Études 2004/11 Tome 401

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Article de revue

Le théâtre est vivant

Pages 523 à 530

English version

1Au début des années soixante-dix, le metteur en scène Peter Brook publia un livre, fruit de ses trente premières années de travail, principalement en Angleterre et en France, dont la première phrase était celle-ci : « Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène. Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre l’observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé. » Une vingtaine d’années plus tard, à l’occasion d’un deuxième livre, il avoua que sa définition était incomplète : quelqu’un observe une personne qui rencontre une autre personne. Le théâtre commencerait donc à trois : le spectateur, et un acteur qui rencontre un autre acteur. Une histoire pourrait se bâtir. Une histoire, deux, la multiplication des histoires, c’est-à-dire l’histoire du monde...

2Il ne s’agit pas pour nous, ici, de chercher une définition du théâtre, mais, à partir du témoignage de Brook, en s’inspirant de sa simplicité, de se rappeler que le théâtre est vivant depuis longtemps et pour toujours. Savoir cela est très réjouissant ! Surtout en pensant à tous ceux qui ne le connaissent pas encore. Que de gens à approcher, à convaincre !

3Je voudrais, ayant ici la parole, proposer quelques pistes pour mener à bien cet effort d’aller vers le public, un effort qui, disait Jean Vilar, s’il n’est pas mené sans relâche, fait que le nombre de spectateurs non seulement n’augmente pas, mais diminue.

4Pourquoi aller au théâtre ? – Qu’est-ce que le théâtre aurait de plus, ou de mieux, que le cinéma, par exemple, ou qu’un bouquin lu chez soi, qui peuvent parler a priori des mêmes sujets ? Rien. Le spectateur de théâtre, hélas pour ceux qui n’en sont pas, est bien souvent à la fois un cinéphile et un lecteur. Mais le théâtre, à l’heure télévisuelle, comme l’a magnifiquement dit Laurent Terzieff à une cérémonie de remise des « Molière », a pour lui d’être l’une des dernières expériences collectives proposées. On sort de chez soi. On s’assemble. La ferveur vient de la rencontre avec les acteurs. Le spectateur a, lui aussi, comme l’acteur, ses instruments corporels et mentaux pour vibrer. Spectateurs et acteurs vibrent ensemble. Ce n’est pas rien.

5Le théâtre, pour qui ? – Au début de mon activité théâtrale, il y a maintenant vingt-cinq ans, lors de mon apprentissage d’acteur (car l’auteur dramatique s’est révélé un peu plus tard, lorsque j’ai atteint la trentaine), puis pendant la période des premiers spectacles dans lesquels j’ai joué, je pensais que le théâtre devait seulement faire plaisir à l’acteur (notre joie sur scène est si grande !) et au spectateur (joie du partage !). Ce contrat-là rempli — le contrat du plaisir, ce qui n’excluait aucunement, en cours de représentation, la gravité et l’émotion —, on pouvait aller dîner puis se coucher…

6La sensation que l’acte théâtral n’est pas seulement un échange de plaisir entre la scène et la salle, mais que nous avons aussi, nous praticiens, la responsabilité d’une parole, m’est venue à mesure des rencontres. Rencontres avec le public. Rencontres surtout avec des gens venus d’un autre monde que celui des acteurs, avec lesquels je me suis mis à pratiquer le théâtre. Il ne s’agit plus uniquement de « rouler » avec un flux de spectateurs déjà acquis au théâtre, mais de le faire découvrir à d’autres. Partager le théâtre, oui, mais pas seulement avec ceux que le milieu social et la tradition familiale conduisent tout naturellement à devenir des spectateurs ; ce qui avait été mon cas. Partager le théâtre avec le plus grand nombre, voici ce qui est devenu assez rapidement pour moi l’une des composantes essentielles de mon — de mes — deux métiers.

