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Article de revue

Aux sources de la pseudépigraphie. Le cas de Jérémie

Pages 563 à 582

Notes

  • [*]
    Stéphanie Anthonioz est professeure de littératures et religions comparées du Proche-Orient ancien à la Faculté de théologie de l’Université catholique de Lille, membre du laboratoire Orient et Méditerranée (UMR 8167, CNRS – Paris Panthéon Sorbonne – EPHE – Collège de France).
  • [1]
    Hindy Najman, avec Itamar Manoff, Eva Mroczek, « How to Make Sense of Pseudonymous Attribution : The Cases of 4 Ezra and 2 Baruch », in Matthias Henze (éd.), A Companion to Biblical Interpretation in Early Judaism, Grand Rapids, William B. Eerdmans, 2012, p. 308-336 ; Hindy Najman, « Torah of Moses : Pseudonymous Attribution in Second Temple Writings », in Craig A. Evans (éd.), The interpretation of Scripture in Early Judaism and Christianity, Sheffield, Academic Press, 2000, p. 202-216.
  • [2]
    Alexander Kulik, 3 Baruch : Greek-Slavonic Apocalypse of Baruch, Berlin, De Gruyter, 2010 ; Jacqueline Moatti-Fine, Isabelle Assan-Dhote, Baruch, Lamentations, Lettre de Jérémie, traduction du texte grec de la Septante, Paris, Cerf, coll. « La Bible d’Alexandrie 25.2 », 2005 ; J. Edward Wright, Baruch ben Neriah : From Biblical Scribe to Apocalyptic Seer, Columbia, University of South Carolina Press, 2003 ; Pierre-Maurice Bogaert, Apocalypse syriaque de Baruch, introduction, traduction du syriaque et commentaire, Paris, Cerf, coll. « Sources chrétiennes 144-145 », 1969.
  • [3]
    Sean A. Adams, Baruch and the Epistle of Jeremiah : A Commentary on the Greek Texts of Codex Vaticanus, Leyde, Brill, coll. « Septuagint Commentary Series », 2014 ; Benjamin G. Wright, « The Epistle of Jeremiah : Translation or Composition ? », in Géza G. Xeravits, József Zsengellér (éd.), Deuterocanonical Additions of the Old Testament Books : Selected Studies, Berlin, De Gruyter, 2010, p. 126-142.
  • [4]
    L’Histoire de la captivité babylonienne est un ouvrage écrit à l’origine en grec, dont il ne subsiste qu’une version copte qui a été ensuite traduite en arabe. Les Paralipomènes de Jérémie sont écrits en grec et traduits en éthiopien, arménien et vieux slave. Tous deux apocryphes sont pour ainsi dire « jumeaux », rédigés l’un après la première et l’autre après la deuxième Guerre juive (66-74 et 132-135 de notre ère). Ils offrent à leurs audiences respectives une clé de lecture de ces événements tragiques revisités à travers le prisme des expériences fondatrices de la première conquête de Jérusalem par les Chaldéens, en 587 avant notre ère, de l’exil babylonien et du retour glorieux du peuple élu, après une captivité d’une durée de soixante-dix ou soixante-six ans. Pierluigi Piovanelli, « Le sommeil séculaire d’Abimélech dans l’Histoire de la captivité babylonienne et les Paralipomènes de Jérémie : texte – intertextes – contextes », in Daniel Marguerat (éd.), Intertextualités, Genève, Labor et Fides, coll. « Le Monde de la Bible 40 », 2000, p. 73-96.
  • [5]
    L’Apocryphe de Jérémie C est le titre donné à un texte inconnu jusqu’à sa découverte à Qumrân, représenté par six manuscrits provenant de la grotte 4 de Qumrân (4Q385a ; 4Q387 ; 4Q388a ; 4Q389 ; 4Q390 ; 4Q387a). Selon la reconstruction de l’éditeur D. Dimant, l’essentiel des fragments qui subsistent de l’Apocryphe de Jérémie C présente plusieurs parties de ce qui paraît être un seul et même discours divin adressé au prophète Jérémie. Ce discours, à la manière des apocalypses juives contemporaines, offre un panorama de l’histoire, qui va des épisodes bibliques les plus anciens jusqu’à l’époque du second Temple. Voir Devorah Dimant, « From the Book of Jeremiah to the Qumranic Apocryphon of Jeremiah », Dead Sea Discoveries 20 (2013), p. 452-471 ; Id., « L’apocryphe de Jérémie C de Qumrân = The Apocryphon of Jeremiah C from Qumran », Revue d’histoire et de philosophie religieuses 85 (2005), p. 497-515. Sur la complexité de cet écrit, voir Eibert Tigchelaar, « Classifications of the Collection of Dead Sea Scrolls and the Case of Apocryphon of Jeremiah C », Journal for the Study of Judaism 43 (2012), p. 519-550. Sur les liens entretenus entre cet écrit et la tradition jérémienne biblique, voir récemment Davis Kipp, The Cave 4 Apocryphon of Jeremiah and the Qumran Jeremianic Traditions. Prophetic Persona and the Construction of Community Identity, Leyde, Brill, coll. « Studies on the Texts of the Desert of Judah 111 », 2014.
  • [6]
    Je remercie tout particulièrement Pierluigi Piovanelli et Pierre-Maurice Bogaert qui ont volontiers accepté de relire cette contribution, de la commenter et de l’enrichir de leurs remarques, même si l’argument défendu ne reflète pas nécessairement leur point de vue.
  • [7]
    Konrad Schmid, « L’auto-compréhension des livres prophétiques comme littérature de réécriture », in Claire Clivaz et al. (éd.), Écritures et réécritures. La reprise interprétative des traditions fondatrices par la littérature biblique et extra-biblique. Cinquième colloque international du RRENAB, Universités de Genève et Lausanne, 10-12 juin 2010, Louvain, University Press, coll. « Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 248 », 2012, p. 126 ; Ernst Axel Knauf, « Audiatur et altera pars : Zur Logik der Pentateuch-Redaktion », BibelundKirche 53 (1998), p. 118-126.
  • [8]
    Un « premier discours du temple » est localisé en Jr 7,1-8,3.
  • [9]
    2QJr, daté du début du ier siècle de notre ère, présente des différences avec le TM, principalement orthographiques. 4QJra, daté vers le début du iie siècle av. n. è. présente un texte très proche du TM. 4QJrb est un fragment unique proche de 4QJrd ayant sans doute appartenu au même rouleau tandis que 4QJre parfois rattaché à ce rouleau doit être tenu pour le fragment unique d’un autre rouleau, tant la main de scribe que le caractère textuel diffèrent de 4QJrb et d. 4QJrb et d sont datés de la période hasmonéenne, soit la première partie du iie siècle av. n. è., et se rapprochent de la LXX non seulement par leur brièveté mais encore par leur arrangement. Cependant, 4QJrb n’est pas identique à la Vorlage de la LXX et s’accorde avec le TM dans certains détails (au moins cinq) sans oublier les lectures uniques. 4QJrc, daté du début de la période hérodienne soit vers la fin du ier siècle av. n. è., est très proche du TM comme 4QJra. Voir Emanuel Tov, « The Jeremiah Scrolls from Cave 4 », Revue de Qumrân 14 (1989), p. 189-207 ; Id., « Some Aspects of the Textual and Literary History of the Book of Jeremiah », in Pierre-Maurice Bogaert (éd.), Le livre de Jérémie : Le prophète et son milieu, les oracles et leur transmission, Louvain, The University Press, coll. « Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 54 », 1981, p. 145-167.
  • [10]
    E. Tigchelaar, « Classifications of the Collection of Dead Sea Scrolls and the Case of Apocryphon of Jeremiah C », art. cit., p. 521 ; Id., « Constructing, Deconstructing and Reconstructing Fragmentary Manuscripts : Illustrated by a Study of 4Q184 (4QWiles of the Wicked Woman) », in Maxime L. Grossman (éd.), Rediscovering the Dead Sea Scrolls : An Assessment of Old and New Approaches and Methods, Grand Rapids, William B. Eerdmans, 2010, p. 26-47.
  • [11]
    Je remercie vivement les auteurs de m’avoir généreusement communiqué l’introduction de cette édition en cours. Une partie de leurs travaux est aujourd’hui éditée sous la forme d’articles [Christian-Bernard Amphoux, Arnaud Sérandour, « Le vocabulaire homilétique de Jr 1-20 comparé à 4 Rg 17,7-20 », in Melvin K. H. Peters (éd.), XIV Congress of the International Organization for Septuagint and Cognate Studies, Helsinki, 2010, Atlanta, Society of Biblical Literature, 2013, p. 381-396 ; Id., « La date de la forme courte de Jérémie », in Mireille Loubet, Didier Pralon (éd.), Eukarpa : études sur la Bible et ses exégètes, en hommage à Gilles Dorival, Paris, Cerf, 2011, p. 25-35 ; Id., « Jr 10,1-10 : les enjeux des deux formes », inWolfgang Kraus, Olivier Munnich (éd.), La Septante en Allemagne et en France, textes de la Septante à traduction double ou à traduction très littérale = Septuaginta Deutsch und Bible d’Alexandrie : Texte der Septuaginta in Doppelüberlieferung oder in wörtlicher Übersetzung, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, p. 193-203 ; Id., « La composition de Jérémie LXX d’après les divisions du Codex Vaticanus (B) », in Melvin K. H. Peters (éd.), XIII Congress of the International Organization for Septuagint and Cognate Studies, Ljubljana, 2007, Atlanta, Society of Biblical Literature, 2008, p. 3-21] et dans l’ouvrage récent paru sous le titre La forme courte du livre de Jérémie, avec la collaboration de Mathilde Aussedat, Éditions universitaires européennes, 2014, qui reprend ces mêmes articles et est doté d’une riche introduction. On peut encore ajouter l’article de Chr.-B. Amphoux, « Les réécritures du livre de Jérémie (LXX) », in Claire Clivaz et al. (éd.), Écritures et réécritures. La reprise interprétative des traditions fondatrices par la littérature biblique et extra-biblique. Cinquième colloque international du RRENAB, Universités de Genève et Lausanne, 10-12 juin 2010, Louvain, Peeters, coll. « Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 248 », 2012, p. 213-225.
  • [12]
    Par exemple, Yair Hoffman, Jeremiah. Volume One, Chapters 1-25 : Introduction and Commentary, Jérusalem, Magnes Press, coll. « MikraLeyisra’el », 2001 ; Id., Jeremiah. Volume Two, Chapters 26-52 : Introduction and Commentary, Jérusalem, Magnes Press, coll. « MikraLeyisra’el », 2001 ; William McKane, A Critical and Exegetical Commentary on Jeremiah. Volume I, Introduction and Commentary on Jeremiah I-XXV, Édimbourg, T. & T. Clark, coll. « International Critical Commentary », 1986 ; Id., A Critical and Exegetical Commentary on Jeremiah. Volume II, Commentary on Jeremiah XXVI-LII, Édimbourg, T. & T. Clark, coll. « International Critical Commentary », 1996 ; Gerald L. Keown, Pamela J. Scalise, Thomas G. Smothers, Jeremiah 26-52, Dallas, Word Books, coll. « Word Biblical Commentary 27 », 1995 ; Peter C. Craigie, Page H. Kelley, Joel F. Drinkard, Jeremiah 1-25, Dallas, Word Books, coll. « Word Biblical Commentary 26 », 1991 ; William L. Holladay, Paul D. Hanson, Jeremiah 1 : A Commentary on the Book of the Prophet Jeremiah Chapters 1-25, Philadelphia, Fortress Press, coll. « Hermeneia : A Critical and Historical Commentary on the Bible », 1986 ; Id., Jeremiah 2 : A Commentary on the Book of the Prophet Jeremiah Chapters 26-52, Minneapolis, Fortress Press, coll. « Hermeneia : A Critical and Historical Commentary on the Bible », 1989 ; Ernest W. Nicholson, The Book of the Prophet Jeremiah. Chapters 1-25, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « The Cambridge Bible Commentary on The New English Bible », 1973 ; Id., The Book of the Prophet Jeremiah. Chapters 26-52, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « The Cambridge Bible Commentary on The New English Bible », 1975.
  • [13]
