Couverture de ETSOC_155

Article de revue

Aux sources du budget domestique selon Le Play

Pages 11 à 46

Notes

  • [1]
    L'essentiel de la première partie des Ouvriers européens de 1855 est la méthodologie du budget (pp. 22-47 pour pp. 15-47).
  • [2]
    Cet article doit beaucoup à l'aide savante et critique d'Antoine Savoye, qu'il en soit ici amicalement remercié.
  • [3]
    Si l'on suit l'analyse des cours de Le Play aux Mines par Guy Thuillier, « Manuscrits inédits de Le Play : Économie et société dans la pensée de Le Play en 1844 », Revue administrative, 1962, n° 8-9, pp. 481-486.
  • [4]
    Date de la première édition des Ouvriers européens.
  • [5]
    OE2, t. I, livre Ier Les origines de la méthode d'après les faits observés de 1829 à 1879, chap. I : Les sociétés, la science sociale et la méthode, pp. 18 et suiv.
  • [6]
    OE2, t. III : Les ouvriers du Nord et leurs essaims de la Baltique et de la Manche. chap. III : Mineur du Hartz (Hanovre), §21 : Historique des études poursuivies par l'auteur, de 1829 à 1855, sur la constitution sociale du Hanovre ; influence exercée par ces études sur la conception et l'exécution du présent ouvrage », (pp. 147-152), p. 151.
  • [7]
    La deuxième édition des Ouvriers européens démontre qu'une monographie vit et peut être complétée, refaite ou revisitée. Ainsi, par exemple et bien plus tard, près de soixante ans après la première mouture, Edouard Julhiet (1870-1931) revoit celle du mineur du Hartz (Edouard Julhiet, « Le mineur du Hartz 50 années après Le Play », La Réforme sociale, n° 33, 1er janvier 1897, pp. 73-84).
  • [8]
    OE2, t. I, pp. 237-238.
  • [9]
    Notons que, dans l'édition des Ouvriers européens de 1877 (t. III, pp. 99-152, dont pp. 114124 pour le budget et les comptes annexés), il est indiqué comme dates de l'enquête 1829 et 1845, alors que, dans la première édition de 1855, seule l'année 1845 est précisée.
  • [10]
    Les deux hommes sont alors sur les terres de de Saint-Léger, dont, remarquons-le, on ne sait rien de sa contribution à l'élaboration de la méthode, et du budget première mouture.
  • [11]
    Voir Antoine Savoye, « Frédéric Le Play à la découverte de la société russe. L'expédition en Russie méridionale (1837) », Genèses, 31, 1998, pp. 119-137.
  • [12]
    « Admis à la Société d'économie sociale en 1859, ingénieur des Mines de Saint-Étienne. [...] Ingénieur à la verrerie de Folembray (Aisne) », Anthony Lorry, « Les monographies des Ouvriers européens (1855 et 1877-1879) et des Ouvriers des deux mondes (1857-1930). Inventaire et classification, notice biographique », Les Études sociales, n° 131-132, 2000, p. 158.
  • [13]
    Victor de Cheverry a également réalisé une monographie sur les communautés agricoles du Nivernais qui est discutée devant la Société d'économie sociale dans sa séance du 26 février 1865. Voir cette discussion, Bulletin de la Société internationale des études pratiques d'économie sociale, t. I : 1865-1866, pp. 90-111.
  • [14]
    Guy Thuillier, art. cité.
  • [15]
    Voir Frédéric Audren, Stéphane Bacciochi, Antoine Savoye, « Inventaire des correspondances de Le Play », Les Études sociales, n° 142-143-144 : Frédéric Le Play Anthologie et correspondance, II-2005-2006, pp. 231-47.
  • [16]
    Frédéric Le Play, La constitution essentielle de l'humanité, Tours, A. Marne, 1881, XVI-328 p., 2e éd. 1893 (préface identique à la 1re éd.) XVI-360 p. Aperçu préliminaire : « La découverte de la Constitution essentielle », lre partie : §1 « Comment l'auteur a cherché la Constitution essentielle pour guérir la souffrance de sa patrie », p. 2.
  • [17]
    Jérôme David, « La norme descriptive du budget dans les monographies leplaysiennes et les romans balzaciens », Les Études sociales, n° 138, II-2003, p. 80.
  • [18]
    Frédéric Le Play, La méthode sociale : abrégé des Ouvriers européens..., Tours, A. Mame, 1879, p. 224.
  • [19]
    Paul Lazarsfeld, Philosophie des sciences sociales, préface de Raymond Boudon : « À propos d'un livre imaginaire » (pp. 7-71), Paris, Gallimard, 1970, (509 p.), « Notes sur l'histoire de la quantification : sources, tendances, grands problèmes », (pp. 75-163) (d'abord paru dans Isis, vol. 52, n° 2, 1961, pp. 277-333), p. 133, note 1.
  • [20]
    Ian Hacking, The taming of chance, Cambridge, Cambridge university press, 1990, chap. sur Le Play, pp. 133-141.
  • [21]
    Lynn Mc Donald, The early origins of the social sciences, Montréal, McGill-Queen's University Press, 1993, pp. 315-316.
  • [22]
    OE2, t. I, p. 26.
  • [23]
    OE2, avant-propos, t. I, pp. VII-VIII.
  • [24]
    Voir sur cette avancée Henri Daudin, Études d'histoire des sciences naturelles. I. De Linné à Jussieu : méthodes de la classification et idée de série en botanique et en zoologie (1740-1790). II. Cuvier et Lamarck : les classes zoologiques et l'idée de série animale (1790-1830), Paris, Alcan, 1926, 3 vol. ainsi que le compte rendu de Lucien Febvre, « Un chapitre d'histoire de l'esprit humain. De Linné à Lamarck et à Georges Cuvier », Vivre l'histoire, R. Laffont-Armand Colin, coll. Bouquins, 2009, pp. 273-289 ; paru dans la Revue de synthèse historique, t. 43, 1927, n° 127-129, pp. 37-60.
  • [25]
    Sur le parallèle Balzac-Le Play lire Jérôme David, « La norme descriptive... », art. cité, pp. 73-95.
  • [26]
    Alors que l'on connaît désormais mieux sa scolarité grâce à Jérôme David et son intervention aux conférences complémentaires de l'ÉHESS, 16 décembre 2005 : « Formation de Le Play : institutions, savoirs, ethos savant » et son article, « Avez-vous lu Frédéric Le Play ? Note sur la genèse des Ouvriers européens », Revue d'histoire des sciences humaines [RSHS], Frédéric Audren (dir.), n° 15 : Naissances de la science sociale 1750-1850, 2006/2, pp. 89-102.
  • [27]
    Auguste Comte, Cours de philosophie positive [fin des années 1820], tome 1, leçons 1 à 45, Paris, Hermann, 1998, ici leçon 2, pp. 46-47, cité par J. David dans son article de la RSHS (2006).
  • [28]
    OE1, p. 22.
  • [29]
    L'un, à Ligoure dans les archives familiales Le Play, l'autre en Suisse, à la bibliothèque (voir M.Z. Brooke, Le Play. Engineer and Social Scientist. The Life and Word of Frédéric Le Play, Londres, Longman, 1970, XII-193 p. ; rééd. : New Brunswick (USA), Transaction Publishers, 1998).
  • [30]
    Catherine Bodard Silver (éd., trad. et intro.), Frédéric Le Play. On family, work, and social change, Chicago, coll. The héritage of sociology, University of Chicago Press, 1982, 340 p.
  • [31]
    Henri de Tourville, « La science sociale est-elle une science ? », La Science sociale, janv., fév., avril, déc. 1886.
  • [32]
    Alain Chenu (postface), « La famille-souche questions de méthode », dans Frédéric Le Play, Émile Cheysson, Bayard, Fernand Butel, Les Mélouga, une famille pyrénéenne au XIXe siècle, Paris, Nathan, 1994, p. 198.
  • [33]
    Georges Buisan, « Une lecture comptable des budgets de Le Play », Sociétés contemporaines, n° 26, 1997, p. 73.
  • [34]
    Georges Buisan, « Une lecture ethnographique de Le Play. La vie à Cauterets au XIXe siècle », Lavedan et pays Toy. Revue archéologique, historique et ethnographique de l'arrondissement d'Argelès-Gazost, Société d'études des sept vallées, t. VIII, n° spécial 17, 1985-1986, p. 58. Cet article, notamment, mesure le degré d'autarcie de la famille (50 % d'autoconsommation).
  • [35]
    Comme l'avançait Alain Cottereau dans une intervention à l'Institut national de la recherche agroalimentaire (Inra), 3 avril 2006 : « Redécouvrir les budgets leplaysiens : la pratique d'une théorie économique alternative », dans le cadre du séminaire « Les enquêtes sur les budgets de famille : un outil d'analyse sociale », CSU-Cnrs Corela-Inra, 2005-2006, sous la direction d'Anne Lhuissier et Martine Mespoulet.
  • [36]
    Christophe Joseph Alexandre Mathieu de Dombasle (1777-1843), Annales agricoles de Roville, ou Mélanges d'agriculture, d'économie rurale, et de législation agricole, Paris, Mme Huzard (et Treuttel et Wurtz), 8 vol., 1824-1832 et 1 vol. de suppléments, 1837 (quatre rééditions jusqu'en 1861). Sur la diffusion des acquis des expériences novatrices de gestion agricole : Yannick Lemarchand, « Savoirs et pratiques comptables de l'entreprise agricole expérimentale dans la France du XIXe siècle », communication à la 1re journée Histoire, entreprise et gestion « Comptabilité d'entreprises et histoire XIXe-XXe siècles. Objets, pratiques et enjeux », université Paris VIII, 17 juin 2011.
  • [37]
    Voir l'article de Céline Michaïlesco dans ce numéro.
  • [38]
    Cf. Jérôme David, « La description monographique », communication à la 2e journée du Réseau européen de recherche sur les monographies, Iresco, 14 mai 2002.
  • [39]
    OE1, p. 22.
  • [40]
    Publiée en français, John Burnett a livré une présentation synthétique des enquêtes sociales anglaises sur deux siècles, mais il ne considère que leurs apports à la connaissance de l'alimentation ouvrière, juge les budgets de famille comme allant de soi et donc ne pose pas la question des origines conceptuelles. John Burnett, « Les enquêtes sur l'alimentation et la mesure de la pauvreté (17901945) », dans J. Carré et J.-P. Revauger (dir.), Écrire la pauvreté. Les enquêta sociales britanniques aux XIXe et XXe siècles, Paris, L'Harmattan, 1995, pp. 145-170 et John Burnett, Plenty and want. A social history of food in England from 1815 to the present day, Londres, Rootledge, 1966, rééd. 1999.
  • [41]
    Oxford dictionary of national biography, Oxford, Oxford university press, vol. 15, 2004. David Davies, The case of labourers in husbandry stated and considered, in three parts : part. I : A view of the distressed condition, part. II : The principal causes of their growing distress and number, and of the consequent increase of the poor-rate, part. III : Means of relief proposed, with an Appendix containing a collection of accounts, showing the earnings and expenses of labouring families, in different parts of the Kingdom, Bath, G. G. and J. Robinson, 1795, 200 p. ; rééd. abrégée en 1828 (n'a pu être consulté).
  • [42]
    Frederik Morton Eden (sir), The state of the poor, or an History of the labouring classes in England, from the conquest to the present period, in which are particularly considered their domestic economy, with respect to diet, dress, fuel and habitation... together with parochial reports relative to the administration of work-houses and houses of industry, the state of friendly societies, and other public institutions, Londres, J. Davis, 1797, 3 vol.
  • [43]
    John Wade, History and political philosophy of the middle and working classes, with a popular exposition of the economical and political principes which bave influenced the... condition of the industrious orders, Londres, Effingham Wilson, 1833 ; 4e éd. aug. (et renouv.) : History and political philosophy of the middle and working classes, Édimbourg, W. and R. Chambers, 1842, en appendice, n° 12, p. 167.
  • [44]
    La Manchester Statistical Society fut fondée en 1833, un an avant la Statistical Society of London.
  • [45]
    William Neild, « Comparative statement of the income and expenditure of certain families of the working classes in Manchester and Dukinfield in the years 1836 and 1841 », s. 1. n. d., in-8°, 16 p. (extrait de Quaterly Journal of the Statistical Society of London, janv. 1842), p. 3.
  • [46]
    Après deux éditions en Angleterre et une en Belgique, il est réédité à Bruxelles en 1845 : Giovanni Arrivabene, Sur la condition des laboureurs et des ouvriers belges et sur quelques mesures pour l'améliorer, lettre adressée à M. le vicomte Biolley, sénateur, par J. Arrivabene, suivie d'une nouvelle édition de l'Enquête sur l'état des habitants de la commune de Gaesbeeck, augmentée de quelques notes, Bruxelles, Meline, Cans et Cie, 1845, in-8°, 75 p.
  • [47]
    Giovanni Arrivabene, De l'état des travailleurs dans la commune de Vira-Magadino, canton du Tessin, Suisse. Précédé d'un aperçu général du canton, Bruxelles, impr. d'Eugène Dubois, 1840, gr. in-8°, 52 p. (extrait de la Revue étrangère et française de législation et d'économie politique, septembre et octobre 1839), pp. 4-5.
  • [48]
    Giovanni Arrivabene, Sur la condition des laboureurs... op. cit., p. 43.
  • [49]
    Giovanni Arrivabene, Sur la condition des laboureurs... op. cit., p. 64, note 1 (de 1833).
  • [50]
    Giovanni Arrivabene, De l'état des travailleurs... op. cit.
  • [51]
    Oxford dictionary of national biography, Oxford, Oxford university press, vol. 51, 2004. Parmi ses publications, Alexander Somerville, A letter to the farmers of England on the relationship of manufacturées and agriculture, Londres, James Ridgway, 1843, 16 p. (n'a pu être consulté).
  • [52]
    Voir Hilde Rigaudias-Weiss, Les enquêtes ouvrières en France entre 1830 et 1848, Paris, PUF, 1936, 262 p. ; Michelle Perrot, Enquêtes sur la condition ouvrière en France au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1972, 104 p. et Francis Dernier, « Liste chronologique des enquêtes 1821-1860 », dans Louis René Villermé, Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, rééd. préfacée par Jean-Pierre Chaline et Francis Démier, Paris, Études et documentations internationales, 1989, pp. 77-79.
  • [53]
    Voir Antoine Savoye, Les débuts de la sociologie empirique, Paris, Méridiens Klincksieck, 1994, pp. 13-51.
  • [54]
    Louis René Villermé, Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Paris, Renouard, 1840, 2 vol.
  • [55]
    Eugène Buret, De la misère des classes laborieuses en Angleterre et en France : de la nature de la misère, de son existence, de ses effets, de ses causes et de l'insuffisance des remèdes qu'on lui a opposés jusqu'ici, avec les moyens propres à en affranchir les sociétés, Paris, Paulin, 1840, 2 vol. ; rééd. en fac-sim. : Paris, EDHIS, 1979, 2 vol.
  • [56]
    Villermé, optimiste pense que la société libérale est suffisamment forte pour prendre à bras le corps la question du paupérisme et la traiter sur son terrain, sans faire d'entorse à sa logique. Buret utilise le document social contre l'idéologie libérale [...]. » Francis Démier, « Le Tableau de Villermé et les enquêtes ouvrières du premier XIXe siècle », dans Louis René Villermé, Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, rééd. préfacée par Jean-Pierre Chaline et Francis Démier, Paris, Études et documentations internationales, 1989, p. 65.
  • [57]
    Le Magasin pittoresque, 1840, pp. 79-80.
  • [58]
    Promenades dans Londres, Paris, H.-L. Delloye, 1840, LIV-412 p. (rééd. la même année) ; Promenades dans Londres ou l'Aristocratie et les prolétaires anglais, éd. revue et augmentée, Paris, Raymond-Bocquet, 1842, in-18, LVI-250 p. ; rééd. de 1842 établie et commentée par François Bédarida. Paris, La Découverte, 2003, 358 p.
  • [59]
    Sur la généalogie de l'économie politique et les tenants de la crise qui éclate avec Comte dans les années 1820 et 1830, lire Philippe Steiner, « La science de l'économie politique et les sciences sociales en France 1750-1830 », Revue d'histoire des sciences humaines, 2006/2, pp. 15-42.
  • [60]
    Giovanna Procacci, Gouverner la misère. La question sociale en France en 1789-1848, Paris, Le Seuil, 1993, p. 163.
  • [61]
    Pierre Sébastien Bigot de Morogues, Alban de Villeneuve-Bargemont, Charles de Coux, Joseph-Marie de Gérando, dans des registres différents, en sont d'autres acteurs.
  • [62]
    Frédéric Le Play, La constitution essentielle de l'humanité, Tours, A. Mame, 1881, §2 « Comment l'auteur a été naturellement conduit à la méthode sociale », p. 6.
  • [63]
    Frédéric Le Play, Vues générales sur la statistique suivi d'un Aperçu d'une statistique générale de la France, Paris, Imprimerie de Bourgogne et Martinet, 1840, 15 p.
  • [64]
    Paul Lazarsfeld, op. cit., p. 98.
  • [65]
    La statistique représentant pour lui l'ensemble des connaissances que doit posséder un homme d'État » (Le Trésor de la langue française informatisé, art. statistique).
  • [66]
    Michel Verret, Chevilles ouvrières, Paris, Les Éditions de l'atelier-Les Éditions ouvrières, 1995, p. 32.
  • [67]
    Choix d'éloges français les plus estimés, Paris, D'Hautel, 1812, 260 p.
  • [68]
    Jacques Peuchet, Essai d'une statistique générale de la France, Paris, Testu, an IX (1800), 78 p. et Description topographique et statistique de la France par J. Peuchet,... et par P. G. Chanlaire, Paris, P. G. Chanlaire, Cabany et Courcier, 1807, 3 vol.
  • [69]
    Alexandre Jean Baptiste Parent-Duchâtelet, De la prostitution dans la ville de Paris, 1834, 2 vol.
  • [70]
    Édouard Ducpetiaux, De la condition physique et morale des jeunes ouvriers et des moyens de l'améliorer, Bruxelles, Méline, Cans, 1843, 2 vol. ; rééd. en fac-sim. Paris, Éditions d'histoire sociale, 1979, 2 vol. et Le paupérisme en Belgique, causes et remèdes, Bruxelles, A. Decq, 1844, 87 p. Il est surtout connu pour son enquête souhaité par le Congrès international de statistique en 1853 rassemblant 199 budgets dont 49 agricoles, matériaux qui servirent au travail de Ernst Engel (18211896), directeur du Bureau de statistique du royaume de Saxe : « Budgets économiques des classes ouvrières en Belgique : subsistances, salaires, population », Bulletin de la Commission centrale de Statistique, Bruxelles, M. Hayez, impr. de la Commission centrale de statistique, 1855. Dans cette publication qui suit immédiatement celle des Ouvriers européens, il présente des budgets économiques de familles choisies pour leur valeur représentative au niveau national et où sont pris en compte les opérations non monétisées.
  • [71]
    Invention de cette source par Antoine Savoye : Arch. dép. de Haute-Savoie, fonds Despine, 11J 437 (26 lettres de Le Play, 1839-1858).
  • [72]
    George Richardson Porter, « Correspondance Le Play-Porter » [1842-1848] éditée par Antoine Savoye, Les Etudes sociales, n° 119, 1990-1991, pp. 1-15.
  • [73]
    George Richardson Porter, The progress of the nation in its varions social and economical relations from the beginning of the nineteenth century, Londres, C. Knight, 1836-1838, 2 vol. (sections I et II : Population and production, 1836. sections III et IV : Interchange, and revenue and [public] expenditure, 1838) ; rééd. : Londres, Murray, 1851, XXVII-843 p. ; trad. fr. : Progrès de la GrandeBretagne sous le rapport de la population et de la production. Traduit de l'anglais de M. G.-R. Porter,... et accompagné de notes et tableaux présentant les progrès analogues pour la France par Ph. Chemin-Dupontès, précédé d'une préface par M. Michel Chevalier, Paris, C. Gosselin et Cie, 1837, LIX-388 p.
  • [74]
    Sur les tableaux et les filiations, voir Jérôme David, « Les « tableaux » des sciences sociales naissantes : comparatisme, statistique, littérature », RHSH, n° 5, 2001, pp. 37-59.
  • [75]
    Alexandre Moreau de Jonnès, Éléments de statistique : comprenant les principes généraux de cette science, et un aperçu historique de ses progrès, Paris, Guillaumin, 1re éd. 1847, 362 p. ; 2e éd. 1856, in-18, 464 p. (comprenant une bibliographie statistique des ouvrages alors parus en Europe).
  • [76]
    Antoine Savoye, Les débuts de la sociologie empirique, op. cit., p. 23.
  • [77]
    Autre éd. : Paris, Carilian-Goeury, 1832, 44 p.
  • [78]
    Ministère du Commerce et des Travaux publics [Frédéric Le Play], Compte rendu des travaux des ingénieurs de l'administration des Mines et statistiques de l'industrie minérale de la France, Paris, Imprimerie royale, 1834-1847, gr. in-fol. (puis Statistique de l'industrie minérale en France, en Algérie et dans les territoires de la France d'outre-mer).
  • [79]
    Eugène Lefébure de Fourcy, « Notice biographie de P. G. F. Le Play », Annales des Mines, juil.-août 1882, reproduite en tête de Albert Le Play, Voyages en Europe 1829-1854. Extraits de sa correspondance publiés par Albert Le Play (Paris, E. Plon, Nourrit et Cie, 1899, pp. 3-25), p. 10.
  • [80]
    Eugène Lefébure de Fourcy, art. cité, p. 12.
  • [81]
    Voir Ian Hacking (op. cit.), pour une belle mise en perspective de sa place dans le mouvement statisticien du siècle.
  • [82]
    Frédéric Le Play, Vues générales..., op. cit. et « Statistique », l'Encyclopédie nouvelle ou dictionnaire philosophique, scientifique, littéraire et industriel, offrant le tableau des connaissances humaines au dix-neuvième siècle par une société de savants et de littérateurs, sous la direction de Pierre Leroux et Jean Reynaud, Paris, Gosselin, (1835-1842, 8 vol.), vol. 8, 1842, pp. 275-283.
  • [83]
    Frédéric Le Play, « Soie », l'Encyclopédie nouvelle..., op. cit., vol. 8, 1842, pp. 215-220 ; repris de Recherches statistiques sur la production et l'élaboration de la soie en France, Paris, Imprimerie de Bourgogne et Martinet, 1839, 24 p.
  • [84]
    Frédéric Le Play, « Statistique », art. cité, p. 276.
  • [85]
    Le Play est le grand absent des ouvrages de Theodore M. Porter, The rise of statistical thinking 1820-1900, Princeton, Princeton university press, 1986, XII-333 p. et de Stephen M. Stigler, The history of statistics : the measurement of uncertainty before 1900, Cambridge (Mass.)-Londres, Harvard University Press, 1986, XVI-410 p.
  • [86]
    Émile Cheysson et Alfred Toqué, Les budgets comparés des cent monographies de familles, publiées d'après un cadre uniforme dans les Ouvriers européens et les Ouvriers des deux mondes, avec une introduction par É. Cheysson, en collaboration avec Alfred Toqué, Rome, impr. de Botta, 1re édition 1890, gr. in-8°, 157 p. (extrait du Bulletin de l'Institut international de statistique, t. V, 1890) ; rééd. en fac-sim. Paris-Genève, Slatkine, 1984, p. 37.
  • [87]
    Alain Chenu, op. cit., p. 219.
  • [88]
    Questionnaire établi par F. Le Play en 1850 pour Augustin Cochin, 5 ff., archives privées Cochin (reproduit en fin de dossier).
  • [89]
    Voir Fabien Cardoni, « Précis de la formation d'un ingénieur des Mines. Frédéric Le Play de 1806 à 1830 », dans Antoine Savoye et Fabien Cardoni (dir.), Frédéric Le Play, parcours, audience, héritage, Paris, Presses des Mines, 2007, pp. 13-41.
  • [90]
    OEl. p. 22.
  • [91]
    À propos des finances anglaises : Frédéric Le Play, La réforme sociale déduite de l'observation comparée des peuples européens, Paris, Plon, 1864, t. II, chap. VII : « La réforme du gouvernement central », pp. 350-353.
  • [92]
    Sur la naissance et la vie mouvementée de cette Sisyphe budgétaire qu'est la section, voir Fabien Cardoni, « La construction d'une architecture budgétaire formelle et l'orthodoxie financière au XIXe siècle », dans Philippe Bezès, Florence Descamps, Sébastien Kott et Lucile Tallineau (dir.), La mise en place du système financier public 1814-1914. Élaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXe siècle, Paris, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 2010, pp. 425-451.
  • [93]
    OEl. p. 22.
  • [94]
    Cf. Stéphane Bacciochi et Jérôme David, « IV. Ramifications épistémologiques. Décrire, définir, évaluer, comparer », Les Études sociales, n° 142-143-144 : Anthologie et correspondance, II-2005-2006, p. 88
  • [95]
    Yannick Lemarchand, « Partie double », dans Marie-Laure Legay (dir.), Dictionnaire historique de la comptabilité publique 1500-1850, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, pp. 305-308.
  • [96]
    Georges Buisan, « Une lecture comptable... », art. cité, p. 78.
  • [97]
    OE1. p. 12.
  • [98]
    Frédéric Le Play, La constitution de l'Angleterre, considérée dans ses rapports avec la loi de Dieu et les coutumes de la paix sociale, précédée d'aperçus sommaires sur la nature du sol et l'histoire de la race, Tours, A. Mame et fils, 1875, t. II, documents annexés, pièce VI, pp. 314-321 : « Le précis des budgets » (en francs).
  • [99]
    Frédéric Le Play, La constitution de l'Angleterre..., op. cit., t. II, p. 314 : « Dans ces comptes ne figurent point les recettes et les dépenses de plusieurs services publics. Tels sont notamment : les diocèses, les paroisses et les universités de l'Église établie, les services spéciaux aux paroisses, rurales ou urbaines, dépendant des comtés. »
  • [100]
    OE1, p. 31.
  • [101]
    Quelques exemples d'aberrations : comment évaluer, en francs de surcroît, les corvées exécutées à titre d'impôt seigneurial par les paysans des steppes d'Orenbourg (OE1, pp. 58-68) ? Que pensez de cette mère qui travaille 382 journées par an (« Tisseur d'usine de Saint-Quentin... », Ouvriers des deux mondes, Paris, Société d'économie sociale, 3e série, t. III, 1910, pp. 77-109) ? Et des erreur d'interprétations, comme celle relevée par Alfons Reuss dans sa revisite de la monographie du mineur du Hartz, concernant les dépenses de boisson dans la vie sociale de l'individu, qui loin d'être un ivrogne est un politicien de brasserie.
« On peut donc appliquer aux existences modestes qu'ils s'agissait de décrire, l'axiome que plusieurs économistes ont énoncé d'une manière plus générale, en remarquant qu'un budget bien établi renferme implicitement la plus exacte appréciation de la richesse, de la puissance et du génie particulier de chaque nation »
Frédéric Le Play, Les ouvriers européens, Paris, Imprimerie impériale, 1855, (gr. in-8°, 301 p. [désormais OE1]), p. 22.
« [...] pour avoir la connaissance complète d'une famille, il suffit de constater dans tous ses détails ce qu'elle produit et ce quelle consomme. On est initié par cette étude, non pas seulement à la vie matérielle, mais encore à la vie intellectuelle et morale. Comme le démontrent les monographies des Ouvriers européens,il n'est guère, dans l'existence de l'ouvrier, un sentiment ou un acte digne de mention qui n'ait sa trace marquée dans le budget des recettes ou dans celui des dépenses. [...] La méthode des monographies de familles fut créée dès que j'en eus coordonné les détails dans un budget. »
Frédéric Le Play, Les ouvriers européens, nouv. éd. : Tours, A. Mame et fils, (1877-1879, 6 vol. [désormais OE2]), t I. : La méthode d'observation..., p. 237.

