Couverture de ETHN_122

Article de revue

L'exposition des restes humains dans les musées slovènes : un problème éthique

Pages 271 à 280

Notes

  • [1]
    Troisième ville de Slovénie, Celje est la capitale de la Basse-Styrie dans le centre est du pays [NdT].
  • [2]
    Ismaël, le narrateur, la reçoit de Qeequeg, un « sauvage », en signe d’amitié [NdT].

1Depuis quelques dizaines d’années, les musées ont suscité l’intérêt grandissant du public qui ne veut plus se contenter de jouer un rôle d’observateur dans leur développement. Le musée a perdu la position d’autorité qui était la sienne, son image d’une institution omnisciente a été mise à mal par des questions d’éthique. De plus, libérées de leurs liens coloniaux, certaines communautés réclament d’une voix de plus en plus forte les biens qui leur ont été confisqués. Il s’agit d’objets mais aussi de dépouilles mortelles, c’est-à-dire du corps ou des parties corporelles de personnes décédées, qui sont considérées par les membres de ces communautés comme des ancêtres plus ou moins proches. Parmi ces restes humains conservés dans les musées se trouvent des squelettes complets ou partiels, des ossements isolés, des fragments d’os et des dents, mais aussi des tissus mous : organes, peau, embryons, ainsi que des parties modifiées ou transformées en objets [dcms, 2005].

2Cet article présente deux exemples de restes humains conservés dans des musées slovènes et sujets à controverses, même si, pour l’instant, ils n’ont guère attiré l’attention des chercheurs. Le premier objet est une lanière de peau humaine exposée dans le musée régional de Celje [1]. Bien que son histoire ait été peu étudiée, cette pièce a acquis une position de choix dans les collections permanentes, défiant tous les codes de déontologie qui se sont succédé pendant plus d’un siècle. Le second objet, exposé à Ljubljana dans le musée ethnographique de Slovénie, est une tsantsa, une tête réduite appartenant à un Jivaro ou, plus précisément, à un Shuar d’Amérique latine.

3Nous examinerons comment certains musées tentent d’esquiver le dilemme posé par la conservation de ces objets. Car les problèmes éthiques s’accordent mal avec la nécessité actuelle d’attirer le public et son goût du spectacle. Le corps humain est en effet devenu la pièce muséographique par excellence, celle qui amène le plus de visiteurs. Ce qui, bien sûr, reste le principal objectif des musées.

Confusion éthique

4Dans le passé, les chercheurs ont souvent entrepris de collecter des restes humains. Ils y étaient encouragés par les musées qui toujours à la recherche de pièces susceptibles d’attirer les visiteurs, manifestaient du même coup un désintérêt brutal pour les savoirs et les sentiments de l’Autre [Simpson, 1996 : 176]. Au xixe siècle, ces restes humains étaient présentés dans le cadre d’expositions ethnographiques qui, dans un esprit évolutionniste, racontaient au public occidental de belles histoires sur les progrès de la culture depuis les peuples « primitifs » jusqu’au « monde civilisé », exaltant ce faisant la domination de l’Europe sur le reste de la planète [Clifford, 1996 : 265]. Poussés par la curiosité, les chercheurs se justifiaient souvent en invoquant une nécessité toute pragmatique. Dans son journal intime, Franz Boas reconnaît qu’il n’a eu aucun plaisir à voler des ossements dans les tombes, mais que « quelqu’un devait le faire » [Rohner, 1969 : 88].

5Ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du xxe siècle que les sans-voix ont commencé à se faire entendre. Refusant d’être réifiés, ils ne voulaient plus qu’on les traite comme des objets d’observation et de recherche [Simpson, 1996 : 3-4]. En outre, ils ont clairement expliqué leur position au public et aux musées, les informant qu’ils n’acceptaient pas de voir les dépouilles mortelles de leurs ancêtres exhibées dans les vitrines de parcs à thèmes, fussent-ils pédagogiques. Véritable dilemme éthique parce que extrêmement chargée en émotions, la question de rendre ou non ce type de pièces est devenu l’un des problèmes les plus importants et les plus controversés de la muséographie contemporaine.

6Le clivage entre partisans et opposants de l’exposition des restes humains résulte de points de vue totalement divergents. Les uns se réclament de l’approche dite scientifique et soulignent la nécessité d’« éclairer l’humanité » ; les autres défendent le point de vue autochtone et demandent que l’accès aux biens d’un groupe soit limité et réglementé, et que ses ancêtres puissent reposer en paix [Simpson, ibid. : 171]. Tous les membres de la communauté des ethnologues et des anthropologues sont soumis aux mêmes normes éthiques, si bien que leurs codes de déontologie (par exemple celui de la American Anthropological Association) ne reconnaissent pas la position propre aux ethnologues et anthropologues travaillant dans les musées. Quand ils recommandent de respecter l’individu, son intimité et sa dignité, ces codes se réfèrent à des personnes vivantes et l’on peut seulement supposer qu’ils accordent les mêmes droits aux personnes décédées. Mise à part l’opinion extrême exprimée par Thomas Jefferson selon laquelle « les morts n’ont aucun droit », on peut dire que les chercheurs contemporains ont renoncé aux restes humains pour des raisons éthiques, par respect de la personne humaine, reconnaissant le droit à une sépulture décente. Toutefois, les anthropologues et les ethnologues de musée, ainsi que les musées en tant qu’institutions, ne sont pas encore tout à fait prêts à les suivre. Rien d’étonnant donc à ce que les codes de déontologie des musées n’abordent pas la question de savoir s’il est acceptable de conserver et d’exposer des restes humains, et se contentent de se demander comment les traiter correctement.

