Notes
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[*]
Daniel Marguerat est professeur honoraire de Nouveau Testament de l’université de Lausanne.
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[1]
Jean Chrysostome, Homilia in Acts 55.
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[2]
L’état de la recherche se lit chez Colin J. Hemer, The Book of Acts in the Setting of Hellenistic History, coll. « WUNT 49 », Tübingen, Mohr Siebeck, 1989, p. 383-387 ; Charles K. Barrett, « The End of Acts », in Geschichte – Tradition – Reflexion. Festschrift M. Hengel, III, Tübingen, Mohr Siebeck, 1996, p. 545-555 (p. 546-550) ; Troy M. Troftgruben, A Conclusion Unhindered, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « WUNT 2.280 », 2010, p. 1-36 et surtout Heike Omerzu, « Das Schweigen des Lukas. Überlegungen zum offenen Ende der Apostelgeschichte », in Friedrich Wilhelm Horn (hg.), Das Ende des Paulus, Berlin, De Gruyter, coll. « BZNW 106 », 2001, p. 127-156.
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[3]
Daniel Marguerat, « “Et quand nous sommes entrés dans Rome”. L’énigme de la fin du livre des Actes (28,16-31) », Revue d’histoire et de philosophie religieuses 73 (1993), p. 1-21, repris dans mon livre : Id., La première histoire du christianisme. Les Actes des apôtres, Paris/Genève, Cerf/Labor et Fides, coll. « Lectio divina 180 », 20032, p. 307-340.
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[4]
L’évaluation du nombre de juifs habitant Rome oscille entre 10 000 et 50 000 (Flavius Josèphe, Guerre des Juifs 2,80 ; Suétone, Tibère 36). Ils résidaient principalement dans le quartier du Trastevere. La colonie juive, décimée par le décret d’expulsion de Claude en 49 mais recomposée par les retours au début du règne de Néron, était probablement fragilisée au moment de l’arrivée de Paul à Rome (environ 60). R. Penna parle d’une présence juive « pâle et plate », dépourvue d’organisation centralisée et de niveau socio-économique peu élevé : Romano Penna, « Les Juifs à Rome au temps de l’apôtre Paul », New Testament Studies 28 (1982), p. 321-347. Voir aussi Jean-Baptiste Frey, « Le judaïsme à Rome aux premiers temps de l’Église », Biblica 12 (1931), p. 129-156 ; Wolfgang Wiefel, « Die jüdische Gemeinschaft im antiken Rom und die Anfänge des römischen Christentums », Judaica 26 (1970), p. 65-88 ; H. Lichtenberger, « Jews and Christians in Rome in the Time of Nero: Josephus and Paul in Rome », in W. Haase (éd.), Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II.26.3, Berlin, De Gruyter, 1996, p. 2142-2176, surtout p. 2149-2161.
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[5]
Le schéma se répète à Iconium (14,1-6), Lystre (14,8-20), Thessalonique (17,1-9), Bérée (17,10-14), Corinthe (18,1-17)… et Rome (28,17-31).
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[6]
Avec Eckhard Plümacher, « Rom in der Apostelgeschichte », in Id., Geschichte und Geschichten, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « WUNT 170 », 2004, p. 141.
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[7]
Es 6,9-10 est cité en Mc 4,12 ; Mt 13,14-15 ; Lc 8,10 ; Jn 12,40 ; Rm 11,8 ; Justin, Dialogue avec Tryphon 12,2.
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[8]
C’est plutôt la garnison romaine de la forteresse Antonia qui est intervenue pour rétablir l’ordre au Temple de Jérusalem et s’est saisie de Paul pour le protéger de la furie meurtrière de la foule (21,27-36) ; aucun fonctionnaire romain n’a annoncé son intention de relâcher Paul, seul le roi Agrippa déclare qu’il aurait pu être libéré s’il n’avait fait appel à l’empereur (26,32). En revanche, la relecture des événements en Ac 28 se conforme à la prédiction du prophète Agabus : « L’homme à qui appartient cette ceinture, voilà comment à Jérusalem les juifs l’attacheront et le livreront aux mains des païens » (21,11). En affirmant que Luc compte sur ses lecteurs pour se souvenir de ce qui a été dit dans les chapitres précédents et qu’ils corrigeront ce qui doit l’être, Ben Witherington se méprend sur le processus de relecture que le narrateur engage consciemment ; il reconfigure les événements tels qu’il veut les fixer dans la mémoire de ses lecteurs (The Acts of the Apostles. A Socio-Rhetorical Commentary, Grand Rapids/Carlisle, Eerdmans/Paternoster, 1998, p. 798).
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[9]
Les échos à la Passion de Jésus s’inspirent de Lc 9,44 ; 18,32 ; 23,4.15.22 ; 24,7. Ces parallèles ont été inventoriés par Walter Radl, Paulus und Jesus im lukanischen Doppelwerk, Berne, Lang, coll. « EH 23.49 », 1975, p. 258-265.
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[10]
Alexander Prieur, Die Verkündigung der Gottesherrschaft, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « WUNT 2.89 », 1996, voir p. 20-83.
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[11]
Loveday C.A. Alexander, « Reading Luke-Acts from Back to Front », in Id., Acts in its Ancient Literary Context, London, Clark, coll. « LNTS 289 », 2005, p. 216-218.
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[12]
L’apostrophe « hommes frères » est fréquente en Actes pour exprimer la solidarité de l’orateur avec son audience (1,16 ; 2,29.37 ; 7,2.26 ; 13,15.26.38 ; 15,7.13 ; 22,1 ; 23,1) ; c’est ici le seul cas où elle est précédée d’un egô en position emphatique (comparer avec 23,1 où egô suit).
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[13]
« Contredire » (antilegein) n’est appliqué dans les Actes qu’à la contestation juive de l’Évangile (4,14 ; 13,45 ; 28,19.22). La plausibilité historique de l’ignorance juive sur la « secte » chrétienne a été questionnée. Il a été suggéré que Luc voulait faire de Paul le premier missionnaire de Rome (Gerd Lüdemann, Das fr ?he Christentum nach den Traditionen der Apostelgeschichte, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1987, p. 273 ; mais c’est oublier 28,15) ou que les interlocuteurs feignaient l’ignorance (Conrad Gempf, « Luke’s Story of Paul’s Reception in Rome », in P. Oakes (éd.), Rome in the Bible and the Early Church, Carlisle, Paternoster, 2002, p. 42-66, surtout p. 54-59). Je pense plutôt d’une part que l’accent est placé sur la mondialisation de la contestation (pantachou, « partout »), participant à la dimension sommative de la scène ; d’autre part que le narrateur est surtout préoccupé de construire une neutralité bienveillante de l’auditoire de Paul ; enfin que le silence sur les chrétiens de Rome peut, historiquement, s’expliquer autrement (voir infra, p. 27 sqq.).
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[14]
Voir 5,17 ; 15,5 ; 26,5. Application au christianisme en 24,5.14.
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[15]
Ne pas percevoir le lien entre le v. 28 et les v. 30-31 revient à banaliser le rôle du tableau final et le réduire à une « fast beiläufig anmutenden Notiz » (ainsi Gunter Wasserberg, Aus Israels Mitte – Heil für die Welt, Berlin, De Gruyter, coll. « BZNW 92 », 1998, p. 112).
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[16]
Michael Wolter, « Israels Zukunft und die Parusieerwarterung bei Lukas », in Eschatologie und Schöpfung. Festschrift E. Grässer, Berlin, De Gruyter, 1997, p. 405-426, surtout p. 421 ; Simon Butticaz, L’identité de l’Église dans les Actes des apôtres, Berlin, De Gruyter, coll. « BZNW 174 », 2011, p. 414-431.
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[17]
Je ne souscris pas à la thèse selon laquelle « Luc maintient l’accent sur le message que Paul prêche, pas sur son médiateur humain » (Matthew L. Skinner, Locating Paul. Places of Custody as Narrative Settings in Acts 21 –28 Atlanta, Society of Biblical Literature, 2003, p. 169 ; voir aussi H.J. Hauser, Strukturen der Abschlusserzähung der Apostelgeschichte, Rome, Biblical Institute Press, coll. « AnBib 86 », 1979, p. 136-140). L’alternative n’est pas correcte : l’ouverture à l’évangélisation universelle trouve sa légitimité dans la figure de Paul.
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[18]
Ce terme, appliqué par E.S. Malbon au prologue narratif, me paraît correspondre adéquatement à cette autre extrémité du récit qu’est la conclusion : Elizabeth Struthers Malbon, « Ending at the Beginning : A Response », in Dennis E. Smith (éd.), How Gospels Begin, Semeia 52, Atlanta, Scholars Press, 1991, p. 184.
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[19]
Marianna Torgovnick, Closure in the Novel, Princeton, Princeton University Press, 1981, p. 5 : « Endings enable an informed definition of a work’s “geometry” and set into motion the process of retrospective rather than speculative thinking necessary to discern it – the process of “retrospective patterning”. […] The process of looking back over events and interpreting them in light of “how things turned out” ». Tannehill est le premier à avoir appliqué la typologie de la clôture narrative à la conclusion des Actes (Robert C. Tannehill, The Narrative Unity of Luke-Acts. A Literary Interpretation, t. II, Minneapolis, Fortress, 1990, p. 353-354).
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[20]
Avec T.M. Troftgruben, A Conclusion Unhindered, op. cit., p. 37-60, surtout p. 50-51.
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[21]
Loveday C.A. Alexander, « Reading Luke-Acts from Back to Front », in Id., Acts in its Ancient Literary Context, London, Clark, coll. « LNTS 289 », 2005, p. 227 ; voir aussi Ute E. Eisen, Die Poetik der Apostelgeschichte. Eine narratologische Studie, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, coll. « NTOA 58 », 2006, p. 205.
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[22]
Jacques Dupont, « La conclusion des Actes et son rapport à l’ensemble de l’ouvrage de Luc », in Jacob Kremer (éd.), Les Actes des Apôtres. Traditions, rédaction, théologie, Gembloux/Leuven, Duculot/Leuven University Press, coll. « BEThL 48 », 1979, p. 359-404, repris in Jacques Dupont, Nouvelles études sur les Actes des Apôtres, Paris, Cerf, coll. « Lectio divina 118 », 1984, p. 455-511 ; pour ce qui suit : ibid., p. 483-511.
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[23]
Un rappel de ces résultats peut se lire dans l’ouvrage récent de Charles B. Puskas, The Conclusion of Luke-Acts. The Significance of Acts 28,16-31, Eugene, Pickwick Publications, 2009, p. 64-105.
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[24]
F. Vouga a encore montré la fonction programmatique de la prédiction de Syméon, qui surplombe l’ensemble de l’ œuvre double de Luc : François Vouga, « La fin des Actes comme accomplissement du programme théologique de Luc », in Emmanuelle Steffek, Yvan Bourquin (éd.), Raconter, interpréter, annoncer. Parcours de Nouveau Testament. Mélanges offerts à Daniel Marguerat, Genève, Labor et Fides, coll. « Le Monde de la Bible 47 », 2003, p. 314-323, surtout p. 315-317.
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[25]
Tel est le titre de la stimulante étude de L. C.A. Alexander, « Reading Luke-Acts from Back to Front », art. cit., voir particulièrement p. 224-226. Dans le même sens, j’ai défendu l’idée que l’unité de Luc-Actes surgit précisément dans l’opération de lecture et que son discernement est une tâche dévolue au lecteur : Daniel Marguerat, « Luc-Actes : une unité à construire », in Joseph Verheyden (éd.), The Unity of Luke-Acts, Leuven, Leuven University Press, coll. « BEThL 142 », 1999, p. 57-81.
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[26]
R. C. Tannehill, The Narrative Unity of Luke-Acts. A Literary Interpretation, op. cit., t. II, p. 350-352.
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[27]
Michael Wolter, « Das lukanische Doppelwerk als Epochengeschichte », in Die Apostelgeschichte und die hellenistische Geschichtsscreibung. Festschrift E. Plümacher, Leiden, Brill, coll. « AJEC 57 », 2004, p. 253-284, surtout p. 266-268.
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[28]
D. Marguerat, La première histoire du christianisme, op. cit., p. 314-321. Le dossier littéraire a été confirmé et étoffé par Richard I. Pervo, Acts, Minneapolis, Fortress Press, coll. « Hermeneia », 2009, p. 695-696 et T. M. Troftgruben, A Conclusion Unhindered, op. cit., p. 61-113. A. D. Baum ne nie pas l’existence de finales ouvertes, mais refuse d’y voir un procédé littéraire : Armin D. Baum, « “Rhetorik des Schweigens” ? Der unvollständige Schluss der Apostelgeschichte (Act 28,30-31) im Licht antiker Literaturtheorie und historiographischer Praxis », Ephemerides Theologicae Lovanienses 88 (2012), p. 95-128.
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[29]
Philip Davies, « The Ending of Acts », Expository Times 94 (1982/1983), p. 334-335 ; Hermann Lichtenberger, « The Untold End. 2 Macchabees and Acts », in Empsychoi Logoi –Religious Innovations in Antiquity. Studies in Honour of P.W. van der Horst, Leiden, Brill, coll. « AJEC 73 », 2008, p. 385-403.
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[30]
Dietia est attesté dans la littérature hellénistique comme étant un terme à teneur juridique, indiquant la durée d’un contrat. L’hypothèse selon laquelle il s’agirait de l’échéance à l’issue de laquelle une accusation non étayée entraînerait la libération du prévenu, impliquant la relaxe de Paul au terme des deux ans, est anachronique car basée sur des documents ultérieurs. Mealand pense qu’il s’agit plutôt de la durée du contrat de location du logement de Paul : David L. Mealand, « The Close of Acts and its Hellenistic Vocabulary », NTS 36 (1990), p. 583-597, surtout p. 587-589.
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[31]
Ernst Haenchen, Die Apostelgeschichte, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, coll. « KEK », 19686, p. 647.
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[32]
À titre d’exemple : I.H. Marshall estime que les déclarations d’innocence de Paul (cf. 23,29) font présager une libération romaine, tandis que H. Conzelmann pense que le discours d’adieu de 20,17-35 ne laisse subsister aucun doute sur l’issue fatale : Howard Marshall, The Acts of the Apostles, Tyndale NT Commentaries, Leicester, Inter-Varsity Press, p. 371 ; Hans Conzelmann, Die Apostelgeschichte, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « HNT 7 », 1963, p. 150.
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[33]
Constatant cette ouverture du récit, R.F. O’Toole affirme : « Luke cleverly leaves to his reader’s imagination how this was going to be achieved » (R.F. O’Toole, « The Christian Mission and the Jews at the End of Acts of the Apostles », in Biblical Exegesis in Progress. Old and New Testament Essays, Rome, Editrice Pontificio Istituto Biblico, coll. « AnBib 176 », 2009, p. 371-396, citation p. 391). Il me paraît que, plus qu’à une liberté d’imagination, le « nous » auquel est intégré Théophile dans le prologue de Luc (Lc 1,1-4) est invité à une imitation. Dans le même sens : William F. Brosend, « The Means of Absent Ends », in Ben Witherington (éd.), History, Literature, and Society in the Book of Acts, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 348-362 ; Jens Schröter, « Paulus als Modell christlicher Zeugenschaft », in Daniel Marguerat (éd.), Reception of Paulinism in Acts/ Réception du paulinisme dans les Actes des apôtres, Leuven, Peeters, coll. « BEThL 229 », 2009, p. 53-80, surtout p. 78-80.
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[34]
Voir D. Marguerat, La première histoire du christianisme, op. cit., p. 211-244. Plus récemment : S. Butticaz, L’identité de l’Église dans les Actes des apôtres, op. cit., p. 1-65.