    Daniel Epp-Tiessen, Concerning the Prophets : True and False Prophecy in Jeremiah 23 :9-29 :32, Eugene, Oregon, Pickwick Publications, 2012, p. 44.
  • [14]
    Ibid., p. 205.
  • [15]
    L’introduction des deux péricopes est similaire et il s’agit dans les deux cas de récits de conflit : en 26, Jérémie est au temple et, après son discours, un conflit l’oppose « aux prêtres et aux prophètes » (26,8.11.16) tandis que princes et hauts fonctionnaires lui sont favorables (26,10.16). Le roi est absent. En 36, c’est Jérémie qui est absent. Baruch fait lecture des paroles du rouleau, les princes sont embarrassés. La parole refusée au temple est à nouveau refusée dans la lecture du rouleau. Le roi donne l’ordre d’arrêter le prophète et son secrétaire. Il y a escalade dans l’opposition. On peut ajouter aussi des points de contact précis : le propos de la parole de Jérémie, qu’il la dise lui-même ou par l’intermédiaire de Baruch est le même ; la conversion du peuple (26,3 ; 36,3) est exprimée par la même racine ; le prophète est entouré par des groupes qui prennent position ; le lieu est identique à « l’entrée de la porte neuve de la maison de Yhwh » (26,10 ; 36,10). Voir Joëlle Ferry, « “Le livre dans le livre” : lecture de Jérémie 36 », in Jean-Daniel Macchi, Christophe Nihan, Thomas Römer (éd.), Les recueils prophétiques de la Bible : origines, milieux, et contexte proche-oriental, Genève, Labor et Fides, coll. « Le Monde de la Bible 64 », 2012, p. 287.
  • [16]
    Bob Becking, Between Fear and Freedom : Essays on the Interpretation of Jeremiah 30-31, Leyde, Brill, coll. « Oudtestamentische Studiën 51 », 2004.
  • [17]
    J. Ferry, « “Le livre dans le livre” : lecture de Jérémie 36 », art. cit., p. 287.
  • [18]
    Une comparaison de Jr 36,3 ; 26,3 et Ex 34,9b montre que « les auteurs de Jr 36 mettent les mots de Moïse dans la bouche de Jérémie (36,3b), mais lorsque Jérémie les dicte à Baruch, ils deviennent “paroles de Yhwh” (36,4). Qu’est-ce à dire, sinon que, pour ces scribes, la révélation n’est pas parvenue à son terme avec la mort de Moïse, mais est vivante au temps de Jérémie ? Le Deutéronome insiste sur le fait de ne rien ajouter et de ne rien enlever (4,2). Or, en 36,32 le dernier mot est précisément pour dire que “beaucoup de paroles du même genre furent ajoutées”. J. Ferry, « “Le livre dans le livre” : lecture de Jérémie 36 », art. cit., p. 302-303. Manifestement on tient là un type de métadiscours prophétique : les textes sont nés d’un processus d’écriture successif et continu.
  • [19]
    Martti Nissinen, « Since when do Prophets Write ? », in Kristin De Troyer, M. Law, Marketta Liljeström (éd.), In the Footsteps of Sherlock Holmes. Studies in the Biblical Text in Honour of Anneli Aejmelaeus, Louvain, Peeters, 2014, p. 585-606.
  • [20]
    Une allusion lui est faite en Jr 22,24 (« Par ma vie – oracle du Seigneur –, quand bien même Konyahou, fils de Yoyaqim, roi de Juda, serait un sceau attaché à ma main droite, je l’en détacherais »), mais le roi ne sert pas à la chronologie du livre.
  • [21]
    Mark Roncace, Jeremiah, Zedekiah, and the Fall of Jerusalem, New York, T. &T. Clark, 2005.
  • [22]
    À Yoyaqim et Sédécias, on peut ajouter Yoakhaz (2 R 24,31-34), roi depuis quelques mois, impie et déporté par le Pharaon Néko en Égypte où il meurt. Il lui est fait allusion en Jr 22,11 sous le nom de Shalloum.
  • [23]
    Thomas Römer, « From Prophet to Scribe : Jeremiah, Huldah and the Invention of the Book », in Philip R. Davies, Thomas Römer (éd.), Writing the Bible. Scribes, Scribalism and Script, Durham, Acumen, 2013, p. 86-96.
  • [24]
    Au sujet de l’analyse et de l’interprétation de la différence entre texte court (LXX) et texte long (TM), voir Pierre-Maurice Bogaert, « Les documents placés dans une jarre : texte court et texte long de Jr 32, LXX 39 », in Gilles Dorival, Olivier Munnich (éd.), Selon les Septante : trente études sur la Bible grecque des Septante, en hommage à Marguerite Harl, Paris, Cerf, 1995, p. 53-77. La traduction présentée de ce double verset lui est empruntée.
  • [25]
    L’italique est nôtre dans l’ensemble des citations. Il vise à attirer l’attention sur la notion traduite de séfèr et sur ses diverses nuances.
  • [26]
    P.-M. Bogaert, « Les documents placés dans une jarre : texte court et texte long de Jr 32, LXX 39 », art. cit., p. 72.
  • [27]
    Ibid., p. 73-75.
  • [28]
    Raymond de Hoop, « Textual, Literary, and Delimitation Criticism : The Case of Jeremiah 29 in M and Q », in Raymond de Hoop, Marjo C. A. Korpel, Stanley E. Porter (éd.), The Impact of Unit Delimitation on Exegesis, Leyde, Brill, 2009, p. 29-62.
  • [29]
    Joëlle Ferry, « Jérémie 29 : une identité dans l’écriture », in Olivier Artus, Joëlle Ferry (éd.), L’identité dans l’Écriture, hommage au professeur Jacques Briend, Paris, Cerf, 2009, p. 166.
  • [30]
    Voir en détail Klaas Smelik, « Letters to the Exiles : Jeremiah 29 in Context », Scandinavian Journal of the Old Testament 10 (1996), p. 282-295. Autre proposition de Jorge Torreblanca, « Continuidad para el futuro del pueblo de Dios : Análisis exegético estructual de Jeremías 52, 54 y 29 », Cuadernos de Teología 23 (2005), p. 17-35, particulièrement p. 30.
  • [31]
    B. Becking, « Divine Reliability and the Conceptual Coherence of the Book of Consolation (Jeremiah 30-31) », in Martin Kessler (éd.), Reading the Book of Jeremiah : A Search for Coherence, Winona Lake, Eisenbrauns, 2004, p. 163-179 ; Id., « Jeremiah’s Book of Consolation : A Textual Comparison Notes on the Massoretic and the Old Greek Version of Jeremiah XXX-XXXI », Vetus Testamentum 44 (1994), p. 145-169.
  • [32]
    L’italique est nôtre dans l’ensemble des citations. Il permet ici d’attirer l’attention sur les différentes expressions de bonheur.
  • [33]
    J. Ferry, « Jérémie 29 : une identité dans l’écriture », art. cit., p. 170.
  • [34]
    Dalit Rom-Shiloni, « The Prophecy for “Everlasting Covenant” (Jeremiah XXXII 36-41) : An Exilic Addition or a Deuteronomistic Redaction ? », Vetus Testamentum 53 (2003), p. 210-211.
  • [35]
    S. Mowinckel rattachait 29,1-23 à la source C des discours en prose de facture deutéronomiste que le rédacteur aurait écrit vers 400 av. n. è. depuis Babylone et 29,24-32 à la source B constituée de morceaux biographiques en prose (19-20 ; 26-44) dont l’éditeur serait un proche de Jérémie. Cette attribution à la source B a été remise en cause avec les travaux récents sur les rédactions deutéronomistes du livre. Pour W. Thiel, un rédacteur D aurait inséré au texte initial de la lettre les versets 8-9 et 15 pour le relier au chapitre 28, les versets 10-14 pour le joindre au chapitres 30-32, les versets 16-20 faisant écho au chapitre 24. Voir Winfried Thiel, Die deuteronomistische Redaktion von Jeremia 26-45, Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, coll. « Wissenschaftliche Monographien zum Alten und Neuen Testament 52 », 1981, p. 19.
  • [36]
    Pour une lecture narratologique, consulter Elena Di Pede, « Jer 32, exergue du récit des chapitres 32-45 ? », Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft 117 (2005), p. 559-573.
  • [37]
    Mark Leuchter, « Personal Missives and National History : The Relationship between Jeremiah 29 and 36 », in Mark J. Boda, Lissa M. Wray Beal (éd.), Prophets, Prophecy, and Ancient Israelite Historiography, Winona Lake, Eisenbrauns, 2013, p. 275-293.
  • [38]
    La bibliothèque d’Alexandrie atteste bien différents canons à la différence qu’il s’agit de canons d’auteurs et que ceux-là ne sont pas liés à l’autorité d’une révélation.
  • [39]
    Sur ce point, je me sépare donc de la conclusion de K. Schmid, « L’auto-compréhension des livres prophétiques comme littérature de réécriture », art. cit., p. 135-136 : « Le noyau du livre de Jérémie ou du livre d’Isaïe – tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif – provient de “Jérémie” ou d’“Isaïe”, mais des textes “jérémiens” ou “isaïens” peuvent également avoir été formulés par des successeurs de chacun des deux prophètes historiques. Il semble toutefois que cette position différenciée n’a pas pu être maintenue au-delà de la limite du canon et que, sur le fond, elle n’a retrouvé vigueur qu’à travers la critique historique de l’époque moderne. […] Ce développement […] est lié à l’affaiblissement de l’activité de réécriture des scribes dans les livres prophétiques de l’Ancien Testament, et à la clôture du canon prophétique. Dès lors que l’idée de réécritures productives sur le plan littéraire disparaissait, la perception anhistorique des livres prophétiques pouvait s’imposer, qui voyait dans ces livres spécifiquement et exclusivement l’héritage littéraire du prophète qui donne son nom à ce même livre. »
  • [40]
    On peut également ajouter les témoignages d’Ambroise, de Basile, de Clément d’Alexandrie, de Tertullien, et d’Hilaire de Poitiers. Pierre-Maurice Bogaert, « Le livre de Baruch dans les manuscrits de la Bible latine : disparition et réintégration », Revue bénédictine 115 (2005), p. 286-342.
  • [41]
    D’ailleurs la Vieille Latine présente dans l’ordre Jérémie, Baruch, Lamentations, Lettre de Jérémie mais Baruch suit Jérémie sans césure apparente. Sean A. Adams, « Epistle of Jeremiah or Baruch 6 ? The Importance of Labels », Bulletin of the International Organization for Septuagint and Cognate Studies 44 (2011), p. 29.
  • [42]
    Pierre-Maurice Bogaert, « Le personnage de Baruch et l’histoire du livre de Jérémie. Aux origines du Livre deutérocanonique de Baruch », in Elizabeth A. Livingstone (éd.), Studia Evangelica 7 : Papers Presented to the Fifth International Congress on Biblical Studies held at Oxford, 1973, Berlin, Akademie-Verlag, 1982, p. 73-81 ; Id., « Le nom de Baruch dans la littérature pseudépigraphique : l’apocalypse syriaque et le livre deutérocanonique », in Willem Cornelis Van Unnik (éd.), La littérature juive entre Tenach et Mischna, Leyde, Brill, 1974, p. 56-72.
  • [43]
    Je remercie Pierluigi Piovanelli pour cette information précise.
  • [44]
    S. A. Adams, « Epistle of Jeremiah or Baruch 6 ? The Importance of Labels », art. cit., p. 26-30.
  • [45]
    Voir P. Piovanelli, « Le sommeil séculaire d’Abimélech dans l’Histoire de la captivité babylonienne et les Paralipomènes de Jérémie : texte – intertextes – contextes », art. cit., p. 84.
  • [46]
    Le fait que cet explicit ait été conservé (à quelques variantes près) par la version éthiopienne, deux témoins grecs (les manuscrits A et B), la troisième recension arménienne et deux témoins slaves, démontre qu’il doit très probablement remonter à l’original même des Paralipomènes (ibid., p. 85).
  • [47]
    Ibid., p. 96.
  • [48]
    Susan Docherty, The Jewish Pseudepigrapha. An Introduction to the Literature of the Second Temple Period, Londres/Minneapolis, SPCK/Fortress, 2014, p. 160 (« Close study of the Pseudepigrapha clearly reveals that these Second Temple Jews did not approach their authoritative writings as a set of fixed, unchanging letters on a page. Rather communicating the meaning of this revelation for future generations seems to have been more important to them »).

