Notes
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[1]
Propos d’Ostermeier dans « Thomas Ostermeier, scène de générations », op. cit.
-
[2]
Cité par Ruth Valentini, « La révolution Ostermeier », op. cit.
-
[3]
« Wir müssen von vorn anfangen », op. cit.
-
[4]
La question de la distinction entre un dramaturge « classique » et un « contemporain » est bien évidemment épineuse, d’autant qu’elle est intrinsèquement liée à l’idéologie artistique générale de tel ou tel artiste ou théâtre. Ostermeier affirme à plusieurs reprises travailler de manière spécifique sur les pièces des auteurs vivants, considérés donc comme contemporains. Nous suivons ici cette logique pour parler des pièces contemporaines et des textes du passé.
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[5]
Nous ne considérons ici pas seulement les spectacles créés à la Schaubühne, mais également les reprises (nombreuses, notamment lors de l’arrivée du nouveau directoire), du moment où elles furent par la suite inscrites au répertoire en alternance de ce théâtre.
-
[6]
Parasites (création) et Le Visage de feu (Thomas Ostermeier, 2000, reprise des productions du Deutsches Schauspielhaus de Hambourg), L’Enfant froid (Luk Perceval, 2002 – création), Eldorado (Thomas Ostermeier, 2004 – création), Turista (Luk Perceval, 2005 – création), Voir clair (Ingo Berk, 2006 – création), Le Moche (Benedict Andrews, 2007 – création), Le Chien, la nuit et le couteau (Benedict Andrews, 2008 – création), La Pierre (Ingo Berk, 2008 – création), Perplexe (Marius von Mayenburg, 2010 – création), et Les Martyres (Marius von Mayenburg, 2012 – création).
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[7]
Manque (Thomas Ostermeier en 2000 – création allemande), Psychose 4.48 (Falk Richter en 2001), Amour de Phèdre (Christina Paulhofer en 2003), Purifiés (Benedict Andrews en 2004) et Anéantis (Thomas Ostermeier en 2005).
-
[8]
This is a chair (Thomas Ostermeier en 2001), In Weiter Ferne (Falk Richter en 2001), La Copie (James Macdonald en 2003) et Betrunken genug zu sagen ich liebe dich ? (Benedict Andrews en 2007). Toutes ces pièces ont été présentées en création allemande.
-
[9]
Vor langer Zeit in Mai (Barbara Frey en 2000), Mez (Gian Manuel Rau en 2000), Une nuit arabe (Tom Kühnel en 2001) et Push Up (mise en scène par l’ensemble en 2001). À l’exception d’Une nuit arabe, il s’agit là aussi de créations.
-
[10]
Shopping & Fucking en 2000, Le Produit en 2006 et La Coupe en 2008, toutes trois mises en scène par Thomas Ostermeier et en création allemande.
-
[11]
Dans une mise en scène d’Ostermeier (création allemande). En 2005, Enrico Stolzenbach créa Distanz et en 2010, Ostermeier revint à cet auteur pour monter ses Démons.
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[12]
L’unique auteur contemporain francophone présent dans le répertoire de la Schaubühne est le québécois Wajdi Mouawad, avec Le Soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face, dans une mise en scène de Dominique Pitoiset, en 2008.
-
[13]
Dans Suzanne Vogel, op. cit., p. 13.
-
[14]
Christine Bähr, « Nostalgie und Sozial-kritik », op. cit., p. 237.
-
[15]
Macbeth (Christina Paulhofer en 2002), Troïlus et Cressida (James Macdonald en 2005) et Le Songe d’une nuit d’été, Hamlet, Othello et Mesure pour mesure par Thomas Ostermeier en 2006, 2008, 2010 et 2011.
-
[16]
Aux quatre pièces d’Ibsen mises en scène à la Schaubühne par Ostermeier (Nora en 2002, Hedda Gabler en 2005, John Gabriel Borkman en 2008 et Un ennemi du peuple en 2012) s’ajoutent également Les Revenants par Sebastian Nübling en 2007.
-
[17]
Trois par Falk Richter (La Mouette en 2004, Les Trois sœurs en 2007 et La Cerisaie en 2008) et une par Luk Perceval (Platonov en 2007).
-
[18]
Homme pour homme par Thomas Ostermeier en 2000 (reprise d’un spectacle de la Baracke), Sainte Jeanne des abattoirs par le duo Schuster/Kühnel en 2002, Dans la jungle des villes par Grzegorz Jarzyna en 2003 et La Bonne âme de Se-Tchouan par Friederike Heller en 2010.
- [19]
-
[20]
Prométhée enchaîné d’Eschyle par Jossi Wieler en 2009 et Antigone de Sophocle par Friederike Heller en 2011. Des sujets ayant trait à l’antiquité ne sont pourtant pas complètement absents du répertoire de la Schaubühne, car ils y figurent à travers des « réécritures » des mythes antiques : en 2003, Perceval monte Andromaque de Racine et Paulhofer, L’Amour de Phèdre de Kane. Ostermeier, quant à lui, met en scène Le Deuil sied à Électre d’O’Neill en 2006, et Wieler s’attaque à Iphigénie en Tauride de Goethe en 2009. Nous reviendrons sur cette absence des drames antiques dans le répertoire personnel d’Ostermeier.
-
[21]
Affinités électives, op. cit. Ailleurs, il affirme : « Quand je prends la décision de monter un texte contemporain, j’essaie toujours de me rapprocher de cet univers et de le traduire le plus fidèlement possible. Et je tente de travailler avec le plus grand respect de l’œuvre. J’ai une attitude très conservatrice face au texte. Avec les auteurs contemporains, j’essaie toujours de rester au plus près de ce qui me semble être leurs intentions ». (dans Sylvie Chalaye, Thomas Ostermeier, op cit., p. 36-37.)
-
[22]
« Quand je prends la décision de monter une pièce contemporaine, cette pièce-là doit être une œuvre d’art qui nous confronte, les spectateurs et moi, à un monde que l’on ne connaît pas encore, un univers inouï. Ce qui motive la mise en scène d’une nouvelle pièce, c’est le pouvoir qu’elle a de convoquer un monde, des personnages, des questions qui n’ont pas eu encore leur place sur scène. » (Ibid., p. 35).
-
[23]
Ibid., p. 53.
-
[24]
Pour reprendre la formule de Peter Szondi (Théorie du drame moderne, Paris, Circé, 2006).
-
[25]
À l’exception de la dernière… : Le Songe d’une nuit d’été en 2006, Hamlet en 2008, Othello en 2010, et Mesure pour mesure en 2011.
-
[26]
La Mort de Danton en 2001 et Woyzeck en 2003.
-
[27]
Tambours dans la nuit en 1994 et Homme pour homme en 1997. Il revient en 2002 à un auteur de la mouvance brechtienne, Marieluise Fleißer, avec La Forte race.
-
[28]
Le Deuil sied à Électre d’Eugène O’Neill, en 2006 et La Chatte sur un toit brûlant de Tennessee Williams, en 2007.
-
[29]
Ostermeier lui-même explique cette absence justement par une volonté de se démarquer de ses pairs : « Si les autres ne faisaient pas tant de Tchekhov, j’en ferais aussi ». (Propos tenu à l’Université Rennes 2, le 11 décembre 2008.)
-
[30]
Shopping & Fucking, en 1998, Le Produit, en 2006, et La Coupe, en 2008, de Ravenhill ; Manque, en 2000 et Anéantis, en 2005, de Kane ; La Ville de Crimp, en 2008 ; Ceci est une chaise de Churchill, en 2001 ; Des Couteaux dans les poules de Harrower, en 1997 ; Sous la ceinture, en 1998 et Les Temps meilleurs, en 2002, de Dresser ; Fat Men in Skirts de Silver, en 1996 ; et Disco Pigs de Walsh, en 1998.
-
[31]
Aleks Sierz, In-Yer-Face Theatre : British Drama Today, London, Faber and Faber, 2001.
-
[32]
Respectivement : Concert à la carte de Kroetz, en 2003 ; Le Mariage de Maria Braun de Fassbinder, en 2007 ; et Susn d’Achternbusch, en 2009.
-
[33]
Visage de feu, Parasites et Eldorado, en 1999, 2000 et 2004.
-
[34]
Respectivement : Le Nom et The Girl on the Sofa de Fosse, en 2000 et 2002 ; Catégorie 3.1 et Les Démons de Norén, en 2000 et 2010.
-
[35]
L’Ange exterminateur en 2003.
-
[36]
Respectivement : Suzuki I et II de Schipenko, en 1997 et 1999, et Supermarket de Srbljanovic, en 2001.
-
[37]
Dans Suzanne Vogel, op. cit., p. 12-13.
-
[38]
Voir à ce propos « Thomas Ostermeier, scène de générations », op. cit., p. 28.
-
[39]
La configuration des lieux de ces deux théâtres suffirait à comprendre les raisons de ces partis pris de répertoire. En effet, les particularités et contraintes de ce petit espace qu’était la Baracke, qui n’avait pas été conçu au départ pour abriter un théâtre, expliqueraient le choix quasi exclusif de textes contemporains. Comme a contrario, la Schaubühne am Lehniner Platz, qui dispose de trois salles considérées comme les mieux équipées de toute l’Allemagne, offre la possibilité d’un plus large répertoire, des conditions adéquates pour monter des pièces du passé, dont la dramaturgie bien souvent impose de nombreux personnages et changements scéniques.
-
[40]
Dit Ostermeier dans « Le théâtre à l’ère de son accélération », (« Das Theater im Zeitalter seiner Beschleunigung »), op. cit.
-
[41]
« La peur de l’immobilité », op. cit., p. 237.
-
[42]
Sylvie Chalaye, op. cit., p. 38.
-
[43]
Propos tenu à l’Université Rennes 2, le 11 décembre 2008.
-
[44]
Atelier de la pensée au Théâtre de l’Odéon, le 3 avril 2009.
-
[45]
In « Σας φυλάω για έκπληξη το χρώμα του Οθέλου », in Elefterotypia, 8 mai 2010. Ajoutons que jusqu’à la saison 2012-2013, la mise en scène de cette tragédie n’est pas prévue.
-
[46]
Nora, Le Constructeur Solness et Les Revenants ne sont plus à l’affiche, mais les trois autres représentations continuent à se jouer à la Schaubühne et en tournée, dans le monde entier.
