Notes
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[1]
Cette étude est inspirée d’une partie de la longue introduction critique à la publication des inventaires du fonds des manuscrits et du fonds de la bibliothèque de Gabriel Tarde, Louise Salmon (dir.), Le laboratoire de Gabriel Tarde. Des manuscrits et une bibliothèque pour les sciences sociales, Paris, CNRS Éditions, 2014.
-
[2]
Sur René Worms et la naissance de la sociologie, voir le dossier « La sociologie de René Worms (1869-1926) », Les Études sociales, n° 161-162, 2015.
-
[3]
En 1900, Tarde est élu à la chaire de philosophie moderne au Collège de France (1er février) et à l’Académie des sciences morales et politiques, section philosophie (15 décembre).
-
[4]
Gabriel Tarde, Les lois de l’imitation, Paris, Alcan, 1890, p. 12.
-
[5]
Entre autres, Agnès Sandras (dir.), Des bibliothèques populaires à la lecture publique, Villeurbanne, Presses de l’Enssib, 2014 ; Roger Chartier (dir.), Pratiques de la lecture, Paris, Payot, 1993.
-
[6]
Entre autres, Emmanuelle Loyer, Lévi-Strauss, Paris, Flammarion, 2015 ; Matthieu Béra, Émile Durkheim à Bordeaux 1887-1902, Bordeaux, Confluences Éditions, 2014 ; Nicolas Sembel, « La liste des emprunts de Durkheim à la bibliothèque universitaire de Bordeaux : une ‘imagination méthodologique’ en acte », Durkheimian studies, n° 19, décembre 2013, p. 5-48 ; Stéphane Baciocchi, « Livres et lectures de Hertz », in : Centre d’études franco-provençales, Hertz. Un homme, un culte et la naissance de l’ethnologie alpine, Actes de la conférence annuelle du CEFP, Cogne, 10 novembre 2012, Aoste, Région autonome Vallée d’Aoste, 2013, p. 19-44.
-
[7]
Entre autres, Jean-François Bert, L’atelier de Mauss, Paris, CNRS Éditions, 2012 ; Christian Jacob (dir.), Lieux de savoirs, 2 volumes, Paris, Albin Michel, 2007 et 2011.
-
[8]
« Ma bibliothèque est mon cerveau extérieur », novembre 1881. Fondation nationale des sciences politiques (FNSP par la suite), Centre d’histoire de Sciences Po (CHSP par la suite), Archives d’histoire contemporaine (AHC par la suite), fonds Gabriel Tarde.
-
[9]
Dédicace manuscrite de l’auteur à G. Tarde in Henry Coutagne, Trois semaines en pays scandinave : impressions de voyage, Paris, Société d’éditions scientifiques, 1890, Fonds Gabriel Tarde/Établissement national d’administration pénitentiaire (ÉNAP par la suite) – Centre de ressources sur l’histoire des crimes et des peines (CRHCP par la suite).
-
[10]
Jean Milet, Gabriel Tarde et la philosophie de l’histoire, Paris, Vrin, 1970, note 21, p. 66.
-
[11]
Sous l’impulsion de Marc Renneville, historien spécialiste des sciences criminelles, la bibliothèque de Gabriel Tarde fut versée sous une convention de don en février 2002 au CRHCP, fonds historique de la médiathèque de l’École nationale d’administration pénitentiaire (ÉNAP) à Agen. Dirigé par Jack Garçon, le CRHCP met à la disposition des chercheurs un très riche fonds en histoire de la criminalité, de la justice et des prisons et plus particulièrement de l’administration pénitentiaire, de la criminologie, de la psychiatrie et des représentations du crime et du criminel.
-
[12]
Pour une histoire et une présentation plus détaillées du fonds Tarde (manuscrits et bibliothèque), je renvoie à L. Salmon (dir.), Le laboratoire…, op. cit.
-
[13]
Jean Milet, op. cit., p. 66.
-
[14]
« Exister, c’est différer », Gabriel Tarde, Essais et mélanges sociologiques, Lyon, Storck, Paris, Masson, 1895, p. 196, p. 355.
-
[15]
Gabriel Tarde, « Leçon d’ouverture d’un cours de philosophie moderne », Archives d’anthropologie criminelle, n° 15, 1900, p. 251 ; Revue internationale de sociologie, n° 8, 1900, p. 181.
-
[16]
Gabriel Tarde, « Étude sur J.-J. Rousseau », Le Sarladais, 2 septembre 1869 – 17 février 1870.
-
[17]
Sur les lectures de Tarde de Maine de Biran, voir Anne Devarieux, « Gabriel Tarde, lecteur de Maine de Biran ou la “difficulté formidableˮ », in : Gabriel Tarde, Maine de Biran et l’évolutionnisme en psychologie, Paris, Le Seuil, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », 2000, p. 13-49.
-
[18]
Sur les apports de la pensée de Cournot à la pensée tardienne, voir la thèse de Jean Milet et l’introduction de Thierry Martin, « Tarde, lecteur de Cournot », in : Gabriel Tarde, Philosophie de l’histoire et science sociale. La philosophie de Cournot, Paris, Le Seuil, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », 2002, p. 9-26.
-
[19]
Louise Salmon, « Les Études psychologiques sur moi-même de Gabriel Tarde. Faire science de soi, la genèse d’une méthode de travail », Cahiers de philosophie de l’Université de Caen, n° 54, février 2018.
-
[20]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 92.
-
[21]
Rédigé en 1884 et publié en 1896. Gabriel Tarde, « Fragment d’histoire future », Revue internationale de sociologie, no 4, 1896, p. 603-654 ; et édité la même année chez Giard et Brière, Fragments d’histoire future, Paris, 52 p.
-
[22]
Gabriel Tarde, « Les Géants chauves », Revue politique et littéraire – Revue bleue, n° 50, 12 novembre 1892, p. 611-619.
-
[23]
Dès les années 1870, Tarde réfléchit et formule une néo-monadologie. Nous en retrouvons la trace dans ses papiers : Notes de sociologie « Espace et temps (se rattache à ma monadologie et à l’opposition) 1872-1879 » (FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 37) ; « Notes philosophiques. Ma néo-monadologie » (GTA 39). Cependant, il attendra 1893 pour rédiger le manuscrit « Monadologie et sociologie » (GTA 76) et le publier en 1895 dans un recueil d’articles, Essais et mélanges sociologiques, op. cit.. Voir Jean-Clet Martin, « Tarde : une nouvelle monadologie », Multitudes, n° 7, 2001, http://multitudes.samizdat.net/article73.html.
-
[24]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 6.
-
[25]
Sur Tarde juge d’instruction, je me permets de renvoyer à Louise Salmon, « Comment saisir le crime ? Vol et voleur face au juge d’instruction et criminologue Gabriel Tarde », in : Chauvaud Frédéric, Houte Arnaud-Dominique (dir.), Au voleur !, Paris, Publications de la Sorbonne, 2014, p. 283-296.
-
[26]
J. Milet, Gabriel Tarde…, op. cit., p. 65-66.
-
[27]
La grande diversité des reliures (cuir, couleur, gravure) plaide en faveur de cette hypothèse, notamment pour la série de la Revue scientifique.
-
[28]
Avec le développement des cartonnages d’éditeur et la démocratisation du livre, la reliure bon marché en plat de carton sur laquelle est collée une couverture en percaline pour protéger et renforcer le livre est de plus en plus fréquente. Regroupant les deux types de reliures et avec une grande proportion de reliure papier (4/5e), le fonds Tarde se révèle être une bonne représentation de l’histoire du livre au XIXe siècle.
-
[29]
Langage d’indexation de la Bibliothèque nationale de France et des bibliothèques universitaires.
-
[30]
« L’auteur d’une dédicace » désigne la personne qui a rédigé la dédicace et le « dédicataire » la personne pour qui est rédigée la dédicace.
-
[31]
Massimo Borlandi, Mohammed Cherkaoui, Le suicide, un siècle après Durkheim, Paris, PUF, 2000.
-
[32]
Georges Pérec, L’infra-ordinaire, Paris, Le Seuil, 1989, p. 11.
-
[33]
Jean-Marie Goulemot, « De la lecture comme production de sens », in : Roger Chartier (dir.), Pratiques de la lecture, Paris, Payot, 1993, p. 127.
-
[34]
Sur le contexte de la naissance de sociologie, voir Marc Joly, La révolution sociologique. De la naissance d’un régime de pensée scientifique à la crise de la philosophie (XIXe-XXe siècles), Paris, La Découverte, 2017 (je remercie Matthieu Béra de m’avoir signalé cette publication récente) ; ainsi que « La sociologie de René Worms (1869-1926) », op. cit. et, plus particulièrement, L. Salmon, « La correspondance entre René Worms et Gabriel Tarde. Un choix de lettre 1893-1901 », Les Études sociales, n° 161-162, 2015, p. 251-268.
-
[35]
Jack Goody, La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, Paris, Éditions de Minuit, 1979, p. 46.
-
[36]
J. Goody, Entre l’oralité et l’écriture, Paris, PUF, 1994, p. 168-169.
-
[37]
J. Goody, La raison graphique, op. cit., p. 46.
-
[38]
Grâce à Massimo Borlandi,Mme Françoise Bergeret, fille de Guillaume de Tarde et petite-fille de Gabriel Tarde, déposa, en juin 2001, le fonds des manuscrits sous une convention de don aux Archives d’histoire contemporaine du Centre d’histoire de Sciences Po dirigées par Mme Dominique Parcollet.