1Quels sont les enjeux de la pseudépigraphie sinon permettre non seulement la réécriture mais assurer l’autorité dans la réécriture ? Ainsi, la pseudépigraphie permet de renouveler une lecture tout en lui donnant un statut d’autorité grâce au personnage de référence alors que celui-ci peut être connu pour avoir défendu une toute autre position [1]. De ce point de vue, la pseudépigraphie est profondément ironique, en même temps qu’elle est un puissant outil idéologique. Aussi s’intéresse-t-on en général aux écrits pseudépigraphiques et aux traditions qu’ils véhiculent et renouvellent. Dans le cas de Jérémie, on pense naturellement à Baruch, à son livre et à ses apocalypses [2], à la Lettre de Jérémie[3], à l’Histoire de la captivité babylonienne ou encore aux Paralipomènes[4] et, sans doute plus récemment, à l’Apocryphe C [5]. Chacun de ces textes entretient un rapport de dépendance plus ou moins étroit avec le livre de Jérémie : la Lettre fait référence à Jr TM 29 tandis que l’Histoire et les Paralipomènes s’intéressent au récit de l’exil (Jr TM 36–39). Ironiquement, selon l’Histoire, la déportation comme l’exil deviennent un véritable cauchemar ! Or, un regard sur le livre biblique montre que la question de l’exil, qui est certainement centrale dans sa rédaction, est elle-même l’objet de différents « livrets » ou « écrits » (sefarim) qui n’offrent pas eux-mêmes une position analogue vis-à-vis de l’exil.

2Le but de cette étude est donc de réfléchir à la pseudépigraphie non pas comme mode de réécriture mais comme mode d’écriture biblique. Pour quelle raison un texte aussi complexe que le livre de Jérémie s’est-il développé en intégrant manifestement des matériaux que nous serions tentés de définir comme pseudépigraphiques ? Mais alors pourquoi d’autres matériaux réécrits sur le livre ou ses traditions sont-ils devenus autonomes et, plus tard, à proprement dit pseudépigraphiques ? Sans doute le livre s’est-il à un moment donné clos reléguant toute relecture ultérieure et toute réécriture à l’extérieur du livre. Ainsi, dans un monde où l’autorité est liée à l’écriture mais où il n’existe pas encore de nom d’auteur, la pseudépigraphie n’est-elle pas inhérente à l’acte d’écriture ? Le cas du livre de Jérémie est ici un cas d’étude [6]. Je propose dans un premier temps de revenir brièvement sur l’histoire de l’exégèse du livre de Jérémie, puis de développer les différentes formes du livre, et de s’interroger sur la nature même du livre dans le livre de Jérémie. Ces réflexions permettront en dernier lieu de revenir à la notion de pseudépigraphie comme mode d’écriture biblique.

L’exégèse de Jérémie aujourd’hui : réflexion méthodologique

3À la différence du livre d’Ésaïe au sein duquel on a distingué depuis longtemps des livres différents le composant, celui de Jérémie s’est moins prêté à ce constat même si l’analyse du livre invite, de la même manière, à distinguer divers indices de composition. Ces indices forment l’histoire de la recherche passée et il ne parait pas nécessaire ici d’en faire le point. Cependant,

4

il apparaît clairement que le livre de Jérémie, dans la manière dont il se présente de lui-même au lecteur, ne se donne pas simplement à lire comme l’« héritage littéraire » de Jérémie. On dira avec Axel Knauf que Jérémie n’est pas l’auteur, mais plutôt l’autorité du livre qui porte son nom. Dans ce sens, le livre de Jérémie peut également contenir des textes relatifs à Jérémie – p. ex. Jr 52 – sans que ces textes ne donnent pour autant l’impression qu’ils proviennent du prophète du point de vue de la fiction littéraire construite par le livre [7].

5Certainement le chapitre 52, doublet de la finale de l’histoire des Rois, est un exemple convaincant. Différents indices textuels de la composition du livre apparaissent ainsi : les commentaires éditoriaux tel Jr TM 36,32 (« Et beaucoup d’autres paroles semblables y furent ajoutées »), les inclusions tel Jr TM 25,9a se présentant comme la conclusion de Jr 1,15 (l’Urrolle), les colophons tel Jr 25,13, TM 45,1 ou Jr TM 51,64 (« Jusqu’ici les paroles de Jérémie ») ainsi que les phénomènes de citations internes présentant de vieux oracles comme de nouvelles paroles (Jr TM 30,5-6 relisant Jr TM 6,24).

6Pourtant, si les colophons renseignent sur l’expansion textuelle, la date de copie et l’identité du scribe Baruch, on y fait moins référence quand il s’agit de structurer l’ouvrage. En exégèse biblique, il a été courant de diviser simplement le livre hébreu en deux sections, 1-25 et 26-52, la première plutôt oraculaire, la seconde plutôt biographique. Effectivement le chapitre 25 qui contient la prophétie des 70 ans (25,11-12) se clôt sur l’image de la coupe du vin de la colère de Yhwh donnée à boire à toutes les nations, accompagnée d’oracles de dénonciation (25,15-38), tandis que le chapitre 26 s’ouvre sur ce que l’on peut appeler un « deuxième discours du temple [8] », puisque Jérémie se trouve en situation face à ses accusateurs et même en danger de mort. Au cœur de cette composition un ensemble formé par les chapitres 26-29 a souvent été considéré comme un cycle autonome pour des raisons stylistiques mais aussi thématiques : composé dans une visée pro-babylonienne, il s’intéresse tout particulièrement à la question de la fausse prophétie.

7Pourtant si l’on se penche sur les divisions internes à ces deux parties et particulièrement la seconde, il devient clair que la complexité n’est clarifiée qu’au prix de critères souvent partiels et motivés : le livre a-t-il grandi telle une jungle ? Ainsi la question de la composition reste débattue plus que jamais. Si un consensus de plus en plus large tend à considérer la version grecque comme la version de référence (du fait qu’elle précède celle du texte massorétique), il n’en reste pas moins que la datation des fragments de Qumrân fait débat et que le site a révélé des fragments attestant des lectures communes au moins à ces deux recensions au début du iie siècle av. n. è. [9]. La prudence paraît de mise et il n’est pas impossible que plusieurs formes du livre aient coexisté. D’ailleurs peut-on vraiment parler d’édition à la lumière seulement de fragments souvent reconstruits ? Comme l’a souligné Eibert Tigchelaar, « fragments are discrete physical entities, but manuscripts are scholarly constructs [10] ». Cet appel à la prudence devrait également prévaloir dans les différentes méthodes historiques d’analyse du texte biblique. Car les théories sont souvent le fait de l’analyse de quelques indices. De telle sorte qu’elles sont aujourd’hui multiples. Ainsi, les arguments contextuels et linguistiques qui indiquent en quelques endroits du livre une re-contextualisation lagide, par exemple, n’invalident pas, à mon sens, une genèse qui a pu s’étaler sur plusieurs siècles avant de parvenir à ce phénomène de rédaction terminale et, finalement aussi de parachèvement éditorial dont les codex Sinaïticus ou Vaticanus et le texte massorétique sont les meilleurs témoins. Il faut admettre que dans une forme comme dans l’autre, c’est un état final dont le lecteur d’aujourd’hui comme le chercheur sont témoins.

8Ainsi, le livre, dans la complexité de ses traditions, dans celle de ses deux formes grecque et hébraïque, courte et longue, mais également dans la complexité propre à chacune d’elles respectivement, semble le lieu idéal pour réfléchir au phénomène d’écriture biblique ancien et à celui de pseudépigraphie, spécifiquement comme mode d’écriture sous l’autorité d’un autre. Je propose donc de réfléchir à ces phénomènes en analysant maintenant les indices laissés à la surface des textes grec et hébreu avec un intérêt particulier pour les structures signifiantes qu’ils dévoilent.

Les livres de Jérémie et leur structure

9La structure de la version grecque réside principalement, on le sait, dans le déplacement des oracles contre les nations – en finale dans le TM (46-51) mais au centre dans la Septante (25,14-31) –, de sorte que la partie biographique de Jérémie n’est plus au centre mais rejetée en finale. Pourtant, les responsables de l’édition du livre de Jérémie dans la collection de la Bible d’Alexandrie aux éditions du Cerf, Christian-Bernard Amphoux et Arnaud Sérandour, proposent de diviser le texte à la charnière du chapitre 20 et offrent ainsi une structure nouvelle du texte grec (valant également pour la forme hébraïque), aussi claire qu’éclairante [11]. Cette structure se fonde sur les indications temporelles et le titre du livre (1,1-3) qui distingue deux périodes : le règne de Josias (1,2), plus précisément la treizième année (626), qui est celle de l’inspiration de Jérémie, et les règnes de ses fils (1,3), Yoyaqim (609-598) et Sédécias (597-587) succédant à Yoyakîn (597), fils de Yoyaqim donc petit-fils de Josias. Or, ces deux périodes ne sont pas de même nature : la première est inférieure à une année et la seconde en dure plus de vingt. Elles ne sont pas non plus contiguës : une durée de près de vingt ans les sépare. Dans le livre, et cela vaut pour les deux formes, les chapitres 1-20 correspondent à la première et brève période, tandis que, dans les chapitres 21-51, les indications de règnes entrent toutes dans la longue période des fils de Josias. L’articulation entre ces deux parties-recensions est à trouver dans le colophon de Jr 25,1-13 qui clôt la première avec les versets 1-6 et 13 et la seconde avec 8-12, le verset 7 faisant la transition. La structure est d’autant plus satisfaisante qu’elle est organisée selon la proportion d’égalité pour la première partie et, pour la seconde, selon la proportion du simple au double. La seule difficulté qui puisse être relevée est le déplacement alors nécessaire du chapitre 25 dans les deux cas.

