Notes
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[1]
Zaniel Novoa Goicochea, El origen del río Amazonas, CIGA-PUCP, Lima, 1996 (compte rendu scientifique de l’expédition « Amazon Source 96 »).
-
[2]
INEI, Recensement du Pérou 2017.
-
[3]
« Amazonía : Indígenas de 9 países piden coherencia en políticas de desarrollo », 26 mars 2018, consultable sur www.servindi.org
-
[4]
www.survival.es/sobre/indigenasamazonicos
-
[5]
Données de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (Organição do Tratado de Cooperação Amazônica ou OTCA).
-
[6]
Eduardo Neves, Arqueología da Amazonia, Jorge Zahar Éditions, « Descobrindo o Brasil », Río de Janeiro, 2006 ; Eduardo Neves et James Petersen, « The political economy of pre-Columbian Amerindians : landscape transformation in Central Amazonia », Time ans Complexity in Historical Ecology, William Balée et Clark Erickson (éd.), Columbia University Press, New York, 2006, pp. 279-309.
-
[7]
Stéphen Rostain, Amazonie, un jardin sauvage ou une forêt domestiquée. Essai d’écologie historique, Actes Sud – Errance, 2016, pp. 241-242. Voir aussi St. Rostain, Amazonie, les douze travaux des civilisations précolombiennes, Belin – Humensis, 2017.
-
[8]
William Balée, Footprints of the Forest. Ka’apor Ethnobotany – the historical ecology of plant utilization by an amazonian people, Columbia University Press, New York, 1994.
-
[9]
9 St. Rostain, Amazonie, op. cit., pp. 69-73.
-
[10]
Marc J. Dourojeanni, « Belaúnde en la Amazonía », 12 juin 2017, consultable sur www.caaap.org.pe
-
[11]
Pieter Zuidema, Ecología y manejo del árbol de Castaña (Bertholletia excelsa), PROMAB, Riberalta (Bolivie), 2003, pp. 21-26.
-
[12]
John Bullister, Robert Key, Richard Matear, Ben McNeil, Jorge Sarmiento, « Anthropogenic CO2 Uptake by the Ocean Based on the Global Chlorofluorocarbon », Data Set.Science, 10 janvier 2003, vol. 299, 5604, pp. 235-239.
-
[13]
Cf. Fernando Lopez, « Amazonie, aux sources d’une résistance universelle », Projet, n° 347, août 2015, pp. 15-19.
-
[14]
Processus de disparition de l’écosystème de la forêt tropicale humide, caractérisé par son abondante biodiversité, pour devenir de vastes étendues de prairies aux formations forestières réduites.
-
[15]
Résidus minéraux toxiques non rentables laissés après la fin de la période de production de la mine. Ce sont les fruits de l’exploitation minière ancienne, principalement à une époque où les lois environnementales et la sensibilisation à l’environnement n’étaient pas des priorités.
-
[16]
Nora Yoni Bendayán-Acosta, H. Paredes, Roberto Pezo, « Determinación de metales pesados bioacumulables en especies ícticas de consumo humano en la Amazonia peruana », Folia Amazonica, vol. 4 (2), 1992, IIAP 171, Iquitos (Pérou), pp. 171-181.
-
[17]
Ensemble d’écosystèmes caractéristique d’une aire biogéographique.
-
[18]
« Presentan serios cuestionamientos al proyecto Hidrovía Amazónica », 16 août 2018, consultable sur www.servindi.org
-
[19]
WCS Pérou, vidéos « Proyecto Hidrovía Amazónica » et « El dorado Amazónico : un viajero sin fronteras », visibles sur www.youtube.com
-
[20]
Repam, Memoria del encuentro fundacional, 9 au 12 septembre 2014, Celam – CNBB – Caritas – Clar, Brasilia, 2014, p. 16, consultable sur caritascolombiana.org
1Représentant près de la moitié du continent sud-américain, l’Amazonie est un territoire particulier. Sa biodiversité est extrêmement riche (un tiers de la biodiversité mondiale) et ses réserves d’eau importantes (environ un cinquième de l’eau douce à la surface de la planète). À une époque où l’on se préoccupe de limiter le changement climatique et d’éviter une chute trop brutale de la biodiversité, le cas de l’Amazonie est significatif. À certains égards, c’est là que se joue une grande part de l’avenir de l’Humanité.