-
[47]
Une nouvelle mise en scène des Revenants viendra enrichir cette liste en 2013 (la création aura lieu au Théâtre Vidy de Lausanne) ; ce sera la première fois qu’Ostermeier travaillera avec des acteurs francophones.
-
[48]
« Et c’est en cela que se rejoignent Ibsen et les auteurs contemporains que j’ai mis en scène : cette obligation constante d’acquérir de l’argent, cette convoitise de la sécurité matérielle recèle pour moi une dimension tragique ». (« Un regard matérialiste sur le présent », op. cit., p. 48).
-
[49]
« Il y a des années, lors d’une séance chez moi avec les dramaturges, j’ai dit qu’on n’avait pas encore réussi à trouver notre esthétique à nous. C’était avant Nora, L’Ange exterminateur, Anéantis, Hedda Gabler et Le Deuil sied à Électre. Avec une esthétique propre, je veux dire des univers, des mondes et des surfaces qu’on ne voit qu’ici, dans cette maison. Je considérerais comme notre plus grand exploit de l’avoir atteinte par ces spectacles », dit le metteur en scène dans « Doch eher näher an Kroetz », op. cit., p. 164.
-
[50]
Nora aux Kammerspiele de Brême (en 1967), Le Canard sauvage au Deutsches Schauspielhaus de Hambourg (en 1975), deux fois Hedda Gabler, au Schauspielhaus de Bochum (en 1977) et à celui de Hambourg (en 1979), Le Constructeur Solness au Rezidentztheater de Munich (en 1983), Quand nous nous réveillerons d’entre les morts aux Kammerspiele de Munich (en 1991), Rosmersholm au Burgtheater de Vienne (en 2000) et finalement Peer Gynt au Berliner Ensemble (en 2005).
-
[51]
Propos de Thomas Ostermeier dans Peter Michalzik, « Langeweile bestimmt nicht », in Frankfurter Rundschau, 25 octobre 2005.
-
[52]
Propos de metteur en scène dans Ulrich Seidler, « Wo der Terror brütet », in Berliner Zeitung, 23 mai 2006.
-
[53]
Id.
-
[54]
« Que nous reste-t-il ? Le refuge de la famille et de la carrière, qui sont les valeurs bourgeoises du XIXe siècle. On revient au temps d’Ibsen, qui convient mieux à notre génération que Tchekhov. Il n’est pas sentimental. Il montre des gens pris dans le carcan de la société, qui livrent un combat personnel, pour trouver une issue. » (Cité par Brigitte Salino, « théâtre politik », in Le Monde, 31 mars 2009.)
-
[55]
Propos du metteur en scène lors d’un entretien réalisé au TNB, 12 décembre 2008.
-
[56]
Affinités électives, op. cit.
-
[57]
Rencontre au TNB, 12 décembre 2008.
-
[58]
« Un regard matérialiste sur le présent », op. cit.
-
[59]
Ostermeier dit en 2001 : « Je me suis toujours dit, pour Shakespeare, il faut que j’attende encore un peu… Je ne me sens pas encore assez bon pour ça. D’une certaine manière, avec Büchner, qui a fait de nombreux emprunts à Shakespeare (allant jusqu’à réutiliser des citations originales de Hamlet), si l’on considère l’aspect comique et la construction de ses pièces, je fais déjà un pas vers Shakespeare ». (Suzanne Vogel, Entretiens avec Thomas Ostermeier, op. cit., p. 33.)
-
[60]
Les quatre spectacles sont depuis au répertoire de la Schaubühne et continuent à être joués.
-
[61]
Comme il l’affirme dans l’entretien « Σας φυλάω για έκπληξη το χρώμα του Οθέλου », in Elefterotypia, op. cit.
-
[62]
Atelier de la pensée.
-
[63]
Propos du metteur en scène lors de la rencontre publique que nous avons animée avec lui au Théâtre National de Toulouse, le 4 février 2012. Ce dialogue est publié dans les Cahiers d’Études Germaniques n. 64, 2013.
-
[64]
Dit Ostermeier dans le « Plaidoyer pour un théâtre réaliste », op cit.
-
[65]
Id.
-
[66]
Rencontre au Théâtre National de Toulouse.
-
[67]
Id.
-
[68]
Stein ne se contentait pas d’explorer ces univers uniquement à travers les œuvres de ces auteurs. Ainsi, pour l’Orestie d’Eschyle, en 1980, il mena toute une recherche autour de l’Antiquité, avec l’Antikenprojekt, en 1974 (et ses Exercices pour comédiens). De la même manière, il prolongea sa mise en scène de Comme il vous plaira, en 1977, par celle du Parc, en 1984, une réécriture libre du Songe d’une nuit d’été par Botho Strauß. Sa mise en scène des Estivants de Gorki, en 1976, témoigne d’une même volonté d’approfondir l’étude de l’univers dramatique tchekhovien, et annonce ses mises en scène des Trois sœurs (la première datant de 1985).
-
[69]
Dans Sylvie Chalaye, Thomas Ostermeier, op. cit., p. 35.
-
[70]
La notion de l’autoreprésentation, mise en avant par Peter Iden, fut déjà fortement marquante dans la mise en scène de Torquato Tasso de Goethe par Stein au Théâtre de Brême en 1969 (nous l’avons déjà évoquée).
-
[71]
Peter Iden, Die Schaubühne am Halleschen Ufer 1970–1979, op. cit., p. 38.
-
[72]
Ibid., p. 39.
-
[73]
Ibid., p. 44.
-
[74]
Pour une étude plus approfondie sur ce sujet, cf. les p. 44-49, ibid. Les Bacchantes d’Euripide dans la mise en scène légendaire de Klaus Michael Grüber en 1974 illustrent aussi ce thème : le nouveau culte de Dionysos que tentent d’instaurer les Bacchantes se termine dans un bain de sang.
-
[75]
Dans la mémorable mise en scène faite par Peter Stein en 1971.
-
[76]
Comme il vous plaira de William Shakespeare, mise en scène Peter Stein en 1977.
-
[77]
Dans Peter Stein, Essayer encore, échouer toujours, op. cit., p. 36.
-
[78]
Première le 8 octobre 1970.
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[79]
Première le 23 janvier 1971. Claus Peymann et Wolfgang Wiens n’ont pas travaillé en tandem, comme ce fut le cas pour certains spectacles de la Schaubühne à cette époque, à commencer par La Mère, où le nom de Peter Stein figure à côté de ceux de Wolfgang Schwiedrzik et Frank-Patrick Steckel. La raison est ici plus prosaïque : Peymann ayant quitté la Schaubühne au cours des répétitions de cette représentation, il fut remplacé par Wiens qui les a menées à terme.
-
[80]
Dit Stein dans Essayer encore, échouer toujours, op. cit., p. 35.
-
[81]
Peter Iden, op. cit., p. 44.
-
[82]
Nous reprenons ici une hypothèse de Jean Jourdheuil formulée lors de la séance « Berlin – effacement des traces » du séminaire doctoral de l’équipe de recherche Histoire des Arts et des Représentations, le 13 novembre 2009.
-
[83]
Jourdheuil décrit l’ampleur du travail d’adaptation sur ce corpus « bourgeois », en évoquant l’adaptation de La Cagnotte de Labiche, pour laquelle il avait collaboré au titre de dramaturge : « Trois ordres de considérations ont guidé le travail d’adaptation : – considérations historiques : Paris sous le Second Empire, les grands travaux du Baron Haussmann, – considérations dramaturgiques (de morale dramaturgique) : transformer les personnages qui n’étaient que des faire-valoir en personnages dignes de ce nom, dotés d’une certaine autonomie (Blanche, Félix, Tricoche, Madame Chalamel), – considérations enfin sur l’affleurement de la sexualité dans les rapports humains (chez Labiche les hommes éprouvent une certaine tendresse les uns pour les autres, il suffit de penser à Perrichon) ». (cf. L’Artiste, la politique, la production, Paris, UGÉ, 1976, p. 201.)
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[84]
Dans Essayer encore, échouer toujours, op. cit., p. 35.
-
[85]
Les Hypochondres (Wilfried Minks en 1973), La Trilogie du revoir et Grand et petit (Peter Stein, 1978), Kalldewey, Farce (Luc Bondy, 1982), Le Parc (Peter Stein, 1984), La Tanière (Luc Bondy, 1986), Le Temps et la chambre (Luc Bondy, 1989), Chœur final (Luc Bondy, 1992) et Jeffers – Akt I und II (Édith Clever, 1998).
-
[86]
Rencontre au TNB, 12 décembre 2008.
-
[87]
« La peur de l’immobilité », op. cit., p. 236.