1 Si l'on considère que le budget est au cœur des monographies selon le modèle qu'en a établi Frédéric Le Play car il en constitue à la fois la méthode et le résultat [1] et que, par ailleurs, les monographies sont l'élément premier de la science sociale telle que l'a définie Le Play, si enfin on admet que la redécouverte de cette même science sociale autorise aujourd'hui à reconsidérer l'histoire de la sociologie et le travail des sociologues – rien que cela – alors on s'accordera à dire que l'objet budget mérite une attention toute particulière. Il le mérite pour d'autres raisons. D'abord, l'œuvre de Le Play et son école n'occupe encore qu'une place marginale ou inadaptée dans les histoires de la sociologie et de la statistique, majoritairement le fait de sociologues. Ensuite, les chercheurs qui se sont penchés sur les budgets des monographies les ont plus volontiers réutilisés, en les critiquant souvent, en fonction de leurs recherches propres (alimentation, épargne, salariat, exploitation agricole, habitudes vestimentaires...). Rares sont ceux qui ont posé la double question du pourquoi des budgets. C'est-à-dire à la fois du pourquoi de la genèse de cette idée-méthode et du pourquoi faire in fine au XIXe siècle.

2 Sans pouvoir, faute de sources, ouvrir la boîte noire de la science sociale, comme le dirait Bruno Latour, ou suivre tous les détours de la recherche et toutes les filiations scientifiques, comme l'ont fait Paul Lazarsfeld et Ian Hacking, nous proposons de révéler les enjeux sous-jacents de cette genèse et ainsi les fondations de ce qui sera la méthode monographique leplaysienne [2]. Notre intérêt se porte donc uniquement sur la période antérieure à la formalisation technique de la méthode des monographies de famille, que l'on peut dater de 1845 au plus tôt [3], 1855 au plus tard [4] : la préhistoire de la science sociale leplaysienne en somme. Notre monographie trouve, elle, son point de départ dans le premier voyage « exploratoire » de Le Play, en Allemagne en 1829.

3 Analysant, dans une perspective historienne, le budget domestique à la fois comme une construction datée et une grille de lecture d'une époque, cet article a pour but de produire une pondération entre les diverses explications de cette innovation, données jusqu'alors, et de présenter une hypothèse additionnelle sur son origine, ou plutôt sa perméabilité. Afin de réaliser cette micro-histoire intellectuelle, nous avons choisi de scruter les déclarations de Le Play qui concernent l'élaboration du cœur de sa méthode, à savoir le budget. Sa formation, ses voyages, sa profession et ses expériences professionnelles viennent ensuite compléter l'éventail des influences avouées ou sues. La prégnance de la question sociale dans les années 1830 et 1840 et la diversité (des méthodes et des points de vue) des tentatives de réponse définissent l'ambiance. Enfin, l'ambition de Le Play (1806-1882) d'être un économiste statisticien pertinent explique les conditions de la possibilité de ce budget domestique inédit, dans un espace-temps qui est aussi, en parallèle, celui de la construction d'un budget de l'État moderne.

Les influences avouées

4 La genèse du budget comme instrument clé des enquêtes, elles-mêmes pierres d'angulaire de sa science sociale, est relatée par Le Play bien postérieurement à son invention, à trois reprises dans l'édition des Ouvriers européens de 18771879 : dans l'introduction et dans l'explication de la méthode d'observation du tome I (qui date de 1879), ainsi qu'en annexe de la monographie du mineur du Hartz, ce texte datant de 1877 ou peu avant. Cependant, sans être complémentaires ni formellement contradictoires, ces morceaux autobiographiques offrent peu d'éléments de réponse précis. En filigrane et en creux, il est néanmoins possible de délimiter plus finement les années décisives pour l'émergence de son idée du budget domestique et ainsi de tenter d'en déceler les influences les plus contemporaines.

La chronologie embrouillée de l'auteur

5 Selon Le Play lui-même, ce serait dès l'enfance qu'il aurait pris conscience de l'importance des ressources non monétaires dans l'économie d'une famille ouvrière. Il l'explique, en 1879, dans un paragraphe intitulé : « Comment l'auteur avait été préparé, à son insu, avant 1829, à l'étude spéciale de la science sociale [5] :

6 « Pendant l'hiver suivant [1810-1811] qui fut rigoureux, la récolte du combustible devint pour le ménage, comme pour mon développement physique, une utile ressource ; et ma bonne mère récompensait mon zèle en m'aidant à lire un gros livre qui m'intéressait beaucoup. J'acquis ainsi, en ce qui touche l'importance des productions spontanées que récoltent les familles pauvres, une conviction qui m'est toujours restée présente à l'esprit ; et lorsqu'en 1829, je traçai au Hartz (III, iii, 21), le premier budget domestique, je plaçai dans le cadre tant de fois remanié depuis lors, ces sortes de recettes à la place qu'elles occupent encore aujourd'hui, sous le nom de "subventions". »

7 Le fait qu'il situe cette révélation à l'âge de 4-5 ans la rend peu crédible. Mais, ici, Le Play laisse entendre qu'il a réalisé son premier budget domestique en 1829 dans le Hartz. Si les subventions sont aisément décelables en observant les modes de vie, l'idée d'un budget, d'un double tableau en numéraires convertis, était-elle dès cette époque dans son esprit ? On peut en douter car d'autres passages de ses œuvres laissent eux entendre que plusieurs années de tâtonnement ainsi que des allers-retours sur les lieux monographiés, sans doute pour compléter les données budgétaires et les classer rigoureusement plus tardivement, furent nécessaires. En 1879, Le Play écrit une reconstruction égotiste, confirmée par les passages autobiographiques du texte de sa dernière œuvre, La constitution essentielle de l'humanité, parue en 1881.

8 Plus loin, toujours dans l'édition des Ouvriers européens de 1877-1879, à nouveau en lien avec la monographie du Hartz car au sein d'un développement sur l'influence de cette monographie sur la méthodologie qu'il adopta ensuite, le temps de latence paraît plus long et surtout la mise au point du budget postérieure. Le récit n'est guère plus explicite sur sa naissance.

