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Article de revue

L’auteur, le texte et la dramaturgie

Pages 131 à 166

Notes

  • [1]
    Cette écriture constitue « une confrontation avec le monde contemporain dans laquelle se retrouve l’ensemble d’une génération ». (Emmanuel Béhague, Le Théâtre dans le réel, op. cit., p. 150.)
  • [2]
    « La peur de l’immobilité », op. cit., p. 283.
  • [3]
    « Wir müssen von vorn anfangen », op. cit.
  • [4]
    Id.
  • [5]
    « Le théâtre à l’ère de son accélération », op. cit.
  • [6]
    Id.
  • [7]
    Id.
  • [8]
    Id.
  • [9]
    Id.
  • [10]
    Dans Sylvie Chalaye, op. cit., p. 49.
  • [11]
    Nikolaus Frei, Die Rückkehr der Helden : deutsches Drama der Jahrhundertwende (1994 – 2001), Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2006.
  • [12]
    Ibid., p. 56.
  • [13]
    « Le théâtre à l’ère de son accélération », op. cit.
  • [14]
    Id.
  • [15]
    Nikolaus Frei, op. cit., p. 57.
  • [16]
    « Le Théâtre à l’ère de son accélération », op. cit.
  • [17]
    Id.
  • [18]
    Propos d’Ostermeier dans « Auf der Suche nach dem trojanischen Pferd », in Theater Heute, almanach 1998, p. 24 et 29.
  • [19]
    Nikolaus Frei, op. cit., p. 58.
  • [20]
    Propos de Lehmann in « Wie politisch ist postdramatisches Theater ? », in Theater der Zeit, octobre 2001.
  • [21]
    Id.
  • [22]
    Id.
  • [23]
    Id.
  • [24]
    Id.
  • [25]
    Propos de Bormann dans « Die vergessene Szene. Drama-Theater-Medien. Ein Nachtrag », in Theater der Zeit, octobre 2000.
  • [26]
    Expression utilisée par Ostermeier dans le « Plaidoyer pour un théâtre réaliste », op. cit.
  • [27]
    Propos d’Ostermeier in Barbara Burckhardt, Michael Merschmeier, Franz Wille, « Next Generation », in Theater heute, almanach 1999.
  • [28]
    Id.
  • [29]
    « Plaidoyer pour un théâtre réaliste », op. cit.
  • [30]
    Id.
  • [31]
    Nikolaus Frei, op. cit., p. 66.
  • [32]
    Propos d’Ostermeier dans Suzanne Vogel, op. cit., p. 13.
  • [33]
    Ulrich Seidler, « Das täglich nötige Gefühl von Blödheit », in Berliner Zeitung, 8 décembre 2004.
  • [34]
    Elle ne fut par ailleurs créée qu’en 2001, par Michael Talke au Schauspiel d’Hanovre, lorsque Mayenburg avait déjà acquis une certaine renommée.
  • [35]
    Peter Michalzik, « Plüschhase, erleuchtet », in Frankfurter Rundschau, 12 octobre 1998.
  • [36]
    Peter Michalzik, « Dramen für ein Theater ohne Drama. Traditionelle neue Dramatik bei Rinke, von Mayenburg, Schimmelpfennig und Bärfuss », in Stefan Tiggs (dir.), Dramatische Transformationen, Zu gegenwärtigen Schreib- und Aufführungsstrategien im deutschsprachigen Theater, op. cit.
  • [37]
    Ibid., p. 33.
  • [38]
    Id.
  • [39]
    Id.
  • [40]
    Id.
  • [41]
    Id.
  • [42]
    Nikolaus Frei, op. cit., p. 92.
  • [43]
    Propos cités ibid., p. 97.
  • [44]
    Propos de Mayenburg in Ulrich Seidler, « Das täglich nötige Gefühl von Blödheit », op. cit.
  • [45]
    Id.
  • [46]
    Propos de Laurent Muhleisen in Pauline Sales, « Entretien avec Laurent Muhleisen » publié sur le site <www.theatre-contemporain.net>.
  • [47]
    Emmanuel Béhague, Le Théâtre dans le réel, op. cit., p. 158.
  • [48]
    Id.
  • [49]
    Ibid., p. 159.
  • [50]
    Dans Ulrich Seidler, « Das täglich nötige Gefühl von Blödheit », op. cit.
  • [51]
    (51) Id.
  • [52]
    Propos cité par Nikolaus Frei, op. cit., p. 99.
  • [53]
    Ibid., p. 95.
  • [54]
    Peter Michalzik, « Dramen für ein Theater ohne Drama… », op. cit., p. 34.
  • [55]
    Ibid., p. 35.
  • [56]
    Sandra Umathum, « Die Hölle sind immer die anderen », in Stück-Werk 3, Berlin, Theater der Zeit, 2001, p. 107.
  • [57]
    Ibid., p. 108.
  • [58]
    Mayenburg cité par Nikolaus Frei, op. cit., p. 94.
  • [59]
    Jutta Baier, « Mit Zuversicht in die Katastrophe », in Frankfurter Rundschau, 17 janvier 2001.
  • [60]
    En France, l’écriture dramatique est davantage une pratique individuelle dont le soutien passe notamment par l’attribution de prix, bourses ou résidences temporaires au sein des institutions.
  • [61]
    Emmanuel Béhague, Le Théâtre dans le réel, op. cit., p. 61. Nous devons à cet auteur un certain nombre d’éléments de ce rappel de l’ancrage de l’auteur dans les institutions allemandes.
  • [62]
    Propos de Müller dans « Le nouveau crée ses propres règles », in Théâtre/Public n. 67, « Dramaturgie », 1986, p. 32.
  • [63]
    « La peur de l’immobilité », op. cit., p. 245.
  • [64]
    Propos d’Ostermeier dans Radio Libre, op. cit.
  • [65]
    Ulrich Seidler, « Das täglich nötige Gefühl von Blödheit », op. cit.
  • [66]
    Eva Behrendt, « Deutlich sympathischer als Goethe », entretien avec Marius von Mayenburg publié sur le site <www.kultiversum.de>, le 23 mars 2010.
  • [67]
    En français, le terme désigne traditionnellement l’art de la composition dramatique. La dramaturgie telle qu’elle est traitée ici est une notion et une fonction importées d’Outre-Rhin, où l’on fait la différence entre le Dramatiker (écrivain dramatique) et le Dramaturg (employé d’un théâtre au titre de dramaturge).
  • [68]
    Joachim Tenschert, « Qu’est-ce qu’un dramaturge ? », in Théâtre populaire n. 38, 1960, p. 42.
  • [69]
    Karel Kraus, « L’officier d’intendance », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 27.
  • [70]
    Joachim Tenschert, « Qu’est-ce qu’un dramaturge ? », op. cit., p. 42.
  • [71]
    Id.
  • [72]
    Id.
  • [73]
    Bernard Dort, « L’état d’esprit dramaturgique », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 9.
  • [74]
    Ibid., p. 8.
  • [75]
    Id.
  • [76]
    Ibid., p. 10.
  • [77]
    Jean Jourdheuil, « L’artiste à l’époque de la production », in L’Artiste, la politique, la production, op. cit., p. 252.
  • [78]
    Id.
  • [79]
    Expression utilisée par Jourdheuil à l’occasion du colloque « La culture c’est la règle, l’art c’est l’exception », le 1er avril 2010 au Théâtre de l’Odéon à Paris.
  • [80]
    Le rôle de dramaturge étant une chose acquise dans le monde théâtral allemand, il soulève là peu d’interrogations sur sa nature et sur sa raison d’être ; par contre, dans l’espace francophone, cette fonction suscite un certain nombre de réflexions. Selon Yannic Mancel, le dramaturge se fixerait pour objectif l’« accompagnement intellectuel et critique de la création et de la vie théâtrales » (« Dramaturgie à la française : la cinquantaine décomplexée », in Théâtre aujourd’hui n. 10, « L’ère de la mise en scène », 2005, p. 11). Jean-Marie Piemme, quant à lui, met en avant l’étendue et le caractère protéiforme de cette pratique : « Si la dramaturgie est cet ordre où tout signifie, on comprend que, du théâtre, elle englobe le texte, c’est évident, mais aussi le spectacle, son bâtiment, son rapport au public, sa mise en scène, son jeu, sa lumière, etc. Tout, c’est évidemment tout. C’est pourquoi on peut parler de la dramaturgie d’un texte, d’un spectacle déterminé, mais encore, par exemple, d’une dramaturgie de la scène à l’italienne ou même d’une disposition dramaturgique d’un théâtre dans l’espace architectural d’une ville » (« Constitution du point de vue dramaturgique », in Alternatives théâtrales n. 20-21, Le souffleur inquiet, 1984). Enfin, Michèle Raoul-Davis insiste sur le rapport et l’apport personnel, individuel, qui entre en jeu dans ce « métier », si tant est qu’on puisse utiliser ce terme : « c’est une personne douée aux yeux d’une autre de qualités – façons de voir et d’être – que celle-ci apprécie et paye » (« Profession ‘dramaturge’ », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 4).
  • [81]
    Wolfgang Wiens, « L’avocat de l’auteur », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 18.
  • [82]
    Charlotte Farcet, « H2O », in Philippe Coutant (dir.), Du dramaturge, Nantes, Éditions Joca Seria, 2008, p. 37.
  • [83]
    Wolfgang Wiens, « L’avocat de l’auteur », op. cit., p. 18.
  • [84]
    Yannic Mancel, « Dramaturgie à la française : la cinquantaine décomplexée », op. cit., p. 11. Dans la même logique, Jean-Marie Piemme estime qu’« il est d’abord là pour aider le metteur en scène à prendre des risques et donc à en mesurer avec lui la fécondité ». (« Une activité de regard », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 56.)
  • [85]
    Yannic Mancel, « Dramaturgie à la française : la cinquantaine décomplexée », op. cit., p. 10.
  • [86]
    Michel Bataillon, « Les finances de la dramaturgie », in Travail théâtral n. 7, 1972, p. 53.
  • [87]
    Yannic Mancel, « Dramaturgie à la française : la cinquantaine décomplexée », op. cit., p. 13.
  • [88]
    Wolfgang Wiens, « L’avocat de l’auteur », op. cit., p. 14.
  • [89]
    Hermann Beil, Uwe Jens Jensen, « La notion d’Ensemble », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 24.
  • [90]
    Jean-Marie Piemme, « Une activité de regard », op. cit., p. 53. D’où une certaine « part universitaire de [son] travail » qu’évoque Anne-Françoise Benhamou dans « Bref aperçu de dramaturgie expérimentale », in Philippe Coutant (dir.), Du dramaturge, op. cit., p. 46.
  • [91]
    « Il me semble intéressant de relever ici que la Schaubühne a été à l’origine de l’apparition d’une nouvelle fonction dans le processus du travail théâtral, celle du dramaturge », dit Georges Banu dans ses entretiens avec Peter Stein, Essayer encore, échouer toujours, op. cit., p. 33.
  • [92]
    Ibid., p. 33.
  • [93]
    Wolfgang Wiens, « L’avocat de l’auteur », op. cit., p. 16.
  • [94]
    Id.
  • [95]
    En 1999, avec la distance, Stein relativise le poids et la force de la dramaturgie dans le travail de la Schaubühne sous sa direction : « Le rôle et l’importance du dramaturge ont fini par être tels qu’ils sont devenus comme la marque spécifique de notre théâtre. Mais toute chose poussée à l’excès induit une situation critique et la prépondérance du dramaturge est devenue presque dangereuse ». (Essayer encore, échouer toujours, op. cit., p. 34.)
  • [96]
    Mayenburg influence toutefois les décisions de répertoire, de par son rôle d’interlocuteur du directeur et son engagement de longue durée auprès des metteurs en scène : dernièrement, par exemple, Ostermeier affirme que le choix d’Othello en 2010 fut au départ une idée de Mayenburg.
  • [97]
    Propos d’Ostermeier dans Sylvie Chalaye, op. cit., p. 37.
  • [98]
    Cette attention particulière portée à la traduction se retrouve chez tous les metteurs en scène depuis la seconde moitié du XXe siècle. Rappelons qu’en France, Antoine Vitez, qui revendiquait l’importance primordiale de la traduction, l’assumait si possible seul et la concevait comme faisant partie intégrante de son travail de mise en scène : « L’art de la traduction est pour moi une activité tout à fait analogue à mon activité de théâtre », disait-il. (De Chaillot à Chaillot, Paris, Hachette, 1981, p. 168.)
  • [99]
    Jean-Louis Perrier, « Un dramaturge doit dépecer une pièce, l’interpréter, en chercher le sens », entretien avec Marius von Mayenburg, in Le Monde, 17 juin 2001.
  • [100]
    « Notre expérience est telle […] qu’en tant que dramaturge, je finis toujours par écrire ma propre version de la pièce. Cela peut aller plus ou moins loin. Lorsqu’il s’agit d’un texte étranger, cela est d’autant plus nécessaire, car sinon, je dois me débattre avec les marottes des autres traducteurs ». (Propos de Mayenburg, in « Deutlich sympathischer als Goethe », op. cit.)
  • [101]
    Id.
  • [102]
    Propos d’Ostermeier dans Suzanne Vogel, op. cit., p. 26.
  • [103]
    Id.
  • [104]
    Propos de Mayenburg dans Radio Libre, op. cit.
  • [105]
    Id.
  • [106]
    Id.
  • [107]
    Id.
  • [108]
    Propos de Mayenburg dans Franz Wille, « Desdemonas Taschentuch », in Theater heute, décembre 2004.
  • [109]
    Id.
  • [110]
    Propos de Mayenburg dans Jean-Louis Perrier, « Un dramaturge doit dépecer une pièce, l’interpréter, en chercher le sens », op. cit.
  • [111]
    Id.
  • [112]
    Propos d’Ostermeier dans Suzanne Vogel, op. cit., p. 11.
  • [113]
    Propos d’Ostermeier dans Ulrich Seidler, « Das täglich nötige Gefühl von Blödheit », op. cit.
  • [114]
    Fabienne Darge, « L’Enfant froid entre réel et fantasme », in Le Monde, 7 avril 2005.
  • [115]
    Né en 1959, « figure de proue » de la traduction allemande contemporaine, Schmidt-Henkel traduit du norvégien, de l’italien et du français. Il ne s’agissait pas là de leur première collaboration : Ostermeier avait déjà sollicité Schmidt-Henkel pour les traductions de deux pièces de Jon Fosse et une de Lars Nóren, qu’il avait montées auparavant.
  • [116]
    Propos de Schmidt-Henkel dans la postface à la publication de ses traductions de Nora oder Ein Puppenhaus, Hedda Gabler, Baumeister Solness, John Gabriel Borkman, Berlin, Rowohlt Taschenbuch Verlag, 2006, p. 476.
  • [117]
    Id.
  • [118]
    Depuis la première traduction de cette pièce en allemand, elle est publiée dans l’espace germanophone sous le titre de Nora. Malgré ce qui a pu être affirmé à de nombreuses reprises par des commentateurs français, le fait de ne pas avoir retenu Une maison de poupée comme titre de son spectacle ne constitue donc aucunement un geste d’adaptation de la part du metteur en scène.
  • [119]
    Nous nous référons ici à l’entretien que nous avons eu avec Beate Heine, le 4 février 2005 à la Schaubühne de Berlin.
  • [120]
    Propos du traducteur dans la postface à Nora oder Ein Puppenhaus… (op. cit., p. 476-477).
  • [121]
    Dramaturge, metteur en scène et traducteur, Wiens est un personnage phare de la génération d’hommes de théâtre germanophones antérieure à celle d’Ostermeier. Depuis les années soixante, son nom est lié à un grand nombre d’institutions théâtrales allemandes parmi les plus prestigieuses : Theater am Turm, le Schauspielhaus de Francfort, Thalia Theater et le Schauspielhaus de Hambourg, le Théâtre de Brême, celui de Cologne, etc. À la Schaubühne, il signe notamment la mise en scène de la Chevauchée sur le Lac de Constance de Peter Handke, en 1971 (après que le metteur en scène Claus Peymann ait quitté les lieux au cours des répétitions), puis il codirige cette institution au tournant des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, période où il est également un collaborateur régulier de Bob Wilson. Entre 2000 et 2006, il occupe le poste de dramaturge en chef du Burg-theater de Vienne.
  • [122]
    Jan Kott, « Der Freud des Nordens – Ibsen neu gelesen », in Theater heute, décembre 1979. (Nous citons la traduction française de Sarah Hirschmuller, parue sous le titre « Ibsen, une relecture » dans la revue OutreScène n. 2, Ibsen, op. cit.)
  • [123]
    Dans Sylvie Chalaye, op. cit., p. 49.
  • [124]
    Propos de Thomas Ostermeier dans Peter Michalzik, « Langeweile bestimmt nicht », op. cit.
  • [125]
    Propos du metteur en scène dans Reinhard Wengierek et Matthias Heine, « Wir haben alle Angst vor dem Absturz », in Berliner Morgenpost, 23 mai 2005.
  • [126]
    Propos du traducteur dans la postface à Nora oder Ein Puppenhaus…, op. cit., p. 478.
  • [127]
    Dans le cas des Revenants, pièce montée à Amsterdam, Ostermeier opta pour la traduction de Judith Herzberg, femme de lettres et traductrice néerlandaise.
  • [128]
    Propos tenu à l’occasion de L’Atelier de la pensée.
  • [129]
    L’Atelier de la pensée.
  • [130]
    Le texte de Strindberg fut réécrit par le jeune auteur russe Mikhail Durnenkov.
  • [131]
    Propos du metteur en scène dans un entretien avec Jean-François Perrier, publié sur le site du Festival d’Avignon, 2012.
  • [132]
    Aux éditions La Fabrique.
  • [133]
    Nous reprenons l’expression employée par Sylvie Chalaye, op. cit., p. 39.
  • [134]
    Propos de Beate Heine dans « So schrill wie Berlin selbst », publié sur <http://www. neue-oz.de/archiv/ noz_print/feuilleton/2003/05/nora_ interview. html>.
  • [135]
    Beate Heine, entretien du 4 février 2005.
  • [136]
    En France, ce débat est devenu très médiatisé à l’occasion de la parution, en 2010, du livre d’Élisabeth Badinter, Le Conflit : la femme et la mère (Paris, Flammarion).
  • [137]
    Propos du metteur en scène dans « Entretien avec Thomas Ostermeier », <www.festival-avignon.com>, 2004, op. cit.
  • [138]
    Dans une villa énorme, les deux époux qui sont devenus étrangers l’un pour l’autre, vivent chacun de leur côté, incapables de partager leur chagrin ; ils coexistent, sans se parler. S’ils acceptent de se croiser dans la maison, vide comme la piscine dans leur énorme jardin, ils tiennent à ce que chacun aille sur la tombe de l’enfant séparément, comme si se retrouver tous deux face à la pierre tombale les amènerait nécessairement à une confrontation, à une explication qu’ils fuient avec panique, tout comme les Solness, qui pendant des années n’évoquent le malheur qui les a frappés qu’à demi-mots.
  • [139]
    Le terme, que l’on pourrait traduire comme « embourgeoisement », fut introduit en 1963 par la sociologue britannique Ruth Glass, pour désigner l’évolution du centre de Londres dans les années 1950 : la gentry, petite noblesse urbaine, a progressivement remplacé la population ouvrière de ce quartier central et en a réhabilité l’habitat. Le concept fut par la suite repris par de nombreux sociologues et élargi à l’ensemble des grandes villes euro-américaines.
  • [140]
    Ce fait est suggéré surtout par les projections vidéo qui proposent aux spectateurs des vues des façades des villas situées dans ce quartier.
  • [141]
    Propos d’Ostermeier dans Peter Laudenbach, « Die Angst vor dem Absturz », op. cit.
  • [142]
    Cela semble logique aussi lorsqu’on considère le temps nécessaire à l’élaboration d’une représentation. Si la création eut lieu en décembre 2008, donc trois mois après la faillite de la banque Lehmann Brothers qui fit éclater la crise des subprimes, le projet, et donc le choix dramaturgique, furent définis longtemps auparavant.
  • [143]
    Propos de Marius von Mayenburg recueillis par Raymond Paulet, dans un entretien qui figure dans le programme du spectacle pour les représentations au Théâtre National de Bretagne.
  • [144]
    René Solis, « Ibsen fait débat chez Ostermeier », in Libération, 19 juillet 2012.
  • [145]
    Propos du metteur en scène dans un entretien avec Jean-François Perrier, publié sur le site du Festival d’Avignon, 2012, op. cit.
  • [146]
    Propos du metteur en scène recueillis par Nicolas Truong, « Le théâtre, l’endroit où poser des questions », in Le Monde, 19 juillet 2012.
  • [147]
    Id.
  • [148]
    Entretien avec Jean-François Perrier, Avignon 2012, op. cit.
  • [149]
    Id.
  • [150]
    Entretien avec Beate Heine, op. cit.

