Couverture de EUFOR_386

Article de revue

Le mois politique en Europe et dans le monde

Chronique de janvier 1975

Pages 33 à 40

Notes

  • [1]
    Pour être complet sur l’essentiel, signalons encore la décision d’étudier par anticipation la réalisation d’un passeport européen unique.
  • [2]
    Le fonds sera doté de 300 000 000 u.c., et 500 000 000 u.c. pour chacune des années 1976 et 1977, soit un milliard 300 000 000 u.c. sera financé à concurrence de 150 000 000 u.c., par des crédits actuellement non utilisés du FEOGA (section orientation). Les ressources du fonds seront réparties selon le schéma prévu par la Commission : Belgique : 1,5 % – Danemark : 1,3 % – France : 15 % – Irlande : 6 % – Italie : 40 % – Luxembourg : 0,1 % – Pays-Bas : 1,7 % – République fédérale d’Allemagne : 6,4 % – Royaume-Uni : 28 %. L’Irlande, toutefois, se verra, en outre, attribuer 6 000 000 u.c, qui viendront en déduction de la quote-part des autres États membres, exception faite de l’Italie.
  • [3]
    Emanuele Gazzo écrit à cet égard dans le bulletin de l’Agence Europe du 4 décembre 1974 : « Il est inutile de mettre au clair certains mécanismes de vote au sein de l’Agence. Rappelons que les 16 membres actuels disposent d’un total de 148 voix, dont 49 pour les huit pays de la CEE, 51 pour les États-Unis, 18 pour le Japon, et 30 pour les six autres. Les décisions importantes requièrent 60 % des voix (89), et l’adhésion d’au moins douze pays (seize dans certains cas). Tout compte fait, on s’aperçoit que, face à une Communauté adhérente, les États-Unis, contrairement à ce que l’on dit, n’aboutiraient jamais à imposer leur volonté. Dans l’hypothèse où la Communauté serait présente dans son intégrité (avec la France), elle disposerait de 58 voix sur 157, la majorité étant alors de 94 voix, et elle disposerait de 9 voix sur 17. »
English version
Chronique parue dans l’Europe en formation no 178-179 – janvier-février 1975.
Datée du 11 décembre 1974, elle se situe dans la période de la proclamation du Conseil européen.

1Paris, le 11 décembre 1974

2Nous avons tenu dans notre précédent « mois politique » à faire le point de cette « construction européenne », dont nous nous demandions si elle ne s’était pas transformée en « entreprise de démolition », mais les grèves en France n’ont permis à nos lecteurs et abonnés de recevoir cette analyse destinée à faire le point avant le nouveau « sommet » de Paris… qu’après ce « sommet ». Ainsi vont les jours ! Mais peu importe, en vérité, car il était essentiel de mesurer à quel degré d’insanité nous étions tombés, pour apprécier les résultats relatifs de la rencontre des Neuf à Paris les 10 et 11 décembre derniers.

Un dialogue de sourds

3Que faut-il en penser ? Tout d’abord, comme M. Valéry Giscard d’Estaing l’a dit lui-même, c’est déjà un succès que cette réunion se soit tenue. Il a fallu une certaine ténacité, en effet, au gouvernement français pour obtenir l’accord de ses partenaires. Non seulement le scepticisme paralysait ces derniers mois toutes les initiatives, mais l’acrimonie dominait dans les commentaires de presse. Du côté britannique, on dénonçait le « juridisme continental » et « la farce française ». En Allemagne fédérale, Der Spiegel demandait quel crédit il fallait accorder à M. Giscard d’Estaing (« est-il maître chez lui ? »), tandis que l’hebdomadaire officieux du SPD, Vorwaerts, dénonçait « l’indécrottable nationalisme français ».

