Flux 2019/4 N° 118

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Article de revue

Aux sources de la protection des réseaux : la menace des sabotages allemands et la garde des voies de communication en France (1871-1914)

Pages 11 à 22

Notes

  • [1]
    Sur les plans français, voir : Sawicki, 2012.
  • [2]
    Plan de mobilisation et de concentration des armées françaises préparé en 1913 et mis en œuvre le 2 août 1914 par le général Joffre. Il implique des offensives françaises en Haute Alsace, en Lorraine et dans l’Ardenne belge.
  • [3]
    Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917), 1932, tome premier, Paris : Plon, p. 149.
  • [4]
    Service historique de la Défense, archives de la Guerre (SHD GR), 1N4, Conseil supérieur de Guerre, séance du 4 juin 1888.
  • [5]
    Archives nationales (AN), F/7/12641, Colonel Vincent à commissaire spécial de police (CSP) de Pagny-sur-Moselle Schnaebelé, 26 juin 1884. CSP de Belfort au même, 17 juillet 1884.
  • [6]
    SHD GR, 7NN741, Notes, 10 janvier 1888 et pour le 4e bureau, conversation d’un officier d’État-major allemand, 11 janvier.
  • [7]
    Ibid., Note d’informations, s.d.
  • [8]
    Archives départementales de Meurthe-et-Moselle (ADMM), 2R10, Note de service de la direction de la Sûreté générale, 20 octobre 1890.
  • [9]
    Le nom du SR français employé de 1886 à 1899.
  • [10]
    L’agent allemand prétend ainsi avoir recruté 266 agents destructeurs, ce qui est évidemment exagéré (ce nombre est déjà le double des agents immatriculés que possède réellement le SR allemand en France en 1914) ou savoir quels sont les objectifs qu’il a relevés approuvés par l’État-major allemand pour être sabotés.
  • [11]
    Archives du ministère des Affaires étrangères (MAE), Affaires diverses politiques, Allemagne, carton 41, ministre de la Guerre à ministre des Affaires étrangères, 21 novembre 1891.
  • [12]
    Ibid., Note de Paris, 31 octobre 1891.
  • [13]
    Ibid., novembre 1891.
  • [14]
    SHD GR, 7N99, Note pour le 3e bureau de l’État-major général, 21 août 1886.
  • [15]
    Ibid., 15 novembre 1886 et 7N1744, Instruction pour le directeur général des chemins de fer et des étapes, mars 1886.
  • [16]
    SHD GR, 7N99, Instruction provisoire du 7 janvier 1887 sur la surveillance des voies ferrées et de leurs abords et la garde des ouvrages d’art à la mobilisation.
  • [17]
    SHD GR, 7N1745, Instruction pour la direction générale des chemins de fer et des Etapes, mars 1887.
  • [18]
    SHD GR, 1N4, Procès-verbal du Conseil supérieur de Guerre, séance du 4 juin 1888.
  • [19]
    SHD GR 7NN4/575, Note de Paris, 14 janvier 1889, n° 11564.
  • [20]
    Ibid., n° 11565.
  • [21]
    SHD GR, 7NN741, Instruction générale relative à la garde et à la surveillance militaire des voies ferrées, réseau PLM, au 1er septembre 1891.
  • [22]
    Ibid., Note jointe à l’instruction du 12 mai 1890.
  • [23]
    Ibid., Note pour les commissaires militaires, 23 mai 1890.
  • [24]
    SHD GR, 7NN4/574, Note pour les commissaires militaires, 4 juin 1890.
  • [25]
    Paris-Lyon-Méditerranée.
  • [26]
    SHD GR, 7NN4/574, Garde des voies de communication, chemin de fer, tableau des lignes à garder, s. d.
  • [27]
    Ibid., Note pour les commissaires militaires, 20 avril 1891.
  • [28]
    SHD GR, 7NN741, Note pour les commissaires militaires, 11 janvier 1892.
  • [29]
    ADMM, 4M273, Préfet de Meurthe-et-Moselle à sous-préfet de Toul, 9 avril 1891.
  • [30]
    MAE, Affaires diverses politiques, Allemagne, carton 41, note de Paris, 31 octobre 1891.
  • [31]
    SHD GR, 7NN4/575, Note pour le 4e bureau de l’État-major de l’armée (EMA), 7 février 1898.
  • [32]
    SHD GR, 7N674, Notes de la Section de Statistique, 22 avril 1893 et pour le 4e Bureau de l’EMA, 12 mai 1893. Le SR apprend aussi en 1891 que « des projets criminels » seraient tentés « en cas d’événement » contre un réservoir du département de la Côte d’Or.
  • [33]
    AN, F/7/12726, CSP Avricourt, 28 juin 1905. Préfet de la Meuse à ministre de l’Intérieur, 8 août 1905.
  • [34]
    Nouveau nom du SR à partir de 1899.
  • [35]
    SHD GR, 7NN326, Projet de destruction de voies ferrées françaises par des détachements allemands, 12 septembre 1907.
  • [36]
    SHD GR 7NN2/690, Note du SR, 17 décembre 1907.
  • [37]
    SHD GR, 1K173, Fonds Andlauer, conférence du 24 octobre 1925, p. 14.
  • [38]
    SHD GR, 7N658, EMA 1er et 4e Bureaux, joint à la note du 14 novembre 1908 : Mesures à prendre pour assurer la surveillance des ouvrages d’art des voies ferrées françaises antérieurement à la mobilisation du service de garde des voies de communication, et prévenir les tentatives de destruction dues à la malveillance.
  • [39]
    Ibid., Note au sujet de la surveillance de la circulation des automobiles, en cas de tension politique, s.d.
  • [40]
    SHD GR 7NN2/690, Note du SR, 4 janvier 1913.
  • [41]
    SHD GR, 7NN331, Voyage d’étude du Grand État-major en Alsace-Lorraine, 16 juin 1914.
  • [42]
    SHD GR, 7NN3021, Liste des agents de guerre, bureau de Strasbourg.
  • [43]
    Sur cet agent et son fils, voir : Sawicki, 2009.
  • [44]
    AN, 19940503 article 24 dossier 423, direction de police de Strasbourg, 1er décembre 1920. Extraits du cahier d’ordre de la Zentralpolizeistelle de Strasbourg des années 1912-1913.
  • [45]
    SHD GR, 7N658, Mesures à prendre pour assurer la surveillance des ouvrages d’art des voies ferrées françaises antérieurement à la mobilisation du service de garde des voies de communication, et prévenir les tentatives de destruction dues à la malveillance, op. cit.
  • [46]
    SHD GR, 7N21, Instruction pour l’organisation d’un dispositif restreint de sécurité pour la surveillance éventuelle de certains ouvrages d’art des voies ferrées, 18 juillet 1909.
  • [47]
    SHD GR, 7N658, Résumé des mesures à prendre pour mettre les voies ferrées à l’abri des destructions entreprises au cours de la période de tension politique, avant la mobilisation du service de garde de voies de communication et note au sujet de la surveillance de la circulation des automobiles, en cas de tension politique.
  • [48]
    ADMM, 4M277, Contrôleur général des services de recherches judiciaires à CSP Saint-Nicolas-de-Port, 19 mars 1913.
  • [49]
    Sabotages au moyen de limaille de fer ou de verre pilé introduit dans les graisseurs et sur les paliers de l’arbre-manivelle, de boulons dans les dynamos ou de coupure de fils électriques pour l’éclairage du navire.
  • [50]
    AN, F/7/14606, Mai 1914 : Anarchistes français. Groupes communistes et individualistes, p. 14-16.
  • [51]
    À l’origine, le Carnet B est destiné aux suspects d’espionnage.
  • [52]
    AN, F/7/14606, Note du lieutenant-colonel Dupont, sous-chef du 2e bureau EMA pour la direction de la Sûreté générale, 30 octobre 1911. D’après une note du 8 septembre, l’Élysée, les ministères de la Guerre, de l’Intérieur et des Finances seraient également visés.
  • [53]
    AN, F/7/14606, Les projets de sabotages de la mobilisation, p. 22-23.
  • [54]
    SHD GR, 7N676, Note du lieutenant-colonel Dupont pour le 1er bureau de l’EMA, 19 avril 1913.
  • [55]
    Bundesarchiv-Militärarchiv, RW5/657, Geheimes Nachrichtendienst und Spionageabwehr des Heeres, Band 2, Erster Weltkrieg 1914-1918, p. 22-23 et 48.
  • [56]
    SHD GR, 7NN2230, Section IIIb Ouest, 4 août 1914, Renseignements jusqu’à 6 heures du soir.
  • [57]
    L’Écho de Paris, 14 août 1914.
  • [58]
    Le Matin, 6 décembre 1914.
  • [59]
    SHD GR, 7N114, Mesures prises pendant la période de tension politique (26 juillet-1er août 1914).
  • [60]
    Sur les GVC et les gardes civils pendant la guerre, voir les sites internet de Yannick Le Gratiet : https://gvc-14-18.pagesperso-orange.fr/index.html ; et d’Arnaud Carobbi : https://combattant14-18.pagesperso-orange.fr/Pasapas/E101GardesCivils.html
  • [61]
    L’Écho de Paris, 12 août 1914.
  • [62]
    Ces gardes civiles sont dissoutes le 1er novembre 1914.
  • [63]
    Journal du général Edmond Buat 1914-1923, 2015, présenté et annoté par Frédéric Guelton, Paris : Plon, p. 20.