L’auteur et le texte

1 L’accent mis sur la découverte et la représentation de la dramaturgie contemporaine, à l’« écriture directe, brutale, au rythme rapide » [1], explique pour certains le succès de la Baracke d’Ostermeier. L’exploration de nouveaux textes était le fer de lance de ce théâtre, et le metteur en scène a poursuivi sur cette voie à la Schaubühne : dès 2000, il affiche son intérêt pour les jeunes auteurs, en l’inscrivant dans la déclaration programmatique de la nouvelle Schaubühne. La spécificité de ce théâtre doit désormais résider non seulement dans une défense des auteurs contemporains, mais aussi dans le retour, à travers les pièces montées, « à la notion de contenu, de message, [pour] essayer de nouveau d’avoir une influence sociale » [2]. Ces choix de répertoire doivent être accompagnés d’une esthétique particulière, d’une manière de raconter « contemporaine » [3], qui soit imprégnée d’une vision sociale et politique, selon un concept revendiqué de « réalisme nouveau » [4]. Dans le texte-manifeste « Le théâtre à l’ère de son accélération », ce parti pris apparaît comme une réaction tangible à l’épuisement d’un certain modèle de théâtre, celui dit « de mise en scène », qui choisit, de préférence aux écritures et aux auteurs contemporains, les relectures des œuvres du passé. Ce Regietheater a conduit, selon Ostermeier, à une crise de l’écriture contemporaine en Allemagne :

2

« Il ne faut guère s’étonner alors, de ce que les jeunes dramaturges allemands soient restés dans l’ombre. Ils n’ont été ni soutenus ni réclamés. C’était un cercle vicieux : personne ne voulait mettre en scène leurs textes et personne ne voulait écrire pour les jeunes metteurs en scène et leurs acteurs. Cette évolution a mené inévitablement à une crise, qui s’est déclarée définitivement après la mort de Werner Schwab et de Heiner Müller, et la retraite de Botho Strauß et de Peter Handke vers d’autres sphères. […] La crise de la dramaturgie allemande contemporaine survenue après Heiner Müller et Werner Schwab est une crise des contenus, de la forme et des tâches qu’elle pourrait elle-même s’assigner. » [5]

3 Mais quels sont donc les auteurs recherchés, quelle est cette écriture dont Ostermeier souhaite l’avènement ? Dans un premier temps, le metteur en scène appelle à l’abandon des approches « abstraites », voire « conceptuelles » de l’écriture, au renoncement à ce théâtre qui « somnole dans une autoréflexion hautement intellectuelle, se masturbe dans un amour vaniteux de la langue, sans idée ni désir, ou est tout simplement inoffensif » [6], pour mettre l’accent sur la représentation d’une réalité concrète, ainsi que sur le récit : « Nous avons besoin de nouveaux auteurs qui aiguisent et ouvrent leurs yeux et leurs oreilles au monde et à ses histoires incroyables » [7]. Cette réalité, toutefois, doit être saisie et dépeinte, racontée, d’une manière originale, personnelle et en même temps plurielle :

4

« Des auteurs qui offrent à la voix un langage jamais entendu, qui trouvent pour les êtres humains des personnages jamais vus, des conflits jamais inventés pour dire leurs problèmes, des canevas jamais utilisés pour raconter leurs histoires. L’explosion de différentes réalités – des aspects du monde et des formes de vie – liée à l’écroulement des grandes idéologies et des camps politiques, ne peut se refléter qu’à travers la plus grande diversité de regards et les esquisses du monde d’auteurs variés. » [8]

5 Ostermeier cherche des dramaturges qui racontent des histoires de la « vraie vie » et mettent en scène des personnages confrontés à des conflits réels, dont ils ne tentent pas de motiver ou de justifier les actes et les comportements ; des dramaturges qui offrent un nouveau regard sur la réalité, sans pour autant l’interpréter ou la juger :

6

« Ces auteurs refusent toute sorte d’explication socio-psychologique, toute sorte de motivation, toute sorte de guidage socio-pédagogique pour surmonter la souffrance – il s’agit seulement d’un enchaînement d’actions qui est à des années lumière en avance sur tous les clichés de la psychologie humaine. » [9]

7 Ostermeier semble prôner un retour à des constructions narratives et linéaires, à une écriture qui s’affirme davantage par l’originalité, l’impact et la force de son contenu, que par les concepts formels de sa composition. La revendication d’un « réalisme nouveau » de la dramaturgie passe par une volonté de « comprendre les hommes », de mettre l’accent sur leurs histoires et leurs comportements, et non par le désir de « faire entendre, [ou] de mettre en valeur la littérature » [10].

8 L’une des conséquences de cette approche, de cette vision de la dramaturgie, est de réintroduire la notion de « personnage », un personnage ancré dans le réel, au sein de l’écriture et de la mise en scène, en rompant ainsi avec la logique des « figures », des concepts plus ou moins abstraits, des expériences avec le matériau théâtral (dont le texte n’est qu’un élément parmi d’autres), apanages du théâtre dit « postdramatique ». Pour certains commentateurs, comme Nikolaus Frei [11], la politique menée par Ostermeier à la Schaubühne témoignerait d’un changement général dans les consciences, et par conséquent sur les grandes scènes subventionnées, qui s’est déjà manifesté dans le paysage théâtral allemand à travers quelques voix solitaires, sur des scènes indépendantes, dès la fin des années quatre-vingt-dix : « La présence d’Ostermeier dans le monde théâtral au tournant du siècle peut avoir valeur d’exemple d’un appel généralisé à la renaissance du drame » [12], dit-il. Dans un commentaire du « Théâtre à l’ère de son accélération », Frei remarque ensuite que cette intronisation de l’auteur comme « celui qui fait la connexion entre le théâtre et le monde » [13] signifie d’un côté l’affirmation du dramaturge comme un créateur autonome, dont le regard complexe sur le monde (perçu naturellement de manière plus ou moins fragmentée) peut se réaliser à travers les moyens traditionnels du drame. D’un autre côté, elle vise et sert le détournement du médium théâtre de cette « autoréflexion hautement intellectuelle » [14] déjà évoquée, qui caractérise certains spectacles autoréférentiels du théâtre « postdramatique ». Frei parle ensuite d’un « retour à un théâtre littéraire » [15] chez Ostermeier, au regard de sa formulation du concept de « réalisme nouveau », de sa revendication d’un retour à la narration (vue comme un « processus : c’est-à-dire qu’une action a des suites, des conséquences » [16]), donc d’un retour aussi à une certaine linéarité. L’univers que le metteur en scène exploite intensivement dès la période de la Baracke se nourrit des approches globales du drame contemporain anglo-saxon. Cette exigence que des thèmes « dignes d’être racontés » [17] soient au fondement de l’écriture dramatique naît d’une certaine lassitude causée par le refus de la narration, de la linéarité et de la causalité, caractéristiques du théâtre « postdramatique ». Ostermeier proclame son aspiration à la réhabilitation d’une parole intelligible sur scène :

9

« Personnellement, j’étais toujours assez gêné lorsque j’allais au théâtre et que je ne comprenais pas certaines choses. Ce côté élitaire, revendiqué, mais qui allait main dans la main avec une incompréhensibilité des spectacles et des pièces, m’a toujours terriblement énervé. De nombreux comédiens sur les scènes allemandes ressentaient ce même manque que nous. Ils voulaient prononcer et jouer des textes […] qui refléteraient le quotidien, c’est-à-dire ce qui se déroule dehors. » [18]

10 Face à un modèle culturel et artistique qui stigmatise l’imitation de la réalité comme étant dépassée, cette volonté d’un « réalisme nouveau » est « forcément exposée au soupçon d’être sinon réactionnaire, du moins naïve » [19]. La revendication d’Ostermeier de faire de la référence aux problèmes politiques et sociaux l’objectif principal du théâtre, est donc taxée par certains de néo-conservatisme, et vue comme un recul. Cette approche réaliste, « complètement dépourvue toutefois de son acuité provocatrice d’antan face à un art idéalisant » [20], selon Hans-Thies Lehmann, peut offrir un moment de répit et satisfaire temporairement un public que l’on dit las des destructions éternelles, mais à la longue, « un théâtre tellement consensuel restera forcément au-dessous de ses possibilités politiques et artistiques, par crainte de prendre des positions trop risquées » [21]. Clamer le retour en force d’une dramaturgie qui se propose de refléter la réalité actuelle, de l’imiter d’une manière immédiate, revient, pour Lehmann, à « se leurrer » [22], car si le théâtre est « l’affaire de l’instant » [23], l’écriture dramatique ne peut l’être : « le temps qu’une pièce de théâtre sur un thème politique soit écrite, qu’elle passe par des comités de lecture, qu’elle soit imprimée, programmée par un théâtre, répétée et enfin représentée, il peut tout aussi bien être trop tard pour tout effet politique immédiat » [24].

