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Article de revue

Josef Nadj, dans la langue de Woyzeck

Pages 177 à 181

Notes

  • [1]
    Intitulée « Voyage en Woyzecke », une première version de cet article a été publiée dans Cassandre n. 34, avril-mai 2000, p. 42-43. Sauf mention contraire, les propos de Josef Nadj cités ici proviennent d’un entretien réalisé pour la circonstance, en février 2000.
  • [2]
    Parmi ces auteurs, en majorité européens, modernes ou contemporains, on compte deux poètes hongrois contemporains, Gyula Kodolanyi (auteur du livret de La Mort de l’empereur en 1989) et Ottó Tolnai (Les Échelles d’Orphée, 1992, et Journal d’un inconnu, 2002), puis deux écrivains hongrois du début du xxe siècle, Géza Csáth (Comedia tempio, 1990) et l’écrivain voyageur Oskár Vojnich (L’Anatomie du fauve, 1994). Mais aussi Jorge Luis Borges (Les Commentaires d’Habacuc, 1996), Samuel Beckett (Le Vent dans le sac, 1997), Franz Kafka (Les Veilleurs, 1999), Bruno Schulz (Les Philosophes, 2001), Raymond Roussel (Poussière de soleils, 2004), Henri Michaux (Asobu, 2006). Enfin, à Georg Büchner (Woyzeck ou L’Ébauche du vertige, 1994), qui constitue une exception du point de vue chronologique, s’ajoutent deux recueils de « sagesse » orientaux : le Yi King ou Livre des transformations (Entracte, 2008) et les écrits de Dôgen, maître zen japonais du xiiie siècle (Sho-bo-gen-zo, 2008).
  • [3]
    Elle n’apparaît jamais comme un vecteur de communication, ni entre les protagonistes, ni avec le public. Pour une analyse plus détaillée du statut de la parole et de son traitement dans l’œuvre de Nadj, cf. Myriam Blœdé, Les Tombeaux de Josef Nadj, Paris, L’Œil d’or, 2006, coll. « Essais & entretiens ».
  • [4]
    Créé voilà plus de quinze ans (sur des musiques d’Aladár Rácz et avec, dans la distribution initiale, István Bickei, Dénes Debrei, Peter Gemza, Franck Micheletti, Josef Nadj, József Sárvári, Henrieta Varga) et toujours inscrit au répertoire « actif » de la compagnie Josef Nadj, Woyzeck ou L’Ébauche du vertige a tourné dans le monde entier.
  • [5]
    En effet, lorsque, par la suite, Nadj a travaillé sur Beckett ou Roussel, il a pris en compte la totalité de l’œuvre de chacun, sans privilégier leurs écrits théâtraux. Et si, avec Poussière de soleils, Nadj a donné à sa pièce le titre d’une œuvre dramatique de Raymond Roussel, en dehors de ce titre, toutes les références ou citations qui figurent dans la pièce de Nadj se rapportent à (ou émanent) d’autres écrits de Roussel.
  • [6]
    Il est vraisemblable que le choix de cette pièce, mais aussi son traitement aient également des motifs d’ordre biographique. Nadj appartient, en effet, à la minorité hongroise de Voïvodine, une province située au nord de la Serbie. Or, indépendamment de l’empreinte douloureuse qu’a laissée en lui le service militaire obligatoire dans l’armée yougoslave, la période pendant laquelle il travaillait à Woyzeck ou L’Ébauche du vertige correspond à l’éclatement de son pays natal, la Yougoslavie. D’autres allusions à l’armée, d’autres échos de la guerre sont d’ailleurs perceptibles dans la plupart de ses réalisations de l’époque – en particulier, dans Comedia tempio, L’Anatomie du fauve et le film Tractatus Bestial (1991).