7Quand on espère faire rencontrer le théâtre au plus grand nombre, il faut boucler son sac. On ne peut se limiter à jouer dans la belle salle à dorures, la belle salle tendue de rouge, bel outil technique fait pour répondre souplement à nos exigences ; on va « chercher » les gens là où ils sont assemblés : dans les classes, les cantines scolaires, les amphithéâtres, les appartements, les foyers de personnes âgées, les friches industrielles, sur les places de villages ; sur les pas des anciens directeurs de compagnies des années 50-60, les Dasté, les Gignoux, les Sarrazin, les Guichard, les Reybaz, les Robichez — que ceux que j’oublie me pardonnent. On livre le théâtre à domicile… et c’est toujours la même émotion. Cependant, il faut s’adapter, utiliser un lieu tel quel ou le draper de tentures noires, l’éclairer ou le laisser en lumière naturelle. Et les spectateurs oublient qu’ils ne sont pas dans un temple dédié au théâtre ; ou, s’ils se le rappellent, c’est pour mieux s’étonner de ce que, dans l’art théâtral, le bâtiment n’y est pour rien : ce sont les acteurs qui nous donnent tout. On en revient à la définition de Brook.

8Jouer ailleurs que dans une salle de spectacle signifie surtout, pour nous, aller à la rencontre de gens non convaincus d’avance… Aller au charbon ! Sait-on ce qu’on va trouver ? Faire découvrir le théâtre à des gens qui n’avaient a priori pas l’intention d’y aller ne laisse pas de longues minutes pour convaincre. Quand on apporte le théâtre à domicile, il faut offrir sa plus grande énergie, sa plus grande sincérité tout au long de la représentation. Je me suis souvent trouvé, avec des camarades, entrer en scène dans un établissement scolaire, une usine, en sachant qu’une partie de l’assistance — quelquefois la majorité — n’avait jamais assisté à une représentation théâtrale. La responsabilité est grande.

9Vient-on voir la pièce ou « voir la bête » ? – Sur cette question du programme, les choix des spectateurs diffèrent, et il faut les respecter. Chacun trouvera au théâtre ce qu’il est venu y chercher. Si l’on se rend dans une salle pour voir comment un ex-président de club de foot reprend le rôle que tenait Nicholson au cinéma dans Vol au-dessus d’un nid de coucous, il est peu probable que l’on s’intéresse aux conditions de l’internement psychiatrique et à la camisole chimique. Voilà pourtant de quoi l’auteur voulait parler au spectateur. Certains acteurs, parmi les plus grands, que l’on va voir pour eux-mêmes, pour le travail qu’ils accomplissent sous nos yeux, savent bien que, dans tous les cas, l’acteur doit respecter la volonté de l’auteur, la transmettre. Aller plus loin que l’auteur parfois, décrypter un sens ignoré par l’auteur lui-même. Ayant quelquefois monté mes propres pièces, je puis témoigner que les acteurs, en cours de répétition, ont donné aux paroles et aux actions des densités auxquelles je n’avais pas pensé. Ayant vu ces mêmes pièces montées par d’autres metteurs en scène, j’ai chaque fois vu s’ouvrir de nouvelles pistes. Implicitement, elles étaient là. L’œuvre a un sens. Ce sens doit parvenir aux spectateurs. Fouiller inlassablement son rôle, voilà ce que préconisait Louis Jouvet à ses élèves du Conservatoire. On l’a compris, l’acteur me plaît s’il se sent interprète, passeur, et non pas s’il cherche dans le texte un prétexte pour se montrer, lui.

10Un répertoire contemporain. – Un théâtre vivant se nourrit d’auteurs vivants. Y a-t-il paresse intellectuelle à sonder inlassablement les classiques qui nous enchantèrent… tous ? Non pas tous, nous le savons bien ; pour combien de nos camarades de classe le théâtre est-il resté lettre morte ! Un pays qui donne cinq fois Le Misanthrope à Paris la même saison a mal à son théâtre… On peut réussir à convaincre des adolescents que les femmes savantes de Molière sont de vraies femmes, avec leur lot de souffrance et leur humour, volontaire ou involontaire ; à les intéresser au rapport de la mère avec ses filles ; à la folie de la tante, à la démission du père ; à leur faire saisir l’horreur d’un mariage arrangé… N’empêche : en quelle langue parlent-elles, cette Armande, cette Henriette ? se demandent-ils. Ils n’ont aucune confiance dans le théâtre : les personnages font partie du grand complot ourdi par l’Education nationale (sic). Devenus adultes — et donc, comme vous le savez, « plus raisonnables » —, les mêmes disent à leurs enfants : « Etudie tout cela, c’est bon pour toi. » Le patrimoine rassure. Vous ne me croyez pas sérieux ? Tout ce que je raconte ici, je l’ai entendu.

