Notes
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[1]
À l’instar des adultes vagabonds, entre le xvie et le xviiie siècle, les enfants sans demeure sont tantôt chassés aux portes des villes tantôt enfermés dans les hospices [Le Roy Ladurie et Quilliet, 1981].
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[2]
Programme Corâge (2010-2013).
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[3]
Je remercie Alessandra Borin, Chloé Buchmann, Donatella Cozzi, Marta Duthika Scarpa, Marie-Pierre Julien, Louis Mathiot, Pauline Michel, Siar Mukyen, Estelle Reinert, Niloofar Shariat, Virginie Vinel et Nicoletta Diasio pour la mise en commun des entretiens réalisés dans le cadre de l’enquête ethnographique auprès des enfants.
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[4]
Voir http://www.vacarme.org/article1548.html
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[5]
En validant les carnets antérieurs de 1935 et 1942, avec l’ordonnance de 1945 l’État se donne l’obligation de produire et distribuer à la naissance un carnet individuel de santé avec une fonction de protection préventive sanitaire et sociale. À l’instar des autres ordonnances de 1945 intervenant en matière d’enfance délinquante, de protection de la jeunesse, de naturalisation des étrangers et de titres de séjour pour les immigrés, celle sur la protection sociale est issue d’un compromis entre les valeurs des résistants communistes et du gaullisme, sous-tendues d’hygiénisme et de natalisme.
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[6]
En janvier 2009, un article du quotidien Le Parisien (« Les petits sous la toise », 20.1.2009) rend compte d’une campagne nationale de mensuration de la taille. Promue par l’Institut français du textile et de l’habillement (ifth), cette opération a été mise en place pour « améliorer le confort et l’ergonomie des équipements et de l’habillement dédiés aux bouts de chou ». Trois cent enfants environ sont mesurés dans des structures municipales de la petite enfance dans différentes villes françaises − comme à Cholet en Maine-et-Loire. Selon l’auteur de l’article, il s’agit d’actualiser des « données anthropométriques devenues obsolètes », mais une telle campagne « pourrait même soutenir la lutte contre l’obésité infantile ». Or, tout parent a fait l’expérience de décalages importants dans les tailles des vêtements pour enfants : les marques françaises et étrangères n’ont pas visiblement les mêmes mensurations, d’ailleurs certaines d’entre elles ont comme repères l’âge alors que d’autres préfèrent indiquer la stature des enfants en centimètres.
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[7]
Les endocrinologues rencontrés dans cette enquête racontent que les mères ont tendance à les consulter par crainte qu’une puberté précoce ne provoque une petite taille chez les filles comme chez les garçons.
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[8]
Cf. notamment http://forum.aufeminin.com/forum/matern1/__f296755_matern1-C-est-quoi-les-percentiles.html pour la France et http://www.mammaepapa.it/salute/p.asp?nfile=controlla_le_misure_di_tuo_figlio ou alors le site d’une pédiatre qui propose des pillole di pediatria (pilules de pédiatrie) : http://www.docvadis.it/paola-scagni/page/guida_medica_personale/pillole_di_pediatria_1.html
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[9]
Les prénoms pour l’anonymisation ont été choisis par les enfants eux-mêmes.
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[10]
http://blog.francetvinfo.fr/ladies-and-gentlemen/2015/04/16/carnet-de-sante-du-cg-13-carnet-de-sexisme-a-laise.html
Jugée « trop polémique » par la nouvelle présidente du Conseil départemental, cette photographie et les carnets de santé ont été détruits et remplacés (Libération, 21 avril 2015).
1 Nourrissant des savoirs spécifiques centrés sur la santé et sur la normalité, les techniques de mensuration ont connu de multiples transformations au cours de l’histoire, bien au-delà des enfants. À l’instar des travaux portant sur les « conflits d’usage des statistiques » [Desrosières, 2008], l’analyse de la quantification de la taille des prolétaires mal nourris, des sujets coloniaux (de l’empire français tout comme des « colonies de l’intérieur » : Bretagne, Alsace…), des « arriérés », des « aliénés », des « idiots », des « gens du voyage », des enfants de migrants (qu’ils soient chinois ou nord-africains) conduit à voir comment a pu fonctionner une telle assignation. L’universalisme a servi de légitimation puisqu’il renvoie à la « nature » corporelle ou psychique des classements de différents ordres (âge, genre, classe sociale, « race ») qui fonctionnent comme des « possibilités alternatives de réalisation de l’humain » [Balibar, 2012]. L’anthropométrie du xixe siècle renforce le socle scientifique des méthodes d’observation du corps humain, en particulier par un traitement statistique des mensurations. Toutefois, elle ne renonce pas à définir les propriétés physiques des groupes humains, considérés en relation avec des risques de déviance [Dias, 2004]. La technique anthropométrique de mensuration de la taille et du poids permet d’établir une classification de données corporelles selon des logiques racialistes désignant des déviances [Gould, 1983 ; Beirne, 1987]. Déjà soulignée par la pensée sociale du xixe, « l’instauration d’une véritable différence zoologique au sein de l’espèce humaine » [Berthelot, 1992] a pu mettre en place un « différentiel de pouvoir, de valeur ou de capacité » [Balibar, 2012 : 21] parmi les êtres humains.