11 Si, pour Lehmann, le retour à un théâtre dramatique, réaliste, signifie un recul, en termes notamment d’acuité politique, Hans Friedrich Bormann insiste sur le fait que ce désir d’imitation de la réalité soulève d’autre part des questions relatives à l’illusion dramatique et à la dichotomie entre la scène et la salle, souvent considérées comme dépassées : ce parti pris relève selon lui d’une « tentative de maintien des frontières entre la fiction et la réalité, […] dont l’effacement est depuis longtemps chose acquise dans d’autres domaines de l’art, et pas seulement en théorie » [25].

12 Malgré ces accusations qui taxent son esthétique et son idéologie de rétrogrades, Ostermeier soutient que le théâtre dramatique de son « réalisme nouveau » est bien révolutionnaire. Il oppose à ces attaques, avec ironie, la notion de « réalisme capitaliste » [26], un phénomène récurrent dans le théâtre germanophone et européen : une esthétique d’« anything goes, […] où toute sorte de lecture et d’interprétation est autorisée et où on démontre constamment que le noyau de l’individu autodéterminé et subjectif n’existe plus, et qu’on peut donc tout déconstruire » [27]. Comme dans le cas du réalisme socialiste, qui se fixait pour but d’affirmer et de consolider un certain idéal et un certain ordre social, le « réalisme capitaliste » est lui aussi représentatif de l’establishment contemporain, au sens où il montre l’individu comme incapable d’un acte autodéterminé. Ce serait pour cette raison, selon Ostermeier, que cette esthétique est soutenue et subventionnée, car elle a pour conséquence la diminution de la force contestataire de l’art, ce qui convient « à ceux qui détiennent le pouvoir » [28] : « cette forme artistique ne fait rien d’autre que confirmer la vision capitaliste du monde, et par là ne représente aucun danger pour la doctrine au pouvoir – tout comme jadis le réalisme socialiste dans les pays de l’Est » [29]. Face à cette vision du théâtre, le metteur en scène appelle à un changement des consciences :

13

« Nous opposons [à l’esthétique du ‘réalisme capitaliste’] la notion romantique de l’individu et de la narration des histoires. Et une forme qui trouve et affirme sa structure dans l’unité de l’action, ce qui donne aux spectateurs une structure qu’ils n’ont plus dans leur réalité. Cela aussi est romantique – et cela forge les identités. » [30]

14 Ces revendications, somme toute provocantes, soulèvent une autre question plus existentielle, et qui dépasse l’examen des conditions pratiques de la création théâtrale, les réflexions intellectuelles sur l’efficacité politique du théâtre et les débats esthétiques qui en découlent : Frei émet l’hypothèse que le retour récent aux structures narratives du drame « n’a pas ses racines uniquement dans un certain changement social, mais surtout dans le fait que la vie même n’est pas possible sans la linéarité de ces structures » [31].

15 Tout en prônant le retour à un théâtre dramatique, Ostermeier semble conscient des limites de la production des jeunes auteurs contemporains, en reconnaissant que « bon nombre de ces pièces sont des produits de l’air du temps et sont vite ensuite passées de mode, [qu’il] y en a très peu qui ont la dimension et la portée qu’il faut pour pouvoir traverser les âges, [et qu’il] faut voir si les jeunes auteurs franchissent le prochain cap et créent des étoffes plus riches et sous des formes plus abouties » [32]. Pour sa part, il prétend avoir trouvé en Marius von Mayenburg, avec lequel il entretient une relation privilégiée depuis les années de la Baracke, l’auteur qui peut répondre à ses attentes :

16

« Je crois que les auteurs sont une sorte de membrane sensible, dotée d’un talent de percevoir certaines vibrations et de les transformer en paroles. Si l’on veut élever les choses à un niveau mystique, l’auteur est un devin ou un oracle, qui répond à celui qui lui demande un conseil, par une histoire. Cette histoire, l’autre doit lui-même l’interpréter, pour atteindre la vérité. Ainsi, il n’est pas du tout important que l’auteur connaisse la vérité ou non. » [33]

17 Si Ostermeier réfute, comme nous l’avons vu, toute approche « postdramatique » et toute démarche déconstructiviste, il se donnerait donc, à l’entendre, quand même un droit d’interprétation qui pourrait le conduire, contre ses dires, à user de l’hégémonie du metteur en scène, l’une des principales caractéristiques du Regietheater. Cette affirmation, qui date de 2004, montre une évolution dans son travail, sans doute déclenchée par sa découverte d’Ibsen en 2002, qui semble l’avoir entraîné progressivement vers cette pratique du théâtre « de mise en scène » qu’il décrie.

Un dramaturge, Marius von Mayenburg

18 Marius von Mayenburg participe à l’aventure de la Schaubühne de Thomas Ostermeier depuis le changement de direction en 1999. En sa qualité de Hausautor, il assume régulièrement, entre autres responsabilités, celle de la dramaturgie de production des spectacles, qu’il s’agisse des mises en scène de ses pièces ou non. Les débuts de la collaboration entre Mayenburg et Ostermeier sont antérieurs à leur installation à la Schaubühne : ils remontent à la première mise en scène d’une pièce de Mayenburg par Ostermeier au théâtre de Hambourg (Visage de feu, en 1998), à la suite de laquelle, cette même année, Mayenburg est invité à la Baracke du Deutsches Theater en tant que dramaturge de production.

19 Né en 1972 à Munich, Mayenburg entreprend d’abord des études d’allemand ancien, avant de s’installer à Berlin et de devenir élève de Tankred Dorst, en écriture scénique à l’Akademie der Künste (Académie des Arts), de 1994 à 1998. Sa première pièce, Haarmann, écrite en 1995, traite d’un meurtrier en série, Fritz Haarmann qui, au début des années vingt, à Hanovre, tuait et dépeçait ses jeunes amants. Si cette première œuvre n’a guère de succès [34], la consécration arrive tout de même assez rapidement avec Visage de feu, une pièce écrite en 1997, grâce à laquelle Mayenburg accède au rang d’auteur contemporain le plus joué en Allemagne et obtient deux prix prestigieux, le Prix Kleist et celui de l’Association des auteurs de Francfort ; les médias parlent alors à propos de son œuvre d’une « renaissance de l’écriture dramatique allemande » [35].

20 Loin d’être un phénomène isolé, le cas Mayenburg est révélateur d’une évolution générale dans le paysage de l’écriture théâtrale allemande contemporaine. Après plus de vingt ans d’hégémonie de ce Regietheater qui eut tendance à minimiser le rôle de l’écrivain, une nouvelle garde d’hommes de théâtre et d’auteurs intègre les institutions ; on redécouvre l’écrivain comme l’un des acteurs principaux de la création théâtrale. Certains critiques voient alors en Mayenburg une figure de proue de cette génération de jeunes auteurs germanophones qui s’affirme comme la relève à la fin des années quatre-vingt-dix. Peter Michalzik [36], partant de quatre représentants de cette « nouvelle écriture » (Marius von Mayenburg, Roland Schimmelpfennig, Moritz Rinke et Lukas Bärfuss), tente de saisir, à l’étude de leur travail, ce nouveau phénomène des scènes allemandes. Il trouve trois points communs à ces quatre auteurs : le réalisme d’abord, car tous « veulent écrire des scènes qui pourraient tout aussi bien être jouées en dehors d’un théâtre » [37] ; la spécialisation exclusive dans l’écriture dramatique ensuite, car aucun d’eux n’est un « dramaturge occasionnel, comme le sont aujourd’hui presque tous les auteurs qui écrivent des pièces de théâtre » [38] (Michalzik voit dans cette « décision pour une vocation » [39] l’expression d’une « nouvelle conscience de soi » [40] des dramaturges) ; l’importance et la portée de leurs pièces enfin, car ils écrivent tous des « pièces de grand format, pas des expériences pour les scènes annexes des théâtres » [41].

21 Dès Visage de feu, Mayenburg est présenté comme le fer de lance d’un retour vers le personnage, la fable et le conflit, longtemps abandonnés : « il serait, on ose à peine le prononcer, un conteur d’histoires » [42]. L’individu est en effet au centre de la dramaturgie de l’écrivain, qui affirme :

22

« Les conflits se déroulent naturellement entre les personnages, mais leur cause première doit résider dans un conflit que chaque personnage a avec lui-même – quelque chose qui a à voir avec une impossibilité de délivrance ou une blessure qu’il porte en lui. » [43]

23 Dans les pièces de Mayenburg, ce conflit intérieur donne fréquemment lieu à un conflit extérieur, lorsqu’il est projeté sur le monde et dans les relations que le personnage entretient avec la société. Pour l’auteur lui-même, ce passage de l’intérieur à l’extérieur serait emblématique de l’évolution de son écriture : « j’ai essayé d’apporter de plus en plus de monde dans mes pièces, de faire grandir les problèmes des personnages, de sortir d’un contexte familial pour arriver à un grand contexte social » [44]. L’accent mis sur les personnages ne se fait donc pas au détriment de questionnements plus larges sur leur condition et leur inscription dans la réalité sociale contemporaine ; Ostermeier évoque l’exemple de l’un des contextes sociopolitiques que l’on peut fréquemment trouver dans les pièces de Mayenburg :

24

« [Elles mettent en scène] l’attitude de trentenaires qui sont toujours dépendants de la génération de leurs parents. Il y a là-dedans beaucoup de la République fédérale, beaucoup de cette génération d’héritiers qui cachent derrière leur richesse, qu’ils n’ont pas gagnée eux-mêmes, un vide de sens. [...] Nous sommes à un âge où les autres générations ont depuis longtemps créé par elles-mêmes. Il est vrai que nous faisons nos expériences, mais toujours sous la protection et sous la surveillance des patriarches. » [45]

25 Visage de feu met en scène les tourments de l’adolescent Kurt, personnage principal, et de sa sœur Olga. La pièce est divisée en quatre-vingt-treize tableaux (certains ne consistent qu’en une seule phrase) dont l’enchaînement suit la chronologie d’un récit qui s’étale sur une période indéterminée, mais embrasse au moins quelques mois. On suit l’évolution psychologique de Kurt, lequel sombre de plus en plus profondément dans une sorte de psychose – obsession du feu, comme moyen d’anéantissement du monde proche, puis de l’autodestruction finale.

26 Le début de la pièce montre Kurt et Olga enfermés dans leur monde, dans une relation fusionnelle et incestueuse, en opposition farouche à l’univers des adultes représenté par leurs parents. Comme si elle était quelque part consciente de la perversité de la situation, Olga s’engage dans une relation avec Paul, plus âgé qu’elle, qui gagne très rapidement la sympathie des parents (il se lie notamment d’amitié avec le père : tous les deux, « entre hommes », se rendent à des beuveries et des parties de foot). Jaloux, Kurt dévoile l’inceste qui le lie à sa sœur, ce qui a pour conséquence la rupture entre Paul et Olga. Dès lors, celle-ci se sent de plus en plus attachée à son frère et l’assiste lors des incendies qu’il déclenche à des endroits variés de la ville. Malgré le repli sur soi et l’enfermement de plus en plus frappant des deux jeunes (ils ne quittent plus leur chambre, prennent pendant la nuit les repas que les parents laissent devant leur porte, etc.), et en dépit des indices de plus en plus révélateurs (comme l’essence, les habits et les animaux brûlés retrouvés dans le garage), les parents ne s’inquiètent pas outre mesure et mettent le comportement difficile de leurs enfants sur le compte d’une crise d’adolescence passagère. Ce n’est que lorsque Kurt met le feu à son école et se brûle au visage (d’où le titre de la pièce), qu’ils se décident d’agir, toujours sans réellement mesurer la gravité de la situation, en l’envoyant à la campagne pour plusieurs semaines. À l’insu de leurs parents, le frère et la sœur continuent à entretenir une correspondance qui ne fait qu’entériner définitivement aussi bien leur fusion que leur haine commune pour leurs géniteurs. À son retour, Kurt cherche des confrontations de plus en plus radicales et finit par tuer à coups de hache son père et sa mère dans leur sommeil, avec l’assistance molle et veule de sa sœur. Suite à ce meurtre, le frère et la sœur s’autoséquestrent dans la maison. Olga est de plus en plus en proie à des sentiments de culpabilité. Lors d’un passage inattendu de Paul, elle s’échappe avec lui, renvoyant toute la responsabilité sur Kurt. À la fin de la pièce, celui-ci, resté seul, s’asperge d’essence et craque une allumette.

27 La plupart des tableaux mettent en scène des situations dialoguées, de manière plus ou moins réaliste ; un tiers des scènes est toutefois consacré à des monologues intérieurs, principalement de Kurt, dans lesquels se développent des discours parallèles qui traversent la pièce : il revient par exemple tout au long du drame sur sa naissance, dont il est persuadé de se souvenir, ou alors cite ses lectures, notamment des fragments d’Héraclite sur la puissance du feu.

