Couverture de EUFOR_362

Article de revue

Deux ans après Lisbonne, l'Europe dans la crise

Pages 131 à 146

Notes

  • [1]
    Voir sur ce point l’analyse de Laurent Cohen-Tanugi (Références in fine)

1Deux ans après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009, l’Europe est plongée dans l’une des pires crises qu’elle ait connues. Mais il s’agit d’une crise d’un type nouveau. Née outre-Atlantique d’une politique irresponsable de crédit immobilier, elle a révélé, après des années de relance par le déficit des finances publiques, le caractère financièrement insoutenable et politiquement destructeur des dettes accumulées par plusieurs des pays membres de la zone euro. À la différence des crises précédentes, la problématique institutionnelle ne figure pas au premier plan des débats. Cependant, sans que la question ait été ouvertement posée, une double dérive intergouvernementale et directoriale (rôle prépondérant du couple Allemagne-France) est à l’œuvre sans que les résultats à l’automne de 2011 soient probants.

2Une analyse des innovations apportées par le traité de Lisbonne et de l’interprétation qui en a été faite dans la crise précédera l’exposé de plusieurs scénarios, d’autant plus contrastés qu’apparaît plus incertain que jamais le poids relatif des facteurs d’union et de division. Difficulté supplémentaire de l’exercice, le périmètre de l’intégration est lui-même mis en question par la diversité des situations et des volontés des vingt-sept pays membres de l’Union.

3***

Un traité en recul

4Jusqu’alors, la série des traités qui ont jalonné l’intégration européenne, à l’exception peut-être du traité de Nice, a traduit la volonté des États membres de franchir un pas en avant. Il en va tout autrement du traité de Lisbonne. Négocié comme un substitut au projet abusivement qualifié de constitution, ses principaux promoteurs, la chancelière Merkel et le président Sarkozy, sont partis de l’hypothèse contestable suivant laquelle l’échec du projet constitutionnel était imputable à un excès d’ambition [1]. Loin de refléter la volonté pourtant affirmée d’accompagner le grand élargissement de l’Union vers l’Est et le Sud, d’un approfondissement de l’intégration, il traduit plutôt le souci de subordonner les adaptations institutionnelles à la sauvegarde aussi intégrale que possible des souverainetés et même des susceptibilités nationales.

5Aucune des insuffisances du projet constitutionnel n’a été corrigée. Le souci de satisfaire les exigences parfois contradictoires des États a conduit à une extrême complication du mode de décision au niveau du Conseil. En revanche, certaines des avancées du projet ont été préservées, en particulier la reconnaissance de la personnalité juridique internationale de l’Union, l’octroi au Parlement européen de la pleine capacité législative en codécision avec le Conseil et l’implication des parlements nationaux par le biais du contrôle de subsidiarité.

6Le défaut majeur du traité constitutionnel était l’exigence d’unanimité pour sa ratification, exigence héritée des traités antérieurs mais difficilement compatible avec l’élargissement du nombre des États membres. Jamais les Irlandais n’auraient pu se permettre de remettre en cause l’une des dispositions essentielles du traité, à savoir la réduction du nombre des membres de la Commission au-dessous de celui des États membres, si leur refus de ratifier les avait menacés d’être ramenés à un statut d’associés. En consentant à l’Irlande le droit de toujours disposer d’un commissaire, droit qui ne saurait être réservé à un seul État, on a pris le risque de transformer la Commission en un nouveau comité de représentants des États dont l’autorité et l’efficacité ne pourront que décroître à mesure des adhésions futures.

7Autre défaut majeur non corrigé par le traité de Lisbonne et aggravé par son interprétation, est l’éclatement de la fonction exécutive et de représentation de l’Union. La mise en place d’un président permanent du Conseil européen parfois présenté comme « président de l’Union » et déchargé de fonctions nationales ne pouvait avoir pour résultat que d’affaiblir la fonction de président de la Commission. Le maintien, sauf pour les affaires étrangères, de la présidence semestrielle du Conseil ajoute un élément supplémentaire de complication dans un traité prétendument simplifié. L’attribution au haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité de la fonction de vice-président de la Commission aurait pu marquer un progrès si elle s’était inscrite dans la perspective d’une présidence unique placée à la tête d’un collège exécutif ou présidium composé de plusieurs ministres à double casquette, proposition dont je m’honore de partager la paternité avec le professeur Jean-Louis Quermonne. La volonté des chefs d’État ou de gouvernement d’éviter l’émergence d’une autorité supérieure à la leur les a conduits à prendre une tout autre direction. Théoriquement possible et réclamée par beaucoup d’observateurs, la présidence unique n’est pas à l’ordre du jour. Sans que la qualité des personnes soit en cause, les désignations à la présidence du Conseil européen tout comme à celle de haut représentant traduisent le rôle modeste qu’on entend leur voir jouer. M. Van Rompuy n’a-t-il pas lui-même cru devoir garantir qu’il se bornerait à refléter l’opinion des membres du Conseil ?

