Notes
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[*]
Bernard Reymond est professeur honoraire de théologie pratique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’université de Lausanne.
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[1]
Bernard d’Espagnat, « Le crépuscule du multitudinisme », Philosophia scientiae 5 (2001), p. 35 et 40 (texte accessible en ligne à l’adresse suivante : www.archive.numdam.org).
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[2]
L’édition princeps est de 1842. L’édition utilisée ici est celle de 1928 (Lausanne, Payot). Fait notable, elle a été préparée par Aimé Chavan, professeur à la Faculté de théologie de l’université de Lausanne, qualifiée communément de « nationale » pour la distinguer de la Faculté de théologie de l’Église libre, ouverte en 1847.
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[3]
Alexandre Vinet, Essai sur la manifestation des convictions religieuses et sur la séparation de l’Église et de l’État envisagée comme conséquence nécessaire et comme garantie du principe, Lausanne, Payot, 1928, p. 531.
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[4]
« A doctrine or policy giving primary importance to the interests of the multitude as opposed to the individual » (www.merriam-webster.com/dictionary/multitudinism consulté le 18.08.2014).
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[5]
« In anderen Sprachen gibt es dazu keine Parallele (mit Ausnahme in Dänemark) » (Theologische Realenzyklopädie Bd 35, p. 249).
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[6]
Voir Bernard Reymond, « Les relations Église-État en perspective protestante au XIXe siècle », in Michel Grandjean, Sarah Scholl (éd.), L’État sans confessions. La laïcité à Genève (1907) et dans les contextes suisse et français, Genève, Labor et Fides, 2010, p. 197-207 ; Id., « Les christianismes gouvernementaux, un phénomène méconnu », Évangile et Liberté janvier 2011, p. 10-15.
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[7]
Voir George H. Williams, The Radical Reformation, Philadelphia, Westminster Press, 1975.
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[8]
Voir Genèse religieuse de l’État laïque. Textes choisis de Roger Williams, éd. Marc Boss, trad. de Mireille Hébert, préface de Jean Baubérot. Hors-série des Études théologiques et religieuses, supplément au numéro 1 du t. 88 (2013), p. 9-39. Voir aussi Lauric Henneton, Histoire religieuse des États-Unis, Paris, Flammarion, 2012.
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[9]
Friedrich Schleiermacher, Über die Religion. Reden an die Gebildeten unter ihren Vera ̈chtern, édition princeps Berlin, 1799, p. 210 ; Id., De la religion. Discours aux personnes cultivées d’entre ses mépriseurs, Paris, van Dieren, 2004, p. 120.
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[10]
Voir mon essai : Bernard Reymond, Une Église à croix gammée ? Le protestantisme allemand au début du régime nazi (1932-1935), Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, 1980.
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[11]
Voir Bernard Reymond, À la redécouverte d’Alexandre Vinet, Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, 1990.
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[12]
Rappelons que dans cet emploi, cet adjectif n’a aucune connotation nationaliste. « Église nationale » est l’équivalent français de l’allemand Landeskirche, autrement dit d’Église d’un pays donné que l’on pourrait aussi qualifier d’Église territoriale.
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[13]
Alexandre Vinet, Lettres, vol. I, Lausanne, Payot, 1947, p. 175.
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[14]
En principe, il s’agissait de la Confession helvétique postérieure de 1566, même si plus grand monde ne s’y référait, à l’exception des milieux strictement orthodoxes qui auraient voulu la remettre en vigueur.
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[15]
A. Vinet, Essai sur la manifestation des convictions religieuses, op. cit., p. 376.
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[16]
Ibid., p. 434.
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[17]
Ibid., p. 530-531. L’italique est de Vinet.
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[18]
Cette raison théologique n’apparaît pas dans les lettres comminatoires de Messieurs de Berne à Viret en 1559. Elle était cependant connue depuis 1548 (voir Henri Vuilleumier, Histoire de l’Église réformée du canton de Vaud sous le régime bernois, t. I, Lausanne, Concorde, 1927, p. 660 ; Michael W. Bruening, Le premier champ de bataille du calvinisme. Conflits et Réforme dans le Pays de Vaud 1528-1559, Lausanne, Antipodes, 2011, p. 204 sq.). De mémoire, elle eut sa place dans les délibérations au sein des instances bernoises, en particulier par la voix du peintre Nicolas Manuel Deutsch, un laïc.
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[19]
Réflexions suggérées par la lecture de l’ouvrage de M. A. Vinet sur la séparation de l’Église et de l’État, Paris, Delay, 1843, p. 52. Grandpierre doit avoir eu sous les yeux la seconde édition de l’Essai où se trouvait précisément la note contenant l’adjectif « multitudiniste ».
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[20]
Je n’ai pas réussi à repérer quand ce fut exactement le cas, mais en revanche que ce l’était indubitablement au début des années 1860.
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[21]
Olivier Blanc, Bernard Reymond, Catholiques et protestants dans le Pays de Vaud. Histoire et population 1536-1986, Genève, Labor et Fides, 1986, p. 135 sqq.
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[22]
Statistique officielle du canton de Vaud : http://www.scris.vd.ch (consulté le 25.08.2014).