7Le code de déontologie de l’icom témoigne clairement de la position dominante des musées sur ce point. Il affirme en effet que les musées peuvent conserver des restes humains et des objets sacrés à certaines conditions : s’ils sont « présentés conformément aux normes professionnelles et tiennent compte, lorsqu’ils sont connus, des intérêts et croyances de la communauté, du groupe ethnique ou religieux d’origine » [icom, 2006 : 4, 3]. Les recherches consacrées aux vestiges humains et aux pièces investies d’une valeur symbolique particulière, ainsi que leur mise sous vitrine, sont soumises aux mêmes critères et aux mêmes exigences. Ces objets doivent être exposés « avec le plus grand tact et dans le respect de la dignité humaine de tous les peuples » [ibid.]. Les demandes de retrait par les communautés d’origine doivent être traitées « avec diligence, respect et sensibilité » [ibid. : 4, 4]. Ainsi, non seulement l’icom ne déclare jamais explicitement dans son code de déontologie l’exposition des restes humains comme inadmissible, mais il tient un discours déshumanisant en les classant dans la catégorie des objets ou des artefacts.

8Même en acceptant une définition large de l’éthique, il ne fait aucun doute que l’attitude des musées envers les communautés exigeant que ces vestiges leur soient rendus n’a souvent rien d’éthique. C’est pourquoi, au cours des dernières décennies, on a tenté de régler le problème en cherchant un accord entre les parties. Une loi sur la protection et la réhabilitation des tombes autochtones amérindiennes, intitulée nagpra (Native American Graves Protection and Reparation Act), a été signée en 1990. Cette loi affirme que tout musée ou université des États-Unis d’Amérique, qui possède une collection contenant des objets et des restes humains appartenant à des peuples indigènes, doit fournir à ces derniers des informations détaillées sur leurs conditions de conservation. Le texte indique également aux membres de ces communautés la procédure à suivre pour que les vestiges humains ou certains objets sacrés leur soient rendus [Haas, 1996 : 2]. En 2005, un guide est consacré au traitement des restes humains dans les musées [dcms, 2005]. Ce document unique affirme clairement qu’ils possèdent un statut particulier : leur acquisition, leur conservation et leur exposition doivent se faire avec le plus grand sérieux et s’accompagner de toutes les précautions nécessaires. Dans le chapitre dédié à leur exposition, les auteurs conseillent aux musées de se conformer aux attentes des visiteurs, suggérant ainsi qu’il serait peu judicieux d’enlever ces pièces des vitrines. Bien que le document ne propose pas de les retirer, il plaide néanmoins pour que les vœux des communautés concernées soient respectés. Il conseille également aux musées de définir clairement les raisons pour lesquelles ils conservent et exposent des restes humains, et d’accompagner leur exposition d’explications appropriées.

9À l’évidence, pour l’instant, les musées ne sont pas prêts à rendre ces vestiges et préfèrent les traiter en respectant une certaine éthique. Mais le débat a incontestablement provoqué le retrait de certaines « pièces » parmi les plus critiquables, comme le pénis amputé d’un aborigène australien, conservé au British Museum jusqu’en 1990, ou le « représentant » des San du Botswana exposé au musée Darder de sciences naturelles de Banyoles en Espagne [Simpson, 1996 : 174]. Toutefois, de nombreux musées continuent d’exposer des restes humains tout en présentant des excuses, sans cesse réitérées. Peu d’entre eux seraient prêts à admettre qu’ils le font aussi pour d’autres raisons que l’éducation et la science. Selon Ann Brothers, l’attrait et le mérite d’un musée tiennent principalement à ce qu’il expose le « réel » et offre ainsi quelque chose qui peut être considéré comme parfaitement authentique : c’est ce qui stimule l’imagination des visiteurs [2001 : 27]. Par conséquent, estime-t-elle, le corps humain ne peut pas être remplacé par des photos, des textes ou des modèles anatomiques. Le « réel » excite cette curiosité, si précieuse pour les musées, qui « doit être cultivée et encouragée » [ibid. : 28]. Si Brothers approuve ouvertement le recours au sensationnel, c’est qu’elle pense qu’il apporte autre chose. Les restes humains nous aident également à mieux nous connaître et peut-être même à comprendre ce que signifie « le fait d’être humain » [ibid. : 29].