  • [7]
    Georg Büchner, Lenz, Le Messager hessois, Caton d’Utique, Correspondance, trad. de l’allemand par Henri-Alexis Baatsch, UGE, coll. « Bibliothèque 10/18 », 1974, p. 27.
  • [8]
    Ibid., p. 39-40.
  • [9]
    Jean-Christophe Bailly, « Woyzeck, ivre de pensée », in Théâtre/Public n. 98, mars 1991, p. 29-31, cité par Josef Nadj dans sa note d’intention à Woyzeck ou L’Ébauche du vertige.
  • [10]
    C’était à la Galerie Patricia Dorfmann, dans le quartier de la Bastille à Paris.
  • [11]
    Josef Nadj a fait ses études supérieures à l’Académie des beaux-arts et à l’université de Budapest.
  • [12]
    Georg Büchner, Woyzeck. Fragments complets, trad. de l’allemand par Bernard Chartreux, Eberhard Spreng et Jean-Pierre Vincent, Paris, L’Arche, coll. « Scène ouverte », 1993, I, 7, p. 10.
  • [13]
    Ibid., III, 13, p. 70.
  • [14]
    Ibid., I, 10, p. 30.
  • [15]
    Pour Josef Nadj, « Woyzeck ne lâche pas prise, c’est une preuve de courage. Mais, plus il s’interroge, plus son espace mental se réduit ».
  • [16]
    Georg Büchner, Woyzeck. Fragments complets, op. cit., II, 7, p. 49.
  • [17]
    Ibid., II, 6, p. 46.
  • [18]
    Contrairement à celle-ci, la plupart des scénographies de Nadj sont panoramiques et affirment l’existence du « quatrième mur » scène/salle.
  • [19]
    Nadj est né à Kanizsa, une bourgade située aux confins de l’actuelle Serbie, à quelques kilomètres de la Hongrie et de la Roumanie.
  • [20]
    Intervention orale de Josef Nadj, le samedi 11 mars 2000, au Théâtre de la Cité internationale à Paris, dans le cadre de la manifestation « Théâtre des limites », organisée par l’Académie Expérimentale des Théâtres.
  • [21]
    « De nos jours les cinq groupes principaux coexistant dans la Voïvodine yougoslave […] sont les Serbes, les Hongrois, les Slovaques, les Roumains et les Ruthènes – mais on y trouve aussi d’autres nationalités minoritaires sur le plan numérique : des Allemands, des Bulgares, des Tziganes ; sans oublier quelques Bunjewatzi et Schokatzi, arrivés il y a des siècles du sud de la Dalmatie, de Bosnie ou d’Herzégovine et revendiqués, en tant que Serbes bizarrement catholiques, soit par les Serbes soit par les Croates, alors qu’eux avaient tendance à se considérer comme un groupe à part. » (Claudio Magris, Danube [1986], trad. de l’italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau, Paris, Gallimard, 1991, coll. « Folio », p. 406-407).
  • [22]
    Déjà Canard pékinois (1987), sa première pièce, y faisait allusion : « Dans la langue hongroise, faire un canard c’est donner un mot pour un autre, exprès ou pas », expliquait-il alors. « En Hongrie, on parle souvent comme ça à cause de la censure, pour couvrir la vérité. »
  • [23]
    Ainsi, dans Petit psaume du matin (1999-2001), l’unique dialogue se résume à la question « – Comment ça va ? » et à la réponse « – Bien », déclinées en vingt-quatre langues « mineures ».
  • [24]
    Jean-Christophe Bailly, « Préface » à Georg Büchner, Woyzeck. Fragments complets, op. cit., p. 12.