2 L’histoire de la mensuration de la taille et d’autres qualités corporelles qui ne se limitent pas aux enfants, bien qu’ils y jouent un rôle prépondérant, s’entrecroise avec un phénomène qui en revanche concerne directement les enfants eux-mêmes. Dans la seconde moitié du xixe siècle s’impose un contrôle médical, scolaire et spatial aux enfants de milieux bourgeois [Segalen, 2010]. Ces derniers sont progressivement limités dans leurs mobilités quotidiennes, reclus dans des internats ou dans l’espace domestique. De plus, se renforcent les politiques d’enfermement des enfants sans demeure [1], avec leurs pairs jugés « idiots » ou « épileptiques ». En tant qu’enfants « anormaux », ces derniers font l’objet d’examens méthodiques fouillés que, par ailleurs, l’hygiène publique, la pédiatrie, la psychologie et l’éducation mettent en place pour l’ensemble des enfants [Turmel, 2013 : 14].
3 En introduisant quelques photographies d’enfants de l’hôpital Bicêtre (Val-de-Marne) dans son ouvrage désormais classique, Georges Didi-Huberman [1982 : 60-61] ne se limite pas à l’analyse des portraits des « hystériques » de la Salpêtrière. Parmi les photographies d’enfants abandonnés ou « aliénés » étudiés par le docteur Désiré Magloire Bourneville dans les années 1880 qui figurent dans cet ouvrage, celles de Mlle Marcelle Lard ont tout particulièrement retenu mon attention. Photographiée nue, puis habillée, durant sa croissance staturale de 80 cm à 95 cm, cette petite fille abandonnée, se fait systématiquement mesurer à l’aide d’une toise noire présente sur sa gauche, à l’instar d’autres mises en portraits anthropométriques de l’époque. Toutefois, un détail a tout particulièrement retenu mon attention dans une de ces photographies. Debout à côté de la toise noire, elle est dans une position frontale et garde le dos parfaitement droit, mais elle déplace un de ses bras qui prend légèrement appui sur cette toise. Elle détourne ainsi discrètement le protocole de la pose et de la mise en portrait « scientifique » que partagent à l’époque les hôpitaux et la police [About et Vincent, 2010] : celle qui consiste à garder les deux bras collés le long du corps. Un tel détournement de l’anthropométrie participe d’une démarche qui vise à dégager les « signes d’humanité » d’une enfance [Faure, 2003] pour laquelle le Dr Bourneville cherche à transformer Bicêtre d’hôpital-asile en lieu de traitement et d’éducation [Gateaux-Mennecier, 2003]. Difficile aujourd’hui de savoir si ce geste qui compose avec le cadre médical initial sans le subir complètement a été suggéré par le Dr Bourneville lui-même ou s’il résulte de l’initiative autonome d’une petite fille. Il n’en demeure pas moins que cette posture de Mlle Lard a accompagné mon questionnement tout au long d’une ethnographie contemporaine de la mensuration domestique des enfants.
4 C’est dans le cadre d’une enquête portant sur la sortie de l’enfance que j’ai pour la première fois porté mon regard sur les mensurations enfantines de la stature [2]. Ces modalités incluent tour à tour le recours à des toises matérielles (commercialisées, bricolées à la maison ou se limitant à des marques horizontales laissées sur un placard ou un mur) ou à des toises symboliques produites par un enfant qui compare sa taille à la hauteur d’un meuble ou d’autres repères de sa chambre, comme j’ai pu le constater dans une enquête avec des jeunes interlocuteurs âgés de 9 à 13 ans [3]. Peu d’années s’écoulent entre les appropriations par les parents d’un objet industriel, aujourd’hui souvent offert lors de la naissance de l’aîné, et les pratiques que ces enfants mettent en place, au quotidien, pour mesurer leur changement de taille. L’enquête s’est centrée sur l’enregistrement par l’enfant de son accroissement statural dans le cadre des relations qu’il entretient avec l’entourage proche. Teintée par une dimension genrée, l’auto-mensuration enfantine de la taille renvoie à une modalité concrète de pratiquer un gouvernement de soi vis-à-vis des adultes et des pairs (filles et garçons) en termes de conformité d’âge. Si la toise est ici étudiée sur le plan symbolique et domestique, sa massification contemporaine ne dépend pas uniquement d’enjeux commerciaux certes pourtant présents. Ces pratiques de mensuration de la stature aujourd’hui peuvent être associées au thème plus large de l’encadrement parental. En tant que souci parental pour la croissance de leur enfant, mais aussi en tant que pratique développée par les enfants et les adolescents eux-mêmes, la mensuration de la stature s’inscrit, comme il a été dit, dans une histoire sociale des dispositifs médicaux. Ces derniers, soutenus par des politiques publiques, ont nécessité l’alliance des familles pour qu’il soit possible de mettre en place une réelle surveillance à l’égard de la croissance infantile [Rollet, 2008 ; Turmel, 2013]. Ce texte invite ainsi à une réflexion sur les effets d’une telle intériorisation parentale et enfantine.