28 Malgré l’attention portée à la dimension sociale, la dramaturgie de Mayenburg n’est pourtant pas une dramaturgie engagée ou politique, au sens galvaudé du terme : « comme beaucoup de ses contemporains, il a abandonné l’idée que le théâtre pouvait provoquer le débat politique, voire se substituer à lui » [46], estime Laurent Muhleisen, l’un des traducteurs des pièces de Mayenburg en français. Les personnages ne sont jamais porteurs d’une thèse ou censés représenter une classe de la société, et toutes les pièces sont caractérisées par la distance que prend l’auteur, lequel se pose en simple observateur, sans faire de commentaires. Selon Emmanuel Béhague, cette distance serait liée au fait que, de nos jours, toute tentative d’« analyse critique de la réalité sociale en termes de victimes et de culpabilité » [47] semble d’avance vouée à l’échec, et ce serait pour cela que Mayenburg porte son attention davantage à la « faillite des systèmes globaux » [48], qu’il dépeint et raconte sous un angle critique, évitant soigneusement « tout ce qui ressemblerait à une tentative ‘d’expliquer’ psychologiquement ou socialement ce phénomène » [49]. Cette approche est revendiquée explicitement par l’auteur lui-même, qui dit ne pas vouloir « apporter des conclusions au théâtre » [50], mais plutôt « provoquer des irritations, mettre une pensée en marche » [51].

29

« Je suis toujours parti de l’idée que ce que j’écris ne serait jamais complètement apolitique. Mais ce qui éventuellement est politique dans mes pièces ne se situe certainement pas à un niveau superficiel. […] Chez Brecht, ou chez les auteurs politiques des années soixante, j’ai toujours eu le sentiment de rencontrer de jolis modèles, mais qui ne correspondaient tout simplement pas à mon image de l’homme. Les hommes sont autre chose que ce que je vois dans ces pièces – ils ne commettent pas des meurtres uniquement parce qu’ils sont en détresse, mais parfois aussi sans motif. […] Le but de mon travail […] est l’espoir qu’une question bien posée rende superflue toute réponse précise. » [52]

30 Il en va ainsi des monologues qui ponctuent ses pièces, et au cours desquels les personnages se tournent de toute évidence vers le public, s’adressent directement à lui sans toutefois tenter de formuler une position idéologique. Ce procédé dramaturgique pourrait ressembler à une parabase, mais ces adresses directes ne se font toutefois pas la voix de l’auteur : les personnages ne sortent jamais de la logique du drame, l’ouverture du quatrième mur lors de ces monologues intérieurs n’est qu’une dissolution passagère du lieu dramatique et marque plutôt un « déplacement vers un niveau de réflexion intérieure » [53].

31 Si une réalité sociale clairement définie et identifiable est constamment présente dans les pièces de Mayenburg, en tant que toile de fond des dialogues entre les personnages, la réalité « ontologique » semble avoir des contours beaucoup plus flous : « la notion, ou peut-être mieux l’idée, de la réalité, telle qu’elle se dégage des drames de Marius von Mayenburg, est brisée » [54]. En effet, les pièces mêlent, sans distinction claire, des actions réellement accomplies par les personnages et celles qui ne se passent que dans leur imagination, leurs rêves ou leurs cauchemars. Les limites entre le réel et l’imaginaire sont abolies, ce qui a pour effet de multiplier des niveaux de signification, des couches « qu’on peut ou non mettre en valeur, mais dont on n’a pas besoin pour comprendre le niveau signifiant de base ; des couches qui enrichissent la pièce, sans pour autant la constituer » [55].

32 La distance manifeste de l’auteur qui « montre sans condamner » [56], le renoncement à toute dimension didactique et à toute explication, l’écriture qui mêle l’ultra-réalisme et le fantasmatique, et surtout, le recours fréquent à la violence, thématisée « sous une forme adéquate, à savoir comme un phénomène qui, tout comme ses motivations, se soustrait de temps à autre à la compréhension » [57], ces caractéristiques ont valu à Mayenburg d’être souvent comparé à la jeune dramaturgie britannique de la fin des années quatre-vingt-dix, celle du in-yer-face theatre. Toutefois, si son écriture se rapproche en effet en certains points de celle d’une Sarah Kane ou d’un Mark Ravenhill, elle s’en éloigne sur la question cruciale de la représentation de la violence. Chez les Britanniques, celle-ci semble souvent dépourvue de toute « justification dramatique », alors que Mayenburg revendique le fait de s’en servir avant tout comme d’un « moyen pour raconter un conflit » [58] ; « il est vrai que chez Mayenburg aussi, le sang coule en abondance, mais chez lui, c’est sans l’envie de choquer et surtout sans le naturalisme cru des Britanniques » [59].

Hausautor, « auteur associé »

33 L’implication étroite et institutionnalisée d’un auteur dans la vie d’un théâtre est un principe et un mode de fonctionnement récurrents dans l’histoire du théâtre allemand. Cette collaboration peut prendre différentes formes, qui peuvent déboucher entre autres sur la fonction de Hausautor (littéralement « auteur de maison »). Avant de nous pencher de manière plus détaillée sur ce rôle que Marius von Mayenburg tient au sein de la Schaubühne depuis 1999, un rappel préalable des conditions économiques et de la place de l’auteur vivant dans la production théâtrale d’aujourd’hui en Allemagne s’impose.

34 Les droits d’auteur ne peuvent subvenir aux besoins des écrivains que pour un nombre très restreint d’entre eux et les revenus provenant de l’écriture théâtrale seule sont très limités. Les directeurs de théâtre tendent à privilégier dans leurs programmations les grandes œuvres classiques qui leur donnent davantage la garantie d’attirer du public. Et lorsque des théâtres prennent le risque de monter une pièce inédite, cette création a le plus souvent lieu sur les scènes annexes de ces institutions ; comme une programmation « en plus » du répertoire principal, perçue souvent comme une expérience, voire un certain luxe que peut se permettre le théâtre. Les droits des représentations d’une pièce, calculés à partir des recettes brutes, ne permettent pas à un auteur, aussi renommé soit-il, de s’assurer un revenu suffisant ; ceci est d’autant plus valable quand ce dernier est jeune et/ou débutant. Enfin, plutôt que de programmer une pièce contemporaine déjà créée, les théâtres optent plus facilement pour la création d’un texte non encore mis en scène, susceptible de susciter davantage d’intérêt de la part des spectateurs et des médias.

35 Cette situation nécessite donc clairement un soutien à l’auteur vivant et, dans l’espace germanophone, ce sont surtout les institutions théâtrales qui le lui apportent [60]. On peut en effet constater une prise de conscience de la part des théâtres devant cette nécessité, notamment depuis les années quatre-vingt-dix, qui ont été celles d’une remise en cause du système du Regietheater, où les metteurs en scène tendaient à se considérer eux-mêmes comme auteurs, rejetant l’écrivain « hors du champ de l’activité théâtrale » [61]. Ainsi a-t-on vu à nouveau, au cours des deux dernières décennies, se multiplier et se renforcer une coopération étroite et durable entre les auteurs d’une part et les théâtres de l’autre, avec la réhabilitation de la fonction du Hausautor : un auteur dramatique occupe un poste au sein d’une institution théâtrale, il y exerce des fonctions de dramaturge et, en retour, ses textes, bien souvent écrits spécialement pour la troupe en place, sont créés dans ce même théâtre.

36 La tradition du Hausautor, qui permet de lier socialement l’auteur à la vie d’un collectif, est un phénomène récurrent dans les pays où le théâtre est organisé en un réseau d’institutions avec une troupe fixe : l’institution subvient aux besoins de l’auteur, qui peut alors se consacrer à l’écriture, tout en restant en même temps dans un rapport direct et étroit avec la troupe et l’équipe du théâtre. Cette pratique fut maintenue, de manière régulière comme on le verra, dans les théâtres de l’ancienne RDA : sans remonter jusqu’à Bertolt Brecht, rappelons qu’Heiner Müller occupa cette fonction, successivement au Maxim Gorki Theater, au Berliner Ensemble et à la Volksbühne. « Au fond, il ne s’agissait pour moi que d’être attaché à une maison afin de pouvoir écrire des pièces et ne pas être obligé de faire quelque chose à côté qui m’en aurait empêché » [62], dit-il. Dans ces mêmes années, la Schaubühne a présenté un autre cas exemplaire de ce genre de collaboration, avec celle de Peter Stein et Botho Strauß, lequel y occupa les fonctions de dramaturge, et dont un grand nombre de pièces furent créées par Stein lui-même ou, plus tard, par Luc Bondy.

37 C’est donc non seulement avec la tradition du théâtre est-allemand que Thomas Ostermeier renoue, mais également avec l’histoire de la Schaubühne, lorsqu’il prend en 1999 les rênes de cette institution. Car il intègre à son équipe, en tant que dramaturges, les auteurs Marius von Mayenburg et Roland Schimmelpfennig (qui ne reste que jusqu’en 2001), dont on crée les textes à la Lehniner Platz. Dans le cas de Mayenburg, c’est principalement Ostermeier qui monte ses pièces (Visage de feu en 1998, Les Parasites en 2000 et Eldorado en 2004), mais aussi Luk Perceval, metteur en scène « associé » à la Schaubühne à cette époque (L’Enfant froid en 2002 et Turista en 2005), Ingo Berk (Voir clair en 2006 et La Pierre en 2008), et Benedict Andrews (Le Moche en 2007 et Le Chien, la nuit et le couteau en 2008).

38 Cet engagement en tant que Hausautor permet donc à Mayenburg de se consacrer à l’écriture et instaure une influence réciproque entre le dramaturge et l’équipe artistique, un « effet rétroactif entre l’auteur, la pratique du jeu et les conceptions de la mise en scène » [63]. Toutefois, cette situation exige de la part de l’écrivain maison un double engagement, car il est appelé à exercer parallèlement deux fonctions : celle d’auteur et celle de dramaturge de production. Ostermeier témoigne de cette difficulté pour Mayenburg :

39

« C’est difficile pour lui parce que nous, les acteurs et moi-même, on veut toujours qu’il soit présent à la Schaubühne, on veut toujours l’avoir dans les répétitions, on veut toujours qu’il soit là et comme ça, il ne peut pas écrire. » [64]

40 Mayenburg conçoit le fait d’être associé à un théâtre d’abord et surtout comme un moteur pour son écriture, même s’il ne songe pas « à la programmation de la Schaubühne en écrivant » [65] ; d’ailleurs, toutes ses pièces ne sont pas des commandes passées par cette institution. Il confie cependant que le fait de connaître ceux pour lesquels il écrit l’aide à « trouver certaines solutions : lorsque je m’imagine l’énergie de l’acteur, la température avec laquelle il se lancera dans telle ou telle phrase, alors les paroles viennent plus rapidement, plus facilement que lorsque tout cela reste abstrait » [66].

Dramaturge de production

Une « pratique transversale »

41 Traditionnellement, la dramaturgie, dans l’acception moderne du terme [67], opère dans deux contextes, étroitement liés l’un à l’autre : celui de la vie globale et générale d’une institution théâtrale d’abord, et celui de la création d’un spectacle ensuite. Historiquement, on considère comme la première expression structurée d’une pensée dramaturgique l’essai de Gotthold Ephraïm Lessing, La Dramaturgie de Hambourg, paru en 1769. Lessing, alors directeur du théâtre de la puissante ville hanséatique, mène là une réflexion qui englobe l’activité théâtrale sous un angle large, allant de l’esthétique des textes, leur représentation et la construction du répertoire d’une institution, à l’inscription de celle-ci dans la cité et l’impact esthétique et idéologique qu’elle peut (doit) avoir sur la polis. À partir du tournant du XVIIIe et du XIXe siècle, « le théâtre a eu recours au dramaturge pour s’imposer une ligne directrice et dépasser le stade du pur divertissement » [68], rappelle Joachim Tenschert, dramaturge pendant plusieurs décennies au Berliner Ensemble. Dans une histoire plus récente, c’est sous l’influence de Brecht notamment que la fonction du dramaturge s’est affirmée dans la plupart des institutions théâtrales d’Europe centrale, faisant de celui-ci une « espèce de directeur de conscience du théâtre » [69], comme le qualifie Karel Kraus, le collaborateur dramaturgique d’Otomar Krejča.

42 Lorsque le dramaturge participe à la construction et à l’élaboration d’un spectacle précis, on le désigne habituellement comme « dramaturge de production » ou « de plateau ». Tenschert situe l’origine de cette fonction au sein de la création théâtrale dans la première moitié du XIXe siècle, lorsque de « jeunes écrivains libéraux […] exigent un droit de regard sur le travail du régisseur [metteur en scène] » [70], afin que le caractère révolutionnaire de leurs pièces soit préservé et qu’elles ne soient pas « idéalisées » [71] par les directeurs de salles. Toutefois, quand certains d’entre eux « refusent de faire eux-mêmes ce travail » [72], s’impose la nécessité d’un dramaturge qui fasse office de délégué, chargé de défendre leur cause auprès du metteur en scène ou du directeur de salle. C’est dans cette logique que « notre conception moderne de la dramaturgie est évidemment liée à l’avènement de la mise en scène ; elle lui est même antérieure, elle l’annonce » [73], comme l’affirme Bernard Dort.

43 La dramaturgie est une activité difficile à définir et à délimiter de manière exhaustive : « impossible de circonscrire au théâtre un domaine dramaturgique » [74], écrit Dort, en rappelant que « la réflexion dramaturgique est présente à tous les niveaux de la réalisation » [75] ; il s’agirait selon lui d’une « pratique transversale », voire d’un « état d’esprit » [76] particulier. Le champ dramaturgique au sein de l’institution et de la création théâtrales est en effet tellement vaste que de nombreux commentateurs, y compris des dramaturges eux-mêmes, ont du mal à en donner une définition arrêtée. Ainsi, Jean Jourdheuil, après avoir vu en elle une « activité réflexive ancrée à l’intérieur même de la pratique artistique, [une] pluralité des discours de la pratique artistique sur elle-même » [77], la définit par ce qu’elle n’est pas :

44

« Contrairement à l’opinion répandue, elle ne se contente pas de réfléchir (théoriser) les divers moments du processus de réalisation d’un spectacle, ce processus lui restant extérieur : le dramaturge n’est pas un théoricien de la mise en scène, du jeu d’acteur, du décor de théâtre, il n’est pas non plus une sorte d’ethnologue qui aurait choisi d’étudier les gens de théâtre de préférence à quelque tribu primitive. » [78]

45 Le dramaturge serait, par conséquent, toujours selon Jourdheuil, une personne au confluent, « au carrefour » [79] des différents mouvements et courants qui traversent le travail théâtral [80].