10L’argument le plus solide en faveur de l’exposition de ces vestiges serait ainsi que l’éthique peut être sacrifiée ou subordonnée au désir de connaissance. Toutefois, si les musées et les chercheurs souhaitent vraiment agir pour le bien de l’humanité, les erreurs du passé ne devraient pas se répéter. En fin de compte, il ne s’agit pas seulement des droits des vivants, mais aussi des droits des personnes dont les restes se sont retrouvés dans des musées, pour y devenir des objets d’exposition au terme d’un processus de recontextualisation [Shunmugan, 2003 : 20]. Le musée fonctionne en effet comme une machine à réifier [Pearce, 1996 : 100] : il transforme avec succès tout ce qui relève du domaine personnel et privé en objets de science [dos Santos, 2003 : 37].

Le corps : déshumanisé, réhumanisé

11La déshumanisation d’un individu s’effectue selon des principes très simples qui, selon Gudrun Dahl et Ronald Stade, sont une conséquence inattendue de la rupture postmoderne [2000 : 166]. Celle-ci impose en effet de placer l’objet muséographique dans le contexte du colonialisme. Toute l’attention est focalisée sur le passé, si bien que l’objet exposé semble se résumer à une origine et à une destination finale, le musée : il n’a en propre ni histoire ni existence [Appadurai, 1996]. Or les restes humains subissent le même sort, ce qui pose encore plus de problèmes puisque, dans leur cas, c’est toute la vie d’une personne qui est réduite à sa mort, sans guère de scrupules. Dans l’univers de simulacres, selon Jean Baudrillard, où plus rien n’est « réel », pas même les pièces de musée, le corps humain, qui reste unique dans sa singularité (exception faite du clonage, bien sûr), est l’un des derniers refuges d’une « réalité » réelle et non simulée. Dans ce monde fluide de la postmodernité, dépouillé de toute référence fixe, on ne cesse de s’interroger sur la différence entre le « réel » et l’« irréel », le « vrai » et le « factice » [Baudrillard, 1994].

12La fascination devant l’« authenticité » du corps humain n’a rien de moderne, bien au contraire. Elle nous fait remonter aux foules se rendant dans les lieux où les restes de saints étaient conservés et exposés. Mais pourquoi les hommes sont-ils encore (ou peut-être même davantage) fascinés par les corps de personnes inconnues visibles dans les musées ou expositions ? Il semble que les cadavres qui, d’une manière ou d’une autre ont été préservés de la décomposition, soient devenus des objets sacrés, une façon de célébrer et de rendre un culte au corps humain en son individualité [Walter, 2004 : 484]. La fascination pour ces corps exposés et l’intérêt du public sont l’expression d’un plaisir mêlant voyeurisme et exhibitionnisme. Le visiteur apprécie d’autant plus la singularité de cet Autre anonyme offerte au regard, qu’elle pourrait être la sienne, son propre corps ne présentant pas moins d’intérêt que celui qui se trouve derrière la vitrine. Or, cette fascination pour le corps d’un autre recouvre une autre déviance collective propre à la postmodernité : le narcissisme.

13Dans La société du spectacle [1967, 1994], Guy Debord écrit que tout ce qui faisait l’objet d’expériences directes est devenu un spectacle distancié, si bien que le public a soif d’émotions fortes. Les médias répondent à ce besoin (en particulier la télévision) en diffusant des reportages cruels dans les actualités et en programmant des films qui s’écartent parfois du « bon goût » individuel ou social. Qu’en est-il alors des musées en tant que moyen de communication de masse [Hooper-Greenhill, 2000 : 35-53] ? Peuvent-ils rivaliser avec les médias contemporains et conserver un « public » ? Oui, mais à condition d’avoir compris que les visiteurs demandent plus qu’une stimulation intellectuelle. Selon Mihaly Csikszentmihalyi et Kim Hermanson, ce sont surtout les squelettes des dinosaures et les momies qui attirent leur attention, procurant en toute sécurité les frissons d’une crainte mêlée de respect et d’excitation. D’après ces auteurs, « il s’agit semble-t-il de moyens universels de capter l’attention du public » [2001 : 153]. Avec le dinosaure, le corps humain constituerait ainsi l’objet d’exposition par excellence : sa présence même fascine et se passe de commentaire. La réalité dépasse ce que les autres médias pourraient montrer, impressionne davantage que les images du petit écran. De plus, le corps humain répond à un autre critère qui fait de lui la pièce de musée idéale : il se compose d’ossements, considérés comme les meilleurs témoins du passé car « jamais ils ne mentent ni n’oublient » [Klinenberg, 2001 : 121-136].