L’encadrement parental sous la toise
5 La toise est un instrument de surveillance des enfants qui s’inscrit dans les fonctions parentales responsables du « bien grandir » de leurs enfants. Or, les effets de cet outil ne semblent pas émerger dans la littérature scientifique abordant l’appropriation des lieux publics par les enfants. Spécialiste du corps et de l’enfance, le célèbre géographe britannique Gill Valentine [2004] a mis l’accent sur les conditions de l’exercice d’un contrôle parental permanent limitant aujourd’hui l’autonomie spatiale, notamment en dehors du domicile. Lorsque la sociologie urbaine française s’est intéressée à la manière dont les habitus de classe [Authier et Lehman-Frisch, 2012] ou les stéréotypes de genre parentaux [Rivière, 2014] justifient l’évitement de certains lieux pour leurs enfants, le domestique disparaît comme si les dangers relevaient nécessairement de l’espace public. Or, pour appréhender la fabrication mouvante de l’autonomie spatiale enfantine, il convient d’écarter toute « tentation adultocentrique » en restant à l’affût des effets quotidiens du grandir. Cet article privilégie l’analyse d’activités enfantines permises, voire suscitées, ou interdites par les parents, en essayant de penser un continuum entre le domestique et le public. Du côté des enfants, la bipartition public/privé n’a pas lieu d’exister de manière figée : s’ils parviennent à expérimenter dans le domestique ce qui n’est pas forcément conforme à leur âge ou à leur sexe biologique en dehors du domicile (à l’école notamment), ils peuvent également s’approprier en dehors de chez eux des espaces pour des jeux, notamment en l’absence d’adultes en charge d’eux. Du côté des parents, sans exclure l’influence de la classe sociale dans les limites qu’ils fixent à l’autonomie spatiale de leurs enfants, il s’agit d’intégrer qu’ils ne considèrent plus leurs enfants en tant qu’êtres fixés et stables, des hommes et des femmes en miniature [Sirota, 2006], comme il ressort encore des travaux en sociologie urbaine. Si la progressive réduction de l’autonomie spatiale des enfants et, plus généralement, leur infantilisation (notamment pour ceux des classes favorisées), a été considérée comme étant directement proportionnelle à la capacité réflexive qui leur a été progressivement reconnue [Rutherford, 2009], il importe de mettre en miroir ces limitations parentales à la mobilité avec les choix opérés par les enfants et les adolescents eux-mêmes. Ainsi, dans le glissement entre la mensuration que les parents opèrent de la stature de leurs enfants et l’auto-mensuration que ces derniers mettent en place par la suite, se nichent des compétences réflexives enfantines. Elles peuvent avoir par ricochet des effets sur les négociations de mobilité et de marges de manœuvre entamées avec les parents dans le domestique comme dans les lieux publics.
Du stéthoscope à la toise : « Élevez vos propres enfants au mètre et à la balance »
6 Les injonctions de mensuration ne relèvent pas d’une volonté parentale exclusive et fermée à autrui, quasiment « sans portes ni fenêtres ». Avant d’être communiquées aux enfants, elles fonctionnent en cascade puisqu’elles sont le produit d’une circulation hiérarchisée d’orientations normatives ayant trait au « bien grandir » enfantin qui s’effectue préalablement entre adultes dont les statuts (institutionnels et parentaux) peuvent se superposer et se brouiller. L’ensemble de ces adultes ne s’inquiètent pas tous suivant nécessairement les mêmes valeurs, mais ils visent tous l’« insertion sociale d’un futur citoyen », comme l’ont montré Geneviève Delaisi de Parseval et Suzanne Lallemand [2001 : 16] à propos de manuels de puériculture dont la présumée neutralité a été dès lors dévoilée. Dominique Memmi [4] rappelle que, selon Michel Foucault, le gouvernement des corps devrait commencer à l’endroit exact où se pose le stéthoscope du médecin. Ainsi la domestication contemporaine de la toise inscrit la mensuration de la taille au cœur de la relation parents-enfants qui s’est imposée par le biais de logiques médicales et économiques. Ces logiques exercent déjà un poids certain au moment où Jules Lescasse, ingénieur civil membre d’un jury d’hygiène de Paris et inventeur d’un carnet de santé innovant [Rollet, 2008 : 47], incite les parents à mesurer et peser leur progéniture.