Le répertoire général de la Schaubühne
1 Quand Ostermeier prend la direction de la Schaubühne, il fait noter sur tous les supports de communication le mot d’ordre zeit-genössisches Theater, « théâtre contemporain ». Dans une volonté de se démarquer radicalement du ou d’un certain passé de cette institution, principalement relatif au Regietheater (« nous avons rompu avec la tradition de la mise en scène des grands textes classiques sans cesse montés, et dont la dernière version est censée répondre à la précédente, montée cinq ans plus tôt » [1]), et dans le dessein de « transposer l’audace de la Baracke dans ce lieu sacré » [2], il prévoit de vouer ce théâtre aux écritures théâtrales d’aujourd’hui, en collaboration étroite avec des auteurs contemporains. Il est écrit dans le manifeste :
« L’intérêt principal de la Schaubühne se tourne vers la nouvelle dramaturgie et les récits contemporains. Des commandes seront passées aux auteurs, et les pièces seront par la suite élaborées en collaboration avec les dramaturges et les acteurs. De plus, toutes les pièces reçues seront lues et débattues. » [3]
3 Le répertoire général du théâtre se construit donc, surtout dans les premières années, principalement autour de pièces contemporaines [4] qui sont souvent présentées en création allemande, voire mondiale. Si l’on regarde de près les cent cinquante-cinq spectacles présentés à la Schaubühne depuis la prise de direction par Ostermeier jusqu’à la fin de la saison 2011-2012 [5], on constate que la moitié exactement (soixante-dix-neuf) est basée sur un texte contemporain ; les mises en scène des pièces du passé représentent à peu près un tiers de la totalité (cinquante) et la danse près d’un sixième (vingt-six). Naturellement, parmi les auteurs d’aujourd’hui, Marius von Mayenburg, « l’auteur associé », tient une place privilégiée à la Schaubühne, où onze de ses pièces ont déjà été mises en scène, dont neuf en création [6] ; il est l’auteur le plus monté dans ce théâtre. Vient ensuite Sarah Kane : la Schaubühne est la première institution de l’espace germanophone à avoir inscrit à son répertoire les cinq pièces de la dramaturge britannique [7]. Elle est suivie par sa compatriote Caryl Churchill [8] et par l’Allemand Roland Schimmelpfennig [9] (quatre pièces chacun), ce dernier ayant été en 2000 et 2001 un deuxième « auteur associé » à côté de Mayenburg. Mentionnons également deux autres dramaturges qui voient leurs pièces régulièrement montées à la Schaubühne (trois pour chacun) : Mark Ravenhill [10], et Lars Norén dont la Catégorie 3.1 inaugure la nouvelle ère en 2000 [11]. Une forte dominante germanique et anglo-saxonne se dégage de l’ensemble du répertoire contemporain de la Schaubühne ; la dramaturgie contemporaine française a contrario en est complètement absente [12]. D’autre part, on constate un très grand nombre de créations parmi les pièces actuelles montées dans ce théâtre : ceci est dû au parti pris d’Ostermeier d’échapper à une logique trop comparative des répertoires des grands théâtres berlinois, dans lesquels, à son avis, figurent souvent les mêmes œuvres. En présentant au public un grand nombre de pièces qui lui sont inconnues, le répertoire de la Schaubühne se démarquerait radicalement de celui des autres scènes : « la Schaubühne est un théâtre qui peut se permettre – nous verrons bien s’il pourra se le permettre encore longtemps – de jouer des auteurs qui sont à quatre-vingt-dix pour cent des auteurs nouveaux et inconnus », dit son directeur en 2001 [13]. Le choix de la dramaturgie contemporaine se manifeste donc dans les premières années de manière particulièrement prononcée, voire audacieuse ou provocante. Pour certains commentateurs, cependant, il serait emblématique d’une politique générale des institutions théâtrales au début des années 2000 :
« Le travail de Thomas Ostermeier et de son équipe est exemplaire de la promotion systématique de la jeune dramaturgie au sein des institutions théâtrales. D’abord à la Baracke du Deutsches Theater, et ensuite, depuis 2000, à la ‘nouvelle’ Schaubühne, leur répertoire, qui privilégie les créations des textes contemporains, rend manifeste une tendance générale qui se profile de manière significative en cette fin du XXe siècle. Car, comme l’affirme entre autres le théâtrologue Hans-Thies Lehmann, on observe ‘après les années soixante-dix et quatre-vingt, où la dramaturgie visuelle semblait régner sur le théâtre, un certain retour du et au texte (qui n’a évidemment jamais complètement disparu)’. » [14]
5 Dans les années suivantes, s’effectue progressivement une mise en dialogue de cette dramaturgie actuelle avec des œuvres du passé, lesquelles sont de plus en plus présentes à la Schaubühne, même si les textes contemporains restent toujours prédominants ; une évolution que l’on observera également dans le répertoire personnel d’Ostermeier. Entre 2000 et 2003, deux spectacles seulement sur la quinzaine créée chaque saison, sont des pièces classiques, puis trois entre 2003 et 2006, alors que, rien que pour la saison 2008-2009, on en monte six. Ostermeier, le premier, en met en scène treize, et parmi ses « metteurs en scène associés », Luk Perceval, six, et Falk Richter, quatre. L’auteur du passé le plus monté à la Schaubühne est Shakespeare [15] (six pièces), suivi de près par Ibsen [16] (cinq pièces), Tchekhov [17] et Brecht [18] (quatre pièces chacun) ; des auteurs qui semblent particulièrement bien se prêter à un traitement privilégiant des questions d’ordre social (voire sociologique) et politique. L’une des options idéologiques majeures de la Schaubühne sous la direction d’Ostermeier est donc, à travers son répertoire, « de tendre un miroir au public, à ses angoisses et ses espoirs et d’analyser ses conditions de vie matérielles et spirituelles. Une actualisation intelligible et concluante au niveau du contenu des textes […], lorsqu’elle réussit, rend explicite pour les spectateurs la virulence immédiate et actuelle d’un conflit, et en même temps aussi sa dimension historique » [19]. En ce sens, l’absence quasi totale, à deux exceptions près [20], de la dramaturgie antique paraît étonnante, quand on sait que depuis les années soixante, bon nombre de metteurs en scène y puisent leurs matériaux pour poser leur regard sur la cité ; c’est d’ailleurs dans ce même théâtre que Peter Stein et Klaus Michael Grüber, avec leur Antikenprojekt, donnèrent des représentations modèles en ce domaine.
Le répertoire de Thomas Ostermeier
Les auteurs contemporains et les auteurs du passé
6 Ostermeier établit une distinction nette entre le traitement des pièces du passé et celui des pièces contemporaines, affirmant à plusieurs reprises que, selon ces deux cas, l’approche du texte et la mise en scène sont fondamentalement différentes :
« Quand je mets en scène des pièces contemporaines, je ne change rien, je ne fais presque aucun changement dans la dramaturgie de ce que propose l’auteur contemporain. Si je n’étais pas d’accord avec l’auteur, je ne ferais pas la pièce. Pour les textes classiques, c’est tout à fait différent : la plupart du temps, je fais des adaptations très, très importantes. » [21]
8 Les textes contemporains sont souvent respectés et suivis « à la lettre », alors que ceux des pièces classiques servent davantage de matériau au metteur en scène, lequel s’autorise à les façonner à sa guise, selon ses envies et ses besoins. En cela, Ostermeier situe son travail dans la logique de ce même Regietheater qu’il a pourtant décrié avec véhémence quelques années auparavant.
9 Pour Ostermeier, deux données jouent un rôle primordial dans le choix d’une pièce contemporaine : d’abord l’univers que le texte fait naître, qui doit être original, avoir le pouvoir de soulever, chez le public comme parmi la troupe, de nouvelles questions, et celui d’explorer des mondes rarement représentés au théâtre [22] ; ensuite et surtout, l’histoire, le récit véhiculé par la pièce, qui doit être porté par des personnages forts autour desquels il se cristallise. Souligner l’importance de ce deuxième aspect, la narration, est pour le metteur en scène sa manière de se démarquer d’une certaine pratique qui a profondément influencé le paysage théâtral de ces dernières décennies :
« Le spectateur que j’étais au début des années 1990, à Berlin, n’en pouvait plus du cynisme de ce théâtre qui se faisait par exemple à la Volksbühne, que la critique définissait comme ‘déconstructiviste’ et qui considérait que les ‘grands récits’ n’avaient plus rien à nous dire. Toute une génération de jeunes [hommes de théâtre] à laquelle j’appartiens a alors commencé à refuser ce nihilisme théâtral et a cessé d’aborder la scène comme espace de performance ou d’installation plastique où s’abolit l’acteur, pour replacer au contraire l’histoire et le personnage au centre du discours scénique, sans pour autant se tourner vers l’académisme. » [23]
11 C’est sans doute cette importance accordée au récit et à la narration qui explique l’apparition progressive des pièces du passé dans l’œuvre d’Ostermeier car, partant d’un répertoire quasi exclusivement contemporain, il a pourtant créé, en dix-huit ans, presque autant d’œuvres de dramaturges contemporains que d’auteurs du passé. En ce qui concerne ce répertoire classique, le metteur en scène semble surtout être attiré par les auteurs de la fin du XIXe siècle, de cette période de la « crise du drame » [24] : en plus d’Ibsen, un de ses auteurs de prédilection, il a monté Maurice Maeterlinck (L’Oiseau bleu en 1999), Frank Wedekind (Lulu en 2004) et Gerhart Hauptmann (Avant le lever du soleil en 2005). Ostermeier explore les différents domaines dramaturgiques du passé souvent en plusieurs temps : deux années séparent chacune des quatre pièces de Shakespeare [25] qu’il a montées, comme pour celles de Büchner [26] ; les deux pièces de Brecht [27] sont encore plus espacées, alors que celles de deux grands auteurs américains (O’Neill et Williams) [28] se suivent de près. En revanche, deux univers dans lesquels puisent fréquemment les metteurs en scène contemporains sont absents dans les choix de répertoire d’Ostermeier : les drames de Tchekhov [29] d’un côté et la dramaturgie antique (nous l’avons dit) de l’autre.
12 Le répertoire contemporain d’Ostermeier, en dix-huit ans, depuis les spectacles des années de sa formation jusqu’à aujourd’hui, compte vingt-sept pièces (sur un ensemble de cinquante-deux créations). Lorsque Ostermeier était directeur artistique de la Baracke am Deutschen Theater, il avait déjà fait de ce petit théâtre, nous l’avons dit, un temple de la dramaturgie contemporaine. Il a continué par la suite à faire découvrir au public berlinois, à travers le répertoire de la Schaubühne que nous venons de présenter, et à travers ses propres mises en scène qui s’inscrivent naturellement dans la même ligne, les nouveaux dramaturges : anglo-saxons, en montant quatorze de leurs pièces (et bien souvent plus d’une par auteur) : les Américains Richard Dresser et Nicky Silver, mais surtout les Britanniques Mark Ravenhill, Sarah Kane, Martin Crimp, Caryl Churchill et David Harrower, ou l’Irlandais Enda Walsh [30] ; un grand nombre de ces auteurs d’expression anglaise appartient au courant de l’in-yer-face theatre, que décrit Aleks Sierz dans son ouvrage éponyme [31]. Allemands ensuite : Franz Xaver Kroetz, Rainer Werner Fassbinder et Herbert Achternbusch [32] et bien sûr le Hausautor de la Schaubühne, Marius von Mayenburg [33]. Deux Scandinaves : le Norvégien Jon Fosse, le Suédois Lars Norén [34], un Néerlandais, Karst Woudstra [35], et deux Slaves enfin : le Russe Alexej Schipenko et la Serbe Biljana Srbljanovic [36]. On constate donc chez Ostermeier la même prédominance des textes anglo-saxons et allemands que nous avons remarquée dans le répertoire général de la Schaubühne : pour le metteur en scène, ces deux courants de la dramaturgie contemporaine sont intrinsèquement liés l’un à l’autre, ils œuvrent dans le même but : « L’influence du Royal-Court Theater et des auteurs anglophones ainsi que celle du mouvement à contre-courant de nombreux jeunes auteurs en Allemagne ont contribué à un changement profond dans les consciences » [37]. Signalons également l’absence totale des pièces francophones, étonnante pour un artiste si bien implanté dans la culture hexagonale et, qui plus est, connaisseur averti de la dramaturgie contemporaine française [38].