9 « Dès juillet 1848, l'Auteur [Le Play] entreprit une nouvelle révision de l'Europe, avec le concours des amis dont le nom figure, avec le sien, en tête des monographies. Il vérifia et compléta les faits recueillis depuis 1829. Enfin il perfectionna sans relâche le premier cadre improvisé en 1848 pour le mineur du Hartz [souligné par nous] ; et il atteignit ce but par un procédé aussi sûr que celui qui avait présidé à la réunion des faits : il recommença, à vingt reprises, l'édition manuscrite des monographies, jusqu'à ce que l'expérience eût démontré, pendant trois années, que les nouveaux faits recueillis trouvaient naturellement leur place dans le cadre de la dernière édition. Cette démonstration n'a paru décisive à l'Auteur que depuis le milieu de l'année [6]. »

10 Ainsi le budget aurait-il été perfectionné jusqu'à la veille de la première édition des Ouvriers européens en 1855, laquelle aurait nécessité de reprendre les observations les plus anciennes, à commencer par celles de 1829 dans le Hartz [7].

11 Un troisième morceau autobiographique confirme l'empirisme de la présentation mais également l'importance déterminante du budget dans les monographies ainsi que son caractère abscons aux yeux des lecteurs pressés.

12 « La méthode des monographies de familles fut créée dès que j'en eus coordonné les détails dans un budget. Je le composai de deux tableaux placés en regard l'un de l'autre ; et j'en assurai le contrôle par la balance établie entre les deux totaux des recettes et des dépenses annuelles. Ainsi résumées dans le budget domestique des familles observées, les monographies pouvaient, à la rigueur, fournir les éléments fondamentaux de la science sociale au lecteur qui a le loisir de les tirer lui-même des chiffres par des méditations soutenues. Toutefois, l'expérience m'a suggéré peu à peu certaines modifications qui rendent les monographies plus claires, plus simples et plus complètes pour la majorité des lecteurs. Pour atteindre à ce but, [...] j'ai ajouté deux textes au budget ; enfin, j'en ai séparé deux séries de chiffres, qui deviennent plus utiles en figurant comme annexes [8]. »

13 Entre 1829 et 1854, dates extrêmes livrées par Le Play, la genèse des budgets fut-elle si longue ? Il est possible d'en préciser la chronologie.

14 Tout d'abord, Le Play reconnaît, dans les Ouvriers européens de 1855, dix ans de tâtonnement pour trouver sa méthode définitive qu'il ne va, par la suite, que peaufiner. Cette décennie correspond à la période allant de 1829 (enquête sur le mineur du Hartz [9] à 1839 (enquête sur le journalier agriculteur du Morvan, avec son ami Albert de Saint-Léger (1801-1890) [10]). Selon ses dires, sa méthodologie est alors (1839) aboutie, incluant la réalisation des budgets. Mais, tout ceci ne livre pas la date d'établissement du premier budget, ni l'année durant laquelle les chiffres par semaine puis annuels ont été arrêtés.

15 Par ailleurs, les dates d'enquête qui figurent en tête des monographies publiées, laissent-elles entendre que Le Play est en possession, dès ces époques, du cadre budgétaire dans lequel il va faire entrer les données recueillies ? Dans ce cas, et si on laisse de côté le cas du mineur du Hartz, ce cadre pourrait remonter à 1833, année où les faits relatifs au mineur émigrant de la Galice ont été relevés. Dans le cas contraire, Le Play, lors de sa première mission d'exploration géologique et de recherche sur l'industrie métallurgique espagnole en 1833, n'aurait fait que relever des éléments de l'économie domestique qui, plus tard complétés (1848), auraient permis de réaliser une monographie selon le modèle désormais mis au point.

16 On sait que Le Play, à partir de 1833, voyage chaque année (1834 : second voyage dans la péninsule ibérique ; 1835 : Belgique ; 1836 : Angleterre ; 1837 : Russie ; 1838 : Sud de la France et Italie, etc.). Le voyage en Angleterre lui fournit la matière (et sans doute la littérature voir infra) nécessaire à la conceptualisation d'une approche budgétaire. En 1837 (puis en 1844 dans l'Oural), il rencontre des populations qui ne connaissent pas de budget/argent, d'où probablement un reformatage de la matrice qui, au reste, est probablement à peine ébauchée [11].

17 L'énigme de la datation du premier cadre budgétaire fixe s'obscurcit lorsqu'on constate que la première monographie pour laquelle il ne figure qu'une seule année déclarée d'enquête remonte à 1842. Elle est réalisée en l'occurrence par un autre que Le Play mais sur ses instructions. La monographie sur le fondeur au bois du Nivernais est ainsi l'œuvre de Henri Malinvaud, né en 1814 à Limoges, collaborateur de Le Play en Russie en 1837 comme en 1844 [12]. La méthode budgétaire est-elle alors au point et ce budget de la famille du fondeur a-t-il été réalisé dès la première visite ? C'est possible, bien qu'un peu surprenant qu'il ne soit pas de Le Play lui-même. Quoiqu'il en soit ce premier budget n'était sans doute pas fiable, car comme l'étude sur le mineur de la Galice, cette monographie sur le Nivernais n'est reprise, par V. de Cheverry [13] que sous la forme d'un précis dans l'édition de 1877, c'est-à-dire que le budget y est simplifié, tandis que le texte qui l'accompagne est, en revanche, quasi-identique à celui de 1855 (Précis d'une monographie ayant pour objet le fondeur (au bois) du Nivernais, OE2, t. V, pp. 304-322).

18 Enfin, si l'on croit à la fois les dates des monographies et que la deuxième date d'observation a sans doute servi à établir le budget, les budgets réalisés par Le Play avec une seule date remontent à 1844 (avec les monographies du forgeron et charbonnier des usines de fer de l'Oural et le charpentier et marchands de grains des laveries d'or de l'Oural, toutes les deux en collaboration).

19 La séquence 1829-1844 suppose déjà de nombreux tâtonnements et ajustements à la situation des enquêtes, et en relation avec l'avancée des études sur les questions sociales. Le segment 1837 (Russie)-1842 (Nivernais) paraît le plus crédible pour la mise au point final des budgets, notamment avec l'intégration à leur bonne place des subventions pressenties dès l'enfance, confirmées par les voyages en Europe et sans doute définitivement intégrées, intellectuellement si ce n'est budgétairement, dès le premier voyage en Russie de 1837.

20 Au chapitre des questions restées sans réponse, mentionnons : sa mère aux modestes revenus tenait-elle un cahier des recettes et dépenses ? Les contemporains, les enquêteurs et les enquêtés utilisent-il déjà des budgets écrits pour leur propre famille, à commencer par Le Play qui fonde une famille par son mariage avec Augustine Fouache en décembre 1837 ? Les manuscrits des cours de Le Play à l'école des Mines (à partir de 1841-1842), s'ils nous informent notamment sur l'affirmation précoce de la proximité souhaitée entre métallurgie et observations sociales [14] n'aident en rien à saisir la formalisation du cadre budgétaire. De même, les éléments de correspondance conservés pour ces années-là sont peu loquaces sur le sujet. Il n'en dit rien à ses proches (sa mère, sa femme) pas plus qu'à son maître Jean-Baptiste Dumas ou son camarade Michel Chevalier, ni à son mentor administratif et politique, Victor Legrand [15]. On ne dispose d'aucun brouillon ou version préparatoire antérieurs aux tableaux des Ouvriers européens. Sinon une pièce exceptionnelle issue des archives privées Cochin : le questionnaire (1850) destiné à la deuxième vague des enquêteurs des Ouvriers européens que nous reproduisons dans ce numéro.

21 La première version connue est donc celle imprimée : ces tableaux des budgets si importants, qui conditionnent, dit-on, le format d'un (très) grand in-8° (voir infra sur la statistique de l'époque). Plutôt que de traquer les contradictions de Le Play, qui ne manquent pas dans son œuvre, et de rechercher la date exacte d'une innovation longue à mûrir et à être formalisée définitivement, il convient de s'interroger sur les conditions du possible d'une telle découverte ou sur les probables imaginaires, comme disent les mathématiciens. Afin d'expliquer la création, entre 1837 et 1842 donc, des budgets de famille selon Le Play, les chercheurs ont mis l'accent tantôt sur sa formation d'ingénieur chimiste et métallurgiste, tantôt sur ses fonctions de gestionnaire des domaines d'Anatole Démidoff. En somme, sur sa connaissance de la classification des éléments naturels et des équations de chimie et sur celle de la comptabilité des entreprises.

Les expériences de chimie et l'observation des plantes

22 Certes, l'extrême précision, la possibilité de vérifier les chiffres avancés et l'abstraction du réel dans les budgets leplaysiens évoquent l'esprit des sciences naturelles. Il faut néanmoins revoir l'analogie facile entre la nomenclature sociale de Le Play et la nomenclature chimique. L'influence de sa connaissance de la chimie sur la naissance de ses budgets de famille est plus indirecte.

23 Dans son dernier texte, de son vivant, Le Play évoque rapidement la satisfaction que lui procura, durant sa scolarité aux Mines, la lecture d'AntoineLaurent de Lavoisier [16], vers 1820. Il parle ici du Lavoisier chimiste académicien. De ses études (dans l'ordre chronologique Le Play étudie la chimie, les minéraux et la houille en particulier dans ses utilisations chimiques, industrielles et commerciales, puis les familles en Europe), Le Play a sans doute retenu, comme l'écrit Jérôme David, « deux présupposés : la structure mathématique du réel et le principe de conservation. En d'autres termes, rien ne se perd, rien ne se gagne, et tout échange peut se chiffrer [17]. » L'équilibre, budgétairement recherché ensuite, s'inspire des expériences chimiques : « Une espèce minérale est connue quand l'analyse a isolé chacun des éléments qui entrent dans sa composition, et quand on a vérifié que le poids de tous ces éléments équivaut exactement à celui du minéral analysé. Une vérification numérique du même genre est toujours à la disposition du savant qui analyse méthodiquement l'existence de l'unité sociale constituée par une famille [18]. »

24 Ainsi énoncée, il est compréhensible que Paul de Rousiers reprenne, en 1904, cette analogie explicitée avec la minéralogie et la chimie. Pour Paul Lazarsfeld, « cette manie » de la classification des faits au sein des monographies « résulte de toute évidence de ses travaux de métallurgie et n'est pas sans rappeler le rôle qu'il a joué dans les expositions internationales » [19]. Ici, le raccourci est un peu court, et, en outre la classification est déjà au point avant son activité au sein des expositions universelles (1855 et 1849 pour l'exposition non universelle de Paris). Plus récemment, Ian Hacking réaffirme l'influence de l'étude des minéraux dans un riche chapitre intitulé « The mineralogic conception of society » [20].

25 Cependant, si l'habitude des équations de chimie, équilibrée donc, apparaît pertinente pour expliquer le schéma arithmétique d'équilibre d'ensemble, à la réflexion, le lien est ténu car la notion d'équilibre à montrer (budget de famille) ou à découvrir (éléments chimiques) est présente dans nombre de domaines scientifiques et en particulier dans les études d'économie statistique (importations-exportations, production-consommation) que Le Play a très sérieusement pratiquées (voir infra). Parallèlement, ni le fait d'être ingénieur, ni la manipulation des éléments naturels ne sont suffisants pour déterminer une approche scientifico-sociale, comme le montrent les parcours de Herbert Spencer, Auguste Comte ou encore Adolphe Quételet qui étudie la sculpture puis l'astronomie avant de s'intéresser aux sciences naturelles et aux questions sociales. Le lien minéraux-sociétés n'est pas donné, comme le souligne Lynn McDonald [21].

26 L'observation des plantes, de concert avec celle des éléments chimiques, mène-t-elle plus « naturellement » à une classification des familles d'Europe ? D'abord, Le Play a lu vers 1820 Linné car il s'intéressait à la botanique, affirme-t-il [22]. A posteriori, Le Play évalue l'apport méthodologique conjoint de ces deux disciplines à son cheminement intellectuel : « Pour retrouver le secret des gouvernements qui procurent aux hommes le bonheur fondé sur la paix, j'ai appliqué à l'observation des sociétés humaines des règles analogues à celles qui avaient dressé mon esprit à l'étude des minéraux et des plantes. J'ai construit un mécanisme scientifique [...] [23]. » Le rapprochement entre les cadres intellectuels et cognitifs des sciences naturelles et de la chimie expérimentale de l'époque, explique donc, au mieux, la maturation de la classification des familles, et pas forcément l'idée de budget.

27 Par ailleurs, l'influence des progrès en zoologie, pourtant décisifs depuis le début du siècle, n'est pas évoquée. Le Play a-t-il lu Lamarck et surtout Cuvier, qui classe les espèces selon des invariants de leur anatomie interne [24] ? Or ce nouveau de type de classification est plus proche de la classification des familles que de celles des plantes et des minéraux. Il est plus facile de subodorer l'influence de la taxinomie de la zoologie sur Le Play, à l'instar notamment de son contemporain Balzac [25].

28 Plus décisive enfin est sans doute sa formation globale d'ingénieur. De l'influence durable de ses professeurs (à Polytechnique comme aux Mines), on ne sait rien ou presque [26]. En ce qui concerne ses influences intellectuelles et notamment celle des saint-simoniens, on hésite encore à le ranger, aussi nettement que pour certains de ses camarades, dans le camp des positivistes, malgré sa participation notable au projet de L'Encyclopédie nouvelle... (voir infra sur la statistique). Il partage néanmoins avec Auguste Comte la radicalité de sa rupture avec les canons d'une économie politique en crise et en décomposition, se scindant bientôt en économie, statistique et démographie. Le Play appartient à une espèce nouvelle du XIXe siècle : l'ingénieur qui, d'après Comte, est voué à organiser les relations de la théorie et de la pratique [27].

29 En définitive, faire référence à sa seule bio-chronologie, comme Le Play y invite, bloque la compréhension des ressorts et motivations profonds. Malgré les nombreuses pages où Le Play aime se confier sur l'élaboration de sa méthode, tant sur les repères chronologiques que sur les influences de sa formation pluridisciplinaire, les inspirations demeurent floues, ou plutôt résolument enchevêtrées et plus ou moins volontairement combinées.

Le Play comptable d'entreprise

30 Dans une comparaison osée, Le Play laisse entrevoir un autre aspect de l'infusion des savoirs : « Cette vérification [comptable grâce au budget domestique], également applicable aux quantités et aux valeurs des objets produits ou consommés, offre les mêmes garanties d'exactitude qui se rencontrent dans la comptabilité en partie double et dans les calculs de chimie analytique [28]. » Dans sa formulation, Le Play laisse entendre que les deux influences ont pu être simultanées même si identifiées a posteriori. En effet, son engagement auprès du propriétaire terrien, de mines et d'usines métallurgiques Démidoff lui permet de perfectionner cette comptabilité d'entreprise. Il existe deux exemplaires, sans doute identiques [29], de cette comptabilité – établie selon un cadre conçu par Le Play vers 1850 – de l'exploitation métallurgique d'Oural. Plus que des comptes d'exploitation, il s'agit de comptes de gestion qui prennent en considération les coûts de production, de transport, d'extraction et de main-d'œuvre dans une recherche constante de l'optimum. Auparavant, il évaluait déjà des prix de revient, des coûts, des rendements (de comptabilité industrielle pour des exploitations minéralurgiques et métallurgiques) notamment dans ses articles parus dans les Annales des Mines. Cette connaissance des diverses pratiques comptables augure-t-elle le budget de famille ?

31 Si Catherine Bodard-Silver [30], par exemple, ne tranche pas entre les influences chimistes et comptables, plusieurs autres lecteurs de Le Play, forts de leur connaissance de sa biographie et de ses autobiographies, ont privilégié son rôle de comptable averti et converti à la question sociale. Ainsi, son détracteur, Henri de Tourville, pense, après le décès de Frédéric, que c'est le Le Play comptable qui a engendré les budgets domestiques [31]. Cette interprétation est partagée par Alain Chenu qui privilégie également une inspiration comptable [32], s'appuyant sur les travaux antérieurs de Georges Buisan. Pour ce dernier, l'affaire est entendue, il s'agit de comptabilité analytique d'entreprise des plus modernes : « La cohérence, il [Le Play] l'a trouvée par l'application de règles comptables strictes qui permettaient de présenter des tableaux synoptiques, de faire des recoupements et des contrôles, et enfin de dégager des soldes significatifs. Le comptable d'aujourd'hui a encore la même démarche [33]. » Plus exactement, pour Georges Buisan, il s'agit d'un système doublement mixte entre d'une part comptabilités en partie simple et en partie double, et d'autre part comptes domestiques et industriels. Auparavant, il écrivait : « C'est plus un compte général d'exploitation ou compte de résultats qu'un budget, car en plus des mouvements d'argent, il tient compte des consommations internes [34]. »

32 D'une part, les résultats de Georges Buisan restent d'une portée limitée car il n'observe que le budget des Mélouga. D'autre part, son analyse de la comptabilité des monographies est anachronique. La lecture de cet auteur montre au contraire l'irréductibilité des budgets leplaysiens à une comptabilité marchande ou en partie double. Ainsi, les comptes annexés des budgets des monographies sont bien des « comptes des industries » de la famille, les budgets leplaysiens restent en partie simple, et non en partie double comme pour les entreprises et notamment celle dont il s'occupe. En outre, alors qu'il le fait avec appétence pour l'entreprise Démidoff, Le Play n'exploite pas les données recueillies et ordonnées dans les budgets des monographies. Il réalise ainsi, également, dans ses budgets une sorte de comptabilité matière, car il s'agit souvent de familles/industries de transformation, mais il ne pousse pas cependant jusqu'à établir des bilan des stocks ou des flux (en quantité) car tout est converti en valeurs. De même, le détail du temps consacré à chaque tâche dans une année n'engendre pas de calcul de productivité. L'amortissement est inexistant, même si l'épargne, non pré-affectée et quand elle existe, peut en tenir lieu, et le renouvellement des outils de production n'est chiffré qu'en raison du temps passé à les réparer ou en achat à neuf. Enfin, si les Ouvriers européens de 1855 par leur format imposant peuvent évoquer les livres de comptes des grandes compagnies [35], il s'agit alors de bilans financiers des flux et reste plus proche du journal que du grand livre. Le caractère hybride des budgets des monographies est manifeste.