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[23]
Citation symptomatique de la situation prévalant sous le régime de l’ancienne Constitution cantonale vaudoise : « L’Église évangélique réformée vaudoise est un service de l’État, auquel chacun peut faire appel selon ses besoins. » Cité d’après Olivier Klunge, « Une Église multitudiniste », La Nation n° 1906 du 14.01.2011 (Lausanne).
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[24]
Au grand dam de ceux qui, comme Klunge, voudraient la voir devenir « confessante », non au sens d’une bekennende Kirche, mais d’une Bekenntniskirche, c’est-à-dire d’une Église bardée d’une confession de foi en bonne et due forme.
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[25]
Cette formulation-là ou une formulation semblable.
1Un mot qui appartient en propre au vocabulaire du protestantisme francophone, on aurait envie de le choyer. D’emploi courant en ecclésiologie protestante, « multitudinisme » ne se trouve ni dans les dictionnaires Le Robert ni dans les différents Larousse. Moins sélectif, le Wiktionnaire (fr.wiktionary.org) propose en revanche deux définitions : l’une a justement trait à l’usage auquel nous allons nous intéresser ; l’autre, d’un emploi très restreint, voire isolé, renvoie à un article du physicien Bernard d’Espagnat qui qualifie de multitudiniste la vision que la science classique se faisait de la nature – « une vision dans laquelle la réalité constitutive, la “matière” comme on dit, était conçue comme fondamentalement constituée de myriades d’éléments simples, essentiellement des “atomes”, des “particules”, interagissant par des forces décroissant avec la distance ». Et cet auteur de conclure son exposé en affirmant que « aujourd’hui toute vision multitudiniste du réel-en-soi semble condamnée par la physique » [1].
2Le mot est apparu en tant qu’adjectif pour la première fois en 1842 sous la plume d’Alexandre Vinet (1797-1847) dans son grand Essai sur la manifestation des convictions religieuses et sur la séparation de l’Église et de l’État envisagée comme conséquence nécessaire et comme garantie du principe [2] : Vinet se disait être lui-même « multitudiniste [3] ». Est-ce pour avoir lu cet Essai que des protestants anglais ont mis en vigueur le terme multitudinism ? Une recherche approfondie dans la littérature religieuse anglo-saxonne de l’époque serait nécessaire pour s’en assurer. Dans le cadre de cette enquête liminaire notons simplement que le mot a toutefois disparu des encyclopédies anglaises actuelles, mais se trouvait encore au siècle dernier dans le New English Dictionary ou dictionnaire d’Oxford. À l’instar de sa version en français, il figure toutefois sur l’Internet. Selon ces références anglo-saxonnes, multitudism désigne « une doctrine ou une politique donnant une importance primordiale aux intérêts de la multitude par opposition à ceux de l’individu [4] » – un sens quelque peu différent de celui que lui donnait Vinet et surtout de celui que lui prête communément le protestantisme d’expression française.
3En revanche, on ne trouve pas trace de ce substantif ou de cet adjectif en allemand qui, à la place, utilise l’expression Volkskirche et ses dérivés, le plus souvent dans la même intention. Dans l’article que lui consacre la dernière édition de la Theologische Realenzyklopädie, Wolfgang Huber croit pouvoir affirmer que ce concept « n’a pas de parallèle dans d’autres langues (à l’exception du Danemark) [5] », ce qui dénote sur ce point une méconnaissance évidente de la littérature d’expression française. L’exclusivité en question n’en est pas moins symptomatique : Volkskirche est un terme dont l’usage est étroitement tributaire d’un contexte donné, celui des pays germanophones où le protestantisme était largement majoritaire et l’est encore en bien des endroits. C’est d’ailleurs également le cas pour le terme français : même s’il a beaucoup été utilisé en France, le mot multitudinisme trouve son origine et son sens premier dans les cantons protestants de Suisse romande.
4Huber signale fort à propos que le terme Volkskirche doit avoir été utilisé pour la première fois par Friedrich Schleiermacher (1768-1834) dans son cours de 1822-1823 sur la morale chrétienne. Ce repérage est important pour notre problématique. Vinet avait eu l’occasion de passer une soirée en compagnie de Schleiermacher à Bâle, chez leur ami commun Wilhelm Martin Leberecht de Wette (1780-1849), sans avoir apparemment éprouvé de sympathie particulière pour son collègue berlinois : ils en étaient restés à des propos de salon. Le parallélisme de leurs démarches n’en est pas moins évident : tous deux appartenaient à des Églises d’État ou étroitement liées à l’État ; tous deux ont été marqués par une sensibilité de même texture, le piétisme pour Schleiermacher, le courant du Réveil pour Vinet ; tous deux ont affronté un même problème : celui de l’individualisation du croire dans une société en pleine mutation [6] ; et tous deux se sont demandés comment concevoir la situation et le ministère d’une Église qui ne soit plus sous la tutelle de l’État tout en restant spirituellement en charge de toute la population.