1La France n’est pas le seul pays à préparer avant 1914 des plans de sabotage à réaliser sur les voies de communications ennemies au début de la guerre [1]. Dès les années 1880, les services de renseignement (SR) allemands se penchent sur les moyens à employer pour troubler la mobilisation et la concentration des armées françaises. La guerre de Sécession américaine et la guerre franco-allemande de 1870 ont en effet révélé les forces et les faiblesses des réseaux, le rôle à la fois « vital et vulnérable » des chemins de fer dans le transport des troupes et du matériel. Leur importance accrue couplée à l’emploi de nouveaux explosifs plus puissants et moins encombrants, « stables et faciles à employer grâce aux progrès parallèles des détonateurs », permet d’envisager de considérables opérations clandestines de destruction organisées dès le temps de paix par les services dévolus à cet effet (Albertelli, 2016, p. 52-58).

2Avec le recours généralisé aux réseaux ferrés, la mobilisation et la concentration des armées deviennent entre 1871 et 1914 une formidable organisation militaire. L’obsession des États-majors est de ne pas perdre une journée dans le transport et le débarquement des troupes par rapport à son adversaire, sous peine de graves inconvénients dans l’application des plans militaires, qui, minutieusement préparés, concernent toujours plus d’effectifs, se chiffrant bientôt en millions d’hommes. Arriver à dérégler ce fragile et complexe mécanisme d’horlogerie par une série de sabotages paraît une bonne solution pour gagner dès le début de la guerre un avantage stratégique (Sawicki, 2006, p. 476). Le haut commandement français se préoccupe précocement de cette question et pense, à la veille du premier conflit mondial, que cette menace ne serait pas sans conséquence sur le bon déroulement du plan XVII [2]. « Une série d’accidents survenant pendant la période de transports sur les lignes de concentration » contraindrait à reculer la zone de concentration des armées et à revenir au projet de défensive stratégique, qui s’appuyait sur le système fortifié Séré de Rivières [3]. Pour parer à cette éventualité, un service de garde des voies de communication se met progressivement en place et se perfectionne. Il est plus connu lors de la Première Guerre mondiale sous son diminutif de GVC.

3Comment ce dispositif s’organise-t-il au cours des années 1880 ? Pour quelles raisons se renforce-t-il à la veille de la guerre de 1914 ? Quels furent ses résultats effectifs au début de celle-ci ?

Une prise de conscience dans les années 1880

Des renseignements significatifs

4La prise de conscience des effets désastreux de sabotages sur les chemins de fer s’opère dans le courant des années 1880 quand les autorités militaires françaises se procurent les premiers indices, témoignages et documents allemands sur le sujet. Un procès-verbal de 1888 du Conseil supérieur de Guerre révèle que « d’après tous les renseignements recueillis », le réseau des voies ferrées françaises serait « l’objet de tentatives de destructions de la part des agents de l’ennemi, dès la déclaration de guerre » et que cette question avait « depuis longtemps sollicité l’attention du ministre » [4]. La recherche « des mesures que compte prendre l’étranger pour troubler et retarder la mobilisation et le transport des troupes nationales » devient une des missions du service de renseignement français en temps de paix (Rollin, 1908, p. 17).

5Ainsi, dès 1884, deux échantillons de fulmicoton parviennent au chef du SR du ministère de la Guerre, le colonel Vincent. Ces échantillons, placés dans une lunette du corps de place de Strasbourg, proviennent de l’approvisionnement destiné aux destructions projetées par les Allemands. Ils ont l’aspect de petits morceaux de savon d’un blanc gris légèrement jaunâtre et sont capables de déchirer les longerons de fer employés à la construction des ponts de chemin de fer [5]. Au début de 1888, d’après un renseignement de Berlin « paraissant sûr », un officier du grand État-major allemand avoue à « un officier d’une autre nation alliée » que « tous les moyens » sont « bons pour paralyser l’adversaire ». L’Allemagne a trouvé et entretient des agents secrets sur plusieurs points du territoire français « pour essayer d’entraver à un moment donné la concentration de l’armée française ». Des lieux sont particulièrement visés comme les ponts de l’Allier et de la Loire de la voie ferrée de Bourges à Nevers, un pont sur la Seine de la ligne de Troyes à Châlons-sur-Marne et quelques autres dont la désignation exacte n’a pu être donnée [6]. À peu près à la même époque, une note confidentielle signale les nommés Fritz Kelsch, ancien sous-officier alsacien aux pionniers prussiens, Jules Mengus du Grand-duché de Bade, Bauer, ingénieur allemand du service technique des chemins de fer de campagne et Feldmann, envoyé de Berlin, comme voyageant en France « avec mission du gouvernement allemand de rechercher sur les réseaux des chemins de fer » quels sont « les ouvrages d’art dont la destruction pourrait entraver les opérations d’une mobilisation ». Ces espions doivent aussi relever les noms des localités voisines, où pourraient s’installer à demeure des agents allemands chargés de procéder à ces destructions. Ces ouvrages seraient choisis avec soin, assez éloignés des gares et des villes afin de « permettre, le cas échéant, aux agents étrangers de procéder à leur mission sans courir le risque d’être arrêtés » [7]. Deux ans plus tard, d’autres agents allemands sont signalés pour reconnaître plusieurs ponts des départements de l’Est de la France ainsi que les passages difficiles des routes venant du Sundgau en Alsace et conduisant à Giromagny-Belfort-Montbéliard [8].