8Les conséquences de cet éclatement de la fonction exécutive ne se sont pas fait attendre. À l’extérieur le président Obama a annulé une rencontre avec les nouvelles autorités européennes. l’intérieur, les initiatives nécessaires pour faire face à la crise financière ne sont venues ni de la Commission, ni du président du Conseil européen mais du duo franco-allemand. Sans doute le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, lui-même président de l’Eurogroupe, instance informelle qui réunit les ministres des finances des dix-sept pays de la zone euro a-t-il fait des suggestions plutôt que des propositions formelles, celle notamment de l’émission d’euro-obligations, mais le duo Merkel-Sarkozy ne leur a laissé aucune visibilité. Manifestant qu’ils détenaient seuls la clé du pouvoir, la chancelière et le président ont pris le risque de susciter chez leurs partenaires des frustrations à terme dangereuses pour la cohésion de l’Union et même de la zone euro.

9Les dispositions réglant le mode de décision du Conseil pour les matières relevant de la majorité qualifiée défient, par leur complexité, tout effort de description. La pondération des voix arrêtée dans le traité de Nice qui maintient l’égalité entre les quatre pays les plus peuplés, l’Allemagne obtenant en contrepartie un renforcement considérable de sa représentation au Parlement européen est maintenue jusqu’en 2014, voire 2017 si un État le demande. La majorité de 255 voix sur un total de 345 ne suffit pas à la décision. Encore faut-il que cette majorité représente au moins 62 % de la population de l’Union (exigence des États les plus peuplés) et la majorité simple des États membres (exigence des moins peuplés). À partir du 1er novembre 2014 ou du 1er avril 2017, la pondération de Nice cède la place à une règle de double majorité : majorité de 55 % des États et de 65 % de la population, étant précisé que trois grands États ne sauraient à eux seuls bloquer une décision. Enfin un protocole annexe maintient, à la demande de la Pologne, le compromis d’Ioannina permettant à une petite minorité (27 % de la population ou du nombre d’États) de retarder une décision.

10Outre sa complexité qui a l’inconvénient de rendre opaque et incompréhensible pour la plupart des citoyens, y compris les mieux informés, le fonctionnement institutionnel de l’Europe, le traité se caractérise par une méfiance systématique des États à l’égard de leur Union. On en trouve la trace aussi bien au niveau des symboles et du vocabulaire qu’à celui de la définition des compétences.

11Les vocables « loi » et « loi-cadre » qui figuraient dans le traité constitutionnel sont abandonnés au profit des termes actuels de « règlements » et de « directives ». Le « ministre des affaires étrangères » redevient « haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ». La primauté du droit communautaire ne fait plus l’objet d’une affirmation explicite mais seulement d’une référence à la jurisprudence de la Cour de justice. Le texte de la charte des droits fondamentaux n’est pas repris dans le texte du traité mais fait l’objet d’une mention lui donnant la même valeur juridique, avec cependant des réserves de la part du Royaume-Uni et de la Pologne inscrites dans un protocole annexe. Toute mention des symboles de l’Union (drapeau, hymne, devise, journée, monnaie) a disparu, ce qui a conduit seize États, parmi lesquels la France ne figure pas, à affirmer leur attachement à ces symboles dans une déclaration annexe. Enfin, la limitation des compétences de l’Union est durcie par l’usage d’une formulation négative « l’Union n’agit que… » et le contrôle de la subsidiarité est renforcé. Un projet d’acte législatif contesté sur ce terrain par une majorité de parlements nationaux peut être écarté par un vote du Conseil (à la majorité de 55 % de ses membres) ou du Parlement européen (à la majorité simple). Il est aussi précisé que les compétences de l’Union peuvent être réduites aussi bien qu’étendues par la procédure de révision.

12Cependant le traité de Lisbonne contient quelques apports positifs dont certains même étaient absents du traité constitutionnel. Ainsi « l’établissement d’une union économique et monétaire dont la monnaie est l’euro » est inscrit dans les objectifs de l’Union. De même, il a été précisé à la demande de la France, que l’Union, dans ses relations avec le reste du monde devait « contribuer à la protection de ses citoyens ». La France a également obtenu que la concurrence libre et non faussée n’apparaisse plus comme un objectif mais comme un moyen d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur.

13L’apport essentiel du traité de Lisbonne, repris celui-là du traité constitutionnel, est la reconnaissance de la personnalité juridique de l’Union ainsi que la disparition de la séparation en trois piliers. La politique étrangère et de sécurité commune n’en continue pas moins de relever de la coopération intergouvernementale. Moins grave que la division de naguère sur l’Irak, le refus de l’Allemagne de participer à la protection des populations en Libye et son abstention sur la résolution du Conseil de sécurité a mis en lumière les limites de la solidarité politique au sein de l’Union.