33 Si Le Play connaît la comptabilité des entreprises industrielles, a-t-il également en tête les Annales agricoles de Roville... [36], qui, depuis 1824 et jusqu'en 1837, dressent une comptabilité commerciale la plus poussée possible à cette époque (voir la présentation de cette comptabilité, t. I, p. 116-126) pour une exploitation agricole (avec des tableaux rétrospectifs commentés, calculs de productivité, de production moyenne à l'hectare, de prix de revient, de coûts moyens, des consommations internes et intermédiaires) ? Impossible de l'affirmer, mais il est beaucoup plus évident que Le Play aménage ses outils (budgétaires) en fonction de son objet. Ainsi, dans le cadre de ses fonctions lors de différentes expositions universelles (1855, 1861-1862, 1865-1867), Le Play utilisera à la fois son expertise dans les budgets (marchands et industriels) et l'exemple du budget de l'État [37]. En outre, lors de l'enquête qu'il mène en Belgique et en Angleterre sur la question de la libéralisation de la boulangerie en 1858-1860, il se penche, en comptable des activités économiques, sur le budget des industries boulangères et le prix du pain mis en relation avec sa qualité nutritive et le goût local.

34 Le Play est un comptable qui compte, car il innove et perfectionne les méthodes de son temps, que ce soit en matière de budget d'industries, d'exposition universelle ou encore d'enquête économique. Scientifique de laboratoire, professeur dans un établissement public de renom, en responsabilité administrative au sein de la Statistique minérale et au cœur de l'activité scientifique via son rôle aux Annales des Mines, enquêteur de terrain et gestionnaire à distance d'usines prototypes, Le Play est bien, dans les années 1830, un ingénieur poly-technicien, à la croisée des mondes savants et productifs. Cette position, qui n'est pas unique mais rare avec une telle intensité de travail, offre une vision plurielle propice à l'innovation technique et conceptuelle.

35 En conséquence, nous pressentons que la forme des budgets domestiques de Le Play est nouvelle et idoine, et dépend moins de ses antécédents scolaires et professionnels que des études contemporaines sur la question sociale et des buts qu'il se propose d'atteindre. En effet, ce n'est pas seulement car Le Play est un fin connaisseur de la métallurgie européenne ou un ambitieux directeur d'usine qu'il a développé sa science sociale. C'est plus volontiers en raison du fait qu'à l'instar de nombre de ses contemporains, il revendique d'être un réformateur social, en somme un économiste et un statisticien de son temps. Son travail (empirique) sur le budget domestique est donc à replacer dans le double cadre des histoires de l'enquête sociale (et des budgets de famille) et de l'économie politique, qui se rejoignent alors, les deux cherchant à répondre à la « question sociale », nouvel objet d'études.

La découverte du social

36 Tout d'abord, Le Play n'est qu'en partie conditionné par l'ambiance scientifique et les modes intellectuelles de son temps. Ainsi, il rejette, pour son appréhension du social, les modèles contemporains que sont le tableau utilisé depuis l'âge classique, les promenades littéraires mais sur le terrain (Flora Tristan et ses Promenades dans Londres, George Sand et son Compagnon du tour de France...), la monographie historique, le voyage d'étude, la topographie médicale des pathologies sociales et les seules enquêtes orales [38]. À l'encontre du sentiment, que l'on retire à sa lecture, que l'histoire de Le Play était écrite d'avance, il convient de restituer le champ des possibles des années créatrices de son budget des familles.

37 En 1855, Le Play affirme qu'« il n'est pas nécessaire de discuter longuement a priori la convenance de cette méthode [budgétaire] [39] », sous-entendant qu'elle est alors largement intégrée et comprise. Or l'idée de budgets domestiques quinze ans auparavant n'était pas évidente. En outre, Le Play ne détaille pas les deux types de précédent (et de sources d'inspiration probables) du budget domestique que l'on trouve, d'un côté, chez quelques précurseurs anglais et italien plus ou moins isolés dans leur démarche et leurs méthodes, et, de l'autre, au sein de diverses expériences d'enquêtes sociales commanditées par les académies savantes et l'État.

Les approches des finances domestiques en Grande-Bretagne et en France

38 Les Anglais ont tôt été les initiateurs d'un examen financier des comptes des foyers de leur pays. Il faut simplement rappeler l'œuvre de William Petty (1623-1687) tant sur les budgets domestiques que sur l'estimation d'un revenu national (Political Arithmetick, 1676), puis celle de Gregory King (1648-1712) qui a calculé les revenus des ménages par catégorie sociale pour 1688-1698. Postérieurs à ces pré-statisticiens, auxquels il faut adjoindre Vauban (1633-1707) en France, et dans un registre différent de la préhistoire de la comptabilité nationale, deux auteurs de la décennie 1790 ont réalisé les premières enquêtes à objet social (en relation avec la loi de 1795 sur le minimum vital accordé aux pauvres, dite Speenhamland) avec des corpus conséquents [40]. D'une part, le révérend David Davies (1742-1819) s'intéresse aux revenus et dépenses des agriculteurs pauvres parmi ses paroissiens à Barkham (Berkshire) [41] mais aussi dans le reste du Royaume-Uni, soit 119 budgets recueillis entre 1787 et 1793. Il conclut à la nécessaire indexation des salaires sur le prix du pain et à la fixation d'un salaire minimal par type de travail. D'autre part, sir Frederik Morton Eden (1766-1809), directeur d'une compagnie d'assurance et disciple d'Adam Smith, mène à ses frais une vaste enquête en 1794-1795. Ce philanthrope noble est un des pionniers des enquêtes par questionnaires auprès d'autorités sociales, comme les définira Le Play, et complétées par des observations de terrain. Il reconstitue 32 budgets de 65 familles puis établit des moyennes [42]. Ses budgets ne sont pas comparables ni même tabulés.

39 Immédiatement contemporains de Le Play, trois auteurs, là encore dans des registres différents, ont marqué la généalogie de l'étude des budgets domestiques. Tout d'abord, John Wade (1788-1875), journaliste radical tenant d'une certaine économie politique anglaise, produit un travail tout en généralisation et en imprécision, qui rend compte d'une situation sociale qui se dégrade. Il faut ici retenir sa tentative d'une série longue (données en 1762, 1796 (chiffres d'Eden), 1801, 1831 et 1833) du budget d'une famille agricole (abstraite), par semaine et parfois par an, avec des chiffres incomparables et sans examiner les dépenses de loyer, de vêtements et d'autres nécessités [43]. Peu après, le maire de Manchester (1841-1842) publie sous son nom, William Neild (1789-1864), une étude plus rigoureuse, car conforme aux ambitions des jeunes sociétés statistiques d'alors [44]. Menée de 1836 à 1841, cette vaste enquête concerne les budgets des employés de l'industrie cotonnière à Manchester et à Dukinfield. Les 12 familles concernées qui résident à Manchester sont choisies car elles sont sobres et industrieuses, et les 7 de Dukinfield, à 7 miles de Manchester, le sont comme plus ou moins représentatives de l'état général des travailleurs du coton. Toutes les familles sont connues personnellement des enquêteurs ce qui donnerait « une garantie de l'exactitude de leurs affirmations » [45]. Comme Le Play le fera remarquer plus tard pour ses propres monographies, les renseignements proviennent essentiellement des épouses et non des maris. Cette enquête livre (pp. 5-16) cinq tableaux détaillés pour tous les postes de dépenses et les revenus, par famille, comparés chaque année entre 1836 et 1841, avec des pourcentages des revenus par membre de la famille, ainsi que la part de ce qui reste de la balance financière, et l'estimation du coût des articles les plus fréquents à ces dates. Rarement, avant Le Play, un tel niveau de détail a été atteint. La destination de ces données est bien statistique et analytique (la courbe d'Engel est confirmée), quand Le Play cherche lui un état financier fixe, à visée empirique.

40 Il faut classer avec le travail des enquêteurs anglais celui [46] de 1833 de Giovanni Arrivabene (1787-1881). En empathie avec les travailleurs pauvres, ce carbonaro réfugié en Angleterre puis en Belgique, futur sénateur de l'Empire français et membre de la Société d'économie sociale, réalise alors une micro-économie empirique de communautés villageoises belges dans le cadre d'une enquête d'initiative anglaise sur le paupérisme qui vise une comparaison entre les journaliers anglais et belges. En s'intéressant à une seule commune (Gaesbeck dans le Brabant méridional), il suit sa « conviction que les recherches statistiques entreprises sur l'échelle trop étendue d'un pays, ou même d'une province, ne fournissent que des résultats inexacts et superficiels ; et [il était] persuadé, d'autre part, que la connaissance exacte de l'état des paysans d'une commune était suffisante pour donner [...] une idée approximative de l'état des paysans de la contrée en général » [47]. La méthode d'enquête est celle du questionnaire : « Pour me procurer ces renseignements, j'ai préparé à l'avance plusieurs demandes écrites, avec lesquelles je me suis rendu chez diverses personnes de la commune, et à mesure qu'elles me répondaient, j'écrivais leurs réponses et je leur adressais de nouvelles demandes [48]. » Si Arrivabene établit des tables numériques des naissances, mariages et décès, il renonce à établir un budget domestique : « J'aurais voulu établir le budget exact de la recette et de la dépense de la famille d'un journalier, mais je n'ai pu me procurer que les renseignements suivants qui sont très incomplets [mais tout de même avec les ventes/autoproductions partielles de la famille]. [...] Mais tout cela est très inexact, et je n'ai donné cette esquisse de budget que faute de mieux. J'aurais désiré aussi offrir un aperçu de ce que coûte à un journalier le champ qu'il loue, et de ce qu'il en retire, pour voir quel est le profit net, mais le malheureux essai du budget m'a découragé [49]. » En conséquence, il présente un budget-type d'une famille de journaliers (recette/dépense) mais qui n'offre ni tableau de synthèse, ni postes budgétaires détaillés. Arrivabene réédite l'exercice en 1840 avec la parution à Bruxelles d'une nouvelle monographie sur une commune suisse du Tessin [50]. On y trouve là encore les tables numériques des naissances, décès, mariages, mais pas de budget de famille. Malgré cela, la méthode d'Arrivabene (monographique, par questionnaire et sur le terrain) est proche de celle de Le Play.

41 À noter enfin, le travail de collecte et de mise en forme de données financières, vers 1842, d'Alexander Somerville (1811-1885). Autodidacte, il connut la pauvreté durant son enfance, puis devient un soldat fameux et enfin journaliste. Il est employé en 1842 par la ligue libérale Anti-Corn Law pour promouvoir, dans les campagnes, le libéralisme prôné par Richard Cobden. Son travail de collecte est très détaillé sur les conditions de vie des communautés villageoises et publié dans différentes brochures et articles des années 1840 [51]. La visée politique de son travail et son analyse des niveaux de vie, dirions-nous aujourd'hui, le situent pleinement dans la tradition des enquêteurs anglais.

42 Le Play connaît sans aucun doute tous ces travaux. Depuis 1832, il est secrétaire adjoint de la Commission des Annales des Mines « spécialement chargé de la traduction des mémoires étrangers » et, à partir de 1837, secrétaire de ce même comité de rédaction. Son premier voyage au Royaume-Uni date de 1836 où il réalise une enquête commandée par Hippolyte Passy, ministre du Commerce et des Travaux publics, sur les industries de la houille et du fer. Il découvre alors la littérature et les travaux d'enquêtes en cours. Il cite ainsi, en 1855, dans l'introduction des Ouvriers européens (p. 11), les enquêtes anglaises demandées par le Parlement avec des enquêteurs désignés par le Gouvernement sur les corporations municipales et surtout les ouvriers employés dans l'agriculture, les mines et les manufactures. Il regrette justement leur absence d'homogénéité, « d'ordre et de précision » (p. 11). Or les faiblesses des travaux francophones rendent eux aussi nécessaire et possible une innovation méthodologique majeure. À l'instar du Royaume-Uni, le gouvernement français a en effet lancé des enquêtes à grande échelle pour étudier la question sociale sous ses différentes aspects. Il est inutile de citer la liste bien connue [52] des travaux produits par l'essor des enquêtes sociales étatiques [53], d'autant que leur influence sur le travail propre de Le Play reste délicate à déterminer. Les enquêtes « officielles », anglaises et françaises, ont eu surtout pour effet de faire prendre conscience aux gouvernants et aux élites de l'étendue et l'intensité de la pauvreté contemporaine. De son côté, Le Play ne souhaite pas révéler un état social présent mais plutôt les structures intimes et « intemporelles » des sociétés. C'est donc sans doute plus par réaction et en opposition à ce type d'enquête et de questionnement de et pour l'État, que par copie ou analogie, qu'il a construit sa méthode et ses budgets. De plus, il reste sceptique sur l'échelle (nationale), la « moyennisation » (progressive) des résultats chiffrés, le filtre (biaisé) des données administratives et la finalité (législative) de ces enquêtes.

43 La décennie 1830 voit la prise de conscience générale de l'existence d'une question sociale. Des approches, des opinions et des réponses différentes se télescopent. Le Play est une des voix du débat. L'année 1840 marque une rupture dans cette découverte du social et révèle la crise d'une certaine économie politique.

Autour de 1840 : la crise de l'économie politique

44 Rappelons en préalable que l'année 1840 connaît sur le plan politique (le rappel et) la chute de Thiers, notamment en raison de la question d'Orient qui a isolé diplomatiquement la France, et la nomination de Guizot, en poste désormais jusqu'à la fin du règne. Elle est également marquée par le retour au premier plan de la question de la stabilité dynastique des Orléans avec le coup d'État manqué à Boulogne de Louis-Napoléon Bonaparte, l'attentat de Darmès contre Louis-Philippe et la tentative de captation de l'héritage napoléonien avec le retour des cendres de l'Empereur en décembre.

45 Alors que les tensions sociales restent très vives notamment dans la capitale, l'étude des conditions de vie ouvrières connaît, elle, plusieurs approches radicalement neuves. D'abord, 1840 est l'année de la première enquête ouvrière par des ouvriers pour L'Atelier (après un court essai pour L'Artisan en 1830), qui dessine un tournant, plus démocratique que politique, dans la pratique d'enquête. Ensuite, au même moment, le député Hippolyte Carnot, futur ministre de l'Instruction publique du gouvernement provisoire de 1848, produit une enquête sociale à tonalité républicaine. En 1840 encore, Louis René Villermé (1782-1863) édite son fameux Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie[54] relevant de la tradition de l'économie politique qui refuse de voir dans l'organisation économique la cause de la pauvreté et surtout celle de son intensité. Dans ce Tableau bien connu à la rigueur méthodologique relative, mais qui n'est pas sans nuances et qui assume ses contradictions, s'il est souvent question de conditions de vie et de salaires, Villermé ne considère que les salaires et ne donne pas le détail que ponctuellement et partiellement des chapitres de dépenses domestiques. Il n'aborde pas réellement le budget global familial et n'a pas constitué lui-même de chiffres/budgets domestiques détaillés.

46 En 1840 toujours paraît l'ouvrage, en partie récompensé par l'Académie des sciences morales et politiques (AMSP) (son rapporteur est Villermé), d'Eugène Buret (1810-1842) qui lui aussi fait date [55]. Il démontre, avec moins de rigueur et de documentation que Villermé, que la condition sociale des ouvriers n'est pas aussi bonne que celle décrite par ce dernier. Il est possible d'y voir, comme Francis Démier, un tournant pessimiste et politique de l'enquête [56]. Il est juste également de considérer que Buret appartient à la tradition de Jean de Sismondi (1773-1842), celle qui montre que la nouvelle organisation industrielle et économique elle-même engendre la misère. Buret n'établit pas de budgets domestiques en tant que tels et livre peu de chiffres sur la misère. Villermé et Buret sont deux novateurs des enquêtes sociales (académiques) françaises – le premier par son ambition scientifique, le second par l'orientation de sa recherche –, mais pas des budgets domestiques.

47 En 1840, la question sociale est partout traitée dans la presse, en particulier celle des salaires – du niveau de vie ou du pouvoir d'achat dirions-nous aujourd'hui –, et apparaît même dans les périodiques à large diffusion. En témoigne cet article anonyme de 1840 « Évaluation des dépenses et des salaires de la classe ouvrière en France », paru dans Le Magasin pittoresque[57]. Certes, il y est donné des estimations à la louche et les travaux cités (de Chaptal, de Gérando et du baron de Voght) datent, mais son intitulé est le signe que l'objet des enquêtes contemporaines intéresse alors déjà un large public.