4D’autre part, il s’agissait en quelque sorte d’un « sommet » de la dernière chance, pour sortir de l’Europe d’un état de paralysie qui n’avait fait que s’aggraver depuis la rencontre des chefs d’État ou de gouvernement à Copenhague en décembre 1973, au lendemain de l’embargo arabe. À cet égard, certains objectifs limités (dans le temps et dans les formes) ont été atteints, mais au-delà des apparences, il faudra maintenant apprécier les actes. « Chat échaudé craint l’eau froide », dit le proverbe.

5Traditionnellement, les « européens » se partageaient en deux camps : ceux qui insistaient sur la nécessité de renforcer les pouvoirs de la Commission de Bruxelles, de revenir à la pratique majoritaire dans les votes au sein du conseil et de doter l’Assemblée parlementaire européenne des pouvoirs d’un véritable parlement, notamment en matière de contrôle budgétaire, en conférant simultanément, préalablement ou consécutivement à celle-ci la légitimité nécessaire, grâce à des élections au suffrage universel direct. Les fédéralistes européens exigeant au minimum, en outre, que soit confié au Parlement élu le soin de préparer la Constitution européenne et que le Comité économique et social européen soit doté de pouvoirs réels, en se transformant en une véritable assemblée économique. D’une part, s’opposant à ce schéma — qu’ont défendu avec quelques variantes des hommes comme l’Allemand Walter Holstein, le Belge Jean Rey, le Français Jean Monnet, l’Italien Altiero Spinelli, le Luxembourgeois Thorn, le Néerlandais Westerterp, — d’autres personnalités, d’abord françaises, comme le général de Gaulle et Georges Pompidou, mais aussi britanniques et depuis peu allemandes, ont soutenu avec plus ou moins d’âpreté une autre thèse. La Communauté n’est qu’un « marché commun », au mieux une entité économique commune gérée par une technocratie ; la réalité politique fondamentale est et doit rester entre les mains des gouvernements ; les décisions dans un tel contexte ne peuvent être prises qu’à l’unanimité (si on exclut les broutilles) ; le Parlement de Strasbourg est un aimable forum sans légitimité et son élection au suffrage universel demeure irréelle. À côté des organes technocratiques de la CEE, il faut donc construire une véritable Europe des États à partir d’un secrétariat politique (siégeant à Paris ajoutaient les Français).

6Entre ces deux groupes, un dialogue de sourds se poursuit depuis des années. Certains parlent à ce propos de « théologie »… En fait, les prétendus « réalistes » et « pragmatistes » ont accusé ceux qui voulaient dépasser la réalité de l’État-nation, afin de mieux maintenir l’Europe des États, c’est-à-dire une situation contraire non seulement à la lettre, mais à l’esprit qui a présidé à la naissance des Communautés européennes. M. Giscard D’Estaing est trop averti pour ne pas l’avoir compris, et il a choisi, somme toute, de redistribuer les cartes après les avoir soigneusement mélangées et coupées. « Faites vos jeux, Messieurs », a-t-il dit après avoir pris conseil de Jean Monnet.

Le compromis institutionnel

7Aux partisans de l’Europe de la concertation gouvernementale il a suggéré des réunions régulières trois fois l’an et chaque fois que nécessaire, d’une part en conseil de la Communauté, d’autre part, au titre de la « coopération politique ». J’ignore si c’est le mariage de la carte et du lapin ; c’est, en tout cas, celui du schéma « plan Fouchet » et du modèle communautaire. Avantage : du temps de MM. Pompidou et Jobert, on se réunissait déjà – mais seulement au niveau des ministres des Affaires étrangères – en conseil de la coopération politique. D’autre part, on devait distinguer ces réunions de celles du conseil de la Communauté. Au point de mettre, dans une même journée, plusieurs centaines de Kilomètres de distance entre les délibérations de deux aréopages. Désormais, on gagnera en temps et en efficacité : ce ne sont pas seulement les chefs de la diplomatie qui composeront ce « conseil européen », mais les chefs exécutifs. S’ils discutent des matières communautaires, ils devront le faire et décider dans le cadre des obligations (non respectées, il est vrai, jusqu’ici) des traités. S’ils discutent des matières strictement « politiques » (défense, rapports de force dans le monde, etc.), ils le feront selon des critères aujourd’hui libres et non définis. Faut-il regretter cette plus grande souplesse et surtout un certain refus du pharisaïsme procédurier qui avait cours antérieurement ? Je ne le pense pas.