14L’extension des pouvoirs du Parlement européen marque un progrès dans la démocratisation de l’Union : généralisation de la codécision sous l’appellation symbolique de procédure législative ordinaire, élection du président de la Commission, sur proposition, il est vrai, du Conseil européen statuant à la majorité qualifiée, élargissement du champ des accords internationaux nécessitant son approbation, implication du Parlement dans la procédure de révision. L’initiative citoyenne permettant à un million de citoyens de demander à la Commission de présenter une proposition est un pas en direction d’une démocratie participative à l’échelle européenne dont seul l’usage qui en sera fait permettra d’apprécier la portée.

15Le rôle renforcé reconnu aux parlements nationaux dans le contrôle de la subsidiarité peut être considéré comme l’un des nombreux signes de méfiance à l’égard de l’Union, présents dans le traité. Il peut aussi être vu comme un élément de démocratisation transnationale palliant, dans une certaine mesure, l’absence de ce congrès des parlements que M. Giscard d’Estaing n’était pas parvenu à faire adopter par la Convention.

16Le même jugement contradictoire peut être porté sur les dispositions destinées à faciliter diverses formes de différenciation dans l’intégration: coopérations renforcées requérant la participation d’au moins neuf États ou, en matière de défense, coopération dite structurée permanente sans exigence d’un nombre minimum de participants. D’une part, la différenciation est inévitable dans une Union comptant un nombre élevé d’États aux dimensions et aux caractéristiques diverses. D’autre part, la multiplication des différenciations pourrait mettre en cause la cohésion de l’Union et le fonctionnement de ses institutions. Ainsi le traité prévoit que les représentants des États au Conseil ne participant pas à une coopération renforcée peuvent participer aux délibérations mais pas au vote, mais aucune disposition analogue n’existe relativement aux délibérations et aux votes du Parlement européen.

17Alors qu’aucune coopération renforcée n’avait été mise en œuvre sur la base des traités précédents, deux projets de ce type semblent près d’aboutir concernant deux domaines relativement mineurs. L’un concerne les divorces entre conjoints de nationalité différente. Il a permis de surmonter l’opposition de la Suède. L’autre a trait aux brevets. Il vise à passer outre aux exigences linguistiques de l’Italie et de l’Espagne. Il se heurte, de ce fait, à une vive opposition de ces deux pays.

18***

19Le bilan que l’on peut dresser après deux années d’application du traité de Lisbonne peut se résumer en quelques mots : émergence d’un directoire germano-français solide mais chaotique face à la crise des dettes souveraines, alliance bilatérale franco-britannique en matière de défense ignorant totalement l’Union européenne et les dispositions en la matière du traité de Lisbonne, effacement de la Commission réduite à sa fonction administrative et de gardienne de la concurrence, appels ambigus au fédéralisme ou à l’institution d’un gouvernement économique intergouvernemental qui en serait l’exact opposé, tout cela sur un arrière-plan d’euroscepticisme et de repli sur les égoïsmes nationaux.

20La crise des dettes souveraines résulte de la prise de conscience par les détenteurs de créances sur les États que l’appartenance à la zone euro ne constituait pas, comme on l’avait un moment cru, une garantie contre le risque d’insolvabilité. En conséquence, certains d’entre eux, la Grèce aux comptes insincères et à la gestion débridée, l’Irlande aux banques en faillite, le Portugal à l’économie stagnante et peu compétitive n’ont pu continuer à couvrir leur déficit par l’emprunt, sinon à des taux de nature à mettre en cause toute chance de redressement. L’Espagne et l’Italie, à leur tour furent atteintes par la défiance d’investisseurs inquiets de la lenteur et de l’insuffisance des mesures adoptées pour faire face à la crise. La France elle-même semble avoir pris conscience de ce qu’elle ne serait pas à l’abri si elle n’entreprenait pas un redressement de ses finances publiques plus rapide que celui qui avait été prévu.