48 Toujours en 1840 sont publiées les Promenades dans Londres[58] de Flora Tristan. L'auteure vécut à Londres en 1826, y voyage en 1831 et 1835 et y enquête de mai à août 1839. Éloigné du tableau de mœurs, du roman(tisme) et des considérations scientifiques, ce volume livre un autre genre d'état de la misère, qui la regarde en face et intègre une description argumentée et virulente des écarts de richesse.

49 Enfin, autour de 1840, la crise, en germe [59], d'une certaine économie politique est manifeste. Il est intéressant de relever, à la suite de Giovanna Procacci, que la période de gestation du budget chez Le Play correspond : « Au moment clé où l'économie sociale s'en empare [de l'élément moral], l'élément moral se situe très exactement au carrefour entre la crise du modèle classique de l'économie politique et le besoin de la légitimation politique de l'ordre libéral. L'économie sociale s'en sert pour justifier en termes non économiques son abandon du dogme du laissez-faire, au profit d'un point de vue conjuguant l'initiative privée et l'intervention publique. À travers cette tentative d'organiser une politique de la misère, on voit ainsi émerger, entre le corps social et les individus, là où le libéralisme avait voulu un vide rigoureux, un nouveau terrain de pratiques sociales et de savoir [60]. » La sociologue italienne, qui cite faussement une édition des Ouvriers européens en 1860, ne dit presque rien de Le Play, qui offre pourtant si ce n'est encore une pensée du moins déjà une pratique scientifique contemporaine illustrant parfaitement ce nouveau regard sur le libéralisme et sa dimension morale [61].

50 Entre ceux qui ne regardent que la richesse, ceux qui refusent de voir dans la misère autre chose qu'une conséquence d'un comportement individuel imprévoyant et dispendieux qui sont autant de fautes morales, et ceux qui veulent montrer qu'elle est la conséquence d'un état économique et que donc la science sociale peut et doit aider les plus pauvres, Le Play appartient partiellement aux trois groupes. Il ne se focalise pas sur l'indigence, pense que la solution à la misère passe par un rétablissement des vertus morales et s'attache à observer, sur place et scientifiquement, des foyers pour in fine découvrir de grandes lois universelles régissant le bien-être. Il partage avec ses contemporains économistes cette préoccupation morale, non encore détachée de la science, et cet impératif d'action. Il partage en revanche avec peu d'entre eux la conviction du bien-fondé des enquêtes parcellaires mais systématisées.

51 Son échelle d'analyse est ainsi inférieure au village ou à la paroisse – mais son champ d'étude comprend l'Europe entière – et prend en considération la plus petite unité productive et de consommation : la famille. Il se distingue en optant pour une recherche exigeante des données budgétaires domestiques les plus exactes et exhaustives possibles. La monographie selon le Play est une méthode d'économiste (macro et micro à la fois, à une époque où ces notions sont aberrantes) : « [...] les monographies de familles ouvrières [...] ont été souvent pour moi le moyen de jeter la lumière sur les branches économiques et administratives de la métallurgie, et en particulier sur les questions de salaires. Les productions spontanées du sol et des eaux recueillies, à titre gratuit, par la chasse, la pêche, la cueillette et le pâturage, procurent à certaines populations des ressources qui remplacent avec avantage le salaire en argent. Les monographies de familles, et surtout les budgets domestiques, m'ont souvent expliqué les anomalies qu'offrent les régimes économiques des diverses contrées [62]. » Le but de ses budgets est triple : étude des revenus, de l'économie des régions et de la moralité de la famille (la constitution d'une épargne, les dépenses du culte, le degré d'autoconsommation, etc.). Dans ce contexte d'effervescence autour de la question sociale, Le Play innove par rapport aux études d'économie politique contemporaines. Sa rigueur scientifique le place en outre parmi les statisticiens.

52 En effet, les découvreurs de la question sociale naviguent entre des catégorisations scientifiques poreuses. Aux environs de 1840, l'économie politique se divise entre économie statistique et économie morale ; la statistique n'a pas encore d'école ; il reste de la place pour une science sociale. Si Le Play partage certaines des préoccupations des économistes contemporains, il veut être aussi et surtout un statisticien. Avec ses Vues générales sur la statistique parues en [63], Le Play marque l'histoire de la statistique comme étant un des premiers à prôner des études scientifiques générales et par l'Administration, un pionnier de la statistique économique à l'échelle nationale et le créateur d'une statistique de la moralité.

Les bifurcations de la statistique et les développements du budget de l'État

53 Avant la statistique, il y a le tableau. Les origines des tableaux (ou « matrices ») sont à chercher, selon Paul Lazarsfeld [64], au début du XIXe siècle chez les descendants de l'école de Gôttingen et disciples lointains de Conring et d'Achenwall, de la statistique universitaire allemande, initiateurs de la « présentation de données comparatives entre plusieurs pays ». L'« économiste » allemand Gottfried Achenwall (1719-1772) serait le créateur vers 1750 du mot statistique, statistik, qui dérive de l'italien statista « homme d'État » [65].

54 Les pré-statisticiens (français) pour lesquels Le Play laisse deviner une influence sont au nombre de deux. Vauban, qui serait à l'origine (lointaine) du tableau entrée-sortie, qui l'aurait inspiré [66] et à qui il rend un hommage indirect en plaçant au fronton des Ouvriers européens de 1855 et du tome I de l'édition de 1877 une citation de l'Éloge de Vauban de Bernard de Fontenelle [67] : « Il [Vauban] s'informait avec soin de la valeur des terres, de ce qu'elles rapportaient, de la manière de les cultiver, des facultés des paysans, de ce qui faisait leur nourriture ordinaire, de ce que leur pouvait valoir en un jour le travail de leurs mains ; détails méprisables et abjects en apparence, et qui appartiennent cependant au grand art de gouverner. » La référence porte, il est vrai, plus sur l'art de gouverner que sur les prémices des tableaux étatiques.

55 Ensuite Lavoisier, dont on a sait que sa lecture avait constitué une révélation dans le domaine des sciences naturelles. Le Play a-t-il lu le Lavoisier, économiste et commissaire de la Trésorerie nationale, acteur et théoricien de la comptabilité publique et nationale et de la statistique d'État (La richesse territoriale du royaume de France, 1791) ? Lavoisier représente un modèle, peut-être dans l'esprit de Le Play, du lien entre sciences de la nature, réflexion sur la richesse des ménages, statistique nationale et engagement politique du savant. Quoiqu'il en soit, la genèse autour de 1840 du budget selon Le Play ne se comprend que dans le cadre des débats sur la statistique nationale de son époque et dans la chronologie du budget de l'État.

Les précurseurs des statistiques nationales

56 Les origines tangibles de la statistique administrative en France remontent à la feuille-questionnaire chiffré sur l'état des départements renvoyés par les préfets napoléoniens, et avant elle, avec Chaptal, ministre de l'Intérieur du Consulat qui demande une statistique aux préfets en 1800-1801. Contemporain de Chaptal, Jacques Peuchet (1758-1830), garde des archives à la préfecture de Police et polygraphe fécond, auteur notamment de plusieurs travaux de statistique sous le Consulat et l'Empire, figure parmi les pionniers de la statistique moderne en France [68]. Mais ses réalisations (administratives dans la tradition allemande) ne concernent encore que la situation économique, démographique et foncière du pays. Il est remarquable par ailleurs qu'il existe chronologiquement d'abord un traitement médical de l'étude de la pauvreté puis un traitement statistique, une sorte de statistique sociale. Alexandre Parent-Duchâtelet (1790-1836) incarne le moment de cette transition. Il est à la croisée des études de terrain hygiénistes et statistiques. Ce physicien et membre de l'Académie de médecine utilise les dossiers de police combinés avec des observations in situ et des entretiens. Même s'il n'est pas question de budget dans ses deux volumes, son étude de 1834 sur la prostitution [69] innove dans son ambition de révéler une réalité sociale en mobilisant des sources « statistiques » et dans le même temps en les synthétisant.

57 À côté de la statistique médico-sociale d'un Parent-Duchâtelet se situe le travail d'Adolphe Quételet (1796-1874), auteur d'une œuvre immense autour de ce qui est appelé la « physique sociale » (sous-titre de Sur l'homme et le développement de ses facultés, 1835) qui illustre un autre pont possible entre les sciences mathématiques et les sciences sociales. L'idée de l'homme moyen lui serait venue après des discussions avec Goëthe qui défendait lui les types. Il travaille sur la taille, le poids, la criminalité statistiques. Il n'a rien inventé en matière de loi des probabilités mais l'applique aux données sociales. Il cherche des lois à travers les chiffres, dans sa constitution de la « statistique morale ». Contemporain de Le Play, il reste le principal acteur d'une tentative de science sociale quantitative. Quételet a fait école, en témoigne Édouard Ducpetiaux (1804-1868) représentant de cette « école » statistique belge soucieuse de la question sociale [70]. Ni Quételet, ni Ducpetiaux ne semblent avoir une réelle influence sur la genèse des budgets leplaysiens, si ce n'est celle répulsive de la statistique sociale quantitative.

58 Le Play entretient, à partir de 1839 au plus tard, des relations plus tangibles avec un autre statisticien : Joseph Despine (1792-1859), ingénieur des Mines, originaire d'Annecy, inspecteur général des mines de Piémont-Sardaigne qui dirige les études statistiques de l'État piémontais, que Le Play, dans sa correspondance, juge supérieure aux Françaises [71].

59 Parallèlement, depuis 1842 au moins (mais il est probable de dater leur rencontre de 1836 et la première enquête de Le Play en Angleterre), il poursuit un dialogue épistolaire avec le responsable de la statistique en Angleterre, George Richardson Porter (1792-1852). Celui-ci dirige depuis 1834 le service de statistique du ministère du Commerce anglais, créé en 1832. Il a cofondé la société de statistique de Londres. En 1841, il est nommé secrétaire du Board of Trade [72]. Il livre un état statistique poussé de la Grande-Bretagne en deux volumes (1836-1838), dont le premier volume est immédiatement traduit en français et préfacé par Michel Chevalier [73]. Sa première préoccupation est la question des salaires, plus que la question sociale ou encore le budget domestique. Il présente ainsi les salaires hebdomadaires d'artisans dans différentes régions du pays 1800-1836 (t. II, pp. 251-254) et synthétise les données recueillies par l'enquête de 1833 (à laquelle participa Arrivabene) en proposant un tableau des salaires de paysans en France, Italie, Allemagne et Hollande (p. 263). Si la méthodologie et les sources sont fiables – on passe de la statistique aux statistiques –, le libéral Porter propose une arithmétique sociale, mais en aucun cas une méthode inductive.

60 Parmi les Français avec lesquels Le Play est probablement en contact figure Alexandre Moreau de Jonnès (1776-1870), alter ego français de Porter et fervent défenseur des travaux de Quételet. Ancien (depuis 1827) chargé de la statistique commerciale, chef du bureau de la Statistique générale de la France à partir de sa mise en place en 1834 jusqu'en 1850, Moreau de Jonnès semble avoir intégré en 1847 les principes du savant belge et les buts de la statistique administrative. Il opère la centralisation de la statistique nationale au ministère du Commerce. Ce renforcement institutionnel autorise désormais une autonomisation de la statistique tout en chiffres et calculs, « science expérimentale », vis-à-vis de l'économie politique, même si dans les années 1830 leurs praticiens respectifs adoptent tous comme but « d'améliorer l'état social » [74]. Cependant, les voies divergent progressivement. Dans ses Éléments de statistique[75] de 1847, Moreau de Jonnès critique la méthode inductive, de Vauban sur l'agriculture, d'Arthur Young pour l'agronomie, de Lavoisier pour le rendement des impôts, du Necker de 1784 sur la population et de Chaptal sur l'industrie, qui reprend, dit-il, simplement le rapport du directeur du Cadastre Hennet de 1817. Son opus a paru dans la bibliothèque de tous les économistes politiques chez Guillaumin. Il livre ainsi un plaidoyer pour cette « nouvelle » discipline et construit une histoire de celle-ci ainsi qu'un panorama international de ses progrès. Il rejette une partie de la dimension sociale initiale de la statistique quand il écrit : « la statistique est le budget des choses, et [...] sans budget point de salut public » (p. 95). En revanche, choisir comme focale des familles et a fortiori une famille est exclu de la conception de son œuvre mathématisable. L'idée que réaliser des monographies c'est aussi faire de la statistique semble (désormais ?) étrangère à son point de vue. La dimension quantitative prime largement, même s'il reste assez méfiant vis-à-vis de l'usage des moyennes.

61 Parallèlement au travail des institutions de statistiques, dans les années 1830, les enquêtes économiques (notamment sur les droits de douanes en 1828, 1832 et 1834) se succèdent à l'initiative du ministre du Commerce [76]. La statistique de l'époque balbutie néanmoins ses calculs et ses méthodes de collecte, à travers les consignes des enquêtes officielles et les questions/réponses des enquêtes ouvrières. Le Bureau français de statistique n'apparaîtra qu'en 1885. À ses débuts, la statistique ne connaît pas l'autonomie scientiste vis-à-vis de la politique, des enquêtes de terrain de grande échelle ou encore l'échantillonnage qui n'est possible que couplé avec des recueils de données nationales, homogènes et récurrentes. Dans les années 1830 et 1840, la rupture entre la statistique quantitative (tel qu'on la conçoit à peu près de nos jours) et celle « qualitative » n'est pas encore consommée, comme le montre la position de Le Play qui, à l'instar de Moreau-Jonnès, est un précurseur d'une statistique (quantitative) nationale et officielle (avec la Statistique minérale), tout en prônant lorsqu'il s'agit de question sociale (et morale) une approche qualitative (et budgétaire).

La statistique minérale de la France

62 En quelques années, Le Play devient un statisticien éminent. Il écrit dès 1832 pour les Annales des Mines (2e série, t. II) un très remarqué « Observations sur le mouvement commercial des principales substances minérales entre la France et les puissances étrangères, pendant les douze dernières années, et particulièrement pendant les années 1829-1830-1831 » [77] qui lui ouvre les portes de la statistique minérale nationale instituée en 1833. Il créé ensuite les matrices complexes de cette statistique minérale, géologique et métallurgique. L'édition sous sa responsabilité du périodique, par l'Imprimerie royale en grand in-folio mais deux fois plus petits que les Ouvriers européens de 1855, débute en 1834 (pour l'année 1833) et ne cesse de se perfectionner [78]. Le premier volume comprend des séries statistiques rétrospectives qu'il arrive à faire remonter à 1824. Dès 1835 (pour l'année 1834), il ajoute une deuxième partie intitulée : « Résumés des travaux statistiques de l'administration des mines en... ». À partir de 1836 (pour l'année 1835), les tableaux sont plus complexes et détaillés : le livre de 1836 double de volume (129 pages) et comprend des tableaux aux pages 27127. La statistique métallurgique nationale selon Le Play est alors en place. Il dresse même une carte générale des hauts fourneaux et des forges de France divisés en quatre classes et en douze groupes eu égard aux procédés de fabrication, à la situation géographique, à la nature et à l'origine des matières premières. Sa classification est très élaborée. Le dernier volume sous sa responsabilité, celui de 1847 (pour l'année 1846), comprend un compte rendu de 120 pages et 221 pages de statistique, ainsi que des résumés chronologiques sur l'histoire de l'industrie minérale (surtout la mesure de la quantité de houille importée, exportée, consommée), un tableau chronologique de la production et de la consommation des combustibles minéraux (depuis 1321 avec le charbon de terre ! avec une statistique quasi-annuelle depuis 1787 et annuelle depuis 1811-1845). Ce genre de tableau apparaît avec l'édition de 1839, alors que le tableau chronologique de la production des métaux (1816-1845), débute avec l'édition 1843. On compte quatre autres tableaux historiques ponctuels dans les quatre volumes précédents. Cette série se clôt par une table analytique des matières pour les années 18331846. L'œuvre est considérable en conception et en exécution.

63 Son ami et collaborateur Eugène Lefébure de Fourcy (1812-1889) témoigne du zèle de Le Play dans ce travail méticuleux de synthèse :

64 « Chaque année, les ingénieurs eurent dès lors à dresser (quelques-uns en les maudissant) sept tableaux de dimensions uniformes, dont les têtes de colonne avaient été libellées par Le Play, après les études les plus approfondies au point de vue de la statistique comme à celui de l'art des mines. C'est ainsi que 602 tableaux venaient, vers la fin de l'année, couvrir les tables de la mansarde donnée comme cabinet de travail au secrétaire de la Commission de statistique, dans les bâtiments affectés aujourd'hui à l'École des ponts et chaussées. En quatre ou cinq mois, ces tableaux soigneusement dépouillés, se résumaient en un in-4°, de format, de caractère, de disposition toujours les mêmes, contenant, en outre, pour relever l'intérêt de cette monotone publication, d'instructions notices sur les houilles, sur les fers, sur les métaux. Adjoint à Le Play comme collaborateur, j'ai vu chaque année grandir, sous sa féconde impulsion, la publication destinée à tenir le pays au courant des progrès de notre industrie minérale [79]. »

65 Après son départ, la statistique minérale entre 1848 et 1853 reste en sommeil. Lefébure de Fourcy constate que le volume qui reprend la série en 1853 (pour les années 1847-1852) « perdait l'uniformité de composition si précieuse pour les recherches dans ce genre de publications périodiques » [80].