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[35]
D.W. Pao a raison d’opposer la division de la députation juive de Rome à l’unité constamment soulignée de l’Église dans les Actes, mais il assimile à tort la division à un rejet global de la part d’Israël : David W. Pao, « Disagreement among the Jews in Acts 28 », in Early Christian Voices. Essays in Honor of F. Bovon, Boston, Brill, coll. « Bibl.-Interpr.S 66 », 2003, p. 109-118. Le verset 29, relatant le départ des juifs, est une glose antijuive insérée dans le texte alexandrin.
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[36]
Trois récentes contributions tentent de dépasser l’opposition classique entre les positions lucanienne et paulinienne sur le destin historico-salutaire d’Israël, en montrant comment l’un et l’autre prennent acte d’une réponse différenciée des juifs face à l’Évangile, et comment Luc gère l’héritage paulinien dans une situation de rupture avancée avec la Synagogue : Simon Butticaz, « “Dieu a-t-il rejeté son peuple ?” (Rm 11,1). Le destin d’Israël de Paul aux Actes des apôtres. Gestion narrative d’un héritage théologique », in D. Marguerat (éd.), Reception of Paulinism in Acts/Réception du paulinisme dans les Actes des apôtres, op. cit., p. 207-225 ; Enno Edzard Popkes, « Die letzten Worte des lukanischen Paulus : Zur Bedeutung von Act 28,25-28 für das Paulusbild der Apostelgeschichte », in Jörg Frey, Clare K. Rotschild, Jens Schröter (éd.), Die Apostelgeschichte im Kontext antiker und frühchristlicher Historiographie, Berlin, De Gruyter, coll. « BZNW 162 », 2009, p. 605-625 ; Kenneth Litwak, « One or Two Views of Judaism. Paul in Acts 28 and Romans 11 on Jewish Unbelief », Tyndale Bulletin 57 (2006), p. 229-249.
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[37]
L’Église dans les Actes n’est pas un « nouvel Israël », ce qui est bien souligné par Reinhard von Bendemann, « Paulus und Israel in der Apostelgeschichte des Lukas », in Ja und nein. Festschrift W. Schrage, Neukirchen, Neukirchener Verlag, 1998, p. 291-303.
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[38]
Voir 2,42-47 ; 4,32-35 ; 5,12-16 ; 6,7 ; 9,31 ; 12,24 ; 16,5 ; 19,20.
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[39]
D.L. Mealand a montré que en idiôi misthômati (28,30) ne doit pas être traduit « à ses frais », mais désigne un logement loué à ses propres frais (D.L. Mealand, « The Close of Acts and its Hellenistic Vocabulary », art. cit., p. 583-587). Ute E. Eisen (Die Poetik der Apostelgeschichte, op. cit., p. 215) pense à tort que les diverses désignations renvoient à des logements différents.
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[40]
H.W. Tajra, The Trial of St. Paul, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « WUNT 2.35 », 1989, p. 179-181. B. Rapske étudie en détail les conditions pénitentiaires de Paul à Rome et situe le logement loué dans les environs des Castra Praetoria : Brian Rapske, The Book of Acts in its First Century Setting, vol. 3 [Paul in Roman Custody], Grand Rapids/Carlisle, Eerdmans/Paternoster, 1994, p. 177-182, 227-242.
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[41]
Voir mon étude : Daniel Marguerat, « Du Temple à la maison suivant Luc-Actes », in Id., L’aube du christianisme, Genève/Paris, Labor et Fides/Bayard, coll. « Le Monde de la Bible 60 », 2008, p. 441-468.
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[42]
Parrèsia connaît cinq occurrences dans les Actes (2,29 ; 4,13.29.31 ; 28,31), le verbe parrèsiazesthai étant propre aux Actes (9,27.28 ; 13,46 ; 14,3 ; 18,26 ; 19,8 ; 26,26). Ce concept est grec et non hébraïque. Il se définit chez Luc d’une part (au sens politique) par la prise de parole publique, franche et courageuse, mais qui peut être perçue comme de l’effronterie par les auditeurs, d’autre part (au sens théologique) comme le comportement confiant du croyant face à Dieu. En théologien, l’auteur sait que la hardiesse des missionnaires chrétiens ne leur vient pas d’une habileté oratoire (4,13), mais qu’elle est un don que la communauté demande à Dieu (4,29) et qu’elle obtient de lui (4,31).
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[43]
H.W. Tajra retient le sens juridique de la tolérance romaine tandis que H.J. Hauser tient au sens théologique : H.W. Tajra, The Trial of St. Paul, op. cit., p. 192-193 ; Id., The Martyrdom of St. Paul, Tübingen, Mohr Siebeck, 1994, coll. « WUNT 2.67 », p. 50-51 ; H.J. Hauser, Strukturen der Abschlusserzählung der Apostelgeschichte, op. cit., p. 146. 2 Tm 2,9 correspond à notre verset : « l’Évangile que j’annonce et pour lequel je souffre jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur ; mais la parole de Dieu n’est pas enchaînée. »
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[44]
Johann Albrecht Bengel, Gnomon Novi Testamenti, Londres, 18623, p. 489 cité par C. K. Barrett, The Acts of the Apostles, Édimbourg, Clark, coll. « ICC », 1998, p. 1253.
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[45]
Cette hypothèse a été défendue en premier lieu par Eusèbe de Césarée : « il est vraisemblable que Luc a achevé les Actes des apôtres à cette époque, en limitant son récit au temps où il était avec Paul » (Histoire Ecclésiastique II,22,6, trad. Gustave Bardy, coll. « Sources chrétiennes »). Jérôme souscrit à cette idée : Luc « raconte l’histoire de ce temps jusqu’à la deuxième année du séjour de Paul à Rome, c’est-à-dire jusqu’à la quatrième année du règne de Néron. Cela nous fait conclure qu’il a composé le livre dans cette ville » (De viris illustribus 7,2, trad. Delphine Viellard, coll. « Les Pères dans la foi »).
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[46]
Voir Richard I. Pervo, Dating Acts, Santa Rosa, Polebridge Press, 2006.
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[47]
Theodor Zahn, « Das Dritte Buch des Lukas », Neue kirchliche Zeitschrift 28 (1917), p. 373-395 ; Die Apostelgeschichte des Lucas. Erste Hälfte : Kap. 1-12, Leipzig, Deichert, coll. « KNT 5 », 19223, p. 16-18. Cette thèse a été réactivée par Jacques Winandy, « La finale des Actes : histoire ou théologie », EThL 73 (1997), p. 103-106 et A. D. Baum, « “Rhetorik des Schweigens” ? », art. cit., p. 121-126.
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[48]
H. Omerzu, « Das Schweigen des Lukas », art. cit., p. 151-156. J. Taylor avait de son côté défendu la même thèse, mais au nom de la critique des sources. Il estimait que le journal de voyage s’achevant en 28,16 par l’arrêt de la dernière séquence en « nous », l’auteur ne disposait plus d’informations. « Ayant amené Paul à Rome, l’auteur du Journal n’avait plus aucune raison d’écrire. » : Justin Taylor, Les Actes des deux apôtres VI. Commentaire historique (Act. 18,23 –28,31), Paris, Gabalda, coll. « EtB 30 », 1996, p. 272-274, citation p. 273.
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[49]
H. Omerzu, « Das Schweigen des Lukas », art. cit., p. 155-156.
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[50]
E. Haenchen, Die Apostelgeschichte, op. cit., p. 90-92. J’ai défendu l’idée que les Actes ont effectivement une visée apologétique, mais que leur défense de l’image du christianisme est plutôt une apologia pro imperio, visant à accréditer à l’interne de l’Église la pertinence d’une installation des chrétiens dans la société romaine (D. Marguerat, La première histoire du christianisme, op. cit., p. 112-115).
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[51]
H. Conzelmann, Die Apostelgeschichte, op. cit., p. 6.
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[52]
La thèse du désintérêt biographique de Luc est notamment avancée par Alfons Weiser, Die Apostelgeschichte. Kapitel 13-28, Gütersloh/Würzburg, Mohn/Echter Verlag, coll. « ÖTKNT 5/2 », 1985, p. 680 ; B. Witherington, The Acts of the Apostles, op. cit., p. 792-793.
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[53]
A. D. Baum, « “Rhetorik des Schweigens” ? », art. cit., p. 97-101.
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[54]
Gudrun Guttenberger, « Ist der Tod der Apostel der Rede nicht wert ? Vorstellungen von Tod und Steerben in den lukanischen Acta », in F.W. Horn (éd.), Das Ende des Paulus, Berlin, De Gruyter, coll. « BZNW 106 », 2001, p. 273-305.
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[55]
Sur ces deux textes (Ac 1,18 et 12,18-25), je renvoie pour une étude détaillée à mon commentaire : Daniel Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), Genève, Labor et Fides, coll. « CNT 5a », 2007, p. 60-62 et p. 439-442.
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[56]
Modulation du thème de la mort honteuse de l’impie : Cassandre la princesse de Thèbes (Pausanias, Description de la Grèce 9,7,1-3), Antiochus Epiphane (2 M 9,1-10.28), Hérode le Grand (Flavius Josèphe, Antiquités Juives 17,168-170), Catulle (Flavius Josèphe, Guerre des Juifs 7,451-453), Alexandre le faux prophète (Lucien, Alexandre le faux prophète 59), Galère (Lactance, De mortibus persecutorum 3,3-11), Néron (Dion Cassius, Histoire romaine 52,20,5 ; Tacite, Annales 14,15 ; 16,22 etc. D’autres exemples sont fournis par O. Wesley Allen, The Death of Herod, Atlanta, Scholars Press, coll. « SBL.DS 158 », 1997, p. 29-74.
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[57]
Il est intéressant de noter que nous disposons d’un parallèle à cet épisode dramatique sous la plume de Flavius Josèphe (Antiquités Juives 19,343-350). L’Agrippa de Flavius Josèphe meurt de terribles douleurs intestinales qui le torturent durant cinq jours, autre concrétisation du châtiment divin ; pourtant il s’était repenti de l’adulatio populaire : « Le destin a réfuté sur-le-champ les acclamations trompeuses dont vous venez de me gratifier » (ibid., 19,347).
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[58]
Pour un examen de ce texte et des diverses lectures qu’il a suscitées, je renvoie le lecteur à mon commentaire : D. Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), op. cit., p. 164-168, 172-178.
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[59]
Ce verbe, rarissime dans la Septante, se lit en Jos 7,1 à propos d’Akan détournant à son profit une part du butin de Jéricho et dont le larcin provoque la défaite d’Israël devant Aï. Jos 7 et Ac 5 ont en commun la situation d’une communauté en quête de territoire qui ne peut supporter une mise en danger interne quand elle est menacée de l’extérieur. De part et d’autre, la profanation de la sainteté du groupe exige la mise à l’écart du coupable. Mais de mon point de vue, la référence typologique à la faute du couple originel, en Gn 3, s’impose avec autant d’évidence.
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[60]
Le titre de « protomartyr » n’est conféré à Étienne qu’à partir du ive siècle (voir les variantes manuscrites ad Ac 22,20). Néanmoins, l’auteur des Actes est le premier à lier, à propos d’Étienne (22,20), le témoignage (marturia) au sang versé, préparant la signification ultérieure du martyre lié à la mort par fidélité croyante.
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[61]
Jb 16,9 ; Ps 34,16LXX ; 36,12LXX ; 112,10LXX ; Lm 2,16.
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[62]
Lc 22,69 parle du Fils de l’homme siégeant « assis à droite de la puissance de Dieu » tandis qu’Ac 7,56 parle du Fils de l’homme « debout à la droite de Dieu ». Les interprétations se sont multipliées pour expliquer ce changement de posture (voir Craig S. Keener, Acts. An Exegetical Commentary 3,1-14,28, Grand Rapids, Baker Academic, 2013, p. 1440-1443). La station debout reflète, à mon sens, la position du juge au tribunal céleste, qui décrédibilise le sanhédrin dans sa fonction judiciaire.
-
[63]
La présence de Luc 23,34 dans la tradition manuscrite n’est pas assurée, un nombre impressionnant d’anciens témoins ne présentant pas ce verset 34. Deux cas de figure se présentent : ou bien ce
verset est original, et Luc a inséré son équivalent pour confirmer le modelage du martyre d’Étienne sur la mort de Jésus ; ou il ne l’est pas, et des copistes ont inséré dans la Passion l’équivalent de la prière d’Étienne. Le premier cas de figure est plus vraisemblable. Sur ce point et pour une analyse plus détaillée de ce passage, voir D. Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), op. cit., p. 273-277. -
[64]
A. Augustin George, « Le sens de la mort de Jésus pour Luc », in Id., Études sur l’ œuvre de Luc, Paris, Gabalda, coll. « Sources bibliques », 1978, p. 212.
-
[65]
G. Guttenberger, « Ist der Tod der Apostel der Rede nicht wert ? », art. cit., p. 297.
-
[66]
Eusèbe de Césarée soutient que Pierre a été rendu à son activité missionnaire (Histoire ecclésiastique 2, 9,4) ; Jérôme décrit le champ missionnaire de Pierre jusqu’à Rome (De viris illustribus 1). Voir Rudolf Pesch, Simon-Petrus, Stuttgart, Hiersemann, coll. « Päpste und Papsttum 15 », 1980, p. 76 ; Robert E. Osborne, « Where Did Peter Go ? », Canadian Journal of Theology 14 (1968), p. 274-277.
-
[67]
On entend par syncrisis le procédé littéraire de modélisation d’un personnage du récit sur un autre, afin d’établir une continuité entre les deux. La syncrisis entre Pierre et Paul s’inscrit dans une mise en parallèle Jésus-Pierre-Paul. Voir D. Marguerat, La première histoire du christianisme, op. cit., p. 84-89.
-
[68]
Arnold Ehrhardt, The Framework of the New Testament Stories, Manchester, University Press, 1964, p. 80-81.
-
[69]
Voir p. 19.
-
[70]
« Er sah es nicht als seine Aufgabe an, die Märtyrerfrömmigkeit zu beleben ». E. Haenchen, Die Apostelgeschichte, op. cit., p. 655.
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[71]
Sur cette problématique historiographique, je renvoie à mon débat avec R. Riesner : Daniel Marguerat, « Wie historisch ist die Apostelgeschichte ? », Zeitschrift für das Neue Testament 18 (2006), p. 44-51.
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[72]
Citée selon la traduction de A. Jaubert, Paris, Cerf, coll. « Sources chrétiennes 167 », 1971.
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[73]
Oscar Cullmann, Petrus. Jünger –Apostel –Märtyrer, Zürich, Zwingli Verlag, 19602, p. 101-123, surtout p. 115-117. Cet auteur suppose la même situation de tensions confessionnelles pour l’exécution de Jacques fils de Zébédée à Jérusalem : Id., « Courants multiples dans la communauté primitive. À propos du martyre de Jacques fils de Zébédée », Recherches de science religieuse 60 (1972), p. 55-68.
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[74]
C. K. Barrett, The Acts of the Apostles, op. cit., vol. II, p. 1250 ; voir aussi Id., « The End of Acts », art. cit., p. 549-550.
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[75]
G.W. Trompf avait déjà formulé une remarque approchante. Il relevait que les morts de Jésus et d’Étienne reflétaient des qualités d’endurance, de piété et de magnanimité de nature à susciter l’admiration des lecteurs de Luc. En revanche, « si Paul a été décapité, mourant comme une victime à l’image de son maître (selon toute vraisemblance durant le règne de Néron), Luc avait à gérer une autre mort ignominieuse (et donc problématique) – une mort qui n’était pas de nature à rendre attractive la foi nouvelle. » Garry W. Trompf, « On Why Luke Declined to Recount the Death of Paul : Acts 27 –28 and Beyond », in Charles H. Talbert (éd.), Luke-Acts. New Perspectives from the Society of Biblical Literature Seminar, New York, Crossroad, 1984, p. 225-239, citation p. 233.