11En faisant connaître à un public d’aujourd’hui une histoire d’aujourd’hui, quand les jeunes spectateurs auront compris que le théâtre accompagne les hommes et les femmes, témoigne avec force de leurs vies, on remontera bien plus facilement en arrière. Nos classiques ont bien été un jour des contemporains.

12Le théâtre d’aujourd’hui, ce n’est pas non plus Knock de Jules Romains ou Le Malentendu de Camus, je m’empresse de le dire ; tout cela a entre cinquante et quatre-vingts ans d’existence ! Nous avons cette fâcheuse tendance, en France, à qualifier de contemporain tout ce qui, en art, s’est fait au xxe siècle, par ignorance de ce qui est en train de se faire. J’admire Jean-Claude Grumberg, Denise Bonnal, et bien d’autres auteurs ; j’aime ceux qui me font vibrer, rire et pleurer, qui me donnent à réfléchir sur le monde, me donnent à aimer ceux que, sans eux, je n’aurais pas regardés, qui ajoutent à ma fraternité ; je ne puis surcharger de références mon propos, mais la liste des auteurs est longue, heureusement, très longue.

13Nous, auteurs, avons répondu, il y a quatre ans, à l’appel de quelques-uns d’entre nous, et avons fondé « Les Ecrivains Associés du Théâtre » pour accompagner et favoriser ce mouvement de découverte de l’écriture contemporaine : plus de deux cents membres fondateurs, regroupant trois cent vingts écrivains aujourd’hui, pour témoigner de la vitalité des auteurs dramatiques. Ne croyez surtout pas ceux qui disent qu’il n’y a plus d’auteurs en France ! Bien qu’attristé, je préfère l’entendre de la bouche d’un enseignant ou d’un spectateur. Ma tristesse s’accroît quand cela est dit par un professionnel du théâtre. Il y a, parmi nos metteurs en scène, ceux qui, éprouvant que le théâtre est vivant quand on parle aux hommes d’aujourd’hui par les textes d’aujourd’hui, ne cessent de chercher de l’argent pour les monter ; et ceux qui, passant et repassant le plumeau sur les classiques en nous proposant leur lecture, tentent de prouver par le taux de remplissage de leur salle que leur travail est remarquable — ce qui est vrai parfois. Que tous se rassurent : défricheurs ou passéistes, on ne se souviendra pas d’eux, pas plus qu’on ne se souvient des acteurs de théâtre. Qui, hormis deux cents spécialistes et une poignée de septuagénaires, sait qui a monté La Cantatrice chauve et En attendant Godot ? Quels en ont été les premiers interprètes ? A part quelques auteurs qui demeurent, nous passons tous à la trappe. Au théâtre, la mémoire s’éteint avec la vie du dernier spectateur qui nous a vus. N’en éprouvons — nous, gens de théâtre, vous, spectateurs — ni tristesse ni mélancolie. Nous, avaleurs de présent, nous vivons pour ces heures où nous aurons emprunté pour un soir les visages de ceux qui vous bouleversent ; nous aurons su, vous et nous, être vivants ensemble ; vous et nous emporterons ces soirées exceptionnelles de nos vies ; nous les emporterons comme tous nos moments d’intimité.