66 Très (peut-être trop) à l'aise avec les chiffres, Le Play a démontré la richesse des informations révélées par la statistique d'État. Durant ses premières années à la tête de la Statistique minérale, il a également peaufiné sa réflexion sur la statistique et sur l'approche scientifique du social.

La statistique incongrue de Le Play

67 Le Le Play du début des années 1830 est d'abord un statisticien parmi d'autres [81] et bien de son temps : l'échantillonnage n'existe pas pour lui et la politique doit diriger la statistique pour l'aider à mieux gouverner. La statistique est donc l'étude orientée de (ou une science appliquée à) la société, tout comme la science sociale le sera. Durant les années 1830, Le Play, rappelons-le, est aussi sollicité pour des enquêtes économiques de terrain et apparaît comme un des pionniers de l'observation sociale de terrain, tout en créant parallèlement une statistique (métallurgique) nationale, depuis Paris via un organisme administratif. De cette triple expérience, Le Play, ayant vite atteint un niveau d'expert statistique, s'inspire pour son projet de statistique générale de la France, qui est aussi sa vision de la statistique.

68 En 1840 – encore cette année –, il entre en effet en conflit avec ses confrères et présente le débat sur la place publique via, dans un premier temps, sa brochure : Vues générales sur La statistique... puis son article « statistique » pour le dernier volume de L'Encyclopédie nouvelle... de 1842 [82]. Dans ce volume, il livre également une étude de statistique économique sur la soie [83]. Il est habitué aux travaux de vulgarisation car il a réalisé plusieurs articles « chimiques » pour L'Encyclopédiepittoresque... en 1834-1835. Dans ce qu'il faut qualifier de programme pour la statistique de 1840-1842, il critique vivement les sociétés de statistique sur le modèle anglais et leur amateurisme : « Composées de membres pour lesquels ces études ne sont qu'un délassement, manquant d'ailleurs de moyens d'observation, elles se trouvent exactement dans la situation de géologues qui ne pourraient quitter leur cabinet, ou de chimistes privés de laboratoires. Leur action doit donc se borner à des publications sans harmonie et sans but défini, composées de documents empruntés ça et là à diverses sources d'information [84]. » Dans ses Vues générales..., il se déclare ensuite, logiquement, favorable à la création d'une statistique nationale, pilotée par le Gouvernement et dont les données proviendraient de l'Administration, pour réformer efficacement et en toute connaissance de cause la France d'après-1789, car les gouvernants n'ont pas appris l'art ou la science de gouverner (ce dernier constat le mènera avec d'autres à la création de l'éphémère École d'administration en 1848).

69 La statistique générale de la France qu'il propose est synthétisée en un tableau à la suite de l'article, qui propose notamment, parmi les sept chapitres, un « inventaire et bilan national du capital social », une « statistique sommaire des pays étrangers, considérés dans ses rapports les plus immédiats avec l'activité sociale de la France » et un « résumé historique offrant la comparaison des principaux laits sociaux considérés à diverses époques successives ». Ce qui n'est encore qu'un « Aperçu » préfigure à la fois une possible monographie de pays (ici la France) et la classification des familles dans leur rapport avec leur environnement géographique, économique et social. Le Play partage déjà dans ce projet l'ambition de Moreau-Jonnès d'un tableau synthétique global de l'état du pays, exprimée par ce dernier en 1847. Avec cet article de 1840, nous voyons Le Play en triple ou plutôt à la croisée de chemins : l'ingénieur de la statistique bourgeonnante laisse comprendre l'importance future de son orientation ; le savant métallurgiste propose une nouvelle méthodologie (monographique) pour l'étude de la question sociale ; le professeur voyageur sait nécessaires un comparatisme international (européen ici, puis mondial pour les monographies) et une prise en compte de la dimension morale de l'activité sociale et économique.

70 Le Play pourrait reprendre les mots de Moreau-Jonnès qui affirme, pour paraphraser « l'illustre Goëthe, non seulement les chiffres gouvernent le monde, mais encore ils enseignent comment le monde est gouverné » (p. 341). Il juge que la production de chiffres de masse livre plus d'informations sur les intentions des producteurs de ces chiffres que sur les conditions de vie des individus pris dans ce type de statistique hors-sol et amoraliste. Il sait que la méthodologie de l'enquête prédétermine le contenu des informations. Il en invente une, et pour une enquête collective de plusieurs années. Le Play ne s'arrête pas en outre aux familles ouvrières urbaines occidentales, mais par un comparatisme à une échelle inconnue jusque-là, cherche partout dans le monde les sources de la moralité et donc du bien-être en général, plutôt que de la stricte aisance financière. Le Play innove donc selon ses besoins d'enquêteur et de réformateur du social en devenir. Cette implication souhaité des enquêtés dans l'enquête lui vient de la certitude acquise, lors de ses séjours auprès des travailleurs des mines et des forges, que les ouvriers/acteurs premiers détiennent plus de savoirs que la hiérarchie qui les encadre.

71 Autant éloignée de la « sociologie » de Comte et que de la physique sociale de Quételet, la science sociale de Le Play germe autour de 1840. Une nouvelle réponse à la question sociale née, à l'opposé de l'économie politique dans son présupposé originel et bientôt en parallèle de la statistique qui s'étatise et dont Le Play reste, et restera jusqu'au Second Empire, un acteur de premier plan et reconnu [85]. En 1856, il remporte ainsi le prix Montyon de statistique de l'Académie des sciences avec Les ouvriers européens, notamment car l'autre académie (l'ASMP) avait mal accueilli ce travail qui entrait en concurrence avec ce qu'elle avait initié comme enquête sociale depuis sa (re)création. Les Ouvriers européens se veulent une œuvre de statistique comme le révèle son format. En effet, « il a, jusqu'à ces derniers temps, été de tradition constante que la statistique devait se publier dans de majestueux in-folio, ou tout au moins dans de solennels in-4°. Ces formats gigantesques donnaient à la statistique quelque chose de vénérable et cette sorte de prestige fait de respect et de terreur qu'inspirent les flancs rebondis des antiphonaires posés sur le lutrin des chantres [86]. » Le témoignage d'Émile Cheysson laisse entendre que Le Play a cédé à la mode du genre et qu'il a surtout voulu donner l'aspect le plus canonique à sa statistique de 1855. Ceci remet également en cause l'extrapolation courante qui déclare que le budget a conditionné le format des Ouvriers européens de la première édition.

72 À la différence de ces « concurrents » des années 1830 et 1840 qui publient vite, la méthode et les considérations de Le Play ne seront rendues publiques que quinze années plus tard avec l'édition des Ouvriers européens. Or, en 1856, les statistiques ont cheminé, et pas dans sa direction. Après la salve de 1840, en 1855 dans la défense de sa méthode monographique, il va critiquer les « aberrations » de la statistique quantitative des années 1850. L'abstraction et les moyennes qu'engendrent les travaux statistiques de masse ne prennent pas en considération les caractéristiques et le milieu propres à chaque individu/famille et nuisent ainsi à l'approche de la vérité scientifique, telle qu'elle est conçue par Le Play. Alain Chenu explique clairement la vanité des calculs de moyennes dans l'esprit des leplaysiens : « Le passage d'une collection de cas individuels à la moyenne est une opération qui est donc illégitime si ces cas relèvent de types sociaux différents, et superfétatoires s'ils relèvent d'un même type [87]. » Or Le Play a fait sans le dire des moyennes quand il évalue en francs les dépenses pour une semaine ou pour une année (« entière, supposée moyennement prospère, en ce qui concerne la situation de l'agriculture, de l'industrie et du commerce » [88] et les prix (fixés et pas fixes) des choses pour une année donnée. En 1855, Le Play peut même se permettre de critiquer ouvertement l'usage des données compilées par les services de l'État. Il le dit dans son introduction des Ouvriers européens : « les statisticiens ne disposent pas des moyens d'observation, et ils doivent se contenter de ceux qui sont mis en œuvre dans un but étranger à la science » (p. 11). À l'écart des amateurs et des organismes administratifs de collecte, Le Play construit lui-même ses séries chiffrées, financières.

73 Ce passage n'est pas reproduit dans l'édition des Ouvriers européens de 1877-1879. Pourquoi le retrait de ses anciennes critiques ? Le débat n'a alors plus lieu d'être : la statistique quantitative et administrative est bien établie, et Le Play ne peut/veut même plus débattre avec cette statistique qui désormais lui tourne le dos. Face aux évolutions de la statistique majoritaire, il se retire de ce cénacle où on ne parle plus de la même chose. Pour Le Play, le budget de famille est la statistique suprême. Dans l'histoire de la statistique au XIXe siècle, il n'est pas un perdant mais reste un statisticien d'un genre quasi-unique et un virtuose d'une discipline en devenir. Autour de 1840, il conçoit trois statistiques différentes : la statistique minérale nationale (à partir de 1835), l'inventaire ou bilan du capital social de la France (article « Vues générales sur la statistique », 1840), et le budget de famille (au plus tard en 1842). Cependant (jusqu'en 1847 au moins), il n'oppose pas sa « micro-statistique » des familles en cours d'élaboration (1837-1842, au plus court) et son recueil de données agglomérées sur l'industrie minérale (depuis 1834 jusqu'en 1847). Avec Le Play, nous assistons à la science en train de se faire et en train de se penser, avec des savants parfois schizophrènes.

74 Enfin, il est remarquable de constater que l'autonomisation de la statistique vis-à-vis de l'économie politique passe, en France, par une certaine aliénation aux intérêts de l'État. Elle correspond à la soif de savoir des gouvernants conjuguée à une volonté d'intervenir dans le monde économique et progressivement dans le domaine social. En plus des statistiques, le budget de l'État est un outil puissant d'intervention sur le monde. La codification des finances publiques et la formalisation du budget de l'État en cours constituent le dernier bain dans lequel Le Play et son budget domestique trempe.

Budget des monographies et budget de l'État

75 Pourquoi retenir cette hypothèse de l'influence du budget de l'État ? En premier lieu, parce que ce ne serait pas la première fois que Le Play ne dit pas tout sur ses influences, ses méthodes concrètes, ses opinions politiques ou encore les détails de sa vie [89]. Dans ce cas, il le dit même, à demi-mot : « Les actes de la vie humaine sur lesquelles doit se diriger l'attention de l'économiste et de l'homme d'État se résument presque tous en une dépense de temps, en une production et une consommation. » Il poursuit, en 1855, par cette phrase trop souvent lue sans avoir retenu l'attention : « On peut donc appliquer aux existences modestes qu'ils s'agissait de décrire, l'axiome que plusieurs économistes ont énoncé d'une manière plus générale, en remarquant qu'un budget bien établi renferme implicitement la plus exacte appréciation de la richesse, de la puissance et du génie particulier de chaque nation [90] » Le budget de l'État serait ainsi le condensé lisible aisément de l'état (financier et moral) d'une société. Le Play, convaincu de ce principe, pourrait avoir extrapolé le budget de l'État à celui d'une famille car, comme il le pense, la famille est le noyau de base de la société et son budget devient un révélateur d'un état social. Par cette double analogie, ou plutôt une analogie en miroir, se construit l'idée de tableaux financiers précis de la situation au vrai d'une famille et de l'approche éclairante car synthétique et car financière de ses conditions de vie. Le budget de l'État en formalisation deviendrait un modèle d'outil pour la science sociale. Le conditionnel s'impose, même si de nombreux arguments plaident en faveur d'une imprégnation des questionnements contemporains sur les finances publiques dans la question sociale vue par Le Play.

76 Tout d'abord, Le Play s'est intéressé aux finances publiques, et connaît bien le système financier anglais dont il est admiratif [91]. A-t-il par ailleurs lu les théoriciens français du budget, et notamment le marquis d'Audiffret, principal artisan de l'ordonnance fondatrice sur la comptabilité publique de mai 1838, qui écrit autour de 1840 un Examen des revenus publics (1839) puis Le Budget (1841) ? Qui sont ses « plusieurs économistes » qu'il évoque dans la citation ci-dessus ? Smith, Say, Ricardo, Sismondi, Vico, Chevalier qui s'intéressera aussi, sous le Second Empire, aux questions de finances publiques... ? Ou bien sont-ils, dans les faits, les budgétaires de la monarchie de Juillet et du Second Empire, partisans d'un budget de l'État honnête, c'est-à-dire transparent, lisible et complet ? Il connaît, en qualité de responsable d'une unité administrative au ministère du Commerce et professeur dans une école nationale, les développements récents de la comptabilité publique. Par ailleurs, 1829-1842 est aussi le laps de temps des réglages de la comptabilité publique et de la forme du budget publié. Le budget est en outre en débat chaque année. Le Play ne peut pas ne pas avoir connaissance des discussions sur la procédure d'élaboration, le contenu et le vote des documents financiers ainsi que des enjeux de pouvoir (entre l'exécutif et le législatif) qui se concentrent autour du budget.

77 Ensuite, le Play subdivise les budgets en chapitres, sections et articles. Si les chapitres et les articles sont déjà d'un usage courant dans les lois de finances, l'emploi de la section est daté (1827) [92]. Parallèlement, le mot de budget s'applique alors désormais au champ privé, au cadre familial. Les familles deviennent des micro-États. Le Play parle de recettes, de dépenses et de budget. Il aurait pu dire produits, charges, compte, comme dans le vocabulaire de la comptabilité commerciale. Ou encore actif et passif, revenus (incomes) et frais (expenditures), ou encore voies et moyens, comme il le fait dans l'article de l'Encyclopédie nouvelle pour son projet de statistique nationale. « On aurait même employé avec succès, dans cet ouvrage, les formes et le langage de la comptabilité, si on n'avait pas craint de rendre les résultats moins intelligibles pour la majorité des lecteurs [93] » Ce « souci des publics » [94] potentiellement réceptifs à son œuvre le conduit à opter pour un vocabulaire commun à beaucoup. Le Play ne s'adresse pas aux « pré-sociologues » contemporains ou à ses confrères ingénieurs, il vise, plus encore que ceux des patrons qui comprennent la comptabilité d'entreprise, l'élite politique et les hommes d'État mais aussi les autorités sociales qui lisent les comptes rendus des débats financiers dans la presse nationale et locale. Le budget domestique sous cette forme est lisible car familière à ces derniers.

78 Est-ce le même souci des publics, ou les lacunes des enquêteurs, qui restreignent l'emploi de la comptabilité en partie double ? Elle fut imposée aux receveurs généraux et d'arrondissement en 1808, et se généralise en 1822 dans l'administration, après différentes adaptations et pour des finalités diverses qui empêchent notamment le calcul de l'amortissement [95]. Seul le calcul du coût de la dette publique oblige la notion d'amortissement dans les finances publiques de son époque (prévue dès la Restauration et corolaire de la conversion des rentes). Le Play fait abstraction de l'amortissement dans l'évaluation des industries domestiques. Il use d'une comptabilité en partie en partie double (« pour les prestations internes » mais pas pour « l'enregistrement des mouvements en argent » [96]) pourrait-on dire. Dans le budget de l'État, les mouvements de caisse n'apparaissent pas non plus.

79 Entre la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1791 et l'ordonnance sur la comptabilité publique de 1838 sont théorisées les règles, qui deviendront plus tard des « principes », des finances publiques : annualité, unité, universalité, spécialité, sincérité et équilibre, sur le papier, de la loi de finances. Toutes sont respectées dans les budgets leplaysiens, même si ceux-ci ne sont pas des comptes prévisionnels mais plus volontiers des comptes arrêtés, en somme une loi de règlement plus qu'une loi de finances initiale. Le Play choisit rapidement le cadre annuel : « Dans la zone manufacturière de l'Occident, [...] Sauf quelques anomalies accidentelles, les occupations, les recettes et les dépenses, restent invariables à toutes les époques de l'année ; en sorte que la situation d'une famille a pu souvent être résumée par l'établissement d'un budget hebdomadaire. Il en est autrement dans le reste de l'Europe [97] » Un budget hebdomadaire serait possible si on n'étudiait que des salariés non agriculteurs. Mais l'importance de l'autoconsommation et ses variations saisonnières, notamment en Europe, oblige à un budget annualisé. En 1855, Le Play pousse le souci de clarté, voulue avec la contrainte de l'unité budgétaire, à présenter ces budgets sur une même double page. À noter que l'Imprimerie impériale qui publie la première édition des Ouvriers européens le peut car elle publie des lois budgétaires dans le Bulletin des lois. Elle possède les caractères et maîtrise la mise en page idoine des tableaux budgétaires. Le travail de Le Play recèle une seule entorse à la règle de l'unité. Quand la distinction comptable entre la bourse de l'exploitant d'une entreprise (agricole, domestique...) et celle du ménage n'est pas claire, Le Play fait l'effort de disposer à la suite du budget des comptes annexes des industries des membres du ménage. En cela, il duplique le retour, après la clôture du budget des frais d'occupation des alliés en France, d'un budget extraordinaire, budget en quelque sorte des « industries »/travaux publics de l'État (Les « budgets annexes », proprement dits, au budget de l'État apparaissent sous le Second Empire pour des dépenses spécifiques et remboursées, en théorie, à échéance). L'exécutif a toujours montré l'exemple d'enfreindre les règles que le législatif a fixé, et même parfois avec l'aval de ce dernier.