Tableau synoptique des deux formes du livre selon la structure temporelle

LXXTM
1-201-20
21-25,1321-25,14
25,14-31Oracles contre les nationsSection déplacée
32Oracle de la coupe25,15-18
33-51,3026-44
51,31-35Épilogue45
Section déplacéeOracles contre les nations46-51
52Fin52

Tableau synoptique des deux formes du livre selon la structure temporelle

10Cette structure est éclairante également pour la forme hébraïque. D’ailleurs, certains auteurs travaillant sur la forme hébraïque ont déjà proposé de rompre le consensus de la césure au chapitre 25, quasiment traditionnelle, comme le montrent la plupart des commentaires modernes [12]. D. Epp-Tiessen a ainsi proposé de considérer comme une unité éditoriale l’ensemble TM 23,9-29,32 dont il propose une structure concentrique [13] :

11

  • A. 23,9-40 Condamnation des faux prophètes en général ;
    • B. 24,1-10 Prophétie vraie de Jérémie : la vision des figues ou le sort heureux des exilés et malheureux des non-exilés ;
      • C. 25,1-38 Prophétie vraie de Jérémie : la vision de la coupe ou la destruction de Juda et des nations par Nabuchodonosor roi de Babylone ;
        • D. 26,1-24 Réponses à la prophétie vraie :
          • 26,1-16 Jérémie est sur le point d’être tué ;
            • 26,17-19 Michée inspire la repentance ;
          • 26,20-24 Urie un prophète est tué ;
      • C’. 27,1-28,17 Prophétie vraie de Jérémie : le joug symbolique ou le service des nations et de Juda au roi de Babylone Nabuchodonosor ;
      • B’. 29,1-19 Prophétie vraie de Jérémie : la lettre concernant le sort heureux des exilés et malheureux des non-exilés ;
  • A’. 29,20-32 Condamnation de faux prophètes spécifiquement.

12Cette structure met en évidence l’enjeu de la vraie prophétie dans cette unité que l’auteur définit comme éditoriale. Ainsi, la section A (23,9-40) porte sur l’immoralité comme trait saillant de la fausse prophétie alors que la vraie prophétie, par opposition, se définit comme vigilance et repentir. La section B (24,1-10) indique que la vraie prophétie annonce la catastrophe et peut ainsi aider la communauté (bientôt dévastée) à y faire face tandis que la fausse prophétie participe de la ruine communautaire. La section C (25,1-38) permet d’établir Jérémie comme vrai prophète tandis que la section D (26,1-24) présente les réponses au message du vrai prophète. En C’ (27,1-28,17) se trouve explicitée la dichotomie entre prophétie vraie et fausse à travers les figures de Jérémie et Hananya. Le vrai prophète est ici celui qui connaît le temps et les destinataires du jugement mais aussi de la délivrance. B’ (29,1-19) rend compte de l’exil comme jugement divin et A’ (29,20-32) présente le critère de l’obéissance à la Torah comme prophétique. Ainsi, plutôt qu’une définition dogmatique, ce sont plutôt des paradigmes de la prophétie vraie et fausse qui sont déployés [14] : à l’immoralité, c’est-à-dire au défaut de révélation divine et de mandat prophétique, sans compter le mensonge qui promet le bien-être plutôt que le jugement, s’oppose la vérité, celle divine et révélée, jugement mais également annonce de délivrance et de salut. Il faut souligner ici combien la structure dépend de l’argument exposé.

13Faut-il renoncer à la césure traditionnelle du chapitre 25 dans le texte hébraïque ? Partant des rapprochements que l’on peut faire entre les chapitres du TM 26 et 36 [15], J. Ferry propose dans la lignée d’autres auteurs une structure stimulante également concentrique, marquant ainsi d’autant mieux la césure du chapitre 25 :

14

  • A. 26 Rejet de la parole de Jérémie et légitimation du prophète, serviteur que Yhwh envoie pour prononcer les paroles qu’il lui a ordonné de dire ;
    • B. 27-28 Action symbolique du joug et conflit avec Hananya. Jérémie est le prophète envoyé par Dieu ;
      • C. 29 Lettre de Jérémie aux exilés. Allusions aux prophètes de mensonge qui n’ont pas été envoyés. Message d’espérance ;
        • D. 30-31 Oracles de salut pour Israël et pour Juda ;
        • C’. 32-33 Action symbolique du champ et message d’espérance pour ceux qui sont restés en Juda ;
    • B’. 34-35 Désobéissance (affaire des esclaves) et obéissance (Rékabites) : écoutez les paroles des prophètes envoyés par Yhwh ;
  • A’. 36 Rejet de la parole et nouvelle légitimation. La lecture fait place à l’écriture.

15Cette structure sert principalement à mettre en valeur le cœur de la section, le « livret » de la consolation [16], mais également pour l’auteure le cadre et la fonction clé du chapitre 36 [17]. Car, dans ce dernier, l’attention se focalise sur le rouleau, le livre lui-même : s’il est question de sa lecture (triple), des réactions des auditeurs, pourtant rien n’est dit du contenu ! Contrairement à 2 R 22, chapitre souvent mis en regard de Jr 36, l’enjeu est ailleurs, alors que Baruch le scribe devient le témoin privilégié de la prophétie et de son accomplissement. Pourquoi n’est-ce pas Jérémie lui-même qui écrit dans ce chapitre clé alors que c’est lui qui est crédité d’avoir mis par écrit ses/ces paroles (51,60) ? Pour J. Ferry, il est clair que c’est l’activité du scribe qui est mise en valeur, activité qui n’est autre que l’écriture du livre sous le mode de la réécriture [18]. Ainsi, la parole prophétique est devenue œuvre éditoriale, sa nature se voit profondément transformée. Pour M. Nissenen, c’est l’écriture même qui devient révélatoire [19].

16La structure suivante est temporelle, elle poursuit les travaux actuels sur le texte grec et elle permet de prolonger la réflexion sur la parole comme œuvre éditoriale. Elle permettra ainsi de réfléchir à l’autorité de Jérémie et à la question du phénomène pseudépigraphique dans l’écriture.

Tableau de la chronologie du livre de Jérémie dans le TM 21-44 (LXX 21-25,13 ; 33-51,30)

YoyaqimYoyakîn /YekonyaSédécias
21,1x
22,11.18x
24,1x
25,1 ; 26,1x
27,1 ; 32,1 ; 34,2.8x
35,1 ; 36,1x
37,1 ; 39,1x

Tableau de la chronologie du livre de Jérémie dans le TM 21-44 (LXX 21-25,13 ; 33-51,30)

17Plusieurs éléments ressortent de ce tableau. D’abord, on note que Yoyakîn, le roi gracié par Ewil-Mérodak (Jr 52,31-34 / 2 R 25,27-30) n’apparaît pas [20]. Son absence est certainement significative : le roi gracié, selon l’idéologie à l’œuvre de la rétribution, ne peut jouer de rôle dans les faits qui vont mener à la catastrophe de l’exil. D’autre part, la structure d’alternance ne fait pas de doute entre les règnes de Yoyaqim, roi impie, et Sédécias, roi tiède [21]. Cette opposition conforte le schéma deutéronomiste d’opposition des rois que l’on trouve également dans le livre d’Ésaïe entre Akhaz (És 7-8, cf. 2 R 16), roi impie, et Ézéchias (És 36-39, cf. 2 R 18-20), son fils, roi obéissant, et l’intervention prophétique de contradiction : Jérémie comme Ésaïe ne seront point écoutés par les rois de Juda ! Cette opposition des rois Yoyaqim et Sédécias est cependant moins vive que celle entre Akhaz et Ézéchias, puisque tous deux participent clairement de la catastrophe imminente. D’ailleurs ne sont-ils pas tous deux frères, fils de Josias ? En ce sens, l’opposition manifeste serait plutôt celle entre Josias (2 R 22-23), bon roi s’il en est, et ses deux fils impies, agents directs de la catastrophe [22]. On rejoint ici d’ailleurs la macrostructure du livre entier, puisque, selon la nouvelle structure proposée, la première partie se déroule sous le règne de Josias, la seconde sous celui de ses fils.

18Mais cette structure peut-elle renseigner sur la nature du livre brûlé (TM 36) ? S’agit-il d’un nucleus des Prophètes-Neviim en regard du livre de la Torah retrouvé par Josias en 2 R 22-23 comme l’a proposé récemment Thomas Römer [23] ? Si l’hypothèse est stimulante pour saisir la composition d’ensemble des livres bibliques dans leur première partie tout au moins – Torah + Neviim –, il n’en reste pas moins que, dans son contexte propre et dans la structure proposée, le livre pourrait aussi contenir simplement et logiquement ce qui précède.

Le livre en question

19Quels sont donc les livres dont le livre parle ? Parmi les différentes références au « livre », c’est-à-dire à l’« écrit » (séfèr) que l’on peut recenser, et outre les colophons mentionnés plus haut, on peut ajouter :

  • Et moi, j’ai vu. Oui, c’est bien en raison de son adultère que j’ai répudié Israël-l’Apostasie, en lui donnant un acte de divorce [TM 3,8 (èt séfèr keritoutêha) / LXX 3,8 (biblion apostasiou)]. Mais sa sœur, Juda-la-Perfide, n’a ressenti aucune crainte, elle aussi s’est mise à se prostituer.
  • Voici les termes de la lettre [TM 29,1 (weélèh divrê haséfèr) / LXX 36,1 (kai houtoi hoi logoi tès biblou)] que le prophète Jérémie envoya de Jérusalem à tous les anciens parmi les exilés, aux prêtres, aux prophètes et au peuple tout entier que Nabuchodonosor avait déportés de Jérusalem à Babylone.
  • Ainsi parle le Seigneur, le Dieu d’Israël : Écris dans un livre toutes les paroles que je te dicte [TM 30,2 (èl séfèr) / LXX 37,2 (epi bibliou)].
  • Ainsi parle le Seigneur le tout-puissant, le Dieu d’Israël – prends ces documents, ce document d’achat, et celui qui est fermé et ce document ouvert [TM 32,14 [.11.16] (èt séfèr hamiqnâ hazèh weét hèhatoum weét séfèr hagalouy) / LXX 39,14 [.11.16] (prends ce document d’achat et le document lu, to biblion tès ktèseôs touto kai to biblion to anegnôsmenon)], et tu les mettras dans un vase d’argile, afin qu’ils subsistent de nombreux jours [24].
  • Procure-toi un rouleau [TM 36,2 (megilat séfèr) / LXX 43,4 (chartion bibliou)], et écris dedans toutes les paroles que je t’ai adressées au sujet d’Israël, de Juda et de toutes les nations, depuis que j’ai commencé à te parler au temps de Josias jusqu’à ce jour.
  • Et Jérémie écrivit dans un livre [TM 51,60 (èl séfèr) / LXX 28,60 (en bibliô)] tout le mal qui viendrait sur Babylone, toutes ces paroles qui sont écrites contre Babylone [25].