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[76]
Ainsi Samuel G. F. Brandon, The Fall of Jerusalem and the Christian Church, Londres, SPCK, 1957, p. 135.
1Quand et comment l’apôtre Paul est-il mort ? L’énigme historique persiste après deux millénaires. Un écrit aurait pu, aurait dû le raconter : les Actes des apôtres. Or, il reste muet à ce sujet. Pourquoi Luc, grand admirateur de Paul de Tarse, s’est-il tu sur la fin de son héros ? Pourquoi n’a-t-il pas cédé à la tentation, lui qui affectionne les scènes grandioses, de brosser le tableau exemplaire de la mort martyre de l’apôtre des Gentils ? Que ce soit d’un point de vue biographique ou d’un point de vue littéraire, la fin des Actes laisse en effet le lecteur insatisfait : comment s’est achevée l’histoire après les deux années d’incarcération romaine de Paul (28,30) ?
2Ce sentiment d’une finale littéraire inachevée, trop tôt fermée, ne date pas de la modernité. Vers 200, le canon de Muratori prend la défense de l’auteur des Actes : Luc « rassemble tous les faits qui s’étaient passés en sa présence, ainsi qu’il le montre aussi de manière évidente en laissant de côté le martyre de Pierre, et aussi le départ de Paul quittant la Ville pour l’Espagne » (lignes 36-38). Au ive siècle, Jean Chrysostome commente ainsi : « L’auteur [Luc] conduit jusque-là son récit, et laisse l’auditeur assoiffé de telle sorte qu’il comble de lui-même le manque par la réflexion. Ceux du dehors [les écrivains non chrétiens] procèdent également ainsi ; en effet, savoir tout rend l’esprit endormi et mou [1]. »
3Pour résoudre cette énigme, les chercheurs ont suivi deux voies [2]. Les uns, dans un registre théologique et littéraire, ont cherché à donner sens à la conclusion des Actes, identifiant les raisons pour lesquelles Luc a choisi de terminer ainsi son récit. Les autres, dans un registre historique, ont inventorié les raisons pour lesquelles Luc aurait été empêché de conclure autrement. D’un côté, on a donc cherché pourquoi Luc a conclu ainsi ; de l’autre côté, on a tenté de savoir ce que Luc n’a pas pu ou voulu dire. Revenant sur le sujet après une première étude publiée en 1993 [3], je suis parvenu, un peu à ma propre surprise, à la conclusion que la question requiert un traitement non pas exclusif, mais différencié. Chercher à comprendre le pourquoi de la fin des Actes exclusivement sur le plan théologico-littéraire ou exclusivement sur le plan historique est une erreur ; l’un et l’autre sont à situer en corrélation.
4C’est pourquoi mon analyse commence par une approche du texte en tant que métadiscours sur la mission paulinienne. Puis, elle inventorie les critères littéraires pertinents pour déterminer une clôture narrative. Elle s’attache ensuite à préciser la fonction rhétorique et théologique d’Ac 28,16-31 comme clôture de Luc-Actes. Ce n’est qu’après avoir interprété ce que Luc a écrit que nous pourrons, sur le plan historique, nous demander en dernier lieu pourquoi il a choisi (ou éventuellement été contraint) de rédiger cette fin plutôt qu’une autre.
Actes 28,16-31, métadiscours sur la mission paulinienne
Premier constat : une attente déjouée
5La lecture de la conclusion des Actes ne peut être dissociée de la dramaturgie d’Ac 20-28. De multiples prolepses sur le destin de Paul construisent une attente chez le lecteur : Paul sera livré par les juifs aux païens (21,11) ; il annonce à trois reprises sa disponibilité à mourir (20,24 ; 21,13 ; 25,11) ; il prévient que l’on ne verra plus sa face (20,25) ; une vision lui intime la nécessité divine de témoigner à Rome (23,11) ; son appel à l’empereur est entendu (25,11-12 ; 26,32). Or, non seulement ni son procès ni l’issue du procès ne sont racontés, mais le récit revient sur un thème que l’on pouvait estimer dépassé : la confrontation avec le judaïsme. Le conflit entre Paul et les juifs de Jérusalem a atteint son paroxysme dans la tentative de lynchage au Temple (21,30-31) et la conspiration dont il est sauvé in extremis par le tribun Lysias (23,12-35). À la porte claquée du Temple (21,30) aurait pu répondre la clôture lucanienne du dossier Israël. Or, c’est à nouveau aux juifs que s’adresse Paul, sitôt arrivé dans la capitale de l’Empire (28,17a). Le narrateur déjoue donc sciemment l’attente qu’il a orchestrée pour revenir sur un thème qu’il juge capital, et qui a occupé l’essentiel du travail missionnaire de Paul depuis Ac 13.
Deuxième constat : une question non résolue
6La rencontre avec les notables juifs de Rome [4] se déroule en deux entrevues successives (28,17-22 et 23-28). Elle suit un schéma connu depuis le début de la mission paulinienne (13,13-52), et répété comme un stéréotype tout au long des voyages missionnaires de Paul : proclamation aux juifs/division de l’assemblée entre acceptants et refusants/évangélisation des païens [5]. De plus, la succession des deux entrevues reproduit le scénario déjà vécu à Antioche de Pisidie (Ac 13), avec ses deux rencontres et la déclaration finale de Paul et Barnabé sanctionnant l’hostilité juive à leur égard : « C’est à vous qu’il était indispensable d’annoncer en premier la parole de Dieu ; puisque vous la repoussez et ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations. » (13,46). À Rome, ce n’est pas l’hostilité qui déclenche la décision de s’adresser aux païens, mais la division de l’assemblée juive entre ceux qui sont persuadés et ceux qui ne croient pas, son a-symphonie (asumphônoi 28,25a).
7Pourquoi répéter ce scénario connu, qui fait inclusion entre le début (Ac 13) et la fin (Ac 28) de la mission paulinienne ? Cette inclusion a valeur récapitulative ; elle permet à l’auteur d’aborder une question lancinante qui surplombe la mission de Paul, mais jamais encore traitée : pourquoi la proclamation de l’Évangile recueille-t-elle si peu d’écho auprès des juifs, mais plutôt une hostilité grandissante [6] ? Cette problématique théologique, qui a obnubilé l’ensemble du premier christianisme, Luc la traite à sa manière, c’est-à-dire en théologien narratif, par un récit qui lui permet de mettre en scène l’oracle prophétique d’Es 6,9-10 [7].
Troisième constat : penser l’annonce et son échec
8Deux discours sont prêtés à Paul, le premier en style direct (28,17b-20) où il justifie son statut de prisonnier et plaide sa loyauté au judaïsme, le second en style indirect (28,23b) où il évangélise l’assemblée. Les deux discours se caractérisent par leur caractère rétrospectif et synthétique. Dans le premier, Paul résume ce qui l’a conduit à Rome, mais l’écart entre le récit antérieur et son propos est flagrant : les juifs jérusalémites n’ont pas livré Paul « comme prisonnier aux mains des Romains » (v. 17c) et ces derniers n’ont jamais manifesté l’intention de le « relâcher » (v. 18a) [8]. Cette relecture est le moyen par lequel le narrateur interprète l’événement par un jeu d’intertextualité qui sollicite chez le lecteur des échos christologiques ; les malheurs juridiques de Paul sont reconfigurés en réplique de la Passion de Jésus [9]. C’est ainsi que le narrateur veut les fixer dans la mémoire des lecteurs.
9L’aspect synthétique est encore plus fort dans le discours indirect du verset 23 : « Rendant témoignage, il leur exposait le Règne de Dieu, cherchant à les convaincre au sujet de Jésus à partir de la Loi de Moïse et des prophètes, de tôt le matin jusqu’au soir ». « Règne de Dieu » est le chiffre de la prédication de Jésus [10], à quoi s’ajoutent la dimension christologique (« au sujet de Jésus ») et la démonstration scripturaire portant sur toute l’Écriture (Loi et prophètes). En 28,31, la prédication de Paul est circonscrite par les deux mêmes entités (le Règne de Dieu et Jésus), qui assurent la continuité entre la prédication des apôtres et celle de Paul (8,12 ; 28,23) ; elle est définie par deux verbes : proclamer et enseigner. On ne peut être plus global et sommatif. Pour en deviner le contenu, le lecteur doit se reporter aux prédications de Paul jalonnant le récit depuis Ac 13. Mais justement, ce caractère sommatif signale que ce n’est pas le contenu de l’annonce qui importe ici, au contraire des discours précédents, mais l’événement même de l’annonce et son effet [11]. Très exactement, c’est la médiatisation de l’annonce et sa réception décevante qui font l’objet de la réflexion.
Quatrième constat : une focalisation sur la figure de Paul
10Entre le début et la fin du texte, une focalisation progressive sur la figure de Paul est perceptible. La première entrevue (28,17-22) permet de fixer le statut de chaque interlocuteur et sa disponibilité à la rencontre. D’un côté, Paul justifie son appel à l’empereur par une opposition des « juifs » (v. 19a), mais atteste de sa bonne foi en se déclarant prisonnier « à cause de l’espérance d’Israël » et assure qu’il n’a aucune accusation à opposer à sa nation (v. 19b-20). Notons d’emblée le « moi » emphatique par lequel Paul commence son discours [12]. La formule « espérance d’Israël », non expliquée dans le contexte, synthétise (une fois encore) l’argument que Paul a développé en amont dans ses discours apologétiques. Il s’agit de l’espérance millénaire d’Israël dans le salut messianique, concrétisé dans la foi en la résurrection des morts (23,6 ; 24,15 ; 26,6-7) ; mais à la différence de ses interlocuteurs, Paul voit dans la résurrection du Christ l’accomplissement de cette promesse eschatologique. De leur côté, les notables juifs attestent de leur neutralité (v. 21-22) : aucune information ne leur est parvenue au sujet de Paul, que ce soit par voie officielle (de Judée) ou privée ; leur seul savoir au sujet de sa « secte » est qu’elle est partout contredite [13]. L’utilisation du terme hairesis, dans son sens neutre de parti au même titre que les Sadducéens et les Pharisiens [14], signale que la polémique dont les communautés pauliniennes sont l’objet est considérée par eux comme un débat interne au judaïsme. À l’issue de cette première entrevue, les deux parties ont fait montre de leur bienveillance réciproque.
11Dans la seconde entrevue (28,18-28), Paul occupe la position dominante ; il passe de l’apologie de l’accusé à la posture du juge. Son engagement dans l’argumentation scripturaire à l’intention du groupe juif est impressionnant : de l’aube au soir (v. 23). Puis, devant la réaction partagée du groupe, il joint sa voix à celle de l’Esprit parlant par le prophète Esaïe. Il a été peu remarqué que si Luc avait abrégé la citation d’Es 6,9-10 dans son Évangile (Lc 8,10 diff. Mc 4,12) pour la réserver à cette occasion solennelle de la dernière parole de Paul dans les Actes, il était seul dans le Nouveau Testament à la citer avec son introduction : « Va vers ce peuple et dis » (v. 26a). Souci d’exactitude scripturaire ? Je pense plutôt que le début de la citation est significatif aux yeux de Luc, car il permet d’aligner Paul sur le mandat donné au prophète. Une même situation d’échec de la prédication permet d’établir, sous l’égide de l’Esprit saint, une continuité entre les mandataires de Dieu. Soudant le présent au passé, le drame de l’endurcissement d’Israël range le prédicateur chrétien aux cotés du prophète. Paul devient ainsi le porte-parole – il ne parle pas de lui-même, mais fait parler le prophète – d’une lecture théologique de l’échec du rassemblement de tout Israël dans la foi en son Messie, cet échec étant compris comme partie intégrante du plan de Dieu. Il permet dès lors à Paul de prophétiser l’accueil par les païens de « ce salut de Dieu » qui leur a été envoyé (v. 28). Le tableau final (v. 30-31) consacre la mise en œuvre de ce programme [15] par l’image de Paul en pasteur idéal, accueillant dans son évangélisation « tous ceux qui venaient à lui » – figure de l’universalité de la mission dont aucun indice dans le texte ne permet d’exclure les juifs. Aux yeux de Luc, Israël n’a pas perdu son droit au salut, mais sa priorité historico-salutaire [16].
12Paul est donc dépeint successivement comme témoin innocent et loyal à Israël, comme acteur d’une dernière tentative symbolique de convaincre, comme interprète de l’échec majeur de la mission juive, comme prophète de la réussite de la mission païenne et comme agent de l’ouverture universelle de l’évangélisation [17].
13Je résume. La conclusion des Actes ne présente pas une ultime et désespérée tentative de Paul de convaincre une assemblée juive, mais construit une situation typique où le narrateur évalue théologiquement l’échec majeur de la mission juive. En ce sens, il s’agit moins d’une dernière étape de la mission paulinienne que d’un discours évaluatif sur l’événement de l’annonce et son effet – un métadiscours [18], ou si l’on préfère un récit évaluatif, sur le récit d’Actes 13-28. La figure de Paul émerge dans son rôle décisif de médiateur d’une parole théologique interprétant l’échec comme inclus dans le dessein divin et légitimant l’ouverture sans réserve de la mission.
Critères littéraires d’une clôture narrative
14La fin d’une œuvre littéraire est un lieu stratégique où l’auteur adresse une dernière parole à ses lecteurs et clôt le monde du récit. Quels sont les critères compositionnels permettant d’identifier la présence d’une conclusion narrative ?
15Marianna Torgovnick parle de la clôture narrative comme d’un « retrospective patterning » (une technique de rétrospection) [19], conduisant le lecteur à remonter dans le récit pour s’assurer de sa juste compréhension. Cette fonction de rétrospection est assurée selon elle par deux dispositifs littéraires : la circularité et le parallélisme. Par circularité, il faut entendre que la fin d’une œuvre rappelle son début et que le début annonce sa fin (technique de cadrage). Le parallélisme consiste dans la récurrence de schémas structurels au long de l’ œuvre et dans leur ultime répétition en finale. Deux autres critères peuvent être ajoutés [20] : la réalisation des attentes et la scène représentative. La réalisation des attentes intervient lorsque les événements finaux correspondent aux attentes spécifiques ou aux prédictions énoncées au sein du récit ; si ce n’est pas le cas, Marianna Torgovnick parle d’incomplétude. La scène représentative cristallise des motifs qui jouent un rôle significatif tout au long du récit. À ces quatre critères s’ajoute une fonction de la clôture narrative : organiser le passage du monde du récit au monde du lecteur.
16Mon intention est d’appliquer à Ac 28,16-31 ces quatre critères : circularité, parallélisme, incomplétude et scène représentative. Il s’agit de vérifier si ces seize versets ont été conçus par Luc comme une conclusion de son œuvre double. Il sera ainsi possible d’établir comment Luc clôt son image narrative de Paul, pour se demander ensuite pourquoi il ne la conclut pas différemment. La fonction de passage au monde du lecteur est particulièrement significative. La conclusion des Actes constitue en effet un pont narratif entre le monde des apôtres et de Paul et le monde des lecteurs : « comment Luc ménage-t-il le retour du lecteur au monde en dehors du texte ? [21] ».