80 Dans le corpus des monographies, la double sincérité des informations données et des informations présentées ne doit pas pouvoir être mise en doute. Le détail présenté répond aux soucis parallèles en matière de finances publiques d'une toujours plus grande spécialité budgétaire et d'une plus grande publicité, de la loi de finances initiale surtout il est vrai. L'universalité du budget, de l'État et des monographies, empêche de (pré-)affecter des recettes à des dépenses. Même si la monarchie de Juillet connaît les recettes affectées et les crédits supplémentaires et extraordinaires. L'obligation de trouver l'équilibre budgétaire, qui correspond à l'article premier, d'équilibre des lois de finances initiale, implique la comptabilité, chez Le Play, de l'épargne ou des dettes. La dette (publique à convertir, à consolider, à amortir...) est aussi l'obsession des financiers publics, comme celle de Le Play.

81 Tardivement, en 1875, Le Play tente une monographie de pays, l'Angleterre qui reste le pays où la « réforme sociale » a le plus de chances de réussir. Malgré un développement bien informé sur les dettes des comtés et le service de trésorerie (t. II, pp. 56-59) et s'il ne manque pas de livrer des données budgétaires, elles ne sont cependant pas centrales dans sa démonstration et sont rejetées en appendice parmi d'autres pièces annexes très diverses [98]. Il s'agit d'un précis incomplet [99] et sans séries budgétaires continues. Cette annexe se décompose ainsi : 1. Recettes et dépenses des comtés pour les années 1863, 1868 et 1873. 2. Recettes et dépenses des boroughs pour les années 1868 et 1873. 3. Tableau comparatif des budgets du gouvernement local pendant les années 1868 et 1872. 4. Tableau comparatif des budgets du gouvernement central pendant les années 1861-1862 et 1873-1874. Tous les budgets exposés sauf pour celui du gouvernement local en 1872 sont en déficit et financés par l'emprunt, ce qui n'engendre aucun commentaire. Il s'agit d'une compilation de données officielles. Cette monographie de nation est un essai sans suite. Sur le plan budgétaire, Le Play y est infidèle à sa méthode, alors qu'au même moment les monographies de famille avec budget détaillé se poursuivent. L'analogie opératoire entre budget de monographie et budget de l'État montre ses limites.

82 La version du budget domestique qui germe dans l'esprit de Le Play entre 1829 et 1842 est un produit de son temps : la conclusion est banale, la combinaison des influences et son résultat le sont moins. Ses sources d'inspiration sont très diverses, sans penser que toutes aient joué exactement en même temps, dans la même direction ou avec la même force. Ainsi, la connaissance de la classification des minéraux et des métaux et la taxinomie de la zoologie lui facilitent surtout l'idée des types de famille. La pratique des équations de la chimie analytique, qui cherchent une balance naturelle entre des éléments révélés et dissociés, pousse vers la recherche exigeante de l'équilibre budgétaire (« balance complète, non seulement entre les totaux généraux, mais encore entre les totaux partiels de chaque budget » [100]), tout comme dans le budget de l'État, et vers la synthétisation des informations recueillies. Les enquêtes sociales (académiques, parlementaires, administratives et ouvrières) et les premiers budgets (incomplets) de famille des années 1820 et 1830 constituent, eux, des nouveaux modèles de révélateurs des états sociaux. Au cœur de son travail sur la statistique minérale nationale qu'il initialise, Le Play développe le recueil de données à grande échelle et élabore des matrices très sophistiquées. Dans sa vision originale de la statistique générale de la France, il propose, notamment, d'établir un tableau évolutif des actifs et des passifs de la société française. La comptabilité des entreprises, qu'il maîtrise notamment en qualité de gestionnaire d'immenses établissements en Oural, lui fournit un de ses lexiques techniques. S'opposant à une tendance bientôt majoritaire de la statistique sociale, il refuse la moyenne pour le traitement des questions humaines. Ses enquêtes de terrain en qualité d'ingénieur métallurgiste et d'enquêteur économique, chez les ménages, ont pour résultat de lui ouvrir les yeux sur des échanges et des relations non monétaires, même si dans le budget monographique tout est « monétarisé » par souci d'étalonnage. La statistique est son domaine de recherche, le budget domestique un des outils de la statistique sociale. La statistique internationale des mœurs qu'il pratique lui fait découvrir des constantes dans la multiplicité des façons de gagner et de dépenser moralement l'argent du ménage, ce qui lui permet de catégoriser les familles. Enfin, les débats contemporains autour des règles démocratiques des finances publiques lui font prendre conscience des enjeux de la présentation budgétaire, de l'importance de cet instrument (classer, compter, comparer, agir) et du discours qu'il produit. Comme dans le budget de l'État, les dépenses et les recettes des familles sont symboliquement et politiquement hiérarchisées. Les finances publiques lui offre ainsi un autre répertoire, qui, par son vocabulaire et l'architecture des budgets, lui permet de viser un large public.

83 La domestication des budgets, au double sens de budget à l'échelle domestique et expertise de l'économie domestique, est une novation majeure de Le Play qui repose sur plusieurs ruptures épistémologiques mineures et à nuancer. À ce point de perfectionnement, le budget est aussi bien une méthode de recueil de données, qu'un mode de vérification de celles-ci ou qu'une représentation éclairante, et totalement artificielle, du mode de vie de familles. Il est à la fois le contenu et le contenant. Le Play a composé une réduction scientiste de la famille à l'aide d'une arithmétique financière en grande partie fictive. Grille de lecture fine du social, le budget n'empêche pas la construction d'aberrations, des erreurs d'interprétation et des précisions approximatives [101]. Sa méthodologie « qualitativiste » rigoureuse reste conditionnée par des motivations réformatrices qui impactent le choix des monographiés comme la construction du budget. Le bilan entre les recettes et les dépenses, le niveau de l'épargne, jauge la moralité de la famille. Le Play ouvre une voie nouvelle entre, d'une part, l'échantillonnage et la moyenne, la « probabilisation » sociale, et, d'autre part, l'exemplarité, la pure induction morale. Il choisit l'exhaustivité et la représentativité (géographique) pour traiter son objet. Manqueront cependant toujours des familles d'Afrique noire et d'Océanie. En outre, il passe encore par les autorités sociales de la localité pour recueillir des informations et choisir « ses » familles. Son intimité avec son objet d'études n'est pas non plus inédite.

84 En 1855, les budgets imprimés doivent être une voie d'accès aisée aux types de famille grâce à une lecture quasi-synoptique. Or le texte les commentant demeure toujours nécessaire. Les budgets ne conditionnent plus – si jamais ils l'ont fait – en 1877, avec la première réédition, le format du texte. La postérité du budget domestique de Le Play et l'usage des budgets des monographies dans les histoires de la statistique, de l'économie et de la sociologie font partie des chantiers à poursuivre juste après les fouilles des pratiques d'enquête, notamment en matière de recueil des données budgétaires.