20La dernière référence porte manifestement sur l’oracle contre Babylone qui le précède immédiatement. Les références à l’écrit sont ainsi assez peu nombreuses, une lettre de divorce dans la première partie, mais un nœud de références rapprochées dans la seconde et plus précisément sous le règne de Sédécias. À vrai dire, du point de vue narratif, que la forme retenue soit grecque ou hébraïque, le livre brûlé pourrait être plusieurs écrits ; l’écrit de Jr 30-31 mais pourquoi pas celui de Jr 29 ou celui de Jr 32, ou bien les trois pris ensemble dans leur différence radicale, en considérant là qu’ils font partie des « nombreuses paroles » de Jérémie. Il faut développer ici l’analyse de P.-M. Bogaert au sujet des documents placés dans la jarre, puisque celle-ci concourt à démontrer qu’à travers la référence à l’écrit plusieurs peuvent être considérés. Ainsi, alors que la version courte (LXX 39) n’évoque qu’un acte d’achat en deux expéditions ou copies, le texte long (TM 32) prend appui sur l’existence de ces deux documents pour introduire un élément nouveau : « l’ordonnance et les commandements [26] ». La comparaison des versets 11 et 14 indique ainsi bien la présence de trois documents placés dans la jarre : d’une part l’acte d’achat, scellé comme l’indique le v. 10 ; d’autre part un document scellé, contenant des lois ; enfin un document non clos, en relation avec le premier ou avec le second. Il peut donc être ou la copie libre de l’acte d’achat ou un document législatif public.

21L’auteur développe alors l’hypothèse de l’introduction dans la version longue hébraïque d’une tradition relative à Jérémie, connue par ailleurs dans la littérature pseudépigraphique : Jérémie aurait préservé de la destruction du temple des objets saints dont l’arche [27]. Manifestement la loi aurait fait partie de ce sauvetage. L’analyse confirme indubitablement la nature plurielle de l’écrit. De notre point de vue, cela permet de souligner également la nature de ce livre brûlé, manifestement plurielle.

22Car l’ensemble temporel délimité sous le règne de Sédécias (TM 27-34) présente la même structure concentrique analysée plus haut autour du livret de la consolation encadré par deux chapitres qui sont justement qualifiés d’« écrits », la « lettre » et l’« acte d’achat » :

23

  • A. 29 L’écrit ou la lettre de Jérémie aux exilés
  • B. 30-31 L’écrit ou le livret de consolation pour Israël et pour Juda
  • A’. 32 L’écrit ou l’acte d’achat du champ d’Anatoth

24La mise en miroir de ces différents chapitres autour du livret de consolation peut-elle nous éclairer sur leur rapprochement ? Rappelons d’abord la spécificité de chacun de ces chapitres déployant un « écrit ».

25Le chapitre 29 (LXX 36) [28] apparaît lié clairement à son contexte en amont comme en aval. D’abord les chapitres 26-29 forment une petite section unifiée à la fois par des caractéristiques stylistiques et thématiques soulignées depuis longtemps : des particularités orthographiques, une nomination fréquente de Jérémie comme « prophète », une proximité chronologique entre les deux prises de Jérusalem [29]. En même temps, le chapitre 29 forme une unité littéraire, puisque le premier verset formule l’introduction de la lettre (« Voici les termes de la lettre que le prophète Jérémie envoya de Jérusalem à tous les anciens parmi les exilés, aux prêtres, aux prophètes et au peuple tout entier que Nabuchodonosor avait déportés de Jérusalem à Babylone »), le dernier la conclusion : « oracle de Yhwh » (« eh bien ! je vais sévir contre Shemaya, le Néhlamite et contre ses descendants. Aucun d’eux n’aura sa place au milieu de ce peuple pour se réjouir des bonnes choses que j’accorderai à mon peuple – oracle de Yhwh ; n’a-t-il pas en effet prêché la révolte contre Yhwh ? », 29,32) [30].

26Mais au plan stylistique la lettre n’est pas sans lien avec les chapitres qui suivent 30-31, qui eux-mêmes forment une unité délimitée [31], puisque les expressions de bonheur propres à la lettre aux exilés avec les invitations à construire des maisons, à planter des jardins, à prendre femme et à marier ses enfants, bref à proliférer et non à diminuer (TM 29,5-6 / LXX 36,5-6), se retrouvent développées, en plusieurs temps, dans le livret de consolation :

  • par l’oracle adressé à la vierge Israël : « De nouveau, je veux te bâtir, et tu seras bâtie, vierge Israël. De nouveau, parée de tes tambourins, tu mèneras la ronde des gens en fête. De nouveau, tu planteras des vergers sur les monts de Samarie ; ceux qui auront planté feront la récolte » (TM 31,4-5 / LXX 38,4-5) ;
  • par l’oracle adressé aux nations : « Ils arrivent, ils entonnent des chants de joie sur les hauteurs de Sion. Ils affluent vers les biens du Seigneur, vers le blé, le moût et l’huile fraîche, vers le petit et le gros bétail. Ils se sentent revivre comme un jardin bien arrosé, ils ne seront plus languissants » (TM 31,12 / LXX 38,12) ;
  • par l’oracle de restauration d’Israël et de Juda : « Et ensuite je veillerai sur eux pour bâtir et pour planter, comme j’ai veillé sur eux pour déraciner et renverser, pour démolir et ruiner, pour faire mal – oracle du Seigneur » (TM 31,28 / LXX 38,28) [32].

27Le développement de ce dernier oracle reprend par ailleurs l’ordre de mission du prophète « pour déraciner et renverser, pour ruiner et démolir, pour bâtir et planter » (1,10) dont la référence clôt d’ailleurs le livret de consolation : « il ne sera ni déraciné ni démoli à tout jamais » (TM 31,40 / LXX 38,40). Or cette bénédiction de la consolation, qui se solde par l’alliance nouvelle, ressurgit dans l’affaire du champ d’Anatoth racheté au chapitre suivant. Effectivement l’alliance est rappelée (« une alliance perpétuelle » en TM 32,38-41 / LXX 39,38-41), et ce rappel se clôt sur la promesse de Yhwh, Dieu d’Israël, de les « combler de biens » et de les « planter dans ce pays ». L’action qui était celle commandée au prophète, qu’il commandait lui-même au peuple exilé, devient celle de Yhwh seul. Ainsi, par le biais de la promesse de bénédiction, ces trois « écrits » (ces trois chapitres) se trouvent rapprochés par leur proximité physique et des liens thématiques et stylistiques.

28Il est vrai que la structure du chapitre 29 (LXX 36) se trouve compliquée par deux éléments : en premier lieu par le passage des versets 10-14 qui en annonçant la restauration cadre mal avec la lettre de bénédiction en exil, et en second lieu par l’intégration d’autres lettres avec un phénomène de « lettre dans la lettre » aux versets 24-32 [33]. L’annonce de la restauration permet certainement de relier encore étroitement ces trois « écrits » comme l’indique l’occurrence des verbes « restaurer / ramener » (29,10.14 ; 30,3.18 ; 31,23 ; 32,37) et, dans une moindre mesure, celle du verbe « rassembler » (29,14 ; 32,37) [34].

29Quant à la présence des lettres, pourquoi un tel enchevêtrement ? Ainsi, les messagers de Sédécias ont emporté à Babylone la lettre de Jérémie aux exilés. Mais Shemaya, l’un des exilés, envoie une lettre au prêtre Cefanya à Jérusalem dans laquelle il résume la lettre de Jérémie (en citant l’invitation à bâtir des maisons et à planter des jardins, TM 29,28 / LXX 36,28) et lui demande de réprimander et d’emprisonner Jérémie. De manière étonnante, le contenu de la lettre est connu par l’oracle de Yhwh, aux versets 25-28, alors qu’il est dit, au verset suivant, que Cefanya avait fait lecture de cette lettre de Shemaya à Jérémie. Ce dernier prononce ensuite, aux versets 30-32, une parole de jugement contre Shemaya. Un tel enchevêtrement, de même que le rôle apparemment inutile du prêtre laissent deviner une histoire rédactionnelle complexe [35]. Il est clair, du point de vue narratif, que cette complexité n’est pas anodine. Pourquoi insister sur l’échange de lettres et les témoins de ces lettres (ici en l’occurrence le prêtre de Jérusalem Cefanya dont le rôle est inutile) puisque le contenu des lettres de Shemaya n’est pas révélé par lui et qu’il n’intente rien à l’encontre de Jérémie malgré l’ordre de Shemaya ? La question de la transmission paraît ici essentielle d’autant plus qu’elle est au cœur du chapitre 36 (LXX 43) concernant le rouleau brûlé et qu’elle n’est pas absente de Jr 32 (LXX 39) [36].

30Dans ces deux chapitres en effet, le scribe Baruch est plus qu’un témoin des paroles du prophète ; il est également un agent de la transmission, et donc de la réalisation de la parole. Baruch joue un rôle étonnant si l’on considère que l’acte d’achat est signé devant témoins (TM 32,10 / LXX 39,10) et que Baruch n’est appelé qu’après la signature pour une mission précise que l’on pourrait caractériser de mimétique sinon de prophétique. Il n’est donc pas utile à la signature du contrat. Mais pourquoi n’est-ce pas le prophète lui-même qui enterre les documents comme il a auparavant porté un joug (TM 27 / LXX 34) ou s’est rendu chez le potier (Jr 18) ? Sans doute est-il retenu prisonnier dans la cour de garde, tel que l’indique la fiction littéraire. Il n’en reste pas moins que le rôle prophétique est alors dévolu à Baruch. L’intervention de Baruch n’est donc pas anodine dans les jeux de la transmission de la parole prophétique. Au contraire, il y participe activement.

31Ainsi, au-delà du phénomène littéraire de « lettre dans la lettre », le questionnement du contenu du livre brûlé amène à contempler un même phénomène de mise en abyme : cette fois il s’agit du « livre dans le livre », ou plus exactement des « livres ou écrits dans le livre ». La mise en miroir de ces chapitres 29 à 32 est d’autant plus stimulante qu’autour du « livret » de la consolation (30-31), ce sont aussi deux visions différentes de l’exil qui sont présentées, puisque la première invite à la bénédiction en terre de Babylone en appelant sur elle la paix, tandis que la seconde convie à racheter la terre de la promesse. On peut certainement détecter à travers cette dernière image de rachat une dimension rétributive. La terre autrefois donnée doit maintenant être rachetée. Quoiqu’il en soit, le prophète est incité à y rester car, même rachetée, elle reste la terre de la bénédiction (TM 40,12 / LXX 47,12).