7 Bien que datant de la fin du xixe siècle, cette indication n’a pas disparu du carnet de santé (dans la version mise à jour en 1995 que possèdent mes jeunes interlocutrices et interlocuteurs). Plusieurs rubriques évoquant le développement enfantin et les responsabilités parentales à ce sujet y figurent. Dès la première page non numérotée du carnet, un paragraphe signé par le président du Conseil général du département de naissance de l’enfant se termine par des vœux de bonne santé. Portant le titre « Un document indispensable », ce message destiné aux parents présente les missions du service départemental de la protection maternelle et infantile (pmi) en soulignant quelques points cruciaux. Conçu afin d’inscrire « toutes les étapes de l’évolution » de l’enfant, ce carnet est par conséquent présenté comme un « document confidentiel » qui doit être « conservé soigneusement » par les adultes en charge de l’enfant jusqu’à sa majorité. Ces derniers auront à le présenter « au moment de toutes les consultations médicales », ce qui nécessite de le « tenir à jour afin de suivre le bon développement de votre enfant ». De plus, les parents sont censés renseigner une rubrique avec leur lieu et date de naissance (page 4), puis, ces mêmes informations doivent être fournies pour la fratrie éventuelle (page 5), avec une indication supplémentaire pour les parents : leur métier. La publicité a désormais disparu par rapport aux premières versions commercialisées avant l’institutionnalisation que ce carnet a connue entre la période de Vichy et l’ordonnance de 1945 [5], toutefois les enjeux commerciaux au nom du « bien grandir » ne disparaissent pas. À l’instar des publicités pour le lait en poudre figurant dans les premiers carnets de santé mis en vente à la fin du xixe siècle en France [Rollet, 2005 et 2008], le « bien grandir » s’accompagne encore de stratégies commerciales qui enjoignent de placer, de temps en temps, les enfants sous la toise, en Italie comme en France [6], même dans un cadre non domestique autorisé par les parents. Ainsi, au cours de l’enquête italienne de Corâge, je me suis un jour rendue chez un glacier dans une ville à proximité de Venise. Au moment de m’asseoir dans un coin « cosy », avec des canapés, pour consommer une granita, j’ai remarqué une toise peinte en bleu sur le mur de la boutique. Destinée directement aux enfants, comme le laisse imaginer le petit bonhomme figurant à côté, la toise s’adressait également à leurs parents. Placée à proximité d’une affiche donnant quelques éléments de traçabilité des matières premières utilisées dans les glaces, cette toise sous-entendait une vérification des conditions alimentaires du « bien grandir ».
8 Si l’obésité infantile constitue encore une préoccupation médicale cruciale, néanmoins l’accroissement statural continue d’être un souci parental, bien qu’occulté par la crainte majeure du surpoids pour certains. Pour comprendre la « petite taille » de leur enfant, notamment en cas d’adoption, quelques parents rencontrés ont eu recours à leur généraliste, puis à un endocrinologue [7]. Aussi, on peut lire dans plusieurs sites Internet en France et en Italie [8] les multiples questions posées à la va-vite et dans un style familier. Ce style n’occulte pas pour autant les inquiétudes installées depuis la grossesse. Sur un des sites français consultés, une future mère s’inquiète de la taille de son bébé (Lilie, novembre 2006). En Italie, des pédiatres ont mis en ligne un service (Pediarisponde) pour permettre aux parents d’évaluer si la taille de leurs enfants est bien « dans les normes » ; d’autres sites font état des inquiétudes rencontrées dans les sites français : « Bonjour, hier je suis allée chez le pédiatre et il m’a beaucoup troublée parce qu’il m’a dit que la croissance en longueur de mon fils n’est pas constante. À la naissance il mesurait 51 cm, aujourd’hui il a 11 mois : il pèse 10,700 kg et mesure 71 cm. Dois-je m’inquiéter ? » (Daniela, Naples, octobre 2013).
9 Maternel d’abord, ce souci pour la croissance des enfants a une histoire qui dépasse le cas de chaque famille. Il se construit au fil des pratiques de contrôle et de recherche de conformité que pédiatres et administrateurs demandent dès la fin du xixe siècle aux mères de milieu aisé. « Alphabétisées, méthodiques et dotées d’une certaine intelligence » [Rollet, 2005], ces « bonnes » mères devaient alors contribuer à lutter contre la mortalité infantile [Armstrong, 1986] grâce à une collaboration avec le médecin en charge de leurs bambins. La trace et l’outil de ce travail maternel en serait alors l’enregistrement dans un livret contenant les informations relatives à l’état de santé de chacun de leurs enfants, depuis la naissance jusqu’à la puberté. En mesurant leurs enfants entre deux visites chez le pédiatre, elles devaient « faire preuve d’intelligence » (plus que de soins maternels !) [Rollet, 2008]. En dépit de toutes les astuces aujourd’hui suggérées pour réaliser une toise chez soi et en dépit des efforts esthétiques (très genrés) dans les modèles commercialisés, la toise enfantine n’est pas un simple décor du cocon familial, ni proprement un jeu d’enfant. La toise échappe aussi bien à la littérature anthropologique portant sur la culture matérielle domestique [Douglas et Isherwood, 1979 ; Bromberger et Segalen, 1996] qu’aux travaux davantage centrés sur les liens entre conjugalité et parentalité [Faure, 2009] et aux articles sur la chambre à coucher enfantine [Glevarec, 2010 ; La Mendola, 2010]. Pour mieux comprendre les enjeux actuels de la mensuration de la taille, il reste alors à se tourner du côté des enfants et préadolescents.