21Lors de la première alerte du printemps 2011, une solidarité totale des membres de la zone euro conduisant à utiliser la capacité d’emprunt de l’Union aurait suffi à rassurer les créanciers. On peut difficilement faire grief à l’Allemagne de s’y être refusée. Seule, dans la zone euro, avec l’Autriche, la Finlande et les Pays-Bas, elle avait, au prix d’un effort fiscalement et socialement douloureux, mis ses finances en ordre après un long effort consécutif à la réunification. Elle avait averti ses partenaires qu’on ne pourrait pas compter sur elle, en exigeant l’insertion d’une clause de non-renflouement (no bail out) dans le traité de Maastricht. Elle avait cependant, comme ses partenaires et la Commission, fermé les yeux sur les fantaisies grecques et enfreint elle-même, de concert avec la France, les règles fixées par le traité. Les décisions du 21 juillet qui devaient apporter un soulagement à la Grèce sont insuffisantes pour rassurer les créanciers et plus encore pour permettre une reprise de la croissance dans un pays plongé dans la misère et la récession. Soumises à l’exigence d’unanimité, leur mise en œuvre a été retardée par les exigences de garantie de la Finlande et par une querelle de politique intérieure en Slovaquie. Une incertitude persiste au sujet du quantum de remise de dette dont pourrait bénéficier la Grèce de la part des banques créancières. La situation des banques est elle-même source de la plus grande confusion. La mise en garde du FMI par la voix de sa nouvelle directrice générale, mal reçue au départ, est désormais prise au sérieux. La chute de Dexia a révélé le peu de fiabilité des stress tests que cette banque franco-belge venait de subir avec succès. La dotation du nouveau fonds européen de stabilité financière par qui transitent les aides à la Grèce et aux autres pays en difficulté, son éventuelle intervention au profit des banques font l’objet de discussions difficiles, notamment entre Paris et Berlin. La poursuite des achats de dette souveraine par la Banque centrale et l’ampleur du soutien apporté aux banques font aussi l’objet de vives discussions au sein même des instances de la BCE dont la présidence vient de passer de Jean-Claude Trichet à l’Italien Mario Draghi. Fait nouveau, les retards et les insuffisances des décisions européennes suscitent sur les autres continents un mécontentement qui s’exprime ouvertement, en particulier dans le cadre du G20. Les États-Unis, la Chine, l’Amérique latine attendent des Européens des mesures fortes et rapides à défaut desquelles ils redoutent une contagion générale de méfiance qui aurait de graves conséquences pour l’économie mondiale.

22Ainsi la crise a démontré l’inadaptation des institutions européennes, sans pour autant que se dégage un consensus au sujet des réformes nécessaires. L’illusion persiste, notamment à Paris, qu’un gouvernement économique exclusivement intergouvernemental pourrait fournir la solution. Il est vrai que la passivité de la Commission affaiblie par sa composition où la domination de ressortissants de pays à faible population est manifestement excessive donne des arguments aux adversaires de la méthode communautaire. Il est désormais clair que l’avenir de l’union monétaire ne sera durablement assuré qu’au prix d’un pas important en direction d’une intégration renforcée, voire d’une union politique. Des signes venus de Londres où l’on s’inquiète de la lenteur des décisions dans l’eurozone laissent supposer que le Royaume-Uni pourrait accepter la constitution au sein de la plus grande Union d’une union plus intégrée, prenant ses décisions à la majorité. La question d’un nouveau traité est ouvertement posée par l’Allemagne. Se limitera-t-il au domaine économique et financier ? L’extension des compétences européennes à la politique économique, financière, budgétaire et fiscale n’implique-t-elle pas une union politique fédérale ? Peut-on concevoir une union politique restreinte au sein de l’UE ? Telles sont quelques-unes des questions qui ne manqueraient pas de se poser aux rédacteurs d’un nouveau traité constitutionnel dont le Parlement européen pourrait prendre l’initiative après sa prochaine élection à la condition que ces questions aient été débattues lors de la campagne électorale. Encore faudrait-il clarifier les idées sur le contenu d’une union politique qui, pour être efficace, devra être supranationale mais pourrait être à la fois intergouvernementale et fédérale. Les décisions seraient prises par les gouvernements, à la majorité qualifiée sans exceptions, en codécision avec le Parlement si elles sont de nature législative. Une instance exécutive ayant la confiance des États et du Parlement disposerait d’un pouvoir non exclusif de proposition et de larges délégations pour la mise en œuvre des décisions et pour la représentation extérieure. La coexistence de cette instance exécutive avec la Commission de la grande Union ne manquerait pas de poser des problèmes difficiles qui pourraient être en partie résolus par le cumul des fonctions, les commissaires ressortissants des pays membres de l’union restreinte constituant la nouvelle instance exécutive. À défaut d’une formule de ce type, inévitablement compliquée, on ne voit pas, à terme, de solution autre que la négociation d’un statut de membre associé pour les pays qui refuseraient le passage à l’union politique.