13 Le moment charnière où le metteur en scène se tourne vers la dramaturgie classique, et par conséquent commence à s’éloigner des contemporains, n’est pas lié à son passage de la Baracke à la Schaubühne, comme d’une certaine façon on pourrait s’y attendre, étant donné que les relectures des œuvres classiques constituent traditionnellement l’un des domaines privilégiés de cette institution [39]. Ostermeier, au cours de ses deux premières saisons à la Schaubühne (de 2000 à 2002), continue à pratiquer la même politique de répertoire qu’à la Baracke : les quatre cinquièmes des pièces qu’il monte sont contemporaines. D’ailleurs, à cette époque, comme nous l’avons dit, il stigmatise fortement le théâtre de relecture à partir de pièces classiques, le Regietheater, qu’il considère daté, appartenant à la génération précédente et voué par conséquent à disparaître avec elle. En 1999, il écrit :
« Le théâtre politique de la génération de soixante-huit est mort : le théâtre d’actualisation des classiques, culinaire et tiède, pour des gourmets éduqués qui ne s’étrangleront pas sur un hors-d’œuvre trop piquant ou trop exotique ; la dernière génération de bourgeois cultivés, libéraux et ouverts d’esprit va silencieusement mourir avec ce théâtre. » [40]
15 Il déclare alors ouvertement ne pas être interpelé par les matériaux anciens qui, pour lui, ne sont pas à même de traiter des problématiques propres à notre société contemporaine, de soulever des questions socialement efficaces, ce qui est pour le metteur en scène l’une des exigences premières d’un texte dramatique. Ainsi dit-il encore en 2001 (un an avant sa mise en scène de Nora…) :
« J’affirme quasiment avec dogmatisme que les contenus des œuvres classiques ne signifient plus rien pour nous aujourd’hui, parce qu’ils dépendent trop des conflits propres à leur temps. Prenons l’exemple du drame bourgeois : cette monstruosité qui consiste à faire, sur la scène, d’un bourgeois un héros tragique, parce que, traditionnellement, la dimension tragique restait l’apanage de la noblesse. Le simple fait d’affirmer sur la scène cette capacité du bourgeois à souffrir constituait à l’époque une provocation. Mais aujourd’hui ? » [41]
17 La rupture avec la politique de répertoire de la Baracke, transposée à la Schaubühne sans grande réussite, survient en 2002, avec la mise en scène de Nora, choisie contre toute attente pour faire face au problème d’un public qu’Ostermeier n’arrive pas encore à constituer dans son nouveau théâtre. Le succès public de cette représentation et la découverte d’un univers dramaturgique auquel Ostermeier ne s’est jamais confronté auparavant l’amènent à un changement de démarche manifeste. Dès lors, les pièces du passé constitueront plus de la moitié de ses créations (dix-sept sur trente au total). C’est donc à partir de Nora qu’Ostermeier commence à rompre avec (les restes de) la Baracke, à dépasser le « mauvais départ » qui semble peser sur la Schaubühne depuis sa prise de direction (problèmes de public, de réception de la part de la critique, etc.). Ce spectacle constitue une véritable charnière dans le parcours du metteur en scène qui, grâce à lui, gagne son pari de conquérir de nouveaux spectateurs, de remplir la salle et de renouveler le public de la Schaubühne. Ainsi le « rejet dogmatique » initial des textes du passé se transforme-t-il progressivement en un traitement particulier de ces œuvres, qui ramène Ostermeier, à travers un questionnement de leur rapport à notre présent, à adopter à leur égard une approche semblable à celle dont il use pour les pièces contemporaines. En 2005, le metteur en scène peut donc affirmer :
« Sur un texte comme Woyzeck ou Maison de poupée, ou un texte classique, mettre en scène commence au moment où j’ai une idée de ce que pourrait être le lien entre le texte et notre vie aujourd’hui. » [42]
19 Un exemple révélateur a contrario de l’évolution constante de la politique de répertoire d’Ostermeier est celui de la dramaturgie antique, la grande absente. Si en 2008, le metteur en scène, en parlant d’Œdipe roi de Sophocle, dit ne pas avoir encore trouvé « de point d’attache, de raison pour raconter cette pièce aujourd’hui » [43], en 2009, il laisse entendre qu’il pense « avoir trouvé la porte d’entrée » [44], et en 2010, il affirme : « En ce moment, il y a une quinzaine de pièces que je pourrais monter, parmi lesquelles Œdipe roi » [45]. La manière de questionner les pièces du passé dans leur rapport à aujourd’hui est donc, finalement et dorénavant, pour Ostermeier, un véritable terrain de recherche, qui évolue et s’inscrit dans la durée : partant d’un dogmatisme assumé, et en passant par un « néo-conservatisme » heureux (Nora), le metteur en scène a renoué avec la pratique des grandes personnalités du Regietheater allemand, tels Peter Stein ou Peter Zadek, dont il voulait pourtant se démarquer radicalement à ses débuts.
Ibsen et Shakespeare : deux auteurs de prédilection
20 Depuis une dizaine d’années, les pièces d’Henrik Ibsen occupent une place privilégiée dans le répertoire de Thomas Ostermeier, qui monte Nora en 2002 à la Schaubühne, Le Constructeur Solness en 2004 au Burgtheater de Vienne, Hedda Gabler en 2005 à la Schaubühne, John Gabriel Borkman en 2008 à Rennes, Les Revenants au Toneelgroep d’Amsterdam en 2011 et Un ennemi du peuple au Festival d’Avignon en 2012 [46]. Le metteur en scène explore l’univers d’Ibsen de manière systématique [47], en soumettant ces drames sociaux à une actualisation très affirmée, n’hésitant pas à transposer le milieu bourgeois norvégien du XIXe siècle dans le Berlin ou la banlieue de Vienne d’aujourd’hui, avec des références au monde contemporain facilement identifiables. Pour ce faire, il modifie radicalement la fin des pièces (Nora tue son mari, Solness ne meurt pas et le suicide d’Hedda passe inaperçu) ou tranche hardiment dans le texte (il enlève tout le quatrième acte de John Gabriel Borkman). Nora est sans aucun doute le plus grand succès public d’Ostermeier : la pièce est restée à l’affiche pendant sept ans, jusqu’en 2009. Même si le metteur en scène inscrit la dramaturgie d’Ibsen clairement dans la continuité de ses choix précédents [48], il affirme néanmoins que c’est justement à partir de cette représentation qu’il a commencé à trouver une esthétique propre à son travail à la Schaubühne, « des univers, des mondes et des surfaces qu’on ne voit qu’ici, dans cette maison » [49].
21 Certes, on ne peut pas dire qu’Ibsen soit de nos jours un auteur délaissé par les metteurs en scène allemands et européens. Cependant, une exploration aussi systématique du répertoire ibsénien (six pièces en dix ans) est un phénomène rare dans le théâtre allemand contemporain ; autre cas exceptionnel, Peter Zadek, qui a monté huit pièces du dramaturge norvégien… mais en quarante ans [50] ! Les hommes de théâtre allemands semblent préférer ne monter qu’occasionnellement une pièce d’Ibsen. La dramaturgie ibsénienne véhicule encore pour certains une esthétique de théâtre psychologique ou psychologisante, en général rejetée des scènes contemporaines.
22 Cependant, selon Ostermeier qui, comme nous venons de le voir, revendique, recherche et réhabilite le récit et la narration au théâtre, Ibsen « se prête bien à raconter quelque chose sur l’actualité » [51] ; il ajoute : « Cette problématique poussiéreuse est à nouveau d’actualité. Elle est, pour ainsi dire, à l’origine de ma volonté de ressusciter Ibsen : nous nous rapprochons de nouveau des structures patriarcales et conservatives, la famille regagne de l’importance » [52]. Ainsi, la prédilection du metteur en scène pour cet auteur de la deuxième moitié du XIXe siècle peut-elle paraître logique, au sens où Ostermeier dit vouloir réhabiliter, sur le plan esthétique, cette dramaturgie qui raconte des histoires, et s’attaquer, par son théâtre, sur un plan politique et sociologique, aux problèmes liés à notre époque : « Je ne peux comprendre les pièces qu’à partir de l’actualité » [53], dit-il. La dramaturgie ibsénienne permettrait donc mieux que toute autre de mettre le doigt sur une certaine involution idéologique et politique de notre société ; c’est ce que constate Ostermeier [54] qui se propose de « regarder ce théâtre très psychologique à travers des lunettes matérialistes » [55], afin de faire ressortir ce que les pièces révèlent des « contraintes d’une société ultra-capitaliste qui rendent malheureux, malades, les gens qui essaient de survivre dans cette société-là. C’est quelque chose qui a beaucoup à voir avec notre époque actuelle » [56].