Le problème des méditations institutionnelles entre Dieu et le monde
5Pour bien comprendre le problème, on doit se rappeler que, abstraction faite de sa branche dite « radicale [7] », la Réformation du xvie siècle n’a pas vu d’inconvénient à ce que le pouvoir temporel assume la gestion des affaires religieuses. Mieux encore, la Réforme ne serait pas advenue si les rois, les princes ou les magistrats des villes libres n’avaient pris les choses en main et décidé le passage à la nouvelle foi, c’est-à-dire à la nouvelle manière de concevoir la fidélité à l’Évangile et l’exercice ecclésial de la foi chrétienne. Même à Genève où Calvin s’est ingénié à bien distinguer les compétences du Consistoire de celles des magistrats civils, le pouvoir décisionnel de ces derniers est resté déterminant dans la gestion des affaires religieuses ; parfois il a même gagné en importance aux xviie et xviiie siècles. En Prusse, le roi assumait la fonction de summus episcopus et avait à ce titre la haute main dans la gestion temporelle des affaires religieuses, ce qui incluait la nomination des pasteurs et des superintendants. Lui-même et sa famille n’étaient pas luthériens, mais réformés, comme Schleiermacher, ce qui ne le dispensait pas d’assumer cette fonction de summus episcopus ni ne le privait de fait de la gestion effective des affaires réformées. Dans le canton de Vaud, auquel appartenait Vinet et où la Réforme avait été introduire directement par le pouvoir bernois lorsqu’il mit la main sur ce territoire en 1536, l’Église et ses pasteurs avaient été gouvernés directement par Leurs Excellences de Berne jusqu’à la révolution vaudoise de 1798. Cette prérogative et responsabilité gouvernementale avait alors été reprise sans modification notable par les autorités civiles du nouveau canton.
6À cette situation institutionnelle à laquelle personne en Europe continentale, ni les fidèles ni les théologiens des Églises protestantes établies, ne semble avoir trouvé d’inconvénient majeur jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, s’ajoute le fait que, tant dans la Prusse de Schleiermacher que dans le canton de Vaud de Vinet (comme d’ailleurs dans la plupart des régions tenues pour protestantes), la population présentait une très grande homogénéité confessionnelle. On attribue d’ordinaire ce fait à l’application du principe cujus regio ejus religio défini lors de la paix d’Augsbourg en 1555. Pourtant, comme d’autres, les édiles genevois, zurichois ou bernois n’ont pas attendu la conclusion de ce traité de paix pour partir du principe que leurs édits de Réformation devaient s’étendre à l’ensemble de la population de leur ressort, celles et ceux qui n’adhéraient pas à la foi nouvelle n’ayant d’autre choix que de s’exiler. Calvin et les autres réformateurs ont été sur ce point d’une intransigeance qui, aujourd’hui, fait froid dans le dos. Il faut aller en Pologne ou en Transylvanie pour trouver des princes et des réformateurs jouant la carte de la coexistence pacifique, et entre confessions et entre religions. À l’instigation du réformateur unitarien David Ferenć (1515-1579), Jean Sigismond de Transylvanie est allé avec son édit de Torda (1558) jusqu’à interdire aux prédicateurs des différentes mouvances religieuses présentes sur son territoire de prêcher en chaire les uns contre les autres. Mais les règles de succession ayant transmis le pouvoir à des princes catholiques, cette situation d’équilibre religieux n’a duré ni en Pologne ni en Transylvanie.
7Comme l’a très bien montré Marc Boss dans son étude sur la pensée de Roger Williams (1603-1683), c’est du côté des puritains, en particulier de ceux qui ont émigré dans le Nouveau Monde, donc aussi dans le monde anglo-saxon, qu’il faut aller chercher les premiers penseurs protestants qui ont délibérément rompu avec ce principe d’unanimité confessionnelle [8]. En Europe continentale, la littérature du Refuge a évidemment été riche en réflexions sur le thème de la liberté religieuse, donc d’une certaine manière sur le caractère individuel des options en matière de foi. Mais c’est seulement à partir de la seconde moitié du xviiie siècle et le début du xixe siècle que s’est imposée de plus en plus largement l’idée selon laquelle la relation entre Dieu et le monde ne peut plus tellement s’articuler sur des médiations institutionnelles comme l’Église, l’État ou la royauté, voire la nature elle-même, mais tient essentiellement à ce qui se passe dans l’intimité profonde et personnelle des individus. Aussi, pour Schleiermacher, la religion dont il fait l’apologie dans ses Discours est-elle dans son essence l’intuition de l’universel dont l’individu bénéficie dans le secret de son intériorité la plus personnelle, comme pour Vinet, la foi chrétienne ne peut être alors l’affaire que d’une conviction éminemment individuelle.