46 De nos jours encore, le rapport au texte reste le souci primordial d’un dramaturge, qui est « en premier lieu l’avocat de l’auteur, celui qui doit repenser l’œuvre pour s’en approcher le plus près possible » [81]. Il est le partenaire de dialogue du metteur en scène, son « interlocuteur, complice, confident » [82], il nourrit l’imaginaire de celui-ci, et par là « favorise » [83] son travail, telle une « nouvelle forme d’intelligence critique au service de la mise en scène » [84]. Ses interventions se situent en règle générale surtout en amont des répétitions, durant la période de préparation du spectacle, lorsqu’il s’agit de choisir le texte, de définir des « options et partis pris esthétiques, interprétation du texte, intentions artistiques » [85], de trouver les acteurs et la conception générale de la scénographie. Le dramaturge s’attelle alors à « mettre en relation deux groupes d’interrogations : quels sont les buts que s’est fixés l’auteur dramatique et quels sont les moyens qu’il met en œuvre ? Quels sont les buts que se fixe le metteur en scène ou le collectif de réalisation dirigé par le metteur en scène et quels sont les moyens qui vont être mis en œuvre ? » [86]. Pour ce faire, « humblement mais avec exigence, il réunit autour du texte ou du sujet un matériau élargi qu’il propose aux autres membres de l’équipe de création, libre à eux d’en disposer et d’en faire (bon) usage ou non » [87]. Parfois, le dramaturge se fait lui-même traducteur du texte ou alors collabore étroitement avec le traducteur et suit son travail de près, afin d’accorder les partis pris du traducteur à ceux de l’équipe de réalisation du spectacle. Ensuite, au fur et à mesure que les répétitions progressent, le dramaturge se retire souvent du processus, pour revenir à intervalles donnés et préserver ainsi l’extériorité de son regard : « si possible, il devrait éviter de se laisser trop impliquer dans le train-train quotidien pour ne pas perdre la vue d’ensemble et les perspectives globales » [88]. Il est donc également une sorte de « pré-critique » [89] qui a pour vocation d’anticiper sur les réactions du public. Enfin, le dramaturge peut également avoir à sa charge l’élaboration du livret de programme qui devient parfois un « outil théorique qui réunit des textes d’origines diverses cernant les aspects […] théâtraux de l’œuvre » [90].

47 Dans l’espace théâtral germanophone, l’essor de l’activité du dramaturge de production et de sa participation active à la création est lié à l’aventure de la Schaubühne des années soixante-dix [91]. Là, à côté de Peter Stein, Dieter Sturm s’impliquait non seulement dans la définition et l’élaboration de l’identité générale de cette institution, mais également et surtout dans la création des spectacles qui était à chaque fois précédée d’un important travail dramaturgique, comme l’affirme Stein :

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« Il est apparu très vite que nous avions absolument besoin d’un homme de lettres. Dieter Sturm a été cet homme de lettres. Dieter n’est ni acteur, ni administrateur, ni metteur en scène. Il a sacrifié son monde et sa vie littéraires et les a mis au service du théâtre, pour lequel il a toujours éprouvé de la fascination. […] C’était absolument nécessaire, je dirais même que c’était là le rôle le plus important. » [92]

49 L’accent mis sur la dramaturgie est devenu une marque de fabrique de la Schaubühne qui, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, occupait « une place centrale, [et constituait] un modèle et un objet de ‘frottements’ » [93] pour la pratique des dramaturges de production allemands. Ceux-ci, comme Wolfgang Wiens, l’admiraient pour « la méthode d’approche scientifique, la préparation jusque dans les moindres détails, la minutie de la vérification, l’analyse des textes dans leur contexte historique » [94] qu’on y mettait systématiquement en avant [95].

La collaboration de Mayenburg avec Ostermeier

50 Engagé d’abord à la Baracke puis à la Schaubühne, Mayenburg est le dramaturge de production régulier d’Ostermeier depuis 1998. La constitution du répertoire, le choix des pièces ou l’élaboration et le suivi du contact avec le public ne font pas partie de ses responsabilités [96] ; ces tâches incombent au dramaturge en chef de la Schaubühne : Jens Hillje entre 1999 et 2009, et Bernd Stegemann entre 2009 et 2011.

51 Lors de l’élaboration d’un spectacle, une fois le choix de la pièce arrêté, le travail de préparation commence par la commande ou le peaufinage d’une traduction : « le souci de la traduction est ma première préoccupation » [97], dit Ostermeier, qui ajoute que dans tous les cas, le texte est systématiquement retravaillé pour les besoins de la mise en scène par le dramaturge de production [98].

52 Depuis Manque, en 2000 à la Schaubühne, Ostermeier confie régulièrement la traduction des pièces anglophones qu’il monte à Mayenburg, pour qui cette activité se situe dans le droit fil de celle de dramaturge : « Traduire dessine effectivement une dramaturgie » [99], affirme-t-il. Ses traductions sont, à quelques exceptions près, destinées directement à la scène, et même à un spectacle en particulier ; il les retouche fréquemment au cours des répétitions et les modifie en fonction des exigences concrètes du travail. En règle générale, elles ne sont publiées, le cas échéant, que dans le livret-programme du spectacle : elles sont par là davantage des versions scéniques, voire des adaptions des textes [100]. Il donne pour exemple son travail sur Othello de Shakespeare, où le fait de connaître la distribution et d’avoir déjà sous les yeux la scénographie de Jan Pappelbaum l’a considérablement aidé dans sa traduction. Car dans ce contexte concret, certaines solutions lui sont apparues alors plus pertinentes et appropriées que d’autres. Sa traduction consiste, dès lors, en une véritable interprétation, voire une adaptation du texte pour le spectacle de la Schaubühne, et elle est revendiquée comme telle :

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« Il s’agit de commencer à penser le spectacle dès la traduction. De toute manière, c’est ce que fait chaque traducteur : on se construit une représentation dans sa tête. Cela aide à se faire une idée sur les personnages, s’ils sont sympathiques ou non, comment ils parlent… » [101]

54 Parallèlement à l’élaboration du texte scénique, se poursuit un travail sur la définition des axes principaux de l’interprétation dramaturgique. Pour cette phase du travail aussi, Ostermeier dit attacher une grande importance au partenariat et au dialogue avec un écrivain comme Mayenburg, car celui-ci arrive, selon lui, à se situer du côté de l’auteur ; il est « très bien placé pour décrire ce que celui-ci tente de faire » [102]. L’un des avantages d’un dramaturge de production-auteur serait donc, aux yeux d’Ostermeier, de rester au plus près des nécessités du plateau et de ne pas aborder les pièces d’une « façon intellectuelle et conceptuelle, [en] cherchant des idées grandioses, une structure géniale… » [103].

55 Lors du processus final du travail, c’est-à-dire des répétitions sur le plateau avec les acteurs, Mayenburg affirme jouir d’une « très grande liberté » [104] par rapport à Ostermeier. Il confie que le metteur en scène le laisse complètement libre « de diriger directement ou de signaler aux acteurs des intentions, des directions » [105], et ceci sur plusieurs plans : « sur le texte proprement dit, sur le sens d’un texte, sur un mouvement sur le plateau ou sur une direction dans l’entrée ou dans la sortie d’un acteur » [106] :

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« Nous préparons aussi les répétitions ensemble, […] c’est Thomas qui a une vision globale, il a sa vision de la représentation, et moi, j’ai un panorama de versions diverses que je connais, […] et je fabrique un puzzle qui correspond à notre vision. » [107]

57 Toutefois, si cette proximité entre l’auteur et le dramaturge se révèle dans la plupart des cas fructueuse, elle peut aussi s’avérer être une entrave, notamment lors des représentations des pièces de Mayenburg, lorsque celui-ci assume lui-même la dramaturgie. S’il accompagne toutes les créations de ses pièces à la Schaubühne, il ne souhaite plus y participer systématiquement en tant que dramaturge de production, comme c’était le cas au début de sa collaboration avec Ostermeier, par exemple pour Visage de feu et Parasites. Avec le temps, Mayenburg dit avoir ressenti la nécessité de s’éclipser, principalement lors des premières répétitions, où sa présence « n’apporte que de la nervosité. Il y a une sorte de gêne, de timidité, quelque chose comme une volonté de donner raison à l’auteur, et cela va à l’encontre du travail de la mise en scène ».

58

« En tant que dramaturge de production, je me mêle généralement de beaucoup de choses. Mais pour la mise en scène de mes propres pièces, cela est par trop pesant, pas assez équilibré, j’aurais pour ainsi dire sur tout raison d’office. Après les deux premières mises en scène de mes pièces, dont j’avais suivi les répétitions – Parasites et Visage de feu –, je me suis dit : laisse-les donc faire ! Tout simplement aussi parce que je suis curieux de savoir ce qu’ils font de mes pièces quand je ne suis pas là. » [108]

59 Ainsi, lorsqu’il s’agit des créations de ses propres pièces, Mayenburg s’impose une distance par rapport au processus de la mise en scène, même s’il essaie « d’apporter dans la mise en scène l’expérience et le savoir [qu’il a] eus en écrivant » [109]. Pour lui, qu’il soit l’auteur de la pièce ou non, le dramaturge de production doit rester avant tout un « conseiller » [110], garder « une certaine distance par rapport aux créations et [ne pas s’investir] mentalement aussi profondément dans le processus que le metteur en scène » [111]. Ostermeier, quant à lui, semble également conscient de ce bénéfice à double tranchant qu’engendre la proximité de l’auteur avec la création. Si, d’un côté, il affirme être « constamment en contact avec les auteurs […qui] sont même souvent présents lors des répétitions » [112], d’un autre côté, il dénonce l’effet négatif que peut avoir leur trop grande implication dans le processus de création : « Si je peux demander tout de suite à l’auteur si telle ou telle chose est dans le texte, le chemin de recherche est barré. On me dit simplement, l’île que tu cherches n’existe pas, un point c’est tout » [113].

60 Marius von Mayenburg fait donc partie des collaborateurs réguliers et incontournables de Thomas Ostermeier : il participe à l’identité de la Schaubühne, où il est auteur associé, et à l’élaboration de certains spectacles en tant que dramaturge de production. Cet aperçu des quelques caractéristiques principales de son écriture dramatique et de sa collaboration avec Ostermeier met en avant des points communs évidents avec l’idéologie et l’esthétique théâtrale du metteur en scène : un réalisme qui vire fréquemment et volontiers au fantastique ou au cauchemar, mais qui garde toujours comme toile de fond des interrogations sociales précises, un rythme rapide et haché, voire cinématographique : « Marius von Mayenburg […] n’est pas pour rien le dramaturge de Thomas Ostermeier […] : il écrit comme Ostermeier met en scène, avec la même manière aiguë de regarder la réalité, et de la pousser dans ses retranchements en une sorte d’ultra-réalisme » [114].

Le principe de l’actualisation : le cas Ibsen

61 Soumettre les textes anciens à une actualisation consiste à les transposer dans notre époque contemporaine selon un mode plus ou moins réaliste. C’est un travail qui se répartit selon une frontière souvent poreuse entre la dramaturgie et la mise en scène, et qui est devenu systématique dans le théâtre de Thomas Ostermeier, une sorte de « marque de fabrique » du metteur en scène. Or, cette épineuse question de l’actualisation soulève trois enjeux majeurs. Le premier est de parvenir à faire face à la difficulté de trouver des analogies crédibles, subtiles et sensées, entre les faits relatés dans une pièce du passé (les situations, les objets, les costumes, etc., tout un univers visuel et sonore et sa matérialisation) et ce que pourrait être leurs équivalents actuels. Le deuxième, d’éviter de porter par là un regard réducteur sur notre société, ce qui mènerait à un aplatissement à la fois de la pièce et de la réalité actuelle. Le troisième, de ne pas faire dire à un auteur classique ce que l’on voudrait qu’il dise, en lui faisant tenir certains propos, en lui prêtant des intentions – c’est-à-dire en se servant de son œuvre à son détriment. Si le problème de la légitimité de ce genre d’entreprise ne se pose pas ou plus (ce sont « les regardeurs qui font les tableaux » et « les lecteurs qui font les livres », affirmaient respectivement Marcel Duchamp et Edmond Jabès), néanmoins on peut, on doit interroger les objectifs, la force, la pertinence, la justesse et l’audace de cette actualisation, qui opère comme un décalage « artistique et artificiel » entre l’univers de la pièce et notre présent.

62 Nous nous intéressons ici de manière approfondie aux spectacles du cycle ibsénien, qui sont les plus représentatifs de cette démarche dans l’ensemble de l’œuvre du metteur en scène, en abordant leur actualisation en deux temps : la traduction et le travail sur le texte d’abord, et la transposition dans un univers contemporain qui fait naître des parallèles entre l’époque de l’auteur et la nôtre, ensuite.

La traduction et le travail sur le texte

63 Thomas Ostermeier commande les versions allemandes de ses trois premières mises en scène ibséniennes (Nora, Le Constructeur Solness et Hedda Gabler) au traducteur Hinrich Schmidt-Henkel [115], qui confie :

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« Mon but avec ces nouvelles traductions est d’épurer le texte avec beaucoup de précautions, et en même temps de rester au plus près de lui, de manière à faire ressortir les rapports intimes qu’entretiennent entre eux les personnages, sans pour autant les mettre en évidence avec platitude […]. En général, je cherche un parler sobre, atemporel et clair au maximum. J’estime que cela est faisable et que l’on peut rester ainsi très près de l’original d’Ibsen. » [116]

65 Et le traducteur d’ajouter, presque comme une revendication : « Avant tout, mes traductions ne doivent être ni des actualisations, ni des adaptations » [117].