L’injonction parentale à la mensuration
10 Qu’elle soit matérielle ou symbolique, une toise (ou ses traces) est présente dans la majorité des chambres à coucher que j’ai observées pendant cette enquête. Fabriquée en série, en différents matériaux (bois, tissu, autocollants) et couleurs ou bricolée avec du papier autocollant plus ou moins sophistiqué, cette toise est destinée à disparaître au moment d’un déménagement, d’une recomposition familiale ou dans les premières années de l’école primaire. En l’absence d’une toise matérielle (objet qui échappe généralement à la transmission familiale, comme cela peut être le cas pour un berceau ou pour un petit siège en bois), les marques laissées successivement sur le mur ou à l’intérieur des placards des enfants permettent de repérer les traces des attentes (voire des inquiétudes) parentales quant au grandir de leurs enfants. Regardons de plus près les premières traces d’auto-mensuration d’enfants qui partagent leur chambre avec une sœur ou un frère, en Italie et en France.
11 Tout d’abord Giorgetto (11 ans, petite commune du Frioul près de la Vénétie, mère enseignante au collège, père exerçant une profession libérale) partage son placard (et en partie sa chambre) avec sa sœur cadette. Celle-ci n’est pourtant pas mesurée par leur mère aussi souvent que Giorgetto, selon mon jeune interlocuteur. À la limite de l’invisibilité, les marques du grandir de Giorgetto à l’intérieur du placard blanc vont de pair avec un fort contrôle maternel en ce qui concerne les activités de loisirs et les fréquentations de son bambino. De même, dans la bibliothèque d’une chambre enfantine partagée par deux frères qui résident dans un quartier gentrifié de Strasbourg, est exposé un petit tableau qui fait fonction de faire-part de naissance avec la mention de la taille et du poids du dernier né de la famille, Michael. Alors que son âge aurait pu motiver sa participation à ma démarche ethnographique dans le cadre de Corâge, Michael est considéré trop petit par ses parents. Ces derniers poussent en revanche leur enfant plus âgé (Erwan, 11 ans) à me rencontrer pour se faire interviewer : il aurait rapidement grandi en taille l’été dernier et il développerait un esprit contestataire qu’il n’avait jamais manifesté auparavant. On relève aussi des traces des mensurations de Rachel (11 ans) et de Yasmine (8 ans et demi), deux sœurs de Mulhouse, partageant la même chambre dans l’appartement de leur mère (mère éducatrice, père employé dans une entreprise liée à la municipalité, marié à présent avec une autre femme). Se trouvant entre le miroir du placard et la paroi où sont affichés leurs diplômes des cours de musique, ces marques de croissance ont d’abord été laissées par la mère, puis Rachel et Yasmine en ont changé la couleur. Alors que l’aînée repasse avec du feutre violet ou bleu sur les traits maternels, la cadette prolonge avec du feutre rose fuchsia le trait marron laissé par sa mère. Ce sont leurs couleurs préférées, mais elles correspondent à celles du papier de leurs bonbons favoris que leur mère leur interdit d’aller acheter en groupe au tabac du coin pour « éviter de faire racaille ». Étant d’ascendance nord-africaine, leur mère voudrait leur éviter toute humiliation publique. Ainsi elle dissocie l’autonomie spatiale de ses filles des petits moments de plaisir. D’une part, elle leur interdit de partager des bonbons entre amis dans la rue. D’autre part, elle les autorise à rentrer seules de l’école, à préparer leur goûter et à terminer leurs devoirs depuis la dixième année de l’aînée, en attendant que leur mère rentre du travail. Si elles se rendent seules à l’école par « pragmatisme », leur mère ne les autorise pas fréquemment à jouer en bas de leur immeuble, ni à s’y promener en vélo ; notamment depuis que Rachel s’est fait surprendre avec des garçons de sa classe à la sortie d’un bosquet situé au-delà de l’espace de proximité autorisé.
12 Si les initiatives enfantines d’autonomie spatiale peuvent être jugées dangereuses, notamment pour les petites filles qui grandissent, les parents, mais également les enseignants (dont certains sont par ailleurs parents) ont tendance à associer l’accroissement de la stature avec la mise à l’épreuve, l’acquisition voire l’évaluation de compétences jugées en revanche nécessaires. Une enseignante a fait coller sur le cahier d’un enfant de 9 ans (CE2) une image à colorier montrant comment la quantification des acquis d’apprentissage s’articule à la mensuration de la taille de l’élève.
Illustration 1 – Quand la flèche de l’infini remplace la toise ; on peut voir la représentation de l’infini du grandir (dessin de Mélissa, 11 ans).
Illustration 1 – Quand la flèche de l’infini remplace la toise ; on peut voir la représentation de l’infini du grandir (dessin de Mélissa, 11 ans).
13 L’idée d’une finitude de l’effort de quantification imposé par les adultes, qu’ils soient enseignants ou parents, est à mettre en regard de la perception enfantine de l’infini du grandir. Cette dimension infinie s’exprime dans la flèche bleue d’un grandir non quantifié d’une petite fille en robe rouge représentée dans le dessin que Mélissa (11 ans, Haut-Rhin, mère chercheuse) a offert à l’enquêtrice au début de son enquête. À l’instar des photographies anthropométriques en noir et blanc, cette petite fille est en position frontale, mais elle penche légèrement du côté de la flèche orientée vers le haut remplaçant la toise noire dans cette nouvelle iconographie. Si quelques éléments de la pose et de la mise en portrait anthropométrique demeurent encore inconsciemment dans ce dessin, le recours au rouge et au bleu ainsi que le déplacement des épaules de la petite fille en robe rouge vers la flèche ouvre une brèche dans le mur des injonctions parentales.