Schleiermacher et la notion de Volkskirche
8Comment surmonter le hiatus entre cette conception si individuelle – si protestante ! – du fait religieux et la réalité concrète d’Églises protestantes d’État ou pour le moins administrées temporellement par l’État, même en reconnaissant que, tout bien considéré, les autorités princières ou étatiques s’acquittaient en général très honorablement de leurs obligations dans ce domaine ? Dans l’enthousiasme juvénile de ses discours De la religion, Schleiermacher a écrit en 1799 quelques lignes qui se voulaient péremptoires sur le fait de « conférer à une Église un statut de corporation, de communauté jouissant de privilèges particuliers, de personnalité reconnue au sein de la société civile » :
Toutes les fois qu’un prince s’est laissé aller à un tel acte, de tous le plus dangereux et le plus ruineux, il a décidé et irrévocablement amorcé la ruine de cette Eglise. En conférant l’existence politique à la société religieuse, un tel acte agit sur elle comme la redoutable tête de la Méduse : dès qu’elle apparaît, tout se pétrifie. [9]
10Cela n’a pas empêché Schleiermacher de rester par la suite fidèlement attaché à l’Église d’État (Staatskirche) administrée par son roi. Le problème n’en était pas moins là, et il a suffi d’une décision royale mal reçue par les Églises pour le faire ressurgir dans toute son acuité : c’est l’affaire de l’Agende, de la liturgie de communion unifiée que Frédéric-Guillaume III voulut imposer d’autorité à toutes les Églises protestantes de son ressort (luthériennes, réformée, unies) dans l’idée que du fait des avancées de la théologie elles n’avaient plus de raison d’afficher leurs divisions quant à leur compréhension de la cène. Sur le fond, Schleiermacher ne pouvait qu’être d’accord avec cette interprétation du sacrement qui rejoignait sa propre conception théologique. En revanche, même en ne rompant pas avec son roi, il n’a pas hésité à afficher sa réprobation envers une décision qui, prise sous forme de décret, entendait imposer la volonté royale sans tenir compte des oppositions qu’elle suscitait, en particulier celle des milieux les plus attachés à la doctrine luthérienne traditionnelle – une doctrine qui, à l’époque, rejetait catégoriquement la manière réformée d’interpréter et de célébrer la sainte cène.
11Est-ce à cette occasion que l’expression Volkskirche est venue à l’esprit de Schleiermacher ? C’est en tout cas dans la foulée qu’elle s’est imposée. Composée de deux mots, « Église » et « peuple », ce vocable se distingue nettement, sous sa plume, de celui de Staatskirche (Église d’État), et désigne par conséquent une Église qui ne devrait être ni sous la tutelle ni sous le contrôle de ce dernier, tout en restant celle de tout un peuple sans que quiconque soit néanmoins obligé d’en faire partie. Prise pour elle-même, l’expression Volkskirche s’avère toutefois déroutante du fait de la multiplicité de sens qu’elle peut revêtir : Église-peuple, peuple-Église (au sens de peuple de Dieu), Église du peuple, Église pour le peuple, Église gouvernée par le peuple, Église d’un peuple donné à la différence d’autres peuples, Église imposée au peuple, etc. – sans oublier le pire d’entre eux forgé sous le Troisième Reich quand les Deutsche Christen ont voulu l’interpréter dans un sens völkisch, c’est-à-dire populiste, l’Église « populaire » devant alors être mise au pas de la conception nazie du peuple allemand [10]. Si l’intention de Schleiermacher était claire, Volkskirche est un vocable chargé d’ambiguïtés comme j’ai pu m’en rendre compte à maintes reprises dans les années 1980 lors de discussions ou de débats en Suisse alémanique : avec lui, on a parfois tôt fait de passer sans trop s’en rendre compte d’une signification à une autre.
Vinet et l’exigence multitudiniste
12De même que c’est l’intrusion de Frédéric-Guillaume III dans les affaires proprement ecclésiastiques à propos de l’Agende qui, en 1817, avait apparemment suscité la réflexion de Schleiermacher sur la notion de Volkskirche, de même est-ce une intervention du gouvernement cantonal vaudois dans une affaire strictement religieuse qui a déclenché la réflexion d’Alexandre Vinet [11] sur le problème des relations entre l’Église et l’État, et l’a mis sur le chemin de l’attitude qu’il allait qualifier de multitudiniste.
13Au départ, c’est-à-dire au sortir de ses études de théologie à l’Académie de Lausanne, Vinet était indubitablement un homme pieux, mais avec des réticences marquées, voire très critiques, envers les premières manifestations, souvent exaltées, du Réveil. En décembre 1823, la lecture des Réflexions sur l’évidence intrinsèque du Christianisme (Paris, Treuttel et Würtz, 1822) de l’Écossais Thomas Erskine (1788-1870) lui ouvrit l’accès à un Réveil à la fois intelligent, ouvert, cultivé et rayonnant, et lui permit de mieux comprendre l’existence des « conventicules », ces réunions organisées à l’écart du culte public par des personnes en quête d’une piété plus chaleureuse que celle de l’Église nationale [12]. Or le 15 janvier 1824, le gouvernement vaudois, soucieux de calmer une opinion publique hostile au Réveil et fortement encouragé par le doyen et premier pasteur de Lausanne Louis Curtat (1759-1832), prit un arrêté interdisant « les assemblées de la nouvelle secte religieuse, dite des “mômiers” ». Vinet était à Bâle. Lorsqu’il apprit la chose le 8 février, son sang ne fit qu’un tour et il écrivit sur le champ à son ami Louis Leresche (1796-1865) une longue lettre dont il vaut la peine de citer cet extrait :