Un territoire immense
2Pour comprendre la situation amazonienne, il faut d’abord se faire une idée des dimensions gigantesques de ce territoire. Une comparaison est intéressante avec l’Europe. Les sept millions de kilomètres carrés du territoire amazonien représentent presque le double de la superficie de l’Union européenne (environ quatre millions de kilomètres carrés, soit presque les trois quarts de la surface du continent européen). Le seul Rio Madeira, dans le bassin amazonien, est long de plus de 3 000 km, ce qui en fait le plus long affluent de la planète. Comparé à la longueur du fleuve père et mère de tous les fleuves, l’Amazone, avec 7 096 km, sa taille devient sensiblement plus modeste [1]…
3L’Amazonie compte environ 40 millions d’habitants, à comparer aux 65 millions de Français sur un territoire dix fois plus petit. Deux villes amazoniennes du Brésil comptent plus d’un million d’habitants, Belém do Pará (État du Pará) et Manaus (État d’Amazonas). Dans l’Amazonie péruvienne se trouve la ville d’Iquitos (département du Loreto) qui compte près d’un demi-million d’habitants [2]. Ailleurs, la densité de population est très faible, d’autant plus que les concentrations de population se rencontrent dans les grandes villes et que l’Amazonie connaît un processus d’urbanisation et d’abandon des zones rurales.
4Les peuples autochtones constituent un ensemble d’environ 420 entités différentes qui parlent 86 langues et 650 dialectes. Au moins soixante d’entre eux, désignés par le sigle PIAV (« pueblos indígenas en aislamiento voluntario », « peuples indigènes en isolement volontaire »), vivent dans l’isolement total. Il n’est pas commode d’estimer le nombre d’habitants autochtones. Selon certaines sources, il se monterait à un peu plus de deux millions et demi de personnes [3] ; selon d’autres, il se limiterait à un million [4]. L’Amazonie dispose d’une énorme quantité de richesses naturelles qui sont essentielles au développement économique et social de ces peuples [5], mais dont ceux-ci ne bénéficient malheureusement pas comme ils le devraient.
5Neuf pays font partie du bassin amazonien : Brésil, Bolivie, Pérou, Équateur, Colombie, Venezuela, Suriname, Guyana et Guyane française. Parmi ceux-ci, la plus grande superficie est occupée par le Brésil (environ 68 %, avec près de 5 millions de km²), suivi d’assez loin par le Pérou (environ 13 %, avec environ 700 000 km²).
6Le territoire n’est pas homogène et possède de nombreux types d’écosystèmes. Il n’y a pas que les grandes forêts tropicales, comme nous nous le représentons habituellement. Les zones se déclinent selon plusieurs types : les terres qui se sont adaptées aux eaux salées de la côte atlantique à l’embouchure du fleuve Amazone, les landes qui occupent les hautes altitudes de la chaîne andine, les forêts tropicales de la moyenne montagne, des zones très sèches connaissant des périodes relativement courtes de précipitations qui forment les écosystèmes de la forêt tropicale sèche amazonienne, de vastes savanes, des zones périodiquement inondables appelées várzeas, celles qui sont au contraire rarement inondées et sont appelées terra firme, des zones de marécages qui s’étendent sur de vastes superficies. La liste est indéfinie…
7Dans chacun de ces écosystèmes, des populations ont su s’adapter à ces différents scénarios naturels. Elles ont utilisé les ressources qu’elles ont trouvées sur place grâce à une gestion très élaborée qui, dans bien des cas, leur permettait d’en tirer profit en permanence, ce que nous appellerions aujourd’hui une gestion durable du territoire.