1La lecture est pour Josef Nadj « une manière de vivre, de se charger » [1]. Et dans ses créations chorégraphiques, la littérature joue à l’évidence un rôle essentiel. La plupart d’entre elles s’inspirent, en effet, de l’œuvre et de la vie de poètes ou d’écrivains [2] qui sont aussi parfois leurs dédicataires. Et même celles qui procèdent de sources différentes recèlent nombre de citations, des références littéraires – tantôt présentes sous leur forme textuelle d’origine, le plus souvent, transposées en images. Dans tous les cas cependant, Nadj s’emploie à « évacuer » le texte : d’une extrême rareté, la parole est chez lui constamment mise en défaut [3].

2« D’après » Büchner, Woyzeck ou L’Ébauche du vertige, dont le chorégraphe propose une première version en 1994, occupe toutefois dans son parcours une place singulière : indépendamment de sa « longévité » [4], au-delà de l’attachement que lui manifeste son auteur, c’est la seule de ses pièces qui se donne comme l’adaptation, fût-elle « libre », d’une œuvre théâtrale [5] ; la seule qui, jusqu’à Entracte (2008), se fonde sur un texte unique. Que ce texte, en tant que tel, soit quasiment absent dans l’adaptation que Nadj en a réalisée, que celui-ci l’en ait presque totalement effacé, n’est pas ce qui lui vaut sa singularité. Au contraire, on peut supposer que le choix du Woyzeck de Büchner comme matériau de création tient, au moins en partie [6], à sa nature même – une œuvre en cours, en chantier, à l’état d’ébauche justement. Une pièce existant sous plusieurs versions différentes, toutes parcellaires, non hiérarchisables, et dont l’inachèvement, l’incomplétude, laisse visibles le travail et les errements de l’écriture.

Woyzeck ou L’Ébauche du vertige

3« Le 20 janvier, Lenz partit dans la montagne » [7]. Depuis le récit par Büchner de la chute de Lenz, de cette puissante et absurde revendication au bord du gouffre – « dans tout, je réclame la vie » [8] –, le 20 janvier, tous les 20 janvier, est chargé d’un éclat minéral. Simple hasard de calendrier, le 20 janvier 2000, au Théâtre de la Bastille, Josef Nadj s’affrontait à une autre figure büchnérienne, définitivement béante. Affrontement inéluctable – puisque, nous dit-il, « depuis longtemps, l’énigme Woyzeck se dressait sur mon chemin » –, il était sans doute inévitable aussi que, dans le parcours de Nadj, la première référence explicite à un texte dramatique soit précisément celle-ci.

4« Cette vérité, tout d’abord – connue et avérée, mais toujours oubliée : que Woyzeck est un drame inachevé, l’état d’une forme en devenir arrêtée net par la mort de l’auteur. Non pas une pièce en fragments, mais une pièce en morceaux : car le tout des morceaux n’est pas celui des fragments, il est moins noble, il n’a pas séjourné dans la science et ne se constitue pas en réseau mais s’empile simplement, strate après strate. Morceaux à l’étal, empilés sur la scène, comme ci ou comme ça… » [9].

5En 1993, le « désir profond » de s’emparer de ces morceaux va trouver l’occasion de s’exprimer. Invité à intervenir lors du vernissage d’une exposition dans une galerie parisienne [10], Josef Nadj prépare en une après-midi, avec deux comédiens de sa compagnie Théâtre Jel et quelques accessoires miraculeusement trouvés dans un dépôt de meubles (« la table idéale, le couteau idéal, les objets sur la table »), une performance autour de Woyzeck. De cette première confrontation, naîtra Woyzeck ou L’Ébauche du vertige – créé quatre ans plus tard, après plusieurs essais successifs, au Festival d’Avignon.

6En Hongrie déjà [11], Nadj avait eu accès à de « bonnes versions » des textes de Büchner. Au-delà de la profonde modernité de l’œuvre littéraire, il s’est intéressé à « l’être, au poète, au philosophe sensible derrière l’écriture », à « sa recherche qui embrassait tous les domaines », à cette « vie brisée si jeune ». Et, comme il l’avait fait pour Csáth notamment, à l’époque de Comedia tempio (1990), comme il le fera plus tard à nouveau pour Schulz (Les Philosophes, 2001) ou Michaux (Asobu, 2006) entre autres, il a inclus l’ensemble des écrits de Büchner, et tout son savoir sur l’œuvre, la biographie et la personnalité même de l’écrivain, dans sa lecture de Woyzeck. Quant au texte proprement dit, ce matériau-Woyzeck, il ne sera jamais question de le constituer en totalité, ou d’y imposer une continuité. Au contraire, Nadj va cultiver son inachèvement, « le disséquer jusqu’à la trame », détacher les fragments les uns des autres, isoler des situations, des motifs, des traits, « les condenser ou les dilater », pour en faire surgir ce qu’il perçoit comme « la voix de Büchner qui s’interroge », de Büchner qui écrit : « J’ai pas de repos, je l’entends toujours, ça violonne et ça saute, toujours plus ! » [12]. Ou encore : « Je peux pas dormir, quand je ferme les yeux, ça se met à tourner et j’entends les violons, toujours plus, toujours plus. Et après, ça parle dans le mur, tu n’entends rien ? » [13].