32Parmi ces différents « écrits » ainsi rapprochés, la promesse du retour permet de faire le lien entre une vision exilique positive – parfois appelée progola et souvent qualifiée de deutéronomiste – et celle opposée, de rester, peut-être davantage jérémienne. Car, si Jérémie a pu annoncer le désastre et la soumission à Babylone, il n’est pas certain qu’il ait tenu une ligne politique de départ. Lui-même, en tout cas, n’a pas souhaité partir (TM 40). Sa prophétie n’a donc pas simplement été relue. Elle a été réorientée ou plus exactement elle a été augmentée d’un écrit, en l’occurrence d’une lettre [37], sans tenir compte de la possible contradiction alors créée – l’autorité étant un gage suffisant de véracité. Il me semble que l’on touche ici au phénomène pseudépigraphique dans la mesure où l’on fait dire autre chose à l’autorité présumée.

33De manière étonnante, la mise en miroir de ces chapitres permet d’aller plus loin dans le processus de relecture du livre, puisque le livret de la consolation se clôt sur l’alliance nouvelle, alliance ironique s’il en est, puisque, par définition, elle n’a plus besoin d’être écrite sur un livre ; elle l’est dans le cœur :

34

Voici donc l’alliance que je conclurai avec la communauté d’Israël après ces jours-là – oracle du Seigneur : je déposerai mes directives au fond d’eux-mêmes, les inscrivant dans leur être ; je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un peuple pour moi.
(TM 31,33 / LXX 38,33)

35Ainsi, au cœur du cœur et dans le livre des livres, il n’y a plus de livre ! On le voit bien à travers cet examen : pas d’ipsissima verba que l’on puisse retrouver, ni même d’auteur mais une autorité qui instaure le phénomène même de la pseudépigraphie. Si les conditions historiques et littéraires de ces réécritures restent scellées pour reprendre une autre métaphore biblique, il n’en reste pas moins que la pseudépigraphie est singulièrement liée au phénomène même d’écriture biblique.

La Pseudépigraphie comme mode d’écriture biblique

36Pour quelle raison alors, à un moment donné, les nouveaux écrits placés sous l’autorité jérémienne sont-ils devenus indépendants et, plus tard – une fois le canon formé et achevé –, pseudépigraphiques ? L’autorité du nom ne peut être remise en question : on le voit, le nom ne perd pas de son autorité, au contraire, puisqu’il est encore réutilisé. Certainement, l’arrêt du canon – même si le terme est quelque peu anachronique mais non pas inadéquat [38] – est un aspect important de la réponse à cette question. On peut aussi préférer le concept de bibliothèque officielle en insistant sur la dimension nécessairement communautaire d’une telle bibliothèque. Car il est certain que les écrits obtiennent des statuts d’autorité différents selon les communautés qui les lisent, comme le montre justement l’histoire des canons et l’histoire même du livre de Jérémie dans ses deux formes. À ce titre, il paraît peu probable que le phénomène d’écriture évolue. Par contre celui de bibliothèque officielle (mais toujours communautaire) tend à s’imposer [39]. De manière intéressante, les écritures nouvelles placées sous l’autorité jérémienne ne se trouvent pas immédiatement rejetées hors du « canon » ou des bibliothèques officielles ni même hors du livre de Jérémie. Pendant plusieurs siècles au contraire, leur situation semble non tranchée. Est-ce à dire qu’elles peuvent être insérées dans le livre au prix de nouvelles coutures ou restructurations, alors même que les supports du livre évoluent selon les communautés ? Le témoignage des Pères est intéressant, puisque Irénée, parmi d’autres, cite Baruch en disant que ce sont les paroles de Jérémie (Contre les hérésies V 35,1) [40] ; pour Origène, « Jérémie avec les Lamentations et la Lettre » constitue l’un des vingt-deux livres du canon hébraïque (du moins selon Eusèbe, Histoire ecclésiastique VI, 25) alors qu’il ne cite pas Baruch : le considère-t-il comme appartenant au livre de Jérémie [41] ? C’est ici l’avis de P.-M. Bogaert qui voit Baruch comme un appendice grec au livre de Jérémie [42], et c’est très précisément le cas de la version éthiopienne ancienne (traduite du grec vers 340 de notre ère) : dans les manuscrits les plus anciens, Baruch clôt le livre de Jérémie [43]. Ainsi, la préface (« Voici le contenu du livre que Baruch, fils de Nérias, fils de Maaséas, fils de Sédécias, fils de Hasadias, fils de Helkias, écrivit à Babylone, la cinquième année, le septième jour du mois, à l’époque où les Chaldéens avaient pris Jérusalem et l’avaient ravagée par le feu. Baruch donna lecture du contenu de ce livre en présence de Jékhonias, fils de Joakim, roi de Juda, et de tout le peuple qui était venu pour entendre le livre », Ba 1,1-3) désignerait le livre de Jérémie formant alors une nouvelle inclusion.

37Jérôme considère que ni Baruch ni la Lettre n’appartiennent aux livres hébraïques et leur traduction dans la Vulgate est reprise simplement à la Vieille Latine. Toujours est-il que c’est la tradition latine qui intègre la Lettre comme chapitre sixième du livre de Baruch ! Elle est donc insérée dans un livre qu’elle vient augmenter voire relire, même si aujourd’hui beaucoup d’auteurs préfèrent renoncer à cette dénomination du « Baruch 6 » pour désigner la Lettre[44]. Qu’il s’agisse des témoignages concernant le livre de Baruch ou la Lettre de Jérémie, manifestement le phénomène pseudépigraphique se révèle bien lié à celui de l’écriture – quoiqu’il en soit encore de l’officialisation ou de la canonisation de cet écrit.

38C’est également ce qui ressort du travail d’analyse comparative entrepris par P. Piovanelli sur l’Histoire de la captivité babylonienne et les Paralipomènes. L’auteur montre que le premier (l’Histoire) est authentiquement juif et rédigé probablement en grec dans la période entre les deux guerres de 70/74 à 132 de notre ère, et le deuxième (les Paralipomènes) authentiquement chrétien, rédigé en grec peu après la fin de la deuxième guerre vers 136 de n. è. mais d’après un original juif qui n’était autre que l’Histoire. C’est l’analyse du rapport entre ces deux écrits qui est importante ici, car l’intertextualité est revendiquée dans le titre même des Paralipomènes – « les Compléments (au livre) du prophète Jérémie » –, qui ne fait que reprendre exactement celui de l’Histoire, dont la version copte a pour titre « Ceux-ci sont les Compléments au prophète Jérémie [45] ». Or, le titre n’est pas le seul élément des Paralipomènes à fournir des indications de parenté littéraire. En effet, l’ouvrage se termine par « Et le reste des paroles de Jérémie, voici qu’il est écrit dans l’Épître de Baruch [46] ». La référence à « l’Épître de Baruch » peut renvoyer soit au livre deutérocanonique de Baruch, missive lue en public à Babylone et envoyée par la suite à Jérusalem (Ba 1,1-14), soit à l’Apocalypse syriaque de Baruch, qui s’achève justement par la lettre aux neuf tribus et demi en exil (chap. 78-86). Ainsi, le titre des Paralipomènes rend compte de sa visée complémentaire au livre de Jérémie et de son intention de remplacer l’édition précédente de l’Histoire tandis que la conclusion reconnaît la dette envers d’autres écrits. Comme le conclut l’auteur,

39

ce qui est très frappant, c’est aussi le phénomène de récupération et/ou de détournement constant qui caractérise le passage de l’hypotexte Histoire à l’hypertexte Paralipomènes. D’autres situations historiques, d’autres perspectives communautaires, d’autres conflits d’intérêt ont poussé l’auteur des Paralipomènes non seulement à sortir l’Histoire des rayons de sa bibliothèque pour la relire, mais aussi à prendre sa plume pour l’actualiser en la réécrivant de fond en comble [47].

40Ainsi, l’Histoire a donné lieu à une nouvelle édition. Le phénomène d’écriture reste le même, pseudépigraphique par définition, mais les modalités ont évolué : si la question canonique semble moins se poser d’un point de vue moderne, il est clair que pour celui qui réécrit, son statut fait autorité. En ce sens, il appartient bien à une bibliothèque officielle et communautaire. Mais cette réécriture montre un autre aspect aussi important qu’étonnant : le temps et ses aléas n’ont pas fait disparaître l’édition que les Paralipomènes visaient à renouveler. On a donc ici une image en trois dimensions du processus d’écriture et de sa finalisation.

41Au terme de ce travail, il est clair qu’il ne s’agit pas de réduire toute la littérature pseudépigraphique à la relecture et à la réécriture des textes bibliques. Le phénomène pseudépigraphique est beaucoup trop riche et trop vaste pour cela. Toutefois, dans le cas du livre de Jérémie, l’analyse menée permet de mettre en évidence que cette littérature n’est pas simplement un épiphénomène, mais qu’elle se trouve liée de manière essentielle à l’écriture biblique. La conclusion que Susan Docherty offre à son introduction récente à la littérature pseudépigraphique pourrait à cet égard convenir également au cas Jérémie :

42

L’étude de la littérature pseudépigraphique révèle clairement que les Juifs de l’époque du Second Temple ne considéraient pas leurs écrits comme un ensemble fixe de lettres sur une page. Communiquer le contenu de cette révélation pour les générations futures semble bien avoir été le plus important [48].