8On doit, d’autre part, se féliciter qu’au cours de ces « sommets banalisés », et dans les conseils de routine de la Communauté, les Neuf aient décidé de renoncer à la pratique qui consistait à subordonner au consentement unanime des représentants des États membres la décision sur toute question. Ne nous faisons pas d’illusion, cette pratique qui violait délibérément les traités de Rome était devenue un véritable doit coutumier. Aujourd’hui, certes, on déclare ne pas renoncer à bloquer le processus décisionnel, mais l’unanimité restera essentielle quand des intérêts nationaux majeurs seront en cause. La formule demeure aléatoire et même ambiguë. Néanmoins, elle précise un peu mieux les intentions proclamées en décembre 1973 à Copenhague, d’en revenir à des règles plus efficaces de vie communautaire. Déjà, en effet, « les chefs de gouvernements attachaient la plus grande importance à ce que les institutions communautaires fonctionnement pleinement et que les décisions y soient prises en temps utile » !

9Cette « banalisation des sommets », qui équivaut, en fait, dans la pratique, à une promotion du conseil de la Communauté, c’est-à-dire de l’organe dont il émane directement, et au plus haut niveau, des réalités politiques nationales, ne s’accompagne d’aucune promotion de la Commission de Bruxelles. De plus en plus, d’ailleurs, ses membres se recrutent parmi les hauts fonctionnaires et les diplomates. Si cette tendance se confirme, son rôle politique, même s’il demeure considérable, ne sera pas de même nature que dans la première phase de l’entreprise européenne. M. Giscard d’Estaing a d’autre part voulu lever l’hypothèque de l’élection du Parlement au suffrage universel. Il y a largement réussi, puisque le communiqué des Neuf déclare que « l’élection au suffrage universel direct devrait intervenir à partir de 1978 », et qu’il reviendrait au Parlement lui-même de déposer des propositions nécessaires à ce sujet, propositions sur lesquelles le conseil devrait statuer en 1976. Voici que s’engage le processus destiné à rendre, du moins nous l’espérons, l’Europe plus populaire qu’elle ne l’est. Mais l’opération « suffrage universel » apportera de nouveaux déboires si on ne progresse pas dans les domaines économiques, politiques et monétaires ; et si, d’autre part, un vaste effort de formation et d’information de l’opinion publique européenne, à tous les niveaux, n’est pas entrepris très rapidement. Au surplus, les Britanniques et les Danois ont formellement indiqué qu’ils ne se considéraient pas engagés pour le moment par cette décision de principe. M. Giscard d’Estaing a, en tout cas, fait la preuve que la France n’est plus « la trainarde » de la Communauté à propos de cette fameuse élection… À vrai dire, il y a un certain temps qu’on le savait.

10Quant au rôle de « sage » confié à M. Tindemans, Premier ministre belge, en vue de dégager une conception d’ensemble de « l’Union européenne » future avant la fin de 1975, « nous devons l’accueillir favorablement, dans la mesure où cette responsabilité a été attribuée à une des personnalités politiques responsables parmi les plus communautaires [de la Communauté] ». Ce dossier est capital pour l’avenir des efforts entrepris depuis un quart de siècle, et l’action des fédéralistes, comme ce fut le cas pour l’élection au suffrage universel direct, aura son importance, malgré leurs faiblesses d’organisation. [1]

Un « mini-fonds régional »