Le Gouvernement agit dans la sphère de ses droits positifs ; et cependant les mesures qu’il vient de prendre ne me paraissent point propres à éteindre oui diminuer l’esprit de secte et les divisions qui travaillent notre Église. Quand est-ce que la force civile et les rigueurs de l’autorité ont eu ce pouvoir sur l’opinion ? Il me semble que nous voilà placés dans un cercle vicieux ; rien n’est capable de nous en faire sortir, tant que nous tiendrons au principe spécieux, je l’avoue, mais faux, d’une religion de l’État. […] Les relations qu’on a établies entre l’État et la religion, entre la société politique et le Royaume des cieux, me paraissent, je l’avoue, adultères et funestes. [13]
15Cette première réaction à chaud est rapidement devenue un thème dominant de la pensée de Vinet, développé d’abord dans son Mémoire en faveur de la liberté des cultes qui l’a fait connaître loin à la ronde et qui fut couronné en 1826 par la parisienne Société de la Morale Chrétienne, puis approfondi en 1842 par son grand Essai sur la manifestation des convictions religieuses et sur la séparation de l’Église et de l’État considérée comme conséquence nécessaire et comme garantie du principe, ouvrage déjà cité dont le titre complet est à lui seul tout un programme. À mi-chemin entre ces deux ouvrages, il y avait eu tout le débat à propos de la confession de foi lié à la mise sous toit d’une « loi ecclésiastique » destinée à régler le problème du statut de l’Église nationale – un problème laissé en suspens lors de la mise en place des nouvelles autorités cantonales reprenant à leur compte l’ensemble des responsabilités et charges gouvernementales qu’avaient assumées Messieurs de Berne jusqu’à l’indépendance de 1798. Sans cesse aiguillonnée par le journaliste et homme politique radical Henri Druey (1799-1855), la commission chargée de rédiger cette loi avait fini par supprimer l’obligation pour les pasteurs de souscrire à une confession de foi [14], ouvrant ainsi la voie à l’abolition généralisée des confessions de foi dans les Églises protestantes nationales de Suisse au cours du xixe siècle. Vinet ne tenait pas particulièrement au maintien de la Confession helvétique postérieure (1566) qui était encore en vigueur, quoique de manière toute théorique ; peut-être même ne jugeait-il pas absolument nécessaire l’existence d’un symbole doctrinal autre que quelques principes religieux. Mais il n’a pu admettre que cette décision éminemment ecclésiastique ou religieuse ait dû être constitutionnellement le fait d’une instance purement politique, le Grand Conseil, organe législatif du canton de Vaud (l’Église nationale de ce canton n’avait à ce moment-là pas d’autre instance décisionnelle que celle-là). Dès lors, Vinet ne pouvait que guerroyer la plume à la main dans l’espoir que finisse par prévaloir un jour la séparation de l’Église et de l’État qu’il appelait de ses vœux.
16L’issue concrète du débat a été en 1847 la formation d’une Église libre distincte de l’Église nationale. Décédé la même année, Vinet en est aussitôt devenu la personnalité emblématique. Mais cette scission au sein de l’Église cantonale n’est pas la solution qu’il avait espérée. Avant la crise provoquée par la révolution radicale de 1845 et la décision abrupte du gouvernement Druey de mettre à pied les pasteurs ayant refusé de lire en chaire une recommandation faite aux fidèles de voter la nouvelle constitution cantonale, Vinet semble bel et bien avoir espéré que toute l’Église de son canton finirait par bénéficier d’un statut de pleine indépendance par rapport à l’État. Dans son Essai de 1842, c’est ce qu’il appelle une Église « de multitude » :
On déplore l’étroitesse de vues de certaines Églises actuellement nommée dissidentes. J’accorde que les Églises nationales, non pas pourtant comme nationales, mais comme Églises de multitude, sont plus favorables (dans nos temps du moins) aux idées générales et modérées. […] Une Église nationale est une Église de multitude ; si elle en a les inconvénients, elle [en] a les avantages qui correspondent et qui les rachètent. [15]
18Le vocabulaire diffère en l’occurrence de celui de Schleiermacher. Là où ce dernier, pour dire censément la même chose, utilisait l’expression Volkskirche, Vinet, qui semble avoir tout ignoré de cet usage allemand, précise que l’Église de multitude à laquelle il consent doit bien être « Église et non peuple [16] ». Et dans une note dont Chavan a précisé qu’elle ne figurait pas dans la toute première édition de l’Essai, Vinet a encore précisé sa pensée :
Je ne crois pas inutile de dire à ceux qui regardent la suppression des Églises de multitude comme une conséquence nécessaire de notre système [de séparation de l’Église et de l’État], que rien ne justifie cette prévision. Je le fais d’autant plus volontiers que je suis multitudiniste moi-même, en ce sens que j’exclus absolument la prétention de pénétrer dans l’intérieur des consciences et d’exercer un jugement qui n’appartient qu’à Dieu. [17]
20Très conscient de proposer un néologisme, Vinet a expressément souligné multitudiniste. Si mes repérages sont exacts, il n’a pas réutilisé ce mot par la suite. Tandis que dans les deux occurrences citées ci-dessus, l’expression « de multitude » semble ne devoir convenir qu’à une Église d’État, le sens qu’il donne à l’adjectif formé sur elle délimite strictement les ingérences de ce dernier. Vinet ignorait probablement que ce souci de préserver l’intimité des individus et de laisser à Dieu seul le pouvoir et le droit d’en juger fut déjà, en 1559, la raison théologique, généralement passée sous silence, du pouvoir temporel bernois de finalement bannir le réformateur Pierre Viret (1511-1571), alors premier pasteur de Lausanne : tandis que ce dernier exigeait de pouvoir examiner la foi et les mœurs des fidèles avant de leur ouvrir l’accès à la sainte cène, Messieurs de Berne voyaient au contraire dans cette exigence pastorale une ingérence indue dans la conscience intime des individus, un retour de cléricalisme [18]. À trois siècles de distance, ce décalage entre la méfiance de Vinet envers les ingérences de l’État et celle de Messieurs de Berne envers la curiosité mal placée des ecclésiastiques est l’une des ironies de l’histoire.