L’action humaine sur la nature
8L’Amazonie est habitée depuis plusieurs milliers d’années. Lorsque les premiers Européens sont arrivés en Amérique, ils ont trouvé un pays où l’homme avait déjà transformé son environnement. Bien que la première image qui vienne à l’esprit soit celle d’une forêt vierge et sauvage, le pays avait déjà connu en plusieurs endroits l’intervention humaine. Et sa biodiversité avait été modifiée et avait même augmenté.
9Les travaux archéologiques ont mis au jour de remarquables techniques de gestion du sol qui visaient à en améliorer la fertilité. On produisait ce qu’on appelle la « terra preta » ou « terre noire ». Il s’agissait de combiner la matière organique provenant des déchets alimentaires, du charbon de bois, des cendres, ainsi que des os et des morceaux de poterie avec de la terre, ce qui a progressivement amélioré la qualité du sol et augmenté la productivité agricole. Les études de l’archéologue Eduardo Neves sur ce sujet sont une source d’information très riche [6]. En témoignent des découvertes sur de vastes surfaces de l’Amazonie centrale, même dans des zones relativement proches des premiers contreforts andins de l’Amazonie équatorienne et péruvienne.
10Il faut mentionner la construction de plates-formes ou de terrasses qui comportaient des systèmes de drainage, sur les sols enrichis où les habitants cultivaient des produits variés et développaient également des fonctions cérémonielles. Ils ont ainsi permis que l’excès d’eau dû à la pluie ou à des surfaces fréquemment inondées n’entrave pas l’utilisation principalement agricole du territoire. Des découvertes récentes dans les Guyanes et d’autres plus anciennes dans la région des Mojos (Orient bolivien) témoignent de la capacité de ces peuples à répondre à des contextes écologiques complexes. La gestion de ces plates-formes dans la zone guyanaise a atteint des niveaux exceptionnels de développement et de sophistication, comme l’écrit Stéphen Rostain : « Seule la combinaison de données de diverses disciplines permet de comprendre réellement un paysage anthropisé. La multiplication de regards différents autorise un jugement mieux argumenté et une expertise plus fine sur la réalité d’un environnement à la genèse complexe. » [7]
11Il faut souligner que les transformations du paysage amazonien se sont accompagnées de modifications de la structure des sociétés. On peut comprendre que, plus la production de ressources alimentaires se fait de manière durable grâce à un régime agricole adapté, ce que nous appellerions aujourd’hui la sécurité alimentaire, plus la capacité de croissance démographique est grande avec les changements sociostructurels que cela implique.
12Un troisième exemple d’anthropisation de l’Amazonie est présenté par William Balée. Dans son livre Footprints of the Forest, un classique d’ethnobotanique, il nous montre comment un peuple amazonien décide de se diviser en raison de l’augmentation de sa population [8]. Le groupe partant emporte avec lui des espèces botaniques du lieu d’origine, qui sont introduites dans le nouveau territoire. Après quelques années, la diversité botanique du nouveau territoire habité est plus grande que celle du lieu d’origine des populations concernées grâce à la culture des nouvelles espèces introduites. Dans un écosystème forestier amazonien, les hommes ont été capables d’aider la nature, augmentant ainsi sa biodiversité.
13L’art de la navigation fluviale et la connaissance des systèmes hydrographiques avec leurs rivières, affluents et canaux, réservent encore des surprises. Selon Rostain, tout indique que l’interconnexion des bassins de l’Orénoque et des sources de l’Amazone par le canal actuel de Casiquiare aurait été le résultat d’une intervention humaine. Les gens auraient creusé et élargi un petit cours d’eau reliant les sources des deux rivières [9]. L’ancien président du Pérou Fernando Belaúnde Terry (1912-2002) a navigué sur ce canal à bord d’un navire de la marine péruvienne en 1983, rejoignant les deux systèmes hydrographiques [10].