23Une union de politique économique et budgétaire ne devrait pas se limiter à soumettre les budgets nationaux à la tutelle de l’Union. Elle devrait s’accompagner de mesures favorisant la croissance et l’emploi : mutualisation des dettes souveraines, émission d’emprunts européens destinés à financer la croissance verte, l’innovation et les réseaux transnationaux, concertation des politiques salariales, extension des missions de la Banque centrale, élargissement de ses possibilités d’intervention. Un premier pas dans cette direction a été franchi par le rachat de titres par la BCE dont le dynamisme, à la limite de ses compétences, a joué un rôle d’amortisseur décisif mais contesté par certains en Allemagne. De même le fonds européen de stabilisation financière pourrait être l’amorce d’un Trésor européen. Plus conflictuel sera l’octroi à l’Union du droit de lever l’impôt. Il serait logique d’affecter à l’Union l’impôt sur les transactions financières ainsi que celui d’une éventuelle taxe carbone. Les bénéfices des entreprises exerçant leur activité dans plusieurs pays pourraient aussi être imposés au niveau de l’Union afin d’éviter des pratiques d’optimisation fiscale. L’existence d’un budget fédéral européen couvrant une part des dépenses militaires, en commençant par les recherches sur les nouvelles technologies, domaine dans lequel le retard de l’Europe devrait imposer la mutualisation des efforts, serait la meilleure garantie de pérennité de l’union monétaire en même temps qu’un élément décisif de l’union politique.

24La nécessité depuis longtemps affirmée par Jacques Delors de compléter l’union monétaire par une union économique semble enfin reconnue. Mais la proposition de rencontres semestrielles des chefs de gouvernement sous la présidence d’Herman Van Rompuy présentées comme le futur gouvernement économique, lors d’un sommet Merkel-Sarkozy du 16 août 2011, ne répondent que très partiellement aux exigences d’efficacité et de légitimité démocratique que l’on attend d’un gouvernement. Elle se heurtera à de fortes objections aussi bien au Parlement européen, attaché à la méthode communautaire que de la part des pays qui redoutent un directoire franco-allemand.

25Parallèlement aux plans de lutte contre la crise des dettes, un important travail législatif associe la Commission, sous l’égide de Michel Barnier, le Conseil et le Parlement : renforcement de la discipline budgétaire, encadrement des transactions sur produits dérivés, des ventes à découvert et des assurances contre le risque de défaut, taxe sur les transactions financières, création éventuelle d’une agence de notation européenne. La Commission et le Parlement pourraient retrouver le rôle qui leur revient si l’on se décidait à légiférer pour endiguer les débordements de la spéculation et, ce qui sera plus difficile, faire quelque progrès en direction de l’harmonisation de la fiscalité des entreprises et de la lutte contre les paradis fiscaux. Contrairement à une opinion répandue en France, le recours à la « méthode communautaire », initiative de la Commission, codécision du Conseil et du Parlement donne plus de garanties à la démocratie, par sa transparence, que les décisions intergouvernementales issues de conciliabules secrets d’experts. Selon la députée européenne Sylvie Goulard, le meilleur moyen de rendre confiance aux marchés serait de remettre en selle la Commission avec un nouveau président.

26À ce qui peut apparaître comme une tentative de directoire économique germano-français, répond curieusement une sorte d’alliance militaire franco-britannique, sans rapport avec l’UE et moins encore avec les dispositions du traité de Lisbonne. L’intervention commune en Libye sur mandat du Conseil de sécurité, alors que l’Allemagne s’abstenait, a cruellement révélé l’inexistence de la politique étrangère et de sécurité commune promise par le traité. Également significative a été la conclusion d’un important accord bilatéral en matière d’armement prévoyant notamment l’utilisation par les Britanniques d’un méga-ordinateur français destiné à suppléer aux essais nucléaires. Le gouvernement Cameron a cru devoir, pour apaiser un groupe parlementaire europhobe et atlantiste, préciser que cet accord n’avait aucun rapport avec la défense européenne ! Il persiste dans son opposition à la création d’un état-major européen.

27L’effacement de la Commission est un autre aspect du bilan de Lisbonne dont il est difficile de déterminer s’il tient au traité, à la personnalité du président Barroso ou à l’air du temps. La fusion des piliers a été conçue de manière à tenir la Commission en dehors des affaires les plus sensibles. L’idée gaulliste suivant laquelle la Commission était dépourvue de toute légitimité démocratique s’est imposée en dépit du renforcement du rôle du Parlement européen dans le choix du président et la validation de ses collègues. Outre la tendance de tous les gouvernements à se méfier d’une autorité indépendante, la volonté des États de désigner chacun leur commissaire ne pouvait qu’affaiblir l’autorité de la Commission. Celle-ci n’a pas tenté de faire appel à l’opinion. Elle aurait pu souligner que, désormais désignée en fonction du résultat des élections européennes, elle disposait de la légitimité propre aux gouvernements parlementaires, eux aussi non élus, mais prenant appui sur la confiance d’un parlement. Les partis de gouvernement, en principe engagés pour une Europe démocratique, n’ont rien fait pour s’opposer à cette évolution. Ils auraient pu conforter la légitimité politique de la Commission en désignant leur candidat à la présidence avant les élections et en présentant aux électeurs des programmes intégrés.