Actes 28,16-31, une clôture ouverte
Circularité : la mémoire des débuts
17Le mérite revient à Jacques Dupont d’avoir le premier, et de manière exemplaire, montré dans un lumineux article de 1979 qu’Actes 28,16-31 concluait, par un jeu d’inclusion littéraire, à la fois la mission paulinienne, le livre des Actes et l’ œuvre double de Luc [22]. Il mettait de la sorte en évidence, sans utiliser cette conceptualité, la circularité à l’ œuvre dans l’écrit lucanien. Ses résultats, largement ratifiés par la recherche, n’ont plus besoin d’être démontrés ; je me borne à les rappeler brièvement [23].
18La circularité avec le début de la mission paulinienne a été évoquée plus haut : l’homélie de Paul à Antioche de Pisidie (13,13-41) déclenche une première entrevue au cours de laquelle les membres de la synagogue manifestent leur intérêt et demandent à Paul et à Barnabé de revenir au prochain sabbat (13,42-43), puis une seconde entrevue où l’hostilité juive se déclenche à la vue de « toute la ville » rassemblée pour écouter la parole (13,44). Résultat : un écho faiblement favorable et plus largement hostile de la part de la synagogue, suivi par la décision des évangélistes de se tourner vers les païens « puisque vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle » (13,46). Ce transfert de la mission reçoit l’appui scripturaire d’Esaïe 49,6, qui pointe le mandat d’apporter « le salut jusqu’à l’extrémité de la terre » (13,47). La constellation de quatre éléments (double entrevue, réaction partagée, lien entre rejet juif et ouverture aux nations, extension universelle du salut) se recompose en 28,16-31.
19La circularité avec le début du livre des Actes touche la thématique du Règne de Dieu, la Basileia, qui constitue l’objet de la catéchèse du Ressuscité à ses disciples (Ac 1,3 ; voir 1,6). Paul, comme Philippe avant lui (8,12), situe son enseignement dans la continuité du Maître (14,22 ; 19,8 ; 20,25 ; 28,23.31). Dupont ajoute à cet écho terminologique les références universalistes des deux premiers discours missionnaires de Pierre (2,39 : la promesse destinée « à tous ceux qui sont au loin » ; 3,25 : la bénédiction abrahamique destinée à « toutes les familles de la terre ») ; elles anticipent 28,28.
20La circularité avec l’ensemble de Luc-Actes concerne le début de l’Évangile de Luc. La tournure neutre sôtèrion (salut), une rareté issue de la Septante, ne se lit qu’à quatre reprises dans le Nouveau Testament dont trois fois en Luc-Actes : Lc 2,30 ; 3,6 et Ac 28,28. Lc 2,30 est particulièrement intéressant ; il s’agit de la déclaration de Syméon au Temple (« mes yeux ont vu ton salut »), qui comporte deux prédictions dont la conclusion des Actes apportera l’ultime confirmation : ce salut est « lumière pour la révélation aux nations » et il provoquera « la chute et le relèvement de beaucoup en Israël » (Lc 2,32.34) [24]. L’extension du salut aux non-juifs et la division d’Israël face au Christ sont au cœur des dernières paroles de Paul dans les Actes. Il n’est pas indifférent de constater la présence, en Lc 2 et en Ac 28, du vocabulaire de la vision : ce sont les yeux de Syméon qui voient le salut (« mes yeux ont vu » Lc 2,30), alors que l’oracle d’Esaïe 6 reproche à Israël que « leurs yeux sont bouchés pour ne pas voir de leurs yeux » (Ac 28,27, noter la redondance du terme œil). La seconde occurrence de sôtèrion (Lc 3,6) comporte à la fois le vocabulaire du voir et la dimension universaliste ; il s’agit d’une citation d’Esaïe 40,5 : « et toute chair verra le salut de Dieu ». De plus, le verbe « contredire » (antilegein), présent à deux reprises en Ac 28 pour signifier la résistance juive à la foi chrétienne (28,19a.22b), ne se lit qu’à deux autres reprises sous la plume de Luc : dans la prophétie de Syméon (Lc 2,34 : « un signe contredit ») et dans l’épisode d’Antioche de Pisidie (Ac 13,45). Ce réseau terminologique est signifiant d’une volonté du narrateur d’annoncer au seuil de son œuvre les thèmes qui seront déployés en cours de récit et repris en conclusion. Il est aussi une invitation à relire le récit en remontant « de la fin au début [25] » pour identifier rétrospectivement la cohérence et l’unité de l’ œuvre. Dupont ajoute à ces deux mentions de Lc 2-3 la prédication programmatique de Jésus à la synagogue de Nazareth (Lc 4,16-30), avec le constat du prophète refusé dans sa patrie (Lc 4,24-27).
21La présence de cette triple circularité atteste d’une part qu’Actes 28,16-31 représente sans doute possible l’aboutissement littéraire de l’écrit lucanien ; elle fait comprendre d’autre part que le choix de la thématique du rapport à Israël relève d’une stratégie du narrateur, revenant en finale sur le motif qu’il a affiché au seuil de son œuvre : le drame de la division d’Israël face au salut que lui a préparé son Dieu (Lc 2,31).
Un parallélisme brisé
22Le second critère de clôture narrative, le parallélisme, se trouve réalisé premièrement dans la réduplication à Rome du scénario des deux entrevues d’Antioche de Pisidie (Ac 13) ; nous l’avons vu plus haut. Un second motif instaure un parallélisme : la déclaration de se tourner vers les nations, qui surgit à trois reprises au cours de la mission paulinienne. À Antioche de Pisidie : « C’est à vous qu’il était indispensable d’annoncer en premier la parole de Dieu ; puisque vous la repoussez et ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations » (13,46). À Corinthe : « Votre sang soit sur votre tête, moi je suis pur ; à partir de maintenant, j’irai vers les nations » (18,6). À Rome : « Que ceci vous soit donc connu : c’est aux nations qu’a été envoyé ce salut de Dieu ; elles écouteront, elles. » (28,28). Asie Mineure – Grèce – Italie : dans les trois champs missionnaires de Paul retentit la même décision d’ouverture aux nations après le constat du refus des juifs. D’Antioche à Corinthe, on peut noter une gradation dans l’effet : Paul et Barnabé quittent Antioche en secouant rituellement la poussière de leurs pieds contre ceux qui les chassent de leur territoire, déniant ainsi tout lien avec eux (13,51). À Corinthe, Paul, excédé par l’opposition des juifs, secoue rituellement ses vêtements et s’installe pour enseigner chez un craignant-Dieu, Titius Justus, dont la maison est contiguë à la synagogue (18,7). Mais à chaque fois, changeant de ville, Paul recommence par prêcher à la synagogue ; telle est la traduction narrative lucanienne du slogan paulinien « le juif d’abord, puis le Grec » (Rm 1,16). Et à Rome ?
23Robert C. Tannehill a défendu l’idée qu’après Actes 28, comme après Antioche et Corinthe, le scénario de la priorité juive dans la mission paulinienne se répéterait [26]. Mais c’est ici que le parallélisme se brise. Car après Antioche et Corinthe, Rome présente un cas particulier : a) nous sommes à la fin du livre dans une séquence synthétique et récapitulative, où les mots ont le poids du définitif ; b) Paul fait face à la réputation d’une secte contredite non pas localement, mais « partout » (28,22b) ; c) Paul, l’Esprit saint et Esaïe sont unanimes à statuer l’endurcissement d’Israël ; d) la prédiction de l’accueil des païens est mise en œuvre dans l’accueil illimité de Paul (28,30) : le « tous » n’exclut certainement pas les juifs, mais la succession du verset 28 au verset 30 privilégie l’accueil des non-juifs. Autrement dit, la troisième occurrence de l’orientation vers les païens reçoit à la fin des Actes une valeur définitive, qui marque la fin d’une époque et la fin de la priorité historico-salutaire accordée à Israël [27]. La chrétienté lucanienne, à laquelle l’écrit est destiné, voit ainsi légitimée l’évangélisation inconditionnelle des non-juifs à laquelle elle se livre.
L’incomplétude de la fin
24La finale des Actes est notoirement incomplète, sur plusieurs plans. La première incomplétude concerne le sort de Paul : comment sera-t-il jugé et quelle sera l’issue du procès ? Une seconde incomplétude concerne le mandat du Ressuscité aux apôtres d’être ses « témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’à l’extrémité de la terre » (1,8) : quand, comment seront atteints ces confins du monde ? Une troisième incomplétude concerne la destinée finale d’Israël : le peuple historique de Dieu est-il définitivement endurci ou sera-t-il finalement sauvé ainsi que l’espère Paul en Rm 11,26 ? À la finale thématique en boucle de Luc-Actes correspond donc un triple sentiment d’inachevé.
25J’ai montré ailleurs que l’inachèvement d’une œuvre historiographique est un phénomène, sinon fréquent, du moins connu dans l’Antiquité [28]. Les exemples les plus marquants sont l’Iliade et l’Odyssée, et l’on n’ignore pas l’influence extraordinaire qu’a eue la littérature homérique dans la culture gréco-romaine. Dans l’historiographie grecque, on peut citer la fin des Histoires d’Hérodote (9,114-120) et la finale inachevée de la Guerre du Péloponnèse de Thucydide. Dans la littérature épique : l’Enéide de Virgile (12,950-952) ; dans la littérature romanesque : les Métamorphoses d’Apulée (11,30) ; dans l’historiographie juive : 2 Rois 25,27-30, 2 Chroniques 36,23 et 2 Macchabées 15,37 [29]. La meilleure preuve du sentiment d’inachevé est la rédaction, à la fin du iie siècle, des Actes de Paul et Thècle relatant le martyre romain de Pierre et de Paul (Ac Paul 14).
26Concernant le sort de l’apôtre, Luc écrit que la période durant laquelle Paul évangélise dans son domicile romain se monte à « deux années entières » (28,30a). Le terme grec dietia indique une période close, qui fut entièrement consacrée à prêcher [30]. La conclusion de Haenchen conserve sa validité : « celui qui écrit ainsi sait (1) qu’un changement est intervenu ensuite, (2) en quoi il a consisté [31] ». Quels indices le récit livre-t-il sur la suite des événements ? Le narrateur induit-il chez le lecteur une projection sur l’avenir de Paul prisonnier ? Les signaux existent, mais ils sont ambigus. D’un côté, l’innocence de Paul du point de vue du droit romain est affirmée à plusieurs reprises par le tribun Lysias (23,29), par le procurateur Festus (25,25), par le roi Agrippa (26,31) et réitérée par Paul à Rome (28,18). D’un autre côté, l’hostilité mortelle des autorités de Jérusalem à l’égard de Paul ne faiblit pas (23,10 ; 23,12-15, 24,1-8 ; 25,2-3) et les autorités locales romaines ne se montrent pas empressées de rendre justice à Paul (24,26-27 ; 25,1-9). C’est pourquoi certains exégètes estiment que le récit induit une libération de Paul au terme d’un procès équitable, les autres étant plus pessimistes [32]. En réalité, les indices narratifs ne permettent de conclure qu’une chose : Paul fut peut-être jugé et peut-être condamné, mais ce fut un déni de droit car il était innocent. Seule une source historique extérieure fournirait des indications univoques.
27Concernant le mandat de porter le témoignage du Ressuscité jusqu’aux confins du monde (1,8), Rome n’est pas l’« extrémité de la terre ». Cette expression, originaire de la Septante, n’y désigne jamais la capitale de l’Empire (cf. Es 8,9 ; 48,20 ; 49,6 ; 62,11). Elle revient en Ac 13,47, attirée par Es 49,6LXX. Là, comme en Ac 28, elle désigne non pas un lieu précis, mais l’extension infinie de l’Évangile. L’Empire romain, avec son réseau de voies de communication convergeant telle une toile d’araignée sur sa capitale, voyait en Rome le centre plutôt que la fin du monde. Bref, lue rétrospectivement à partir de 1,8, la conclusion des Actes s’ouvre sur ce qu’on pourrait bien appeler une eschatologie géographique. Le message induit est que la mission est en cours. Paul est prisonnier à Rome pour deux ans, mais l’évangélisation continue jusqu’au bout du monde. Le lecteur est entraîné dans la dynamique inachevée du témoignage [33].
28La question de la destinée finale d’Israël selon Luc a passionnément occupé l’exégèse depuis les années 1970. Sans vouloir ouvrir ici l’ensemble du débat [34], je me borne à deux considérations relatives à nos versets. Premièrement, le narrateur a volontairement brossé un tableau ambivalent de l’attitude juive face à la prédication de Paul : la députation romaine n’est pas unanime dans son refus, mais divisée (28,24-25). Si Paul invoque Es 6,9-10, c’est pour signifier son échec d’avoir rassemblé tout Israël derrière « l’espérance en la promesse que Dieu a faite à nos pères, et que nos douze tribus, en assurant le culte de Dieu nuit et jour, sans relâche, espèrent voir aboutir » (26,6-7) [35]. Le drame déjà prédit par Syméon est l’Israël divisé (2,34). Deuxièmement, Luc est un théologien narratif et non un penseur systématicien. À mon avis, il ne communique pas d’idée précise sur l’avenir historico-salutaire d’Israël. Luc n’est pas le Paul de Rm 9-11, quand bien même ne devrait-on pas opposer frontalement ces deux visions théologiques [36]. Il est néanmoins significatif qu’Israël à la fin des Actes n’est pas sous le coup d’une malédiction (l’oracle prophétique d’Esaïe 6 n’a pas cette fonction), et que l’Église ne se pare pas des attributs historico-salutaires du peuple d’Abraham [37].
Scène représentative : le retour au monde des lecteurs
29La fin d’une œuvre littéraire est le moment stratégique où le lecteur rompt avec le monde du récit pour revenir à son propre monde. Quelle dernière image emporte-t-il avec lui ? Pour ce qui est de la conclusion des Actes, le doute n’est pas permis : la dernière image imprimée dans la mémoire du lecteur est celle de Paul évangéliste accueillant « tous ceux qui venaient à lui » pour une proclamation-enseignement dont le contenu récapitule la Basileia et le seigneur Jésus Christ (28,30-31). Ce tableau final est composé avec la minutie d’une miniature japonaise, où chaque détail est signifiant.
30Premièrement : le temps des verbes. L’imparfait des verbes principaux « il demeurait » et « il recevait » (v. 30), suivi des deux participes « proclamant et enseignant » (v. 31), signale que nous nous trouvons en présence d’un sommaire. Ce type de notice éditoriale, que Luc affectionne, a pour fonction de décrire un état durable et stable ; le sommaire vise la permanence plutôt que l’événement. De plus, les sommaires lucaniens ont pour thème unique la croissance de la Parole [38]. Dans cette sorte de suspension du temps narratif, l’auteur livre au lecteur un tableau dont il est appelé à apprécier l’exemplarité et la permanence. On pourrait objecter que le laps de temps concerné par l’activité évangélisatrice est limité à la période de deux années (v. 30a). Mais remarquons que les deux plus longues durées de la mission paulinienne dans les Actes sont d’une année et demie à Corinthe (18,11) et de deux ans et trois mois à Éphèse (19,8.10). Deux années représentent, à cette échelle, une période longue dans la biographie lucanienne de Paul.