7Murmure halluciné, interrogations obsédantes sur la nature de l’Homme – « os, poussière, sable, pourriture » [14], dit Woyzeck. Sur « le mécanisme de cette folie humaine qui conduit au meurtre, à l’anéantissement de soi ». Sur la fatalité, l’inexorabilité de ce mécanisme, sur « l’impossibilité de le suspendre » ou « d’y échapper, même mentalement ». Sur l’innocence aussi.

8Loin d’« une quelconque trame dramaturgique qui tiendrait ses promesses », sans « aucune logique narrative qui imposerait son développement », Nadj a fait jouer entre eux ces éléments épars, détachés, passés au crible et remodelés. Il les a « laissés se raccorder, mais autrement », « jusqu’aux associations les plus extrêmes », « comme après une explosion, quand tout retombe et prend des formes inattendues ». Et il nous offre de Woyzeck une vision à rebours, une vision d’après le meurtre, dans une atmosphère « où tout est déjà fini ». Où les signes prolifèrent et saturent l’espace jusqu’à l’implosion, la concrétion [15]. Rugosité, crudité des rapports. Bouffonnerie, difformité des personnages – « marqués à vie par leur passé », ils sont « à la limite de la perte de toute ressemblance humaine »…

9On reconnaît le Woyzeck de Büchner dans le Woyzeck muet de Nadj. Lui aussi « court à travers le monde comme un rasoir ouvert, on pourrait s’y couper » [16]. À ses côtés, malgré les identités instables qui se superposent parfois sur le visage et dans le corps d’un même danseur, on reconnaît le Capitaine et le Docteur, Marie, Andrès et le Tambour-Major. On reconnaît la fanfare et les accents de la fête foraine. L’irrépressible envie de pisser, la tentation du meurtre, la jalousie, l’aliénation et les pois – « rien que des pois, rien que des légumes secs, cruciferae » [17]. Mais on retrouve aussi, et c’est peut-être là le vertige, tout ce qui fait la spécificité de l’univers de Josef Nadj et de son langage chorégraphique. Le traitement du temps, avec ses pauses et ses emballements, « entre un instant et l’éternité ». L’utilisation de l’espace, même s’il est condensé, rétracté à l’intérieur d’une baraque de foire, et même si la « distance infranchissable » se trouve ici pulvérisée [18]. La fragile frontière entre l’humain et l’animal, entre l’animé et l’inanimé. La fonction des objets, on dirait presque leur vie propre – par exemple la table, les objets sur la table, et le couteau surtout. Toute une économie du corps et de l’espace, économie de l’inconfort et de la dépense, où le geste le plus simple, l’activité la plus élémentaire fait appel à des stratégies complexes, à une folie d’ingéniosité, d’agilité, de souplesse et d’équilibre.

10Vertigineuse coïncidence, vertigineuse rencontre entre deux univers qui en s’épousant s’exaltent l’un l’autre. Comme s’il avait trouvé dans Woyzeck une scène primitive, le monde de Nadj a pris, au contact de Büchner, des couleurs minérales, une consistance organique, et il nous apparaît soudain dans toute sa crudité, à nu, écorché vif, à cœur ouvert.