66 À l’origine de la mise en scène de Nora, il y avait chez Ostermeier le désir de parler d’une couche spécifique de la société berlinoise d’aujourd’hui. À défaut d’avoir trouvé dans le répertoire contemporain une pièce qui réponde à ce vœu, lui et son équipe se rendirent à l’idée des dramaturges Beate Heine et Maja Zade de monter Une maison de poupée d’Ibsen [118], c’est-à-dire d’opter pour une pièce classique que l’on moderniserait notamment par une nouvelle traduction : « on a voulu décrire cet univers [d’une couche spécifique de la société berlinoise d’aujourd’hui]. La traduction qu’on avait commandée a été faite en fonction de cette approche », rapporte Heine [119]. Le travail nécessita une collaboration étroite entre le metteur en scène, les dramaturges, et le traducteur Schmidt-Henkel. Ce dernier mit environ quatre mois pour achever sa traduction, puis travailla quatre semaines avec l’équipe de la Schaubühne. Les répétitions (six semaines environ) ne commencèrent qu’une fois la version scénique du texte arrêtée. Celui-ci continua quand-même à évoluer, mais hors de la présence du traducteur : les dialogues, mais aussi les situations décrites par le texte, subirent des transformations au cours du travail sur le plateau (c’est ainsi par exemple que la syphilis du Docteur Rank se transforma en sida). Il s’agissait de moderniser le langage tout en actualisant les événements et le contexte de la pièce. Schmidt-Henkel résume :

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« Dès le départ, j’ai pris mes distances par rapport à une actualisation linguistique des textes. Lorsqu’en été 2002, la Schaubühne am Lehniner Platz me chargea d’une nouvelle traduction de Nora, le metteur en scène Thomas Ostermeier et les deux dramaturges, Maja Zade et Beate Heine, furent vite convaincus que ma participation au déplacement linguistique des personnages de cette représentation (yuppies habitant un loft à Berlin-Mitte) ne devait pas consister en l’application d’un jargon typique de l’époque et de l’endroit, elle n’avait nul besoin précisément de cela ; je voulais plutôt leur fournir une version atemporelle, avec l’argument que le reste serait à la charge de la mise en scène, du jeu et du décor. Je voulais faire une traduction que l’on puisse jouer aussi bien dans un costume de Biedermeier que dans celui d’un businessman. » [120]

68 C’est devenu un fait commun de nos jours, chaque génération a besoin de « sa » traduction des textes écrits dans une langue étrangère. La commande d’Ostermeier à Schmidt-Henkel n’échappe pas à cette tendance, et c’est aussi pourquoi le langage de cette traduction, précis, tranchant, libre et en même temps respectueux des particularités ibséniennes, est en parfait accord avec la mise en scène. Les différentes couches de langage qui s’ajoutent au texte initial, depuis la traduction jusqu’aux répétitions, fonctionnent comme un véritable palimpseste, que l’on peut observer à travers les variations qui se créent entre la traduction publiée dans le programme, le texte scénique qui servit de base pour les répétitions, et la version finale de la représentation.

69 Pour la création du Constructeur Solness au Burgtheater de Vienne, Ostermeier amène de la Schaubühne son scénographe Jan Pappelbaum ; le reste de l’équipe est viennois et il travaille avec le dramaturge en chef du Burgtheater du moment, Wolfgang Wiens [121].

70 Il apparaît, à la comparaison de la traduction publiée dans le programme et du texte scénique final, que le travail du traducteur et de l’équipe artistique s’est déroulé selon des principes semblables à ceux du travail précédemment effectué pour Nora. C’est surtout la question de la réduction linguistique de la pièce qui devint ici plus complexe qu’elle ne l’avait été (ou même qu’elle ne le sera pour Hedda Gabler), car il fallait en outre résoudre la question des symboles dont la pièce regorge. En effet, il semble qu’Ostermeier et Schmidt-Henkel aient souhaité estomper, sinon effacer, de nombreux éléments ibséniens qui fonctionnent au niveau du symbolique. Ainsi, dans leur version, n’ont-ils gardé que quelques rares références aux trolls et autres figures de la mythologie nordique, comme ils ont supprimé toute allusion au devoir « imprégné de morale piétiste puritaine » [122] d’Aline Solness.

71 Les mises en scène d’Hedda Gabler et de Nora par Ostermeier constituent à plus d’un titre un diptyque. Toutes deux soulèvent une problématique voisine, présentent de nombreux points communs dans le traitement de leur mise en scène, et sont le fruit d’une même équipe : mêmes acteurs (pour la plupart), scénographe et traducteur. Seul, le dramaturge change pour Hedda Gabler, avec la présence de Marius von Mayenburg. Et la collaboration étroite entre ce dernier et Ostermeier montre de façon éclairante que, pour le metteur en scène, un des points nodaux de cette création est le texte scénique, lequel porte de façon très prononcée la marque du dramaturge auteur. Autrement dit, après avoir travaillé par deux fois avec des équipes dramaturgiques de production traditionnelles (pour Nora et Le Constructeur Solness), Ostermeier aurait ressenti le besoin d’avoir à ses côtés un vrai écrivain, porteur d’un univers littéraire singulier, au langage théâtral et scénique personnel, afin d’apporter un « plus » à sa version scénique.

72 Les actualisations apportées au texte ne semblent aucunement avoir pour but de modifier, simplifier ou rajouter quelque chose au propos d’Ibsen, elles visent à le rendre plus clair pour notre époque, et par là même, plus brûlant, plus pénétrant. « Je respecte le texte, mais mon but n’est pas de faire entendre de la littérature », a coutume de dire Ostermeier [123]. Au sujet de la version scénique d’Hedda Gabler, il explique qu’il s’agit d’une tentative de « travailler avec une langue extrêmement réduite » [124], et il confie également : « nous nous sommes laissé guider par un souhait d’Ibsen : ‘Je veux que les gens parlent comme dans la vie normale. Je ne veux pas que cela sonne comme au théâtre’ » [125]. Cette formule qui prend les airs d’un manifeste du naturalisme, Schmidt-Henkel la reprend à son compte, en évoquant une réduction linguistique qui servirait en fin de compte le but d’Ibsen :

73

« Les sinuosités de la conversation bourgeoise ibsénienne servent à masquer l’essentiel, ce qui est également typique de nos dialogues d’aujourd’hui, et à voiler ce qu’il y a de refoulé dans cette société. D’un autre côté, l’on constate avec étonnement que même sans elles, le texte fonctionne de la même manière et qu’il gagne ainsi en netteté et en clarté – et cela sert, à mon avis, ces constellations souterraines pointues, intrigantes, suicidaires et meurtrières, telles que les met en scène Ibsen. » [126]

74 Le résultat en est un texte scénique assez condensé, voire laconique, porté par un langage quotidien – plus proche ainsi de la langue des pièces de Mayenburg, le dramaturge.

75 Hedda Gabler fut la dernière collaboration d’Ostermeier avec Schmidt-Henkel ; pour les mises en scène suivantes, le metteur en scène demandera directement à ses dramaturges, Marius von Mayenburg pour John Gabriel Borkman et Florian Borchmeyer pour Un ennemi du peuple, de réaliser une nouvelle traduction pour le spectacle [127].

76 Pour John Gabriel Borkman, Mayenburg prit comme point de départ l’une des premières traductions de la pièce en allemand par Sigurd Ibsen (le fils de l’auteur), la remodela dans son propre langage, son propre idiome théâtral, et fit avec le metteur en scène et les comédiens un travail dramaturgique conséquent, comme l’explique Ostermeier :

77

« Normalement, on reçoit la traduction d’Hinrich Schmidt-Henkel et puis on la retravaille, on réécrit chaque phrase, pour aboutir à une langue beaucoup plus contemporaine. C’est également une question de rythme et de ‘gestus de la langue’. C’est pour cette raison que cette fois-ci, Marius a décidé de traduire la pièce, car là peut déjà commencer la réécriture ; nous avons donc rassemblé ces deux phases en une seule. » [128]

78 L’équipe fut confrontée au même problème que pour Le Constructeur Solness : celui de la charge symbolique de la pièce et de son mode de représentation dans une version contemporaine. Et comme dans le cas de Solness, elle choisit d’alléger le texte en réduisant la langue à son strict minimum : « il y a un côté très symbolique, trop symbolique pour moi », dit Ostermeier [129]. Cependant, cette fois-ci, la gêne semble s’appliquer surtout au texte, à la parole, et non à la vision générale de la représentation, si l’on en juge par les images clairement symboliques que celle-ci propose. Contrairement aux trois spectacles précédents, l’ampleur des modifications apportées à la pièce devient telle qu’il est désormais possible de parler d’adaptation du drame, et non plus seulement de sa traduction.

79 Le travail d’adaptation est poussé encore plus loin pour le traitement du texte d’Un ennemi du peuple. Le souhait originel d’Ostermeier fut de commander la réécriture du drame à un jeune auteur, ce qu’il avait déjà fait pour son spectacle précédent, Mademoiselle Julie de Strindberg [130]. Toutefois, n’étant pas satisfait du résultat, il opta pour une adaptation de la pièce en collaboration avec le dramaturge de la représentation, Florian Borchmeyer ; adaptation qui concernerait, selon les dires du metteur en scène, quatre-vingt pour cent du texte. Il est de ce fait assez problématique d’interroger le travail de la traduction, car il serait impossible de faire la part, a posteriori, de ce qui relève de cette traduction et de ce qui relève de l’adaptation, voire de la réécriture. Il reste que, comme dans les autres cas, le travail sur le texte visait à « dépoussiérer le langage d’Ibsen en le rendant plus brut » [131].

80 Mais le geste d’adaptation passe ici principalement par la mise en miroir de la pièce d’Ibsen avec d’autres matériaux, comme notamment l’introduction dans le texte scénique d’extraits de L’Insurrection qui vient, texte anticapitaliste et « antisystème », voire anarchiste, signé par le Comité invisible et paru en France en 2007  [132] (généralement attribué aux membres du « groupe Tarnac »). Ce texte trouve en effet dans le conflit du drame une caisse de résonance idéale et permet en outre de convoquer un univers précis, identifiable par le public, comme nous le verrons. À cela s’ajoutent de nombreuses coupes, porteuses de sens, qu’ont effectuées le metteur en scène et le dramaturge, surtout afin de dépsychologiser le drame.

La transposition dramaturgique

81 Chez Ostermeier, lactualisation des pièces d’Ibsen passe notamment par une transposition de ces drames dans un contexte concret et contemporain, reconnaissable par les spectateurs, selon un double point de vue : géographique d’abord, sociologique ensuite. C’est principalement cette « spatialisation sociale » [133] qui inscrit les spectacles ibséniens d’Ostermeier dans une continuité claire et permet de les appréhender en tant que véritable cycle au sein de son œuvre.

82 Ainsi, Nora se déroule dans le quartier huppé du centre de Berlin, la Mitte. Située dans l’ancienne partie Est de la ville divisée, la Mitte fut au début des années quatre-vingt-dix le quartier de prédilection des artistes et des bohèmes, avant d’être massivement envahie par la classe économiquement aisée des nouveaux riches du néolibéralisme – la « Loft génération » [134]. Le quotidien d’un jeune couple habitant un loft dans ce quartier, tel qu’il est montré dans la représentation de la Schaubühne à l’exemple de la vie des Helmer, renvoie donc à un phénomène général que l’on peut observer à Berlin de nos jours, et permet au metteur en scène de situer les personnages dans un milieu social concret, facilement identifiable par le public. La situation d’aujourd’hui, « celle de jeunes gens qui veulent faire une carrière pour monter dans la hiérarchie sociale » [135], ressemble étrangement, selon le metteur en scène, à l’état de la société du temps où Ibsen écrivait la pièce : la bourgeoisie naissante de la deuxième moitié du XIXe siècle dans une Norvège brusquement transformée et atteinte par le capitalisme industriel trouve un écho dans celle, néolibérale, de la société allemande contemporaine.

83 Cette évolution économique engendre également des transformations d’ordre sociologique, voire idéologique, liées notamment à la position de la femme dans cette société. Si, au cours du XXe siècle, celle-ci a acquis ses droits civiques et sociaux et si, grâce à la libération sexuelle, la pilule contraceptive et le droit à l’avortement, elle a conquis celui de disposer de son corps comme elle l’entend, pour Ostermeier, sa condition s’est cependant gravement détériorée ces dernières années. Pour lui, la société actuelle enferme la femme dans un carcan (du point de vue moral, civique, matériel, etc.) qui n’est guère éloigné de celui d’il y a cent trente ans. Sa Nora réagit donc à une réalité sociale précise, soulève une problématique concrète et palpable de notre temps, et s’inscrit dans un large débat social, moral, citoyen [136] :

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« Le couple, la monogamie et le mariage demeurent des institutions dont les bases sont restées ‘marchandes’. [...] Après les bouleversements des années 1960 et 1970 qui ont fait vaciller ces institutions, nous assistons, sous la pression du néolibéralisme et de la précarité généralisée, à un retour de l’idéologie du couple tourné vers la réussite sociale, la famille relookée, la morale modernisée. » [137]

85 Pour Le Constructeur Solness, de nouveau, l’action est localisée avec beaucoup de précision. La pièce est censée se dérouler dans l’une des banlieues résidentielles et chic de la capitale autrichienne, telle que nous pouvons la voir dans le film Hundstage (Canicule, 2001) d’Ulrich Seidl. En effet, les photographies des villas projetées pendant le spectacle rappellent fortement les maisons de ce documentaire-fiction, qui traite de la petite-bourgeoisie autrichienne actuelle, qui s’isole dans ces parties de la ville où les villas luxueuses, piscines et garages compris, s’enchaînent à perte de vue et d’où toute personne non désirée est exclue. De la même manière, la vie des personnages du Constructeur Solness n’est pas sans rapport avec celle que nous présente Ulrich Seidl dans son film. Là, les protagonistes, malgré le luxe amassé autour d’eux, souffrent tous d’une solitude profonde : parmi eux, l’histoire d’un couple dont l’enfant est mort paraît particulièrement en résonance avec le drame d’Ibsen [138].

86 Ainsi la mise en scène suggère-t-elle, notamment à travers des projections vidéo, que lorsque Solness a loti le jardin de l’ancienne maison de ses beaux-parents, après que celle-ci eut brûlé, pour y bâtir des villas, c’était justement pour donner naissance à un quartier résidentiel de ce type. La décadence, le vide et la tristesse de la vie de ces familles, tels que nous les montre Canicule, font que Solness ne peut même pas se féliciter de cette réussite.

87 Ostermeier s’attaque ici à un autre phénomène social, qui concerne une couche entière de la société actuelle, la gentrification [139]. En sociologie, ce terme désigne un mode de surprotection d’une élite sociale et économique par son isolement dans certaines parties de la ville ; les quartiers à dominante populaire deviennent attractifs pour une couche de société plus aisée qui, les envahissant massivement, les transforme à son goût et selon ses besoins. Ce phénomène préoccupe le metteur en scène depuis la fin des années quatre-vingt-dix (il en fait état notamment dans « Le théâtre à l’ère de son accélération ») ; avoir situé Nora dans la Mitte, quartier berlinois représentatif par excellence de la gentrification, constituait déjà une première approche de cette problématique.