-
[39]
L. Salmon, « Les Études psychologiques sur moi-même de Gabriel Tarde… », op. cit. Deux éditions critiques du journal et des écrits littéraires de Gabriel Tarde ont aussi été publiées : Jacqueline Carroy, Louise Salmon (eds), Gabriel Tarde. Sur le sommeil ou plutôt sur les rêves, et autres écrits, 1870-1873, Lausanne, Bibliothèque d’histoire de la médecine et de la santé, 2010 ; L. Salmon, « Gabriel Tarde et la société à la fin du XIXe siècle : “rapides moments de vie socialeˮ », Revue d’histoire des sciences humaines, n° 13, 2005, p. 127-182.
-
[40]
« Discours de M. Espinas », in : Gabriel Tarde. Discours prononcés le 12 septembre 1909 à Sarlat à l’inauguration de son monument, Sarlat, Michelet, 1909, p. 51.
-
[41]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 66, Études psychologiques sur moi-même. « Cahier 18, janvier 1875 – août 1876 », 29 août 1875.
-
[42]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 41.
-
[43]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 45.
-
[44]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 47.
-
[45]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde. Successivement de « Sociologie » à « Analyse des notions de Droit et de Devoir » :GTA 36, GTA 37, GTA 38, GTA 39, GTA 40, GTA 43, GTA 44, GTA 45, GTA 46, GTA 50.
-
[46]
Si les lieux communs (loci) ont fait l’objet d’études, notamment anglo-saxonnes, portant soit sur un auteur, soit sur une période particulière, celles sur les adversaria sont plus rares. Pour la pratique et l’histoire des adversaria à la Renaissance, voir Jean-Marc Chatelain, « Les recueils d’adversaria au XVIe et XVIIe siècles : des pratiques de la lecture savante au style de l’érudition », in : Le livre et l’historien. Études offertes en l’honneur du Professeur Henri-Jean Martin, réunies par Frédéric Barbier, Annie Parent-Charon, François Dupuigrenet-Desroussilles, Claude Jolly et Dominique Varry, Genève, Droz, 1997, p. 169-186.
-
[47]
Tarde obtint son baccalauréat ès Lettres avec la mention très bien en 1860. Il passe ensuite le baccalauréat ès Sciences et songe à préparer l’École polytechnique. En 1862, des problèmes de santé forcent Tarde à abandonner ses ambitions. Tout comme son père, juge d’instruction à Sarlat, il se tourne vers le droit et s’inscrit à la Faculté de droit de Toulouse en 1862. Il terminera sa licence à Paris en 1866. Après avoir été nommé à diverses fonctions où il s’initia à la pratique du droit, il est nommé juge d’instruction à Sarlat en octobre 1875. Gabriel Tarde est donc un juriste. Pourtant, il ne cessa de mener de front ses études de droit, puis, ses fonctions dans la magistrature, avec ses lectures et ses réflexions philosophiques qui formèrent et alimentèrent les premiers linéaments de sa pensée dès les années 1860. En cela, Tarde est un philosophe autodidacte. Mais sa pratique du droit et sa pensée philosophique s’entremêlèrent très tôt comme en témoignent ses nombreuses publications pour la Revue philosophique de Ribot et le succès de sa Criminalité comparée où il propose une analyse sociale du crime. L. Salmon, « Comment saisir le crime ?… », op. cit. ; Louise Salmon et Marc Renneville, « Du droit pénal à la sociologie criminelle. Gabriel Tarde et les juristes de son temps », communication à « Droit et Sociologie (1860-1939). Moment juridique de la sociologie ou moment sociologique du droit ? », colloque organisé par Frédéric Audren et Mélanie Plouviez, Institut Michel Villey, Université Paris II Panthéon-Assas - École de droit de Sciences Po, Paris, 20-21 juin 2013.
-
[48]
Ibid.
-
[49]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 2, « Essentiel pour les bases du système », juillet 1873.
-
[50]
J.-M. Chatelain, « Les recueils d’adversaria au XVIe et XVIIe siècles… », op. cit., p. 169.
-
[51]
Ibid.
-
[52]
Il ne semble pas que Tarde ait constitué des séries de fiches comme Montesquieu qui révèlent un souci d’utilisation performante et pratique d’index dans le but de rendre le plus commode possible l’accès à ces archives personnelles. Catherine Volpilhac-Auger, « L’ombre d’une bibliothèque : les cahiers d’extraits de Montesquieu », in : Élisabeth Décultot (dir.), Lire, copier, écrire, Les bibliothèques manuscrites et leurs usages au XVIIIème siècle, Paris, CNRS Éditions, 2003, p. 79-90.
-
[53]
« Discours de M. Espinas », op. cit., p. 51.
-
[54]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 58, Poèmes « pensées-mêlées » « pensées détachées » 1864-1868.
-
[55]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 58, ibid.
-
[56]
Gabriel Tarde, « L’opinion et la conversation », Revue de Paris, 15 août 1899, p. 689-719 et 1er septembre 1899, p. 91-116.
-
[57]
Gabriel Tarde, L’opinion et la foule, Paris, PUF, 1989, p. 126, 132.
-
[58]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 58, op. cit.
-
[59]
Un défaut de concision, certaines dérives poétiques, une propension à la rêverie métaphysique lui ont été reprochés par ceux qui souhaitent, avec Célestin Bouglé, constituer « une sociologie proprement scientifique, objective et spécifique », car, chez Tarde, « il leur sera parfois difficile de distinguer nettement les hypothèses des vérités, les rapprochements des explications, l’utopie de l’histoire, et l’idéal de la réalité. » (C. Bouglé dans son analyse de G. Tarde, L’opposition universelle. Essai d’une théorie des contraires, in L’Année sociologique, 1ère année, 1896-1897, p. 115).
-
[60]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 22-23.
-
[61]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 2, « Essentiel pour les bases du système », juillet 1873.
-
[62]
J. Goody, Entre l’oralité et l’écriture, op. cit., p. 168-169.
-
[63]
Milet décèle dans les Études psychologiques sur moi-même de Gabriel Tarde « les périodes les plus fécondes de la vie de Tarde » ainsi que de « précieuses indications sur la genèse de la pensée de Gabriel Tarde » dont ils semblent être porteurs. J. Milet, Gabriel Tarde…, op. cit., note 14 p. 14 ; note 1 p. 11.
-
[64]
L. Salmon (dir.), Le laboratoire…, op. cit.
-
[65]
Sur le journal personnel de Tarde en tant que laboratoire d’écriture, lieu d’expérimentation de la méthode introspective et d’énonciation de la pensée, voir L. Salmon, « Les Études psychologiques sur moi-même de Gabriel Tarde. Faire science de soi, la genèse d’une méthode de travail », op. cit.
-
[66]
É. Décultot (dir.), Lire, copier, écrire…, op. cit., p. 18 ; Philippe Lejeune, « Le journal de Cécile », Nouvelle revue de psychanalyse, n° 40, 1989, p. 50 cité par Malik Allam, Journaux intimes. Une sociologie de l’écriture personnelle, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 140-141.
-
[67]
J.-M. Chatelain, « Les recueils d’adversaria au XVIe et XVIIe siècles… », op. cit., p. 169-186
-
[68]
Le dialogue comme pratique savante de l’humanisme. De fait, il est remarquable que Tarde mette en scène un dialogue entre La Boétie et Montaigne, deux grandes figures de la Renaissance. Gabriel Tarde, Les deux statues. La Boétie et Montaigne, Lyon, Storck, 1892.
-
[69]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde,GTA64, « Cinquième cahier (septembre 1863 – février 1864), 2 octobre 1863.
-
[70]
Sur l’introspection comme méthode scientifique chez Tarde, L. Salmon, « Les Études psychologiques sur moi-même de Gabriel Tarde. Faire science de soi, la genèse d’une méthode de travail », op. cit.
-
[71]
Sur Tarde observateur du social, L. Salmon, « Gabriel Tarde et la société à la fin du XIXe siècle : “rapides moments de vie socialeˮ », op. cit., p. 127-182 ; « Gabriel Tarde et l’Affaire Dreyfus. Réflexions sur l’engagement d’un homme de pensée », Champ pénal / Penal Field, volume II, 2005, p. 2-15.
-
[72]
« Discours de M. Espinas », op. cit., p. 51.
1Aux côtés de quelques auteurs partiellement oubliés par l’historiographie des sciences sociales comme René Worms, Gabriel Tarde (1843-1904) contribua à la naissance tumultueuse de la sociologie en France [2]. Si sa sociologie, ou plutôt son interpsychologie, s’avéra être une tentative avortée face à la supériorité de la « machine durkheimienne » et ce malgré une reconnaissance institutionnelle indiscutable [3], on peut toutefois reconnaître sa participation à l’affirmation des sciences sociales à la fin du XIXe siècle. Collaborateur à la Revue philosophique de Théodule Ribot dès les années 1880, puis aux Archives de l’anthropologie criminelle et des sciences pénales du médecin lyonnais Alexandre Lacassagne en 1887, Gabriel Tarde met alors au « banc d’essai » ses théories philosophiques et pénales. Lieux de diffusion et de discussion, ces deux revues participent rapidement à la constitution de son premier public. Deux ouvrages fondamentaux vont élever le magistrat périgourdin au rang d’une renommée nationale et même internationale. Tout d’abord, dans la sphère du droit pénal et de la toute jeune criminologie, son positionnement de principal opposant français à l’École italienne dans le débat sur la notion de « type criminel » se manifeste avec la parution de sa Criminalité comparée (Alcan, 1886). Ensuite, dans la sphère de la philosophie et de la sociologie, ses Lois de l’imitation. Étude sociologique (Alcan, 1890) eurent une grande répercussion dans le monde savant de la Belle Époque. Pour Tarde, l’imitation est le fait social élémentaire, étant elle-même un phénomène très général dans l’univers : « L’être social, en tant que social, est imitateur par essence » [4]. Il fait de l’imitation le lien social, l’élément constitutif fondamental des rapports sociaux : les individus s’entre-imitent universellement, mais c’est paradoxalement de l’imitation que surgira la nouveauté. C’est une sociologie de la circulation de l’invention par l’imitation que Tarde présente en faisant de l’imitation le ressort de l’histoire. Après avoir soumis à la communauté scientifique de son époque sa thèse fondamentale dans ses Lois de l’imitation, Tarde s’efforce de systématiser son intuition philosophique avec La Logique sociale (1895) et L’Opposition universelle. Essai d’une théorie des contraires (1897). Ces trois ouvrages composent le triptyque de sa pensée qu’il synthétise plus tard dans Les Lois sociales (1898).