23 Le théâtre d’Ibsen continue à offrir un terrain thématique particulièrement fertile, il l’intéresse également pour d’autres raisons. Ostermeier estime que l’opposition apparente, voire l’incompatibilité ou la contradiction qui surgit entre, d’un côté, son esthétique générale, son théâtre corporel, musical et rythmé, qui introduit des moments surréels voire cauchemardesques, et de l’autre côté, le réalisme psychologique d’Ibsen, la forme et le contenu de ses drames, serait très efficace et productive : « Je crois que cette contradiction entre le cliché qu’on a dans la tête sur Ibsen, et mon théâtre comme un autre cliché, crée des tensions qui produisent quelque chose de différent » [57]. Au final, la manière qu’a Ostermeier de traiter la dramaturgie d’Ibsen donne naissance à un double jeu de miroir : entre les personnages et les acteurs d’une part, car la situation et les conditions de vie de ceux-ci correspondent peu ou prou à celles de ceux-là et ainsi, selon le metteur en scène, leur prestation est beaucoup plus crédible que lorsqu’ils doivent camper des personnages socialement déclassés, comme c’est souvent le cas dans la dramaturgie contemporaine. Et entre les personnages et les spectateurs d’autre part, car l’univers des uns, représenté sur scène, est clairement inspiré de celui des autres. Le réalisme des drames d’Ibsen permet donc d’incorporer dans les mises en scène, de manière subtile et nuancée, aussi bien des éléments d’autoreprésentation que ceux d’une relation spéculaire, qui étayent la lecture sociale de ces pièces :
« Le grand avantage des ‘drames de société’ bourgeois d’Ibsen est qu’il existe une certaine ‘congruence’ entre le milieu dans lequel est située la pièce, ceux qui la jouent – et qui, ce faisant, évoluent dans une sphère qui est la leur – et les spectateurs. […] Pour moi se rejoignent ici fort opportunément d’une part la possibilité, à travers ces personnages, d’interpeler le public là où il se situe socialement, et d’autre part celle de raconter, de manière peut-être plus tangible qu’avec les matériaux antérieurs, des angoisses individuelles de perte et des mécanismes sociaux brutaux. » [58]
25 Cette exploration systématique de l’univers bourgeois à travers cet effet de miroir, au bout du compte, rapproche la démarche d’Ostermeier de celle de Stein au début de son travail à la Schaubühne ; nous y reviendrons.
26 Depuis quelques années, un second auteur de prédilection vient s’ajouter à Ibsen, consolidant ce tournant dans les choix de répertoire et par là dans l’esthétique d’Ostermeier : William Shakespeare. Pourtant, la dramaturgie élisabéthaine arrive relativement tard dans le parcours du metteur en scène, en 2006, donc après dix ans de travail scénique au sein des institutions théâtrales [59]. Depuis, il a monté quatre pièces du grand dramaturge anglais : Le Songe d’une nuit d’été en 2006, Hamlet en 2008 et Othello en 2010, toutes les trois au Festival d’Athènes et Épidaure, et Mesure pour mesure en 2011, au Festival de Salzbourg [60]. Après Ibsen, Shakespeare devient donc pour Ostermeier un nouveau continent à explorer, car il affirme par ailleurs vouloir faire le pari de monter, dans les dix ans à venir, toutes ses tragédies [61] (comme il le dit également des drames sociaux d’Ibsen !).
« L’une des vérités les plus importantes dans l’œuvre de Shakespeare est pour moi le fait que nous tous, nous jouons des rôles sociaux dans la vie. Les personnages jouent pour connaître la vérité, pour la trouver. […] Chez Ibsen, ce double jeu n’existe pas ; il y a toujours une identité totale dans le personnage. Hedda ne peut pas s’imaginer jouer une femme qui s’ennuie ; elle s’ennuie à cent pour cent. Si elle était un personnage de Shakespeare, elle aurait une possibilité de sortie de ce jeu. Ce double jeu permet d’aller dans la direction d’une nouvelle théâtralité. » [62]
28 Cette théâtralité, cette construction d’une « fausse réalité » [63] dans les pièces de Shakespeare, semble en effet particulièrement interpeller Ostermeier, et déterminer ses choix. Dans cette dramaturgie, le théâtre peut jouer un rôle positif, devenir « un instrument de connaissance » [64], comme dans Mesure pour mesure où les personnages changent d’identité afin de percer à jour le comportement des autres, ou dans Hamlet où « les puissants sont démasqués et même déclarés coupables précisément à travers une représentation théâtrale » [65]. Mais il peut aussi permettre de consolider un mensonge tragique, comme dans Othello où « le maître de cérémonie-metteur en scène, Iago, se sert de certains moyens théâtraux pour construire un mensonge » [66]. Malgré la pertinence de ces observations, on pourrait se demander si la démarche d’Ostermeier face aux pièces de Shakespeare, basée sur leur théâtralité sous-jacente qu’il s’agit de souligner, n’est pas moins originale (et radicale) que son approche matérialiste des drames d’Ibsen… On retrouve cependant des parallèles avec cette dernière, notamment à travers l’introduction d’un grand nombre d’éléments contemporains dans les pièces élisabéthaines : Le Songe d’une nuit d’été est situé dans une boîte de nuit, dans Hamlet, la cour royale est celle, élyséenne, du couple Sarkozy-Bruni, Othello soulève entre autres des questions relatives à la guerre en Irak, et Mesure pour mesure épingle les discours faussement moralisateurs des hommes politiques actuels (on y nettoie la « racaille » au karcher). Cette actualisation partielle donne l’occasion et la possibilité au metteur en scène de s’interroger sur la contemporanéité de ces œuvres, leur résistance au temps, leur universalité, à travers les problématiques qu’elles soulèvent. C’est ce qu’il affirme par exemple à propos de son Othello :
« Cette société vénitienne, assez impérialiste, doit faire face à la menace venant d’une autre puissance, et veut en même temps continuer à faire du commerce, à faire du profit et avoir le pouvoir sur toute la Méditerranée. Il apparaît clairement dans la pièce que les Vénitiens ne veulent pas aller faire la guerre eux-mêmes : ils engagent donc des mercenaires pour mener leurs guerres. […] Ce qui m’a interpellé, c’est cette décadence certaine dans la société vénitienne, qui n’est pas prête à défendre son royaume elle-même. […] Et tout ça m’a rappelé des situations actuelles comme la guerre d’Irak, ou les autres guerres dans le monde… » [67]
30 Shakespeare et Ibsen, ces deux auteurs de prédilection de Thomas Ostermeier, semblent donc s’inscrire dans un rapport de complémentarité au sein de son œuvre, car chacun d’eux lui donne l’occasion de développer des questions et des directions de travail différentes. Au final, ce dialogue entre le jeu de rôles inhérent à la dramaturgie shakespearienne et le réalisme des drames ibséniens reproduit, au niveau des choix de répertoire, ce mélange particulier entre théâtralité et illusion dramatique, que nous voyons comme l’un des principaux traits de l’esthétique du metteur en scène ; nous y reviendrons.
Le répertoire d’Ostermeier au regard de celui de Stein
31 Étudier le positionnement de l’actuel directeur de la Schaubühne face au lourd héritage de son prédécesseur, Peter Stein, est incontournable, comme nous l’avons déjà constaté à plusieurs reprises. Aussi convient-il d’examiner la politique de répertoire d’Ostermeier et, plus largement, celle de la Schaubühne des années 2000, à l’aune de celle de Stein.
32 Bien qu’Ostermeier pense que « la comparaison avec Stein n’est pas pertinente », il sait toutefois qu’il ne peut l’éviter. Naturellement, nous ne pouvons nous référer qu’à un nombre limité des spectacles de Stein, ceux qui illustrent le mieux, à notre sens, les points communs ou divergents entre les répertoires des deux metteurs en scène.
33 Rappelons, pour commencer, l’assertion connue de Stein selon laquelle il y aurait trois piliers pour tout répertoire théâtral, à savoir les auteurs antiques, Shakespeare et Tchekhov ; on sait que la Schaubühne am Halleschen Ufer fut un laboratoire d’explorations approfondies de ces trois univers [68]. Or, si les deux derniers, Shakespeare et Tchekhov, sont régulièrement montés à la Lehniner Platz depuis 2000, la dramaturgie antique en est, rappelons-le encore, quasiment absente.
34 Il n’existe pas naturellement de donnée si récurrente qu’elle inscrirait toutes les pièces montées par Ostermeier dans une seule et même ligne dramaturgique et/ou thématique ; néanmoins, on peut trouver des sujets sociaux qui persistent, notamment celui des différentes formes d’exclusion des individus par la société. Cette exclusion peut être due à l’argent (c’est le cas dans Shopping & Fucking, Les Jours meilleurs), à la solitude (dans Le Nom, Manque, Concert à la carte), ou encore à la non-conformité des personnages aux règles de la cité (dans Disco Pigs, Visage de feu, Catégorie 3.1, Parasites). C’est sans doute parce que ces multiples formes d’exclusion présentes dans la société d’aujourd’hui restent au centre de ses préoccupations qu’Ostermeier s’est tourné ensuite vers Büchner, puis Ibsen, c’est-à-dire vers un répertoire qui traite, de manière différente, de ce problème social majeur : Woyzeck, Nora, Hedda, chacun de ces personnages soulève des questions relatives à la place de l’individu dans la société. Ostermeier résume : « Traditionnellement, les grandes pièces sont toujours celles où un auteur donne la voix aux personnages de la société qui n’étaient pas encore sur scène » [69].
35 L’intérêt pour les thématiques sociales est un dénominateur commun de la politique de répertoire des deux directeurs de la Schaubühne. Avec une différence majeure cependant : là où Ostermeier aborde ces sujets par le prisme de l’individu, sa position dans la société, Stein, quant à lui, procédait avant tout en examinant la problématique du collectif, son fonctionnement interne et sa gestion ; une problématique qui était au centre des questionnements non seulement esthétiques, mais aussi politiques et idéologiques de sa troupe. De là, par ailleurs, un certain nombre d’éléments auto-représentatifs dans les spectacles de cette période du théâtre am Halleschen Ufer [70] ; on retrouve chez Ostermeier ce même principe d’autoreprésentation, mais sur d’autres bases.
36 La première mise en scène de Stein à la Schaubühne est La Mère de Brecht, une adaptation du roman de Gorki, qui dépeint les difficultés d’instaurer une nouvelle organisation commune de la société et illustre le chemin épineux qu’il faut suivre pour établir un meilleur ordre social. Dans cette pièce, la Mère se montre d’abord réticente envers les idées et les activités révolutionnaires de son fils (nous sommes en Russie avant la Révolution de 1917), mais elle s’implique de plus en plus dans le mouvement révolutionnaire, va jusqu’à apprendre à lire et à écrire et, après la mort de son fils, devient une égérie de la Révolution. Cette histoire est très emblématique pour la jeune troupe de la Schaubühne. « L’authenticité de cette description repose sur le fait qu’en traitant de circonstances lointaines, la troupe s’attaque également à sa propre situation », affirme Peter Iden [71]. Et ceci non seulement au niveau du contenu de la pièce, poursuit-il, mais également à celui du travail théâtral proprement dit : en confiant le rôle de la Mère à Therese Giehse, l’une des comédiennes emblématiques de Brecht, « le jeune collectif fait la révérence au théâtre critique d’une autre génération » [72].