11La décision a été enfin prise de déboucher pratiquement sur une politique régionale commune indispensable à la reprise de l’union économique et monétaire. Une année a été perdue depuis Copenhague où la décision de principe avait déjà été pourtant prise. L’Allemagne de M. Schmidt, soucieuse de limiter ses engagements financiers dans une Europe livrée à l’inflation, concevait, semble-t-il, de plus en plus, la CEE comme une « communauté à responsabilité limitée ». Qu’il s’agisse du budget de la Commission, de la dotation de la politique sociale ou de la politique régionale, elle est apparue de plus en plus allergique aux engagements de dépenses. Mais cette dureté était peut-être plus apparente que réelle… Des concessions ont été faites à la France à propos des prix agricoles malgré un coup de semonce ; des appuis financiers ont été finalement accordés à l’Italie, malgré un taux d’inflation de plus de 25 %. M. Schmidt a accepté la mise en œuvre, à partir du 1er janvier 1975, d’un fonds régional susceptible de venir en aide à l’Italie et à l’Irlande. [2] Dans la péninsule, on connaît depuis longtemps la problématique du Mezzogiorno. Quant à l’Irlande, elle constitue globalement la zone économiquement la moins développée de la communauté. La dotation apparaîtra encore bien faible même pour une année expérimentale et elle demeure dérisoire si on considère les besoins, mais politiquement, le geste a son importance. La « solidarité » européenne sort de la mythologie.

12D’autre part, on vous relève avec intérêt que le communiqué des Neuf mentionne le problème de la dotation du fonds social européen. Les termes sont, il est vrai, prudents (« le conseil examinera le moment venu, à la lumière de l’expérience, en tenant compte […], si et en quelle mesure il s’avère nécessaire d’augmenter les moyens du fonds social », notamment à propos des problèmes de l’emploi).

13En fait, dans un tel domaine, le rôle des professionnels, et en particulier des syndicats désormais plus organisés au niveau de l’Europe, sera décisif en 1975. Un instrument de travail a été créé… C’est à eux d’apprendre à l’utiliser.

Divergences et convergences

14Les Neuf constatent les évolutions divergentes des orientations économiques au sein de la Communauté. À moins de pratiquer systématiquement la politique de l’autruche, que pouvaient-ils faire d’autre d’ailleurs ? C’est un fait que nous sommes menacés d’une récession générale, que le chômage a progressé à pas de géant, que l’inflation poursuit ses ravages… On ne peut donc qu’applaudir quand les chefs de gouvernement soulignent « qu’une haute priorité doit être accordée à une relance de la stabilité », mariant « la défense de l’emploi » et la « lutte contre l’inflation »…

15Mais on nous permettra aussi d’exprimer un certain scepticisme. Comment, en effet, atteindre l’objectif de l’union économique et monétaire, et substituer à la divergence, en période de crise, la convergence des politiques conjoncturelles, et a fortiori structurelles, avec autant d’appareils économiques différents qu’il existe d’États membres ! On nous répond que « ceux qui se trouvent dans une situation d’excédent de la balance des paiements doivent mener une politique et économique de stimulation de la demande interne et de maintien de l’emploi à un niveau élevé », pour permettre aux pays qui connaissent des déficits importants de la balance des paiements d’assurer, à leur tour, « un niveau d’emploi satisfaisant, une stabilisation des coûts et l’amélioration de leurs comptes extérieurs »…

16La réalité est infiniment plus complexe, et comment ne pas qualifier de vœu pieu cette déclaration des Neuf : « les politiques convergentes ne prendront leur sens que si […] elles s’appuient sur des mécanismes permanents et efficaces de consultations ». La fluidité de la réalité économique et monétaire est telle, en effet, qu’on voit mal comment des « mécanismes de consultations » seraient-ils « permanents », pourraient se révéler « efficaces ». Nous sommes ici dans le royaume des bonnes intentions, voire des illusions, notamment si les États-Unis demeurent, de leur côté, en pleine récession, économique et en pleine inflation. Il est évident que seuls des pouvoirs décisionnels communs permettraient de réduire efficacement les fameuses divergences et de systématiser les convergences. Or, tout le problème reste précisément de développer de tels pouvoirs. Ce dont ce « sommet », après ceux qui l’ont précédé en 1969, 1972 et 1973, n’a pas été capable.