2De ses premiers écrits en 1860 à Sarlat jusqu’à sa mort en 1904 à Paris, les fonds Tarde (manuscrits et bibliothèque) retracent les rapports qu’un savant entretint avec une très dense et très diverse matière documentaire dont il fut à la fois le producteur, l’architecte et l’usager. Ouvrages et notes de lectures, manuscrits d’étude, poèmes et comédies, journal personnel, correspondance, manuscrits d’articles et d’ouvrages, cours, ont été conservés quasiment en l’état et sont aujourd’hui consultables à Paris et à Agen. Face à une telle masse d’informations et dans la perspective d’une étude sur les bibliothèques et les sciences sociales, la tentation est grande de n’utiliser ces matériaux que comme simples répertoires de sources à la recherche d’une filiation intellectuelle, d’une preuve de la lecture d’un auteur. S’ils peuvent être ainsi exploités, ces documents ne se réduisent en aucun cas à cette unique fonction. Impulsés et portés par Roger Chartier, les travaux en histoire et en socio-histoire sur les bibliothèques, et plus particulièrement sur les usages de la lecture savante et populaire, ont montré que les bibliothèques étaient des sources de grande importance pour l’histoire culturelle et sociale [5]. Si les biographies intellectuelles ont aussi participé à leur redécouverte, notamment au travers de l’étude des livres et de la lecture dans le travail intellectuel [6], c’est surtout l’anthropologie du travail savant qui redonna aux bibliothèques toute leur place dans le processus de production des savoirs [7]. Au service de l’énonciation de sa pensée, Tarde met ainsi en place un dispositif de classement et une méthode de travail qui, bien plus qu’une bibliothèque, comprise comme une collection de livres conservant le savoir, se révèlent être pour lui une base de données, un « cerveau extérieur » [8]. Ainsi, bien plus qu’un fonds d’un individu ayant participé activement à la naissance des sciences sociales à la fin du XIXe siècle, bien plus qu’un réservoir de titres et de citations, cette matière documentaire, véritables bibliothèques imprimée et manuscrite, nous plonge dans une archéologie de la pensée tardienne depuis ses premières lectures et écritures jusqu’à ses pratiques de classement, de relecture et de réécriture à la genèse de ses œuvres.
3Après avoir présenté le fonds de la bibliothèque imprimée de Gabriel Tarde, nous verrons qu’il l’envisage comme une bibliothèque de travail tant dans le rapport physique que dans le rapport symbolique qu’il entretient avec ses livres. Du « savoir livresque » au « savoir graphique », les manuscrits d’étude mêlent pratiques de lecture et pratiques d’écriture et constituent une bibliothèque manuscrite, comprise comme une base de données, une mémoire vive où Tarde peut retrouver rapidement et accéder à l’intégralité des « données brutes » qu’il a lues. Sur le modèle des adversaria de la Renaissance, à mi-chemin entre la copie et la production personnelle, entre le catalogue raisonné de bibliothèque et le brouillon d’une œuvre, Tarde renouvelle cette pratique ancienne et met ainsi en place une méthode de travail et des pratiques d’écriture qui nous permettent de remonter à la source du processus de création et d’énonciation de soi à la genèse de sa pensée et de son œuvre publiée.
La bibliothèque imprimée d’un « assimilateur encyclopédiste » [9]
4Alors qu’il commençait les recherches en vue de sa thèse, Jean Milet découvrit le bureau de la tour et la bibliothèque telle que les avait laissés à sa mort Gabriel Tarde dans le manoir familial de La Roque Gageac, en Dordogne :
« Au centre, un large bureau noir ; tout autour de la pièce, des rangées de livres montent à l’assaut des murs, jusqu’au plafond, bien tassés sur de robustes rayons. Un vieux poêle, quelques fauteuils, un placard-bibliothèque composent une atmosphère d’intimité studieuse » [10].
La bibliothèque de Tarde dans son bureau de la tour
La bibliothèque de Tarde dans son bureau de la tour
6« À l’assaut des murs, jusqu’au plafond, bien tassés sur de robustes rayons », la bibliothèque de Gabriel Tarde occupe une place imposante tant dans le bureau de la tour du manoir familial que dans la méthode de travail et l’œuvre tardienne. Fonds exceptionnel, elle rassemble plus de trois mille documents physiques. Sur cet ensemble, le Centre de ressources sur l’histoire des crimes et des peines (CRHCP) a catalogué 1 634 références qui sont aujourd’hui conservées et mises à la disposition des chercheurs [11]. Sur ces 1 634 références indexées, on peut distinguer 1 480 ouvrages (soit 90,6% du fonds) et 154 titres de revues (soit 9,4%). Précisons que sur les 1 480 ouvrages, 36 sont des écrits tardiens (soit 2,4%) [12]. Constituée de collections dans tous les domaines des savoirs, la bibliothèque imprimée témoigne de l’extraordinaire documentation de son propriétaire que ses contemporains qualifiait d’« assimilateur encyclopédiste ». Source d’informations et de réflexions dans laquelle Tarde pouvait puiser à l’envi, sa bibliothèque est constituée d’auteurs « classiques » grecs et latins ainsi que d’écrivains et philosophes français, allemands et anglais des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.
7Si Tarde lisait dans le texte les auteurs latins, il a cependant un penchant plus marqué pour Platon et les Stoïciens et découvre assez tardivement Aristote, précise Milet [13]. Dans la « Bibliothèque latine française » de Panckoucke, Tarde dispose des œuvres complètes de Tacite, de Tite-Live, de Cicéron, de César et de Juvénal. Dans la « Collection des auteurs latins avec la traduction en français » de Nisard, l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien ainsi qu’une compilation de textes de Macrobe, de Varron, et de Pomponius Méla rassemblés en un volume. Chez les classiques grecs, Tarde connaît Héraclite et Empédocle, notamment pour leurs philosophies de la différence [14], ainsi qu’Hérodote et son Histoire. Mais c’est surtout pour Aristote que Tarde manifeste un grand intérêt. Il a lu et annoté la Politique où il étudie la succession et les répétitions dans les formes politiques. On trouve aussi dans sa bibliothèque la Poétique et le Traité de la production et de la destruction des choses, suivi du Traité sur Mélissus, Xénophane et Gorgias traduits et publiés chez A. Durand et Psychologie d’Aristote : opuscules (parva naturalia) de chez Dumont. Lors de sa leçon d’ouverture au Collège de France le 8 mars 1901, Tarde termine son cours de philosophie moderne sur « la vérité de ce qu’écrivait Aristote il y a plus de deux mille ans » :
« ‘Quiconque a fait de longs voyages a pu voir combien l’homme est partout à l’homme un être sympathique et ami.’ Mais je m’arrête, ne pouvant mieux finir ces préliminaires que par cette belle et rassurante pensée de celui qui fut le père de la Philosophie et en même temps, peut-être même à cause de cela, le premier des sociologues » [15].
9Aux auteurs de l’Antiquité, Tarde ajouta à ses lectures les écrivains français et allemands du XVIIe et du XVIIIe siècles. Du « grand » XVIIe siècle, Tarde dispose des œuvres complètes de Jean Racine. Les philosophes de l’âge classique ont néanmoins sa nette préférence avec Blaise Pascal et Nicolas de Malebranche. Du XVIIIe siècle enfin, Tarde connaît les principaux auteurs de la philosophie des Lumières. Les œuvres complètes de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau et de Montesquieu occupent une place conséquente sur ses étagères. À la suite de sa lecture de Rousseau, Tarde lui consacre une longue étude. Elle est publiée de septembre 1869 à février 1870 dans l’hebdomadaire de sa ville natale, Le Sarladais, sous forme de feuilleton en vingt-trois épisodes [16]. À l’ensemble de ces auteurs classiques, Tarde ajouta à sa bibliothèque les œuvres complètes de certains auteurs français de la première moitié du XIXe siècle avec une inclination plus particulière pour les écrivains romantiques comme Chateaubriand, La Mennais, Lord Byron et, enfin, le poète Joseph Chénier. Les œuvres philosophiques du XIXe siècle sont aussi abondamment présentes sur les « robustes rayons ». Fondamentales dans le développement de la pensée de Gabriel Tarde, celles de Maine de Biran [17] et d’Augustin Cournot [18] ont été lues assidument. Tarde connaît aussi très bien ses aînés, comme le philosophe, historien et critique littéraire Hippolyte Taine, dont il lit et annote L’Intelligence dès sa publication chez Hachette en 1870, mais il a une certaine prédilection pour les philosophes spiritualistes tels que le chef de l’école éclectique, Victor Cousin, l’historien Étienne Vacherot ou encore, Alphonse Gratry [19]. Du philosophe Charles Renouvier enfin, qu’il retrouve sous la coupole des immortels à l’Institut et avec lequel il entretient une correspondance entre 1900 et 1901 [20], Tarde a lu et annoté plusieurs de ces ouvrages dont Uchronie (L’utopie dans l’histoire) : esquisse historique apocryphe du développement de la civilisation européenne tel qu’il n’a pas été, tel qu’il aurait pu être (1876) qui inspira très certainement l’écriture de ses propres fantaisies littéraires comme « Fragment d’histoire future » [21] ou encore « Les Géants chauves » [22]. Gabriel Tarde est aussi familier de la philosophie allemande et anglaise des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Chez les auteurs allemands, c’est principalement chez Gottfried Wilhelm Leibniz que Tarde va nourrir sa réflexion introspective et philosophique. Il y puise la matière nécessaire pour la formulation de la plupart de ses citations et de ses concepts. En s’inscrivant explicitement dans la filiation leibnizienne, il énonce une « néo-monadologie » dès les années 1870 [23]. Sans surprise, nous retrouvons donc dans sa bibliothèque les œuvres du philosophe et juriste allemand. Du XVIIIe et XIXe siècles, il connaît plus spécifiquement Emmanuel Kant. Ne lisant pas l’allemand, c’est au travers d’ouvrages critiques sur la philosophie allemande qu’il découvre les modernes depuis Kant avec notamment les cours d’histoire de la philosophie moderne de Victor Cousin entre 1818 et 1828 qui furent un médiateur théorique de grande importance pour des philosophes tels qu’Hegel ou Schelling, ou encore avec l’ouvrage de Foucher de Careil sur Hegel et Schopenhauer (1862) qu’il lit et annote. Chez les auteurs anglais, Gabriel Tarde retient surtout le philosophe jurisconsulte Jeremy Bentham et le philosophe, logicien et économiste John Stuart Mill dont il lit et annote la traduction de la sixième édition anglaise du Système de logique déductive et inductive exposé des principes de la preuve et des méthodes de recherche scientifique (1866). Enfin, du philosophe évolutionniste Herbert Spencer, Tarde lit et annote les Premiers principes (1871) ainsi que les Principes de psychologie et Les Bases de la morale évolutionniste dès leurs publications (1875 et 1880). Il est en revanche plus étonnant de ne pas trouver dans sa bibliothèque les cinq volumes des Principes de sociologie (1878-1898) alors qu’on a la trace de sa lecture du troisième volume en 1883 au travers de ses notes manuscrites [24].
10Traces de sa formation juridique et de sa pratique de magistrat instructeur [25], nous retrouvons aussi sur les rayonnages une documentation juridique particulièrement abondante composée de manuels, de traités de droit et de nombreux écrits de ses contemporains juristes ou criminologues. Produit issu des problématiques qui le préoccupèrent ainsi que de sa curiosité intellectuelle, sa bibliothèque rassemble enfin des ouvrages faisant état des dernières recherches de ses contemporains français et étrangers tant dans le domaine des sciences de l’homme (sociologie, psychologie, histoire, philosophie, littérature) que des sciences exactes et naturelles (biologie, botanique, astronomie, physique, chimique et mathématique). Face à l’exhaustivité des titres rassemblés par Tarde sur des thématiques discutées à son époque, Milet précise que lorsqu’il avait « à réfléchir sur un problème, sa première préoccupation était de se procurer immédiatement toute la documentation possible concernant ce problème » [26].
Une bibliothèque de travail
11Bien loin d’être un bibliophile, Gabriel Tarde envisage sa bibliothèque d’imprimés comme une bibliothèque de travail. Les annotations et l’usure des livres en sont les preuves matérielles et témoignent des lectures et des multiples manipulations dont ils furent les objets. Plus manifeste de ce rapport utilitaire, Tarde ne semble avoir fait relier aucun des ouvrages de sa bibliothèque. Pas même ses propres publications qui furent reliées plus tard par ses fils. Cette absence de reliure dos cuir peut en partie expliquer le mauvais état des livres lors de leur dépôt au CRHCP. Au XIXe siècle, les ouvrages sont proposés à la vente avec une reliure blanche faite d’une couverture souple en papier. La reliure en cuir est ensuite faite à l’initiative de leur propriétaire bibliophile avec des caractéristiques physiques souvent identiques pour des raisons esthétiques (format, type et couleur de cuir, type et couleur de papier pour les plats, gravures d’initiales ou de blason, dorures, décors, etc.). De ce point de vue, la bibliothèque de Tarde ne présente ni d’unité en termes de caractéristiques de reliure, ni d’ex-libris sur l’intérieur de la couverture avec mention de son nom. Les quelques reliures cuir présentes sont très probablement des ouvrages achetés d’occasion [27] ou chez un éditeur ou chez un libraire proposant des ouvrages déjà reliés en raison de la fragilité des reliures blanches [28]. De même que l’absence de reliure, la présence d’annotations manuscrites et de feuillets joints dans les ouvrages du fonds nous renseigne tant sur le rapport entretenu par Tarde avec ses livres que sur la nature de ce fonds qui se situe dès lors à la frontière de l’imprimé et du manuscrit. Lors de son catalogage et de son indexation, cette spécificité fut valorisée par la création d’une rubrique « particularité de l’exemplaire ». Relevant les caractères propres d’un document comme une annotation manuscrite de Tarde, des pièces jointes, une dédicace, cette note enrichit les normes de description de Rameau [29] et permet de signaler des éléments distinguant un document d’un autre, tout en donnant des informations plus précises au chercheur. Caractéristiques du fonds Tarde donc, certains sont annotés de la main de Gabriel Tarde, d’autres sont dédicacés par leurs auteurs [30].
Hommage à l’auteur
Hommage à l’auteur
12En termes de proportion, 25% des ouvrages du fonds (soit 416 références) sont dédicacés par l’auteur ou présentent un hommage à Tarde et 30 % (soit 493 références) sont annotés de la main de Tarde. Sachant qu’un livre peut être à la fois dédicacé par son auteur et annoté par Tarde, une soixantaine correspond à cette double particularité.
13Les annotations de Tarde témoignent de sa lecture attentive mais aussi de son intérêt porté au contenu lu tant du point de vue de l’apport de connaissances que de la rhétorique. Situées en marge du texte imprimé, sur les pages liminaires ou sur des feuillets indépendants, ces annotations prennent le plus souvent la forme d’« hirondelles » pour signaler un passage ou, plus rarement, de remarques laconiques. Les pages blanches en fin de volume peuvent être mobilisées pour le commentaire de la note avec un rappel de la page. À quelques occasions, elles sont utilisées pour la constitution d’un index thématique avec un renvoi systématique aux pages concernées. Plus qu’une source d’inspiration et de connaissance, le livre devient un support à une écriture rationnelle qui répertorie en fin de l’ouvrage les thèmes retenus au rythme de la lecture. La première édition du Suicide de Durkheim en est un exemple frappant [31]. Dans les cas d’une inclusion de feuillets dans les volumes, il s’agit essentiellement de manuscrits de travail, de notes ou de dessins, et parfois de lettres. La présence de ces diverses traces graphiques entre les pages d’un ouvrage et, plus encore, la confrontation au fonds des manuscrits peuvent devenir des soutiens efficaces pour saisir la lecture en actes. Les commentaires de la main de Tarde permettent, dans une certaine mesure, de distinguer parmi les ouvrages dédicacés ceux qui ont été envoyés à Gabriel Tarde par convention et ceux qui ont été lus car ils rejoignaient ses propres réflexions ou avaient piqué sa curiosité. Nous touchons là aux limites inhérentes aux bibliothèques privées en tant qu’objets d’étude scientifique. La présence d’un ouvrage sur les rayonnages n’implique en rien qu’il ait été lu, ni même acheté par Tarde. De même que les annotations de Tarde sur ses ouvrages ne sont pas les garanties exclusives de la lecture d’un volume. Les imprimés sans valeurs qui pouvaient constituer ses lectures plus fréquentes sont souvent ignorés car associés à la banalité du quotidien, aux « choses communes » [32]. Ils ne sont pas conservés et ne laissent pas de traces. Enfin, n’apparaissent pas dans la bibliothèque tous les ouvrages issus des bibliothèques municipales ou de prêts entre gens de bonne compagnie. De fait, la « bibliothèque vécue », c’est-à-dire une bibliothèque du texte lu [33], s’avère être un objet d’étude difficilement saisissable.
14Nommé en janvier 1894 au ministère de la Justice à Paris, Tarde déménagea de Sarlat pour Paris. Qu’advint-il de la bibliothèque de La Roque Gageac ? Partageant sa vie entre son domicile parisien rue Saint-Placide, puis avenue de La Bourdonnais à partir de 1900, et son manoir familial, on peut supposer qu’il avait constitué une bibliothèque parisienne – composée de livres achetés au gré de ses recherches et de ses réflexions, ou peut-être seulement de livres offerts. La présence relativement faible d’ouvrages de sociologie, bien peu représentative de l’ébullition intellectuelle que suscita l’émergence de cette nouvelle science de la société et de l’intérêt que Tarde lui porta [34], peut renforcer l’hypothèse d’une bibliothèque parisienne. À sa mort en 1904, ses fils ont pu reprendre cette bibliothèque pour leur usage personnel et l’intégrer dans leurs propres bibliothèques. On ne sait pas, en outre, si cette « bibliothèque parisienne » a été déménagée au décès de Gabriel Tarde et incorporée dans la « bibliothèque de La Roque Gageac », il est aujourd’hui très difficile de distinguer ces ajouts hypothétiques dans l’actuelle déposée au CRHCP. Seule la date d’édition peut s’avérer être un filtre pertinent. Ainsi tous les ouvrages publiés à partir de 1894 ont pu être envoyés, achetés et/ou par Tarde à Paris et composés cette « bibliothèque parisienne » virtuelle.
La bibliothèque manuscrite comme « savoir graphique » [35]
15Si la pratique de lecture s’avère difficile à tracer et donc à prouver, la confrontation au fonds des manuscrits peut être un autre moyen de la saisir. Produits d’une pratique d’écriture issue des lectures et des réflexions tardiennes, les manuscrits d’études relèvent bien de « la formalisation d’une transmission de savoir issu de la connaissance livresque » [36]. L’écriture tardienne complète et achève en cela la fonction utilitaire de la bibliothèque imprimée. Comme mode d’accès au savoir, la pratique de l’écriture en tant que « savoir graphique » ou « pensée écrite » [37] permet à Tarde de mettre en place un processus de stockage et d’accumulation de données, une bibliothèque manuscrite. Conservés aux Archives d’histoire contemporaine du Centre d’histoire de Sciences Po de la Fondation nationale des sciences politiques, les manuscrits de Gabriel Tarde représentent dix mètres linéaires de documents inventoriés et classés, soit 99 cartons [38]. La moitié du fonds est composée de documents assez hétéroclites – écrits et brouillons littéraires, journal personnel [39], manuscrits d’ouvrages, d’articles et de conférences, notes de travail issues de ses fonctions au poste de chef du bureau de la statistique judiciaire entre 1894 et 1900, correspondance, argus de la presse. L’autre moitié est constituée de manuscrits d’étude écrits entre 1860 et 1904. Produits d’une intense activité intellectuelle, ils témoignent de cette libre curiosité qui sous-tend toute la pensée tardienne. Traitant tout autant du domaine du droit, de la philosophie, de l’économie, de la sociologie et de la psychologie que de la littérature, de l’art, de l’histoire, ou encore de la botanique, de la biologie, de la physique et des mathématiques, ils nourrissent son inspiration et sont le réservoir de ses analogies abondamment présentes dans toute son œuvre. « Cette riche accumulation de matériaux » [40] est le fruit d’une méthode de travail et d’un processus d’acquisition du savoir que l’on peut essayer de reconstituer.
16Pratiques de lecture et d’écriture s’entremêlant, la présence d’annotations manuscrites et de pièces jointes dans les ouvrages de la bibliothèque de Tarde place ce fonds, nous l’avons vu, à la frontière de l’imprimé et du manuscrit. De fait, pendant ses heures de lecture, Tarde écrivait directement sur ses livres ou prenait des notes sur des feuillets commentant certains passages qui retenaient son attention :
« Je m’abandonne au courant paresseux des rêves stériles ou au penchant encore plus enraciné qui me porte en général à lire tout ce qui me tombe sous la main et se rattache de près ou de loin au cercle de mes vagues recherches en philosophie. Parfois, j’interromps une lecture par une note ; aussi mes notes s’accumulent-elles sans être presque jamais reprises, continuées, utilisées. Travail agréable de collectionneur d’idées, mais peu fructueux… » [41].
Dessin autographe de Tarde. Ruffec, 23 janvier 1875
Dessin autographe de Tarde. Ruffec, 23 janvier 1875
18Produits des lectures et des réflexions tardiennes, les manuscrits d’étude deviennent les témoins des ouvrages compulsés par Tarde : les premiers « résidus de lectures » deviennent des « notes de lectures » en février 1867, puis des « notes sur lectures » à partir de juillet 1867 et, enfin, des « notes sur lectures éparses » dès octobre 1867 et jusqu’en décembre 1871. En passant du savoir livresque au savoir graphique, Tarde absorbe et s’approprie les connaissances sauvegardées dans les livres. Il en compose des cahiers qu’il confectionne et relie lui-même avec de la ficelle blanche. À partir du troisième tome, la page de titre et la datation sont formalisées : « III Notes sur lectures éparses, octobre 1867-février 1868 ». De février 1867 à décembre 1871, il rédige treize cahiers de notes et de réflexions issues de ses lectures. Conjointement à ces « notes sur lectures », Tarde procède à un classement thématique assemblant des feuillets de notes dans des petites chemises annotées et datées sous la forme de trois dossiers intitulés : « Notes philosophiques » [42], « Notes psychologiques » [43], « Notes diverses » [44]. Les « pensées mêlées » de Tarde se démêlent peu à peu et s’organisent plus systématiquement. Avec méthode (dossiers et chemises) et précision (datation systématique), elles se structurent progressivement selon différentes thématiques qui s’affinent au fur et à mesure que sa pensée se développe. Pendant cette période d’incubation, quatre catégories de premières écritures tardiennes se distinguent : l’écriture littéraire dont sont issus ses poèmes, l’écriture introspective dont sont tirés les Études psychologiques sur moi-même, l’écriture compilatrice savante issue de ses lectures et, enfin, l’écriture philosophique fruit de ses réflexions personnelles. Ces quatre pratiques d’écriture sont bien distinctes les unes des autres jusqu’à la fin des années 1860. En revanche, l’écriture compilatrice savante et l’écriture philosophique tendent à se confondre dès lors que Tarde interrompt définitivement ses « notes sur lectures » et les fusionne avec ses réflexions personnelles dans ses manuscrits d’étude qu’il classe par thèmes et dont les intitulés qualifient de plus en plus explicitement sa pensée : « Sociologie », « Espace et temps (se rattache à ma monadologie et à l’opposition) 1872-1879 », « Notes philosophiques sur les possibles, sur Dieu, la conservation de la force », « Notes philosophiques. Ma néo-monadologie », « Foi et désir. Quantité dans l’âme », « Étude sur Maine de Biran. Observations sur les rêves. Et mélanges philosophiques », « Notes philosophiques. Science Sociale », « Notes psychologiques », « Sur Herbert Spencer », « Analyse des notions de Droit et de Devoir » [45], etc.
19Cette « bibliothèque manuscrite », qui prend forme et s’enrichit en fonction des lectures et des questionnements tardiens, reflète l’organigramme d’une mémoire vive dont les traces sont tout à la fois des témoins et des sources d’un travail intellectuel en action, de la pensée en train de se faire.
Une nouvelle pratique de l’adversaria [46] ?
20Autodidacte [47], Gabriel Tarde se représente ses bibliothèques imprimée et manuscrite comme une vitrine du monde savant dont il se nourrit consciencieusement, mais aussi comme un instrument de travail – un « cerveau extérieur » [48] – témoignant d’une volonté d’appropriation de ce monde. Lui-même n’estime-t-il pas dès juillet 1873 « que, pour arriver à une idée nouvelle, vraie ou fausse d’ailleurs, un savant, un philosophe doit préalablement se nourrir de toutes les idées et de tous les faits découverts avant lui » [49]. Afin de mobiliser au mieux ces données, Tarde met en place un dispositif de classement permettant de retrouver l’intégralité des informations et réflexions stockées en rapport avec une thématique ou une problématique particulière. Inspirée des recueils d’adversaria des humanistes de la Renaissance, il organise ses bibliothèques imprimée et manuscrite comme une base de données. Alors qu’au XVIIIe siècle, le mot et la pratique de l’adversaria sont fréquemment utilisés chez les lettrés, à la fin du XIXe siècle les contemporains de Tarde assimilent cette méthode de travail « aux espèces de fossiles de l’érudition » [50]. À la Renaissance, tous les lettrés – philologues, historiens, théologiens, juristes, naturalistes et médecins – constituent des « cahiers composés de réflexions et de notes de lectures relatives aux matières qui les préoccupaient » [51]. Appartenant aux nombreuses pratiques de la lecture érudite, cette méthode appliquée strictement suppose même de tenir deux cahiers : l’un de notes prises à mesure qu’adviennent les pensées dans le désordre de la libre succession des lectures – les adversaria, recueils d’extrait ; l’autre où les matières sont méthodiquement distribuées – les loci, recueils de lieux communs. Il semble que Tarde s’inspira largement de cette méthode de travail dès les années 1860. De fait, les « notes sur lecture » se rapprochent sensiblement des adversaria, et les feuillets sur lesquels il consigne ses réflexions et qui composent les dossiers de notes philosophiques, psychologiques et diverses, peuvent rappeler les loci.
21À partir des années 1870, la pratique de Tarde évolue. Il accompagne plus systématiquement ses notes de lecture d’amples développements personnels. Les « notes sur lecture » ne se réduisent plus à des recueils dont la vocation est de rassembler les passages intéressants d’un ouvrage, mais s’ouvrent à toutes les pensées qui surgissent à la lecture de ce même ouvrage. Elles se fondent dès lors dans la pratique d’écriture des manuscrits d’étude. N’ayant plus de raison d’être en tant que telles, Tarde en interrompt l’écriture en décembre 1871. L’émergence et la confrontation d’un commentaire au texte lu témoigne déjà d’une émancipation par rapport au texte imprimé et donc d’une activité critique. En revendiquant une part de subjectivité dans ces notes de lecture érudites, Tarde adapte la pratique de l’adversaria à sa nouvelle production de savoir et nous révèle ainsi les traces d’une pensée en acte. Simultanément, le classement thématique des feuillets se précise et dessine un système d’organisation privée des notes issues des lectures et des réflexions tardiennes. Inventées par Tarde, les rubriques portent la marque du « sujet lisant » et reflètent le cheminement de ses pensées. Là encore, la fonction est bien utilitaire [52]. L’objectif est de les tenir sans cesse à disposition et de les retrouver efficacement dans la perspective d’une réutilisation future. Le choix de feuillets indépendants pour effectuer le report écrit des extraits et des réflexions issues de ses lectures, permet une grande flexibilité dans la reprise et le reclassement des notes, ce que ne peut autoriser l’usage de support tels que les cahiers. De la pratique d’interfolier des feuillets blancs dans les ouvrages de sa bibliothèque imprimée à la composition des dossiers thématiques de ces mêmes feuillets, Tarde devient l’architecte d’une bibliothèque manuscrite, véritable base de données, au sein de laquelle il dispose d’un espace suffisant, bien plus vaste que les marges du texte imprimé, pour rassembler et conserver ses notes manuscrites selon un principe d’accumulation semblable à celui de la mémoire, d’une mémoire vive. En faisant évoluer la pratique de l’adversaria, Tarde s’approprie une « manière de lire », une méthode de travail pour fixer et soulager sa mémoire, mais aussi pour fournir la substance potentielle de ses textes personnels.
De la copie à la création, écriture d’une « imagination observatrice » [53]
22Composée tout au long d’une vie, une telle base de données est sûrement liée à la volonté affirmée de son propriétaire de collecter, d’uniformiser, de conserver et d’utiliser une matière documentaire très dense. Comment fonctionne-t-elle ? Les manuscrits d’étude portent de toute évidence l’empreinte d’un classement et d’une mise en forme. La concordance des écritures entre les manuscrits d’étude et les petites chemises ou dossiers constitués pour les rassembler thématiquement atteste bien de cette organisation interne originelle. Concrètement, ce classement se compose de multiples petits feuillets libres ou doubles, d’un demi-format écolier, annotés et datés. Ensuite, ces mêmes feuillets sont classés et regroupés dans des chemises fabriquées artisanalement du même format. Celles-ci sont titrées avec le plus souvent l’indication des bornes chronologiques du temps de l’écriture – « Espace et temps (se rattache à ma monadologie et à l’opposition) 1872-1879 ». Enfin, ces chemises sont rangées dans des dossiers marbrés étiquetés et portant la mention du thème développé – « Notes philosophiques », « Notes de sociologie », « Notes psychologiques ». De ce dispositif de classement, il en résulte une masse considérable de documents inédits amassés et conservés par Tarde des années 1860 jusqu’à la fin de sa vie.
23S’ajoutant à la date et à l’intitulé du contenu de la chemise, des annotations apparaissent sur certaines d’entre elles : « utilisée », « utilisée en majeure partie », « beaucoup à utiliser encore », « à utiliser encore », « à classer », « non-utilisée ». Au sens littéral, elles précisent donc si les notes ont été utilisées ou non dans un travail, s’il y a encore des idées à en extraire, s’il faut les classer dans une autre chemise. Sur un dossier intitulé « Pensées mêlées » que l’on peut dater de 1866, on lit une annotation de Tarde qui indique qu’il relisait régulièrement ses notes, n’hésitant pas à revenir à ses premières écritures : « (de ma 23e année, sauf deux morceaux de ma 18e année) (Il y a là-dedans beaucoup de choses à revoir et qui valent bien ce que j’ai fait depuis) » [54]. Plus explicite encore de cette pratique de relecture et de réécriture, Tarde a écrit à propos d’une note de 1865 : « le hasard fait qu’aujourd’hui 29 septembre 1898, je tombe sur cette note écrite il y a 33 ans et qui traite d’un sujet que je viens de traiter abondamment ces vacances » [55]. Ce sujet que Tarde vient « de traiter abondamment » est celui de la conversation en tant que fait social et qu’il publie sous forme d’article dans la Revue de Paris [56]. Sans surprise, on y retrouve la métaphore du feu [57] qu’il avait formulée initialement dans ses notes de 1865 : « dans le feu de la conversation, les uns sont bûches, les autres flammes. Quelques personnes, non les moins méritantes se contentent de rôle de pincettes. Elles atisent [sic], remuent, mettent de l’ordre, empêche l’incendie » [58]. Si l’on ajoute à cette pratique de réécriture celle de la compilation savante de ces nombreuses petites chemises de notes s’accumulant au fur et à mesure des années, sa méthode de travail traduit une démarche intellectuelle avide de connaissance, ainsi qu’une certaine difficulté à la mettre en forme à l’origine, sans doute, des critiques qui viseront l’aspect confus et répétitif de sa pensée [59]. Si la méthode de Tarde fit la force de sa pensée, tant dans la richesse de ses références que dans ses analogies improbables, elle nourrit aussi ses faiblesses, comme si cette myriade de manuscrits d’étude matérialisait la dissémination de sa pensée. Constituant une base de données, le classement minutieux et la conservation jalouse de ces manuscrits d’étude nous permettent aujourd’hui de suivre les pratiques de travail mises en place, puis systématisées par Tarde : pratiques effectives de lecture et d’écriture, de tâtonnements réflexifs, formulations d’hypothèses et applications de ses idées aux différents domaines de la vie sociale – le dossier « Application de mes idées à la Politique 1899 » [60], rassemblant des notes pour les Transformations du pouvoir publié en 1899, est un bon exemple de ce processus d’écriture compilatrice et d’énonciation de la pensée tardienne.
24Si la base de données conçut par Gabriel Tarde lui permet de « se nourrir de toutes les idées et de tous les faits découverts avant lui » [61], dans quelle mesure cette maturation intellectuelle est-elle une période d’incubation « comme prélude à l’action et peut-être comme prélude à l’accomplissement d’une contribution créatrice de savoir » [62] ? À la lecture des écrits de Maine de Biran et de Cournot, de Spencer et de Taine, de Stuart Mill, de Kant, de Bentham, et de Darwin, tous présents sur les rayonnages de sa bibliothèque, ainsi qu’au travers des écritures de son journal personnel [63] et de ses manuscrits d’étude, Gabriel Tarde formule ses principales idées à l’écart des cercles d’intellectuels [64]. Les ouvrages annotés ainsi que l’écriture compilatrice savante et philosophique dont sont issus les manuscrits d’étude, attestent bien de ce laborieux processus de digestion inhérent à la formulation d’un système de pensée. Gabriel Tarde considère ses manuscrits d’études comme un outil, un instrument permettant de lire, écrire et méditer à partir de leur contenu accumulé. Mais bien plus qu’une base de données, ces écrits soutiennent la progression de sa propre pensée et la constitution de son identité. Ils rejoignent en cela la fonction du journal personnel où l’observation et l’écriture journalière sont un laboratoire pour s’éprouver et expérimenter la validité de ses idées [65]. Les manuscrits d’étude de Tarde seraient ainsi une forme de journal personnel, un journal intellectuel intime où ces multiples notes de travail procèderaient d’une incorporation de la pensée d’un auteur dans le « corps imaginaire qu’est le journal » [66]. Tout comme le journal personnel, les manuscrits d’étude sont pour lui un lieu d’expérimentation et de création au jour le jour d’une écriture, d’un mode de pensée, d’une méthode de travail. Sorte d’instantané d’un Tarde à l’œuvre, saisi dans l’immédiateté du travail quotidien [67]. Tout comme le journal personnel, les manuscrits d’étude se révèlent aussi comme un mode possible d’expression de soi, libre de toute contrainte de forme et de style, permettant à la pensée de se développer spontanément. Tout comme le journal personnel, les manuscrits d’étude sont encore une conversation, un dialogue intime avec soi-même et avec les auteurs qu’il lit [68]. L’écriture instaure une distance vis-à-vis de soi et procède ainsi à un détachement analytique : « Sur le langage intérieur (…) La pensée n’avance qu’en se parlant, en prenant corps. Sans quoi, elle s’immobilise, et, au lieu de se multiplier, se dissout… » [69]. Enfin, tout comme le journal personnel, les manuscrits d’étude permettent un débordement de la matérialité du livre, pour s’ouvrir à l’environnement, au monde observé ou entendu, aux expériences sensibles. Coutumier depuis sa jeunesse de l’observation de soi, de l’introspection, Tarde s’approprie cette méthode réflexive pour en faire le catalyseur de ses idées et une méthode à visée scientifique [70]. Loin d’être uniquement orientée sur lui-même, elle le tourne vers la vie sociale. De ces observations du social en action [71], Gabriel Tarde tirera une nouvelle science, l’interpsychologie. Laissons Espinas, contemporain et ami proche de Tarde conclure :
« Ce qui restera de l’œuvre de Tarde, c’est l’immense quantité des faits déjà acquis ayant déjà figure de théories partielles, qu’il a ramassés de toutes parts et de toutes mains, dans l’histoire, dans les récits de voyage, dans la vie contemporaine, dans le cours journalier des rapports humains les plus familiers et les plus simples, et qui sont là prêts à exciter et à alimenter la curiosité scientifique des sociologues à venir. Il n’est pas un collectionneur de document à la façon de l’érudit ; il voit la vie sociale en action et en observe les manifestations avec les yeux de l’esprit ; il a l’imagination observatrice » [72].
26De ses ouvrages à ses manuscrits, l’activité d’érudition de Gabriel Tarde résulte d’un va-et-vient permanent entre une pratique de lecture assidue et une pratique d’écriture compulsive, engendrant ses nombreux manuscrits d’étude. Bibliothèque imprimée et bibliothèque manuscrite ne sont que le reflet imparfait des pratiques de travail tardiennes si elles sont analysées séparément. Ni les manuscrits, ni les imprimés ne se suffisent. Il faut les confronter les uns aux autres. Témoin de pratiques de lecture et d’écriture savantes intensives, mémoire vive enrichie à chaque lecture d’informations nouvelles, les bibliothèques imprimée et manuscrite de Tarde se révèlent une véritable base de données à l’appui de laquelle il nourrit et formule sa pensée. Sorte de journal intellectuel intime, bibliothèque imprimée et bibliothèque manuscrite nous permettent de remonter à la source du processus de création et d’énonciation du travail scientifique et de toucher du doigt l’épistémè tardienne.
Notes
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[1]
Cette étude est inspirée d’une partie de la longue introduction critique à la publication des inventaires du fonds des manuscrits et du fonds de la bibliothèque de Gabriel Tarde, Louise Salmon (dir.), Le laboratoire de Gabriel Tarde. Des manuscrits et une bibliothèque pour les sciences sociales, Paris, CNRS Éditions, 2014.
-
[2]
Sur René Worms et la naissance de la sociologie, voir le dossier « La sociologie de René Worms (1869-1926) », Les Études sociales, n° 161-162, 2015.
-
[3]
En 1900, Tarde est élu à la chaire de philosophie moderne au Collège de France (1er février) et à l’Académie des sciences morales et politiques, section philosophie (15 décembre).
-
[4]
Gabriel Tarde, Les lois de l’imitation, Paris, Alcan, 1890, p. 12.
-
[5]
Entre autres, Agnès Sandras (dir.), Des bibliothèques populaires à la lecture publique, Villeurbanne, Presses de l’Enssib, 2014 ; Roger Chartier (dir.), Pratiques de la lecture, Paris, Payot, 1993.
-
[6]
Entre autres, Emmanuelle Loyer, Lévi-Strauss, Paris, Flammarion, 2015 ; Matthieu Béra, Émile Durkheim à Bordeaux 1887-1902, Bordeaux, Confluences Éditions, 2014 ; Nicolas Sembel, « La liste des emprunts de Durkheim à la bibliothèque universitaire de Bordeaux : une ‘imagination méthodologique’ en acte », Durkheimian studies, n° 19, décembre 2013, p. 5-48 ; Stéphane Baciocchi, « Livres et lectures de Hertz », in : Centre d’études franco-provençales, Hertz. Un homme, un culte et la naissance de l’ethnologie alpine, Actes de la conférence annuelle du CEFP, Cogne, 10 novembre 2012, Aoste, Région autonome Vallée d’Aoste, 2013, p. 19-44.
-
[7]
Entre autres, Jean-François Bert, L’atelier de Mauss, Paris, CNRS Éditions, 2012 ; Christian Jacob (dir.), Lieux de savoirs, 2 volumes, Paris, Albin Michel, 2007 et 2011.
-
[8]
« Ma bibliothèque est mon cerveau extérieur », novembre 1881. Fondation nationale des sciences politiques (FNSP par la suite), Centre d’histoire de Sciences Po (CHSP par la suite), Archives d’histoire contemporaine (AHC par la suite), fonds Gabriel Tarde.
-
[9]
Dédicace manuscrite de l’auteur à G. Tarde in Henry Coutagne, Trois semaines en pays scandinave : impressions de voyage, Paris, Société d’éditions scientifiques, 1890, Fonds Gabriel Tarde/Établissement national d’administration pénitentiaire (ÉNAP par la suite) – Centre de ressources sur l’histoire des crimes et des peines (CRHCP par la suite).
-
[10]
Jean Milet, Gabriel Tarde et la philosophie de l’histoire, Paris, Vrin, 1970, note 21, p. 66.
-
[11]
Sous l’impulsion de Marc Renneville, historien spécialiste des sciences criminelles, la bibliothèque de Gabriel Tarde fut versée sous une convention de don en février 2002 au CRHCP, fonds historique de la médiathèque de l’École nationale d’administration pénitentiaire (ÉNAP) à Agen. Dirigé par Jack Garçon, le CRHCP met à la disposition des chercheurs un très riche fonds en histoire de la criminalité, de la justice et des prisons et plus particulièrement de l’administration pénitentiaire, de la criminologie, de la psychiatrie et des représentations du crime et du criminel.
-
[12]
Pour une histoire et une présentation plus détaillées du fonds Tarde (manuscrits et bibliothèque), je renvoie à L. Salmon (dir.), Le laboratoire…, op. cit.
-
[13]
Jean Milet, op. cit., p. 66.
-
[14]
« Exister, c’est différer », Gabriel Tarde, Essais et mélanges sociologiques, Lyon, Storck, Paris, Masson, 1895, p. 196, p. 355.
-
[15]
Gabriel Tarde, « Leçon d’ouverture d’un cours de philosophie moderne », Archives d’anthropologie criminelle, n° 15, 1900, p. 251 ; Revue internationale de sociologie, n° 8, 1900, p. 181.
-
[16]
Gabriel Tarde, « Étude sur J.-J. Rousseau », Le Sarladais, 2 septembre 1869 – 17 février 1870.
-
[17]
Sur les lectures de Tarde de Maine de Biran, voir Anne Devarieux, « Gabriel Tarde, lecteur de Maine de Biran ou la “difficulté formidableˮ », in : Gabriel Tarde, Maine de Biran et l’évolutionnisme en psychologie, Paris, Le Seuil, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », 2000, p. 13-49.
-
[18]
Sur les apports de la pensée de Cournot à la pensée tardienne, voir la thèse de Jean Milet et l’introduction de Thierry Martin, « Tarde, lecteur de Cournot », in : Gabriel Tarde, Philosophie de l’histoire et science sociale. La philosophie de Cournot, Paris, Le Seuil, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », 2002, p. 9-26.
-
[19]
Louise Salmon, « Les Études psychologiques sur moi-même de Gabriel Tarde. Faire science de soi, la genèse d’une méthode de travail », Cahiers de philosophie de l’Université de Caen, n° 54, février 2018.
-
[20]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 92.
-
[21]
Rédigé en 1884 et publié en 1896. Gabriel Tarde, « Fragment d’histoire future », Revue internationale de sociologie, no 4, 1896, p. 603-654 ; et édité la même année chez Giard et Brière, Fragments d’histoire future, Paris, 52 p.
-
[22]
Gabriel Tarde, « Les Géants chauves », Revue politique et littéraire – Revue bleue, n° 50, 12 novembre 1892, p. 611-619.
-
[23]
Dès les années 1870, Tarde réfléchit et formule une néo-monadologie. Nous en retrouvons la trace dans ses papiers : Notes de sociologie « Espace et temps (se rattache à ma monadologie et à l’opposition) 1872-1879 » (FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 37) ; « Notes philosophiques. Ma néo-monadologie » (GTA 39). Cependant, il attendra 1893 pour rédiger le manuscrit « Monadologie et sociologie » (GTA 76) et le publier en 1895 dans un recueil d’articles, Essais et mélanges sociologiques, op. cit.. Voir Jean-Clet Martin, « Tarde : une nouvelle monadologie », Multitudes, n° 7, 2001, http://multitudes.samizdat.net/article73.html.
-
[24]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 6.
-
[25]
Sur Tarde juge d’instruction, je me permets de renvoyer à Louise Salmon, « Comment saisir le crime ? Vol et voleur face au juge d’instruction et criminologue Gabriel Tarde », in : Chauvaud Frédéric, Houte Arnaud-Dominique (dir.), Au voleur !, Paris, Publications de la Sorbonne, 2014, p. 283-296.
-
[26]
J. Milet, Gabriel Tarde…, op. cit., p. 65-66.
-
[27]
La grande diversité des reliures (cuir, couleur, gravure) plaide en faveur de cette hypothèse, notamment pour la série de la Revue scientifique.
-
[28]
Avec le développement des cartonnages d’éditeur et la démocratisation du livre, la reliure bon marché en plat de carton sur laquelle est collée une couverture en percaline pour protéger et renforcer le livre est de plus en plus fréquente. Regroupant les deux types de reliures et avec une grande proportion de reliure papier (4/5e), le fonds Tarde se révèle être une bonne représentation de l’histoire du livre au XIXe siècle.
-
[29]
Langage d’indexation de la Bibliothèque nationale de France et des bibliothèques universitaires.
-
[30]
« L’auteur d’une dédicace » désigne la personne qui a rédigé la dédicace et le « dédicataire » la personne pour qui est rédigée la dédicace.
-
[31]
Massimo Borlandi, Mohammed Cherkaoui, Le suicide, un siècle après Durkheim, Paris, PUF, 2000.
-
[32]
Georges Pérec, L’infra-ordinaire, Paris, Le Seuil, 1989, p. 11.
-
[33]
Jean-Marie Goulemot, « De la lecture comme production de sens », in : Roger Chartier (dir.), Pratiques de la lecture, Paris, Payot, 1993, p. 127.
-
[34]
Sur le contexte de la naissance de sociologie, voir Marc Joly, La révolution sociologique. De la naissance d’un régime de pensée scientifique à la crise de la philosophie (XIXe-XXe siècles), Paris, La Découverte, 2017 (je remercie Matthieu Béra de m’avoir signalé cette publication récente) ; ainsi que « La sociologie de René Worms (1869-1926) », op. cit. et, plus particulièrement, L. Salmon, « La correspondance entre René Worms et Gabriel Tarde. Un choix de lettre 1893-1901 », Les Études sociales, n° 161-162, 2015, p. 251-268.
-
[35]
Jack Goody, La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage, Paris, Éditions de Minuit, 1979, p. 46.
-
[36]
J. Goody, Entre l’oralité et l’écriture, Paris, PUF, 1994, p. 168-169.
-
[37]
J. Goody, La raison graphique, op. cit., p. 46.
-
[38]
Grâce à Massimo Borlandi,Mme Françoise Bergeret, fille de Guillaume de Tarde et petite-fille de Gabriel Tarde, déposa, en juin 2001, le fonds des manuscrits sous une convention de don aux Archives d’histoire contemporaine du Centre d’histoire de Sciences Po dirigées par Mme Dominique Parcollet.
-
[39]
L. Salmon, « Les Études psychologiques sur moi-même de Gabriel Tarde… », op. cit. Deux éditions critiques du journal et des écrits littéraires de Gabriel Tarde ont aussi été publiées : Jacqueline Carroy, Louise Salmon (eds), Gabriel Tarde. Sur le sommeil ou plutôt sur les rêves, et autres écrits, 1870-1873, Lausanne, Bibliothèque d’histoire de la médecine et de la santé, 2010 ; L. Salmon, « Gabriel Tarde et la société à la fin du XIXe siècle : “rapides moments de vie socialeˮ », Revue d’histoire des sciences humaines, n° 13, 2005, p. 127-182.
-
[40]
« Discours de M. Espinas », in : Gabriel Tarde. Discours prononcés le 12 septembre 1909 à Sarlat à l’inauguration de son monument, Sarlat, Michelet, 1909, p. 51.
-
[41]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 66, Études psychologiques sur moi-même. « Cahier 18, janvier 1875 – août 1876 », 29 août 1875.
-
[42]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 41.
-
[43]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 45.
-
[44]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 47.
-
[45]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde. Successivement de « Sociologie » à « Analyse des notions de Droit et de Devoir » :GTA 36, GTA 37, GTA 38, GTA 39, GTA 40, GTA 43, GTA 44, GTA 45, GTA 46, GTA 50.
-
[46]
Si les lieux communs (loci) ont fait l’objet d’études, notamment anglo-saxonnes, portant soit sur un auteur, soit sur une période particulière, celles sur les adversaria sont plus rares. Pour la pratique et l’histoire des adversaria à la Renaissance, voir Jean-Marc Chatelain, « Les recueils d’adversaria au XVIe et XVIIe siècles : des pratiques de la lecture savante au style de l’érudition », in : Le livre et l’historien. Études offertes en l’honneur du Professeur Henri-Jean Martin, réunies par Frédéric Barbier, Annie Parent-Charon, François Dupuigrenet-Desroussilles, Claude Jolly et Dominique Varry, Genève, Droz, 1997, p. 169-186.
-
[47]
Tarde obtint son baccalauréat ès Lettres avec la mention très bien en 1860. Il passe ensuite le baccalauréat ès Sciences et songe à préparer l’École polytechnique. En 1862, des problèmes de santé forcent Tarde à abandonner ses ambitions. Tout comme son père, juge d’instruction à Sarlat, il se tourne vers le droit et s’inscrit à la Faculté de droit de Toulouse en 1862. Il terminera sa licence à Paris en 1866. Après avoir été nommé à diverses fonctions où il s’initia à la pratique du droit, il est nommé juge d’instruction à Sarlat en octobre 1875. Gabriel Tarde est donc un juriste. Pourtant, il ne cessa de mener de front ses études de droit, puis, ses fonctions dans la magistrature, avec ses lectures et ses réflexions philosophiques qui formèrent et alimentèrent les premiers linéaments de sa pensée dès les années 1860. En cela, Tarde est un philosophe autodidacte. Mais sa pratique du droit et sa pensée philosophique s’entremêlèrent très tôt comme en témoignent ses nombreuses publications pour la Revue philosophique de Ribot et le succès de sa Criminalité comparée où il propose une analyse sociale du crime. L. Salmon, « Comment saisir le crime ?… », op. cit. ; Louise Salmon et Marc Renneville, « Du droit pénal à la sociologie criminelle. Gabriel Tarde et les juristes de son temps », communication à « Droit et Sociologie (1860-1939). Moment juridique de la sociologie ou moment sociologique du droit ? », colloque organisé par Frédéric Audren et Mélanie Plouviez, Institut Michel Villey, Université Paris II Panthéon-Assas - École de droit de Sciences Po, Paris, 20-21 juin 2013.
-
[48]
Ibid.
-
[49]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 2, « Essentiel pour les bases du système », juillet 1873.
-
[50]
J.-M. Chatelain, « Les recueils d’adversaria au XVIe et XVIIe siècles… », op. cit., p. 169.
-
[51]
Ibid.
-
[52]
Il ne semble pas que Tarde ait constitué des séries de fiches comme Montesquieu qui révèlent un souci d’utilisation performante et pratique d’index dans le but de rendre le plus commode possible l’accès à ces archives personnelles. Catherine Volpilhac-Auger, « L’ombre d’une bibliothèque : les cahiers d’extraits de Montesquieu », in : Élisabeth Décultot (dir.), Lire, copier, écrire, Les bibliothèques manuscrites et leurs usages au XVIIIème siècle, Paris, CNRS Éditions, 2003, p. 79-90.
-
[53]
« Discours de M. Espinas », op. cit., p. 51.
-
[54]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 58, Poèmes « pensées-mêlées » « pensées détachées » 1864-1868.
-
[55]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 58, ibid.
-
[56]
Gabriel Tarde, « L’opinion et la conversation », Revue de Paris, 15 août 1899, p. 689-719 et 1er septembre 1899, p. 91-116.
-
[57]
Gabriel Tarde, L’opinion et la foule, Paris, PUF, 1989, p. 126, 132.
-
[58]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 58, op. cit.
-
[59]
Un défaut de concision, certaines dérives poétiques, une propension à la rêverie métaphysique lui ont été reprochés par ceux qui souhaitent, avec Célestin Bouglé, constituer « une sociologie proprement scientifique, objective et spécifique », car, chez Tarde, « il leur sera parfois difficile de distinguer nettement les hypothèses des vérités, les rapprochements des explications, l’utopie de l’histoire, et l’idéal de la réalité. » (C. Bouglé dans son analyse de G. Tarde, L’opposition universelle. Essai d’une théorie des contraires, in L’Année sociologique, 1ère année, 1896-1897, p. 115).
-
[60]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 22-23.
-
[61]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde, GTA 2, « Essentiel pour les bases du système », juillet 1873.
-
[62]
J. Goody, Entre l’oralité et l’écriture, op. cit., p. 168-169.
-
[63]
Milet décèle dans les Études psychologiques sur moi-même de Gabriel Tarde « les périodes les plus fécondes de la vie de Tarde » ainsi que de « précieuses indications sur la genèse de la pensée de Gabriel Tarde » dont ils semblent être porteurs. J. Milet, Gabriel Tarde…, op. cit., note 14 p. 14 ; note 1 p. 11.
-
[64]
L. Salmon (dir.), Le laboratoire…, op. cit.
-
[65]
Sur le journal personnel de Tarde en tant que laboratoire d’écriture, lieu d’expérimentation de la méthode introspective et d’énonciation de la pensée, voir L. Salmon, « Les Études psychologiques sur moi-même de Gabriel Tarde. Faire science de soi, la genèse d’une méthode de travail », op. cit.
-
[66]
É. Décultot (dir.), Lire, copier, écrire…, op. cit., p. 18 ; Philippe Lejeune, « Le journal de Cécile », Nouvelle revue de psychanalyse, n° 40, 1989, p. 50 cité par Malik Allam, Journaux intimes. Une sociologie de l’écriture personnelle, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 140-141.
-
[67]
J.-M. Chatelain, « Les recueils d’adversaria au XVIe et XVIIe siècles… », op. cit., p. 169-186
-
[68]
Le dialogue comme pratique savante de l’humanisme. De fait, il est remarquable que Tarde mette en scène un dialogue entre La Boétie et Montaigne, deux grandes figures de la Renaissance. Gabriel Tarde, Les deux statues. La Boétie et Montaigne, Lyon, Storck, 1892.
-
[69]
FNSP, CHSP, AHC, fonds Gabriel Tarde,GTA64, « Cinquième cahier (septembre 1863 – février 1864), 2 octobre 1863.
-
[70]
Sur l’introspection comme méthode scientifique chez Tarde, L. Salmon, « Les Études psychologiques sur moi-même de Gabriel Tarde. Faire science de soi, la genèse d’une méthode de travail », op. cit.
-
[71]
Sur Tarde observateur du social, L. Salmon, « Gabriel Tarde et la société à la fin du XIXe siècle : “rapides moments de vie socialeˮ », op. cit., p. 127-182 ; « Gabriel Tarde et l’Affaire Dreyfus. Réflexions sur l’engagement d’un homme de pensée », Champ pénal / Penal Field, volume II, 2005, p. 2-15.
-
[72]
« Discours de M. Espinas », op. cit., p. 51.