6Enfin en 1891, le lieutenant-colonel Sandherr, chef de la Section de Statistique [9], recueille les confessions d’un agent étranger au service de l’espionnage allemand depuis une douzaine d’années. Même si certaines de ses révélations sont sujettes à caution [10], d’autres permettent de se rendre compte de la façon dont les Allemands pratiquent les reconnaissances des voies ferrées françaises car elles confirment « les informations antérieures parvenues de diverses sources » au sujet de leurs préparatifs de destructions [11].

7Dès 1879, cet agent reçoit l’ordre d’explorer les lignes de chemin de fer de Dunkerque à Hazebrouck, Furnes et Calais. Deux ans plus tard, huit agents, sous la direction d’un chef de groupe habitant Bruxelles, examinent la majeure partie du réseau ferré du Nord, de l’Est et du Sud-est de la France ainsi que de la Suisse occidentale. En 1884, ce travail est repris et complété par la photographie des principales gares et des ouvrages d’art susceptibles d’être détruits avant ou pendant les hostilités. Une longue liste de ponts, tunnels et viaducs est fournie. On parle aussi d’ébouler des rochers sur certaines lignes de chemin de fer. L’agent secret ajoute :

8

« Je suis obligé de vous avouer qu’en Angleterre il ne nous eût pas été aussi facile de relever les voies ferrées et de les photographier qu’en France ; la clôture des lignes y est plus rigoureuse et on ne voit pas tant d’employés y circuler. Il est vrai que tous les déguisements nous étaient bons ; surveillants de lignes télégraphiques, agents des postes, agents de la voie, de la traction, de l’exploitation, etc ; toutes les casquettes nous convenaient » [12].

9Les moyens employés pour introduire clandestinement de la dynamite en France sont même indiqués avec précision. Plausibles mais difficilement vérifiables en l’absence d’archives allemandes correspondantes, ces renseignements montrent comment brouiller les pistes. Les explosifs sont d’abord achetés dans plusieurs dépôts de la Nobel Dynamit C° en Angleterre, puis parviennent à Anvers en profitant d’« un convoi de nombreux paniers de prunes vertes » apportés en Belgique par la Princess of Wales, un bateau à vapeur anglais. Plus tard, des barques de pêche suivent un autre itinéraire et en novembre 1884, une péniche de pommes de terre traverse la frontière française par le canal de Dunkerque à Furnes en transportant une partie de la dynamite, qui est ensuite dirigée sur Lille, Reims et Lyon. De même, des mouvements d’horlogerie sont fournis depuis l’étranger par des maisons suisses du Locle et de Genève [13].

Les premières mesures de protection

10Ces renseignements inquiétants plus ou moins crédibles déterminent en tout cas les autorités militaires françaises à concevoir les premières mesures de protection des voies de communication, en particulier des voies ferrées et des ouvrages d’art.

11L’une des premières initiatives date du 20 septembre 1885 quand sur les bases arrêtées par le ministre de la Guerre Campenon est demandé au général commandant le 5e Corps d’armée au Mans d’établir « un projet d’organisation de service de protection des voies ferrées sur le territoire de sa région » [14]. Puis dans le courant de 1886 est préparé un projet portant cette fois-ci sur l’ensemble du territoire national [15]. Une instruction provisoire instituant « un service de police des voies ferrées et de leurs abords » est promulguée le 7 janvier 1887 par le général Boulanger, ministre de la Guerre, au moment où se tendent les relations franco-allemandes. Les principes sur lesquels doit être organisé ce nouveau service sont d’interdire, lors de la mobilisation et de la concentration des armées, « l’approche des lignes à toute personne suspecte », « d’empêcher toute tentative de destruction et tout au moins, de donner à temps les avis nécessaires pour éviter un accident ». Des réservistes de l’armée territoriale, des agents des compagnies ferroviaires ainsi que des volontaires civils constituent le service, qui est organisé en groupes communaux implantés, sous la direction de la gendarmerie, dans chaque localité traversée par une voie ferrée [16]. « Ces dispositions de circonstances » auraient été prises immédiatement en cas « d’éventualités » de guerre [17]. Une révision de cette instruction est néanmoins mise à l’étude au printemps de 1888 car le fonctionnement du service prévu suscite « une application souvent difficile » [18]. Le SR fait remarquer par exemple que de nombreux petits travaux d’art rencontrés sur les voies ferrées peuvent être utilisés dans un but de destruction comme les conduits de fonte situés dans certains remblais. Une reconnaissance très détaillée des voies à protéger est nécessaire pour désigner tous les points à fouiller ou à sonder [19]. Le viaduc de Villefranche (Rhône) montre aussi une certaine vulnérabilité avec des ouvriers étrangers employés dans les usines à proximité [20].

12Reprenant l’ensemble de ces observations, « l’instruction générale sur le service de garde des voies de communication » est l’objet d’une loi votée le 2 juillet 1890. Désormais uniquement composée de soldats, la garde des voies ferrées est confiée à des postes militaires qui fournissent des sentinelles et des rondes. Les lignes à surveiller sont divisées en districts gardés chacun par un poste alors que les ouvrages d’art importants peuvent former des districts particuliers [21]. Dans le même temps, une « commission des études pour la surveillance des voies de communication » est chargée d’établir la liste de tous les points vulnérables des voies ferrées françaises, qui exigent « une sécurité absolue ». De plus, seules les voies navigables dont l’emploi est prévu sont gardées ainsi que les lignes télégraphiques situées en dehors des voies ferrées sur des « points particulièrement importants » [22]. La direction de la Sûreté générale dont les moyens sont « assez restreints » demande qu’on lui désigne les ouvrages d’art qu’il importe de faire surveiller plus particulièrement « dès à présent » [23]. Des relations directes sont établies entre des agents techniques et des ingénieurs de la voie ferrée et les généraux commandants les subdivisions de régions militaires. Un tableau et une carte des lignes gardées sont dressés et annexés au journal de mobilisation de chaque commission de réseau. La durée de la surveillance est déterminée avec précision, allant de cinq jours pour les lignes ne servant qu’à la mobilisation à cinquante pour les lignes de ravitaillement et d’évacuation des armées ou de Paris [24]. Ce dispositif concerne 12 670 kilomètres de lignes et dans ce total, les réseaux ferrées PLM [25] et de l’Est en occupent la plus grande part, respectivement 32 et 25 % [26].

13Des expériences de fonctionnement du service de garde des voies de communication sont réalisées en novembre et décembre 1890 et entraînent aussitôt des modifications. Ainsi, au lieu de sentinelles simples espacées de 500 mètres environ, ce qui exigeait 8 hommes environ par kilomètre, il est décidé d’employer des rondes de 2 hommes, surveillant chacune une zone de 2 kilomètres et faisant un service de 6 heures consécutives. Les effectifs nécessaires sont alors réduits par 2, soit 4 hommes environ par kilomètre [27]. De nouvelles expériences se déroulent dans le courant de 1891 et semblent donner des résultats satisfaisants [28].

14Enfin, une dernière instruction générale sur le service de garde des voies de communication paraît le 18 octobre 1910. Elle finalise le dispositif élaboré en 1890 en intégrant les dispositions spéciales à la garde des lignes télégraphiques et des points importants du littoral apparues entre-temps.

Nouvelles alertes et ripostes

15Quelques faits divers viennent encore attirer l’attention du SR français sur la possibilité de sabotages allemands. Certains seraient même accomplis dès temps de paix pour se rendre compte des résultats qu’ils pourraient produire au moment des hostilités.