88 Avec Hedda Gabler, le metteur en scène revient à Berlin et opte de nouveau pour une localisation géographique et sociologique précise de la pièce. Cette fois-ci, il choisit le Charlottenburg [140] – c’est-à-dire le quartier même de la Schaubühne, dont le bâtiment se trouve sur la Kurfürstendamm, l’artère commerciale majeure de Berlin ; quartier bourgeois par excellence, le Charlottenburg témoigne encore aujourd’hui de la grandeur et de la décadence de certaines parties de l’ancien secteur Ouest de la ville divisée. Aussi, les Tesman appartiennent-ils à la classe qui se concentre dans ces lieux, économiquement aisée, prospère, mais en quête de repères d’identité, comme le suggère Ostermeier. La pièce, et surtout son personnage titre, semblent au metteur en scène personnifier le sentiment de toute une génération et être emblématiques de notre actualité, où tout est régi par la peur de la chute sociale et de la ruine :

89

« La pièce raconte une situation où on a le sentiment d’être arrivé dans un ‘establishment’. Le revenu mensuel est assuré, il n’y a plus grand’chose qui puisse arriver. Et puis, brutalement, un vide de sens se crée. […] Ceci est précisément le sentiment d’Hedda. Je crois que c’est un sentiment de vie dans la République fédérale allemande d’aujourd’hui. » [141]

90 Si, dans tous ces spectacles, le principe de la spatialisation sociale donne naissance à une certaine relation spéculaire entre le milieu des spectateurs et celui, ibsénien, dépeint sur scène, ce jeu de miroir est particulièrement prononcé dans Hedda Gabler, qui convoque l’univers de ce quartier précis dont provient une grande partie du public de la Schaubühne.

91 Dans le cas de John Gabriel Borkman, la question de l’inscription de la représentation dans le contexte social du moment s’avère plus délicate, même si, à première vue, elle semblerait aller de soi : monter l’histoire d’un banquier déchu, en 2008, en pleine crise économique et financière mondiale, met la représentation clairement en phase avec son époque. Toutefois, Ostermeier dit à plusieurs reprises ne pas avoir soumis son choix à l’actualité économique de la pièce [142] mais plutôt à certains aspects liés au personnage principal, ce que corroborent également ces propos de Mayenburg :

92

« Une lecture contemporaine est facile, évidente, d’autant plus dans le contexte de la crise bancaire actuelle. En ce moment, de nombreux Borkman marchent dans tous les sens. Mais la pièce va au-delà. […] Une question est présente en filigrane : peut-on changer sa vie ? À quel moment est-il trop tard ? » [143]

93 L’action a clairement été transposée à notre époque, mais aucun indice n’est donné sur la localisation géographique du drame, aussi approximative soit-elle, et rien ne nous informe précisément sur l’appartenance sociale des personnages ; comme si le metteur en scène avait voulu empêcher, ou du moins atténuer la référence au contexte très précis de la crise économique de l’automne 2008, qui ne manquerait pas de venir à l’esprit de tous les spectateurs. Néanmoins, cette volonté de ne pas imposer au premier plan de la lecture de la pièce un cadre sociopolitique donné, de renoncer à la spatialisation sociale de la mise en scène, n’empêche pas Ostermeier de glisser dans la représentation quelques renvois directs et des commentaires sur la crise, comme l’allusion explicite faite par Josef Bierbichler (Borkman) au cas d’Adolf Merckle, richissime magnat allemand qui s’est suicidé à cause de ses dettes en janvier 2009.

94 Pour Les Revenants, la transposition se montre encore plus problématique et, de ce fait, moins concrète. L’actualité des sujets soulevés par ce drame semble, par ailleurs, elle aussi, moins évidente que dans les cas précédents. Si l’univers scénique, les costumes et les projections ancrent sans équivoque la représentation dans notre époque (dans la même logique, Osvald n’est plus peintre, mais vidéaste), certains éléments n’ont toutefois pas été transposés. Ainsi, principalement, de la syphilis qui est au centre de la pièce. Dans Nora, cette même maladie, dont souffre le Dr. Rank, s’est « naturellement » transformée en sida. Ici, une telle transposition risquerait de rendre caduque la structure même du drame, à cause notamment des questions relatives à l’hérédité et à la responsabilité de l’infection qui sont indissociables de la trame. Il en va de même pour certains aspects de la critique de la morale bourgeoise dans le drame d’Ibsen, comme par exemple la dénonciation de la vie en union libre par le pasteur Manders… L’actualisation ne passe donc pas ici par une transposition quasi documentaire dans un milieu contemporain, mais crée davantage un effet d’anachronisme, assez brechtien, sur lequel nous reviendrons encore.

95 Dans Un ennemi du peuple, le Dr. Stockmann et ses proches, rajeunis d’une vingtaine d’années par rapport à l’original d’Ibsen, appartiennent clairement à un milieu de « désobéissance civile », underground, alternatif, contemporain, qui est ici opposé à celui des « technocrates en costume cravate » [144] des autres personnages. Si la convocation d’extraits de L’Insurrection qui vient renvoie à l’univers du « groupe Tarnac » qui a fonctionné autour de Julien Coupat, on peut également évoquer un phénomène social plus large et international, celui du mouvement des « Indignés » ; l’un et l’autre ont en commun la dénonciation radicale d’« un système capitaliste où le libéralisme sauvage écrase tout » [145], selon les propos du metteur en scène. Si la sympathie d’Ostermeier pour ces milieux apparaît clairement (« la colère y est forte et la pensée particulièrement puissante » [146], dit-il), elle ne l’empêche pas de poser un regard critique sur « cette génération qui a le cœur à gauche et le portefeuille à droite, qui veut changer le monde sans avoir les mains sales, sans se confronter au pouvoir, par exemple » [147] ; en cela, il rejoint l’auteur qui, selon lui, « ne prend pas vraiment le parti du Dr. Stockmann » [148]. Le fait que, cette fois-ci, aucun endroit géographique précis ne soit évoqué paraît logique dans le sens où ces mouvements n’ont pas de frontières et se développent ces dernières années à travers toute la civilisation euro-américaine (« ce pourrait être n’importe quelle petite ville n’importe où dans le monde, à condition que ce soit dans un pays soumis au capitalisme libéral » [149]).

96 La transposition des pièces, qui constitua un travail minutieux et à haut risque, déboucha inévitablement sur certains anachronismes. Aux exemples déjà évoqués à propos des Revenants (notamment la syphilis d’Osvald), ajoutons-en deux autres : celui de l’impossible actualisation de la lettre compromettante de Krogstad dans Nora, élément clef de la pièce, et dont la transmission aurait dû, en toute logique, se faire par voie électronique et non postale, et celui, dans Hedda Gabler, du manuscrit de Lövborg, qui est devenu un fichier textuel dans l’ordinateur portable du jeune savant. On constate alors que, si le metteur en scène a préféré garder le papier pour Nora, au risque de créer un anachronisme, la solution contraire, dans Hedda Gabler (remplacer le papier par un médium virtuel), s’avère tout aussi problématique. Car le spectateur d’aujourd’hui, suffisamment au fait de l’informatique, trouve étrange que Lövborg n’ait pas gardé une copie de sauvegarde de son texte, et que celui-ci soit par conséquent irrévocablement perdu lors de la destruction de l’ordinateur par Hedda. Tout aussi invraisemblable paraît le fait que la fameuse lettre de Krogstad attende deux jours durant dans la boîte postale des Helmer, dont seul d’ailleurs Torvald aurait la clef.

97 Ces anachronismes sont toutefois revendiqués par l’équipe et jugés même importants pour la représentation, « très intéressants d’un point de vue scénique » [150]. Ces soi-disant « fausses notes » permettraient de créer un effet d’éloignement très utile (brechtien, pourrions-nous dire), qui réveillerait le spectateur et pourrait l’amener à porter, à distance, un jugement sur l’action ainsi théâtralisée.