14Monter un auteur d’aujourd’hui est-il si compliqué ? Un bon auteur est un auteur mort… Voilà qui fait sinistrement pendant à Quoi de neuf ? Molière !... Je pourrais développer longuement cet adage sur l’auteur mort, qui nous fait rire lorsque nous nous réunissons aux « Ecrivains Associés du Théâtre » et que nous l’évoquons : feu l’auteur n’embête personne, surtout pas l’équipe de travail ; on ne peut s’en prendre à lui directement. Il y a une saine collaboration qui ne s’est jamais établie de façon durable, en France, entre les auteurs et les metteurs en scène. Peut-être parce que nombre de ces derniers souffrent de n’être pas à l’origine de ce qu’ils donnent à voir. Peut-être parce que trop d’entre nous, auteurs, sommes restés reclus dans nos chambres, n’avons pris aucun poste de responsabilité dans les établissements culturels… Aujourd’hui, les metteurs en scène ne sont pas prêts à nous les abandonner aisément ! A l’auteur de comprendre qu’il ne peut pas, le plus souvent, livrer un texte sans accepter d’y changer une virgule : elle ne résistera pas au choc avec la scène — tous les auteurs qui sont comédiens ou metteurs en scène de métier le savent intuitivement ; au metteur en scène de ne pas se prendre pour l’auteur, à l’acteur de chercher à servir. Je crois volontiers, comme Jouvet, que le théâtre si fortement inscrit dans l’histoire des hommes est au-dessus de nous. Nous devons monter vers lui ; chercher, en répétition d’abord, puis chaque soir, à l’atteindre. En ce sens, la petite phrase de Brook est insuffisante, lui-même l’a dit. Créer les conditions de l’acte théâtral ne signifie pas, pour autant, que la magie va s’installer. Il y a de bons et de mauvais artistes ; il y a aussi de bonnes ou de fausses pistes de travail. Mais il y a, en revanche, des équipes où tous travaillent ensemble. Il faut envisager une production théâtrale comme un tout : même le texte de la pièce n’est tout à fait fini que le jour de la Première. Le public complétera le travail des potiers que nous sommes ; lui cuira par sa présence la terre que nous avons malaxée. Là, seulement, on parlera du vase !

15Cette idée lancée par des auteurs, il y a quelques années, fera peut-être son chemin : serait envisagée la perception d’une taxe sur le montage des textes classiques, qui servirait directement à l’aide au montage des pièces contemporaines. Cette nouvelle gabelle vous choque ? L’industrie cinématographique ne procède pas autrement, et peut-être cela inciterait-il certains lieux de production à plonger dans la modernité.

16Elargir la parole. – Une façon de faire rencontrer le théâtre au plus grand nombre est aussi de le fabriquer à la demande. Les rois et l’Eglise n’ont cessé, au cours des siècles, de passer commande aux artistes, surtout aux peintres et aux musiciens (du théâtre on se méfiait davantage, c’est tout à son honneur : la parole théâtrale est de taille à se mesurer avec n’importe quelle autre parole) ; et le monde des artistes trouvait cela naturel. Après ce que je nommerai la déferlante du moi, répondre à une commande a semblé à nombre d’artistes susceptible de faire dérailler le pédalier de leur personnalité. La commande est-elle synonyme d’assujettissement ? Nullement, pour ceux qui sont doués d’un vrai sens artistique ; elle stimule. Aussi ne faut-il pas hésiter à solliciter les auteurs autour d’une aventure théâtrale. Soit qu’il s’agisse d’écrire pour les membres d’une troupe, soit qu’on choisisse au préalable un sujet.

17On me permettra un exemple issu de ma propre expérience : voulant célébrer le cinquantenaire de l’organisation de la Résistance dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais à partir de 1942, la ville de Oignies (me fournissant une documentation établie par son service historique, étayée de nombreux témoignages recueillis) me commanda un spectacle joué par une troupe d’anciens mineurs, auxquels s’étaient joints des lycéens, collégiens et quelques apprentis comédiens. Tous avaient suivi plusieurs stages auprès de troupes théâtrales professionnelles. J’écrivis en tenant compte des acteurs que je connaissais, des témoignages apportés par une classe de lycéens qui s’était lancée dans des enquêtes auprès des plus âgés de leur famille, m’appuyant sur des événements réels, mais les faisant endosser par des personnages inventés. Je reconstituai ainsi une famille de mineurs — père, mère et enfants — aux prises avec la vie de cette époque. Je m’attachai à trouver l’équilibre entre les événements réels et mon souci de faire progresser une action jusqu’à son dénouement. Il ne m’appartient pas de juger mon propre résultat, mais je puis dire ce que furent les représentations données à la salle des fêtes ; je puis témoigner des rires et des larmes de l’assistance. Il me semblait que le monde nouveau, les familles entières, tous les âges, s’étaient assis là pour découvrir ce qu’avait été la vie des aïeuls, des cousins, des anciennes amours… Et le théâtre n’aurait pas de fonction sociale ? Et le théâtre ne serait pas vivant ?