Date de mise en ligne : 27/02/2015

https://doi.org/10.3917/etsoc.155.0011

Notes

  • [1]
    L'essentiel de la première partie des Ouvriers européens de 1855 est la méthodologie du budget (pp. 22-47 pour pp. 15-47).
  • [2]
    Cet article doit beaucoup à l'aide savante et critique d'Antoine Savoye, qu'il en soit ici amicalement remercié.
  • [3]
    Si l'on suit l'analyse des cours de Le Play aux Mines par Guy Thuillier, « Manuscrits inédits de Le Play : Économie et société dans la pensée de Le Play en 1844 », Revue administrative, 1962, n° 8-9, pp. 481-486.
  • [4]
    Date de la première édition des Ouvriers européens.
  • [5]
    OE2, t. I, livre Ier Les origines de la méthode d'après les faits observés de 1829 à 1879, chap. I : Les sociétés, la science sociale et la méthode, pp. 18 et suiv.
  • [6]
    OE2, t. III : Les ouvriers du Nord et leurs essaims de la Baltique et de la Manche. chap. III : Mineur du Hartz (Hanovre), §21 : Historique des études poursuivies par l'auteur, de 1829 à 1855, sur la constitution sociale du Hanovre ; influence exercée par ces études sur la conception et l'exécution du présent ouvrage », (pp. 147-152), p. 151.
  • [7]
    La deuxième édition des Ouvriers européens démontre qu'une monographie vit et peut être complétée, refaite ou revisitée. Ainsi, par exemple et bien plus tard, près de soixante ans après la première mouture, Edouard Julhiet (1870-1931) revoit celle du mineur du Hartz (Edouard Julhiet, « Le mineur du Hartz 50 années après Le Play », La Réforme sociale, n° 33, 1er janvier 1897, pp. 73-84).
  • [8]
    OE2, t. I, pp. 237-238.
  • [9]
    Notons que, dans l'édition des Ouvriers européens de 1877 (t. III, pp. 99-152, dont pp. 114124 pour le budget et les comptes annexés), il est indiqué comme dates de l'enquête 1829 et 1845, alors que, dans la première édition de 1855, seule l'année 1845 est précisée.
  • [10]
    Les deux hommes sont alors sur les terres de de Saint-Léger, dont, remarquons-le, on ne sait rien de sa contribution à l'élaboration de la méthode, et du budget première mouture.
  • [11]
    Voir Antoine Savoye, « Frédéric Le Play à la découverte de la société russe. L'expédition en Russie méridionale (1837) », Genèses, 31, 1998, pp. 119-137.
  • [12]
    « Admis à la Société d'économie sociale en 1859, ingénieur des Mines de Saint-Étienne. [...] Ingénieur à la verrerie de Folembray (Aisne) », Anthony Lorry, « Les monographies des Ouvriers européens (1855 et 1877-1879) et des Ouvriers des deux mondes (1857-1930). Inventaire et classification, notice biographique », Les Études sociales, n° 131-132, 2000, p. 158.
  • [13]
    Victor de Cheverry a également réalisé une monographie sur les communautés agricoles du Nivernais qui est discutée devant la Société d'économie sociale dans sa séance du 26 février 1865. Voir cette discussion, Bulletin de la Société internationale des études pratiques d'économie sociale, t. I : 1865-1866, pp. 90-111.
  • [14]
    Guy Thuillier, art. cité.
  • [15]
    Voir Frédéric Audren, Stéphane Bacciochi, Antoine Savoye, « Inventaire des correspondances de Le Play », Les Études sociales, n° 142-143-144 : Frédéric Le Play Anthologie et correspondance, II-2005-2006, pp. 231-47.
  • [16]
    Frédéric Le Play, La constitution essentielle de l'humanité, Tours, A. Marne, 1881, XVI-328 p., 2e éd. 1893 (préface identique à la 1re éd.) XVI-360 p. Aperçu préliminaire : « La découverte de la Constitution essentielle », lre partie : §1 « Comment l'auteur a cherché la Constitution essentielle pour guérir la souffrance de sa patrie », p. 2.
  • [17]
    Jérôme David, « La norme descriptive du budget dans les monographies leplaysiennes et les romans balzaciens », Les Études sociales, n° 138, II-2003, p. 80.
  • [18]
    Frédéric Le Play, La méthode sociale : abrégé des Ouvriers européens..., Tours, A. Mame, 1879, p. 224.
  • [19]
    Paul Lazarsfeld, Philosophie des sciences sociales, préface de Raymond Boudon : « À propos d'un livre imaginaire » (pp. 7-71), Paris, Gallimard, 1970, (509 p.), « Notes sur l'histoire de la quantification : sources, tendances, grands problèmes », (pp. 75-163) (d'abord paru dans Isis, vol. 52, n° 2, 1961, pp. 277-333), p. 133, note 1.
  • [20]
    Ian Hacking, The taming of chance, Cambridge, Cambridge university press, 1990, chap. sur Le Play, pp. 133-141.
  • [21]
    Lynn Mc Donald, The early origins of the social sciences, Montréal, McGill-Queen's University Press, 1993, pp. 315-316.
  • [22]
    OE2, t. I, p. 26.
  • [23]
    OE2, avant-propos, t. I, pp. VII-VIII.
  • [24]
    Voir sur cette avancée Henri Daudin, Études d'histoire des sciences naturelles. I. De Linné à Jussieu : méthodes de la classification et idée de série en botanique et en zoologie (1740-1790). II. Cuvier et Lamarck : les classes zoologiques et l'idée de série animale (1790-1830), Paris, Alcan, 1926, 3 vol. ainsi que le compte rendu de Lucien Febvre, « Un chapitre d'histoire de l'esprit humain. De Linné à Lamarck et à Georges Cuvier », Vivre l'histoire, R. Laffont-Armand Colin, coll. Bouquins, 2009, pp. 273-289 ; paru dans la Revue de synthèse historique, t. 43, 1927, n° 127-129, pp. 37-60.
  • [25]
    Sur le parallèle Balzac-Le Play lire Jérôme David, « La norme descriptive... », art. cité, pp. 73-95.
  • [26]
    Alors que l'on connaît désormais mieux sa scolarité grâce à Jérôme David et son intervention aux conférences complémentaires de l'ÉHESS, 16 décembre 2005 : « Formation de Le Play : institutions, savoirs, ethos savant » et son article, « Avez-vous lu Frédéric Le Play ? Note sur la genèse des Ouvriers européens », Revue d'histoire des sciences humaines [RSHS], Frédéric Audren (dir.), n° 15 : Naissances de la science sociale 1750-1850, 2006/2, pp. 89-102.
  • [27]
    Auguste Comte, Cours de philosophie positive [fin des années 1820], tome 1, leçons 1 à 45, Paris, Hermann, 1998, ici leçon 2, pp. 46-47, cité par J. David dans son article de la RSHS (2006).
  • [28]
    OE1, p. 22.
  • [29]
    L'un, à Ligoure dans les archives familiales Le Play, l'autre en Suisse, à la bibliothèque (voir M.Z. Brooke, Le Play. Engineer and Social Scientist. The Life and Word of Frédéric Le Play, Londres, Longman, 1970, XII-193 p. ; rééd. : New Brunswick (USA), Transaction Publishers, 1998).
  • [30]
    Catherine Bodard Silver (éd., trad. et intro.), Frédéric Le Play. On family, work, and social change, Chicago, coll. The héritage of sociology, University of Chicago Press, 1982, 340 p.
  • [31]
    Henri de Tourville, « La science sociale est-elle une science ? », La Science sociale, janv., fév., avril, déc. 1886.
  • [32]
    Alain Chenu (postface), « La famille-souche questions de méthode », dans Frédéric Le Play, Émile Cheysson, Bayard, Fernand Butel, Les Mélouga, une famille pyrénéenne au XIXe siècle, Paris, Nathan, 1994, p. 198.
  • [33]
    Georges Buisan, « Une lecture comptable des budgets de Le Play », Sociétés contemporaines, n° 26, 1997, p. 73.
  • [34]
    Georges Buisan, « Une lecture ethnographique de Le Play. La vie à Cauterets au XIXe siècle », Lavedan et pays Toy. Revue archéologique, historique et ethnographique de l'arrondissement d'Argelès-Gazost, Société d'études des sept vallées, t. VIII, n° spécial 17, 1985-1986, p. 58. Cet article, notamment, mesure le degré d'autarcie de la famille (50 % d'autoconsommation).
  • [35]
    Comme l'avançait Alain Cottereau dans une intervention à l'Institut national de la recherche agroalimentaire (Inra), 3 avril 2006 : « Redécouvrir les budgets leplaysiens : la pratique d'une théorie économique alternative », dans le cadre du séminaire « Les enquêtes sur les budgets de famille : un outil d'analyse sociale », CSU-Cnrs Corela-Inra, 2005-2006, sous la direction d'Anne Lhuissier et Martine Mespoulet.
  • [36]
    Christophe Joseph Alexandre Mathieu de Dombasle (1777-1843), Annales agricoles de Roville, ou Mélanges d'agriculture, d'économie rurale, et de législation agricole, Paris, Mme Huzard (et Treuttel et Wurtz), 8 vol., 1824-1832 et 1 vol. de suppléments, 1837 (quatre rééditions jusqu'en 1861). Sur la diffusion des acquis des expériences novatrices de gestion agricole : Yannick Lemarchand, « Savoirs et pratiques comptables de l'entreprise agricole expérimentale dans la France du XIXe siècle », communication à la 1re journée Histoire, entreprise et gestion « Comptabilité d'entreprises et histoire XIXe-XXe siècles. Objets, pratiques et enjeux », université Paris VIII, 17 juin 2011.
  • [37]
    Voir l'article de Céline Michaïlesco dans ce numéro.
  • [38]
    Cf. Jérôme David, « La description monographique », communication à la 2e journée du Réseau européen de recherche sur les monographies, Iresco, 14 mai 2002.
  • [39]
    OE1, p. 22.
  • [40]
    Publiée en français, John Burnett a livré une présentation synthétique des enquêtes sociales anglaises sur deux siècles, mais il ne considère que leurs apports à la connaissance de l'alimentation ouvrière, juge les budgets de famille comme allant de soi et donc ne pose pas la question des origines conceptuelles. John Burnett, « Les enquêtes sur l'alimentation et la mesure de la pauvreté (17901945) », dans J. Carré et J.-P. Revauger (dir.), Écrire la pauvreté. Les enquêta sociales britanniques aux XIXe et XXe siècles, Paris, L'Harmattan, 1995, pp. 145-170 et John Burnett, Plenty and want. A social history of food in England from 1815 to the present day, Londres, Rootledge, 1966, rééd. 1999.
  • [41]
    Oxford dictionary of national biography, Oxford, Oxford university press, vol. 15, 2004. David Davies, The case of labourers in husbandry stated and considered, in three parts : part. I : A view of the distressed condition, part. II : The principal causes of their growing distress and number, and of the consequent increase of the poor-rate, part. III : Means of relief proposed, with an Appendix containing a collection of accounts, showing the earnings and expenses of labouring families, in different parts of the Kingdom, Bath, G. G. and J. Robinson, 1795, 200 p. ; rééd. abrégée en 1828 (n'a pu être consulté).
  • [42]
    Frederik Morton Eden (sir), The state of the poor, or an History of the labouring classes in England, from the conquest to the present period, in which are particularly considered their domestic economy, with respect to diet, dress, fuel and habitation... together with parochial reports relative to the administration of work-houses and houses of industry, the state of friendly societies, and other public institutions, Londres, J. Davis, 1797, 3 vol.
  • [43]
    John Wade, History and political philosophy of the middle and working classes, with a popular exposition of the economical and political principes which bave influenced the... condition of the industrious orders, Londres, Effingham Wilson, 1833 ; 4e éd. aug. (et renouv.) : History and political philosophy of the middle and working classes, Édimbourg, W. and R. Chambers, 1842, en appendice, n° 12, p. 167.
  • [44]
    La Manchester Statistical Society fut fondée en 1833, un an avant la Statistical Society of London.
  • [45]
    William Neild, « Comparative statement of the income and expenditure of certain families of the working classes in Manchester and Dukinfield in the years 1836 and 1841 », s. 1. n. d., in-8°, 16 p. (extrait de Quaterly Journal of the Statistical Society of London, janv. 1842), p. 3.
  • [46]
    Après deux éditions en Angleterre et une en Belgique, il est réédité à Bruxelles en 1845 : Giovanni Arrivabene, Sur la condition des laboureurs et des ouvriers belges et sur quelques mesures pour l'améliorer, lettre adressée à M. le vicomte Biolley, sénateur, par J. Arrivabene, suivie d'une nouvelle édition de l'Enquête sur l'état des habitants de la commune de Gaesbeeck, augmentée de quelques notes, Bruxelles, Meline, Cans et Cie, 1845, in-8°, 75 p.
  • [47]
    Giovanni Arrivabene, De l'état des travailleurs dans la commune de Vira-Magadino, canton du Tessin, Suisse. Précédé d'un aperçu général du canton, Bruxelles, impr. d'Eugène Dubois, 1840, gr. in-8°, 52 p. (extrait de la Revue étrangère et française de législation et d'économie politique, septembre et octobre 1839), pp. 4-5.
  • [48]
    Giovanni Arrivabene, Sur la condition des laboureurs... op. cit., p. 43.
  • [49]
    Giovanni Arrivabene, Sur la condition des laboureurs... op. cit., p. 64, note 1 (de 1833).
  • [50]
    Giovanni Arrivabene, De l'état des travailleurs... op. cit.
  • [51]
    Oxford dictionary of national biography, Oxford, Oxford university press, vol. 51, 2004. Parmi ses publications, Alexander Somerville, A letter to the farmers of England on the relationship of manufacturées and agriculture, Londres, James Ridgway, 1843, 16 p. (n'a pu être consulté).
  • [52]
    Voir Hilde Rigaudias-Weiss, Les enquêtes ouvrières en France entre 1830 et 1848, Paris, PUF, 1936, 262 p. ; Michelle Perrot, Enquêtes sur la condition ouvrière en France au XIXe siècle, Paris, Hachette, 1972, 104 p. et Francis Dernier, « Liste chronologique des enquêtes 1821-1860 », dans Louis René Villermé, Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, rééd. préfacée par Jean-Pierre Chaline et Francis Démier, Paris, Études et documentations internationales, 1989, pp. 77-79.
  • [53]
    Voir Antoine Savoye, Les débuts de la sociologie empirique, Paris, Méridiens Klincksieck, 1994, pp. 13-51.
  • [54]
    Louis René Villermé, Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, Paris, Renouard, 1840, 2 vol.
  • [55]
    Eugène Buret, De la misère des classes laborieuses en Angleterre et en France : de la nature de la misère, de son existence, de ses effets, de ses causes et de l'insuffisance des remèdes qu'on lui a opposés jusqu'ici, avec les moyens propres à en affranchir les sociétés, Paris, Paulin, 1840, 2 vol. ; rééd. en fac-sim. : Paris, EDHIS, 1979, 2 vol.
  • [56]
    Villermé, optimiste pense que la société libérale est suffisamment forte pour prendre à bras le corps la question du paupérisme et la traiter sur son terrain, sans faire d'entorse à sa logique. Buret utilise le document social contre l'idéologie libérale [...]. » Francis Démier, « Le Tableau de Villermé et les enquêtes ouvrières du premier XIXe siècle », dans Louis René Villermé, Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie, rééd. préfacée par Jean-Pierre Chaline et Francis Démier, Paris, Études et documentations internationales, 1989, p. 65.
  • [57]
    Le Magasin pittoresque, 1840, pp. 79-80.
  • [58]
    Promenades dans Londres, Paris, H.-L. Delloye, 1840, LIV-412 p. (rééd. la même année) ; Promenades dans Londres ou l'Aristocratie et les prolétaires anglais, éd. revue et augmentée, Paris, Raymond-Bocquet, 1842, in-18, LVI-250 p. ; rééd. de 1842 établie et commentée par François Bédarida. Paris, La Découverte, 2003, 358 p.
  • [59]
    Sur la généalogie de l'économie politique et les tenants de la crise qui éclate avec Comte dans les années 1820 et 1830, lire Philippe Steiner, « La science de l'économie politique et les sciences sociales en France 1750-1830 », Revue d'histoire des sciences humaines, 2006/2, pp. 15-42.
  • [60]
    Giovanna Procacci, Gouverner la misère. La question sociale en France en 1789-1848, Paris, Le Seuil, 1993, p. 163.
  • [61]
    Pierre Sébastien Bigot de Morogues, Alban de Villeneuve-Bargemont, Charles de Coux, Joseph-Marie de Gérando, dans des registres différents, en sont d'autres acteurs.
  • [62]
    Frédéric Le Play, La constitution essentielle de l'humanité, Tours, A. Mame, 1881, §2 « Comment l'auteur a été naturellement conduit à la méthode sociale », p. 6.
  • [63]
    Frédéric Le Play, Vues générales sur la statistique suivi d'un Aperçu d'une statistique générale de la France, Paris, Imprimerie de Bourgogne et Martinet, 1840, 15 p.
  • [64]
    Paul Lazarsfeld, op. cit., p. 98.
  • [65]
    La statistique représentant pour lui l'ensemble des connaissances que doit posséder un homme d'État » (Le Trésor de la langue française informatisé, art. statistique).
  • [66]
    Michel Verret, Chevilles ouvrières, Paris, Les Éditions de l'atelier-Les Éditions ouvrières, 1995, p. 32.
  • [67]
    Choix d'éloges français les plus estimés, Paris, D'Hautel, 1812, 260 p.
  • [68]
    Jacques Peuchet, Essai d'une statistique générale de la France, Paris, Testu, an IX (1800), 78 p. et Description topographique et statistique de la France par J. Peuchet,... et par P. G. Chanlaire, Paris, P. G. Chanlaire, Cabany et Courcier, 1807, 3 vol.
  • [69]
    Alexandre Jean Baptiste Parent-Duchâtelet, De la prostitution dans la ville de Paris, 1834, 2 vol.
  • [70]
    Édouard Ducpetiaux, De la condition physique et morale des jeunes ouvriers et des moyens de l'améliorer, Bruxelles, Méline, Cans, 1843, 2 vol. ; rééd. en fac-sim. Paris, Éditions d'histoire sociale, 1979, 2 vol. et Le paupérisme en Belgique, causes et remèdes, Bruxelles, A. Decq, 1844, 87 p. Il est surtout connu pour son enquête souhaité par le Congrès international de statistique en 1853 rassemblant 199 budgets dont 49 agricoles, matériaux qui servirent au travail de Ernst Engel (18211896), directeur du Bureau de statistique du royaume de Saxe : « Budgets économiques des classes ouvrières en Belgique : subsistances, salaires, population », Bulletin de la Commission centrale de Statistique, Bruxelles, M. Hayez, impr. de la Commission centrale de statistique, 1855. Dans cette publication qui suit immédiatement celle des Ouvriers européens, il présente des budgets économiques de familles choisies pour leur valeur représentative au niveau national et où sont pris en compte les opérations non monétisées.
  • [71]
    Invention de cette source par Antoine Savoye : Arch. dép. de Haute-Savoie, fonds Despine, 11J 437 (26 lettres de Le Play, 1839-1858).
  • [72]
    George Richardson Porter, « Correspondance Le Play-Porter » [1842-1848] éditée par Antoine Savoye, Les Etudes sociales, n° 119, 1990-1991, pp. 1-15.
  • [73]
    George Richardson Porter, The progress of the nation in its varions social and economical relations from the beginning of the nineteenth century, Londres, C. Knight, 1836-1838, 2 vol. (sections I et II : Population and production, 1836. sections III et IV : Interchange, and revenue and [public] expenditure, 1838) ; rééd. : Londres, Murray, 1851, XXVII-843 p. ; trad. fr. : Progrès de la GrandeBretagne sous le rapport de la population et de la production. Traduit de l'anglais de M. G.-R. Porter,... et accompagné de notes et tableaux présentant les progrès analogues pour la France par Ph. Chemin-Dupontès, précédé d'une préface par M. Michel Chevalier, Paris, C. Gosselin et Cie, 1837, LIX-388 p.
  • [74]
    Sur les tableaux et les filiations, voir Jérôme David, « Les « tableaux » des sciences sociales naissantes : comparatisme, statistique, littérature », RHSH, n° 5, 2001, pp. 37-59.
  • [75]
    Alexandre Moreau de Jonnès, Éléments de statistique : comprenant les principes généraux de cette science, et un aperçu historique de ses progrès, Paris, Guillaumin, 1re éd. 1847, 362 p. ; 2e éd. 1856, in-18, 464 p. (comprenant une bibliographie statistique des ouvrages alors parus en Europe).
  • [76]
    Antoine Savoye, Les débuts de la sociologie empirique, op. cit., p. 23.
  • [77]
    Autre éd. : Paris, Carilian-Goeury, 1832, 44 p.
  • [78]
    Ministère du Commerce et des Travaux publics [Frédéric Le Play], Compte rendu des travaux des ingénieurs de l'administration des Mines et statistiques de l'industrie minérale de la France, Paris, Imprimerie royale, 1834-1847, gr. in-fol. (puis Statistique de l'industrie minérale en France, en Algérie et dans les territoires de la France d'outre-mer).
  • [79]
    Eugène Lefébure de Fourcy, « Notice biographie de P. G. F. Le Play », Annales des Mines, juil.-août 1882, reproduite en tête de Albert Le Play, Voyages en Europe 1829-1854. Extraits de sa correspondance publiés par Albert Le Play (Paris, E. Plon, Nourrit et Cie, 1899, pp. 3-25), p. 10.
  • [80]
    Eugène Lefébure de Fourcy, art. cité, p. 12.
  • [81]
    Voir Ian Hacking (op. cit.), pour une belle mise en perspective de sa place dans le mouvement statisticien du siècle.
  • [82]
    Frédéric Le Play, Vues générales..., op. cit. et « Statistique », l'Encyclopédie nouvelle ou dictionnaire philosophique, scientifique, littéraire et industriel, offrant le tableau des connaissances humaines au dix-neuvième siècle par une société de savants et de littérateurs, sous la direction de Pierre Leroux et Jean Reynaud, Paris, Gosselin, (1835-1842, 8 vol.), vol. 8, 1842, pp. 275-283.
  • [83]
    Frédéric Le Play, « Soie », l'Encyclopédie nouvelle..., op. cit., vol. 8, 1842, pp. 215-220 ; repris de Recherches statistiques sur la production et l'élaboration de la soie en France, Paris, Imprimerie de Bourgogne et Martinet, 1839, 24 p.
  • [84]
    Frédéric Le Play, « Statistique », art. cité, p. 276.
  • [85]
    Le Play est le grand absent des ouvrages de Theodore M. Porter, The rise of statistical thinking 1820-1900, Princeton, Princeton university press, 1986, XII-333 p. et de Stephen M. Stigler, The history of statistics : the measurement of uncertainty before 1900, Cambridge (Mass.)-Londres, Harvard University Press, 1986, XVI-410 p.
  • [86]
    Émile Cheysson et Alfred Toqué, Les budgets comparés des cent monographies de familles, publiées d'après un cadre uniforme dans les Ouvriers européens et les Ouvriers des deux mondes, avec une introduction par É. Cheysson, en collaboration avec Alfred Toqué, Rome, impr. de Botta, 1re édition 1890, gr. in-8°, 157 p. (extrait du Bulletin de l'Institut international de statistique, t. V, 1890) ; rééd. en fac-sim. Paris-Genève, Slatkine, 1984, p. 37.
  • [87]
    Alain Chenu, op. cit., p. 219.
  • [88]
    Questionnaire établi par F. Le Play en 1850 pour Augustin Cochin, 5 ff., archives privées Cochin (reproduit en fin de dossier).
  • [89]
    Voir Fabien Cardoni, « Précis de la formation d'un ingénieur des Mines. Frédéric Le Play de 1806 à 1830 », dans Antoine Savoye et Fabien Cardoni (dir.), Frédéric Le Play, parcours, audience, héritage, Paris, Presses des Mines, 2007, pp. 13-41.
  • [90]
    OEl. p. 22.
  • [91]
    À propos des finances anglaises : Frédéric Le Play, La réforme sociale déduite de l'observation comparée des peuples européens, Paris, Plon, 1864, t. II, chap. VII : « La réforme du gouvernement central », pp. 350-353.
  • [92]
    Sur la naissance et la vie mouvementée de cette Sisyphe budgétaire qu'est la section, voir Fabien Cardoni, « La construction d'une architecture budgétaire formelle et l'orthodoxie financière au XIXe siècle », dans Philippe Bezès, Florence Descamps, Sébastien Kott et Lucile Tallineau (dir.), La mise en place du système financier public 1814-1914. Élaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXe siècle, Paris, Comité pour l'histoire économique et financière de la France, 2010, pp. 425-451.
  • [93]
    OEl. p. 22.
  • [94]
    Cf. Stéphane Bacciochi et Jérôme David, « IV. Ramifications épistémologiques. Décrire, définir, évaluer, comparer », Les Études sociales, n° 142-143-144 : Anthologie et correspondance, II-2005-2006, p. 88
  • [95]
    Yannick Lemarchand, « Partie double », dans Marie-Laure Legay (dir.), Dictionnaire historique de la comptabilité publique 1500-1850, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, pp. 305-308.
  • [96]
    Georges Buisan, « Une lecture comptable... », art. cité, p. 78.
  • [97]
    OE1. p. 12.
  • [98]
    Frédéric Le Play, La constitution de l'Angleterre, considérée dans ses rapports avec la loi de Dieu et les coutumes de la paix sociale, précédée d'aperçus sommaires sur la nature du sol et l'histoire de la race, Tours, A. Mame et fils, 1875, t. II, documents annexés, pièce VI, pp. 314-321 : « Le précis des budgets » (en francs).
  • [99]
    Frédéric Le Play, La constitution de l'Angleterre..., op. cit., t. II, p. 314 : « Dans ces comptes ne figurent point les recettes et les dépenses de plusieurs services publics. Tels sont notamment : les diocèses, les paroisses et les universités de l'Église établie, les services spéciaux aux paroisses, rurales ou urbaines, dépendant des comtés. »
  • [100]
    OE1, p. 31.
  • [101]
    Quelques exemples d'aberrations : comment évaluer, en francs de surcroît, les corvées exécutées à titre d'impôt seigneurial par les paysans des steppes d'Orenbourg (OE1, pp. 58-68) ? Que pensez de cette mère qui travaille 382 journées par an (« Tisseur d'usine de Saint-Quentin... », Ouvriers des deux mondes, Paris, Société d'économie sociale, 3e série, t. III, 1910, pp. 77-109) ? Et des erreur d'interprétations, comme celle relevée par Alfons Reuss dans sa revisite de la monographie du mineur du Hartz, concernant les dépenses de boisson dans la vie sociale de l'individu, qui loin d'être un ivrogne est un politicien de brasserie.

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