16En 1891, un magasin à fourrages de Neufchâteau (Vosges) est incendié. Discutant avec un espion allemand établi à l’étranger, qui sous-entend que c’est « quelquefois de bonne guerre », un agent de pénétration français prévient le ministère de la Guerre. Il est à craindre que la France n’ait à l’avenir « d’autres incendies de ce genre à déplorer ». Des mesures ponctuelles de protection sont prises. Les commissaires de police concernés par les zones militaires sont invités à redoubler de surveillance aux abords des magasins ou des établissements militaires de toute nature et à tenir en sérieuse observation les individus suspects au point de vue national [29]. La même année, il est rappelé aux compagnies de chemin de fer qu’elles doivent empêcher à toutes personnes étrangères à leur service de circuler sur les voies ferrées et qu’elles doivent les verbaliser rigoureusement [30]. De même, les demandes de circuler à pied sur les voies ferrées sont fréquemment refusées par les autorités militaires. Ainsi, les lignes des Arcs à Vintimille et à Grasse sont d’une telle importance au point de vue militaire « qu’il y aurait de graves inconvénients à permettre à un étranger d’en examiner et relever tous les détails » [31].

17En avril 1893, dans les Vosges encore, une digue du réservoir de Bouzey, qui alimente en eau le canal de l’Est, se rompt brusquement. De graves inondations en résultent faisant 88 victimes et entraînent la mise hors de service sur une étendue d’environ 300 mètres de la ligne de chemin de fer de Jussey-Darnieulles. Selon la Section de Statistique, l’État-major allemand se préoccupe « d’une façon toute particulière de ce point du camp retranché d’Épinal » et compte « beaucoup sur la rupture de ces réservoirs d’eau pour la destruction en grand » des voies ferrées françaises. « Le récent accident de Bouzey » ne montre que « trop l’importance du résultat qu’on obtiendrait par ce moyen ». « Une surveillance occulte et permanente » des réservoirs les plus importants situés à proximité des voies ferrées est alors organisée [32].

18Enfin, la crise franco-allemande de 1905 détermine de nouvelles mesures spécifiques. Fin juin, le commissaire spécial de police d’Avricourt Fischer est appelé à intensifier sa surveillance à l’égard des individus suspects, susceptibles de se livrer à des « tentatives malveillantes » contre les voies ferrées en vue « d’entraver le cas échéant, les transports de troupes ». Dans le même temps, le préfet de la Meuse dément la rumeur de la venue près de Commercy d’officiers allemands déguisés en ouvriers charpentiers « pour procéder à la destruction de certains ouvrages d’art, dans le cas où la crise franco-allemande donnerait lieu à une rupture » [33].

Un dispositif renforcé à la veille de la guerre de 1914

La découverte de nouveaux plans de sabotage

19À partir de la seconde moitié des années 1900, la Section de renseignement [34] du 2e bureau de l’État-major de l’armée réussit à se procurer d’authentiques plans de sabotages allemands, qui mettent l’accent sur la rapidité de leur exécution en utilisant les nouveaux moyens de locomotion motorisés et automobiles (Albertelli, 2016, p. 61).

20Immédiatement après un voyage en 1907 du chef du grand État-major allemand von Moltke en Haute-Alsace est ainsi étudiée « l’organisation de coups de main pour troubler la concentration française dans les environs de Belfort ». L’idée est de ralentir « par tous les moyens » les transports de troupes françaises au moment de l’ouverture des hostilités. « De nombreuses démonstrations », « au moyen surtout de la cavalerie », sont envisagées pour inquiéter l’adversaire et maintenir son attention ailleurs que sur la surveillance des ouvrages d’art des chemins de fer et des routes. Pour l’exécution des sabotages, « qui s’étendent très loin », cinq détachements de motocyclettes et d’automobiles sont prévus : deux doivent agir sur la voie ferrée Lure-Belfort, deux autres sur la ligne Besançon-Belfort et une sur la ligne Besançon-Lure. Il s’agit de détruire une voie ferrée, cinq ponts, un viaduc et un tunnel. Ces détachements passent en France par le territoire suisse, immédiatement avant la déclaration de la guerre. Le groupe 4, par exemple, suit l’itinéraire Porrentruy en Suisse puis Montbéliard et Héricourt en France. Chaque détachement est placé sous les ordres d’un officier ingénieur, connaissant bien le pays et disposant de quelques pionniers. L’explosif, l’appareil de mise de feu, et les instruments nécessaires à la destruction des lignes télégraphiques ou téléphoniques sont aussi transportés par automobiles. Tout doit être étudié « avec le plus grand soin » dès le temps de paix, surtout « pendant la période où circulent de nombreux touristes ». Enfin, si les opérations se produisent après l’ouverture des hostilités, l’itinéraire partirait plutôt de l’intérieur de la France « en employant le chemin de fer ou la bicyclette ». Le personnel doit être de « toute confiance » et on doit lui expliquer « quel service énorme » il rendrait « à l’Empereur et au pays en exécutant sa mission » [35].

21La même année, le SR français prend possession d’un appareil allemand de destruction des voies ferrées. Muni d’une amorce, il est constitué de deux boîtes remplies d’explosifs de 35 centimètres de longueur et 4 à 5 cm de largeur. Il se place contre la partie interne du rail. La mise à feu se fait au moyen d’un système de levier sur un plateau placé sous le rail dans l’intervalle de deux traverses. La locomotive, à son passage, par suite de la flexion ou de l’enfoncement des traverses, agit sur le levier qui fait partir l’amorce. L’explosion entraîne le déraillement du train. L’explosif a été réparti en deux boîtes pour en faciliter le transport, l’appareil de mise à feu est également peu volumineux et peut être transporté en poche facilement [36].

22D’autres plans de sabotages parviennent encore à la connaissance des autorités françaises. Stagiaire à l’État-major du 20e Corps d’armée à Nancy à sa sortie de l’École de Guerre en 1909, le capitaine Andlauer se souvient de l’émotion rencontrée quand est découvert un plan de destructions « fort bien conçu » contre les voies ferrées de la région de Troyes [37]. Les sabotages se produiraient désormais, le cas échéant, dès la période de tension politique. Désignée à la suite de reconnaissances préalables effectuées en temps de paix, la destruction des ouvrages d’art serait confiée, soit à des agents fixés dans la région, soit à un personnel spécial muni d’explosifs et des outils nécessaires. Ce personnel serait formé de plusieurs groupes dont les membres voyageraient isolément avant de se réunir au point convenu. Pour les groupes destinés à opérer dans l’intérieur du territoire français, des automobiles pourraient être introduites d’avance en France et par une frontière quelconque. Pour les destructions à exécuter dans la zone frontière, elles pourraient ne pénétrer qu’au dernier moment, soit en groupes, soit plutôt par voitures isolées et dirigées sur un même point de rendez-vous. Pour les grands ouvrages d’art nécessitant une quantité considérable d’explosifs, des dépôts seraient susceptibles d’être déjà constitués en France même, à leur proximité, « par apports successifs effectués au cours des reconnaissances annuelles », soit en employant des « bicyclettes spéciales à cadre creux », « soit par tout autre moyen » [38]. Un autre mode opératoire consiste, au moment opportun, à transporter les explosifs par des hommes à pied, qui, une fois la frontière franchie, les rechargeraient sur des automobiles [39]. Début 1913, « deux sources différentes mais très sérieuses » confirment cette manière de procéder en précisant que les Allemands ont prévu la réquisition ou la location à l’amiable de nombreuses automobiles « dès la veille ou dès les premiers moments de la mobilisation ». Pendant que la visite de celles-ci immobiliseraient les douaniers français, les destructeurs, déposés un peu avant la frontière, en profiteraient pour passer inaperçu et transporter le matériel en prenant des chemins et des sentiers peu fréquentés. Puis une fois les postes de douane franchis, les automobiles les reprendraient au passage, éviteraient les villes et les emmèneraient aux points voulus, dont beaucoup étaient situés au cœur de la France [40].