14 La mensuration et l’auto-mensuration de la croissance staturale des enfants interrogent une « pensée de soi par corps » [Memmi, 2008] où celui-ci fonctionne à la fois comme instrument de domination et comme instrument pour penser l’emprise physique des parents. Le recours contemporain à la toise peut s’inscrire dans le cadre des travaux sur la « domination rapprochée » et sur les modalités actuelles de l’emprise par corps, mais il admet également des revendications enfantines de subjectivation.
Mesurer sa taille, pour quoi faire ?
15 En France comme en Italie, les injonctions parentales sont soutenues par différentes définitions du grandir, de ce qu’il permet et nécessite en fonction des espaces publics et privés ainsi que des hiérarchisations internes au domicile. S’il est permis de se mesurer dans la « chambre à soi », il est impensable de laisser des marques sur le mur du salon, de la cuisine voire même de la salle de bain. Les enfants et adolescents qui dans leur jeune âge ont été mesurés par leurs parents ne se souviennent pas systématiquement du moment où la toise a été mise de côté : tantôt un déménagement, tantôt un réaménagement de la chambre lors la fin de l’école primaire. En ouvrant à des discours qui concernent également d’autres moments d’une telle mise en œuvre, c’est la construction de la conformité d’âge et de genre qui est finalement interrogée. Par exemple, Diva (11 ans, Haut-Rhin, parents ouvriers et divorcés) souligne que sa demi-sœur Sabah et son entourage familial proche lui font souvent remarquer ses changements physiques (« T’as grandi, t’as maigri »). Diva trouve ses outils de mesure dans les propos des adultes importants pour elle. À l’instar du protagoniste du roman Journal d’un corps de Daniel Pennac, lequel perd ses outils de mesure dès lors qu’il perd son être cher (sa nourrice Violette), la seule dans laquelle il parvient à se reconnaître, Diva et d’autres jeunes interlocuteurs se saisissent des constats des adultes les plus proches. Toutefois, à la différence du roman, de nombreux adultes s’appuient sur ces changements de taille pour leur préciser de nouvelles obligations ou rappeler des interdits. Les injonctions des adultes (mettre du déodorant, ranger sa chambre, s’habiller et manger en se conformant aux normes de son âge…) sont à géométrie variable. Il reste à voir comment elles se mettent en place, pour ensuite appréhender les tactiques enfantines de contournement, de négociation et d’affirmation de soi.
16 Les récits de Giorgetto, Yasmine, Rachel mais aussi d’Erwan et d’autres jeunes interlocuteurs montrent combien leur grandir (mentalement et en taille) se heurte à l’absence d’espaces de parole. Lisa (10 ans, ville de Moselle, mère secrétaire et père retraité) précise plus que d’autres l’ampleur de ce vide de communication, que ce soit avec ses parents, les animateurs de colonie de vacances, les enseignants ou les pairs, à quelques rares exceptions. Certains adolescents continuent de mesurer leur corps grandissant « à l’aune de celui des autres membres de la famille, des parents et de la fratrie, mais également des oncles, tantes ou cousin-e-s, grands-parents » [Diasio, 2014]. Si Sophie (14 ans, famille monoparentale, Strasbourg, mère nourrice/serveuse) connaît sa taille en se rapportant à celle de sa mère, Petit Mec 67 [9] (12 ans, Strasbourg, mère journaliste, père cadre supérieur) doit élaborer d’autres positionnements face au manque de référents familiaux. Il n’en demeure pas moins que, souvent inconsciemment, beaucoup d’enfants acceptent de suivre l’injonction parentale de mensuration. Après une douche, au réveil ou au moment de se coucher, bien que leurs parents aient cessé depuis longtemps de leur « proposer » de mesurer leur croissance staturale, de nombreuses filles et garçons adoptent la posture de Mlle Lard dans les photographies de l’hôpital Bicêtre. Mes jeunes interlocuteurs se collent le long d’une toise, cette fois-ci symbolique, dans l’espoir de trouver de nouvelles places à occuper, au fur et à mesure de leur croissance. Ainsi Giada (10 ans et 10 mois, petite commune du Frioul, mère travaillant dans une administration culturelle, père occupant une profession libérale) n’a jamais cessé de l’évaluer dans sa chambre. Bien que sa mère ait perdu les traces d’un petit carnet où elle notait les mensurations de sa fille, cette dernière en grandissant a continué à s’en charger quotidiennement. Depuis plusieurs années, elle compare sa taille à la hauteur des étagères désormais disparues de la paroi située derrière son lit (les traces des trous dans le mur sont encore visibles), puis elle évalue sa croissance en fonction des CD-Rom placés dans le meuble à côté de son lit. Si l’auto-mensuration de la taille se pratique dans la plupart des cas dans la « chambre à soi », Giada comme d’autres jeunes interlocuteurs racontent que, depuis leur jeune âge, ils ont aussi mesuré leur croissance dans des lieux familiers, même en dehors de leur domicile. Certains se sont donné comme repère la manière dont ils ont réussi à appuyer sur les boutons les plus haut placés à l’intérieur de l’ascenseur. Consciente de sa croissance, Giada a progressivement conquis, dans les deux années qui ont précédé l’enquête, les autorisations parentales nécessaires pour vivre son autonomie spatiale dans un village du Nord-Est italien. D’autres évaluations corporelles se produisent à l’extérieur de l’espace domestique, notamment lors d’une manifestation collective concernant un même groupe d’âge : ainsi la photographie de classe le jour de la communion solennelle, implique une mise en comparaison des statures des uns et des autres.