14S’il est vrai que les ossements ne mentent pas, on ne peut en dire autant des vivants. Certes, leurs mensonges sont généralement involontaires, mais la « vérité » concernant les restes humains exposés ne cesse de changer au cours du processus réciproque qui lie les auteurs d’une exposition, ses guides et ses visiteurs [Hooper-Greenhill, 2000 : 45]. Dans cette « cybernétique du spectacle », les visiteurs réclament une mise en scène du passé qui soit plus spectaculaire ; aussi les musées tentent-ils de satisfaire leur demande. Les vestiges humains en viennent alors progressivement à occuper une position plus en vue, tandis que les guides leur consacrent plus de temps et des commentaires plus « alléchants ». Or, pour ce type de pièces, la présentation historique classique s’avère plus ou moins hors sujet. Ignorant le passé du corps exposé, les musées se heurtent en effet à un dilemme évident : non seulement ils excluent une personne avec son histoire, mais, en manquant à leur mission, ils altèrent également l’image du musée comme « école divertissante ». Voyons à présent comment deux musées slovènes affrontent ce dilemme.

La lanière de peau humaine du musée de Celje

15Quand le visiteur entre dans la salle principale du musée régional de Celje, son regard se porte d’abord sur le célèbre plafond, censé briller « comme une précieuse couronne au-dessus des richesses rassemblées et exposées par le musée » [Cvirn et al., 1993 : 51]. Aussi imposants soient-ils, ces quelque 140 m [2] de monument d’art du début du xviie siècle sont toutefois, pour certains, éclipsés par une autre attraction, une lanière de peau humaine exposée à l’entrée de la salle. La vitrine, dont le numéro d’inventaire est le 1, renferme en effet un rouleau de peau brunâtre et desséchée, qui se termine à l’une de ses extrémités par un pouce et à l’autre par un petit orteil.

16Mais comment cette lanière s’est-elle retrouvée dans un musée et comment et pourquoi cet « objet » a-t-il été fabriqué ? Aucun cartouche susceptible de répondre à ces questions ne l’accompagne. Même le guide des collections ne consacre que quelques lignes à cette « pièce insolite et étonnante », seulement pour dire qu’elle provient du monastère chartreux de Ži?e [ibid. : 54]. Une explication un peu plus fournie figure dans le premier guide consacré en 1889 à ce musée : il s’agirait d’« un triste vestige datant de l’époque des tortures judiciaires » [Museal-Vereines, 1889 : 24]. L’ouvrage donne également des détails sur la procédure qui aurait permis de la prélever sur le corps du supplicié. On commençait par trancher le pouce de la main droite, puis on découpait une lanière de la largeur d’un doigt, qui était ensuite arrachée à partir de ce doigt, en passant par-dessus l’épaule droite et l’occiput, jusqu’au pied gauche, dont le petit orteil était lui aussi sectionné. Le guide précise également qu’il s’agit d’« un exemple unique » dans les collections de l’Empire autrichien, mais sans rien dire sur la date de l’événement ni sur le tortionnaire ou la personne qui avait été punie de cette façon. Pour en savoir plus, il faut chercher ailleurs.

17Professeur de théologie et conservateur ecclésiastique, Avguštin Stegenšek a consacré tout un ouvrage aux monuments d’art du diocèse de Lavant. Dans le second volume qui porte sur le doyenné de Konjice, on peut lire que la lanière exposée au musée de Celje « était découpée sur les malfaiteurs dans l’ordre des moines de Ži?e » [1909 : 204]. L’information est toutefois aussitôt démentie par l’auteur qui ajoute : « Mais ce ne sont que des inventions oiseuses et mesquines, les chartreux n’ayant en effet pas le droit de juger les malfaiteurs, qu’ils devaient remettre au tribunal de Zbelovo, seul habilité à prononcer la peine de mort ; ils se chargeaient seulement de la basse justice, traitant les litiges mineurs. Et même dans ces cas-là, le juge n’était pas un moine mais un laïc, spécialement engagé et rétribué, les terres de la Chartreuse relevant de sa juridiction » [ibid.].

18Ce type de tribunal devait observer un certain code juridique. Le principal de ces codes, en basse Autriche, est celui de l’empereur Maximilien, daté de 1514 et complété en 1532 par le code pénal de Charles Quint, la Constitutio Criminalis Carolina, aussi appelée la Caroline. Il comportait un règlement des punitions valable pour tout l’Empire germanique. Publiées en 1574 par l’archiduc Charles II, les règles judiciaires pour la Styrie se fondaient largement sur celles de la Caroline, tout comme le fera le code de procédure pénale de Marie-Thérèse d’Autriche, la Constitutio Criminalis Theresiana de 1768, dite la Thérésienne. Du xvie au xviiie siècle, les châtiments et les tortures qui s’inspiraient de ces codes pouvaient également se conformer aux coutumes et aux décisions des tribunaux locaux qui, en dépit de leurs compétences limitées, influençaient fortement la jurisprudence [Studen, 2004 ; Vilfan, 1996].