Date de mise en ligne : 21/12/2016

https://doi.org/10.3917/etr.0914.0563

Notes

  • [*]
    Stéphanie Anthonioz est professeure de littératures et religions comparées du Proche-Orient ancien à la Faculté de théologie de l’Université catholique de Lille, membre du laboratoire Orient et Méditerranée (UMR 8167, CNRS – Paris Panthéon Sorbonne – EPHE – Collège de France).
  • [1]
    Hindy Najman, avec Itamar Manoff, Eva Mroczek, « How to Make Sense of Pseudonymous Attribution : The Cases of 4 Ezra and 2 Baruch », in Matthias Henze (éd.), A Companion to Biblical Interpretation in Early Judaism, Grand Rapids, William B. Eerdmans, 2012, p. 308-336 ; Hindy Najman, « Torah of Moses : Pseudonymous Attribution in Second Temple Writings », in Craig A. Evans (éd.), The interpretation of Scripture in Early Judaism and Christianity, Sheffield, Academic Press, 2000, p. 202-216.
  • [2]
    Alexander Kulik, 3 Baruch : Greek-Slavonic Apocalypse of Baruch, Berlin, De Gruyter, 2010 ; Jacqueline Moatti-Fine, Isabelle Assan-Dhote, Baruch, Lamentations, Lettre de Jérémie, traduction du texte grec de la Septante, Paris, Cerf, coll. « La Bible d’Alexandrie 25.2 », 2005 ; J. Edward Wright, Baruch ben Neriah : From Biblical Scribe to Apocalyptic Seer, Columbia, University of South Carolina Press, 2003 ; Pierre-Maurice Bogaert, Apocalypse syriaque de Baruch, introduction, traduction du syriaque et commentaire, Paris, Cerf, coll. « Sources chrétiennes 144-145 », 1969.
  • [3]
    Sean A. Adams, Baruch and the Epistle of Jeremiah : A Commentary on the Greek Texts of Codex Vaticanus, Leyde, Brill, coll. « Septuagint Commentary Series », 2014 ; Benjamin G. Wright, « The Epistle of Jeremiah : Translation or Composition ? », in Géza G. Xeravits, József Zsengellér (éd.), Deuterocanonical Additions of the Old Testament Books : Selected Studies, Berlin, De Gruyter, 2010, p. 126-142.
  • [4]
    L’Histoire de la captivité babylonienne est un ouvrage écrit à l’origine en grec, dont il ne subsiste qu’une version copte qui a été ensuite traduite en arabe. Les Paralipomènes de Jérémie sont écrits en grec et traduits en éthiopien, arménien et vieux slave. Tous deux apocryphes sont pour ainsi dire « jumeaux », rédigés l’un après la première et l’autre après la deuxième Guerre juive (66-74 et 132-135 de notre ère). Ils offrent à leurs audiences respectives une clé de lecture de ces événements tragiques revisités à travers le prisme des expériences fondatrices de la première conquête de Jérusalem par les Chaldéens, en 587 avant notre ère, de l’exil babylonien et du retour glorieux du peuple élu, après une captivité d’une durée de soixante-dix ou soixante-six ans. Pierluigi Piovanelli, « Le sommeil séculaire d’Abimélech dans l’Histoire de la captivité babylonienne et les Paralipomènes de Jérémie : texte – intertextes – contextes », in Daniel Marguerat (éd.), Intertextualités, Genève, Labor et Fides, coll. « Le Monde de la Bible 40 », 2000, p. 73-96.
  • [5]
    L’Apocryphe de Jérémie C est le titre donné à un texte inconnu jusqu’à sa découverte à Qumrân, représenté par six manuscrits provenant de la grotte 4 de Qumrân (4Q385a ; 4Q387 ; 4Q388a ; 4Q389 ; 4Q390 ; 4Q387a). Selon la reconstruction de l’éditeur D. Dimant, l’essentiel des fragments qui subsistent de l’Apocryphe de Jérémie C présente plusieurs parties de ce qui paraît être un seul et même discours divin adressé au prophète Jérémie. Ce discours, à la manière des apocalypses juives contemporaines, offre un panorama de l’histoire, qui va des épisodes bibliques les plus anciens jusqu’à l’époque du second Temple. Voir Devorah Dimant, « From the Book of Jeremiah to the Qumranic Apocryphon of Jeremiah », Dead Sea Discoveries 20 (2013), p. 452-471 ; Id., « L’apocryphe de Jérémie C de Qumrân = The Apocryphon of Jeremiah C from Qumran », Revue d’histoire et de philosophie religieuses 85 (2005), p. 497-515. Sur la complexité de cet écrit, voir Eibert Tigchelaar, « Classifications of the Collection of Dead Sea Scrolls and the Case of Apocryphon of Jeremiah C », Journal for the Study of Judaism 43 (2012), p. 519-550. Sur les liens entretenus entre cet écrit et la tradition jérémienne biblique, voir récemment Davis Kipp, The Cave 4 Apocryphon of Jeremiah and the Qumran Jeremianic Traditions. Prophetic Persona and the Construction of Community Identity, Leyde, Brill, coll. « Studies on the Texts of the Desert of Judah 111 », 2014.
  • [6]
    Je remercie tout particulièrement Pierluigi Piovanelli et Pierre-Maurice Bogaert qui ont volontiers accepté de relire cette contribution, de la commenter et de l’enrichir de leurs remarques, même si l’argument défendu ne reflète pas nécessairement leur point de vue.
  • [7]
    Konrad Schmid, « L’auto-compréhension des livres prophétiques comme littérature de réécriture », in Claire Clivaz et al. (éd.), Écritures et réécritures. La reprise interprétative des traditions fondatrices par la littérature biblique et extra-biblique. Cinquième colloque international du RRENAB, Universités de Genève et Lausanne, 10-12 juin 2010, Louvain, University Press, coll. « Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 248 », 2012, p. 126 ; Ernst Axel Knauf, « Audiatur et altera pars : Zur Logik der Pentateuch-Redaktion », BibelundKirche 53 (1998), p. 118-126.
  • [8]
    Un « premier discours du temple » est localisé en Jr 7,1-8,3.
  • [9]
    2QJr, daté du début du ier siècle de notre ère, présente des différences avec le TM, principalement orthographiques. 4QJra, daté vers le début du iie siècle av. n. è. présente un texte très proche du TM. 4QJrb est un fragment unique proche de 4QJrd ayant sans doute appartenu au même rouleau tandis que 4QJre parfois rattaché à ce rouleau doit être tenu pour le fragment unique d’un autre rouleau, tant la main de scribe que le caractère textuel diffèrent de 4QJrb et d. 4QJrb et d sont datés de la période hasmonéenne, soit la première partie du iie siècle av. n. è., et se rapprochent de la LXX non seulement par leur brièveté mais encore par leur arrangement. Cependant, 4QJrb n’est pas identique à la Vorlage de la LXX et s’accorde avec le TM dans certains détails (au moins cinq) sans oublier les lectures uniques. 4QJrc, daté du début de la période hérodienne soit vers la fin du ier siècle av. n. è., est très proche du TM comme 4QJra. Voir Emanuel Tov, « The Jeremiah Scrolls from Cave 4 », Revue de Qumrân 14 (1989), p. 189-207 ; Id., « Some Aspects of the Textual and Literary History of the Book of Jeremiah », in Pierre-Maurice Bogaert (éd.), Le livre de Jérémie : Le prophète et son milieu, les oracles et leur transmission, Louvain, The University Press, coll. « Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 54 », 1981, p. 145-167.
  • [10]
    E. Tigchelaar, « Classifications of the Collection of Dead Sea Scrolls and the Case of Apocryphon of Jeremiah C », art. cit., p. 521 ; Id., « Constructing, Deconstructing and Reconstructing Fragmentary Manuscripts : Illustrated by a Study of 4Q184 (4QWiles of the Wicked Woman) », in Maxime L. Grossman (éd.), Rediscovering the Dead Sea Scrolls : An Assessment of Old and New Approaches and Methods, Grand Rapids, William B. Eerdmans, 2010, p. 26-47.
  • [11]
    Je remercie vivement les auteurs de m’avoir généreusement communiqué l’introduction de cette édition en cours. Une partie de leurs travaux est aujourd’hui éditée sous la forme d’articles [Christian-Bernard Amphoux, Arnaud Sérandour, « Le vocabulaire homilétique de Jr 1-20 comparé à 4 Rg 17,7-20 », in Melvin K. H. Peters (éd.), XIV Congress of the International Organization for Septuagint and Cognate Studies, Helsinki, 2010, Atlanta, Society of Biblical Literature, 2013, p. 381-396 ; Id., « La date de la forme courte de Jérémie », in Mireille Loubet, Didier Pralon (éd.), Eukarpa : études sur la Bible et ses exégètes, en hommage à Gilles Dorival, Paris, Cerf, 2011, p. 25-35 ; Id., « Jr 10,1-10 : les enjeux des deux formes », inWolfgang Kraus, Olivier Munnich (éd.), La Septante en Allemagne et en France, textes de la Septante à traduction double ou à traduction très littérale = Septuaginta Deutsch und Bible d’Alexandrie : Texte der Septuaginta in Doppelüberlieferung oder in wörtlicher Übersetzung, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2009, p. 193-203 ; Id., « La composition de Jérémie LXX d’après les divisions du Codex Vaticanus (B) », in Melvin K. H. Peters (éd.), XIII Congress of the International Organization for Septuagint and Cognate Studies, Ljubljana, 2007, Atlanta, Society of Biblical Literature, 2008, p. 3-21] et dans l’ouvrage récent paru sous le titre La forme courte du livre de Jérémie, avec la collaboration de Mathilde Aussedat, Éditions universitaires européennes, 2014, qui reprend ces mêmes articles et est doté d’une riche introduction. On peut encore ajouter l’article de Chr.-B. Amphoux, « Les réécritures du livre de Jérémie (LXX) », in Claire Clivaz et al. (éd.), Écritures et réécritures. La reprise interprétative des traditions fondatrices par la littérature biblique et extra-biblique. Cinquième colloque international du RRENAB, Universités de Genève et Lausanne, 10-12 juin 2010, Louvain, Peeters, coll. « Bibliotheca Ephemeridum Theologicarum Lovaniensium 248 », 2012, p. 213-225.
  • [12]
    Par exemple, Yair Hoffman, Jeremiah. Volume One, Chapters 1-25 : Introduction and Commentary, Jérusalem, Magnes Press, coll. « MikraLeyisra’el », 2001 ; Id., Jeremiah. Volume Two, Chapters 26-52 : Introduction and Commentary, Jérusalem, Magnes Press, coll. « MikraLeyisra’el », 2001 ; William McKane, A Critical and Exegetical Commentary on Jeremiah. Volume I, Introduction and Commentary on Jeremiah I-XXV, Édimbourg, T. & T. Clark, coll. « International Critical Commentary », 1986 ; Id., A Critical and Exegetical Commentary on Jeremiah. Volume II, Commentary on Jeremiah XXVI-LII, Édimbourg, T. & T. Clark, coll. « International Critical Commentary », 1996 ; Gerald L. Keown, Pamela J. Scalise, Thomas G. Smothers, Jeremiah 26-52, Dallas, Word Books, coll. « Word Biblical Commentary 27 », 1995 ; Peter C. Craigie, Page H. Kelley, Joel F. Drinkard, Jeremiah 1-25, Dallas, Word Books, coll. « Word Biblical Commentary 26 », 1991 ; William L. Holladay, Paul D. Hanson, Jeremiah 1 : A Commentary on the Book of the Prophet Jeremiah Chapters 1-25, Philadelphia, Fortress Press, coll. « Hermeneia : A Critical and Historical Commentary on the Bible », 1986 ; Id., Jeremiah 2 : A Commentary on the Book of the Prophet Jeremiah Chapters 26-52, Minneapolis, Fortress Press, coll. « Hermeneia : A Critical and Historical Commentary on the Bible », 1989 ; Ernest W. Nicholson, The Book of the Prophet Jeremiah. Chapters 1-25, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « The Cambridge Bible Commentary on The New English Bible », 1973 ; Id., The Book of the Prophet Jeremiah. Chapters 26-52, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « The Cambridge Bible Commentary on The New English Bible », 1975.
  • [13]
    Daniel Epp-Tiessen, Concerning the Prophets : True and False Prophecy in Jeremiah 23 :9-29 :32, Eugene, Oregon, Pickwick Publications, 2012, p. 44.