23Enfin, un dernier document intercepté juste à la veille du conflit mondial montre que la guerre future est déjà pensée dans ce domaine suivant une conception très moderne. Un hasard permet à un officier d’état-major d’une puissance étrangère considéré comme une « source excellente » de prendre connaissance d’un « mémoire relatif aux études du Grand État-major » allemand, un voyage d’état-major exécuté en mai-juin 1914 de la frontière suisse à Trèves. Les observations relatives au SR allemand en temps de guerre distinguent deux groupes d’agents. Les uns sont uniquement employés « à observer et à transmettre des renseignements », notamment en passant par « territoire neutre », au moyen « d’hommes de confiance » et de boîtes à lettres mortes, « des boîtes en fer cachées dans des lieux écartés ». Les autres possèdent les caractéristiques suivantes :

24

« Agents destinés à nuire directement à l’ennemi, en détruisant les voies ferrées, les routes, les lignes télégraphiques et en incendiant les magasins, les dépôts, les cantonnements, les gares, etc. – en répandant des bruits fâcheux sur des revers éprouvés sur le théâtre d’opérations, en faisant parvenir aux autorités civiles et militaires des renseignements faux, en détruisant les établissements chargés de fabriquer des munitions, des armes ou des objets d’équipement. » [41]

25Effectivement, au printemps 1914, un plan complet de destructions de voies ferrées françaises est dressé par le SR militaire allemand avec l’utilisation d’agents appelés pour la circonstance agents « U » (U pour Unterbrechung – interruption) (Trumpener, 1976, p. 74-75). Johann Doll alias agent Str. 5 est l’un d’eux. Ancien soldat de la Légion étrangère, ce maître de chai de Benfeld en Alsace vient d’être fraîchement recruté par le SR militaire de Strasbourg, qui a préparé le sabotage [42]. Des extraits du cahier d’ordres de la Zentralpolizeistelle (bureau central de police) de Strasbourg des années 1912-13 révèlent comment s’organisent ces opérations et comment se recrute ce type d’agents. L’agent 39, qui n’est autre que l’ex-commissaire de police français Henri Schwartz, condamné pour espionnage en 1895 [43], rédige début janvier 1912 un rapport détaillé sur un sabotage, qui doit se dérouler en cas de mobilisation à Valence dans le sud de la France. Il exige 10 000 Francs pour le réaliser. La Section III b, le SR du Grand État-major de Berlin, ne lui en accorde que 3000. Puis les complices de 39, des « Apaches » de la région de Valence se renseignent sur d’autres ouvrages. Le 10 juin 1913, un plan pour un nouveau coup de main en France est conçu. La Section III b estime en octobre qu’un autre agent allemand, l’agent 35, doit être également utilisé [44].

Le dispositif restreint de sécurité (DRS)

26La découverte de ces plans et surtout que les saboteurs allemands puissent entrer en action avant même la déclaration de guerre, dès la période de tension politique, conduisent les autorités françaises à étendre leurs mesures de protection. Dès 1908, une commission composée d’officiers des 1er et 4e bureaux de l’EMA est chargée de mettre au point un système pouvant fonctionner avant la mobilisation et le service de garde des voies de communication. Un premier projet recommande de confier cette surveillance à la Sûreté générale, qui pourrait exercer une filature contre les agents se livrant en temps de paix aux reconnaissances préparatoires. Mais en raison du grand nombre des ouvrages à surveiller – 108 ponts à tablier métallique très exposés, par exemple –, il est conseillé d’utiliser aussi le service des douanes renforcé au besoin par des gardes-forestiers [45].

27Le 18 juillet 1909, une instruction organise le « dispositif restreint de sécurité » (DRS). Il consiste, de concert avec l’autorité militaire, la Sûreté générale et les grandes administrations de Chemins de fer, à établir des postes spéciaux chargés d’assurer en permanence, dès le temps de paix et en cas de tension politique, la surveillance des abords de certains ouvrages d’art particulièrement importants, « dans le but de les mettre à l’abri des tentatives de destruction dues à la malveillance ». Le ministère de la Guerre arrête une liste de ces ouvrages les plus vulnérables, comme les tunnels des lignes à grand trafic, certains ouvrages d’art en maçonnerie situés sur des lignes de transports probables ou des ponts métalliques dans des régions désertes ou boisées dont la mise hors de service entraînerait une interruption des transports pendant une huitaine de jours. Sur certains points, les postes sont constitués par des détachements de l’armée active, sur d’autres par les agents actifs ou retraités des compagnies de chemin de fer, auxquels peuvent s’adjoindre « des hommes de bonne volonté » déjà connus « pour leur conduite, leur zèle et leur moralité ». À chaque poste est attaché « autant que possible » un ou plusieurs représentants de la force publique (gendarmes, agents de police municipale, gardes-forestiers, gardes-champêtres, etc) [46]. Des mesures spéciales pour surveiller et restreindre au besoin la circulation dans la zone frontière des voitures automobiles sont envisagées. Des lignes de postes spéciaux relevant des autorités civiles seraient alors établies aux points de passage obligés sur les cours d’eau. Situées en arrière d’un premier barrage constitué par les postes de douanes, celles-ci constitueraient un véritable réseau de contrôle d’environ 4000 hommes et 550 postes [47].

28De même, les voies navigables sont toujours sujettes à d’étroites surveillances. Au début de 1913, un officier allemand de la garnison de Sarrebruck embauché comme charretier d’un bateau chargé de houille photographie les ouvrages d’art situés entre la frontière et Paris. Un certain nombre de mariniers allemands circulant sur les canaux et les rivières françaises est alors soupçonné de transporter avec eux des explosifs destinés à faire sauter, le cas échéant, les ouvrages d’art près desquels ils se trouveraient au moment de la mobilisation [48].

Une opinion publique sensibilisée

29L’opinion publique française est sensibilisée à la possibilité de sabotages à la déclaration de la guerre. Le saboteur est en effet une des déclinaisons de l’espion allemand. L’image de celui-ci s’est fixée depuis la guerre de 1870. Elle est l’une des facettes de cet « ennemi prussien » dont la « barbarie » et la « fourberie » ont expliqué la victoire allemande (Dominé, 2012, p. 11-25). Au cours des années 1880 avec la naissance du boulangisme se cristallise une nouvelle fois la peur de l’espionnage allemand. L’espionnite se manifeste pour la première fois en temps de paix et devient « une composante à part entière et une des formes populaires d’expression de la xénophobie et du nationalisme » (Laurent, 2009, p. 571-575). Cette inquiétude se renforce par la réputation grandissante de l’Allemagne en matière d’efficacité dans les domaines commerciaux, industriels ou universitaires, réputation qui s’étend aussi à celui du renseignement. « Le développement croissant des identités nationales et les progrès technologiques de la guerre moderne » font apparaître l’enjeu de cette activité « plus grand que jamais » (Nolan, 2005, p. 38-39). L’espionnite s’institutionnalise et donne à l’État « l’occasion de se doter de moyens supplémentaires pour surveiller les étrangers » (Dornel, 2004, p. 304). La décision de protéger les réseaux s’intègre dans cet ensemble.