37 Il en va de même pour la Tragédie optimiste de Vsevolod Vischnievski que Stein met en scène à la Schaubühne en 1972. La pièce traite d’un groupe de marins russes qui, lors de la Révolution de 1917, se libère de ses maîtres, mais pour s’en voir aussitôt imposer d’autres par les fonctionnaires du Parti Communiste : les questions de l’autorité (comment l’établir ?) et de la discipline (comment l’imposer à un collectif ?) sont centrales dans cette œuvre. La pièce laisse apparaître un certain scepticisme sur la possibilité d’un changement social significatif, car les marins, dès qu’on les organise en unité de combat, sombrent dans la guerre. Un questionnement semblable sur le rôle de la direction d’un groupe, sur ses raisons d’être et les conséquences qu’elle peut avoir s’est imposé à la troupe. Stein, qui aborde ce genre de problématiques sociales dans un grand nombre des spectacles qu’il a montés à la Schaubühne am Halleschen Ufer dans les années soixante-dix, en use même comme éléments autoreprésentatifs de la troupe.
38 Un autre thème qui revient régulièrement dans les pièces montées à l’époque de Stein est celui que Peter Iden a pointé sous le terme d’Aufbruch, un mot difficilement traduisible en français, qui signifie à la fois une rupture et un nouveau départ, la volonté de faire table rase du passé pour se tourner vers quelque chose de nouveau. Iden remarque que si les conditions et les causes de ces Aufbrüche varient de pièce en pièce, une chose leur est commune : ils échouent tous, de quelque manière que ce soit : « Toutes les représentations [de Stein] jusqu’en 1978 racontent des ruptures et des départs qui échouent et, qui plus est, dans lesquels l’échec est inscrit dès le début comme inévitable et immanent » [73]. Ainsi, pour ne donner que deux exemples très connus [74] : Peer Gynt, au terme de son voyage, lequel ne fut qu’une fuite constante, découvre qu’il a raté sa vie et qu’il la finira seul [75] ; le Duc et sa suite, qui ont quitté leur palais pour chercher la liberté dans la nature, retrouvent dans la forêt d’Ardenne les vieilles questions et les problèmes de la cour [76]. Chez Ostermeier, le thème de l’Aufbruch n’apparaît pas de manière aussi systématique, mais pointe tout de même à travers certains de ses choix : le nouveau départ que le Constructeur Solness tente avec Hilde se solde, de façon inévitable semble-t-il, par sa chute mortelle hautement symbolique ; dans Avant le lever du soleil, l’amour entre Loth et Hélène, qui représente pour cette dernière un espoir de sortie du marasme de son milieu, est inévitablement voué à une fin tragique ; et la vie morne, triste, solitaire et vide de Mademoiselle Rasch dans Concert à la carte, sorte d’épilogue de Nora, s’achemine logiquement vers un suicide qui stigmatise comme vain le geste libérateur de Nora.
39 Autre point commun que l’on retrouve dans la politique de répertoire d’Ostermeier et dans celle de Stein à la Schaubühne : un certain esprit de contradiction. Ainsi, le répertoire de la Schaubühne de Stein exprime-t-il le désir de son directeur « de rendre manifeste la complexité du monde en combinant des points de vue opposés ou contradictoires », écrit Georges Banu [77]. Ceci s’illustre d’une manière particulièrement marquante dès les deux premiers spectacles que présente la Schaubühne sous la direction de Stein : quelque trois mois après La Mère [78] a lieu la première d’une pièce de l’Autrichien Peter Handke, La Chevauchée sur le Lac de Constance, dans une mise en scène de Claus Peymann et Wolfgang Wiens [79] :
« Dans la première année, nous avons monté parallèlement La Mère, de Gorki/Brecht, et une pièce de Peter Handke. L’opinion publique a utilisé, selon ses propres intérêts, tel ou tel aspect de notre travail. Mais cette double entente était inscrite dès le départ dans notre projet théâtral. Nous n’étions certainement pas devenus acteurs pour faire de la propagande socialiste. La raison profonde était ailleurs : vouloir raconter et faire surgir sur le plateau quelque chose du visage caché de l’existence humaine, tenter de peindre sur la scène des images de l’homme. » [80]
41 Handke s’est librement inspiré pour cette pièce du poème éponyme de Gustav Schwab, poète allemand de la première moitié du XIXe siècle, dans lequel un cavalier cherche à atteindre la rive opposée du Lac de Constance sous une tempête de neige ; lorsqu’on lui apprend qu’il vient de traverser avec son cheval la surface gelée du lac, il tombe mort, foudroyé de terreur. De la même manière, les personnages de Handke, qui portent les noms d’acteurs connus et qui, tout au long de la pièce, tentent de s’approcher, de se connaître les uns les autres, semblent dire que nous nous tenons tous sur une glace fine qui peut à tout moment se rompre. Dans ce jeu de miroir, théâtre dans le théâtre, ils sont brusquement amenés à comprendre qu’ils sont en fait depuis longtemps déjà morts – du moins symboliquement, les uns pour les autres. Ce spectacle se trouve donc en opposition et en contradiction totale avec celui qui précède, La Mère, tant au niveau de son contenu métaphysique, que du fait que Handke compte alors parmi les critiques les plus virulents du brechtisme, lequel est à cette époque encore très fortement influent dans l’esthétique de la plupart des théâtres ouest-allemands. Iden résume :
« Cette représentation inattendue pour le public, et difficile à comprendre dans un premier temps, répondait à la propagande optimiste de La Mère par les doutes les plus noirs : vous parlez d’un ‘changement de la société’ et vous ne savez même pas que c’est déjà une aventure et un danger de mort, lorsque deux personnes veulent se mettre d’accord sur une bagatelle de la vie quotidienne. La thèse de ce spectacle fut : qui parle de changements sur le même mode que Brecht, n’a rien compris. » [81]
43 Cependant, si la forme brechtienne de la mise en scène de La Mère se distingue de celle de certains des spectacles suivants, elle entre également en contradiction avec la pratique brechtienne de l’époque, notamment en RDA. En effet, les deux pères fondateurs de la Schaubühne avant l’arrivée de Stein, les dramaturges Dieter Sturm et Hartmut Lange, tous deux originaires de l’Allemagne de l’Est, ont vécu l’épuisement esthétique et idéologique de la théorie et de la pratique brechtiennes prônées par le Berliner Ensemble ; ce serait de cette esthétique « muséale » que la Schaubühne des années soixante aurait voulu se démarquer. En ce sens, le premier travail de Stein dans ce théâtre aurait pu être une « commande » passée au metteur en scène par les deux dramaturges : faire un spectacle à contrepied de ceux du Berliner Ensemble, une représentation censée affirmer le potentiel esthétique et idéologique du théâtre brechtien qui se serait évaporé de la pratique est-allemande. La distribution de Giehse dans le rôle-titre pourrait être vue sous cette lumière [82]. Les choix de répertoire de la Schaubühne sous Stein se définissent fortement par leur rapport au paysage théâtral dans lequel ils s’inscrivent, tout comme aujourd’hui, après lui, ceux d’Ostermeier.
44 Par la suite toutefois, Stein développe à la Schaubühne une esthétique et une vision du théâtre qui non seulement dépassent l’orthodoxie brechtienne, mais se détachent du brechtisme (pour lui, c’est un leurre de croire que le théâtre va agir sur les consciences et faire évoluer les comportements). Sa troupe s’attelle dès lors à explorer également le monde qui l’entoure et à tenter de saisir notamment l’imaginaire bourgeois (Labiche, Courteline, Gorki, etc.) [83]. À la Schaubühne d’aujourd’hui, on retrouve cette même préoccupation d’interpréter l’esprit et l’univers d’une certaine bourgeoisie, même si cela passe par d’autres choix dramaturgiques (Ibsen, Wedekind, Schnitzler, Williams, Miller, etc.).
45 L’importance accordée à l’écriture contemporaine et la présence d’un Hausautor, « auteur maison », rapprochent la Schaubühne de Stein de celle d’Ostermeier. En effet, dans les années soixante-dix et quatre-vingt, Botho Strauß travaille dans cette institution en tant que dramaturge, comme Mayenburg aujourd’hui. Stein dit à ce propos :
« L’écriture contemporaine est la seule garantie pour le théâtre de pouvoir continuer, même si c’est avec difficulté. Au théâtre, il est impossible de se fixer sur le seul répertoire classique […]. C’est une relation unique : Botho Strauß a écrit ses textes pour des acteurs qu’il connaissait, tout comme Tchekhov. Il avait des acteurs de la Schaubühne en tête quand il écrivait, c’est pour cela que nous avons travaillé régulièrement avec lui, et je dois dire que cette collaboration a beaucoup contribué à la santé de notre théâtre. » [84]
47 Strauß a vu un grand nombre de ses pièces créées par Stein ou d’autres metteurs en scène [85], qui ont mis en avant le rapport en miroir que les représentations instaurent entre la scène et la salle. Les mises en scène des pièces d’Ibsen par Ostermeier font écho à cette pratique spéculaire, alors que l’univers des pièces de Mayenburg impose des spectacles d’une tout autre nature.
48 On pourrait penser qu’il existe un autre parallèle à tracer entre les deux directeurs de la Schaubühne, sur un plan idéologique, ou par rapport à leur responsabilité face à l’avenir, mais les enjeux, là, diffèrent sensiblement. Les Zielgruppenprojekte, sous Stein, constituèrent une partie non négligeable du répertoire ; il s’agissait de projets visant comme public un groupe social déterminé : des jeunes, des apprentis, des ouvriers, etc. L’idée de base, assez répandue dans les institutions de l’époque, était d’apporter le théâtre à ceux qui y viennent difficilement ; la Schaubühne de la période Stein a conçu trente-cinq spectacles de ce genre, avec lesquels la troupe s’est produite dans des usines, des ateliers, des foyers de jeunesse ou des centres d’apprentissage. Monter des Zielgruppen-projekte n’est plus dans l’air du temps. Ce que fait aujourd’hui Ostermeier, en tentant de rapprocher son théâtre de l’École Ernst-Busch, où il enseigne depuis 2000, est d’un tout autre genre et nettement moins engagé sur le plan sociopolitique ; d’ailleurs, ce lien entre une école et un théâtre, qui élargit ainsi sa programmation en présentant des spectacles montés avec les élèves du département Jeu de l’École, est relativement commun et conventionnel.