  • [14]
    Ibid., p. 205.
  • [15]
    L’introduction des deux péricopes est similaire et il s’agit dans les deux cas de récits de conflit : en 26, Jérémie est au temple et, après son discours, un conflit l’oppose « aux prêtres et aux prophètes » (26,8.11.16) tandis que princes et hauts fonctionnaires lui sont favorables (26,10.16). Le roi est absent. En 36, c’est Jérémie qui est absent. Baruch fait lecture des paroles du rouleau, les princes sont embarrassés. La parole refusée au temple est à nouveau refusée dans la lecture du rouleau. Le roi donne l’ordre d’arrêter le prophète et son secrétaire. Il y a escalade dans l’opposition. On peut ajouter aussi des points de contact précis : le propos de la parole de Jérémie, qu’il la dise lui-même ou par l’intermédiaire de Baruch est le même ; la conversion du peuple (26,3 ; 36,3) est exprimée par la même racine ; le prophète est entouré par des groupes qui prennent position ; le lieu est identique à « l’entrée de la porte neuve de la maison de Yhwh » (26,10 ; 36,10). Voir Joëlle Ferry, « “Le livre dans le livre” : lecture de Jérémie 36 », in Jean-Daniel Macchi, Christophe Nihan, Thomas Römer (éd.), Les recueils prophétiques de la Bible : origines, milieux, et contexte proche-oriental, Genève, Labor et Fides, coll. « Le Monde de la Bible 64 », 2012, p. 287.
  • [16]
    Bob Becking, Between Fear and Freedom : Essays on the Interpretation of Jeremiah 30-31, Leyde, Brill, coll. « Oudtestamentische Studiën 51 », 2004.
  • [17]
    J. Ferry, « “Le livre dans le livre” : lecture de Jérémie 36 », art. cit., p. 287.
  • [18]
    Une comparaison de Jr 36,3 ; 26,3 et Ex 34,9b montre que « les auteurs de Jr 36 mettent les mots de Moïse dans la bouche de Jérémie (36,3b), mais lorsque Jérémie les dicte à Baruch, ils deviennent “paroles de Yhwh” (36,4). Qu’est-ce à dire, sinon que, pour ces scribes, la révélation n’est pas parvenue à son terme avec la mort de Moïse, mais est vivante au temps de Jérémie ? Le Deutéronome insiste sur le fait de ne rien ajouter et de ne rien enlever (4,2). Or, en 36,32 le dernier mot est précisément pour dire que “beaucoup de paroles du même genre furent ajoutées”. J. Ferry, « “Le livre dans le livre” : lecture de Jérémie 36 », art. cit., p. 302-303. Manifestement on tient là un type de métadiscours prophétique : les textes sont nés d’un processus d’écriture successif et continu.
  • [19]
    Martti Nissinen, « Since when do Prophets Write ? », in Kristin De Troyer, M. Law, Marketta Liljeström (éd.), In the Footsteps of Sherlock Holmes. Studies in the Biblical Text in Honour of Anneli Aejmelaeus, Louvain, Peeters, 2014, p. 585-606.
  • [20]
    Une allusion lui est faite en Jr 22,24 (« Par ma vie – oracle du Seigneur –, quand bien même Konyahou, fils de Yoyaqim, roi de Juda, serait un sceau attaché à ma main droite, je l’en détacherais »), mais le roi ne sert pas à la chronologie du livre.
  • [21]
    Mark Roncace, Jeremiah, Zedekiah, and the Fall of Jerusalem, New York, T. &T. Clark, 2005.
  • [22]
    À Yoyaqim et Sédécias, on peut ajouter Yoakhaz (2 R 24,31-34), roi depuis quelques mois, impie et déporté par le Pharaon Néko en Égypte où il meurt. Il lui est fait allusion en Jr 22,11 sous le nom de Shalloum.
  • [23]
    Thomas Römer, « From Prophet to Scribe : Jeremiah, Huldah and the Invention of the Book », in Philip R. Davies, Thomas Römer (éd.), Writing the Bible. Scribes, Scribalism and Script, Durham, Acumen, 2013, p. 86-96.
  • [24]
    Au sujet de l’analyse et de l’interprétation de la différence entre texte court (LXX) et texte long (TM), voir Pierre-Maurice Bogaert, « Les documents placés dans une jarre : texte court et texte long de Jr 32, LXX 39 », in Gilles Dorival, Olivier Munnich (éd.), Selon les Septante : trente études sur la Bible grecque des Septante, en hommage à Marguerite Harl, Paris, Cerf, 1995, p. 53-77. La traduction présentée de ce double verset lui est empruntée.
  • [25]
    L’italique est nôtre dans l’ensemble des citations. Il vise à attirer l’attention sur la notion traduite de séfèr et sur ses diverses nuances.
  • [26]
    P.-M. Bogaert, « Les documents placés dans une jarre : texte court et texte long de Jr 32, LXX 39 », art. cit., p. 72.
  • [27]
    Ibid., p. 73-75.
  • [28]
    Raymond de Hoop, « Textual, Literary, and Delimitation Criticism : The Case of Jeremiah 29 in M and Q », in Raymond de Hoop, Marjo C. A. Korpel, Stanley E. Porter (éd.), The Impact of Unit Delimitation on Exegesis, Leyde, Brill, 2009, p. 29-62.
  • [29]
    Joëlle Ferry, « Jérémie 29 : une identité dans l’écriture », in Olivier Artus, Joëlle Ferry (éd.), L’identité dans l’Écriture, hommage au professeur Jacques Briend, Paris, Cerf, 2009, p. 166.
  • [30]
    Voir en détail Klaas Smelik, « Letters to the Exiles : Jeremiah 29 in Context », Scandinavian Journal of the Old Testament 10 (1996), p. 282-295. Autre proposition de Jorge Torreblanca, « Continuidad para el futuro del pueblo de Dios : Análisis exegético estructual de Jeremías 52, 54 y 29 », Cuadernos de Teología 23 (2005), p. 17-35, particulièrement p. 30.
  • [31]
    B. Becking, « Divine Reliability and the Conceptual Coherence of the Book of Consolation (Jeremiah 30-31) », in Martin Kessler (éd.), Reading the Book of Jeremiah : A Search for Coherence, Winona Lake, Eisenbrauns, 2004, p. 163-179 ; Id., « Jeremiah’s Book of Consolation : A Textual Comparison Notes on the Massoretic and the Old Greek Version of Jeremiah XXX-XXXI », Vetus Testamentum 44 (1994), p. 145-169.
  • [32]
    L’italique est nôtre dans l’ensemble des citations. Il permet ici d’attirer l’attention sur les différentes expressions de bonheur.
  • [33]
    J. Ferry, « Jérémie 29 : une identité dans l’écriture », art. cit., p. 170.
  • [34]
    Dalit Rom-Shiloni, « The Prophecy for “Everlasting Covenant” (Jeremiah XXXII 36-41) : An Exilic Addition or a Deuteronomistic Redaction ? », Vetus Testamentum 53 (2003), p. 210-211.
  • [35]
    S. Mowinckel rattachait 29,1-23 à la source C des discours en prose de facture deutéronomiste que le rédacteur aurait écrit vers 400 av. n. è. depuis Babylone et 29,24-32 à la source B constituée de morceaux biographiques en prose (19-20 ; 26-44) dont l’éditeur serait un proche de Jérémie. Cette attribution à la source B a été remise en cause avec les travaux récents sur les rédactions deutéronomistes du livre. Pour W. Thiel, un rédacteur D aurait inséré au texte initial de la lettre les versets 8-9 et 15 pour le relier au chapitre 28, les versets 10-14 pour le joindre au chapitres 30-32, les versets 16-20 faisant écho au chapitre 24. Voir Winfried Thiel, Die deuteronomistische Redaktion von Jeremia 26-45, Neukirchen-Vluyn, Neukirchener Verlag, coll. « Wissenschaftliche Monographien zum Alten und Neuen Testament 52 », 1981, p. 19.
  • [36]
    Pour une lecture narratologique, consulter Elena Di Pede, « Jer 32, exergue du récit des chapitres 32-45 ? », Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft 117 (2005), p. 559-573.
  • [37]
    Mark Leuchter, « Personal Missives and National History : The Relationship between Jeremiah 29 and 36 », in Mark J. Boda, Lissa M. Wray Beal (éd.), Prophets, Prophecy, and Ancient Israelite Historiography, Winona Lake, Eisenbrauns, 2013, p. 275-293.
  • [38]
    La bibliothèque d’Alexandrie atteste bien différents canons à la différence qu’il s’agit de canons d’auteurs et que ceux-là ne sont pas liés à l’autorité d’une révélation.
  • [39]
    Sur ce point, je me sépare donc de la conclusion de K. Schmid, « L’auto-compréhension des livres prophétiques comme littérature de réécriture », art. cit., p. 135-136 : « Le noyau du livre de Jérémie ou du livre d’Isaïe – tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif – provient de “Jérémie” ou d’“Isaïe”, mais des textes “jérémiens” ou “isaïens” peuvent également avoir été formulés par des successeurs de chacun des deux prophètes historiques. Il semble toutefois que cette position différenciée n’a pas pu être maintenue au-delà de la limite du canon et que, sur le fond, elle n’a retrouvé vigueur qu’à travers la critique historique de l’époque moderne. […] Ce développement […] est lié à l’affaiblissement de l’activité de réécriture des scribes dans les livres prophétiques de l’Ancien Testament, et à la clôture du canon prophétique. Dès lors que l’idée de réécritures productives sur le plan littéraire disparaissait, la perception anhistorique des livres prophétiques pouvait s’imposer, qui voyait dans ces livres spécifiquement et exclusivement l’héritage littéraire du prophète qui donne son nom à ce même livre. »
  • [40]
    On peut également ajouter les témoignages d’Ambroise, de Basile, de Clément d’Alexandrie, de Tertullien, et d’Hilaire de Poitiers. Pierre-Maurice Bogaert, « Le livre de Baruch dans les manuscrits de la Bible latine : disparition et réintégration », Revue bénédictine 115 (2005), p. 286-342.
  • [41]
    D’ailleurs la Vieille Latine présente dans l’ordre Jérémie, Baruch, Lamentations, Lettre de Jérémie mais Baruch suit Jérémie sans césure apparente. Sean A. Adams, « Epistle of Jeremiah or Baruch 6 ? The Importance of Labels », Bulletin of the International Organization for Septuagint and Cognate Studies 44 (2011), p. 29.
  • [42]
    Pierre-Maurice Bogaert, « Le personnage de Baruch et l’histoire du livre de Jérémie. Aux origines du Livre deutérocanonique de Baruch », in Elizabeth A. Livingstone (éd.), Studia Evangelica 7 : Papers Presented to the Fifth International Congress on Biblical Studies held at Oxford, 1973, Berlin, Akademie-Verlag, 1982, p. 73-81 ; Id., « Le nom de Baruch dans la littérature pseudépigraphique : l’apocalypse syriaque et le livre deutérocanonique », in Willem Cornelis Van Unnik (éd.), La littérature juive entre Tenach et Mischna, Leyde, Brill, 1974, p. 56-72.
  • [43]
    Je remercie Pierluigi Piovanelli pour cette information précise.
  • [44]
    S. A. Adams, « Epistle of Jeremiah or Baruch 6 ? The Importance of Labels », art. cit., p. 26-30.
  • [45]
    Voir P. Piovanelli, « Le sommeil séculaire d’Abimélech dans l’Histoire de la captivité babylonienne et les Paralipomènes de Jérémie : texte – intertextes – contextes », art. cit., p. 84.
  • [46]
    Le fait que cet explicit ait été conservé (à quelques variantes près) par la version éthiopienne, deux témoins grecs (les manuscrits A et B), la troisième recension arménienne et deux témoins slaves, démontre qu’il doit très probablement remonter à l’original même des Paralipomènes (ibid., p. 85).
  • [47]
    Ibid., p. 96.
  • [48]
    Susan Docherty, The Jewish Pseudepigrapha. An Introduction to the Literature of the Second Temple Period, Londres/Minneapolis, SPCK/Fortress, 2014, p. 160 (« Close study of the Pseudepigrapha clearly reveals that these Second Temple Jews did not approach their authoritative writings as a set of fixed, unchanging letters on a page. Rather communicating the meaning of this revelation for future generations seems to have been more important to them »).

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