Le concept de multitudinisme
21Sous la plume de Vinet, multitudiniste est donc un apax, mais rapidement remarqué et bientôt adopté dans le protestantisme francophone. En 1843 déjà, le pasteur Henri Grandpierre (1799-1854), directeur de la Société des Missions de Paris qui publia une brochure intitulée Réflexions suggérées par la lecture de l’ouvrage de M. A. Vinet sur la séparation de l’Église et de l’État, relevait l’intérêt de ce néologisme :
Il se déclare multitudiniste, mot inventé pas lui pour signifier que, dans le nouvel état de choses qu’il a imaginé, les Églises cesseront d’être salariées par le gouvernement, continueront cependant d’être des Églises-peuple, et ne devront pas nécessairement et uniquement devenir des Églises-société. [19]
23« Églises-peuple » : Grandpierre n’a pas remarqué que Vinet avait expressément évité l’emploi de cette expression. Il est intéressant, en revanche, qu’elle lui soit venue à l’esprit : originaire du canton de Neuchâtel, possession du roi de Prusse, il savait certainement l’allemand et, lisant Vinet, il doit avoir aussitôt pensé à l’expression allemande Volkskirche. Lui aussi en est resté à la forme adjectivale. C’est ensuite seulement, mais relativement tôt [20], qu’est apparue la forme nominale, « multitudinisme », destinée à connaître un certain succès. Elle présentait – et présente encore – l’avantage de ne pas désigner une institution, l’Église, mais une manière d’être de cette Église, et de le faire en ayant recours à un terme d’origine biblique. Au xixe siècle, il était en effet d’usage de citer Matthieu 14,14 sous la forme suivante : « Jésus vit une grande multitude et il fut ému de compassion envers elle ». Dire des Églises nationales qu’elles relevaient du multitudinisme les dédouanait dès lors du soupçon de s’inféoder complaisamment à l’État : leur fonction n’était pas de contribuer à l’encadrement étatique de la population, mais d’exercer envers « la grande multitude » un ministère de compassion s’inspirant de celui de Jésus.
24Connoté par le principe multitudiniste, le terme de multitude a pris ensuite une acception légèrement différente de celle qu’il avait initialement sous la plume de Vinet. Dès les années 1850, en particulier dès que se fut affirmée dans le canton de Vaud l’existence d’une Église libre distincte de l’Église nationale, le protestantisme d’expression française s’est mis à distinguer entre « Églises de multitude » et « Églises de professants ». Cette distinction a bénéficié localement d’un regain d’intérêt lors des débats qui ont précédé le retour à l’unité des deux Églises vaudoises au moment de leur fusion en 1966. Paradoxe de la situation, l’Église libre qui se réclamait massivement de la pensée de Vinet s’est constituée dès son origine en Église de professants dont on devenait membre en contresignant une très brève profession de foi, tandis que l’Église nationale qui restait unie à l’État à l’encontre de la doctrine de Vinet, se prévalait d’être multitudiniste, tout en ne requérant de personne l’adhésion à une confession de foi. Il est vrai qu’entre temps une nouvelle loi ecclésiastique promulguée en 1863 avait enfin doté l’Église nationale vaudoise de ses propres organes synodaux tout en la disant « unie à l’État » ; ce dernier garantissait pour sa part (et garantit encore) sa liberté d’action, d’enseignement et de prédication, dans les limites qu’impose évidemment le respect de l’ordre public.
25Ce qui était à l’origine une terminologie apparue dans un contexte particulier, celui du canton de Vaud encore très majoritairement protestant au milieu du xixe siècle, n’a pas tardé à devenir un bien propre à l’ensemble du protestantisme francophone, ce que n’aurait pas permis un vocable comme Volkskirche, qui fait implicitement allusion à une Église regroupant « le peuple » (ou la population) de tout un pays. Dans les cantons de Suisse romande marqués par le protestantisme, la part de la population se reconnaissant effectivement comme protestante n’a cessé de décroître, surtout à partir de la fin du xixe siècle. Là encore, la situation propre au canton de Vaud est emblématique, par l’ampleur des évaluations statistiques, de ce qui s’est passé dans l’ensemble de la Romandie : Olivier Blanc a montré que la part de protestants y était encore de 91,9% en 1880, puis de 80,4% en 1910, et de 60,7% en 1970 [21]. Aujourd’hui, la part des habitants se rattachant à l’Église réformée n’est plus que de 28,6% [22]. À quoi s’ajoute le fait que, dès la formation de l’Église libre en 1847 et jusqu’à la fusion de 1966, ses quelque 5 000 membres, trop peu nombreux, ne pouvaient plus être comptés au nombre de la « multitude » censée pouvoir recourir aux services de l’Église nationale [23]. Or, même devenue statistiquement minoritaire et séparée administrativement de l’État, l’Église réformée vaudoise continue à se vouloir multitudiniste. Elle n’a toujours pas de confession de foi, seulement une « déclaration de principes [24] », d’ailleurs assez anodine, et son ouverture à tous se concrétise dans le fait que, par son régime d’Église nationale, elle ne tient pas de registre de ses membres : peuvent alors se considérer comme ses membres les personnes qui se reconnaissent dans ses principes constitutifs, en toute liberté personnelle d’appréciation et de convictions. Pour le reste, ses ministres, pasteurs et diacres, sont censés être à disposition de celles et ceux qui désirent recourir à leurs services sans vérifier au préalable s’ils sont ou non « membres » de cette Église.