31Deuxièmement : le lieu. Le logement de Paul fait l’objet de trois désignations successives : kath’ eauton (« chez lui » v. 16), xenia (« logement hospitalier » v. 23), misthôma (« logement loué » v. 30). Je ne pense pas qu’il s’agisse de trois lieux différents [39]. Conformément à son habitude, Luc aime varier les termes pour désigner le même objet, insistant à chaque fois sur une caractéristique différente : le fait qu’il bénéficie d’un logement personnel malgré la garde militaire lorsqu’il arrive à Rome (v. 16), l’accueil qu’il réserve à la députation juive étoffée pour la seconde entrevue (v. 23) et son indépendance financière lors de son activité évangélisatrice (v. 30). Ce dispositif correspond au statut juridique libéral de la custodia militaris [40]. Le plus significatif à relever est que le dernier lieu mentionné dans les Actes est une maison. Cette localisation achève le grand transfert de la chrétienté narré par Luc : du Temple à la maison. L’identité chrétienne, dans sa distinction progressive du judaïsme, se recompose sans Temple et sans synagogue, mais dans l’espace social de la maison où se réunissent les groupes croyants [41]. Ce lieu à la fois neutre et intime permet l’accueil de « tous », quelle que soit son origine religieuse juive ou gréco-romaine. Rome et la maison représentent les deux lieux – géographique pour le premier, social pour le second – où va se déployer désormais le christianisme. Le domicile de Paul n’a pas une valeur anecdotique, mais paradigmatique ; la richesse langagière requise pour le décrire en est un signe indubitable.
32Troisièmement : les quatre derniers mots du livre qualifient le comportement de Paul. Il agit avec une totale liberté de parole (meta pasès parrèsias) et sans entrave (akôlutôs). La parrèsia est la qualité maîtresse des témoins du Christ, qu’il s’agisse des apôtres ou de Paul. Le terme parrèsia exprime autant la liberté de parole que l’audace à dire [42]. L’adverbe akôlutôs, qu’on ne lit pas ailleurs dans le Nouveau Testament, s’applique dans la littérature à une absence de contrainte, une absence d’empêchement (a-kôluô). Il est polyvalent, puisqu’il vise aussi bien le contexte politique que le contexte religieux. Il est donc inutile de voir dans son usage lucanien exclusivement une apologie des conditions pénitentiaires libérales offertes par le pouvoir romain (sens juridique) ou une assertion sur la liberté irrépressible de la Parole (sens théologique) [43]. Les deux dimensions sont présentes dans le mot, qui garde une acception généraliste, même si l’on est tenté de voir dans la première les conditions de la seconde.
33En résumé, les deux derniers versets du livre des Actes ont été trop finement ciselés pour n’être que le reflet d’une information recueillie par l’auteur. La dernière image de Paul laissée au lecteur a une valeur paradigmatique pour le présent des lecteurs. Paul est dépeint comme l’icône de la mission universelle, qui peut se déployer sans entrave parce qu’elle a surmonté théologiquement le drame de l’endurcissement d’Israël. Paul initie et légitime désormais cette mission ouverte à tous. Les Pastorales installent Paul en docteur de l’Église, modèle du ministre, pourfendeur d’hérésies. Les Actes confèrent à Paul le statut de pasteur exemplaire, père de la mission, figure tutélaire de l’évangélisation jusqu’à l’extrémité de la terre. À cet égard, on peut parler d’une finale triomphaliste. Non pas le triomphe d’un homme (Paul est prisonnier), mais le triomphe de la Parole dont rien ne peut entraver l’expansion. Bengel n’a pas tort de commenter : Victoria Verbi Dei. Paulus Romae, apex evangelii, Actorum finis (Victoire de la Parole de Dieu. Paul à Rome, apogée de l’Évangile, fin des Actes) [44].
34Si ce que Luc a voulu dire a gagné en clarté, il reste à savoir s’il est possible d’éclairer ce qu’il n’a pas pu ou pas voulu dire sur la fin de Paul. À défaut de pouvoir nous appuyer sur le récit lucanien, c’est vers les hypothèses historiques qu’il faut nous tourner.
Luc a-t-il voulu taire la fin de Paul ?
35Je pars du fait que l’exécution de Paul à Rome – après une ou deux incarcérations, là n’est pas mon sujet – est suffisamment attestée par les écrits du iie siècle, et la vénération précoce de son martyre suffisamment confirmée archéologiquement, pour que nous puissions considérer sa fin violente comme une hypothèse historique raisonnable. Se fondant sur cette hypothèse, les exégètes ont proposé d’expliquer le silence de Luc sur la mort de Paul par des raisons soit historiques, soit littéraires.
Une cause historique ?
36Curieusement, d’anciennes hypothèses de la critique historique refont surface aujourd’hui. L’idée fantaisiste selon laquelle Luc était parvenu à la fin de son rouleau et manquait d’espace pour poursuivre, ou cette autre selon laquelle son récit de la mort de Paul avait été censuré par des copistes, est certes abandonnée. En revanche, les hypothèses estimant que Luc avait terminé son ouvrage avant la libération de Paul [45] ou qu’il méditait de raconter sa fin dans un troisième volume ont été récemment reprises. La première présuppose la rédaction des Actes par un compagnon de Paul à une date très précoce (le début des années 60) ; l’ensemble de l’ œuvre lucanienne, et la rédaction de l’Évangile datant d’après 70 et non antérieurement à la rédaction de Marc, plaident contre cette datation précoce des Actes ; la tendance actuelle de la recherche viserait à la retarder plutôt qu’à l’avancer [46]. Quant à l’hypothèse d’un troisième livre de Luc, proposée par Spitta en 1891 et argumentée par Zahn en 1917 [47], la démonstration peu contestable qu’Actes 28,16-31 a été rédigé en vue d’apporter une conclusion littéraire et théologique tant au livre des Actes qu’à l’ensemble de Luc-Actes en a signifié l’obsolescence. Au demeurant, quel aurait été l’objet de ce troisième livre ? Une seconde hypothèse historique, celle de la mission espagnole de Paul, pourrait fournir à ce supposé troisième livre une base documentaire. Mais outre que l’on échafaude ici supposition sur supposition, quittant le terrain d’une réflexion historique raisonnable, il resterait à expliquer pourquoi, contrairement à son habitude avérée, l’auteur lucanien n’a introduit dans son livre (outre la perspective de la mort de Paul en 20,25) aucune prolepse sur son activité future. Les Actes ne présentent en effet aucun équivalent à Rm 15,28.
37L’approche historique a été renouvelée par la thèse de Heike Omerzu selon laquelle Luc ne disposait pas d’informations historiques suffisantes pour raconter l’issue du procès romain et la fin de Paul ; cette carence informative expliquerait à elle seule le silence de l’auteur [48]. Cette exégète s’appuie sur une observation fine du texte ; elle relève qu’à la différence de la séquence consacrée à la captivité de Paul à Jérusalem et Césarée (Ac 21-26), dont le vocabulaire est précis et technique, Luc ne livre aucune indication précise sur le séjour romain en dehors des précisions des versets 16, 23 et 30-31 sur les conditions de la détention de Paul et sa durée. Conclusion selon elle : les sources informatives de Luc se terminent au chapitre 26 des Actes ; l’auteur sait que Paul a été exécuté sous Néron, mais ne le raconte pas par défaut de documentation [49]. Que les sources recueillies par l’auteur se soient limitées aux conditions matérielles de la détention romaine de Paul et n’aient rien contenu sur la fin de l’apôtre est une hypothèse théoriquement possible, mais peu vraisemblable. Mais ce qui paraît hors de toute vraisemblance historique, c’est que Luc, grand admirateur de Paul, et dont l’ œuvre magnifie la mémoire, n’ait rien su de la mort de son héros. Comment imaginer que la chrétienté qui vit de l’héritage de l’apôtre ait totalement ignoré, dans les années 80-90 où l’auteur rédige son œuvre, comment avait fini son héros ? Et comment imaginer que Luc, qui affiche dès le prologue de l’Évangile sa volonté de s’informer « soigneusement sur tout à partir des origines » (Lc 1,3), ait échoué dans son enquête sur un événement aussi capital ? À mon avis, il faut chercher ailleurs une cause qui éviterait la solution désespérée d’une mort de Paul laissée dans l’oubli, y compris auprès du courant qui vit de son héritage et l’entretient.
Une raison apologétique ?
38À la suite de Haenchen et de sa lecture des Actes comme apologia pro ecclesia [50], on a imputé à Luc la volonté d’éviter de conclure son œuvre sur la mention d’une exécution qui ne serait pas à l’honneur de la justice impériale. Luc tendrait à ménager l’image de l’imperium romanum et à la protéger en taisant une mesure judiciaire qui ne sert pas les intérêts du christianisme. Il est exact que Luc ne cache pas son admiration pour la société impériale, sa culture, son réseau routier, sa justice. À Jérusalem, c’est la cohorte romaine qui sauve Paul du lynchage et du déni de justice (21,30 –23,35). Néanmoins, Luc n’est pas un sectateur de l’imperium. Il sait montrer que le procurateur Gallion n’inculpe pas Paul parce qu’il se désintéresse des questions juives et reste passif devant les violences subies (18,14-17). La vénalité de Festus n’est pas tue non plus (24,26-27). Les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire romain ne lui échappent pas. La dimension apologétique de son œuvre ne suffit pas à expliquer son silence.
Une raison littéraire ?
39Une autre explication a souvent été avancée pour interpréter le silence de Luc sur la fin de Paul ; elle a trait au genre littéraire des Actes. Luc, dit-on, n’écrit pas une biographie, mais une œuvre historiographique. À la suite de Conzelmann, on avance le terme de « monographie historique [51] » pour justifier le désintérêt lucanien à l’égard du parcours biographique de ses héros, et singulièrement le silence sur leur mort. À titre de précédent, l’analogie avec le traitement narratif de la figure de Pierre est frappant ; de lui non plus, la mort martyre n’est pas racontée (12,17) [52]. Néanmoins, l’argument du genre littéraire peine à convaincre. Le lecteur des chapitres 9 et 13 à 28 du livre des Actes se laisse difficilement convaincre par l’idée que Luc ne nourrit aucun intérêt pour la biographie de Paul. C’est bien plutôt d’une Vita Pauli qu’il faut parler à la lecture de cette seconde moitié du livre consacrée au héros Paul, où l’auteur ne néglige aucun détail, même anecdotique, lorsqu’il sert la dramatisation narrative et la célébration de ce héros. La lecture d’Actes 16,11-40, 23,1-35 ou 27,1-44 suffit à convaincre. Au surplus, Armin Baum a fait valoir avec raison que les écrits biographiques et historiographiques gréco-romains n’excluent aucunement la mort de leurs personnages [53].
40Le parallèle que constitue le silence sur la mort de Pierre mérite toutefois qu’on y revienne, afin d’évaluer comment Luc gère la mort de ses personnages.
La mort maudite dans les Actes
41Une étude de Gudrun Guttenberger pose une bonne question : « Ist der Tod der Apostel der Rede nicht wert ? [54] ». Savoir si la mort des apôtres est digne d’être racontée est une bonne question, car jusque-là, les exégètes se sont contentés de noter le silence de Luc sur la mort de Pierre pour en conclure que l’auteur avait fait de même pour Paul. Or, cette question requiert un examen plus approfondi. Ce détour nous conduit plus sûrement au cœur de notre question.
42Qu’en est-il de la gestion de la mort des personnages en Actes ? Je laisse de côté les cas de mort naturelle, non problématisée comme telle : David (2,27-29 ; 13,36), Jacob (7,15), Tabitha (9,37), Eutyque (20,9-12). Deux cas se présentent ensuite : d’une part le cas de la mort maudite, concernant Judas (1,18), Ananias et Sapphira (5,1-11), Hérode Agrippa (12,18-25) ; d’autre part le cas de la mort martyre : Étienne (7,58), Jacques fils de Zébédée (12,1-2) et Paul. J’écarte aussi les deux mentions de la mort de Jésus (2,23 ; 13,27-29), pour laquelle Luc présuppose l’interprétation qu’il en a donnée dans son Évangile.
43La mort de Judas et celle du roi Hérode se ressemblent [55]. Toutes deux sont interprétées à l’aide du topos de la mort honteuse de l’impie. Ce motif, identifié dans la littérature juive et gréco-romaine, a été appliqué à Cassandre la princesse de Thèbes, à Antiochus Epiphane le roi impie, à Hérode le Grand roi cruel, à Catulle l’ennemi des juifs, à Alexandre le faux prophète, à Néron et Galère les empereurs persécuteurs des chrétiens, notamment [56]. Issu de l’imagination populaire, ce topos assigne aux personnages impies ou tyranniques qui ont défié la divinité un trépas dont l’horreur est à la hauteur de leurs crimes. Mécréants et ennemis de Dieu, tyrans impies et traîtres doivent souffrir la mort la plus atroce. La brève notice sur la mort de Judas le traître abonde en détails scabreux : Judas tombe la tête en avant (d’un rocher ? d’un toit ?), son corps crève par le milieu et ses entrailles se répandent. Une fin aussi répugnante porte la signature du jugement divin. De son côté, Matthieu a opté pour la version plus moralisante d’un Judas qui se repent d’avoir versé un sang innocent et se pend (Mt 27,85). Le chapitre brode sur le motif du remords du félon (Mt 27), tandis qu’Actes 1 expose avec complaisance la fin infamante du traître châtié par Dieu.
44C’est également le bras de Dieu qui frappe Hérode Agrippa, coupable d’avoir fait exécuter Jacques, l’un des Douze (Ac 12,2) et d’avoir emprisonné Pierre la veille de la Pâque pour « plaire aux juifs » (12,3). Pierre sera miraculeusement délivré par un ange, au cours d’une évasion dont le récit est traversé par une typologie exodiale forte (12,7-11). Ce qui nous intéresse est la fin du récit (12,20-23). Hérode doit présider une entrevue avec les gens de Tyr et Sidon, et monte à la tribune royale pour prononcer une harangue au peuple. C’est alors que le peuple l’acclame : « C’est la voix d’un dieu et non d’un homme ! » (12,22). Dans le contexte de la divinisation des monarchies hellénistiques, une telle réaction n’a rien de surprenant. Au retour de leurs campagnes militaires, les empereurs étaient accueillis par les vivats de la foule qui se livrait à l’adulatio, la flatterie publique. Mais pour les juifs comme pour les chrétiens, la divinisation d’un être humain – fût-il roi – est impardonnable. C’est le péché fondamental selon Gn 3,5. La sanction d’une telle arrogance ne peut être que la mort. Pris pour Zeus et Hermès lors de leur passage à Lystre, Barnabé et Paul réagissent avec horreur et se précipitent vers la foule en criant : « Nous aussi, nous sommes de même nature que vous, des hommes » (14,15). Agrippa, lui, ne refuse pas : frappé par un ange du Seigneur, il meurt. Le narrateur dramatise : le coup est porté « à l’instant même » (Luc affectionne l’adverbe parachrèma). Le verbe patassein, frapper, a toute sa charge vétérotestamentaire : l’ange exterminateur exécute la frappe punitive de Dieu. Ce qui est reproché à Hérode Agrippa est un péché par omission : il n’a pas refusé l’adulatio populaire [57]. Sa mort est terrible : « dévoré par les vers, il expira » (12,23). Luc n’épargne rien à ses lecteurs, choisissant un mot composé originaire du vocabulaire agricole : skèlokobrôtos, littéralement : nourriture des vers. Les vers sont l’image de la déchéance et de la décomposition du corps (Jb 17,14 ; 21,6 ; Si 10,11). Retenons que l’auteur, rapportant la fin de Judas comme celle d’Hérode Agrippa, a dramatisé à l’excès les conditions infamantes de leur mort ; il s’agit d’exhiber, jusque dans ses détails scabreux, une mort édifiante.