14On voit donc l’importance de l’intervention humaine dans la gestion de la forêt tropicale et de ses rivières, avec le désir de rendre ce territoire toujours plus productif. Aujourd’hui encore, les spécialistes se demandent si les anciennes forêts de noyers d’Amazonie, produisant ce que l’on appelle la noix du Brésil (Bertholletia excelsa), avec leurs arbres immenses, sont naturelles ou ne résultent pas plutôt de plantations humaines datant de plusieurs siècles [11].
15Ce ne sont là que quelques exemples qui nous montrent une action humaine en adéquation avec son environnement naturel. Contrairement à l’idée répandue d’un territoire sauvage et de jungles vierges, l’Amazonie manifeste de nombreuses interventions humaines depuis l’Antiquité. L’idée de ne pas toucher à la nature pour la laisser dans son état premier, comme on le voit dans le principe des « réserves naturelles » qui a pris naissance au XIXe siècle, est une pratique à laquelle les peuples d’origine n’attribuaient pas la valeur que nous lui donnons volontiers aujourd’hui. Une intervention humaine bien conçue peut enrichir la nature. La question est de savoir comment établir les critères d’action et les moyens de les mettre en œuvre, aujourd’hui où l’explosion démographique, même en Amazonie, pénètre dans des territoires qui ne l’avaient pas connue.
16Les peuples autochtones avaient découvert dans la flore indigène de nombreuses substances médicinales qui nous sont aussi fort utiles. Citons-en quelques-unes : l’écorce du quinquina (Cinchona officinalis) pour lutter contre le paludisme ; la sève de l’arbre de « sang-dragon » (Croton lechleri) aux propriétés hémostatiques et cicatrisantes ; les fruits et la sève de l’arbre ojé (Ficus insipida) ou les graines du papayer (Carica papaya) qui servent de vermifuge ; l’écorce et les feuilles de la « griffe de chat » ou « liane du Pérou » (Uncaria tormentosa), en infusion, comme anti-inflammatoire et immunostimulant. Ce ne sont là que quelques plantes dont les propriétés sont utilisées dans la médecine occidentale. Sans la biodiversité de la forêt amazonienne, nous ne disposerions pas de telles ressources.
La question de l’eau
17L’énorme surface du bassin amazonien est considérée comme l’un des plus grands poumons du monde et un capteur de carbone. Mais ce sont les océans qui restent toujours les plus grands capteurs de carbone de la planète [12]. C’est plutôt sa fonction de producteur d’eau douce (un cinquième de l’eau douce de la planète) et la biodiversité de son bassin qui en font un lieu stratégique pour le développement de la vie sur la Terre. Les gisements de minéraux et d’hydrocarbures, la variété d’espèces botaniques forestières uniques et le fait que la forêt abrite des connaissances anciennes, tout cela en fait un lieu admiré, désiré mais aussi malheureusement exploité, parfois de façon irrationnelle [13].
18Il n’y a pas de forêt sans eau, et pas d’eau sans forêt. Ces relations d’interdépendance sont fondamentales pour que ce cycle complexe formé de la pluie, de la rosée produite par les arbres, de l’évaporation, de l’eau des rivières, des lagunes, des ruisseaux, puisse continuer à se développer. Un mètre carré de forêt évapore huit à dix fois plus qu’un mètre carré d’océan. C’est un monde aquatique qui s’étend sur des millions de kilomètres carrés.
19En Amazonie, des menaces pèsent sur les réserves d’eau. Parmi les nombreux problèmes, j’en relève trois : la déforestation, la pollution (tant dans les cours supérieurs des rivières que dans leurs parties inférieures) et les grands projets d’infrastructure qui interviennent sur les cours d’eau, drague des lits des rivières sans en mesurer les conséquences. Des solutions existent aussi.