26C’est dans un sens voisin que l’adjectif multitudiniste a pu être repris (bien que moins fréquemment) dans le contexte très minoritaire du protestantisme français. Il perd un peu de son sens dans le cas de très petites communautés locales regroupant tout au plus quelques dizaines de familles. Dans le cas de paroisses urbaines dotées de grands temples où se rassemblent près de cent fidèles ou davantage pour le culte dominical, il garde toute sa raison d’être. On peut en effet considérer que le multitudinisme était en jeu lorsque l’Unité réformée de 1938 s’est faite non seulement autour d’une « déclaration » (et non d’une « confession de foi »), mais également que cette déclaration a été assortie d’un préambule précisant dans quelle mesure les pasteurs sont requis d’y adhérer : « Sans vous attacher à la lettre de ses formules, vous proclamerez le message de salut qu’elles expriment » – une formule qui vaut évidemment aussi pour les fidèles en général et que les protestants libéraux n’ont jamais hésité à tenir pour plus importante que la déclaration proprement dite.
27La contrepartie liturgique de ce multitudinisme minoritaire se trouve par exemple dans la formule d’invitation à participer à la cène – une invitation adressée à toute personne « qui a entendu dans son cœur l’appel de Dieu et désire y répondre, quelle que soit son appartenance ou sa non-appartenance [à une dénomination religieuse] [25] ». Pastoralement, le multitudinisme se traduit également par la disponibilité des pasteurs envers quiconque désire solliciter leurs services, dans le respect des règles synodales et dans la « crainte de Dieu », c’est-à-dire en tenant compte de tout ce qu’implique une lecture approfondie de Matthieu 14,13-21. Le multitudinisme, si tant est que ce terme reste en usage, ne saurait être la porte ouverte à n’importe quoi. Il ne peut avoir de raison d’être qu’à condition d’être le fait d’une Église, c’est-à-dire de gens ayant faim et soif de la « parole de vie », et soucieux de la mettre à disposition de tous ceux qui peuvent en avoir besoin, souvent sans même le savoir.
Une visée qui reste d’actualité
28En se disant multitudiniste, Vinet a, sans le vouloir vraiment, donné lieu à un concept, le multitudinisme, finalement plus riche de significations qu’il ne s’y serait peut-être attendu. Mais, nous l’avons vu, ce concept est tributaire d’une situation historique donnée, celle des protestantismes fortement majoritaires, actuellement en pleine phase de délitement. De plus, les actuelles traductions de Matthieu 14,14 n’utilisent plus le mot même dont il est dérivé, « multitude », et le privent ainsi de la référence évangélique à laquelle il devait sa saveur. Le concept de multitudinisme aurait-il alors fait son temps ?
29Le pire qui puisse lui arriver serait de prêter à malentendu, par exemple si la référence à la multitude dont Jésus eut compassion ne vient pas spontanément à l’esprit de celles et ceux qui lisent ou entendent le terme multitudinisme, ou si la notion même d’Église multitudiniste devait entraîner dans leur esprit une idée purement quantitative, comme si une Église devait tendre à être la plus nombreuse possible, le christianisme dût-il en ressortir complètement délavé. Sans aboutir nécessairement à cette acception désastreuse, c’est ce sens quantitatif que semble privilégier l’usage anglo-saxon du terme multitudinism, mais encore faudrait-il le vérifier au gré d’une enquête qui en fin de compte ne serait d’aucune utilité pour des francophones.
30Pour éviter ce malentendu, il faut donc insister sur l’acception éminemment qualitative qu’a toujours eue le terme multitudinisme dans l’emploi qu’en a fait le protestantisme d’expression française. Si le mot peut être passé de mode (mais qu’est-ce qu’une mode en théologie ?), la visée dont il est la hausse garde toute sa pertinence et sa nécessité. Une Église digne de ce nom ne peut se contenter de vivre en petit troupeau replié sur lui-même et sans préoccupation des « multitudes » qui l’entourent. Être là pour tous, ou être « tout à tous » comme disait l’apôtre Paul (I Corinthiens 9,2), c’est encore une fois et justement être de ceux à qui le Christ dit par-delà les siècles « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Matthieu 14,16). Cette exigence et cette promesse-là n’ont pas pris une ride.
Notes
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[*]
Bernard Reymond est professeur honoraire de théologie pratique à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’université de Lausanne.
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[1]
Bernard d’Espagnat, « Le crépuscule du multitudinisme », Philosophia scientiae 5 (2001), p. 35 et 40 (texte accessible en ligne à l’adresse suivante : www.archive.numdam.org).
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[2]
L’édition princeps est de 1842. L’édition utilisée ici est celle de 1928 (Lausanne, Payot). Fait notable, elle a été préparée par Aimé Chavan, professeur à la Faculté de théologie de l’université de Lausanne, qualifiée communément de « nationale » pour la distinguer de la Faculté de théologie de l’Église libre, ouverte en 1847.