45La mort du couple Ananias et Sapphira (5,1-11) est rapportée sobrement (ils tombent et expirent), mais la dramatisation tient à l’interprétation théologique que Pierre donne de leur faute [58]. Le couple s’est entendu pour vendre une propriété et remettre le produit de la vente aux pieds des apôtres, conformément à la pratique de partage des biens en usage dans l’Église de Jérusalem (4,32-35). Toutefois, le couple « retient » (nosphizesthai) à son profit une partie du prix (5,2) [59]. Ma lecture de ce drame exclut une interprétation morale (le délit du couple résiderait dans leur cupidité ou dans leur mensonge). Pierre exerce un ministère prophétique en énonçant la lecture théologique de leur faute : « Ananias, pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur ? Tu as menti à l’Esprit Saint et tu as retenu une partie du prix du terrain […]. Ce n’est pas aux hommes que tu as menti, c’est à Dieu. » (5,3-4). Ce n’est pas un dispositif disciplinaire de type qumrânien exigeant la cession des biens à la communauté qui a été violé, mais la sainteté d’une communauté n’ayant « qu’un cœur et qu’une âme » (4,32) – une sainteté dont l’agent est l’Esprit saint. Le délit n’est pas éthique, mais ecclésiologique : il met en péril l’unanimité de l’Église exposée à l’hostilité du monde juif environnant (Ac 4-5). Dit autrement : la faute d’Ananias et Sapphira, qui ont cru qu’il fallait être parfaits pour exister dans la communauté, est le péché originel en Église. Leur mort subite n’est pas l’ œuvre de Pierre : ils « tombent et expirent » à l’écoute de la parole prophétique qui dévoile leur crime (5,5.10).
46Concluons. Que ce soit la mort de Judas, celle du roi Hérode ou celle d’Ananias et Sapphira, dans les trois cas le narrateur a dramatisé leur trépas en vue d’en tirer une leçon théologiquement édifiante. Mort du traître, mort du roi impie ou mort des félons, le bras de Dieu terrasse spectaculairement ceux qui se dressent contre lui.
La mort magnifiée d’Étienne
47À l’inverse des morts précédentes, le meurtre d’Étienne le proto-martyr [60] est magnifié par l’auteur des Actes. Rendus furieux par son discours (Ac 7), et notamment par sa finale accusatrice, les membres du sanhédrin l’entraînent hors de la ville pour le lapider.
Ces paroles les exaspérèrent et ils grinçaient des dents contre Étienne. Mais lui, rempli d’Esprit Saint, fixait le ciel : il vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. « Voici, dit-il, que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » Ils poussèrent alors de grands cris, en se bouchant les oreilles. Puis, tous ensemble, ils se jetèrent sur lui, l’entraînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. Les témoins avaient posé leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme appelé Saul. Tandis qu’ils le lapidaient, Étienne prononça cette invocation : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » Puis il fléchit les genoux et lança un grand cri : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Et sur ces mots il mourut.
49Le traitement narratif a de quoi retenir l’attention. Le motif du grincement de dents a été rendu célèbre dans le Nouveau Testament par le refrain eschatologique de Matthieu « là seront les pleurs et les grincements de dents » (Mt 8,12 ; etc.) ; mais la tournure « grincer des dents contre quelqu’un » provient de la Septante, et qualifie la rage contenue des impies contre le juste [61]. Par ce choix de vocabulaire, le narrateur fait endosser aux sanhédrites le rôle des impies. Ce n’est cependant pas l’agression verbale d’Étienne (7,51-53) qui déclenche leur passage à l’acte, mais la vision dont il bénéficie. Le narrateur y insiste, puisqu’il la décrit une première fois (7,53), puis la fait raconter par le visionnaire lui-même (7,54). Étienne contemple « le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu ». Luc utilise à vingt-six reprises le titre christologique Fils de l’homme dans son Évangile, mais ici seulement dans les Actes. Veut-il faire couleur locale à Jérusalem ? La raison est à chercher plus profondément : Luc inaugure par ce trait une conformité du martyre d’Étienne à la Passion, qui ira s’accentuant dans les versets suivants. Jésus avait en effet lancé à ses juges que « dès maintenant le Fils de l’homme sera assis à la droite de la puissance de Dieu » (Lc 22,69) [62]. Comme Jésus, Étienne remet son esprit (7,59 ; cf. Lc 23,46b). Comme Jésus, il crie d’une « voix forte » après s’être agenouillé (phônè megalè 7,60 ; Lc 23,46a). Comme Jésus, Étienne implore le pardon pour ses bourreaux, mais la mention de l’ignorance est omise (7,60 ; cf. Lc 23,34) [63].
50Les légers écarts entre les formulations de Luc 23 et d’Actes 7 sont conformes à la pratique lucanienne de la syncrisis, ce modelage des témoins sur Jésus : le disciple imite son Seigneur, mais sans reproduire exactement son comportement, qui demeure unique dans sa précédence. « Pour dire la mort de Jésus, Luc préfère l’image du martyre à celle du sacrifice et de l’expiation » [64] ; c’est son martyre que le leader des Sept reproduit à sa mesure. L’exemplarité dure jusqu’à la fin : Étienne meurt en priant pour ses adversaires. Comme Jésus, l’Helléniste meurt sur une ultime parole : « et disant cela (touto eipôn : aussi Lc 23,46b), il s’endormit ».
51Que conclure, sinon que Luc a interprété la mort d’Étienne d’une manière comparable à la mort maudite, mais en inversant le sens ? La mort maudite dit la revanche que Dieu exerce sur les impies. La mort magnifiée d’Étienne déploie la fidélité que le disciple voue à son maître, jusqu’au trépas. Chacune de ces morts est édifiante. Chacune dit le triomphe de Dieu sur ses ennemis. Chacune est exemplaire, l’une dans l’horreur qu’elle suscite, l’autre dans le modèle qu’elle lègue.
Les morts tues
52Avant d’en arriver à la fin de Pierre et de Paul, je mentionnerai l’exécution de Jacques, frère de Jean, l’un des Douze, par Hérode Agrippa (12,2). Luc aurait pu déployer narrativement ce geste mortifère. Il ne l’a pas fait. Deux raisons se présentent, qui ne s’excluent pas l’une l’autre. Première explication, l’intrigue du chapitre 12 est centrée sur l’opposition entre la figure d’Hérode et celle de Pierre : le roi qui voulait maltraiter (kakoô 12,1) les disciples de Jésus et se prenait pour un dieu (12,21-22) périt de la mort la plus infâme ; à l’inverse, Pierre emprisonné est libéré par un ange du Seigneur. La thématique est celle de l’antagonisme des pouvoirs, et la libération miraculeuse de Pierre manifeste que rien ne saurait résister au Dieu exodial. Dans cette typologie « tyran versus disciple », le récit de la mort de Jacques aurait détourné l’attention [65]. Seconde explication, Luc n’avait à sa disposition aucune information précise ou digne de foi sur les circonstances de la mort de Jacques.
53Dans le même chapitre 12 des Actes, il est dit de Pierre qu’après avoir visité la communauté au lendemain de son évasion miraculeuse, « il s’en alla vers un autre lieu » (12,17c). Cette fin de verset, énigmatique, a fait couler beaucoup d’encre. Cette clause signe en effet l’effacement de Pierre dans la narration des Actes ; l’apôtre surgira encore lors de l’assemblée de Jérusalem, pour servir de caution à la mission de Paul à partir de sa rencontre avec Corneille à Césarée (15,7-11). Excepté ce retour, l’activité de Pierre parvient ici à son terme. Que désigne cet « autre lieu » ? On a pensé à une autre maison, où Pierre se serait réfugié hors d’atteinte d’Hérode ; on a cherché dans la géographie un autre champ missionnaire (à Antioche, en Asie Mineure, à Rome) ; on a justifié l’imprécision comme une allusion à une existence itinérante ; on a interprété métaphoriquement le lieu comme désignant la destinée ; on a supposé une allusion à sa mort de martyr [66]. Plutôt que d’y voir un message crypté, il me paraît préférable d’évaluer la stratégie narrative dans laquelle s’inscrit cette donnée volontairement floue : l’auteur signale à ses lecteurs qu’il rompt un fil biographique (Pierre) pour s’attacher à un autre (Paul). Luc prend congé d’un personnage auquel il a voué jusqu’ici une place déterminante (Ac 1-6 ; 9,32-11,18 ; 12) ; sa compréhension de l’histoire du christianisme le conduit en effet à poursuivre avec le récit de la mission paulinienne. Quitter Pierre sur une indication laissée en suspens fait savoir que la vie de Pierre se poursuit, mais hors récit, et que de son côté, l’auteur à Théophile entend « passer à un autre sujet ». De Pierre à Paul, la narration des Actes amorce son grand tournant.
54Dans la syncrisis entre Pierre et Paul au sein des Actes [67], le silence sur leur fin constitue une ressemblance de plus. Il en est une autre, qui prend pour notre question une importance capitale : avant de disparaître du récit, Pierre et Paul ont frôlé la mort et expérimenté une délivrance miraculeuse et spectaculaire. Pierre a été délivré de prison par un miracle saturé de références exodiales (12,6-11). Paul a été sauvé du naufrage dans son voyage vers Rome, et à son arrivée sur l’île de Malte, les Maltais disent de lui : « C’est un dieu » (28,6) ; les lecteurs savent qu’il n’en est rien, mais ils comprennent qu’échapper à la fureur des flots et à la morsure d’une vipère (28,3-6) montre que cet homme est protégé par la providence divine. Avant de disparaître du récit, Pierre et Paul ont chacun reçu le sceau de la justification divine sur leur existence.
Le silence sur la mort de Paul
55Les parallèles que présentent la mort à peine mentionnée de Jacques et la fin tue de Pierre éclairent-ils le silence sur la mort de Paul ? Le traitement extensif donné à la mort d’Étienne ruine l’idée d’une répulsion à traiter de la mort par désintérêt biographique, ou l’hypothèse parfois émise selon laquelle Luc ne voudrait pas porter ombrage à la mort de Jésus en racontant une autre mort martyre [68].
56À mes yeux, deux solutions historiques sont envisageables, hypothétiques l’une comme l’autre.
57La première solution est que les informations à disposition de l’auteur sur la mort de Paul n’étaient pas de nature à être narrativement exploitées. Une totale ignorance de sa part sur la fin de Paul doit être écartée, pour les raisons mentionnées plus haut [69]. Mais on peut penser que les circonstances de ce qui, selon toute probabilité, a été son exécution par la justice impériale, étaient peu connues ou à tout le moins peu significatives. Sa fin a pu être obscure, et donc ne pas être à la hauteur du personnage dont Luc a brossé le portrait. Lorsque Haenchen écrit que Luc « ne considérait pas de son devoir d’encourager la piété des martyrs [70] », il faudrait ajouter que c’est un anachronisme que d’imaginer une martyrologie déjà développée au temps de Luc. Les Actes de Paul et Thècle nous la montrent florissante, mais plus d’un siècle s’est écoulé depuis la rédaction des Actes. Dès lors, s’il avait le choix entre une finale triomphaliste sur la victoire du Verbi Dei et la fin obscure de l’apôtre des Gentils, le choix de Luc s’est porté sur ce qui constitue le cantus firmus de son œuvre. On pourrait rétorquer à cela que Luc avait les moyens de rédiger un récit de sa propre main, qui se serait substitué à l’insuffisance de ses sources. C’est s’engager dans le débat, vaste et complexe, du rapport de l’auteur à ses sources ; je n’ai pas l’intention d’ouvrir ici le dossier. Je dirais simplement qu’à mes yeux, si la latitude de développer une fiction est inhérente à un historien comme Luc, il est peu fréquent que l’auteur des Actes crée un récit fictif à partir de rien ; le plus souvent, Luc brode sur une information reçue. Autrement dit, Luc met en scène une information, même rudimentaire, et en déploie les potentialités plutôt que de la créer de toutes pièces [71].
58Mais une autre solution se présente, qui a le mérite d’être documentée par des sources indépendantes des Actes. Il s’agit de la fameuse notice de 1 Clément 5,5-7 :
Par suite de la jalousie et de la discorde, Paul a montré le prix réservé à la constance. Chargé sept fois de chaînes, exilé, lapidé, devenu un héraut en Orient et en Occident, il a reçu la renommée éclatante que lui méritait sa foi. Après avoir enseigné la justice au monde entier et atteint les bornes de l’Occident, il rendit témoignage devant les gouvernants ; c’est ainsi qu’il quitta le monde et s’en alla au séjour de la sainteté – illustre modèle de constance ! [72]
60La compréhension de la tournure dia zèlon kai erin (« par suite de la jalousie et de la discorde » 5,1a) est discutée : Oscar Cullmann l’a comprise comme une référence à des disputes internes à l’Église de Rome, dont auraient souffert tant Pierre que Paul à la fin de leur vie (voir 1 Cl 5,2) [73]. Leur mort martyre aurait laissé, dans la mémoire chrétienne, des traces gênantes d’abandon de la part des chrétiens romains. C.K. Barrett ajoute à ce dossier 2 Tm 4,16 : « La première fois que j’ai présenté ma défense, personne ne m’a assisté, tous m’ont abandonné. Qu’il ne leur en soit pas tenu rigueur ». « Il existait une tradition de la désertion de Paul par ceux qui auraient dû être présents à ses côtés », conclut-il [74]. L’hypothèse qui se dessine alors est la suivante : la mort martyre de Paul à Rome a laissé dans la mémoire chrétienne des traces problématiques, même douloureuses, car l’apôtre n’avait pas reçu des chrétiens romains toute l’assistance qui aurait été souhaitable. Inverser une telle tradition et composer un récit magnifié de la mort de Paul n’aurait pas été décent ; Luc a reculé [75].
61Deux indices pointent dans cette direction. Le premier est interne à la conclusion des Actes : si des frères chrétiens sont mentionnés au verset 15, qui viennent à la rencontre de Paul et l’accueillent au forum d’Appius et aux Trois-Tavernes, ils ne sont plus mentionnés par la suite. On peut les imaginer inclus dans les « tous » de 28,30, mais le silence du narrateur à ce sujet est intriguant. Serait-ce justement qu’il ne désire pas les mentionner dans la proximité de Paul ? Le second indice remonte à la réception de Paul par les chrétiens jérusalémites en 21,17-25. Jacques, signifiant à Paul les reproches qui lui sont adressés au sujet de sa position libérale sur la Torah et la circoncision, lui suggère de participer à un rite conclusif de naziréat au Temple de Jérusalem (21,23-24). Cette suggestion sera fatale à Paul, puisque c’est sa présence au Temple qui déclenchera contre lui la colère de juifs asiates, puis la tentative de lynchage et l’emprisonnement romain dont il ne ressortira pas (21,27-23,35). Ce qui étonne à la lecture de ce récit est qu’à aucun moment, que ce soit dans le processus de confrontation avec le peuple de Jérusalem, puis avec le sanhédrin, les chrétiens jérusalémites ne sont mentionnés. Sans aller jusqu’à prêter à Jacques le dessein machiavélique de tendre un traquenard à Paul [76], je pense que nous avons affaire ici à un autre rideau de silence pudiquement tiré par l’auteur des Actes sur l’absence de solidarité active manifestée dans ce drame par l’Église de Jérusalem. La même pudeur – ou si l’on préfère, la même répugnance à exhiber les dissensions internes au christianisme – a poussé l’auteur des Actes à demeurer silencieux sur la fin de Paul et à préférer célébrer en finale de son œuvre le triomphe de la Parole libre promise à conquérir l’Empire.
Notes
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[*]
Daniel Marguerat est professeur honoraire de Nouveau Testament de l’université de Lausanne.
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[1]
Jean Chrysostome, Homilia in Acts 55.
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[2]
L’état de la recherche se lit chez Colin J. Hemer, The Book of Acts in the Setting of Hellenistic History, coll. « WUNT 49 », Tübingen, Mohr Siebeck, 1989, p. 383-387 ; Charles K. Barrett, « The End of Acts », in Geschichte – Tradition – Reflexion. Festschrift M. Hengel, III, Tübingen, Mohr Siebeck, 1996, p. 545-555 (p. 546-550) ; Troy M. Troftgruben, A Conclusion Unhindered, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « WUNT 2.280 », 2010, p. 1-36 et surtout Heike Omerzu, « Das Schweigen des Lukas. Überlegungen zum offenen Ende der Apostelgeschichte », in Friedrich Wilhelm Horn (hg.), Das Ende des Paulus, Berlin, De Gruyter, coll. « BZNW 106 », 2001, p. 127-156.