30Mais bientôt, la crainte d’attentats est motivée par la campagne antimilitariste et la menace de grève générale déclenchée par une partie du mouvement ouvrier en cas de mobilisation. Depuis la fin des années 1890, le sabotage devient une pratique des courants anarchistes et syndicalistes révolutionnaires et même une menace d’ampleur nationale à partir de la grève des Postes de 1909 et celle des cheminots de 1910. De fait, « l’idée qu’un système puisse être paralysé par l’action clandestine de quelques individus » marque profondément les esprits avant 1914 (Pinsolle, 2015, p. 56-72).

31La Sûreté générale recense ainsi de très nombreux actes, qui concernent également des navires de guerre comme le cuirassé Friant à Cherbourg et le croiseur-cuirassé Gloire en 1908, le submersible Circé à Toulon en 1909 ou le cuirassé Vergniaud en construction à Bordeaux en 1910 [49]. Les grandes grèves des postiers et des cheminots s’accompagnent de destructions de lignes télégraphiques et de voies ferrées. Du 8 octobre 1910 au 12 janvier 1911, 2323 actes de sabotages sont ainsi dénombrés. Le 12 avril, à Vigneux, quatre péniches chargées sont coulées à la dynamite [50]. La perception de ce danger intérieur incite les autorités françaises à étendre, à partir de 1909, le Carnet B à une nouvelle catégorie : « Les propagandistes par le fait, les partisans de l’action directe et les antimilitaristes » sont bientôt les deux tiers des inscrits (Becker, 1973) [51]. Au mois d’août 1911, grâce à « une source d’information des plus sérieuses », la Préfecture de police de Paris découvre un nouveau plan de sabotages. Des études sont alors entreprises à l’État-major de l’Armée pour parer à ces « menées révolutionnaires ». Le préfet de police Lépine est chargé des mesures d’exécution en collaboration avec le gouverneur militaire de Paris [52]. Les Allemands semblent croire eux aussi à leur possibilité. Dans un rapport du 26 mai 1912, le colonel Pellé, attaché militaire français à Berlin, expose que ceux-ci considèrent que les grèves des cheminots et le sabotage empêcheraient la France de pouvoir « compter sur des transports réguliers » (Poincaré, 1926, p. 133-134). Ce risque est néanmoins fortement nuancé par ceux qui ont étudié le fonctionnement de la mobilisation à l’École de Guerre. Cela n’en entraverait pas plus le jeu qu’« un rat ne pourrait se flatter d’arrêter une roue de moulin en se fourrant dans l’engrenage » (Dufestre, 1910, p. 552-553). En 1913, à l’occasion du vote de la loi des 3 ans, les incidents militaires de Toul, Verdun, Rodez et de plusieurs autres garnisons déterminent une action énergique et répressive du gouvernement, ce qui entraîne « un ralentissement appréciable de la propagande en vue du sabotage de la mobilisation » [53].

32Plus sérieuse demeure la menace « d’un plan de destruction parfaitement raisonné » opéré par « des gens autrement dangereux et déterminés que le « saboteur » « ordinaire », des officiers allemands et leurs agents à demeure en France ralentissant par des attentats méthodiques le rendement du réseau ferré français. En 1912, dans la revue Le Correspondant, le général Maitrot, ancien chef d’État-major du 6e corps d’armée à Châlons-sur-Marne, tire la sonnette d’alarme. Même les « variantes » des lignes de transport pourraient être touchées. La concentration de l’armée serait paralysée, le sort des premières rencontres compromis. Ayant travaillé à l’organisation et à la mise sur pied du service de protection des voies ferrées, il n’a qu’une « médiocre confiance en son efficacité » (Maitrot, 1912, p. 631-667). À partir de 1913, l’Action française vulgarise le risque de sabotages allemands par l’entremise de sa campagne de presse contre les sociétés Maggi-Kub. Déjà en 1907, elle a rendu responsable les services secrets allemands de l’explosion du navire de guerre Iéna en rade de Toulon. Par une série d’articles, Léon Daudet met cette fois-ci en garde l’occupation par les Allemands de points stratégiques indispensables à la mobilisation en France (Forcade, 2009, p. 17-19). La société Maggi est dénoncée au ministre de la Guerre pour ses achats de terrains au-dessus du tunnel de Bonnières près de Paris. La destruction d’un ou de plusieurs de ses puits aurait pour résultat de retarder considérablement le transport des troupes du 3e corps d’armée. Une enquête de la Sûreté générale dément l’implication possible de cette société mais admet qu’« à son insu », un ou plusieurs de ses employés étrangers ait pu accepter « semblable mission » [54].

Les résultats effectifs au début de la guerre de 1914

L’échec des plans allemands

33Les sabotages allemands sont un échec complet au début de la guerre. Différents agents de dynamitage (agents U) sont pourtant « formés et en partie fixés en matériel ». Le 28 juillet 1914, le major Nicolai, chef de la Section III b, donne l’ordre aux officiers de renseignement des corps d’armées de l’Ouest de se tenir prêts à agir et « le moment venu, de transporter les charges explosives en France ». Mais par manque de munitions de sabotage, les missions dévolues au capitaine Richter de Sarrebruck (XXIe Corps d’armée) sont réaffectées à Strasbourg (XVe CA) (Trumpener, 1976, p. 75). Le dossier de guerre de ce dernier SR mentionne bien l’expédition de deux agents U en France mais ne donne aucune autre indication. Le résultat de ces envois est « probablement négatif » [55]. Le colonel Dupont, chef du 2e bureau du Grand quartier général, confirme cet insuccès allemand. S’il n’a pas pris au sérieux et a tranquillisé le général Joffre sur « les prétendus préparatifs allemands de sabotage » évoqués avant-guerre par la presse française, il n’en est pas moins inquiet « tout de même ». Chaque matin, dans les premiers jours de guerre, à la réunion des chefs de bureau chez le généralissime, il attend « avec angoisse » l’arrivée du colonel Ragueneau, chef du 4e bureau, chargé des chemins de fer. Celui-ci le rassure à chaque fois : la mobilisation et la concentration se réalisent « dans des conditions parfaites » (Dupont, 2014, p. 128). Sur le réseau de l’Est, une seule tentative paraît sérieuse : le 30 juillet 1914, cinq individus s’approchent en automobile du souterrain de Chalifert en Seine-et-Marne. Reçus à coups de fusil, ils répliquent et s’enfuient. Des tentatives analogues semblent se répéter sur le même point le 1er et le 5 août (Marchand, 1924, p. 57). De même, d’après un « homme de confiance » allemand à Turin sont annoncés de Lagny et de Pagny-sur-Moselle des attentats contre un pont de chemin de fer et un tunnel qui ont échoué [56].

34Ce n’est qu’en septembre, au moment de la bataille de la Marne, que des soldats allemands en uniforme renouvellent leurs tentatives. Transportés en automobile, ils parviennent à détruire quelques ouvrages d’art comme le pont de Canaples près d’Amiens. Une des sept équipes du 18e bataillon du génie de l’armée allemande coupe la ligne Amiens-Doullens (Albertelli, 2016, p. 87). Mais un autre groupe de vingt hommes et de quatre automobiles chargées d’explosifs échoue dans un raid pour détruire les ponts de la Seine aux environs d’Oissel près de Rouen. Après avoir semé quelques destructions, ils sont finalement faits prisonniers (Panel, 2013, p. 76). La stabilisation du front en lignes de tranchées continues sonne le glas de ce type d’incursions.