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[3]
Alexandre Vinet, Essai sur la manifestation des convictions religieuses et sur la séparation de l’Église et de l’État envisagée comme conséquence nécessaire et comme garantie du principe, Lausanne, Payot, 1928, p. 531.
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[4]
« A doctrine or policy giving primary importance to the interests of the multitude as opposed to the individual » (www.merriam-webster.com/dictionary/multitudinism consulté le 18.08.2014).
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[5]
« In anderen Sprachen gibt es dazu keine Parallele (mit Ausnahme in Dänemark) » (Theologische Realenzyklopädie Bd 35, p. 249).
-
[6]
Voir Bernard Reymond, « Les relations Église-État en perspective protestante au XIXe siècle », in Michel Grandjean, Sarah Scholl (éd.), L’État sans confessions. La laïcité à Genève (1907) et dans les contextes suisse et français, Genève, Labor et Fides, 2010, p. 197-207 ; Id., « Les christianismes gouvernementaux, un phénomène méconnu », Évangile et Liberté janvier 2011, p. 10-15.
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[7]
Voir George H. Williams, The Radical Reformation, Philadelphia, Westminster Press, 1975.
-
[8]
Voir Genèse religieuse de l’État laïque. Textes choisis de Roger Williams, éd. Marc Boss, trad. de Mireille Hébert, préface de Jean Baubérot. Hors-série des Études théologiques et religieuses, supplément au numéro 1 du t. 88 (2013), p. 9-39. Voir aussi Lauric Henneton, Histoire religieuse des États-Unis, Paris, Flammarion, 2012.
-
[9]
Friedrich Schleiermacher, Über die Religion. Reden an die Gebildeten unter ihren Vera ̈chtern, édition princeps Berlin, 1799, p. 210 ; Id., De la religion. Discours aux personnes cultivées d’entre ses mépriseurs, Paris, van Dieren, 2004, p. 120.
-
[10]
Voir mon essai : Bernard Reymond, Une Église à croix gammée ? Le protestantisme allemand au début du régime nazi (1932-1935), Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, 1980.
-
[11]
Voir Bernard Reymond, À la redécouverte d’Alexandre Vinet, Lausanne, Éditions L’Âge d’Homme, 1990.
-
[12]
Rappelons que dans cet emploi, cet adjectif n’a aucune connotation nationaliste. « Église nationale » est l’équivalent français de l’allemand Landeskirche, autrement dit d’Église d’un pays donné que l’on pourrait aussi qualifier d’Église territoriale.
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[13]
Alexandre Vinet, Lettres, vol. I, Lausanne, Payot, 1947, p. 175.
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[14]
En principe, il s’agissait de la Confession helvétique postérieure de 1566, même si plus grand monde ne s’y référait, à l’exception des milieux strictement orthodoxes qui auraient voulu la remettre en vigueur.
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[15]
A. Vinet, Essai sur la manifestation des convictions religieuses, op. cit., p. 376.
-
[16]
Ibid., p. 434.
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[17]
Ibid., p. 530-531. L’italique est de Vinet.
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[18]
Cette raison théologique n’apparaît pas dans les lettres comminatoires de Messieurs de Berne à Viret en 1559. Elle était cependant connue depuis 1548 (voir Henri Vuilleumier, Histoire de l’Église réformée du canton de Vaud sous le régime bernois, t. I, Lausanne, Concorde, 1927, p. 660 ; Michael W. Bruening, Le premier champ de bataille du calvinisme. Conflits et Réforme dans le Pays de Vaud 1528-1559, Lausanne, Antipodes, 2011, p. 204 sq.). De mémoire, elle eut sa place dans les délibérations au sein des instances bernoises, en particulier par la voix du peintre Nicolas Manuel Deutsch, un laïc.
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[19]
Réflexions suggérées par la lecture de l’ouvrage de M. A. Vinet sur la séparation de l’Église et de l’État, Paris, Delay, 1843, p. 52. Grandpierre doit avoir eu sous les yeux la seconde édition de l’Essai où se trouvait précisément la note contenant l’adjectif « multitudiniste ».
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[20]
Je n’ai pas réussi à repérer quand ce fut exactement le cas, mais en revanche que ce l’était indubitablement au début des années 1860.
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[21]
Olivier Blanc, Bernard Reymond, Catholiques et protestants dans le Pays de Vaud. Histoire et population 1536-1986, Genève, Labor et Fides, 1986, p. 135 sqq.
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[22]
Statistique officielle du canton de Vaud : http://www.scris.vd.ch (consulté le 25.08.2014).
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[23]
Citation symptomatique de la situation prévalant sous le régime de l’ancienne Constitution cantonale vaudoise : « L’Église évangélique réformée vaudoise est un service de l’État, auquel chacun peut faire appel selon ses besoins. » Cité d’après Olivier Klunge, « Une Église multitudiniste », La Nation n° 1906 du 14.01.2011 (Lausanne).
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[24]
Au grand dam de ceux qui, comme Klunge, voudraient la voir devenir « confessante », non au sens d’une bekennende Kirche, mais d’une Bekenntniskirche, c’est-à-dire d’une Église bardée d’une confession de foi en bonne et due forme.
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[25]
Cette formulation-là ou une formulation semblable.