-
[3]
Daniel Marguerat, « “Et quand nous sommes entrés dans Rome”. L’énigme de la fin du livre des Actes (28,16-31) », Revue d’histoire et de philosophie religieuses 73 (1993), p. 1-21, repris dans mon livre : Id., La première histoire du christianisme. Les Actes des apôtres, Paris/Genève, Cerf/Labor et Fides, coll. « Lectio divina 180 », 20032, p. 307-340.
-
[4]
L’évaluation du nombre de juifs habitant Rome oscille entre 10 000 et 50 000 (Flavius Josèphe, Guerre des Juifs 2,80 ; Suétone, Tibère 36). Ils résidaient principalement dans le quartier du Trastevere. La colonie juive, décimée par le décret d’expulsion de Claude en 49 mais recomposée par les retours au début du règne de Néron, était probablement fragilisée au moment de l’arrivée de Paul à Rome (environ 60). R. Penna parle d’une présence juive « pâle et plate », dépourvue d’organisation centralisée et de niveau socio-économique peu élevé : Romano Penna, « Les Juifs à Rome au temps de l’apôtre Paul », New Testament Studies 28 (1982), p. 321-347. Voir aussi Jean-Baptiste Frey, « Le judaïsme à Rome aux premiers temps de l’Église », Biblica 12 (1931), p. 129-156 ; Wolfgang Wiefel, « Die jüdische Gemeinschaft im antiken Rom und die Anfänge des römischen Christentums », Judaica 26 (1970), p. 65-88 ; H. Lichtenberger, « Jews and Christians in Rome in the Time of Nero: Josephus and Paul in Rome », in W. Haase (éd.), Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II.26.3, Berlin, De Gruyter, 1996, p. 2142-2176, surtout p. 2149-2161.
-
[5]
Le schéma se répète à Iconium (14,1-6), Lystre (14,8-20), Thessalonique (17,1-9), Bérée (17,10-14), Corinthe (18,1-17)… et Rome (28,17-31).
-
[6]
Avec Eckhard Plümacher, « Rom in der Apostelgeschichte », in Id., Geschichte und Geschichten, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « WUNT 170 », 2004, p. 141.
-
[7]
Es 6,9-10 est cité en Mc 4,12 ; Mt 13,14-15 ; Lc 8,10 ; Jn 12,40 ; Rm 11,8 ; Justin, Dialogue avec Tryphon 12,2.
-
[8]
C’est plutôt la garnison romaine de la forteresse Antonia qui est intervenue pour rétablir l’ordre au Temple de Jérusalem et s’est saisie de Paul pour le protéger de la furie meurtrière de la foule (21,27-36) ; aucun fonctionnaire romain n’a annoncé son intention de relâcher Paul, seul le roi Agrippa déclare qu’il aurait pu être libéré s’il n’avait fait appel à l’empereur (26,32). En revanche, la relecture des événements en Ac 28 se conforme à la prédiction du prophète Agabus : « L’homme à qui appartient cette ceinture, voilà comment à Jérusalem les juifs l’attacheront et le livreront aux mains des païens » (21,11). En affirmant que Luc compte sur ses lecteurs pour se souvenir de ce qui a été dit dans les chapitres précédents et qu’ils corrigeront ce qui doit l’être, Ben Witherington se méprend sur le processus de relecture que le narrateur engage consciemment ; il reconfigure les événements tels qu’il veut les fixer dans la mémoire de ses lecteurs (The Acts of the Apostles. A Socio-Rhetorical Commentary, Grand Rapids/Carlisle, Eerdmans/Paternoster, 1998, p. 798).
-
[9]
Les échos à la Passion de Jésus s’inspirent de Lc 9,44 ; 18,32 ; 23,4.15.22 ; 24,7. Ces parallèles ont été inventoriés par Walter Radl, Paulus und Jesus im lukanischen Doppelwerk, Berne, Lang, coll. « EH 23.49 », 1975, p. 258-265.
-
[10]
Alexander Prieur, Die Verkündigung der Gottesherrschaft, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « WUNT 2.89 », 1996, voir p. 20-83.
-
[11]
Loveday C.A. Alexander, « Reading Luke-Acts from Back to Front », in Id., Acts in its Ancient Literary Context, London, Clark, coll. « LNTS 289 », 2005, p. 216-218.
-
[12]
L’apostrophe « hommes frères » est fréquente en Actes pour exprimer la solidarité de l’orateur avec son audience (1,16 ; 2,29.37 ; 7,2.26 ; 13,15.26.38 ; 15,7.13 ; 22,1 ; 23,1) ; c’est ici le seul cas où elle est précédée d’un egô en position emphatique (comparer avec 23,1 où egô suit).
-
[13]
« Contredire » (antilegein) n’est appliqué dans les Actes qu’à la contestation juive de l’Évangile (4,14 ; 13,45 ; 28,19.22). La plausibilité historique de l’ignorance juive sur la « secte » chrétienne a été questionnée. Il a été suggéré que Luc voulait faire de Paul le premier missionnaire de Rome (Gerd Lüdemann, Das fr ?he Christentum nach den Traditionen der Apostelgeschichte, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1987, p. 273 ; mais c’est oublier 28,15) ou que les interlocuteurs feignaient l’ignorance (Conrad Gempf, « Luke’s Story of Paul’s Reception in Rome », in P. Oakes (éd.), Rome in the Bible and the Early Church, Carlisle, Paternoster, 2002, p. 42-66, surtout p. 54-59). Je pense plutôt d’une part que l’accent est placé sur la mondialisation de la contestation (pantachou, « partout »), participant à la dimension sommative de la scène ; d’autre part que le narrateur est surtout préoccupé de construire une neutralité bienveillante de l’auditoire de Paul ; enfin que le silence sur les chrétiens de Rome peut, historiquement, s’expliquer autrement (voir infra, p. 27 sqq.).
-
[14]
Voir 5,17 ; 15,5 ; 26,5. Application au christianisme en 24,5.14.
-
[15]
Ne pas percevoir le lien entre le v. 28 et les v. 30-31 revient à banaliser le rôle du tableau final et le réduire à une « fast beiläufig anmutenden Notiz » (ainsi Gunter Wasserberg, Aus Israels Mitte – Heil für die Welt, Berlin, De Gruyter, coll. « BZNW 92 », 1998, p. 112).
-
[16]
Michael Wolter, « Israels Zukunft und die Parusieerwarterung bei Lukas », in Eschatologie und Schöpfung. Festschrift E. Grässer, Berlin, De Gruyter, 1997, p. 405-426, surtout p. 421 ; Simon Butticaz, L’identité de l’Église dans les Actes des apôtres, Berlin, De Gruyter, coll. « BZNW 174 », 2011, p. 414-431.
-
[17]
Je ne souscris pas à la thèse selon laquelle « Luc maintient l’accent sur le message que Paul prêche, pas sur son médiateur humain » (Matthew L. Skinner, Locating Paul. Places of Custody as Narrative Settings in Acts 21 –28 Atlanta, Society of Biblical Literature, 2003, p. 169 ; voir aussi H.J. Hauser, Strukturen der Abschlusserzähung der Apostelgeschichte, Rome, Biblical Institute Press, coll. « AnBib 86 », 1979, p. 136-140). L’alternative n’est pas correcte : l’ouverture à l’évangélisation universelle trouve sa légitimité dans la figure de Paul.
-
[18]
Ce terme, appliqué par E.S. Malbon au prologue narratif, me paraît correspondre adéquatement à cette autre extrémité du récit qu’est la conclusion : Elizabeth Struthers Malbon, « Ending at the Beginning : A Response », in Dennis E. Smith (éd.), How Gospels Begin, Semeia 52, Atlanta, Scholars Press, 1991, p. 184.
-
[19]
Marianna Torgovnick, Closure in the Novel, Princeton, Princeton University Press, 1981, p. 5 : « Endings enable an informed definition of a work’s “geometry” and set into motion the process of retrospective rather than speculative thinking necessary to discern it – the process of “retrospective patterning”. […] The process of looking back over events and interpreting them in light of “how things turned out” ». Tannehill est le premier à avoir appliqué la typologie de la clôture narrative à la conclusion des Actes (Robert C. Tannehill, The Narrative Unity of Luke-Acts. A Literary Interpretation, t. II, Minneapolis, Fortress, 1990, p. 353-354).
-
[20]
Avec T.M. Troftgruben, A Conclusion Unhindered, op. cit., p. 37-60, surtout p. 50-51.
-
[21]
Loveday C.A. Alexander, « Reading Luke-Acts from Back to Front », in Id., Acts in its Ancient Literary Context, London, Clark, coll. « LNTS 289 », 2005, p. 227 ; voir aussi Ute E. Eisen, Die Poetik der Apostelgeschichte. Eine narratologische Studie, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, coll. « NTOA 58 », 2006, p. 205.
-
[22]
Jacques Dupont, « La conclusion des Actes et son rapport à l’ensemble de l’ouvrage de Luc », in Jacob Kremer (éd.), Les Actes des Apôtres. Traditions, rédaction, théologie, Gembloux/Leuven, Duculot/Leuven University Press, coll. « BEThL 48 », 1979, p. 359-404, repris in Jacques Dupont, Nouvelles études sur les Actes des Apôtres, Paris, Cerf, coll. « Lectio divina 118 », 1984, p. 455-511 ; pour ce qui suit : ibid., p. 483-511.
-
[23]
Un rappel de ces résultats peut se lire dans l’ouvrage récent de Charles B. Puskas, The Conclusion of Luke-Acts. The Significance of Acts 28,16-31, Eugene, Pickwick Publications, 2009, p. 64-105.
-
[24]
F. Vouga a encore montré la fonction programmatique de la prédiction de Syméon, qui surplombe l’ensemble de l’ œuvre double de Luc : François Vouga, « La fin des Actes comme accomplissement du programme théologique de Luc », in Emmanuelle Steffek, Yvan Bourquin (éd.), Raconter, interpréter, annoncer. Parcours de Nouveau Testament. Mélanges offerts à Daniel Marguerat, Genève, Labor et Fides, coll. « Le Monde de la Bible 47 », 2003, p. 314-323, surtout p. 315-317.
-
[25]
Tel est le titre de la stimulante étude de L. C.A. Alexander, « Reading Luke-Acts from Back to Front », art. cit., voir particulièrement p. 224-226. Dans le même sens, j’ai défendu l’idée que l’unité de Luc-Actes surgit précisément dans l’opération de lecture et que son discernement est une tâche dévolue au lecteur : Daniel Marguerat, « Luc-Actes : une unité à construire », in Joseph Verheyden (éd.), The Unity of Luke-Acts, Leuven, Leuven University Press, coll. « BEThL 142 », 1999, p. 57-81.
-
[26]
R. C. Tannehill, The Narrative Unity of Luke-Acts. A Literary Interpretation, op. cit., t. II, p. 350-352.
-
[27]
Michael Wolter, « Das lukanische Doppelwerk als Epochengeschichte », in Die Apostelgeschichte und die hellenistische Geschichtsscreibung. Festschrift E. Plümacher, Leiden, Brill, coll. « AJEC 57 », 2004, p. 253-284, surtout p. 266-268.
-
[28]
D. Marguerat, La première histoire du christianisme, op. cit., p. 314-321. Le dossier littéraire a été confirmé et étoffé par Richard I. Pervo, Acts, Minneapolis, Fortress Press, coll. « Hermeneia », 2009, p. 695-696 et T. M. Troftgruben, A Conclusion Unhindered, op. cit., p. 61-113. A. D. Baum ne nie pas l’existence de finales ouvertes, mais refuse d’y voir un procédé littéraire : Armin D. Baum, « “Rhetorik des Schweigens” ? Der unvollständige Schluss der Apostelgeschichte (Act 28,30-31) im Licht antiker Literaturtheorie und historiographischer Praxis », Ephemerides Theologicae Lovanienses 88 (2012), p. 95-128.
-
[29]
Philip Davies, « The Ending of Acts », Expository Times 94 (1982/1983), p. 334-335 ; Hermann Lichtenberger, « The Untold End. 2 Macchabees and Acts », in Empsychoi Logoi –Religious Innovations in Antiquity. Studies in Honour of P.W. van der Horst, Leiden, Brill, coll. « AJEC 73 », 2008, p. 385-403.
-
[30]
Dietia est attesté dans la littérature hellénistique comme étant un terme à teneur juridique, indiquant la durée d’un contrat. L’hypothèse selon laquelle il s’agirait de l’échéance à l’issue de laquelle une accusation non étayée entraînerait la libération du prévenu, impliquant la relaxe de Paul au terme des deux ans, est anachronique car basée sur des documents ultérieurs. Mealand pense qu’il s’agit plutôt de la durée du contrat de location du logement de Paul : David L. Mealand, « The Close of Acts and its Hellenistic Vocabulary », NTS 36 (1990), p. 583-597, surtout p. 587-589.
-
[31]
Ernst Haenchen, Die Apostelgeschichte, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, coll. « KEK », 19686, p. 647.
-
[32]
À titre d’exemple : I.H. Marshall estime que les déclarations d’innocence de Paul (cf. 23,29) font présager une libération romaine, tandis que H. Conzelmann pense que le discours d’adieu de 20,17-35 ne laisse subsister aucun doute sur l’issue fatale : Howard Marshall, The Acts of the Apostles, Tyndale NT Commentaries, Leicester, Inter-Varsity Press, p. 371 ; Hans Conzelmann, Die Apostelgeschichte, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « HNT 7 », 1963, p. 150.
-
[33]
Constatant cette ouverture du récit, R.F. O’Toole affirme : « Luke cleverly leaves to his reader’s imagination how this was going to be achieved » (R.F. O’Toole, « The Christian Mission and the Jews at the End of Acts of the Apostles », in Biblical Exegesis in Progress. Old and New Testament Essays, Rome, Editrice Pontificio Istituto Biblico, coll. « AnBib 176 », 2009, p. 371-396, citation p. 391). Il me paraît que, plus qu’à une liberté d’imagination, le « nous » auquel est intégré Théophile dans le prologue de Luc (Lc 1,1-4) est invité à une imitation. Dans le même sens : William F. Brosend, « The Means of Absent Ends », in Ben Witherington (éd.), History, Literature, and Society in the Book of Acts, Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 348-362 ; Jens Schröter, « Paulus als Modell christlicher Zeugenschaft », in Daniel Marguerat (éd.), Reception of Paulinism in Acts/ Réception du paulinisme dans les Actes des apôtres, Leuven, Peeters, coll. « BEThL 229 », 2009, p. 53-80, surtout p. 78-80.
-
[34]
Voir D. Marguerat, La première histoire du christianisme, op. cit., p. 211-244. Plus récemment : S. Butticaz, L’identité de l’Église dans les Actes des apôtres, op. cit., p. 1-65.
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[35]
D.W. Pao a raison d’opposer la division de la députation juive de Rome à l’unité constamment soulignée de l’Église dans les Actes, mais il assimile à tort la division à un rejet global de la part d’Israël : David W. Pao, « Disagreement among the Jews in Acts 28 », in Early Christian Voices. Essays in Honor of F. Bovon, Boston, Brill, coll. « Bibl.-Interpr.S 66 », 2003, p. 109-118. Le verset 29, relatant le départ des juifs, est une glose antijuive insérée dans le texte alexandrin.