20Le premier problème est causé par les bûcherons illégaux, le trafic de drogue et les groupes terroristes qui contrôlent certaines zones du territoire (dont l’impact est heureusement limité), la colonisation incontrôlée à partir des zones pauvres des différents pays d’Amérique latine, mais aussi les vastes projets d’élevage et d’agriculture qui affectent de grandes surfaces, modifiant le cycle des précipitations, entraînant l’extinction de nombreuses espèces végétales et animales indigènes, du fait de la disparition des forêts. On parle déjà d’un processus de « savanisation » [14] dans certains espaces amazoniens. C’est le cas des États brésiliens de Rondônia, Mato Grosso et Acre, pour ne citer que quelques exemples parmi tant d’autres.
21Dans le même temps, il existe des propositions de développement d’une gestion durable des forêts, ainsi que des projets de reboisement avec des espèces indigènes permettant leur utilisation durable. Elles articulent la gestion rationnelle des services écosystémiques, la productivité économique, dans certains cas la restauration des écosystèmes et, bien sûr, la responsabilité sociale.
22Un deuxième problème est la pollution des sources des fleuves amazoniens et de leurs cours moyens et inférieurs. L’exploitation minière illégale avec l’utilisation du mercure et d’autres éléments toxiques, les « passifs environnementaux » [15] des anciens projets miniers situés en particulier dans les Andes d’où proviennent de nombreux fleuves amazoniens, les écoulements dans les zones d’extraction d’hydrocarbures, les déversements sur la pente andine et dans la Basse Amazonie d’eaux usées non traitées provenant des grands centres habités, l’utilisation aveugle de plastiques jetés dans les plans d’eau, les puits de macération de coca pour la production de pâte de base (premier intrant de la chaîne de production de cocaïne) sont quelques-unes des actions qui mettent en danger les rivières amazoniennes. Des études prouvent la forte concentration de métaux toxiques dans la chair des poissons amazoniens, du fait des pratiques mentionnées ci-dessus, compromettant la sécurité environnementale des plans d’eau de l’Amazonie [16].
23Pour faire face à cette situation, des initiatives ont vu le jour, certaines privées et d’autres avec le soutien du gouvernement. On trouve, par exemple, l’élevage de poissons dans des étangs éloignés des grands cours d’eau (pisciculture), le début d’actions plus résolues et systématiques pour combattre le trafic de drogue et les mines illégales, des propositions pour le développement urbain et la gestion des déchets solides dans différents centres urbains amazoniens.
24Enfin, les grands projets de développement peuvent constituer une menace car ils n’intègrent pas la complexité du « biome » [17] et les conséquences de leur impact environnemental. En termes d’infrastructures, les barrages amazoniens qui produisent de l’énergie hydroélectrique peuvent avoir de nombreux impacts sur l’écosystème. Ils arrêtent le transport des sédiments et les migrations des poissons, en particulier s’ils se trouvent dans la forêt des basses terres. Les berges des rivières cessent périodiquement d’être fertilisées et les cours d’eau sont perturbés. La construction controversée de la centrale hydroélectrique de Belo Monte sur le Rio Xingu (Brésil), qui sera la troisième en importance sur la planète après celle d’Itaipu (à la frontière entre le Paraguay et le Brésil) et celle des Trois-Gorges (Chine), en est un exemple. Si des technologies de pointe ont été appliquées pour réduire certains types d’impact, cela ne suffit pas. Les inondations sur les terres des peuples autochtones et les vastes étendues de forêt tropicale représentent un changement majeur dans l’environnement, dont les conséquences devraient être négatives.
25De même, au Pérou, un grand projet, la Hidrovía Amazónica, vise à draguer les rapides des principaux fleuves amazoniens du pays (Marañón, Huallaga, Ucayali et Amazone) de manière à faciliter la navigation fluviale. De nombreuses populations autochtones vivant le long de ces fleuves s’y opposent [18], ainsi que des universités privées qui attirent l’attention sur le manque d’études techniques qui permettraient d’avoir une idée plus claire des conséquences et de la justification socio-économique de projets pouvant avoir un impact environnemental important [19].