Photo 2 – La taille des élèves d’une classe de CM1 partageant le rite de passage de la communion solennelle conservée par l’interlocutrice avec des autres souvenirs (Frioul, petite commune à la frontière de la Vénétie, 2012, photo de l’auteure).
Photo 2 – La taille des élèves d’une classe de CM1 partageant le rite de passage de la communion solennelle conservée par l’interlocutrice avec des autres souvenirs (Frioul, petite commune à la frontière de la Vénétie, 2012, photo de l’auteure).
17 Aussi, Anna (10 ans, Mestre, famille monoparentale, mère comptable), met l’accent sur la manière dont les camarades qu’elle nomme « nains » comme « Alberto à la voix rauque » doivent être exclus du « nous ». La catégorisation par la taille semble être un critère très présent depuis le plus jeune âge ; on le retrouve dans la littérature enfantine, par exemple dans un ouvrage sur les quatre saisons destiné aux enfants de petite section de maternelle. Lu en classe ou emprunté dans la bibliothèque de maternelle (et à l’instar de Je grandis, une « baby encyclopédie » éditée par Larousse qui présente une toise noire sur la couverture), le livre des saisons (dans lequel Capucine la souris compare sa taille à celle d’autres animaux) semble avoir inspiré Yasmine. En prenant la place de Capucine dans un conte chinois que Yasmine a écrit et illustré, elle s’approprie le thème des asymétries de taille, replacé dans la relation qu’une petite fille entretient avec ses parents, là-bas en Chine. La protagoniste est représentée face à son père, puis à un autre adulte : leurs tailles sont quasiment équivalentes, mais la petite fille se trouve toujours en dessous des adultes qu’elle a en face d’elle, comme si le sol n’était pas plat.
18 Si Yasmine a tendance à représenter les adultes comme étant au-dessus d’elle, en dépit d’une stature analogue, Océane (8 ans et demi, Haut-Rhin) se saisit du critère de la taille pour contourner une différence qui est loin d’être neutre. Elle met en scène une sorte de pyramide des âges renversée, de manière à annuler par le haut cette asymétrie de la taille. Comme si, à partir des personnages dessinés de manière décalée du sol, avec des pieds qui ne se posent pas au même niveau, une idée largement partagée par d’autres jeunes interlocuteurs voyait le jour : il faudrait trahir les grands pour pouvoir vraiment grandir.
19 Vécue comme une trahison des valeurs parentales, cette autonomie enfantine ne peut se dire aisément dans le quotidien des enfants rencontrés. Giorgetto insiste sur le lien qu’il fait entre sa croissance et les arguments qu’il adopte vis-à-vis de sa mère pour sortir en vélo, faire du football et surtout imiter, en binôme, les joueurs de catch. Yasmine se saisit d’événements anodins comme son retour de classe verte pour s’interroger sur ses propres marges de manœuvre et sur celles de sa jeune sœur, à la suite de la remarque de sa mère (« tu as grandi ! ») : « Mais Rachel, quand moi j’étais partie en classe verte, elle avait le droit d’aller jusqu’au tabac et quand je suis là elle n’a pas le droit, par exemple elle [sa mère] a plus peur pour moi parce que Rachel […] elle est plus grande donc quand je suis là elle n’a pas le droit d’y aller, mais quand je ne suis pas là elle a le droit. » Comme tous les changements corporels, l’augmentation de la taille permet aux enfants de prendre place et de renégocier momentanément leur statut [James, 2000]. La taille d’un corps enfantin est un critère relatif, marqué par un devenir qui conduit à changer le corps en l’espace de quelques années. À l’aube de l’adolescence, ce sont les enfants plus que les parents qui souhaitent suivre leur développement, même si la toise ne fait plus partie du décor de leur chambre.
20 Née comme instrument de mensuration de la taille propre à l’anthropométrie, depuis le xixe siècle la toise a permis de fixer l’identification et la catégorisation de l’humanité, mesurant la valeur et les compétences des groupes humains comme des individus. Aujourd’hui la toise est au service des inquiétudes parentales (maternelles tout particulièrement) avides de repères, dans une société qui a tendance à étalonner le développement de l’enfant. Ces inquiétudes nourrissent également des formes de subjectivation enfantine que la toise permet d’appréhender. La couverture du carnet de santé imprimé et distribué aux parents qui viennent d’avoir un enfant dans les Bouches-du Rhône-en 2015 illustre un tel constat [10]. Au-dessus du logo du Conseil général, l’image de ce carnet présente un petit garçon souriant au premier plan, la tête haute, le regard fier et la main droite placée horizontalement au-dessus de sa tête affichant l’auto-mensuration de sa stature. En revanche, en arrière-plan se trouve une petite fille tête et yeux baissés, avec un centimètre de couturière autour de la taille et la main sur la tête, qui mesure son tour de taille. Sans nier les stéréotypes sexistes ordinaires ou la provocation politique qui pourraient se cacher derrière un tel choix d’illustration, cette image met clairement en scène l’incorporation enfantine des injonctions institutionnelles et parentales.