Date de mise en ligne : 01/01/2018

https://doi.org/10.3917/etth.058.0131

Notes

  • [1]
    Cette écriture constitue « une confrontation avec le monde contemporain dans laquelle se retrouve l’ensemble d’une génération ». (Emmanuel Béhague, Le Théâtre dans le réel, op. cit., p. 150.)
  • [2]
    « La peur de l’immobilité », op. cit., p. 283.
  • [3]
    « Wir müssen von vorn anfangen », op. cit.
  • [4]
    Id.
  • [5]
    « Le théâtre à l’ère de son accélération », op. cit.
  • [6]
    Id.
  • [7]
    Id.
  • [8]
    Id.
  • [9]
    Id.
  • [10]
    Dans Sylvie Chalaye, op. cit., p. 49.
  • [11]
    Nikolaus Frei, Die Rückkehr der Helden : deutsches Drama der Jahrhundertwende (1994 – 2001), Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2006.
  • [12]
    Ibid., p. 56.
  • [13]
    « Le théâtre à l’ère de son accélération », op. cit.
  • [14]
    Id.
  • [15]
    Nikolaus Frei, op. cit., p. 57.
  • [16]
    « Le Théâtre à l’ère de son accélération », op. cit.
  • [17]
    Id.
  • [18]
    Propos d’Ostermeier dans « Auf der Suche nach dem trojanischen Pferd », in Theater Heute, almanach 1998, p. 24 et 29.
  • [19]
    Nikolaus Frei, op. cit., p. 58.
  • [20]
    Propos de Lehmann in « Wie politisch ist postdramatisches Theater ? », in Theater der Zeit, octobre 2001.
  • [21]
    Id.
  • [22]
    Id.
  • [23]
    Id.
  • [24]
    Id.
  • [25]
    Propos de Bormann dans « Die vergessene Szene. Drama-Theater-Medien. Ein Nachtrag », in Theater der Zeit, octobre 2000.
  • [26]
    Expression utilisée par Ostermeier dans le « Plaidoyer pour un théâtre réaliste », op. cit.
  • [27]
    Propos d’Ostermeier in Barbara Burckhardt, Michael Merschmeier, Franz Wille, « Next Generation », in Theater heute, almanach 1999.
  • [28]
    Id.
  • [29]
    « Plaidoyer pour un théâtre réaliste », op. cit.
  • [30]
    Id.
  • [31]
    Nikolaus Frei, op. cit., p. 66.
  • [32]
    Propos d’Ostermeier dans Suzanne Vogel, op. cit., p. 13.
  • [33]
    Ulrich Seidler, « Das täglich nötige Gefühl von Blödheit », in Berliner Zeitung, 8 décembre 2004.
  • [34]
    Elle ne fut par ailleurs créée qu’en 2001, par Michael Talke au Schauspiel d’Hanovre, lorsque Mayenburg avait déjà acquis une certaine renommée.
  • [35]
    Peter Michalzik, « Plüschhase, erleuchtet », in Frankfurter Rundschau, 12 octobre 1998.
  • [36]
    Peter Michalzik, « Dramen für ein Theater ohne Drama. Traditionelle neue Dramatik bei Rinke, von Mayenburg, Schimmelpfennig und Bärfuss », in Stefan Tiggs (dir.), Dramatische Transformationen, Zu gegenwärtigen Schreib- und Aufführungsstrategien im deutschsprachigen Theater, op. cit.
  • [37]
    Ibid., p. 33.
  • [38]
    Id.
  • [39]
    Id.
  • [40]
    Id.
  • [41]
    Id.
  • [42]
    Nikolaus Frei, op. cit., p. 92.
  • [43]
    Propos cités ibid., p. 97.
  • [44]
    Propos de Mayenburg in Ulrich Seidler, « Das täglich nötige Gefühl von Blödheit », op. cit.
  • [45]
    Id.
  • [46]
    Propos de Laurent Muhleisen in Pauline Sales, « Entretien avec Laurent Muhleisen » publié sur le site <www.theatre-contemporain.net>.
  • [47]
    Emmanuel Béhague, Le Théâtre dans le réel, op. cit., p. 158.
  • [48]
    Id.
  • [49]
    Ibid., p. 159.
  • [50]
    Dans Ulrich Seidler, « Das täglich nötige Gefühl von Blödheit », op. cit.
  • [51]
    (51) Id.
  • [52]
    Propos cité par Nikolaus Frei, op. cit., p. 99.
  • [53]
    Ibid., p. 95.
  • [54]
    Peter Michalzik, « Dramen für ein Theater ohne Drama… », op. cit., p. 34.
  • [55]
    Ibid., p. 35.
  • [56]
    Sandra Umathum, « Die Hölle sind immer die anderen », in Stück-Werk 3, Berlin, Theater der Zeit, 2001, p. 107.
  • [57]
    Ibid., p. 108.
  • [58]
    Mayenburg cité par Nikolaus Frei, op. cit., p. 94.
  • [59]
    Jutta Baier, « Mit Zuversicht in die Katastrophe », in Frankfurter Rundschau, 17 janvier 2001.
  • [60]
    En France, l’écriture dramatique est davantage une pratique individuelle dont le soutien passe notamment par l’attribution de prix, bourses ou résidences temporaires au sein des institutions.
  • [61]
    Emmanuel Béhague, Le Théâtre dans le réel, op. cit., p. 61. Nous devons à cet auteur un certain nombre d’éléments de ce rappel de l’ancrage de l’auteur dans les institutions allemandes.
  • [62]
    Propos de Müller dans « Le nouveau crée ses propres règles », in Théâtre/Public n. 67, « Dramaturgie », 1986, p. 32.
  • [63]
    « La peur de l’immobilité », op. cit., p. 245.
  • [64]
    Propos d’Ostermeier dans Radio Libre, op. cit.
  • [65]
    Ulrich Seidler, « Das täglich nötige Gefühl von Blödheit », op. cit.
  • [66]
    Eva Behrendt, « Deutlich sympathischer als Goethe », entretien avec Marius von Mayenburg publié sur le site <www.kultiversum.de>, le 23 mars 2010.
  • [67]
    En français, le terme désigne traditionnellement l’art de la composition dramatique. La dramaturgie telle qu’elle est traitée ici est une notion et une fonction importées d’Outre-Rhin, où l’on fait la différence entre le Dramatiker (écrivain dramatique) et le Dramaturg (employé d’un théâtre au titre de dramaturge).
  • [68]
    Joachim Tenschert, « Qu’est-ce qu’un dramaturge ? », in Théâtre populaire n. 38, 1960, p. 42.
  • [69]
    Karel Kraus, « L’officier d’intendance », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 27.
  • [70]
    Joachim Tenschert, « Qu’est-ce qu’un dramaturge ? », op. cit., p. 42.
  • [71]
    Id.
  • [72]
    Id.
  • [73]
    Bernard Dort, « L’état d’esprit dramaturgique », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 9.
  • [74]
    Ibid., p. 8.
  • [75]
    Id.
  • [76]
    Ibid., p. 10.
  • [77]
    Jean Jourdheuil, « L’artiste à l’époque de la production », in L’Artiste, la politique, la production, op. cit., p. 252.
  • [78]
    Id.
  • [79]
    Expression utilisée par Jourdheuil à l’occasion du colloque « La culture c’est la règle, l’art c’est l’exception », le 1er avril 2010 au Théâtre de l’Odéon à Paris.
  • [80]
    Le rôle de dramaturge étant une chose acquise dans le monde théâtral allemand, il soulève là peu d’interrogations sur sa nature et sur sa raison d’être ; par contre, dans l’espace francophone, cette fonction suscite un certain nombre de réflexions. Selon Yannic Mancel, le dramaturge se fixerait pour objectif l’« accompagnement intellectuel et critique de la création et de la vie théâtrales » (« Dramaturgie à la française : la cinquantaine décomplexée », in Théâtre aujourd’hui n. 10, « L’ère de la mise en scène », 2005, p. 11). Jean-Marie Piemme, quant à lui, met en avant l’étendue et le caractère protéiforme de cette pratique : « Si la dramaturgie est cet ordre où tout signifie, on comprend que, du théâtre, elle englobe le texte, c’est évident, mais aussi le spectacle, son bâtiment, son rapport au public, sa mise en scène, son jeu, sa lumière, etc. Tout, c’est évidemment tout. C’est pourquoi on peut parler de la dramaturgie d’un texte, d’un spectacle déterminé, mais encore, par exemple, d’une dramaturgie de la scène à l’italienne ou même d’une disposition dramaturgique d’un théâtre dans l’espace architectural d’une ville » (« Constitution du point de vue dramaturgique », in Alternatives théâtrales n. 20-21, Le souffleur inquiet, 1984). Enfin, Michèle Raoul-Davis insiste sur le rapport et l’apport personnel, individuel, qui entre en jeu dans ce « métier », si tant est qu’on puisse utiliser ce terme : « c’est une personne douée aux yeux d’une autre de qualités – façons de voir et d’être – que celle-ci apprécie et paye » (« Profession ‘dramaturge’ », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 4).
  • [81]
    Wolfgang Wiens, « L’avocat de l’auteur », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 18.
  • [82]
    Charlotte Farcet, « H2O », in Philippe Coutant (dir.), Du dramaturge, Nantes, Éditions Joca Seria, 2008, p. 37.
  • [83]
    Wolfgang Wiens, « L’avocat de l’auteur », op. cit., p. 18.
  • [84]
    Yannic Mancel, « Dramaturgie à la française : la cinquantaine décomplexée », op. cit., p. 11. Dans la même logique, Jean-Marie Piemme estime qu’« il est d’abord là pour aider le metteur en scène à prendre des risques et donc à en mesurer avec lui la fécondité ». (« Une activité de regard », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 56.)
  • [85]
    Yannic Mancel, « Dramaturgie à la française : la cinquantaine décomplexée », op. cit., p. 10.
  • [86]
    Michel Bataillon, « Les finances de la dramaturgie », in Travail théâtral n. 7, 1972, p. 53.
  • [87]
    Yannic Mancel, « Dramaturgie à la française : la cinquantaine décomplexée », op. cit., p. 13.
  • [88]
    Wolfgang Wiens, « L’avocat de l’auteur », op. cit., p. 14.
  • [89]
    Hermann Beil, Uwe Jens Jensen, « La notion d’Ensemble », in Théâtre/Public n. 67, op. cit., p. 24.
  • [90]
    Jean-Marie Piemme, « Une activité de regard », op. cit., p. 53. D’où une certaine « part universitaire de [son] travail » qu’évoque Anne-Françoise Benhamou dans « Bref aperçu de dramaturgie expérimentale », in Philippe Coutant (dir.), Du dramaturge, op. cit., p. 46.
  • [91]
    « Il me semble intéressant de relever ici que la Schaubühne a été à l’origine de l’apparition d’une nouvelle fonction dans le processus du travail théâtral, celle du dramaturge », dit Georges Banu dans ses entretiens avec Peter Stein, Essayer encore, échouer toujours, op. cit., p. 33.
  • [92]
    Ibid., p. 33.
  • [93]
    Wolfgang Wiens, « L’avocat de l’auteur », op. cit., p. 16.
  • [94]
    Id.
  • [95]
    En 1999, avec la distance, Stein relativise le poids et la force de la dramaturgie dans le travail de la Schaubühne sous sa direction : « Le rôle et l’importance du dramaturge ont fini par être tels qu’ils sont devenus comme la marque spécifique de notre théâtre. Mais toute chose poussée à l’excès induit une situation critique et la prépondérance du dramaturge est devenue presque dangereuse ». (Essayer encore, échouer toujours, op. cit., p. 34.)
  • [96]
    Mayenburg influence toutefois les décisions de répertoire, de par son rôle d’interlocuteur du directeur et son engagement de longue durée auprès des metteurs en scène : dernièrement, par exemple, Ostermeier affirme que le choix d’Othello en 2010 fut au départ une idée de Mayenburg.
  • [97]
    Propos d’Ostermeier dans Sylvie Chalaye, op. cit., p. 37.
  • [98]
    Cette attention particulière portée à la traduction se retrouve chez tous les metteurs en scène depuis la seconde moitié du XXe siècle. Rappelons qu’en France, Antoine Vitez, qui revendiquait l’importance primordiale de la traduction, l’assumait si possible seul et la concevait comme faisant partie intégrante de son travail de mise en scène : « L’art de la traduction est pour moi une activité tout à fait analogue à mon activité de théâtre », disait-il. (De Chaillot à Chaillot, Paris, Hachette, 1981, p. 168.)
  • [99]
    Jean-Louis Perrier, « Un dramaturge doit dépecer une pièce, l’interpréter, en chercher le sens », entretien avec Marius von Mayenburg, in Le Monde, 17 juin 2001.
  • [100]
    « Notre expérience est telle […] qu’en tant que dramaturge, je finis toujours par écrire ma propre version de la pièce. Cela peut aller plus ou moins loin. Lorsqu’il s’agit d’un texte étranger, cela est d’autant plus nécessaire, car sinon, je dois me débattre avec les marottes des autres traducteurs ». (Propos de Mayenburg, in « Deutlich sympathischer als Goethe », op. cit.)
  • [101]
    Id.
  • [102]
    Propos d’Ostermeier dans Suzanne Vogel, op. cit., p. 26.
  • [103]
    Id.
  • [104]
    Propos de Mayenburg dans Radio Libre, op. cit.
  • [105]
    Id.
  • [106]
    Id.
  • [107]
    Id.
  • [108]
    Propos de Mayenburg dans Franz Wille, « Desdemonas Taschentuch », in Theater heute, décembre 2004.
  • [109]
    Id.
  • [110]
    Propos de Mayenburg dans Jean-Louis Perrier, « Un dramaturge doit dépecer une pièce, l’interpréter, en chercher le sens », op. cit.
  • [111]
    Id.
  • [112]
    Propos d’Ostermeier dans Suzanne Vogel, op. cit., p. 11.
  • [113]
    Propos d’Ostermeier dans Ulrich Seidler, « Das täglich nötige Gefühl von Blödheit », op. cit.
  • [114]
    Fabienne Darge, « L’Enfant froid entre réel et fantasme », in Le Monde, 7 avril 2005.
  • [115]
    Né en 1959, « figure de proue » de la traduction allemande contemporaine, Schmidt-Henkel traduit du norvégien, de l’italien et du français. Il ne s’agissait pas là de leur première collaboration : Ostermeier avait déjà sollicité Schmidt-Henkel pour les traductions de deux pièces de Jon Fosse et une de Lars Nóren, qu’il avait montées auparavant.
  • [116]
    Propos de Schmidt-Henkel dans la postface à la publication de ses traductions de Nora oder Ein Puppenhaus, Hedda Gabler, Baumeister Solness, John Gabriel Borkman, Berlin, Rowohlt Taschenbuch Verlag, 2006, p. 476.
  • [117]
    Id.
  • [118]
    Depuis la première traduction de cette pièce en allemand, elle est publiée dans l’espace germanophone sous le titre de Nora. Malgré ce qui a pu être affirmé à de nombreuses reprises par des commentateurs français, le fait de ne pas avoir retenu Une maison de poupée comme titre de son spectacle ne constitue donc aucunement un geste d’adaptation de la part du metteur en scène.
  • [119]
    Nous nous référons ici à l’entretien que nous avons eu avec Beate Heine, le 4 février 2005 à la Schaubühne de Berlin.
  • [120]
    Propos du traducteur dans la postface à Nora oder Ein Puppenhaus… (op. cit., p. 476-477).
  • [121]
    Dramaturge, metteur en scène et traducteur, Wiens est un personnage phare de la génération d’hommes de théâtre germanophones antérieure à celle d’Ostermeier. Depuis les années soixante, son nom est lié à un grand nombre d’institutions théâtrales allemandes parmi les plus prestigieuses : Theater am Turm, le Schauspielhaus de Francfort, Thalia Theater et le Schauspielhaus de Hambourg, le Théâtre de Brême, celui de Cologne, etc. À la Schaubühne, il signe notamment la mise en scène de la Chevauchée sur le Lac de Constance de Peter Handke, en 1971 (après que le metteur en scène Claus Peymann ait quitté les lieux au cours des répétitions), puis il codirige cette institution au tournant des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, période où il est également un collaborateur régulier de Bob Wilson. Entre 2000 et 2006, il occupe le poste de dramaturge en chef du Burg-theater de Vienne.
  • [122]
    Jan Kott, « Der Freud des Nordens – Ibsen neu gelesen », in Theater heute, décembre 1979. (Nous citons la traduction française de Sarah Hirschmuller, parue sous le titre « Ibsen, une relecture » dans la revue OutreScène n. 2, Ibsen, op. cit.)
  • [123]
    Dans Sylvie Chalaye, op. cit., p. 49.
  • [124]
    Propos de Thomas Ostermeier dans Peter Michalzik, « Langeweile bestimmt nicht », op. cit.
  • [125]
    Propos du metteur en scène dans Reinhard Wengierek et Matthias Heine, « Wir haben alle Angst vor dem Absturz », in Berliner Morgenpost, 23 mai 2005.
  • [126]
    Propos du traducteur dans la postface à Nora oder Ein Puppenhaus…, op. cit., p. 478.
  • [127]
    Dans le cas des Revenants, pièce montée à Amsterdam, Ostermeier opta pour la traduction de Judith Herzberg, femme de lettres et traductrice néerlandaise.
  • [128]
    Propos tenu à l’occasion de L’Atelier de la pensée.
  • [129]
    L’Atelier de la pensée.
  • [130]
    Le texte de Strindberg fut réécrit par le jeune auteur russe Mikhail Durnenkov.
  • [131]
    Propos du metteur en scène dans un entretien avec Jean-François Perrier, publié sur le site du Festival d’Avignon, 2012.
  • [132]
    Aux éditions La Fabrique.
  • [133]
    Nous reprenons l’expression employée par Sylvie Chalaye, op. cit., p. 39.
  • [134]
    Propos de Beate Heine dans « So schrill wie Berlin selbst », publié sur <http://www. neue-oz.de/archiv/ noz_print/feuilleton/2003/05/nora_ interview. html>.
  • [135]
    Beate Heine, entretien du 4 février 2005.
  • [136]
    En France, ce débat est devenu très médiatisé à l’occasion de la parution, en 2010, du livre d’Élisabeth Badinter, Le Conflit : la femme et la mère (Paris, Flammarion).
  • [137]
    Propos du metteur en scène dans « Entretien avec Thomas Ostermeier », <www.festival-avignon.com>, 2004, op. cit.
  • [138]
    Dans une villa énorme, les deux époux qui sont devenus étrangers l’un pour l’autre, vivent chacun de leur côté, incapables de partager leur chagrin ; ils coexistent, sans se parler. S’ils acceptent de se croiser dans la maison, vide comme la piscine dans leur énorme jardin, ils tiennent à ce que chacun aille sur la tombe de l’enfant séparément, comme si se retrouver tous deux face à la pierre tombale les amènerait nécessairement à une confrontation, à une explication qu’ils fuient avec panique, tout comme les Solness, qui pendant des années n’évoquent le malheur qui les a frappés qu’à demi-mots.
  • [139]
    Le terme, que l’on pourrait traduire comme « embourgeoisement », fut introduit en 1963 par la sociologue britannique Ruth Glass, pour désigner l’évolution du centre de Londres dans les années 1950 : la gentry, petite noblesse urbaine, a progressivement remplacé la population ouvrière de ce quartier central et en a réhabilité l’habitat. Le concept fut par la suite repris par de nombreux sociologues et élargi à l’ensemble des grandes villes euro-américaines.
  • [140]
    Ce fait est suggéré surtout par les projections vidéo qui proposent aux spectateurs des vues des façades des villas situées dans ce quartier.
  • [141]
    Propos d’Ostermeier dans Peter Laudenbach, « Die Angst vor dem Absturz », op. cit.
  • [142]
    Cela semble logique aussi lorsqu’on considère le temps nécessaire à l’élaboration d’une représentation. Si la création eut lieu en décembre 2008, donc trois mois après la faillite de la banque Lehmann Brothers qui fit éclater la crise des subprimes, le projet, et donc le choix dramaturgique, furent définis longtemps auparavant.
  • [143]
    Propos de Marius von Mayenburg recueillis par Raymond Paulet, dans un entretien qui figure dans le programme du spectacle pour les représentations au Théâtre National de Bretagne.
  • [144]
    René Solis, « Ibsen fait débat chez Ostermeier », in Libération, 19 juillet 2012.
  • [145]
    Propos du metteur en scène dans un entretien avec Jean-François Perrier, publié sur le site du Festival d’Avignon, 2012, op. cit.
  • [146]
    Propos du metteur en scène recueillis par Nicolas Truong, « Le théâtre, l’endroit où poser des questions », in Le Monde, 19 juillet 2012.
  • [147]
    Id.
  • [148]
    Entretien avec Jean-François Perrier, Avignon 2012, op. cit.
  • [149]
    Id.
  • [150]
    Entretien avec Beate Heine, op. cit.

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