26Un autre aspect des ressources de l’Amazonie, ce sont les territoires préservés par les États en tant que parcs nationaux ou aires protégées. S’il est vrai que la création de nombreuses aires naturelles protégées est en augmentation, plusieurs peuples autochtones se plaignent des limites que ces territoires imposent à leurs habitudes culturelles traditionnelles dans la manière dont ils se rapportent à la forêt et l’utilisent.
27Dans le même temps, de nouvelles formes de tourisme, plus proches de la nature, apparaissent comme une alternative de moindre impact et sans doute plus rentable à moyen et long termes. C’est le cas aussi d’une gestion durable des forêts, comme pour les associations de la noix du Brésil (Bertholletia excelsa) qui rassemblent des centaines de familles à des fins de production au Brésil, en Bolivie et au Pérou. Il existe également des concessions forestières gérées avec responsabilité environnementale et sociale. Les projets de remise en état des terres dégradées impliquent des capitaux privés, des acteurs locaux et parfois les gouvernements nationaux ou régionaux.
L’Église catholique et l’Amazonie
28L’Église catholique joue un rôle important en Amazonie dans le domaine du développement de l’environnement, de la pastorale adaptée aux différents contextes culturels, de l’éducation, de la formation, en particulier dans le champ des droits de l’homme et des programmes de gouvernement. Elle est présente parmi les peuples premiers comme dans les villes.
29Le pape François a convoqué en octobre 2019 un Synode pour l’Amazonie. Cette convocation a donné un nouvel élan aux habitants de ce territoire immense. Le pape se préoccupe de ce pays où la présence de l’Église catholique transcende les frontières politiques. L’encyclique Laudato sí (2015) mentionnait le territoire amazonien ainsi que celui du Congo (n° 38), riches en biodiversité, et soulignait leur importance pour la planète entière et l’avenir de l’Humanité.
30Les évêques catholiques du territoire amazonien ont, avec l’approbation du pape, créé à Brasilia (Brésil), le 12 septembre 2014, le Réseau ecclésial panamazonien (Red Eclesial Pan-Amazónica ou Repam) qui a l’objectif de « sensibiliser les Amériques à l’importance de l’Amazonie pour toute l’Humanité. Établir, parmi les Églises locales de divers pays d’Amérique du Sud, situés dans le bassin amazonien, un ministère pastoral commun avec des priorités différenciées pour créer un modèle de développement qui privilégie les pauvres et serve le bien commun » [20].
31Il est fondamental de travailler de manière plus articulée dans les différents fronts amazoniens où l’Église est présente. Le Repam est chargé de soutenir les assemblées préparatoires du Synode sur l’Amazonie qui se tiendra à Rome. Ces assemblées répondent aux demandes qui accompagnent le document présynodal. Elles devront être complétées par les contributions des Églises locales. Le pape est particulièrement intéressé à rendre ce synode aussi horizontal et représentatif que possible, avec une large participation des fidèles.
32En Amazonie, l’Église est témoin des nombreuses situations mentionnées, aussi bien en ce qui concerne les services que ce territoire rend à l’Humanité que la violence qui s’exerce contre celle-ci. De nombreux membres de l’Église, laïcs, religieux, évêques, ont donné leur vie dans cette région. De nombreux peuples autochtones ont été et sont toujours menacés, non seulement dans leurs droits ancestraux de posséder des terres qui leur ont toujours appartenu, mais aussi à travers les opérations d’extraction des ressources qui existent dans leur sous-sol. L’Église catholique participe à leur lutte et dénonce les abus commis à leur encontre.
33Malgré les difficultés de la situation actuelle, il existe des motifs d’espérer des temps meilleurs. L’Amazonie occupe une place croissante dans la conscience des habitants de la planète pour sa défense et la restauration de son territoire. L’Église catholique n’est pas absente de ces débats.