18Un autre type d’expérience, qui place le théâtre au cœur de la vie, est celui où le théâtre rend la parole à ceux qui n’en ont plus (j’emploie à dessein le verbe « rendre »), à ceux qui, souvent écrasés, se taisent… Ils se taisent, les écrasés, poussés vers les marges de la société, ceux que les médias ont affublés d’une hideuse appellation : « la France d’en bas » ; et quelques compagnies de théâtre, partout en France, plongées dans les quartiers dits « difficiles » de nos grandes villes, parfois dans les campagnes, se penchent sur leurs bouches, que la confiance, petit à petit gagnée, rend plus volubiles. Le théâtre n’est pas toujours là où on l’attend. Il n’y a pas de grands sujets, de sujets « nobles ». Le sujet, c’est toujours l’Homme…

19Faire pratiquer le théâtre. – Il existe, en France, nombre de conservatoires régionaux et municipaux où l’on enseigne le théâtre. Il existe un baccalauréat « option théâtre ». De même qu’un amateur de musique — à qui l’on a appris à écouter, à découvrir l’orchestre, ou qui pratique un instrument — verra dans sa venue au concert son intérêt accru, de même on peut intéresser par la pratique un spectateur ou futur spectateur au théâtre. J’ai animé plusieurs de ces nombreux stages en direction des amateurs qui sont proposés par les compagnies professionnelles. Souvent palpable était l’émotion qu’éprouvaient les stagiaires à entrer dans cette alchimie qui conduit à incarner un personnage qui n’est pas soi, tout en utilisant son propre corps comme instrument (en cela l’expression « dans la peau du personnage » est vide de sens, le personnage ne pouvant avoir de peau que celle de l’acteur), à se vider de ses inhibitions. Par ailleurs, sur les deux mois, en moyenne, qu’exige l’ensemble des répétitions d’un spectacle professionnel, ouvrir deux ou trois répétitions au public est enrichissant pour les futurs spectateurs, qui voient les acteurs chercher, trébucher, reprendre, trouver — au prix de difficultés qui devront disparaître à la représentation, pour donner l’impression de la spontanéité et de l’évidence. Ce n’est, bien sûr, aucunement une obligation d’approcher le théâtre par l’intérieur pour le désirer comme spectateur ; mais sentir à quel point il s’incarne dans le corps de l’acteur peut y aider.

20Un livre m’accompagne, depuis des années ; sa lecture (le mot ne convient pas : sa contemplation) me redonne une énergie féroce, une envie de me battre pour faire partager le théâtre au plus grand nombre : il est l’œuvre d’un photographe à qui l’on avait sûrement demandé d’être un peu indiscret ces soirs-là : Ito Josué a suivi dans les années cinquante la troupe de Jean Dasté, en tournée dans le bassin minier de Saint-Etienne. Non content de photographier seulement les acteurs juchés sur les tréteaux qu’on avait dressés sur les places, il a tourné son objectif vers le public. Oh ! merveille. Chaque visage irradie de la force du théâtre !

21Spectateurs, tous abandonnés, tous enfantins, c’est pour vos yeux écarquillés que nous continuerons à écrire des histoires, pour que vos cœurs d’enfants se remplissent d’émotion, et que vous les laissiez filer comme des ballons vers la scène… Etes-vous éveillés ? Dormez-vous ? Dormons-nous, vous et nous, à cet instant du même songe ? A cet instant, la vie se nomme miracle… Il peut se renouveler. A chaque fois que des spectateurs et des artistes se réunissent pour se raconter l’histoire du monde.

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