17Ajoutons enfin qu’il eût été infiniment plus facile de maintenir en période de crise une certaine cohésion européenne si, à la suite de la réunion de La Haye où furent jetées en 1969 les bases de l’union économique et monétaire, les « communautaires » avaient accepté les recommandations du rapport Werner prévoyant la création d’un véritable centre européen de décisions économiques. Mais ceux-ci ont, une fois de plus, redouté des contraintes trop « supranationales » et préféré un cheminement qui s’est avéré décevant, à mesure que les difficultés mondiales (monétaires d’abord, énergétiques ensuite) se sont accumulées jusqu’à ébranler le frêle édifice de la CEE.

18On connaît le débat et, disons-le, le piège… L’Europe ne s’est jamais préoccupée d’avoir une politique énergétique commune opérationnelle avant que la crise du Kippour éclate. Trop d’intérêts économiques sectoriels, professionnels nationaux s’affrontaient… On l’a vu au moment des difficultés charbonnières, puis avec l’expérience de l’Euratom. On l’a vu encore au début des années 1973 quand les Britanniques s’avisèrent de stopper toute politique de l’énergie au niveau des Neuf sous prétexte que l’Allemagne bloquait, elle, la politique régionale. On l’a vu ensuite quand les Américains prirent l’initiative d’une organisation des États consommateurs à Washington et parvinrent à faire accepter à la plupart des pays industriels occidentaux, et au Japon, leur adhésion à une agence internationale dont la France décidait de rester à l’écart. Cette agence vise, on le sait, à assurer en cas d’urgence un niveau commun d’autonomie d’approvisionnements en pétrole, des mesures communes de restriction de la demande et des mesures de « répartition du pétrole disponible », ainsi qu’à « promouvoir des relations de coopération avec les pays producteurs de pétrole et avec les autres pays consommateurs ». Qui plus est, les statuts de l’agence prévoient l’usage des règles à la majorité qualifiée pour prendre les décisions nécessaires. [3] En l’occurrence, il ne s’agit pas d’idéologie, mais efficacité. Mais l’équation est la suivante : comment concilier la mise en œuvre d’une politique énergétique qui soit propre à la communauté – au besoin indépendamment des États-Unis – avec l’appartenance à une agence internationale où la présence américaine sera déterminante ? Comment concilier la cohérence nécessaire d’une entreprise énergétique à laquelle tous les partenaires européens de la France adhèrent, mais à laquelle celle-ci refuse d’adhérer, avec l’élaboration et la mise en œuvre « dans les délais les plus brefs d’une politique énergétique commune » ? Sans doute, la solution de ce dilemme doit-elle être recherchée ailleurs… la France a proposé une conférence tripartite sur l’énergie (pays consommateurs industriels, pays consommateurs en voie de développement, pays producteurs), pour tenter d’éviter, selon elle, une confrontation entre producteurs et consommateurs.

19Ici encore, l’attitude américaine aura un caractère décisif. Les Neuf peuvent, en effet, progresser dans le domaine de la rationalisation interne de leurs politiques énergétiques, mais ils n’iront pas très loin s’ils demeurent en désaccord sur les orientations globales et les choix décisifs de stratégie pétrolière. Nous aurons l’occasion d’y revenir, puisque le problème est fondamental.

Avec ou sans la Grande-Bretagne

20Les incertitudes britanniques ne pouvaient pas être levées au cours de cette rencontre. M. Wilson est, en effet, lié par des engagements référendaires qu’il a lui-même suscités, dans le but de se démarquer de la politique européenne des conservateurs et de maintenir son rôle de leader au sein d’un Labour Party divisé. Il attendait donc de ce contact avec ses huit collègues des apaisements à propos de la contribution financière que Londres devra régler à la fin de la décennie à la communauté.