-
[36]
Trois récentes contributions tentent de dépasser l’opposition classique entre les positions lucanienne et paulinienne sur le destin historico-salutaire d’Israël, en montrant comment l’un et l’autre prennent acte d’une réponse différenciée des juifs face à l’Évangile, et comment Luc gère l’héritage paulinien dans une situation de rupture avancée avec la Synagogue : Simon Butticaz, « “Dieu a-t-il rejeté son peuple ?” (Rm 11,1). Le destin d’Israël de Paul aux Actes des apôtres. Gestion narrative d’un héritage théologique », in D. Marguerat (éd.), Reception of Paulinism in Acts/Réception du paulinisme dans les Actes des apôtres, op. cit., p. 207-225 ; Enno Edzard Popkes, « Die letzten Worte des lukanischen Paulus : Zur Bedeutung von Act 28,25-28 für das Paulusbild der Apostelgeschichte », in Jörg Frey, Clare K. Rotschild, Jens Schröter (éd.), Die Apostelgeschichte im Kontext antiker und frühchristlicher Historiographie, Berlin, De Gruyter, coll. « BZNW 162 », 2009, p. 605-625 ; Kenneth Litwak, « One or Two Views of Judaism. Paul in Acts 28 and Romans 11 on Jewish Unbelief », Tyndale Bulletin 57 (2006), p. 229-249.
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[37]
L’Église dans les Actes n’est pas un « nouvel Israël », ce qui est bien souligné par Reinhard von Bendemann, « Paulus und Israel in der Apostelgeschichte des Lukas », in Ja und nein. Festschrift W. Schrage, Neukirchen, Neukirchener Verlag, 1998, p. 291-303.
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[38]
Voir 2,42-47 ; 4,32-35 ; 5,12-16 ; 6,7 ; 9,31 ; 12,24 ; 16,5 ; 19,20.
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[39]
D.L. Mealand a montré que en idiôi misthômati (28,30) ne doit pas être traduit « à ses frais », mais désigne un logement loué à ses propres frais (D.L. Mealand, « The Close of Acts and its Hellenistic Vocabulary », art. cit., p. 583-587). Ute E. Eisen (Die Poetik der Apostelgeschichte, op. cit., p. 215) pense à tort que les diverses désignations renvoient à des logements différents.
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[40]
H.W. Tajra, The Trial of St. Paul, Tübingen, Mohr Siebeck, coll. « WUNT 2.35 », 1989, p. 179-181. B. Rapske étudie en détail les conditions pénitentiaires de Paul à Rome et situe le logement loué dans les environs des Castra Praetoria : Brian Rapske, The Book of Acts in its First Century Setting, vol. 3 [Paul in Roman Custody], Grand Rapids/Carlisle, Eerdmans/Paternoster, 1994, p. 177-182, 227-242.
-
[41]
Voir mon étude : Daniel Marguerat, « Du Temple à la maison suivant Luc-Actes », in Id., L’aube du christianisme, Genève/Paris, Labor et Fides/Bayard, coll. « Le Monde de la Bible 60 », 2008, p. 441-468.
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[42]
Parrèsia connaît cinq occurrences dans les Actes (2,29 ; 4,13.29.31 ; 28,31), le verbe parrèsiazesthai étant propre aux Actes (9,27.28 ; 13,46 ; 14,3 ; 18,26 ; 19,8 ; 26,26). Ce concept est grec et non hébraïque. Il se définit chez Luc d’une part (au sens politique) par la prise de parole publique, franche et courageuse, mais qui peut être perçue comme de l’effronterie par les auditeurs, d’autre part (au sens théologique) comme le comportement confiant du croyant face à Dieu. En théologien, l’auteur sait que la hardiesse des missionnaires chrétiens ne leur vient pas d’une habileté oratoire (4,13), mais qu’elle est un don que la communauté demande à Dieu (4,29) et qu’elle obtient de lui (4,31).
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[43]
H.W. Tajra retient le sens juridique de la tolérance romaine tandis que H.J. Hauser tient au sens théologique : H.W. Tajra, The Trial of St. Paul, op. cit., p. 192-193 ; Id., The Martyrdom of St. Paul, Tübingen, Mohr Siebeck, 1994, coll. « WUNT 2.67 », p. 50-51 ; H.J. Hauser, Strukturen der Abschlusserzählung der Apostelgeschichte, op. cit., p. 146. 2 Tm 2,9 correspond à notre verset : « l’Évangile que j’annonce et pour lequel je souffre jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur ; mais la parole de Dieu n’est pas enchaînée. »
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[44]
Johann Albrecht Bengel, Gnomon Novi Testamenti, Londres, 18623, p. 489 cité par C. K. Barrett, The Acts of the Apostles, Édimbourg, Clark, coll. « ICC », 1998, p. 1253.
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[45]
Cette hypothèse a été défendue en premier lieu par Eusèbe de Césarée : « il est vraisemblable que Luc a achevé les Actes des apôtres à cette époque, en limitant son récit au temps où il était avec Paul » (Histoire Ecclésiastique II,22,6, trad. Gustave Bardy, coll. « Sources chrétiennes »). Jérôme souscrit à cette idée : Luc « raconte l’histoire de ce temps jusqu’à la deuxième année du séjour de Paul à Rome, c’est-à-dire jusqu’à la quatrième année du règne de Néron. Cela nous fait conclure qu’il a composé le livre dans cette ville » (De viris illustribus 7,2, trad. Delphine Viellard, coll. « Les Pères dans la foi »).
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[46]
Voir Richard I. Pervo, Dating Acts, Santa Rosa, Polebridge Press, 2006.
-
[47]
Theodor Zahn, « Das Dritte Buch des Lukas », Neue kirchliche Zeitschrift 28 (1917), p. 373-395 ; Die Apostelgeschichte des Lucas. Erste Hälfte : Kap. 1-12, Leipzig, Deichert, coll. « KNT 5 », 19223, p. 16-18. Cette thèse a été réactivée par Jacques Winandy, « La finale des Actes : histoire ou théologie », EThL 73 (1997), p. 103-106 et A. D. Baum, « “Rhetorik des Schweigens” ? », art. cit., p. 121-126.
-
[48]
H. Omerzu, « Das Schweigen des Lukas », art. cit., p. 151-156. J. Taylor avait de son côté défendu la même thèse, mais au nom de la critique des sources. Il estimait que le journal de voyage s’achevant en 28,16 par l’arrêt de la dernière séquence en « nous », l’auteur ne disposait plus d’informations. « Ayant amené Paul à Rome, l’auteur du Journal n’avait plus aucune raison d’écrire. » : Justin Taylor, Les Actes des deux apôtres VI. Commentaire historique (Act. 18,23 –28,31), Paris, Gabalda, coll. « EtB 30 », 1996, p. 272-274, citation p. 273.
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[49]
H. Omerzu, « Das Schweigen des Lukas », art. cit., p. 155-156.
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[50]
E. Haenchen, Die Apostelgeschichte, op. cit., p. 90-92. J’ai défendu l’idée que les Actes ont effectivement une visée apologétique, mais que leur défense de l’image du christianisme est plutôt une apologia pro imperio, visant à accréditer à l’interne de l’Église la pertinence d’une installation des chrétiens dans la société romaine (D. Marguerat, La première histoire du christianisme, op. cit., p. 112-115).
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[51]
H. Conzelmann, Die Apostelgeschichte, op. cit., p. 6.
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[52]
La thèse du désintérêt biographique de Luc est notamment avancée par Alfons Weiser, Die Apostelgeschichte. Kapitel 13-28, Gütersloh/Würzburg, Mohn/Echter Verlag, coll. « ÖTKNT 5/2 », 1985, p. 680 ; B. Witherington, The Acts of the Apostles, op. cit., p. 792-793.
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[53]
A. D. Baum, « “Rhetorik des Schweigens” ? », art. cit., p. 97-101.
-
[54]
Gudrun Guttenberger, « Ist der Tod der Apostel der Rede nicht wert ? Vorstellungen von Tod und Steerben in den lukanischen Acta », in F.W. Horn (éd.), Das Ende des Paulus, Berlin, De Gruyter, coll. « BZNW 106 », 2001, p. 273-305.
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[55]
Sur ces deux textes (Ac 1,18 et 12,18-25), je renvoie pour une étude détaillée à mon commentaire : Daniel Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), Genève, Labor et Fides, coll. « CNT 5a », 2007, p. 60-62 et p. 439-442.
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[56]
Modulation du thème de la mort honteuse de l’impie : Cassandre la princesse de Thèbes (Pausanias, Description de la Grèce 9,7,1-3), Antiochus Epiphane (2 M 9,1-10.28), Hérode le Grand (Flavius Josèphe, Antiquités Juives 17,168-170), Catulle (Flavius Josèphe, Guerre des Juifs 7,451-453), Alexandre le faux prophète (Lucien, Alexandre le faux prophète 59), Galère (Lactance, De mortibus persecutorum 3,3-11), Néron (Dion Cassius, Histoire romaine 52,20,5 ; Tacite, Annales 14,15 ; 16,22 etc. D’autres exemples sont fournis par O. Wesley Allen, The Death of Herod, Atlanta, Scholars Press, coll. « SBL.DS 158 », 1997, p. 29-74.
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[57]
Il est intéressant de noter que nous disposons d’un parallèle à cet épisode dramatique sous la plume de Flavius Josèphe (Antiquités Juives 19,343-350). L’Agrippa de Flavius Josèphe meurt de terribles douleurs intestinales qui le torturent durant cinq jours, autre concrétisation du châtiment divin ; pourtant il s’était repenti de l’adulatio populaire : « Le destin a réfuté sur-le-champ les acclamations trompeuses dont vous venez de me gratifier » (ibid., 19,347).
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[58]
Pour un examen de ce texte et des diverses lectures qu’il a suscitées, je renvoie le lecteur à mon commentaire : D. Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), op. cit., p. 164-168, 172-178.
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[59]
Ce verbe, rarissime dans la Septante, se lit en Jos 7,1 à propos d’Akan détournant à son profit une part du butin de Jéricho et dont le larcin provoque la défaite d’Israël devant Aï. Jos 7 et Ac 5 ont en commun la situation d’une communauté en quête de territoire qui ne peut supporter une mise en danger interne quand elle est menacée de l’extérieur. De part et d’autre, la profanation de la sainteté du groupe exige la mise à l’écart du coupable. Mais de mon point de vue, la référence typologique à la faute du couple originel, en Gn 3, s’impose avec autant d’évidence.
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[60]
Le titre de « protomartyr » n’est conféré à Étienne qu’à partir du ive siècle (voir les variantes manuscrites ad Ac 22,20). Néanmoins, l’auteur des Actes est le premier à lier, à propos d’Étienne (22,20), le témoignage (marturia) au sang versé, préparant la signification ultérieure du martyre lié à la mort par fidélité croyante.
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[61]
Jb 16,9 ; Ps 34,16LXX ; 36,12LXX ; 112,10LXX ; Lm 2,16.
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[62]
Lc 22,69 parle du Fils de l’homme siégeant « assis à droite de la puissance de Dieu » tandis qu’Ac 7,56 parle du Fils de l’homme « debout à la droite de Dieu ». Les interprétations se sont multipliées pour expliquer ce changement de posture (voir Craig S. Keener, Acts. An Exegetical Commentary 3,1-14,28, Grand Rapids, Baker Academic, 2013, p. 1440-1443). La station debout reflète, à mon sens, la position du juge au tribunal céleste, qui décrédibilise le sanhédrin dans sa fonction judiciaire.
-
[63]
La présence de Luc 23,34 dans la tradition manuscrite n’est pas assurée, un nombre impressionnant d’anciens témoins ne présentant pas ce verset 34. Deux cas de figure se présentent : ou bien ce
verset est original, et Luc a inséré son équivalent pour confirmer le modelage du martyre d’Étienne sur la mort de Jésus ; ou il ne l’est pas, et des copistes ont inséré dans la Passion l’équivalent de la prière d’Étienne. Le premier cas de figure est plus vraisemblable. Sur ce point et pour une analyse plus détaillée de ce passage, voir D. Marguerat, Les Actes des apôtres (1-12), op. cit., p. 273-277. -
[64]
A. Augustin George, « Le sens de la mort de Jésus pour Luc », in Id., Études sur l’ œuvre de Luc, Paris, Gabalda, coll. « Sources bibliques », 1978, p. 212.
-
[65]
G. Guttenberger, « Ist der Tod der Apostel der Rede nicht wert ? », art. cit., p. 297.
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[66]
Eusèbe de Césarée soutient que Pierre a été rendu à son activité missionnaire (Histoire ecclésiastique 2, 9,4) ; Jérôme décrit le champ missionnaire de Pierre jusqu’à Rome (De viris illustribus 1). Voir Rudolf Pesch, Simon-Petrus, Stuttgart, Hiersemann, coll. « Päpste und Papsttum 15 », 1980, p. 76 ; Robert E. Osborne, « Where Did Peter Go ? », Canadian Journal of Theology 14 (1968), p. 274-277.
-
[67]
On entend par syncrisis le procédé littéraire de modélisation d’un personnage du récit sur un autre, afin d’établir une continuité entre les deux. La syncrisis entre Pierre et Paul s’inscrit dans une mise en parallèle Jésus-Pierre-Paul. Voir D. Marguerat, La première histoire du christianisme, op. cit., p. 84-89.
-
[68]
Arnold Ehrhardt, The Framework of the New Testament Stories, Manchester, University Press, 1964, p. 80-81.
-
[69]
Voir p. 19.
-
[70]
« Er sah es nicht als seine Aufgabe an, die Märtyrerfrömmigkeit zu beleben ». E. Haenchen, Die Apostelgeschichte, op. cit., p. 655.
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[71]
Sur cette problématique historiographique, je renvoie à mon débat avec R. Riesner : Daniel Marguerat, « Wie historisch ist die Apostelgeschichte ? », Zeitschrift für das Neue Testament 18 (2006), p. 44-51.
-
[72]
Citée selon la traduction de A. Jaubert, Paris, Cerf, coll. « Sources chrétiennes 167 », 1971.
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[73]
Oscar Cullmann, Petrus. Jünger –Apostel –Märtyrer, Zürich, Zwingli Verlag, 19602, p. 101-123, surtout p. 115-117. Cet auteur suppose la même situation de tensions confessionnelles pour l’exécution de Jacques fils de Zébédée à Jérusalem : Id., « Courants multiples dans la communauté primitive. À propos du martyre de Jacques fils de Zébédée », Recherches de science religieuse 60 (1972), p. 55-68.
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[74]
C. K. Barrett, The Acts of the Apostles, op. cit., vol. II, p. 1250 ; voir aussi Id., « The End of Acts », art. cit., p. 549-550.
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[75]
G.W. Trompf avait déjà formulé une remarque approchante. Il relevait que les morts de Jésus et d’Étienne reflétaient des qualités d’endurance, de piété et de magnanimité de nature à susciter l’admiration des lecteurs de Luc. En revanche, « si Paul a été décapité, mourant comme une victime à l’image de son maître (selon toute vraisemblance durant le règne de Néron), Luc avait à gérer une autre mort ignominieuse (et donc problématique) – une mort qui n’était pas de nature à rendre attractive la foi nouvelle. » Garry W. Trompf, « On Why Luke Declined to Recount the Death of Paul : Acts 27 –28 and Beyond », in Charles H. Talbert (éd.), Luke-Acts. New Perspectives from the Society of Biblical Literature Seminar, New York, Crossroad, 1984, p. 225-239, citation p. 233.
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[76]
Ainsi Samuel G. F. Brandon, The Fall of Jerusalem and the Christian Church, Londres, SPCK, 1957, p. 135.