28Outre l’insuffisance et le retard de ses réactions face à la crise, deux domaines ont illustré au cours des derniers mois cette défaillance de la Commission. Elle semble s’être résignée trop longtemps à une dispersion des politiques nationales en matière d’énergie, se traduisant notamment par l’annonce, sans aucune consultation préalable, de l’abandon du nucléaire par l’Allemagne précédé par l’établissement d’une relation bilatérale très étroite entre l’Allemagne et la Russie pour l’approvisionnement en gaz, alors que l’intérêt commun à long terme exigerait une politique commune d’achat et alors que le traité de Lisbonne affirme l’objectif de la sécurité d’approvisionnement. Dans un autre domaine, celui du soutien à la démocratie dans le monde méditerranéen, on aurait pu s’attendre à des initiatives plus ambitieuses. Les révoltes arabes auraient pu donner l’occasion de montrer l’utilité de la réunion sur la tête de Lady Ashton des fonctions de haut représentant et de vice-président de la Commission. Pourquoi n’avoir pas tenté de réunir les moyens de l’Union et ceux des États en vue d’un soutien cohérent et de grande ampleur à l’établissement dans le monde arabe, et d’abord en Tunisie et en Égypte, de régimes se réclamant de nos valeurs ?

29Dernier aspect du bilan de Lisbonne, une étrange confusion des esprits se traduisant dans la concomitance d’appels au fédéralisme venant de milieux divers et de propositions politiques ou de pratiques gouvernementales en totale opposition avec le concept même de fédéralisation. En attendant que les conditions d’un saut fédéral soient réunies, une solution transitoire consisterait à désigner comme l’ont proposé Jean-Claude Trichet et Michel Barnier un ministre européen des finances membre de la Commission ou ayant un lien fort avec elle qui soit en mesure à la fois de faire respecter la discipline budgétaire et de seconder les efforts de redressement financier mais aussi économique et social des États en difficulté. Entérinées par la Commission, les propositions de ce ministre seraient adoptées à la majorité qualifiée en codécision du Conseil et du Parlement. Concernant les domaines qui relèvent de l’unanimité, la fiscalité notamment, il devrait être clair que l’usage du veto priverait le pays qui en abuserait de tout ou partie des appuis de l’Union. Le ministre aurait la responsabilité d’une agence émettant des obligations européennes. On sous-estime le choc psychologique qui résulterait de la création d’un Trésor européen affirmant la solidarité totale de la zone euro. Sans doute l’écart de taux des eurobonds par rapport aux taux qu’obtient l’Allemagne serait bien moindre qu’on ne l’imagine à partir de la moyenne des taux obtenus aujourd’hui par les divers États membres de la zone. C’est la thèse défendue par un jeune économiste allemand, Henrik Enderlein, conseiller du SPD, dans Le Monde du 25 août 2011. Un pas de grande portée politique en direction du fédéralisme aurait les meilleures chances d’être à la fois plus efficace et moins coûteux que les bricolages à répétition des derniers mois.

30***

Des scénarios contrastés

31De l’analyse qui précède, on peut tirer suivant son humeur des prévisions très diverses. Rarement l’avenir de la construction européenne n’a paru aussi incertain tant sont contraires les pulsions qui commandent son évolution. La construction d’une Europe politique se heurte à une double contradiction. D’une part, les gouvernements, par un attachement compréhensible mais désastreux à leurs prérogatives, condamnent l’Union à une impuissance qui la rend impopulaire. C’est le fiasco de l’Europe des États dénoncé par Laurent Cohen-Tanugi. D’autre part, bien que partageant la conviction de la nécessité historique d’une union toujours plus étroite des peuples européens face à l’émergence de nouvelles puissances dans un monde globalisé, les élites européennes se révèlent incapables de faire partager cette conviction à la masse des citoyens. Cette double contradiction explique l’échec des référendums de 2005 en France et aux Pays-Bas. Loin de s’être atténuée, elle est plus vive que jamais. En effet, la crise financière a accentué à la fois les exigences de discipline et de solidarité, notamment au sein de la zone euro et le scepticisme des peuples à l’égard des institutions. De même, dans l’ordre géopolitique, jamais l’union des nations d’Europe n’a paru plus nécessaire à la défense de leurs valeurs et de leurs intérêts et jamais depuis le dernier conflit mondial n’ont été aussi virulents les ferments de la xénophobie et du nationalisme. À partir de ces contradictions, plusieurs scénarios sont envisageables. On peut en distinguer trois pour la clarté de l’exposé : la continuité, la régression, le sursaut.