11On se souvient que Josef Nadj vient, selon sa formule, « de la périphérie » [19]. Qu’il vient d’une région battue par les frontières (« en tant qu’Hongrois, je suis né Yougoslave, et maintenant je deviens Serbe », dit-il [20]), d’une mosaïque de peuples [21], d’une Babel de langues et de cultures. Et qu’il a appris à parler sous le totalitarisme et la censure [22]. On se souvient aussi de l’importance qu’il accorde aux mots, à la littérature, et de la place qu’a prise celle-ci dans son univers. On relie alors cette origine et le poids de ces sources littéraires à son œuvre – réalisations graphiques ou plastiques, par essence silencieuses ; créations scéniques où la voix est (n’est qu’)une pure émanation du corps, où la parole, rare, polyglotte [23], à peine articulée, travaille comme un réseau de sonorités, musique ou prélangage. Et l’on croit comprendre ce qui se joue, ce qui devait nécessairement se jouer dans l’affrontement entre Josef Nadj et l’énigme Woyzeck, tout ce que Josef Nadj pouvait trouver, retrouver, dans le miroir tendu par « cette ‘Woyzecke’ qui chantonne plus qu’elle ne chante, qui s’invente toute seule, qui vient toute seule, qui accorde aux mots une puissance figurante autonome qu’ils n’avaient jamais eue et qui fait d’eux les copeaux d’un sens ramassé dans la chute, et seul sauf » [24].