19Les punitions et les supplices décrits dans la Caroline et la Thérésienne font certes preuve d’une ingéniosité, d’une inventivité et d’une cruauté des plus extrêmes, mais aucun ne consiste à découper une lanière de peau [Dolenc, 1935 ; Studen, 2004 ; Vilfan, 1996]. D’après la Caroline, le voleur avait les doigts, la main ou même le nez coupés, tandis que, selon la Thérésienne, les malfaiteurs étaient expulsés du pays, le dos marqué au fer rouge [Studen, 2004 : 46-47, 50].

20Comment cette lanière s’est-elle alors retrouvée à la chartreuse de Ži?e puis au musée régional de Celje ? Avguštin Stegenšek nous fournit peut-être la réponse quand il décrit les invasions ottomanes. Les Ottomans ont attaqué le monastère une première fois en 1494, emportant avec eux le prieur et deux moines, puis en 1528 (et selon certains documents, également en 1531). Le prieur Andrej a été capturé alors qu’il se rendait à l’assemblée générale et assassiné à cette occasion [Zelko, 1984 : 18], c’est-à-dire à la réunion capitulaire [Mlinari?, 1991 : 247]. D’après plusieurs sources, Andrej aurait été « passé par l’épée avec plusieurs autres moines » [ibid.]. Selon une unique source, les Ottomans auraient assailli les frères par surprise alors qu’ils travaillaient dans les ateliers du monastère et les auraient torturés, tuant également des moines dans l’église, avant de pendre Andrej à une corde au-dessus de l’autel. Stegenšek décrit ainsi les supplices infligés au prieur : « Comme il refusait de renier sa foi, il a été torturé et a été ainsi reconnu comme martyr par l’ordre. Ils l’ont frappé au visage en se servant de leurs poings et de pierres, faisant jaillir le sang de son nez et de sa bouche. Ils lui ont arraché la peau en la faisant rouler par-dessus sa tête comme une couronne et, pour finir, ils l’ont transpercé avec une hallebarde » [ibid. : 238]. Stegenšek précise que cette méthode a également été utilisée pour torturer d’autres frères de la chartreuse, ce qui a interrompu l’arrivée de nouveaux moines et réduit leur nombre. Selon lui, l’invasion ottomane est responsable du déclin progressif du monastère de Ži?e, qui a alors commencé à se dégrader « à la fois financièrement et moralement » [Zelko, 1984 : 19].

21La lanière exposée aujourd’hui au musée de Celje pourrait ainsi provenir de l’un des martyrs exécutés dans la chartreuse par l’armée ottomane, qui l’aurait laissée en guise d’avertissement et que les moines auraient conservée comme une relique. Cette explication donne raison à Stegenšek quand il assurait que la cruauté prêtée aux chartreux n’était qu’« inventions oiseuses et mesquines » [Stegenšek, 1909 : 204].

22Une autre explication est toutefois possible. Dans le chapitre consacré aux affaires judiciaires du monastère, Stegenšek suggère que, « concernant les litiges mineurs », les moines de Ži?e pouvaient prononcer des jugements dans leur juridiction et disposaient même de leur propre juge à cet effet [ibid.]. Or, d’après Andrej Studen, les délits mineurs étaient le plus souvent traités par le droit coutumier, qui laissait parfois la part belle à l’improvisation [2004 : 43]. Ainsi, à Ljubljana, en 1620, un voleur de bétail attaché à une colonne de pierre (une sorte de pilori) a eu l’oreille coupée, tandis qu’en 1637, un tailleur a également reçu des coups de bâton et a eu le nez tranché [ibid. : 46-47]. Il n’est donc pas exclu que, loin de sortir de l’imagination de tortionnaires ottomans, l’idée de découper une lanière de peau, afin de stigmatiser et mutiler à jamais un coupable, ait été une invention locale.

23Quoi qu’il en soit, la pièce exposée au musée de Celje est extrêmement fascinante, même si personne n’a encore réussi à trouver des informations plus précises sur son origine. Les faits historiques aussi solides soient-ils importent peu pour ce type d’objets, qui en réalité s’en passent très bien. La pièce elle-même est suffisamment intéressante et étonnante pour susciter de nouvelles histoires sans aucun fondement scientifique. Chaque visite, chaque rappel de ses origines permet aux guides et aux visiteurs d’ajouter une pièce à la mosaïque toujours changeante de sa légende. L’histoire se change en mythe en même temps que le mythe devient histoire. D’après un guide du musée de Celje, les visiteurs s’attardent longtemps devant la vitrine qui contient la lanière, en particulier les écoliers. C’est également l’occasion pour les enseignants de parler des châtiments infligés dans le passé et de les comparer aux pratiques actuelles dans un but pédagogique.

24Cette lanière fait partie d’un corps humain et c’est ce qui incite le public à venir la voir. La fascination qu’elle exerce s’appuie sur un processus d’identification empathique, soutenu par le récit de son histoire présumée. Ainsi s’estompe la limite entre l’objet exposé et le sujet qui le contemple, l’évocation de la torture inscrivant cette histoire dans le vif de la conscience. Sans ce « reste de réalité » – un morceau de corps humain – une expérience aussi intense aurait été impossible.