32Le scénario le plus probable est celui de la continuité. Le marché unique et l’union monétaire sont préservés au prix de difficultés et de tensions. L’union économique se limite à une discipline budgétaire plus stricte. L’harmonisation fiscale se heurte à de fortes résistances. Les paradis fiscaux perdurent. L’action conjointe de la Banque centrale et des Fonds de stabilité financière permettent d’éviter la faillite des pays en difficulté tout en les condamnant à une austérité prolongée. Le pas vers l’émission d’euro-obligations n’est pas franchi ou entouré de limitations qui en réduisent la portée politique et l’efficacité. Le gouvernement économique de la zone euro demeure à l’état de projet non abouti dont le principal résultat est d’affaiblir un peu plus la Commission de plus en plus réduite à sa fonction punitive. Au plan extérieur, la politique étrangère et de sécurité commune se limite à la poursuite d’une coopération contre les menaces terroristes et de la piraterie, de l’aide humanitaire en Afrique et au Moyen-Orient. L’appui aux transitions, que l’on peut prévoir difficiles des dictatures d’Afrique du Nord vers une forme sans doute fort imparfaite de démocratie, demeure limité. Au lieu de donner un contenu à une politique méditerranéenne mal engagée, il se traduit par une compétition feutrée autour du pétrole libyen. Les domaines essentiels, à savoir les relations avec les États-Unis et l’OTAN, les contrats énergétiques avec la Russie et les autres grands fournisseurs de pétrole et de gaz, les rapports avec la Chine demeurent presque exclusivement dans la sphère que se réservent les États membres, notamment les principaux d’entre eux, au risque de se trouver dans une position de faiblesse. L’organisation d’une solidarité européenne, c’est-à-dire la délégation de pouvoirs de négociation à une autorité commune supposerait une vision à long terme qui n’est pas la principale vertu de nos démocraties.

33L’ampleur des défis, l’état des opinions et la relative médiocrité des dirigeants actuels de l’Union comme de la plupart des États membres ne permet pas d’exclure un scénario plus sombre, la régression. Il est possible que les politiques de lutte contre la crise ne conduisent au refus d’une discipline jugée insupportable par les uns et au rejet d’une solidarité jugée injustifiée par les autres, refus et rejet favorisant l’émergence de partis extrémistes suffisamment influents pour rejeter aussi bien la discipline que la solidarité. Au plan politique, il est possible que le primat de l’intergouvernemental et l’effacement concomitant de la Commission conduisent à des tensions entre grands et petits États, soit que le couple franco-allemand soit contesté, soit qu’il ne parvienne pas à rétablir l’harmonie dans une Union devenue chaotique. Une telle évolution pourrait conduire à un éclatement de la zone euro, soit par le départ de pays en défaut tentés de se refaire au moyen d’une monnaie dévaluée, soit par la sortie de l’Allemagne accompagnée sans doute de quelques-uns de ses voisins. Encore doit-on considérer de tels développements comme peu probables, tant leurs conséquences – seraient redoutables : misère accrue dans les pays dévaluateurs, récession en Allemagne provoquée par une hausse considérable du nouveau deutsche mark, mais surtout catastrophe politique majeure.

34Les conséquences d’un éclatement de la zone euro dépasseraient en effet de très loin la sphère économique et financière. Elle apparaîtrait aux yeux des Européens, comme à ceux du reste du monde, comme un échec majeur du vieux continent, comme l’abandon de ses prétentions à jouer un rôle dans la future gouvernance mondiale. Un travail de rapprochement entre les peuples européens poursuivis depuis soixante ans serait compromis, sinon entièrement ruiné. Comme toujours en pareil cas, s’ouvrirait un débat redoutable en recherche de responsabilité. Nul ne sait jusqu’où pourraient conduire les accusations réciproques sur fonds de perturbations économiques et de misère sociale.

35À l’opposé du scénario catastrophe, on ne saurait exclure que se produise un sursaut même si, en cet automne 2011, on a quelque peine à en déceler d’autre origine que la nécessité de sauver l’union monétaire. Il est vrai que, jusqu’à présent, les crises ont souvent favorisé des progrès que l’on n’attendait pas. Aujourd’hui, le progrès possible est celui d’une intégration financière et budgétaire imposée aux États plutôt que voulue par eux mais à partir de laquelle la nécessité d’un accompagnement politique finirait par s’imposer.

