les difficultés imposent des décisions graves ou bien encore lorsqu’une OPA menace l’entreprise ou bien tout simplement lorsqu’il s’agit de localiser les activités, ce sont les propriétaires qui décident…

50Flux : Votre regard semble quelque peu pessimiste…

51Georges Pébereau : Il se veut au contraire actif et positif. Le paysage n’est pas uniformément gris. Air France, malgré une conjoncture internationale difficile, ou bien encore, après une passe difficile dont le groupe est maintenant tiré d’affaire, France Télécom, démontrent qu’une privatisation menée de manière raisonnée par des hommes compétents, peut réussir tout en préservant l’intérêt national. Si l’on adhère à l’idée que toute véritable gouvernance industrielle au service de la prospérité et de la sécurité des citoyens passe par une implication forte du politique, il reste à constater que, seuls, les États-Unis sont en mesure de faire concorder un espace politique doté d’une véritable vision et un espace économique unifié, prospère et dynamique, alors que l’Europe n’existe pas comme espace politique et que les états membres ont individuellement une taille insuffisante pour adosser des entreprises à vocation mondiale. Cette cohérence entre espace politique et espace économique est aujourd’hui plus qu’hier fondamentale, sauf à accepter d’affronter les nouveaux défis du siècle les mains bandées. Si l’euro a sans nul doute permis d’apporter des éléments de réponse à cette équation, ils ne sont que très partiels. Pour notre industrie, il s’agit de manière urgente de reprendre la main en matière de contrôle capitalistique, si cela est encore possible. Il est également urgent d’offrir à nos entreprises un marché domestique ancré sur un territoire politiquement cohérent et d’une dimension suffisante. Une telle évolution bousculerait bien des habitudes. Elle ne pourrait se concrétiser sans doute, comme bien d’autres tournants majeurs de notre histoire, que par une initiative forte, prise par le couple franco-allemand. La définition d’une politique industrielle commune, voire d’une politique économique commune, autour, par exemple, d’une délégation ministérielle franco-allemande, dotée de pouvoirs et de moyens et relevant directement de la tête de l’exécutif, pourrait sans nul doute poser les bases d’une nouvelle époque.


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Date de mise en ligne : 01/01/2008.

https://doi.org/10.3917/flux.060.0096
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