Études 2015/1 janvier

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Article de revue

L'Évangile dans le scoutisme

Pages 67 à 68

English version

1Être aujourd’hui un mouvement scout et chrétien, autrement dit à la fois enraciné dans la tradition du scoutisme et se référant explicitement à l’Évangile, semble difficile à mettre en œuvre. Il y a d’un côté, les groupes du « vivier naturel », issus, entre autres, des familles dont les parents ont eux-mêmes été scouts, mais dont l’identité chrétienne est souvent devenue lointaine, et, de l’autre, des groupes implantés en quartier populaire qui vivent au quotidien la diversité religieuse.

2Il y a deux ans, nous avons débattu au sein de l’association Scouts et Guides de France sur le choix d’une diversité plus grande. La question est simple à poser, mais sans réponse facile : comment pourrions-nous être plus ouverts aux autres sans nous perdre nous-mêmes ? C’est la raison pour laquelle les débats ont été parfois tendus.

3La réponse ne viendra pas d’un débat théorique sur l’« identité chrétienne », mais davantage de la mise en pratique d’initiatives. Dans le mouvement scout la pédagogie passe bien plus par l’expérience que par la théorie : nous ne voulons pas tant parler du service ou du pardon que les vivre, faire un discours sur Dieu que le rencontrer. La proposition scoute est riche d’étapes (la promesse scoute, le départ vers un groupe plus âgé…) qui sont autant d’opportunités de puiser ensemble aux ressources évangéliques.

4La difficulté vient souvent du fait qu’aux jeunes chrétiens (qu’ils le soient de près ou de loin) comme aux jeunes d’autres religions, nous n’osons pas assez faire de proposition proprement spirituelle. De quoi s’agit-il ? Quelques pistes : découverte du silence, de l’émerveillement, du pardon ou encore de la relecture partagée. « Spirituel » ne s’oppose pas ici à « chrétien ». Les racines évangéliques de ces propositions sont nettes.

5Comme jésuite et chef scout d’un mouvement catholique, qu’ai-je de mieux à offrir à tous que les ressources évangéliques ? Ces dernières peuvent parler à tous sans chercher à « convertir ». Elles sont un témoignage qui respecte les personnes telles qu’elles sont.

6Je voudrais apporter maintenant deux exemples.

7Le soir au coin du feu… – Je propose à chacun de vivre un moment de silence pour repérer ce qui a été bon dans la journée puis le partager avec les autres. Le groupe se construit par cet échange fort. Lorsqu’un jeune évoque le plus drôle, les sourires et les rires reviennent sans briser le partage. Lorsqu’un autre redit la beauté d’un paysage, on voit les yeux s’évader. Alors, je peux aller plus loin : inviter à se tourner vers Dieu pour rendre grâce. En cherchant les mots justes, je suggère aux autres croyants de se tourner vers « leur Dieu » et invite les chrétiens à conclure par une prière commune. Cette prière, aussi brève soit-elle pour ne pas « peser » sur les non-chrétiens, est nourrie du silence et des mots partagés, elle est alors vraiment proposition spirituelle pour les chrétiens et témoignage tranquille (parfois même le premier contact avec la foi chrétienne) pour les autres.

8Relire sa vie. – Il y a quelques années, j’ai participé à l’élaboration d’une proposition de relecture pour les compagnons (17-21 ans) et jeunes adultes du mouvement qui puisse s’adresser à tous. À cet âge des choix de vie et d’études, la relecture est précieuse. Pour un chrétien, elle n’est pas autre chose que la découverte du Dieu qui chemine avec nous. Nous pouvons accompagner l’autre sur ce chemin tout en respectant pleinement sa liberté de ne pas nommer Dieu.

9Ainsi, commençant par un long silence, expérience neuve pour tous, la proposition se fait au rythme de la marche. Elle est une reprise de la relecture de vie telle qu’elle est pratiquée dans la tradition ignatienne, éclairée par les textes de la rencontre de Jésus avec les pèlerins d’Emmaüs (Luc 24) et de celle de Jacob avec Dieu au gué du Yabboq (Genèse 32), qui a donné son nom à la proposition. La Bible se dessine en creux. Elle est offerte aux jeunes sous son habit de parole de sagesse pour que le plus grand nombre puisse l’accepter.

10Ces expériences m’ont permis de vivre deux convictions simples d’apparence paradoxale : j’apprends à être chrétien quand je suis avec ceux qui ne le sont pas, non pas en m’opposant à eux, mais en vivant avec eux ce que je suis ; le goût de l’Évangile peut se transmettre dans le respect de la foi religieuse des jeunes. Le scoutisme catholique peut alors relever le défi d’être sel et lumière pour un plus grand nombre.

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