Les têtes réduites du musée ethnographique de Slovénie

25La tsantsa fait partie d’une curieuse exposition, située dans la section du musée ethnographique de Slovénie consacrée aux pays non européens et appelée Réflexion de mondes lointains. Après avoir traversé la présentation de l’Afrique et de l’Amérique du Nord, le visiteur découvre une autocritique du musée sur son fonctionnement, ainsi que sur son rôle dans la création de stéréotypes culturels et de rapports de hiérarchie, de subordination et d’hégémonie. Selon les auteurs de ce texte, les objets générateurs de stéréotypes peuvent également servir à les déconstruire. C’est en effet le but recherché par le musée en exposant deux tsantsa, des têtes humaines réduites par des Indiens d’Amérique du Sud, les Jivaro ou Shuar d’Équateur.

À l’écart de l’exposition générale du musée ethnographique de Slovénie, une alvéole accueille les têtes réduites (photographie de l’auteur)

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À l’écart de l’exposition générale du musée ethnographique de Slovénie, une alvéole accueille les têtes réduites (photographie de l’auteur)

26D’après Michael Ames, le public se dispense souvent de lire les textes qui accompagnent les pièces [1986 : 76]. Ainsi, les visiteurs qui ont assisté à la visite guidée de l’exposition au même moment que les auteurs de ces lignes, ont préféré écouter le guide, tandis que les enfants se précipitaient sans attendre vers l’espace fermé où les deux têtes étaient exposées. Tous étaient manifestement fascinés par les tsantsa ; en particulier les garçons qui pressaient leurs parents de venir voir « comme les têtes sont petites », tandis que les femmes et les filles s’en détournaient avec dégoût. La lecture du texte qui explique leur préparation et leur origine, ne faisait qu’accroître la fascination ou la répulsion chez le visiteur : « La tsantsa était préparée de la façon suivante : le guerrier commençait par inciser la peau depuis le sommet du crâne jusqu’à la nuque, afin de pouvoir la décoller. Il la faisait ensuite cuire dans de l’eau additionnée d’herbes pour la renforcer et la nettoyer. Puis il la suspendait à une baguette et il recousait l’incision dans la peau qui avait rétréci. Après l’avoir remplie de sable brûlant, il cousait soigneusement la bouche et les autres ouvertures du visage tout en prenant soin de ne pas en déformer les traits. Au terme de la procédure, la tête avait perdu environ un quart de son diamètre initial. Pendant qu’il préparait la tsantsa, le guerrier récitait des prières et des formules magiques afin que l’énergie vitale du guerrier mort s’apaise et passe dans son propre corps. Il prêtait une attention particulière aux cheveux, aux sourcils et aux poils, considérés dans la culture shuar comme le siège du pouvoir guerrier. »

27Destinée au grand public, cette description omet bien sûr certains détails, mais nous renseigne sur la fascination exercée par les tsantsa. Ainsi, à la fin du xixe siècle, dans l’imagination européenne, la culture jivaro se résumait aux têtes réduites. L’intérêt des Européens pour ces têtes remonte aux années 1860, quand ceux-ci ont commencé à faire du commerce avec les tribus Shuar [Rubenstein, 2004 : 16]. À cette époque, la chasse aux têtes, qui était d’ailleurs la raison principale de l’escalade de la violence entre tribus, avait lieu de plus en plus souvent [Steel, 1999 : 745-746]. Elle se produisait en effet au moins une fois par mois et les expéditions comptaient plusieurs centaines de guerriers armés [ibid. : 754]. Seul le commerce des tsantsa permettait aux Jivaro de se procurer des armes à feu, ainsi que d’autres produits précieux occidentaux comme des machettes et des étoffes. L’engouement pour les têtes était tel qu’il a modifié le déroulement des raids. Enrique Vacas Galindo rapporte en 1895 qu’en raison de cette demande croissante, le chef des Shuar avait ordonné à ses guerriers de tuer tous leurs ennemis sans considération d’âge ni de sexe, à l’exception des jeunes femmes, puis de tous les décapiter pour faire des tsantsa avec leur tête. Ces consignes attestent d’un dévoiement de la pratique traditionnelle qui excluait les femmes et les enfants, dénués selon la croyance shuar de l’esprit belliqueux nécessaire. La préparation d’une tsantsa permettait en effet de s’approprier, en l’enfermant, l’énergie vengeresse du guerrier dont on réduisait la tête [ibid. : 755]. Les tsantsa ont continué longtemps encore de s’échanger contre des armes, jusque dans la seconde moitié du xxe siècle, contribuant ainsi à entretenir le cercle vicieux des représailles. L’intérêt qu’elles suscitaient a également inspiré de nombreux taxidermistes qui se sont mis à utiliser les cadavres anonymes des hôpitaux et des morgues. Ils ont même fabriqué de fausses tsantsa, avec des peaux de chèvre ou de singe, qu’ils vendaient ensuite pour des vraies.