21Non sans ironie, M. Valéry Giscard d’Estaing, a donné lecture du passage particulièrement alambiqué du communiqué qui concerne cette affaire : les chefs de gouvernement rappellent la déclaration faite, lors des négociations d’adhésion, par la Communauté, selon laquelle, « si des situations inacceptables devaient apparaître, la vie même de la Communauté exigerait que les institutions y trouvent des solutions équitables. »

22Ils confirment que le système des ressources propres constitue « un des éléments fondamentaux de l’intégration économique de la communauté. » Ils invitent les « institutions de la communauté […] à élaborer le plus tôt possible un mécanisme correcteur, ayant une application générale, qui, dans le cadre du système des ressources propres, en s’inspirant de critères objectifs, prenant en considération en particulier les suggestions faites à cet égard par le gouvernement britannique, puisse éviter […] l’apparition éventuelle de situations inacceptables pour un État membre et incompatibles avec le bon fonctionnement de la Communauté. »

23Espérons, disait un humoriste, que ce charabia permettra à M. Wilson de plaider la cause d’une Grande-Bretagne faisant semblant de rester dans la communauté.

24Les renégociations des termes de la contribution budgétaire devraient, en tout cas, permettre de régler dans les mois qui viennent le problème britannique, puisque les Neuf feignent de penser que les grands principes et les traités ne sont pas en cause dans cette affaire qui contribue puissamment à leur puissance depuis des mois. Sans doute, de telles mésaventures n’ont-elles pas une très grande importance dans une perspective historique, mais le temps perdu par les Européens à tourner en rond ne sera pas rattrapé facilement, si tant est qu’il puisse l’être dans un certain nombre de domaines vitaux comme celui de l’énergie.

25Les prochaines réunions communautaires nous permettront d’apprécier la réalité du renflouement auquel nous venons d’assister. Pour le moment, comme disait à la presse le Premier ministre luxembourgeois, on s’est surtout employé à « limiter la casse ».

Notes

  • [1]
    Pour être complet sur l’essentiel, signalons encore la décision d’étudier par anticipation la réalisation d’un passeport européen unique.
  • [2]
    Le fonds sera doté de 300 000 000 u.c., et 500 000 000 u.c. pour chacune des années 1976 et 1977, soit un milliard 300 000 000 u.c. sera financé à concurrence de 150 000 000 u.c., par des crédits actuellement non utilisés du FEOGA (section orientation). Les ressources du fonds seront réparties selon le schéma prévu par la Commission : Belgique : 1,5 % – Danemark : 1,3 % – France : 15 % – Irlande : 6 % – Italie : 40 % – Luxembourg : 0,1 % – Pays-Bas : 1,7 % – République fédérale d’Allemagne : 6,4 % – Royaume-Uni : 28 %. L’Irlande, toutefois, se verra, en outre, attribuer 6 000 000 u.c, qui viendront en déduction de la quote-part des autres États membres, exception faite de l’Italie.
  • [3]
    Emanuele Gazzo écrit à cet égard dans le bulletin de l’Agence Europe du 4 décembre 1974 : « Il est inutile de mettre au clair certains mécanismes de vote au sein de l’Agence. Rappelons que les 16 membres actuels disposent d’un total de 148 voix, dont 49 pour les huit pays de la CEE, 51 pour les États-Unis, 18 pour le Japon, et 30 pour les six autres. Les décisions importantes requièrent 60 % des voix (89), et l’adhésion d’au moins douze pays (seize dans certains cas). Tout compte fait, on s’aperçoit que, face à une Communauté adhérente, les États-Unis, contrairement à ce que l’on dit, n’aboutiraient jamais à imposer leur volonté. Dans l’hypothèse où la Communauté serait présente dans son intégrité (avec la France), elle disposerait de 58 voix sur 157, la majorité étant alors de 94 voix, et elle disposerait de 9 voix sur 17. »
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