Notes
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[1]
Zaniel Novoa Goicochea, El origen del río Amazonas, CIGA-PUCP, Lima, 1996 (compte rendu scientifique de l’expédition « Amazon Source 96 »).
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[2]
INEI, Recensement du Pérou 2017.
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[3]
« Amazonía : Indígenas de 9 países piden coherencia en políticas de desarrollo », 26 mars 2018, consultable sur www.servindi.org
-
[4]
www.survival.es/sobre/indigenasamazonicos
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[5]
Données de l’Organisation du traité de coopération amazonienne (Organição do Tratado de Cooperação Amazônica ou OTCA).
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[6]
Eduardo Neves, Arqueología da Amazonia, Jorge Zahar Éditions, « Descobrindo o Brasil », Río de Janeiro, 2006 ; Eduardo Neves et James Petersen, « The political economy of pre-Columbian Amerindians : landscape transformation in Central Amazonia », Time ans Complexity in Historical Ecology, William Balée et Clark Erickson (éd.), Columbia University Press, New York, 2006, pp. 279-309.
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[7]
Stéphen Rostain, Amazonie, un jardin sauvage ou une forêt domestiquée. Essai d’écologie historique, Actes Sud – Errance, 2016, pp. 241-242. Voir aussi St. Rostain, Amazonie, les douze travaux des civilisations précolombiennes, Belin – Humensis, 2017.
-
[8]
William Balée, Footprints of the Forest. Ka’apor Ethnobotany – the historical ecology of plant utilization by an amazonian people, Columbia University Press, New York, 1994.
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[9]
9 St. Rostain, Amazonie, op. cit., pp. 69-73.
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[10]
Marc J. Dourojeanni, « Belaúnde en la Amazonía », 12 juin 2017, consultable sur www.caaap.org.pe
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[11]
Pieter Zuidema, Ecología y manejo del árbol de Castaña (Bertholletia excelsa), PROMAB, Riberalta (Bolivie), 2003, pp. 21-26.
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[12]
John Bullister, Robert Key, Richard Matear, Ben McNeil, Jorge Sarmiento, « Anthropogenic CO2 Uptake by the Ocean Based on the Global Chlorofluorocarbon », Data Set.Science, 10 janvier 2003, vol. 299, 5604, pp. 235-239.
-
[13]
Cf. Fernando Lopez, « Amazonie, aux sources d’une résistance universelle », Projet, n° 347, août 2015, pp. 15-19.
-
[14]
Processus de disparition de l’écosystème de la forêt tropicale humide, caractérisé par son abondante biodiversité, pour devenir de vastes étendues de prairies aux formations forestières réduites.
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[15]
Résidus minéraux toxiques non rentables laissés après la fin de la période de production de la mine. Ce sont les fruits de l’exploitation minière ancienne, principalement à une époque où les lois environnementales et la sensibilisation à l’environnement n’étaient pas des priorités.
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[16]
Nora Yoni Bendayán-Acosta, H. Paredes, Roberto Pezo, « Determinación de metales pesados bioacumulables en especies ícticas de consumo humano en la Amazonia peruana », Folia Amazonica, vol. 4 (2), 1992, IIAP 171, Iquitos (Pérou), pp. 171-181.
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[17]
Ensemble d’écosystèmes caractéristique d’une aire biogéographique.
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[18]
« Presentan serios cuestionamientos al proyecto Hidrovía Amazónica », 16 août 2018, consultable sur www.servindi.org
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[19]
WCS Pérou, vidéos « Proyecto Hidrovía Amazónica » et « El dorado Amazónico : un viajero sin fronteras », visibles sur www.youtube.com
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[20]
Repam, Memoria del encuentro fundacional, 9 au 12 septembre 2014, Celam – CNBB – Caritas – Clar, Brasilia, 2014, p. 16, consultable sur caritascolombiana.org