Une crise d’espionnite

35« Par leur vigilance », les postes du service de garde des voies de communication ont « très utilement contribué au succès de nos transports de mobilisation et de concentration », annonce un communiqué du ministère de la Guerre [57]. Ces opérations se sont effectuées « dans un ordre excellent, en déjouant les projets de sabotage des espions allemands », précise Le Bulletin des armées[58]. Dès la soirée du 26 juillet, le dispositif restreint de sécurité est mis en place, réduit au personnel civil. Le lendemain à 17 heures, l’ordre est donné d’appliquer le service complet avec des militaires. Puis le 31 juillet en fin d’après-midi est convoquée la garde des voies de communication [59]. Plus de 200 000 soldats et réservistes de l’armée territoriale sont affectés à ce service [60]. Partout, celui-ci semble assuré avec rigueur et sérieux comme à Toul où le général Fayolle constate le 3 août que la voie est « très bien gardée » (Fayolle, 1964, p. 13). « À tous les embranchements, dans tous les villages », écrit le député de Reims à son père Albert de Mun, « des braves gars, mobilisés d’urgence, en habits de travail avec un brassard » font « avec tact et défiance, un service impitoyable le fusil chargé » [61]. Dans certaines régions sont levés des « corps spéciaux de gardes civiles » fournis par des habitants volontaires, dégagés des obligations militaires. Par la surveillance des étrangers et le contrôle de la circulation, ils participent à la prévention des actes d’espionnage ou de sabotage (Panel, 2013, p. 88-95) [62].

36Ces dispositifs n’en suscitent pas moins quelques inconvénients, provoqués par la crise d’espionnite, qui culmine au début de la guerre de 1914 (Bavendamm, 2004, p. 63-67). Partout en France se produisent les mêmes scènes. Le 4 août 1914, le ministère de l’Intérieur prescrit aux préfets de « faire détruire complètement » les affiches du Bouillon Kub placées « le long des voies ferrées et particulièrement aux abords des ouvrages d’art importants, viaducs, bifurcations, etc. » (Claudel, 1999, p. 35). À Nancy, ces publicités écrites « en lettres énormes et rouges sur fond jaune » sont passées « au goudron » (Mercier, 1917, p. 54-55). « Des automobiles fantômes » sont inutilement poursuivies comme dans l’arrondissement de Charolles en Saône-et-Loire, où, pendant toute une nuit, la gendarmerie en recherche deux, « qui prétendument, viennent de commettre un sabotage ». Des erreurs regrettables en résultent. Le 5 août, à Ligny-Sainte-Flochel, dans le Pas-de-Calais, une automobile venue de Douai omet de s’arrêter au passage d’une voie ferrée. Pris pour un espion allemand déguisé en officier français, le lieutenant Foucart est tué. À Pont-sur-Sambre, dans le département du Nord, on relève deux blessés (Pourcher, 1994, p. 50-51 et 54).

37Toutes les enquêtes démontrent pourtant que « cette terreur de l’espion est vaine », mais elle suffit dans bien des cas à « troubler le commandement » (Mabille, 1923, p. 39). Le général Berthelot, aide-major général de l’armée, le constate également :

38

« On exagère vraiment la crainte de l’espionnage. On voit des espions ennemis partout. Nos officiers de liaison sont arrêtés. On tire même sur nos automobiles qui ne freinent pas assez vite au premier : « Halte-là ! ». C’est la meilleure manière d’empêcher ou de retarder la transmission des ordres ».
(Grandhomme, 2011)

39La circulation des agents de service sur la voie ferrée devient dangereuse, comme sur les routes, parsemées de planchettes garnies de clous ou barrées de jour et de nuit par des chaînes plus ou moins visibles. « Pas de jour où un GVC ne soit tamponné par un train à moins que ce ne soit une sentinelle qui tire, avec succès hélas ! sur des passants » déplore un inspecteur général à la Compagnie des chemins de fer de l’Est (Marchand, 1924, p. 58). Le 6 août, un peu avant d’arriver à Montmirail, le lieutenant-colonel Buat du 3e bureau de l’EMA et deux autres officiers ont juste le temps de se jeter au fond de leur automobile « pour ne pas être décapités par la chaîne qui rase le capot, balayant tout ce qui dépasse ». « Le chauffeur freine si brusquement qu’il brise le pont arrière de l’auto » [63].

40Les résultats obtenus sont donc négligeables en comparaison des ambitions initiales et des efforts fournis. La mobilisation et la concentration des troupes n’ont subi aucun retard. « Grâce aux mesures prises pour la surveillance des voies ferrées, la concentration ne fut inquiétée nulle part » (Le Hénaff, Bornecque, 1922, p. 28). Les opérations de guerre peuvent se dérouler suivant le plan prévu. Les dispositifs massifs de protection des voies de communication ont sans nul doute joué leur rôle de dissuasion, que les progrès de l’aviation viendront bientôt remettre en question.

41Les préoccupations de la France et de l’Empire allemand en matière de sabotages sont néanmoins comparables et simultanées entre 1871 et 1914. De leur côté également, les autorités militaires allemandes prennent des mesures pour empêcher les attentats contre leurs voies ferrées. En Alsace-Lorraine par exemple, ils prévoient eux-aussi des groupes de protection levés par les autorités civiles, qui seraient dans le plus bref délai possible remplacés par des militaires, ainsi que de placer des barrages sur les principales routes en provenance de la France (Sawicki, 2006, p. 438-440 et 481).

42L’essor des services secrets lors de cette période s’accompagne ainsi du recours de plus en plus étudié d’un nouveau type d’agents spécialisés en temps de guerre : les saboteurs. Les deux guerres mondiales verront leurs missions se développer et s’intensifier ainsi que les diverses mesures de protection persister pour les combattre et les contrer.

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Mots-clés éditeurs : sabotages, chemin de fer, service de renseignement, garde des voies de communication, mobilisation

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Date de mise en ligne : 03/04/2020