49 Malgré un certain nombre de constats et de rapprochements qui peuvent être esquissés, le répertoire de Thomas Ostermeier peut continuer à paraître imprévisible, voire aléatoire. En effet, le metteur en scène affirme que ses choix sont guidés entre autres par le souci de ne jamais être là où on l’attend, d’éviter « d’être mis dans un tiroir précis » [86]. Et sans fausse modestie, il s’interroge : « il doit bien y avoir un lien dans la mesure où ces matériaux ne me fascinent pas sans raison » [87]. Nous avons essayé de dégager quelques principes qui structurent cette direction et rendent cette politique cohérente : l’importance accordée aux créations de textes contemporains inédits, lesquelles assurent à Ostermeier une originalité dans ses choix par rapport aux autres metteurs en scène et institutions, l’accent mis sur le récit, qui l’amène à monter des pièces basées sur la prédominance d’une narration, l’intérêt porté à la démonstration et à la dénonciation des mécanismes de fonctionnement de notre société, qui sont examinés dans leur dimension historique et qui appellent à un dialogue avec les œuvres du passé. Ainsi, un dernier constat se dessine : celui d’un répertoire mouvant et, naturellement, en plein devenir, qui semble rester ouvert sur un champ des possibles dénué de véritables limites.
Notes
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[1]
Propos d’Ostermeier dans « Thomas Ostermeier, scène de générations », op. cit.
-
[2]
Cité par Ruth Valentini, « La révolution Ostermeier », op. cit.
-
[3]
« Wir müssen von vorn anfangen », op. cit.
-
[4]
La question de la distinction entre un dramaturge « classique » et un « contemporain » est bien évidemment épineuse, d’autant qu’elle est intrinsèquement liée à l’idéologie artistique générale de tel ou tel artiste ou théâtre. Ostermeier affirme à plusieurs reprises travailler de manière spécifique sur les pièces des auteurs vivants, considérés donc comme contemporains. Nous suivons ici cette logique pour parler des pièces contemporaines et des textes du passé.
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[5]
Nous ne considérons ici pas seulement les spectacles créés à la Schaubühne, mais également les reprises (nombreuses, notamment lors de l’arrivée du nouveau directoire), du moment où elles furent par la suite inscrites au répertoire en alternance de ce théâtre.
-
[6]
Parasites (création) et Le Visage de feu (Thomas Ostermeier, 2000, reprise des productions du Deutsches Schauspielhaus de Hambourg), L’Enfant froid (Luk Perceval, 2002 – création), Eldorado (Thomas Ostermeier, 2004 – création), Turista (Luk Perceval, 2005 – création), Voir clair (Ingo Berk, 2006 – création), Le Moche (Benedict Andrews, 2007 – création), Le Chien, la nuit et le couteau (Benedict Andrews, 2008 – création), La Pierre (Ingo Berk, 2008 – création), Perplexe (Marius von Mayenburg, 2010 – création), et Les Martyres (Marius von Mayenburg, 2012 – création).
-
[7]
Manque (Thomas Ostermeier en 2000 – création allemande), Psychose 4.48 (Falk Richter en 2001), Amour de Phèdre (Christina Paulhofer en 2003), Purifiés (Benedict Andrews en 2004) et Anéantis (Thomas Ostermeier en 2005).
-
[8]
This is a chair (Thomas Ostermeier en 2001), In Weiter Ferne (Falk Richter en 2001), La Copie (James Macdonald en 2003) et Betrunken genug zu sagen ich liebe dich ? (Benedict Andrews en 2007). Toutes ces pièces ont été présentées en création allemande.
-
[9]
Vor langer Zeit in Mai (Barbara Frey en 2000), Mez (Gian Manuel Rau en 2000), Une nuit arabe (Tom Kühnel en 2001) et Push Up (mise en scène par l’ensemble en 2001). À l’exception d’Une nuit arabe, il s’agit là aussi de créations.
-
[10]
Shopping & Fucking en 2000, Le Produit en 2006 et La Coupe en 2008, toutes trois mises en scène par Thomas Ostermeier et en création allemande.
-
[11]
Dans une mise en scène d’Ostermeier (création allemande). En 2005, Enrico Stolzenbach créa Distanz et en 2010, Ostermeier revint à cet auteur pour monter ses Démons.
-
[12]
L’unique auteur contemporain francophone présent dans le répertoire de la Schaubühne est le québécois Wajdi Mouawad, avec Le Soleil ni la mort ne peuvent se regarder en face, dans une mise en scène de Dominique Pitoiset, en 2008.
-
[13]
Dans Suzanne Vogel, op. cit., p. 13.
-
[14]
Christine Bähr, « Nostalgie und Sozial-kritik », op. cit., p. 237.
-
[15]
Macbeth (Christina Paulhofer en 2002), Troïlus et Cressida (James Macdonald en 2005) et Le Songe d’une nuit d’été, Hamlet, Othello et Mesure pour mesure par Thomas Ostermeier en 2006, 2008, 2010 et 2011.
-
[16]
Aux quatre pièces d’Ibsen mises en scène à la Schaubühne par Ostermeier (Nora en 2002, Hedda Gabler en 2005, John Gabriel Borkman en 2008 et Un ennemi du peuple en 2012) s’ajoutent également Les Revenants par Sebastian Nübling en 2007.
-
[17]
Trois par Falk Richter (La Mouette en 2004, Les Trois sœurs en 2007 et La Cerisaie en 2008) et une par Luk Perceval (Platonov en 2007).
-
[18]
Homme pour homme par Thomas Ostermeier en 2000 (reprise d’un spectacle de la Baracke), Sainte Jeanne des abattoirs par le duo Schuster/Kühnel en 2002, Dans la jungle des villes par Grzegorz Jarzyna en 2003 et La Bonne âme de Se-Tchouan par Friederike Heller en 2010.
- [19]
-
[20]
Prométhée enchaîné d’Eschyle par Jossi Wieler en 2009 et Antigone de Sophocle par Friederike Heller en 2011. Des sujets ayant trait à l’antiquité ne sont pourtant pas complètement absents du répertoire de la Schaubühne, car ils y figurent à travers des « réécritures » des mythes antiques : en 2003, Perceval monte Andromaque de Racine et Paulhofer, L’Amour de Phèdre de Kane. Ostermeier, quant à lui, met en scène Le Deuil sied à Électre d’O’Neill en 2006, et Wieler s’attaque à Iphigénie en Tauride de Goethe en 2009. Nous reviendrons sur cette absence des drames antiques dans le répertoire personnel d’Ostermeier.
-
[21]
Affinités électives, op. cit. Ailleurs, il affirme : « Quand je prends la décision de monter un texte contemporain, j’essaie toujours de me rapprocher de cet univers et de le traduire le plus fidèlement possible. Et je tente de travailler avec le plus grand respect de l’œuvre. J’ai une attitude très conservatrice face au texte. Avec les auteurs contemporains, j’essaie toujours de rester au plus près de ce qui me semble être leurs intentions ». (dans Sylvie Chalaye, Thomas Ostermeier, op cit., p. 36-37.)
-
[22]
« Quand je prends la décision de monter une pièce contemporaine, cette pièce-là doit être une œuvre d’art qui nous confronte, les spectateurs et moi, à un monde que l’on ne connaît pas encore, un univers inouï. Ce qui motive la mise en scène d’une nouvelle pièce, c’est le pouvoir qu’elle a de convoquer un monde, des personnages, des questions qui n’ont pas eu encore leur place sur scène. » (Ibid., p. 35).
-
[23]
Ibid., p. 53.
-
[24]
Pour reprendre la formule de Peter Szondi (Théorie du drame moderne, Paris, Circé, 2006).
-
[25]
À l’exception de la dernière… : Le Songe d’une nuit d’été en 2006, Hamlet en 2008, Othello en 2010, et Mesure pour mesure en 2011.
-
[26]
La Mort de Danton en 2001 et Woyzeck en 2003.
-
[27]
Tambours dans la nuit en 1994 et Homme pour homme en 1997. Il revient en 2002 à un auteur de la mouvance brechtienne, Marieluise Fleißer, avec La Forte race.
-
[28]
Le Deuil sied à Électre d’Eugène O’Neill, en 2006 et La Chatte sur un toit brûlant de Tennessee Williams, en 2007.
-
[29]
Ostermeier lui-même explique cette absence justement par une volonté de se démarquer de ses pairs : « Si les autres ne faisaient pas tant de Tchekhov, j’en ferais aussi ». (Propos tenu à l’Université Rennes 2, le 11 décembre 2008.)
-
[30]
Shopping & Fucking, en 1998, Le Produit, en 2006, et La Coupe, en 2008, de Ravenhill ; Manque, en 2000 et Anéantis, en 2005, de Kane ; La Ville de Crimp, en 2008 ; Ceci est une chaise de Churchill, en 2001 ; Des Couteaux dans les poules de Harrower, en 1997 ; Sous la ceinture, en 1998 et Les Temps meilleurs, en 2002, de Dresser ; Fat Men in Skirts de Silver, en 1996 ; et Disco Pigs de Walsh, en 1998.
-
[31]
Aleks Sierz, In-Yer-Face Theatre : British Drama Today, London, Faber and Faber, 2001.
-
[32]
Respectivement : Concert à la carte de Kroetz, en 2003 ; Le Mariage de Maria Braun de Fassbinder, en 2007 ; et Susn d’Achternbusch, en 2009.
-
[33]
Visage de feu, Parasites et Eldorado, en 1999, 2000 et 2004.
-
[34]
Respectivement : Le Nom et The Girl on the Sofa de Fosse, en 2000 et 2002 ; Catégorie 3.1 et Les Démons de Norén, en 2000 et 2010.
-
[35]
L’Ange exterminateur en 2003.
-
[36]
Respectivement : Suzuki I et II de Schipenko, en 1997 et 1999, et Supermarket de Srbljanovic, en 2001.
-
[37]
Dans Suzanne Vogel, op. cit., p. 12-13.