36Les élections régionales récentes en Allemagne ont vu le succès des partis les plus européens. Plusieurs voix se sont fait entendre en faveur du fédéralisme et des États-Unis d’Europe, celle de l’ancien chancelier Schröder, de l’ancien ministre des affaires étrangères Joschka Fischer, celle aussi d’Ursula von der Leyen, ministre du travail du gouvernement Merkel à qui on prédit un bel avenir. Si ce renouveau, aussi bienvenu qu’inattendu, d’intérêt germanique pour l’Europe conduisait Berlin à faire le choix d’une solidarité totale sans doute seule capable de sauver durablement l’euro, une étape importante serait franchie en direction d’une fusion des souverainetés budgétaires, donc de l’Europe politique. Une fois de plus l’Europe sortirait renforcée d’une crise où d’aucuns prophétisaient son effondrement. Dans un climat politique transformé, il pourrait se trouver quelques leaders désireux de s’inscrire dans la liste des personnalités qui ont contribué à faire avancer l’unité du continent. Ils pourraient prendre appui sur le sentiment largement répandu suivant lequel face à l’émergence de nouvelles puissances et au réveil de l’Asie, les peuples européens ne pourront préserver leur influence et défendre leurs intérêts qu’en renforçant leur union. Le centième anniversaire de la première guerre civile européenne et les célébrations qui l’accompagneront devraient rappeler à des générations oublieuses le prix de la paix. Les prochaines élections européennes se tiendront cette année-là. Les partis de gouvernement qui ont traditionnellement soutenu l’intégration pourraient saisir cette occasion pour tenter de renverser la vague d’euroscepticisme. Leur premier devoir serait d’élaborer des programmes transeuropéens et de les présenter aux électeurs en utilisant les moyens modernes de communication. S’ajoutant à la publication de programmes intégrés, la présentation de leurs candidats pour la présidence de la Commission, devrait permettre, en clarifiant les enjeux du scrutin, d’inverser la courbe désespérément déclinante de la participation. Un Parlement européen mieux élu, après un débat transnational sur les programmes, serait en mesure de combattre la dérive intergouvernementale qui empêche l’Europe d’acquérir une identité politique qui lui soit propre et ne se limite pas à la combinaison précaire des identités de ses États membres.

37Pour qu’un sursaut européen consécutif aux élections soit durable, il faudrait que l’idée d’Europe soit de nouveau associée, comme elle l’était naguère, à l’idée de progrès. Les champs d’intervention positive d’une Union qui aurait retrouvé confiance en ses possibilités ne manquent pas. Le plus évident, récemment rappelé par Jacques Delors, est celui de l’utilisation de la capacité d’emprunt de l’Union, non seulement pour mutualiser les dettes mais pour donner une forte impulsion aux politiques de recherche et d’innovation seule solution à long terme au problème de l’emploi. Cette impulsion s’étendrait naturellement aux domaines connexes de l’énergie et de la lutte contre la menace climatique. Au plan extérieur, une plus grande fermeté dans l’exigence de réciprocité dans les relations avec les pays émergents et en premier lieu avec la Chine (marchés publics, investissements, propriété intellectuelle) serait mieux fondée que les appels de quelques démagogues à un protectionnisme généralisé. Une attitude ferme d’une Union européenne sûre de son bon droit et décidée à le défendre ne manquerait pas de changer l’image de l’Europe. Il en serait de même si l’Union parvenait à concevoir et à adopter une politique commune d’immigration fondée à la fois sur la surveillance des frontières et la conclusion d’accords avec les pays d’origine des migrants permettant des allers et retours, en particulier pour les étudiants. La refondation annoncée de l’Union pour la Méditerranée en vue du soutien aux jeunes et fragiles démocraties nées du printemps arabe devrait faciliter la mise en œuvre de cette politique. Elle devrait permettre une stricte sauvegarde de la liberté de circulation, acquis essentiel de l’Union.

38Une Europe qui aurait surmonté sa crise financière et renforcé son unité aurait plus d’autorité pour reprendre son rôle de pionnier dans la lutte contre le défi climatique.

39C’est seulement à partir de réalisations propres à restaurer l’image de l’Europe dans l’opinion, que l’on pourrait rouvrir le chantier institutionnel. Cela supposerait qu’une réponse soit apportée à deux questions laissées sans réponse par le traité constitutionnel comme par celui de Lisbonne. Comment établir un gouvernement européen qui soit à la fois distinct et proche des gouvernements nationaux ? Comment organiser la différenciation entre les pays qui seraient prêts à un nouveau pas en avant et les autres ?

Références

  • Marianne Dony, « Après la réforme de Lisbonne » Les nouveaux traités européens, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2008.
  • Laurent Cohen-Tanugi, Quand l’Europe s’éveillera, Grasset décembre 2010.
  • Jean-Louis Quermonne Le système politique de l’Union européenne, Montchrestien, Clefs politique 8ème édition 2010.
  • Jean-Louis Quermonne L’Union européenne dans le temps long, Les presses de Sciences-Po Préface de Jacques Delors 2008.

Date de mise en ligne : 09/12/2011

https://doi.org/10.3917/eufor.362.0131

Notes

  • [1]
    Voir sur ce point l’analyse de Laurent Cohen-Tanugi (Références in fine)

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.9.173

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions