Notes
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[1]
Cette période va de l’élaboration des Ouvriers européens au lancement de la Société internationale des études pratiques d’économie sociale (SIEPES) et de sa série de monographies, Les Ouvriers des deux mondes, soit, approximativement, de 1840 à 1858.
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[2]
Très précisément, Le Play définit, en 1855, la corporation comme une « association d’ouvriers liés par des intérêts collectifs autres que ceux des communautés ». Celles-ci – qu’il distingue soigneusement de celles-là – sont des « associations d’ouvriers exploitant en commun une propriété immobilière, un fonds ou une clientèle ». Voir Frédéric Le Play, Les Ouvriers européens, Paris, Imprimerie impériale, 1855, p. 16.
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[3]
Frédéric Le Play, Question de la boulangerie du département de la Seine. Deuxième rapport aux sections réunies du commerce et de l’intérieur sur les commerces du blé, de la farine et du pain, Paris, Imprimerie impériale, 1860, p. 293. Il ressort de cette liste la complexité de la forme sociale corporative du fait de son intrication avec une autre forme associative, la communauté. En effet, les bergslags sont d’abord des communautés de travail (F. Le Play, Les Ouvriers européens, op. cit., p. 19), même s’ils présentent aussi des caractéristiques corporatives justifiant leur classement en 1860 parmi les corporations.
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[4]
F. Le Play, Les Ouvriers européens, op. cit., p. 127.
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[5]
Les Ouvriers des deux mondes, Paris, Société internationale des études pratiques d’économie sociale, t. I, 1857, p. 27-68.
-
[6]
Ibid., p. 59.
-
[7]
Du fait, dit-il, du « discernement qu’implique le placement judicieux du capital accumulé », tandis que la cotisation à un fonds commun dé-responsabilise l’ouvrier en le désaisissant de la gestion de ses économies. Frédéric Le Play, « Ferblantier, couvreur et vitrier d’Aix-les-Bains (Savoie, États sardes). Ouvrier chef de métier et subsidiairement journalier, tâcheron et ouvrier tenancier dans le système du travail sans engagements », in : Les Ouvriers des deux mondes, Paris, Société internationale des études pratiques d’économie sociale, t. 2, 1858, p. 9-62.
-
[8]
Ibid., p. 59.
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[9]
Ibid., p. 59.
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[10]
Voir Séance du 22 février 1867, Bulletin de la SIEPES, 1867, p. 57-76. La monographie est d’abord rapportée par Albert Gigot le 13 janvier 1867, puis ses enseignements quant aux sociétés de secours mutuel discutés sept semaines plus tard. Remarquons que Le Play, présent à cette séance, n’y prend pas la parole.
-
[11]
Deux ans auparavant, en 1865, la SIEPES s’était déjà longuement interrogée sur une autre forme de corporation, héritée du passé celle-là, sorte de proto-syndicat des dockers : la Société des portefaix de Marseille. Celle-ci était alors en conflit ouvert avec la nouvelle Compagnie des docks qui, non seulement récusait son monopole, mais refusait de faire travailler ses adhérents dans ses entrepôts. À la suite de deux exposés approfondis de Charles de Ribbe et Claudio Jannet, une discussion vive avait opposé partisans et détracteurs de cette corporation de manutentionnaires. La SIEPES restait, en effet, partagée sur un sujet mettant en cause le principe de liberté du travail face à la solidarité ouvrière. Le Play, présent, s’était tenu (prudemment ?) à l’écart de la discussion. Voir Charles de Ribbe et Claudio Jannet, « Rapport sur la Société des portefaix de Marseille », « Discussion générale sur les questions économiques soulevées par l’organisation de cette Société et par son différend avec la Compagnie du dock de Marseille », Séance du 7 mai 1865, Bulletin de la SIEPES, t. 1, 1865, p. 178-236.
-
[12]
F. Le Play, Question de la boulangerie du département de la Seine, op. cit., p. 294.
-
[13]
L’échec des associations de production créées avec l’aide de l’État après la Révolution de février 1848 est, pour lui, la démonstration de leur non viabilité en tant que forme de production. Voir sur ce sujet, Frédéric Le Play, La Réforme sociale en France, Paris, Henri Plon, 1864, en particulier t. II, § 43, p. 7-14 ; ainsi que Frédéric Le Play, L’organisation du travail selon la coutume des ateliers et la loi du décalogue, Tours, A. Mame et Fils – Paris, Dentu, 1870, p. 142.
-
[14]
Le patronage est, dans sa forme pure et originelle, de nature individuelle et personnelle, incarné par un « chef de famille qui tient groupées, sous son autorité, à leur complète satisfaction, plusieurs familles vouées à l’exploitation des arts usuels », Frédéric Le Play, article « patronage », « Les 300 mots constitutifs du langage propre à la science sociale », La méthode sociale [1879], rééd. avec une présentation d’A. Savoye, Paris, Méridiens Klincksieck, 1989, p. 467. Mais il peut aussi s’exercer selon des modalités plus collectives et complexes en fonction du degré de complication de la société. On le voit très bien dans les applications, parfois très sophistiquées, auxquelles a donné lieu la « coutume des ateliers » et ses six « pratiques essentielles », caractéristiques d’un patronage qui n’inclut nullement la corporation.
-
[15]
F. Le Play, La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, Paris, Dentu, seconde édition revue et corrigée, 1866, t. 2, p. 48.
-
[16]
Ibid., t. 2, p. 41.
-
[17]
Ibid., t. 2, p. 55.
-
[18]
Ibid., t. 2, p. 103.
-
[19]
Voir Frédéric Le Play, La Constitution essentielle de l’humanité, Tours, A. Mame et Fils – Paris, Larcher Dentu, 1881, en particulier p. 277-282.
-
[20]
Voir F. Le Play, L’Organisation du travail, op. cit., en particulier p. 410-411.
-
[21]
Jules Duval, « La Réforme sociale en France de M. Le Play. Compte rendu », Journal des économistes, n° 135, mars 1865, p. 410-432.
-
[22]
Léon XIII y déclare : « Il nous paraît opportun d’encourager les sociétés d’ouvriers et d’artisans qui, instituées sous le patronage de la religion, savent rendre tous leurs membres contents de leur sort ». Cité par Robert Talmy, Aux sources du catholicisme social. L’École de La Tour du Pin, Paris, Tournai, Desclée & C°, 1963, p. 213.
-
[23]
Voir La Tour-du-Pin, Marquis de La Charce, Vers un ordre social chrétien. Jalons de route 1882-1907, Paris, Beauchesne, 1929 ; Henri Rollet, L’action sociale des catholiques en France, Paris, Boivin, 2 vol., 1947 et 1958 ; R. Talmy, Aux sources du catholicisme social., op. cit.
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[24]
Voir l’étude de Laetitia Guerlain dans ce même dossier.
-
[25]
Xavier Roux, né en 1850, est un jeune publiciste, collaborateur de la revue Le Contemporain et de la Revue catholique des institutions et du droit, également rédacteur à la monarchiste Gazette de France. Parallèlement, il mène une carrière politique à l’échelon local ; en 1876, il est élu conseiller général des Hautes-Alpes, département dont il est originaire. Il est admis à la SIEPES dès 1874, ainsi qu’aux Unions de la paix sociale.
-
[26]
Xavier Roux, Les Utopies et les réalités de la question sociale, Paris, Librairie Joseph Albanel, 1877. La préface de Le Play est datée du 1er février 1876.
-
[27]
Ibid., p. 38.
-
[28]
Sous le terme générique d’« association », Roux range diverses organisations : corporation – il parle, par exemple, de « l’admirable corporation des patrons pêcheurs » (Ibid., p. 76) –, association coopérative de production, chambre syndicale patronale ou ouvrière, syndicat mixte, syndicat ouvrier.
-
[29]
Pour autant, Roux n’est pas un défenseur à tout crin du libéralisme et de son principe de laissez-faire. Ainsi, il critique les récents rapports parlementaires de Ducarre et Melun qui, face aux partisans d’un retour aux corporations, concluent en faveur de la liberté du travail, seule capable, selon eux, de résoudre la question ouvrière (Ibid., p. 147).
1 Par un raccourci expéditif, on a parfois déduit de l’admiration de La Tour du Pin pour Le Play qu’il avait tiré de ce dernier l’idée selon laquelle la corporation revisitée devait être la pierre angulaire d’une société refondée, répondant à l’ordre social chrétien. De là est née une série de malentendus, faisant de La Tour du Pin un représentant pur et dur de la science sociale leplaysienne et de Le Play un catholique social néo-corporatiste. Un examen plus attentif des écrits de Le Play montre que, pour l’auteur de La Réforme sociale en France (1864), la corporation n’est pas cette pierre angulaire. S’il lui reconnaît une portée sociale, celle-ci n’est pas, à ses yeux, la solution à la crise sociale de son époque. C’est beaucoup plus dans le patronage qu’il voit un mode d’action susceptible de restaurer la paix sociale. Significativement, la corporation n’est pas mentionnée parmi les « pratiques essentielles » définies dans L’Organisation du travail (1870). De même, l’écho que Le Play donne à l’ouvrage de Xavier Roux (1876), critique du néo-corporatisme, confirme que, sur ce point, et jusqu’à la fin, il ne varie pas.
2 Cependant, Le Play est loin de méconnaître les corporations en tant que mode d’organisation adopté par des ouvriers de divers secteurs productifs (mines, métallurgie, bâtiment, alimentation, etc.) dans l’Europe entière. Durant la première phase de sa science sociale, celle où il entreprend lui-même des enquêtes minutieuses sur le monde ouvrier [1], il rend compte de plusieurs organisations de travailleurs qu’il dénomme « corporations », où les ouvriers mettent en commun des moyens, avec un degré variable d’autonomie de gestion, afin d’améliorer leurs conditions d’existence (santé, formation, épargne), voire de travail (comme l’accès à la profession et au marché) [2]. Parmi ces organisations, il distingue celles qui lui semblent une survivance désormais périmée et destinée à disparaître, de formes corporatives nouvelles, comme les sociétés de secours mutuels, dont la finalité est la prévoyance ou l’assistance. Dans la suite de son œuvre, poursuivant sa réflexion, Le Play en vient à envisager les applications du principe corporatif hors du monde ouvrier. Il y voit, dans différents domaines (l’enseignement supérieur ou l’assistance sociale, par exemple), la possibilité de renforcer la société civile face à l’emprise grandissante de l’État.
3 C’est cette sociologie des corporations réelles – qui traverse toute l’œuvre de Le Play – dont nous nous proposons de rendre compte. On verra que, si le phénomène corporatif n’a pas été ignoré de l’auteur de La Réforme sociale en France, il s’est gardé d’en faire le pivot de sa doctrine et la matrice de la société réformée.
Le Play, observateur des corporations anciennes et modernes
4 Le Play, au cours de ses premières enquêtes sur le monde ouvrier, identifie plusieurs corporations. Ses monographies de familles ouvrières publiées dans Les Ouvriers européens (1855) détaillent celles des mineurs de la région du Hartz ou d’Idria, en Carniole, ou encore des ouvriers menuisiers de Vienne (Autriche). Dans son rapport sur la boulangerie à Paris (1859) où il traite de la corporation des boulangers, il en rappelle la liste :
« Tous les documents publiés jusqu’à ce jour sur la corporation des boulangers de Paris déclarent ou admettent implicitement que cette organisation, entr’autres avantages, a pour résultat de livrer le pain à un prix moindre que celui qui serait fixé par la libre concurrence. Ce fait m’est toujours apparu comme un axiome curieux d’économie sociale, garanti par les hautes autorités qui, depuis 60 ans, concourent à l’extension graduelle de ce régime ; et c’est en partie pour en retrouver ailleurs la confirmation que j’ai entrepris l’étude des corporations analogues qui existent encore chez les autres États européens.
Je n’ai rien trouvé de semblable ni chez les corporations urbaines (Innungen) de l’Autriche, ni chez celles (Zünfte) de plusieurs districts de l’Allemagne méridionale, ni chez les corporations de mineurs de la Hongrie, de la Carniole, du haut Hartz, ni dans les Bergslags de la Suède, ni chez les communautés de fondeurs et de forgerons du Wermland, des hautes vallées de la Lombardie et du pays vénitien » [3].
5 Pour la région du Hartz, par exemple, Le Play étudie le système très complet d’assistance de la corporation aux ouvriers et à leurs familles qui en sont membres. Ce système s’applique non seulement aux mineurs, mais également aux professions connexes (fondeurs et bûcherons-charbonniers). Il constitue une véritable sécurité sociale avant la lettre. Des indemnités ou des pensions sont versées en cas de maladies ou de blessures, d’invalidité permanente ou de retraite, grâce à un fonds (pour les mineurs et les fondeurs, la Knappschaftskasse), lui-même alimenté par des cotisations patronales et salariales, complétées par le produit financier du traitement des déchets des fonderies. Tout membre de la corporation peut bénéficier, sous conditions, de l’ensemble du système qui comprend aussi une aide alimentaire, des moyens d’instruction élémentaire, des possibilités de crédit, etc. Le Play salue l’efficacité de cette corporation, tout en soulignant que sa réussite tient à la conjugaison de facteurs locaux pas nécessairement reproductibles en dehors du Hartz. Il pointe, notamment, qu’un relatif renoncement à la liberté individuelle de la part de ses membres – contraire aux tendances du temps – est la contrepartie de la protection dont ils bénéficient. Concernant la corporation fermée des menuisiers viennois, Le Play signale l’assistance qu’elle assure à ses membres et à leurs familles en cas de maladie ou d’accident, mais il insiste aussi sur son pouvoir d’encadrement. C’est elle, en effet, qui règle la formation à travers l’organisation de l’apprentissage et régit l’accès à la profession et ses différents grades (compagnons, maîtres). Elle contrôle aussi l’accès au marché, les maîtres ayant le monopole des relations avec la clientèle. Cette enquête de Le Play est particulièrement éclairante sur sa conception de la corporation. Elle repose, en effet, sur la monographie d’un menuisier relevant de la corporation, mais qui s’est mis au service d’un fabricant lequel, par privilège spécial, déroge aux règles corporatives. Il s’agit donc de l’étude d’un ouvrier-compagnon en transition vers le marché libre ; elle permet à Le Play de tirer des enseignements quant au devenir des corporations fermées, héritières des temps anciens. Celles-ci, selon lui, ne pourront se perpétuer, battues en brèche par la révolution industrielle et ses innovations techniques, mais aussi par le désir croissant des ouvriers de recouvrer leur liberté individuelle, délivrée des carcans réglementaires. Sa note annexée à la monographie du compagnon menuisier de Vienne est sans équivoque à cet égard :
« Les garanties de bien-être et de sécurité qu’elles [les corporations fermées, ndr] offraient aux populations ouvrières disparaissent peu à peu à mesure que celles-ci doivent renoncer à leur antique tutelle. Les nouvelles garanties de ce genre, dont le besoin se fait sentir plus vivement que jamais, doivent être désormais recherchées en dehors de cette antique organisation [...]. Il semble donc qu’il n’y a plus guère convenance à maintenir cette impuissante institution, et à contrarier, sur ce point, les sentiments de liberté et d’esprit d’initiative qui forment l’âme de la nouvelle organisation industrielle » [4].
6 Peu de temps après les Ouvriers européens, Le Play revient sur les corporations de type ancien dans de nouvelles enquêtes, en particulier celle qu’il entreprend avec Adolphe Focillon, en mai 1856, à Paris, consacrée à un charpentier parisien [5]. À travers, cet ancien compagnon du Devoir, c’est le compagnonnage qui est visé. Et, à propos de cette « antique organisation », Le Play nuance ses conclusions, très pessimistes, de 1855. En dépit de sa décadence due à d’importants changements dans les techniques de construction qui dévalorisent la qualification des compagnons, le Devoir lui apparaît, par la vitalité de ses coutumes, comme un facteur important de lutte contre l’« isolement » généré par l’industrie moderne – notion proche de l’anomie durkheimienne – dont est victime l’ouvrier. Il lui attribue même, concernant le bien-être et la moralité des charpentiers, « une influence encore plus efficace que celle qui résulte de beaucoup de sociétés de secours mutuels établies sous le patronage des maîtres et avec l’appui de l’autorité publique » [6].
7 Cette reconnaissance de la valeur du compagnonnage n’empêche pas Le Play de continuer à travailler sur l’hypothèse du déclin irréversible des corporations de type ancien. Il s’interroge sur ce qu’il adviendra alors des fonctions qu’elles exercent. Déjà, ses études des Ouvriers européens lui ont permis de repérer de nouvelles formes d’organisation dans plusieurs pays (sociétés de secours mutuels en France, assurance mutuelle en Angleterre, etc.) qui constituent, à ses yeux, la corporation moderne. Deux monographies, postérieures à son opus magnum, vont lui servir à approfondir l’examen de cette réalité nouvelle : celles du ferblantier d’Aix-les-Bains (1858) et du gantier de Grenoble (1865). Pour Le Play, la société de secours mutuels étudiée à Aix (dont le ferblantier est membre) a un rôle moins économique que d’éducation sociale. En effet, sur le plan de la prévoyance, facteur essentiel de l’amélioration de la condition ouvrière, l’épargne individuelle est préférable [7] au système de solidarité collective, caractéristique de la mutualité, qui pénalise les prévoyants sans corriger les imprévoyants. En revanche, il voit dans la société de secours mutuels, par la gestion collective qu’elle implique, un facteur de développement de l’« aptitude à la vie publique » [8]. En cela, elle est un instrument d’apprentissage de la démocratie associative qui présente, toutefois, un double tranchant que Le Play signale immédiatement. La corporation, dit-il, peut être la manifestation d’« un intérêt collectif plus ou moins opposé à celui des autres classes » [9]. En clair : parce qu’elle rassemble une même catégorie de travailleurs, unis par des intérêts communs, elle pourrait encourager la lutte des classes. Quant à la monographie du gantier, sa discussion, lors d’une séance de la Société internationale des études pratiques d’économie sociale (SIEPES) en 1867 [10], est très éclairante quant au point de vue commun aux tenants de la science sociale leplaysienne [11]. Les participants à cette séance, présidée par Armand de Melun, militant des sociétés de secours mutuel, reconnaissent, à travers le cas du gantier, l’irrésistible et légitime tendance des ouvriers à se grouper entre eux pour la sauvegarde de leur condition de vie. Le secours mutuel lors d’accident ou de maladie, voire de chômage, en est la manifestation corporative moderne. Celle-ci est donc, à leurs yeux, inévitable et même souhaitable sous réserve qu’elle évite de tomber dans les travers de la corporation d’Ancien Régime, à savoir la monopolisation de l’accès au marché du travail et son corollaire, l’exclusion pour les non membres. Ce revival de la corporation effacerait les effets dommageables sur le plan de la solidarité sociale, d’une longue période d’interdiction et de répression des corporations qui remonte à Turgot et à l’Assemblée constituante de 1791, à laquelle la récente loi sur les coalitions (1864) vient de mettre fin. Toutefois, ce retour de la corporation, sous forme des sociétés de secours mutuel, suscite une inquiétude : que les caisses de secours qu’elles constituent soient utilisées comme fonds lors des grèves.
Actualiser la corporation ?
8 Anticipant sur la méthode adoptée par Durkheim un demi-siècle plus tard, c’est de manière empirique et inductive, à partir de l’étude directe de corporations existantes – qu’elles soient anciennes ou récentes – que Le Play et ses collaborateurs dégagent peu à peu les traits caractéristiques de la forme corporative. Leur analyse, à la différence d’un travail théorique confrontant les pensées sur la corporation, s’appuie sur l’étude d’organisations réelles, plus ou moins abouties et développées. Elle examine la validité de la corporation en termes de solidarité sociale, mais aussi d’un point de vue économique et juridique. En bref, embrassant ces différentes dimensions, la science sociale (leplaysienne) porte sur le fait corporatif un regard total.
9 De ses observations concrètes, réalisées à Vienne (Autriche), dans le Hartz, à Aix-les-Bains ou à Paris, Le Play tire une conclusion générale plutôt défavorable aux corporations qu’il a examinées. Deux raisons principales nourrissent cette conclusion. La première est d’ordre économique et concerne d’abord les formes corporatives héritées du passé. Celles-ci, contrairement à un lieu commun très répandu en France, renchérissent le coût de la production. Dans son rapport sur la boulangerie, s’appuyant sur les exemples allemand et autrichien, Le Play conclut nettement : « personne [dans ces pays, ndr] n’a jamais pensé que ce régime [la corporation, ndr] pût avoir pour conséquence de donner le travail ou les produits à bon marché » [12]. De plus, la corporation de type ancien restreint la liberté d’accès au marché. Aussi, est-elle condamnée par l’évolution de l’organisation industrielle. Partant de son étude de la boulangerie, Le Play avance que la seule caractéristique expliquant la faveur dont jouit la corporation de la part des pouvoirs publics, est son effet sur l’« ordre public ». Elle prend, en effet, à sa charge l’assistance de ses membres qui, sinon, incomberait à la puissance publique (État, collectivités locales). La seconde raison est d’ordre sociologique et vaut pour l’ensemble des corporations ouvrières. Le Play, de même qu’il ne voit pas dans l’association ouvrière de production [13] une forme sociale d’avenir, ne considère pas la corporation comme une possible pierre angulaire de relations de travail pacifiées, ni a fortiori d’une société réformée ou refondée qui assurerait, par une organisation corporative, le bien-être de ses ressortissants. Il doute, en effet, que les ouvriers puissent durablement assurer leur prospérité collective par une action autonome. Autrement dit, contrairement à Proudhon, il est réservé sur leur capacité d’« émancipation ». À la corporation ouvrière, il préfère le patronage qui associe patrons et ouvriers, véritable source de la paix sociale qu’il appelle de ses vœux [14].
10 Pour autant, Le Play ne conclut pas définitivement sur la corporation au terme de ses monographies de familles ouvrières (1855-57) et de son rapport sur la boulangerie (1860). Il en reprend l’analyse dans La Réforme sociale en France (1864), spécialement dans la seconde édition de 1866. Élargissant son propos au-delà des organisations ouvrières, il traite de la corporation en tant que forme sociale générique, au même titre que la famille et la communauté. Ce qui l’amène à distinguer six catégories de corporations selon leur objet. Les trois premières correspondent aux corporations destinées à l’assistance aux pauvres (comme la Société Saint-Vincent de Paul), à la prévention de la pauvreté (comme la corporation du Hartz ou les land societies anglaises), aux secours aux malades, aux accidentés et aux retraités (comme les sociétés de secours mutuels). Ces corporations, en dépit de leur indéniable utilité, ne sont, aux yeux de Le Play, que des palliatifs. Elles ne sauraient constituer les germes d’une nouvelle organisation sociale [15]. Une quatrième catégorie est constituée des corporations de producteurs, survivance du passé, que Le Play a particulièrement étudiées, ainsi qu’on l’a vu plus haut. Face à ceux qui sont « parfois conduits à prôner le principe des anciennes corporations d’arts et métiers, et même à en proposer la restauration partielle » [16], Le Play est désormais catégorique : « Rien, dit-il, ne justifie ce retour vers le passé ». Et il en décline les trois « vices » principaux. La cinquième catégorie est celle des corporations religieuses. Enfin, la dernière catégorie est composée des corporations qui agissent dans la sphère intellectuelle, comme les sociétés savantes, littéraires ou artistiques. Le Play ne voit que des avantages à leur multiplication, sous réserve qu’elles adoptent des règles de fonctionnement leur conférant indépendance et impartialité. L’Association britannique pour le progrès des sciences lui semble le meilleur exemple de ces corporations utiles. Le Play les considère protectrices de la pensée humaine, notamment contre la « science officielle », un des « fléaux qui ont le plus entravé le progrès de la civilisation » [17]. Un de leur champ d’intervention privilégié est l’enseignement, spécialement l’enseignement supérieur. Dans ce domaine, Le Play vante l’organisation universitaire anglo-saxonne qui, à l’encontre du modèle administratif et centralisé français, repose sur le corps des professeurs. Ceux-ci, réunis en corporation indépendante, gèrent leur institution qui trouve, dans la possession de biens propres, grâce à des dons et legs, et la rétribution versée par les étudiants, les moyens de son développement. Le Play pronostique que les universités libres, dirigées et animées par des corporations, supplanteront les universités d’État, ne serait-ce que pour des raisons financières.
« Pour arriver à cette conviction, il suffira, par exemple, de comparer la pénurie de plusieurs grandes institutions scientifiques de notre continent, avec l’abondance des ressources qui affluent chaque année dans les institutions analogues de la petite ville de Boston (Massachussets) » [18].
12 L’avenir de Harvard lui donnera raison... Prêchant par l’exemple en faveur de cette sixième catégorie, il créera, à la fin de sa vie, une « corporation de la Réforme sociale » comme assise à la revue dont se dote le mouvement leplaysien [19]. Il en fait remonter le projet à 1865, confirmant par là qu’à cette date, sa théorie de la corporation est, pour l’essentiel, fixée. Il la complète, cependant, dans L’Organisation du travail (1870) [20] où il précise le champ d’intervention des corporations. Celles-ci pourraient se voir confier, en suppléance de la famille, la direction des établissements intervenant dans l’enseignement (scolaire et populaire, destiné à la jeunesse et aux adultes), dans l’apprentissage professionnel, dans l’amélioration des mœurs et l’assistance sociale. À la condition, toutefois, que ces corporations, dotées par des dons et legs, soient dirigées à titre gratuit par des patrons ou des fidéicommissaires appartenant à la localité d’exercice de leur activité, et qu’elles ne réclament aucun secours du trésor public.
Le Play persiste et signe
13 Au terme d’un quart de siècle d’enquêtes et de réflexion, Le Play donne donc à sa théorisation de la corporation toute son amplitude. Parti de l’étude des corporations ouvrières, il en arrive à préciser la forme corporative et son champ d’application, en l’articulant à d’autres éléments fondamentaux de sa théorie de la société : la famille et la communauté. Mieux, il évalue, pour chaque catégorie de corporation, son utilité et son devenir. Cette théorisation est pourtant mal comprise par ses contemporains. L’économiste social Jules Duval, par exemple, ne comprend pas les catégories forgées par Le Play et les conteste dans sa critique de La Réforme sociale en France [21]. Quant à l’évaluation des « corporations fermées » où Le Play voit plutôt une survivance qu’une formule d’avenir, elle est battue en brèche, au cours des années 1870, par les catholiques sociaux. La Tour du Pin, de Mun et les Cercles catholiques d’ouvriers, encouragés par l’encyclique Quod Apostolici [22] (1878), voient dans les corporations, à l’inverse de Le Play, une solution à la question sociale contemporaine [23]. Ce philocorporatisme venant de « voisins de pensée » avec lesquels les relations sont nombreuses, oblige les partisans de la science sociale de Le Play à reprendre le problème dans des termes nouveaux. Leur réaction ne sera pas immédiate et il faudra attendre la décennie 1880 pour que les leplaysiens expriment un point de vue actualisé en la matière [24]. Cependant, du vivant de Le Play et avec son approbation, un de ses jeunes disciples, Xavier Roux [25], entreprend dans un ouvrage, Les Utopies et les réalités de la question sociale (1877), préfacé par le maître lui-même [26], de répondre aux catholiques sociaux. Il affirme radicalement et péremptoirement que : « Nulle forme d’association n’est assez féconde pour calmer nos divisions et ramener la paix sociale » [27]. En clair, sa thèse consiste à récuser tout dispositif de réforme de type associatif [28] dont il considère qu’il ne s’attaque pas à la racine du problème [29]. C’est par une étude historique des anciennes corporations que Roux entend démontrer l’inanité des dispositifs contemporains. À ses yeux, la force des corporations d’Ancien Régime, en matière de paix sociale, tenait à l’union du patron et de l’ouvrier. Or cette union, aujourd’hui, ne peut plus se retrouver dans l’association (quelle qu’en soit la forme), mais seulement dans le patronage exercé par des employeurs vis-à-vis de leurs salariés. Ainsi, retournant la référence aux corporations de l’Ancien Régime contre ses partisans, Roux retrouve la conception de Le Play et les vertus des « pratiques essentielles » défendues dans L’Organisation du travail.
Conclusion
14 En conclusion, l’examen de l’œuvre de Le Play révèle que sa science sociale ne constitue en rien une source du néo-corporatisme tel que l’ont entendu les catholiques sociaux. Si la corporation est par lui étudiée, c’est, dans un premier temps, en tant qu’institution occasionnellement présente dans le système social de certaines populations ouvrières (mineurs, menuisier, boulangers). Ensuite, elle est intégrée par Le Play, à un niveau meso, à côté de la famille, de l’association et de la communauté, dans sa théorie générale des formes sociales. Elle y occupe, toutefois, un rôle mineur, en raison, à la fois, de l’archaïsme de cette « antique institution », révélé par les enquêtes empiriques, et de son avenir incertain, suspendu à la capacité des professions intellectuelles à se saisir de son principe qui, dans leur cas, peut s’avérer fécond.
15 Si de lointains épigones de Le Play ont pu rallier le corporatisme dans l’entre-deux guerres, c’est dans un contexte politique et social profondément différent, afin de répondre à une crise économique et de l’État inédite. Il leur a fallu pour cela passer outre les préventions du Maître à l’égard d’une doctrine qu’en son temps, il avait récusée.
Notes
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[1]
Cette période va de l’élaboration des Ouvriers européens au lancement de la Société internationale des études pratiques d’économie sociale (SIEPES) et de sa série de monographies, Les Ouvriers des deux mondes, soit, approximativement, de 1840 à 1858.
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[2]
Très précisément, Le Play définit, en 1855, la corporation comme une « association d’ouvriers liés par des intérêts collectifs autres que ceux des communautés ». Celles-ci – qu’il distingue soigneusement de celles-là – sont des « associations d’ouvriers exploitant en commun une propriété immobilière, un fonds ou une clientèle ». Voir Frédéric Le Play, Les Ouvriers européens, Paris, Imprimerie impériale, 1855, p. 16.
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[3]
Frédéric Le Play, Question de la boulangerie du département de la Seine. Deuxième rapport aux sections réunies du commerce et de l’intérieur sur les commerces du blé, de la farine et du pain, Paris, Imprimerie impériale, 1860, p. 293. Il ressort de cette liste la complexité de la forme sociale corporative du fait de son intrication avec une autre forme associative, la communauté. En effet, les bergslags sont d’abord des communautés de travail (F. Le Play, Les Ouvriers européens, op. cit., p. 19), même s’ils présentent aussi des caractéristiques corporatives justifiant leur classement en 1860 parmi les corporations.
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[4]
F. Le Play, Les Ouvriers européens, op. cit., p. 127.
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[5]
Les Ouvriers des deux mondes, Paris, Société internationale des études pratiques d’économie sociale, t. I, 1857, p. 27-68.
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[6]
Ibid., p. 59.
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[7]
Du fait, dit-il, du « discernement qu’implique le placement judicieux du capital accumulé », tandis que la cotisation à un fonds commun dé-responsabilise l’ouvrier en le désaisissant de la gestion de ses économies. Frédéric Le Play, « Ferblantier, couvreur et vitrier d’Aix-les-Bains (Savoie, États sardes). Ouvrier chef de métier et subsidiairement journalier, tâcheron et ouvrier tenancier dans le système du travail sans engagements », in : Les Ouvriers des deux mondes, Paris, Société internationale des études pratiques d’économie sociale, t. 2, 1858, p. 9-62.
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[8]
Ibid., p. 59.
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[9]
Ibid., p. 59.
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[10]
Voir Séance du 22 février 1867, Bulletin de la SIEPES, 1867, p. 57-76. La monographie est d’abord rapportée par Albert Gigot le 13 janvier 1867, puis ses enseignements quant aux sociétés de secours mutuel discutés sept semaines plus tard. Remarquons que Le Play, présent à cette séance, n’y prend pas la parole.
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[11]
Deux ans auparavant, en 1865, la SIEPES s’était déjà longuement interrogée sur une autre forme de corporation, héritée du passé celle-là, sorte de proto-syndicat des dockers : la Société des portefaix de Marseille. Celle-ci était alors en conflit ouvert avec la nouvelle Compagnie des docks qui, non seulement récusait son monopole, mais refusait de faire travailler ses adhérents dans ses entrepôts. À la suite de deux exposés approfondis de Charles de Ribbe et Claudio Jannet, une discussion vive avait opposé partisans et détracteurs de cette corporation de manutentionnaires. La SIEPES restait, en effet, partagée sur un sujet mettant en cause le principe de liberté du travail face à la solidarité ouvrière. Le Play, présent, s’était tenu (prudemment ?) à l’écart de la discussion. Voir Charles de Ribbe et Claudio Jannet, « Rapport sur la Société des portefaix de Marseille », « Discussion générale sur les questions économiques soulevées par l’organisation de cette Société et par son différend avec la Compagnie du dock de Marseille », Séance du 7 mai 1865, Bulletin de la SIEPES, t. 1, 1865, p. 178-236.
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[12]
F. Le Play, Question de la boulangerie du département de la Seine, op. cit., p. 294.
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[13]
L’échec des associations de production créées avec l’aide de l’État après la Révolution de février 1848 est, pour lui, la démonstration de leur non viabilité en tant que forme de production. Voir sur ce sujet, Frédéric Le Play, La Réforme sociale en France, Paris, Henri Plon, 1864, en particulier t. II, § 43, p. 7-14 ; ainsi que Frédéric Le Play, L’organisation du travail selon la coutume des ateliers et la loi du décalogue, Tours, A. Mame et Fils – Paris, Dentu, 1870, p. 142.
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[14]
Le patronage est, dans sa forme pure et originelle, de nature individuelle et personnelle, incarné par un « chef de famille qui tient groupées, sous son autorité, à leur complète satisfaction, plusieurs familles vouées à l’exploitation des arts usuels », Frédéric Le Play, article « patronage », « Les 300 mots constitutifs du langage propre à la science sociale », La méthode sociale [1879], rééd. avec une présentation d’A. Savoye, Paris, Méridiens Klincksieck, 1989, p. 467. Mais il peut aussi s’exercer selon des modalités plus collectives et complexes en fonction du degré de complication de la société. On le voit très bien dans les applications, parfois très sophistiquées, auxquelles a donné lieu la « coutume des ateliers » et ses six « pratiques essentielles », caractéristiques d’un patronage qui n’inclut nullement la corporation.
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[15]
F. Le Play, La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, Paris, Dentu, seconde édition revue et corrigée, 1866, t. 2, p. 48.
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[16]
Ibid., t. 2, p. 41.
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[17]
Ibid., t. 2, p. 55.
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[18]
Ibid., t. 2, p. 103.
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[19]
Voir Frédéric Le Play, La Constitution essentielle de l’humanité, Tours, A. Mame et Fils – Paris, Larcher Dentu, 1881, en particulier p. 277-282.
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[20]
Voir F. Le Play, L’Organisation du travail, op. cit., en particulier p. 410-411.
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[21]
Jules Duval, « La Réforme sociale en France de M. Le Play. Compte rendu », Journal des économistes, n° 135, mars 1865, p. 410-432.
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[22]
Léon XIII y déclare : « Il nous paraît opportun d’encourager les sociétés d’ouvriers et d’artisans qui, instituées sous le patronage de la religion, savent rendre tous leurs membres contents de leur sort ». Cité par Robert Talmy, Aux sources du catholicisme social. L’École de La Tour du Pin, Paris, Tournai, Desclée & C°, 1963, p. 213.
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[23]
Voir La Tour-du-Pin, Marquis de La Charce, Vers un ordre social chrétien. Jalons de route 1882-1907, Paris, Beauchesne, 1929 ; Henri Rollet, L’action sociale des catholiques en France, Paris, Boivin, 2 vol., 1947 et 1958 ; R. Talmy, Aux sources du catholicisme social., op. cit.
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[24]
Voir l’étude de Laetitia Guerlain dans ce même dossier.
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[25]
Xavier Roux, né en 1850, est un jeune publiciste, collaborateur de la revue Le Contemporain et de la Revue catholique des institutions et du droit, également rédacteur à la monarchiste Gazette de France. Parallèlement, il mène une carrière politique à l’échelon local ; en 1876, il est élu conseiller général des Hautes-Alpes, département dont il est originaire. Il est admis à la SIEPES dès 1874, ainsi qu’aux Unions de la paix sociale.
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[26]
Xavier Roux, Les Utopies et les réalités de la question sociale, Paris, Librairie Joseph Albanel, 1877. La préface de Le Play est datée du 1er février 1876.
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[27]
Ibid., p. 38.
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[28]
Sous le terme générique d’« association », Roux range diverses organisations : corporation – il parle, par exemple, de « l’admirable corporation des patrons pêcheurs » (Ibid., p. 76) –, association coopérative de production, chambre syndicale patronale ou ouvrière, syndicat mixte, syndicat ouvrier.
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[29]
Pour autant, Roux n’est pas un défenseur à tout crin du libéralisme et de son principe de laissez-faire. Ainsi, il critique les récents rapports parlementaires de Ducarre et Melun qui, face aux partisans d’un retour aux corporations, concluent en faveur de la liberté du travail, seule capable, selon eux, de résoudre la question ouvrière (Ibid., p. 147).