Notes

  • [1]
    Intitulée « Voyage en Woyzecke », une première version de cet article a été publiée dans Cassandre n. 34, avril-mai 2000, p. 42-43. Sauf mention contraire, les propos de Josef Nadj cités ici proviennent d’un entretien réalisé pour la circonstance, en février 2000.
  • [2]
    Parmi ces auteurs, en majorité européens, modernes ou contemporains, on compte deux poètes hongrois contemporains, Gyula Kodolanyi (auteur du livret de La Mort de l’empereur en 1989) et Ottó Tolnai (Les Échelles d’Orphée, 1992, et Journal d’un inconnu, 2002), puis deux écrivains hongrois du début du xxe siècle, Géza Csáth (Comedia tempio, 1990) et l’écrivain voyageur Oskár Vojnich (L’Anatomie du fauve, 1994). Mais aussi Jorge Luis Borges (Les Commentaires d’Habacuc, 1996), Samuel Beckett (Le Vent dans le sac, 1997), Franz Kafka (Les Veilleurs, 1999), Bruno Schulz (Les Philosophes, 2001), Raymond Roussel (Poussière de soleils, 2004), Henri Michaux (Asobu, 2006). Enfin, à Georg Büchner (Woyzeck ou L’Ébauche du vertige, 1994), qui constitue une exception du point de vue chronologique, s’ajoutent deux recueils de « sagesse » orientaux : le Yi King ou Livre des transformations (Entracte, 2008) et les écrits de Dôgen, maître zen japonais du xiiie siècle (Sho-bo-gen-zo, 2008).
  • [3]
    Elle n’apparaît jamais comme un vecteur de communication, ni entre les protagonistes, ni avec le public. Pour une analyse plus détaillée du statut de la parole et de son traitement dans l’œuvre de Nadj, cf. Myriam Blœdé, Les Tombeaux de Josef Nadj, Paris, L’Œil d’or, 2006, coll. « Essais & entretiens ».
  • [4]
    Créé voilà plus de quinze ans (sur des musiques d’Aladár Rácz et avec, dans la distribution initiale, István Bickei, Dénes Debrei, Peter Gemza, Franck Micheletti, Josef Nadj, József Sárvári, Henrieta Varga) et toujours inscrit au répertoire « actif » de la compagnie Josef Nadj, Woyzeck ou L’Ébauche du vertige a tourné dans le monde entier.
  • [5]
    En effet, lorsque, par la suite, Nadj a travaillé sur Beckett ou Roussel, il a pris en compte la totalité de l’œuvre de chacun, sans privilégier leurs écrits théâtraux. Et si, avec Poussière de soleils, Nadj a donné à sa pièce le titre d’une œuvre dramatique de Raymond Roussel, en dehors de ce titre, toutes les références ou citations qui figurent dans la pièce de Nadj se rapportent à (ou émanent) d’autres écrits de Roussel.
  • [6]
    Il est vraisemblable que le choix de cette pièce, mais aussi son traitement aient également des motifs d’ordre biographique. Nadj appartient, en effet, à la minorité hongroise de Voïvodine, une province située au nord de la Serbie. Or, indépendamment de l’empreinte douloureuse qu’a laissée en lui le service militaire obligatoire dans l’armée yougoslave, la période pendant laquelle il travaillait à Woyzeck ou L’Ébauche du vertige correspond à l’éclatement de son pays natal, la Yougoslavie. D’autres allusions à l’armée, d’autres échos de la guerre sont d’ailleurs perceptibles dans la plupart de ses réalisations de l’époque – en particulier, dans Comedia tempio, L’Anatomie du fauve et le film Tractatus Bestial (1991).
  • [7]
    Georg Büchner, Lenz, Le Messager hessois, Caton d’Utique, Correspondance, trad. de l’allemand par Henri-Alexis Baatsch, UGE, coll. « Bibliothèque 10/18 », 1974, p. 27.
  • [8]
    Ibid., p. 39-40.
  • [9]
    Jean-Christophe Bailly, « Woyzeck, ivre de pensée », in Théâtre/Public n. 98, mars 1991, p. 29-31, cité par Josef Nadj dans sa note d’intention à Woyzeck ou L’Ébauche du vertige.
  • [10]
    C’était à la Galerie Patricia Dorfmann, dans le quartier de la Bastille à Paris.
  • [11]
    Josef Nadj a fait ses études supérieures à l’Académie des beaux-arts et à l’université de Budapest.
  • [12]
    Georg Büchner, Woyzeck. Fragments complets, trad. de l’allemand par Bernard Chartreux, Eberhard Spreng et Jean-Pierre Vincent, Paris, L’Arche, coll. « Scène ouverte », 1993, I, 7, p. 10.
  • [13]
    Ibid., III, 13, p. 70.
  • [14]
    Ibid., I, 10, p. 30.
  • [15]
    Pour Josef Nadj, « Woyzeck ne lâche pas prise, c’est une preuve de courage. Mais, plus il s’interroge, plus son espace mental se réduit ».
  • [16]
    Georg Büchner, Woyzeck. Fragments complets, op. cit., II, 7, p. 49.
  • [17]
    Ibid., II, 6, p. 46.
  • [18]
    Contrairement à celle-ci, la plupart des scénographies de Nadj sont panoramiques et affirment l’existence du « quatrième mur » scène/salle.
  • [19]
    Nadj est né à Kanizsa, une bourgade située aux confins de l’actuelle Serbie, à quelques kilomètres de la Hongrie et de la Roumanie.
  • [20]
    Intervention orale de Josef Nadj, le samedi 11 mars 2000, au Théâtre de la Cité internationale à Paris, dans le cadre de la manifestation « Théâtre des limites », organisée par l’Académie Expérimentale des Théâtres.
  • [21]
    « De nos jours les cinq groupes principaux coexistant dans la Voïvodine yougoslave […] sont les Serbes, les Hongrois, les Slovaques, les Roumains et les Ruthènes – mais on y trouve aussi d’autres nationalités minoritaires sur le plan numérique : des Allemands, des Bulgares, des Tziganes ; sans oublier quelques Bunjewatzi et Schokatzi, arrivés il y a des siècles du sud de la Dalmatie, de Bosnie ou d’Herzégovine et revendiqués, en tant que Serbes bizarrement catholiques, soit par les Serbes soit par les Croates, alors qu’eux avaient tendance à se considérer comme un groupe à part. » (Claudio Magris, Danube [1986], trad. de l’italien par Jean et Marie-Noëlle Pastureau, Paris, Gallimard, 1991, coll. « Folio », p. 406-407).
  • [22]
    Déjà Canard pékinois (1987), sa première pièce, y faisait allusion : « Dans la langue hongroise, faire un canard c’est donner un mot pour un autre, exprès ou pas », expliquait-il alors. « En Hongrie, on parle souvent comme ça à cause de la censure, pour couvrir la vérité. »
  • [23]
    Ainsi, dans Petit psaume du matin (1999-2001), l’unique dialogue se résume à la question « – Comment ça va ? » et à la réponse « – Bien », déclinées en vingt-quatre langues « mineures ».
  • [24]
    Jean-Christophe Bailly, « Préface » à Georg Büchner, Woyzeck. Fragments complets, op. cit., p. 12.
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