-
[38]
Voir à ce propos « Thomas Ostermeier, scène de générations », op. cit., p. 28.
-
[39]
La configuration des lieux de ces deux théâtres suffirait à comprendre les raisons de ces partis pris de répertoire. En effet, les particularités et contraintes de ce petit espace qu’était la Baracke, qui n’avait pas été conçu au départ pour abriter un théâtre, expliqueraient le choix quasi exclusif de textes contemporains. Comme a contrario, la Schaubühne am Lehniner Platz, qui dispose de trois salles considérées comme les mieux équipées de toute l’Allemagne, offre la possibilité d’un plus large répertoire, des conditions adéquates pour monter des pièces du passé, dont la dramaturgie bien souvent impose de nombreux personnages et changements scéniques.
-
[40]
Dit Ostermeier dans « Le théâtre à l’ère de son accélération », (« Das Theater im Zeitalter seiner Beschleunigung »), op. cit.
-
[41]
« La peur de l’immobilité », op. cit., p. 237.
-
[42]
Sylvie Chalaye, op. cit., p. 38.
-
[43]
Propos tenu à l’Université Rennes 2, le 11 décembre 2008.
-
[44]
Atelier de la pensée au Théâtre de l’Odéon, le 3 avril 2009.
-
[45]
In « Σας φυλάω για έκπληξη το χρώμα του Οθέλου », in Elefterotypia, 8 mai 2010. Ajoutons que jusqu’à la saison 2012-2013, la mise en scène de cette tragédie n’est pas prévue.
-
[46]
Nora, Le Constructeur Solness et Les Revenants ne sont plus à l’affiche, mais les trois autres représentations continuent à se jouer à la Schaubühne et en tournée, dans le monde entier.
-
[47]
Une nouvelle mise en scène des Revenants viendra enrichir cette liste en 2013 (la création aura lieu au Théâtre Vidy de Lausanne) ; ce sera la première fois qu’Ostermeier travaillera avec des acteurs francophones.
-
[48]
« Et c’est en cela que se rejoignent Ibsen et les auteurs contemporains que j’ai mis en scène : cette obligation constante d’acquérir de l’argent, cette convoitise de la sécurité matérielle recèle pour moi une dimension tragique ». (« Un regard matérialiste sur le présent », op. cit., p. 48).
-
[49]
« Il y a des années, lors d’une séance chez moi avec les dramaturges, j’ai dit qu’on n’avait pas encore réussi à trouver notre esthétique à nous. C’était avant Nora, L’Ange exterminateur, Anéantis, Hedda Gabler et Le Deuil sied à Électre. Avec une esthétique propre, je veux dire des univers, des mondes et des surfaces qu’on ne voit qu’ici, dans cette maison. Je considérerais comme notre plus grand exploit de l’avoir atteinte par ces spectacles », dit le metteur en scène dans « Doch eher näher an Kroetz », op. cit., p. 164.
-
[50]
Nora aux Kammerspiele de Brême (en 1967), Le Canard sauvage au Deutsches Schauspielhaus de Hambourg (en 1975), deux fois Hedda Gabler, au Schauspielhaus de Bochum (en 1977) et à celui de Hambourg (en 1979), Le Constructeur Solness au Rezidentztheater de Munich (en 1983), Quand nous nous réveillerons d’entre les morts aux Kammerspiele de Munich (en 1991), Rosmersholm au Burgtheater de Vienne (en 2000) et finalement Peer Gynt au Berliner Ensemble (en 2005).
-
[51]
Propos de Thomas Ostermeier dans Peter Michalzik, « Langeweile bestimmt nicht », in Frankfurter Rundschau, 25 octobre 2005.
-
[52]
Propos de metteur en scène dans Ulrich Seidler, « Wo der Terror brütet », in Berliner Zeitung, 23 mai 2006.
-
[53]
Id.
-
[54]
« Que nous reste-t-il ? Le refuge de la famille et de la carrière, qui sont les valeurs bourgeoises du XIXe siècle. On revient au temps d’Ibsen, qui convient mieux à notre génération que Tchekhov. Il n’est pas sentimental. Il montre des gens pris dans le carcan de la société, qui livrent un combat personnel, pour trouver une issue. » (Cité par Brigitte Salino, « théâtre politik », in Le Monde, 31 mars 2009.)
-
[55]
Propos du metteur en scène lors d’un entretien réalisé au TNB, 12 décembre 2008.
-
[56]
Affinités électives, op. cit.
-
[57]
Rencontre au TNB, 12 décembre 2008.
-
[58]
« Un regard matérialiste sur le présent », op. cit.
-
[59]
Ostermeier dit en 2001 : « Je me suis toujours dit, pour Shakespeare, il faut que j’attende encore un peu… Je ne me sens pas encore assez bon pour ça. D’une certaine manière, avec Büchner, qui a fait de nombreux emprunts à Shakespeare (allant jusqu’à réutiliser des citations originales de Hamlet), si l’on considère l’aspect comique et la construction de ses pièces, je fais déjà un pas vers Shakespeare ». (Suzanne Vogel, Entretiens avec Thomas Ostermeier, op. cit., p. 33.)
-
[60]
Les quatre spectacles sont depuis au répertoire de la Schaubühne et continuent à être joués.
-
[61]
Comme il l’affirme dans l’entretien « Σας φυλάω για έκπληξη το χρώμα του Οθέλου », in Elefterotypia, op. cit.
-
[62]
Atelier de la pensée.
-
[63]
Propos du metteur en scène lors de la rencontre publique que nous avons animée avec lui au Théâtre National de Toulouse, le 4 février 2012. Ce dialogue est publié dans les Cahiers d’Études Germaniques n. 64, 2013.
-
[64]
Dit Ostermeier dans le « Plaidoyer pour un théâtre réaliste », op cit.
-
[65]
Id.
-
[66]
Rencontre au Théâtre National de Toulouse.
-
[67]
Id.
-
[68]
Stein ne se contentait pas d’explorer ces univers uniquement à travers les œuvres de ces auteurs. Ainsi, pour l’Orestie d’Eschyle, en 1980, il mena toute une recherche autour de l’Antiquité, avec l’Antikenprojekt, en 1974 (et ses Exercices pour comédiens). De la même manière, il prolongea sa mise en scène de Comme il vous plaira, en 1977, par celle du Parc, en 1984, une réécriture libre du Songe d’une nuit d’été par Botho Strauß. Sa mise en scène des Estivants de Gorki, en 1976, témoigne d’une même volonté d’approfondir l’étude de l’univers dramatique tchekhovien, et annonce ses mises en scène des Trois sœurs (la première datant de 1985).
-
[69]
Dans Sylvie Chalaye, Thomas Ostermeier, op. cit., p. 35.
-
[70]
La notion de l’autoreprésentation, mise en avant par Peter Iden, fut déjà fortement marquante dans la mise en scène de Torquato Tasso de Goethe par Stein au Théâtre de Brême en 1969 (nous l’avons déjà évoquée).
-
[71]
Peter Iden, Die Schaubühne am Halleschen Ufer 1970–1979, op. cit., p. 38.
-
[72]
Ibid., p. 39.
-
[73]
Ibid., p. 44.
-
[74]
Pour une étude plus approfondie sur ce sujet, cf. les p. 44-49, ibid. Les Bacchantes d’Euripide dans la mise en scène légendaire de Klaus Michael Grüber en 1974 illustrent aussi ce thème : le nouveau culte de Dionysos que tentent d’instaurer les Bacchantes se termine dans un bain de sang.
-
[75]
Dans la mémorable mise en scène faite par Peter Stein en 1971.
-
[76]
Comme il vous plaira de William Shakespeare, mise en scène Peter Stein en 1977.
-
[77]
Dans Peter Stein, Essayer encore, échouer toujours, op. cit., p. 36.
-
[78]
Première le 8 octobre 1970.
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[79]
Première le 23 janvier 1971. Claus Peymann et Wolfgang Wiens n’ont pas travaillé en tandem, comme ce fut le cas pour certains spectacles de la Schaubühne à cette époque, à commencer par La Mère, où le nom de Peter Stein figure à côté de ceux de Wolfgang Schwiedrzik et Frank-Patrick Steckel. La raison est ici plus prosaïque : Peymann ayant quitté la Schaubühne au cours des répétitions de cette représentation, il fut remplacé par Wiens qui les a menées à terme.
-
[80]
Dit Stein dans Essayer encore, échouer toujours, op. cit., p. 35.
-
[81]
Peter Iden, op. cit., p. 44.
-
[82]
Nous reprenons ici une hypothèse de Jean Jourdheuil formulée lors de la séance « Berlin – effacement des traces » du séminaire doctoral de l’équipe de recherche Histoire des Arts et des Représentations, le 13 novembre 2009.
-
[83]
Jourdheuil décrit l’ampleur du travail d’adaptation sur ce corpus « bourgeois », en évoquant l’adaptation de La Cagnotte de Labiche, pour laquelle il avait collaboré au titre de dramaturge : « Trois ordres de considérations ont guidé le travail d’adaptation : – considérations historiques : Paris sous le Second Empire, les grands travaux du Baron Haussmann, – considérations dramaturgiques (de morale dramaturgique) : transformer les personnages qui n’étaient que des faire-valoir en personnages dignes de ce nom, dotés d’une certaine autonomie (Blanche, Félix, Tricoche, Madame Chalamel), – considérations enfin sur l’affleurement de la sexualité dans les rapports humains (chez Labiche les hommes éprouvent une certaine tendresse les uns pour les autres, il suffit de penser à Perrichon) ». (cf. L’Artiste, la politique, la production, Paris, UGÉ, 1976, p. 201.)
-
[84]
Dans Essayer encore, échouer toujours, op. cit., p. 35.
-
[85]
Les Hypochondres (Wilfried Minks en 1973), La Trilogie du revoir et Grand et petit (Peter Stein, 1978), Kalldewey, Farce (Luc Bondy, 1982), Le Parc (Peter Stein, 1984), La Tanière (Luc Bondy, 1986), Le Temps et la chambre (Luc Bondy, 1989), Chœur final (Luc Bondy, 1992) et Jeffers – Akt I und II (Édith Clever, 1998).
-
[86]
Rencontre au TNB, 12 décembre 2008.
-
[87]
« La peur de l’immobilité », op. cit., p. 236.