Photo 3 – Le carnet de santé du conseil général des Bouches-du-Rhône, 2015.
Photo 3 – Le carnet de santé du conseil général des Bouches-du-Rhône, 2015.
21 Si la toise est bonne à penser dans l’action présente, c’est qu’elle porte le poids d’une histoire passionnante qui se rejoue de multiples manières. Cet instrument sert ainsi de métaphore matérielle pour mesurer les craintes et les enjeux des nouvelles formes de surveillance à l’égard de l’autonomie enfantine, spatiale notamment. Elle montre cependant à quel point les enfants s’approprient cet outil ou la pratique de l’auto-mensuration pour négocier leur statut de « petit » ou de « grand », tout en redéfinissant leur place dans la famille. ■
Référencesbibliographiques
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Mots-clés éditeurs : parents, capacité d’action, automensuration, taille, enfants
Date de mise en ligne : 29/10/2015
https://doi.org/10.3917/ethn.154.0633Notes
-
[1]
À l’instar des adultes vagabonds, entre le xvie et le xviiie siècle, les enfants sans demeure sont tantôt chassés aux portes des villes tantôt enfermés dans les hospices [Le Roy Ladurie et Quilliet, 1981].
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[2]
Programme Corâge (2010-2013).
-
[3]
Je remercie Alessandra Borin, Chloé Buchmann, Donatella Cozzi, Marta Duthika Scarpa, Marie-Pierre Julien, Louis Mathiot, Pauline Michel, Siar Mukyen, Estelle Reinert, Niloofar Shariat, Virginie Vinel et Nicoletta Diasio pour la mise en commun des entretiens réalisés dans le cadre de l’enquête ethnographique auprès des enfants.
-
[4]
Voir http://www.vacarme.org/article1548.html
-
[5]
En validant les carnets antérieurs de 1935 et 1942, avec l’ordonnance de 1945 l’État se donne l’obligation de produire et distribuer à la naissance un carnet individuel de santé avec une fonction de protection préventive sanitaire et sociale. À l’instar des autres ordonnances de 1945 intervenant en matière d’enfance délinquante, de protection de la jeunesse, de naturalisation des étrangers et de titres de séjour pour les immigrés, celle sur la protection sociale est issue d’un compromis entre les valeurs des résistants communistes et du gaullisme, sous-tendues d’hygiénisme et de natalisme.
-
[6]
En janvier 2009, un article du quotidien Le Parisien (« Les petits sous la toise », 20.1.2009) rend compte d’une campagne nationale de mensuration de la taille. Promue par l’Institut français du textile et de l’habillement (ifth), cette opération a été mise en place pour « améliorer le confort et l’ergonomie des équipements et de l’habillement dédiés aux bouts de chou ». Trois cent enfants environ sont mesurés dans des structures municipales de la petite enfance dans différentes villes françaises − comme à Cholet en Maine-et-Loire. Selon l’auteur de l’article, il s’agit d’actualiser des « données anthropométriques devenues obsolètes », mais une telle campagne « pourrait même soutenir la lutte contre l’obésité infantile ». Or, tout parent a fait l’expérience de décalages importants dans les tailles des vêtements pour enfants : les marques françaises et étrangères n’ont pas visiblement les mêmes mensurations, d’ailleurs certaines d’entre elles ont comme repères l’âge alors que d’autres préfèrent indiquer la stature des enfants en centimètres.
-
[7]
Les endocrinologues rencontrés dans cette enquête racontent que les mères ont tendance à les consulter par crainte qu’une puberté précoce ne provoque une petite taille chez les filles comme chez les garçons.
-
[8]
Cf. notamment http://forum.aufeminin.com/forum/matern1/__f296755_matern1-C-est-quoi-les-percentiles.html pour la France et http://www.mammaepapa.it/salute/p.asp?nfile=controlla_le_misure_di_tuo_figlio ou alors le site d’une pédiatre qui propose des pillole di pediatria (pilules de pédiatrie) : http://www.docvadis.it/paola-scagni/page/guida_medica_personale/pillole_di_pediatria_1.html
-
[9]
Les prénoms pour l’anonymisation ont été choisis par les enfants eux-mêmes.
-
[10]
http://blog.francetvinfo.fr/ladies-and-gentlemen/2015/04/16/carnet-de-sante-du-cg-13-carnet-de-sexisme-a-laise.html
Jugée « trop polémique » par la nouvelle présidente du Conseil départemental, cette photographie et les carnets de santé ont été détruits et remplacés (Libération, 21 avril 2015).