28Dans l’exposition du musée ethnographique, les tsantsa sont présentées comme des « objets » appartenant à une culture autre et différente, alors que l’intérêt qu’elles suscitent fait en réalité partie intégrante de la « culture occidentale », ce qui n’est pas mentionné. Le musée Pitt Rivers d’Oxford, par exemple, a établi à partir des préférences de ses visiteurs les plus jeunes une liste des dix pièces les plus populaires. Or ce sont les tsantsa qui occupent la première place [Wylie, 2005 : 174]. De nos jours encore, certains collectionneurs fanatiques sont prêts à débourser plusieurs centaines de milliers de dollars pour l’une de ces têtes. L’un d’entre eux, Bill Jamieson, en garde plusieurs exemplaires parfaitement authentiques dans une sorte de cabinet de curiosités, ainsi qu’un certain nombre de contrefaçons dans une coupe à fruits sur la table de son salon. L’attrait qu’elle suscite est tel qu’une photo de tsantsa a figuré un temps sur les paquets de corn flakes de la marque Kellogg’s. Elle a également fait une apparition dans le roman d’Herman Melville, Moby Dick[2]. Au milieu des années 1950, les petits Américains pouvaient commander sur catalogue une tête réduite en caoutchouc : envoyée par la poste pour la modique somme d’1,5 dollar elle remporta un franc succès.

29La tsantsa est restée malgré tout associée aux Jivaro, même si leur culture, qui n’a bien sûr jamais été figée, s’est mise à changer rapidement dans les années 1960. En 1969, le gouvernement équatorien a interdit la chasse aux têtes et leur vente [Steel, 1999 : 753]. Néanmoins, pour certains membres du peuple shuar, la tsantsa demeure l’élément (imposé) d’une identité encore revendiquée au xxie siècle, par des migrants notamment. Toutefois, ils « ne voient pas dans ces têtes la représentation de ce qu’ils sont (puisque eux ne réduisent pas les têtes), mais bien la représentation de ce qu’ils ne sont pas » [Rubenstein, 2004 : 18]. Ou de ce qu’ils ne sont plus : ce sont leurs ancêtres qui étaient des réducteurs de têtes. Les tsantsa offrent ainsi aux Shuar actuels un symbole matériel et visible de leur identité en tant que peuple avec une histoire, si bien que certains d’entre eux ne s’opposent pas à leur exposition dans les musées [ibid. : 18].

30Cela étant, le fait d’exposer ces pièces contribue également à figer la culture jivaro dans le passé. Kenneth Hudson fait justement remarquer que « personne ayant un peu de bon sens n’irait penser que les Italiens d’aujourd’hui se comportent comme les Romains du temps de César ou de Cicéron ; pourtant, beaucoup de gens ont l’impression, voire la conviction, que certains peuples, disons au Ghana, suivent de nos jours encore les coutumes qu’ils pratiquaient il y a cent ans ». Or, ajoute Hudson, ce sont les musées qui entretiennent cette perception totalement fausse [1991 : 459].

31La tsantsa en est ainsi venue à incarner le « tout abstrait » de la culture des Shuar [Clifford, 1996 : 60]. Englobant le passé et le présent, elle force les Autres à demeurer dans le présent ethnographique [Simpson, 1996 : 35], dans un temps et un monde qui n’est pas le Nôtre [voir Fabian, 2002, 2006]. Un objet muséographique est le représentant d’une culture et, aussitôt étiqueté comme tel, il devient une pièce « typique » de cette culture. À ce titre, il apporte des réponses à la question de savoir ce qu’il en est de vivre dans un certain lieu à une certaine époque [Dahl et Stade, 2000 : 160]. Autrement dit, le texte qui accompagne l’objet exposé fait également office de déclaration sur la culture tout entière [Baxandall, 1991 : 34].