https://doi.org/10.3917/flux1.118.0011

Notes

  • [1]
    Sur les plans français, voir : Sawicki, 2012.
  • [2]
    Plan de mobilisation et de concentration des armées françaises préparé en 1913 et mis en œuvre le 2 août 1914 par le général Joffre. Il implique des offensives françaises en Haute Alsace, en Lorraine et dans l’Ardenne belge.
  • [3]
    Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917), 1932, tome premier, Paris : Plon, p. 149.
  • [4]
    Service historique de la Défense, archives de la Guerre (SHD GR), 1N4, Conseil supérieur de Guerre, séance du 4 juin 1888.
  • [5]
    Archives nationales (AN), F/7/12641, Colonel Vincent à commissaire spécial de police (CSP) de Pagny-sur-Moselle Schnaebelé, 26 juin 1884. CSP de Belfort au même, 17 juillet 1884.
  • [6]
    SHD GR, 7NN741, Notes, 10 janvier 1888 et pour le 4e bureau, conversation d’un officier d’État-major allemand, 11 janvier.
  • [7]
    Ibid., Note d’informations, s.d.
  • [8]
    Archives départementales de Meurthe-et-Moselle (ADMM), 2R10, Note de service de la direction de la Sûreté générale, 20 octobre 1890.
  • [9]
    Le nom du SR français employé de 1886 à 1899.
  • [10]
    L’agent allemand prétend ainsi avoir recruté 266 agents destructeurs, ce qui est évidemment exagéré (ce nombre est déjà le double des agents immatriculés que possède réellement le SR allemand en France en 1914) ou savoir quels sont les objectifs qu’il a relevés approuvés par l’État-major allemand pour être sabotés.
  • [11]
    Archives du ministère des Affaires étrangères (MAE), Affaires diverses politiques, Allemagne, carton 41, ministre de la Guerre à ministre des Affaires étrangères, 21 novembre 1891.
  • [12]
    Ibid., Note de Paris, 31 octobre 1891.
  • [13]
    Ibid., novembre 1891.
  • [14]
    SHD GR, 7N99, Note pour le 3e bureau de l’État-major général, 21 août 1886.
  • [15]
    Ibid., 15 novembre 1886 et 7N1744, Instruction pour le directeur général des chemins de fer et des étapes, mars 1886.
  • [16]
    SHD GR, 7N99, Instruction provisoire du 7 janvier 1887 sur la surveillance des voies ferrées et de leurs abords et la garde des ouvrages d’art à la mobilisation.
  • [17]
    SHD GR, 7N1745, Instruction pour la direction générale des chemins de fer et des Etapes, mars 1887.
  • [18]
    SHD GR, 1N4, Procès-verbal du Conseil supérieur de Guerre, séance du 4 juin 1888.
  • [19]
    SHD GR 7NN4/575, Note de Paris, 14 janvier 1889, n° 11564.
  • [20]
    Ibid., n° 11565.
  • [21]
    SHD GR, 7NN741, Instruction générale relative à la garde et à la surveillance militaire des voies ferrées, réseau PLM, au 1er septembre 1891.
  • [22]
    Ibid., Note jointe à l’instruction du 12 mai 1890.
  • [23]
    Ibid., Note pour les commissaires militaires, 23 mai 1890.
  • [24]
    SHD GR, 7NN4/574, Note pour les commissaires militaires, 4 juin 1890.
  • [25]
    Paris-Lyon-Méditerranée.
  • [26]
    SHD GR, 7NN4/574, Garde des voies de communication, chemin de fer, tableau des lignes à garder, s. d.
  • [27]
    Ibid., Note pour les commissaires militaires, 20 avril 1891.
  • [28]
    SHD GR, 7NN741, Note pour les commissaires militaires, 11 janvier 1892.
  • [29]
    ADMM, 4M273, Préfet de Meurthe-et-Moselle à sous-préfet de Toul, 9 avril 1891.
  • [30]
    MAE, Affaires diverses politiques, Allemagne, carton 41, note de Paris, 31 octobre 1891.
  • [31]
    SHD GR, 7NN4/575, Note pour le 4e bureau de l’État-major de l’armée (EMA), 7 février 1898.
  • [32]
    SHD GR, 7N674, Notes de la Section de Statistique, 22 avril 1893 et pour le 4e Bureau de l’EMA, 12 mai 1893. Le SR apprend aussi en 1891 que « des projets criminels » seraient tentés « en cas d’événement » contre un réservoir du département de la Côte d’Or.
  • [33]
    AN, F/7/12726, CSP Avricourt, 28 juin 1905. Préfet de la Meuse à ministre de l’Intérieur, 8 août 1905.
  • [34]
    Nouveau nom du SR à partir de 1899.
  • [35]
    SHD GR, 7NN326, Projet de destruction de voies ferrées françaises par des détachements allemands, 12 septembre 1907.
  • [36]
    SHD GR 7NN2/690, Note du SR, 17 décembre 1907.
  • [37]
    SHD GR, 1K173, Fonds Andlauer, conférence du 24 octobre 1925, p. 14.
  • [38]
    SHD GR, 7N658, EMA 1er et 4e Bureaux, joint à la note du 14 novembre 1908 : Mesures à prendre pour assurer la surveillance des ouvrages d’art des voies ferrées françaises antérieurement à la mobilisation du service de garde des voies de communication, et prévenir les tentatives de destruction dues à la malveillance.
  • [39]
    Ibid., Note au sujet de la surveillance de la circulation des automobiles, en cas de tension politique, s.d.
  • [40]
    SHD GR 7NN2/690, Note du SR, 4 janvier 1913.
  • [41]
    SHD GR, 7NN331, Voyage d’étude du Grand État-major en Alsace-Lorraine, 16 juin 1914.
  • [42]
    SHD GR, 7NN3021, Liste des agents de guerre, bureau de Strasbourg.
  • [43]
    Sur cet agent et son fils, voir : Sawicki, 2009.
  • [44]
    AN, 19940503 article 24 dossier 423, direction de police de Strasbourg, 1er décembre 1920. Extraits du cahier d’ordre de la Zentralpolizeistelle de Strasbourg des années 1912-1913.
  • [45]
    SHD GR, 7N658, Mesures à prendre pour assurer la surveillance des ouvrages d’art des voies ferrées françaises antérieurement à la mobilisation du service de garde des voies de communication, et prévenir les tentatives de destruction dues à la malveillance, op. cit.
  • [46]
    SHD GR, 7N21, Instruction pour l’organisation d’un dispositif restreint de sécurité pour la surveillance éventuelle de certains ouvrages d’art des voies ferrées, 18 juillet 1909.
  • [47]
    SHD GR, 7N658, Résumé des mesures à prendre pour mettre les voies ferrées à l’abri des destructions entreprises au cours de la période de tension politique, avant la mobilisation du service de garde de voies de communication et note au sujet de la surveillance de la circulation des automobiles, en cas de tension politique.
  • [48]
    ADMM, 4M277, Contrôleur général des services de recherches judiciaires à CSP Saint-Nicolas-de-Port, 19 mars 1913.
  • [49]
    Sabotages au moyen de limaille de fer ou de verre pilé introduit dans les graisseurs et sur les paliers de l’arbre-manivelle, de boulons dans les dynamos ou de coupure de fils électriques pour l’éclairage du navire.
  • [50]
    AN, F/7/14606, Mai 1914 : Anarchistes français. Groupes communistes et individualistes, p. 14-16.
  • [51]
    À l’origine, le Carnet B est destiné aux suspects d’espionnage.
  • [52]
    AN, F/7/14606, Note du lieutenant-colonel Dupont, sous-chef du 2e bureau EMA pour la direction de la Sûreté générale, 30 octobre 1911. D’après une note du 8 septembre, l’Élysée, les ministères de la Guerre, de l’Intérieur et des Finances seraient également visés.
  • [53]
    AN, F/7/14606, Les projets de sabotages de la mobilisation, p. 22-23.
  • [54]
    SHD GR, 7N676, Note du lieutenant-colonel Dupont pour le 1er bureau de l’EMA, 19 avril 1913.
  • [55]
    Bundesarchiv-Militärarchiv, RW5/657, Geheimes Nachrichtendienst und Spionageabwehr des Heeres, Band 2, Erster Weltkrieg 1914-1918, p. 22-23 et 48.
  • [56]
    SHD GR, 7NN2230, Section IIIb Ouest, 4 août 1914, Renseignements jusqu’à 6 heures du soir.
  • [57]
    L’Écho de Paris, 14 août 1914.
  • [58]
    Le Matin, 6 décembre 1914.
  • [59]
    SHD GR, 7N114, Mesures prises pendant la période de tension politique (26 juillet-1er août 1914).
  • [60]
    Sur les GVC et les gardes civils pendant la guerre, voir les sites internet de Yannick Le Gratiet : https://gvc-14-18.pagesperso-orange.fr/index.html ; et d’Arnaud Carobbi : https://combattant14-18.pagesperso-orange.fr/Pasapas/E101GardesCivils.html
  • [61]
    L’Écho de Paris, 12 août 1914.
  • [62]
    Ces gardes civiles sont dissoutes le 1er novembre 1914.
  • [63]
    Journal du général Edmond Buat 1914-1923, 2015, présenté et annoté par Frédéric Guelton, Paris : Plon, p. 20.

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