32Comme le montre bien l’exemple du musée ethnographique, la décision d’exposer les tsantsa est le fruit d’une réflexion approfondie et d’un compromis. Pour preuve, les rédacteurs des textes d’accompagnement ont tenté d’éviter le piège du présent ethnographique. Malgré tout, ils n’échappent pas complètement aux stéréotypes et présentent les Amérindiens comme habitant le monde de l’Autre. On peut ainsi lire sur l’un des textes d’accompagnement : « la tête n’est pas le siège de la pensée, c’est le cœur ; la tête n’est qu’un exécutant ». En d’autres termes, les Autres sont complètement différents de Nous. Replacer ainsi la tsantsa dans le cadre d’une leçon sur les dangers des stéréotypes et des partis pris, ce qui est déjà en soi un objectif des plus louables, met le visiteur en garde, quoique de façon un peu étrange, contre ses propres préjugés. Toutefois, cette manière de procéder présente l’inconvénient d’escamoter le problème posé par l’exposition de restes humains. Ce problème éthique a en effet seulement été abordé dans le cadre de discussions internes, au lieu de faire l’objet d’un véritable débat public. Ces discussions ont dû être très animées à en juger par la façon dont l’exposition ne s’offre pas directement au regard du visiteur. C’est d’ailleurs ce que préconise le guide pour le traitement des objets dits « sensibles » dans les musées [dcms, 2005], quand il engage le personnel à bien préparer le public avant de le mettre en présence de vestiges humains. Il recommande d’exposer ceux-ci dans des espaces séparés ou cachés, un conseil suivi ici. Toutefois, cette touche éthique vise à ménager la sensibilité des visiteurs, et non à manifester du respect envers la personne transformée en objet et exposée au musée. En enfermant les tsantsa dans un espace séparé, le musée ne protège pas les restes mortels de personnes déshumanisées, il les donne à voir ; celui qu’il protège ce faisant, c’est le spectateur. En même temps, cette approche peut produire un effet complètement différent. La vitesse à laquelle les visiteurs traversent une exposition (quand ils ne sont pas guidés par un spécialiste) montre à quel point il est difficile pour un musée d’attirer et de retenir l’attention du public [Dahl et Stade, 2000 : 163]. Un espace fermé est ainsi l’occasion et le moyen idéal de fixer un peu plus longtemps son intérêt sur un objet. Traitées comme des pièces exceptionnelles qui méritent des soins tout particuliers, les têtes réduites acquièrent ainsi une aura d’autant plus grande qu’elles occupent un emplacement unique parmi les autres pièces du musée [dos Santos, 2003 : 40].

33Ainsi, dans les musées, la diffusion de l’information reste-t-elle sélective, soumise pour l’essentiel à l’autorité des experts. Il suffit d’explorer la réserve pour comprendre à quel point chaque musée est tributaire du passé : il doit composer avec les objets dont il a hérité, mais aussi avec les idéologies qui ont présidé à leur collecte [Haas, 1996 : 9]. Pour autant, les préférences et les engagements personnels de ceux qui travaillent aujourd’hui dans les musées sont également à prendre en compte. Quand il met en scène une culture, quelle qu’elle soit, le récit muséographique ne présente pas les objets banals du quotidien. Tout le monde ou presque, le public comme les personnels du musée, leur préfère des objets inhabituels ou exceptionnels [Dahl et Stade, 2000 : 160], qui attirent l’attention des visiteurs, fascinés par tout ce qui est « réel », « authentique » et « spectaculaire ». C’est pourquoi les musées ne sont pas encore prêts à renoncer à l’exposition des restes humains (alors même que l’éthique est l’un des sujets les plus discutés actuellement dans le milieu scientifique). De plus, comme l’éthique est une vertu cardinale, ils tentent de montrer qu’ils la mettent en œuvre dans leur travail, même si nombre de visiteurs ne l’interprètent pas ainsi.

34La véracité est également valorisée. Elle s’incarne, pour ainsi dire, dans les objets muséographiques les plus « réels » : les restes mortels du corps humain. De telles pièces sont censées légitimer le discours du musée qui s’appuie sur leur « réalité » pour être sûr de pouvoir affirmer dire le « vrai ». Paradoxalement, ces mêmes pièces attestent également de la sujétion des musées à la contemporanéité et à ses intérêts, donnant à voir leurs choix sélectifs et leurs illusions. Il n’est donc pas étonnant que, devant ces corps exposés dans les vitrines, des questions se posent. Les sociétés contemporaines ont-elles vraiment besoin de musées ? Et ceux-ci peuvent-ils toujours se prévaloir du nom de « cathédrales laïques » ou même encore, la conscience tranquille, se donner en exemple ?

35Pour terminer, la question reste posée : quel avenir attend les objets muséographiques contestables qui, dans les musées slovènes, « gardent » encore l’entrée ou la sortie des expositions ? Les principes éthiques pourraient, semble-t-il, finalement l’emporter et les tsantsa être retirées des vitrines. Toutefois, il ne s’agira pas (seulement) de manifester du respect envers les morts et de réhumaniser l’exposition, mais d’obéir au code de déontologie qui exige du musée qu’il conserve et protège les objets dont il a la charge. Bien qu’elles n’aient pas été exposées très longtemps, les têtes sont en effet devenues grises sous l’action d’un champignon. Si l’éventualité de leur retrait est envisagée avec sérénité, pour la lanière du musée de Celje, la question n’a toujours pas été abordée. Serait-ce parce qu’elle résiste mieux aux assauts du temps que les tsantsa ? ?

36Traduit de l’anglais par Sylvie Muller, smtrads@orange.fr

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Mots-clés éditeurs : Slovénie, restes humains, fascination, musée, éthique

Date de mise en ligne : 11/03/2012

https://doi.org/10.3917/ethn.122.0271

Notes

  • [1]
    Troisième ville de Slovénie, Celje est la capitale de la Basse-Styrie dans le centre est du pays [NdT].
  • [2]
    Ismaël, le narrateur, la reçoit de Qeequeg, un « sauvage », en signe d’amitié [NdT].

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