Notes
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[1]
Cet article est le produit indirect d’une thèse sur les clubs de vacances. Lors d’enquêtes de terrain, certains lieux festifs parisiens sont évoqués de façon récurrente dans les discours des vacanciers. Des mécanismes sociaux comparables sont potentiellement à l’œuvre dans les discothèques et les clubs de vacances étudiés.
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[2]
Les observations qui constituent la base de cet article s’étalent sur une dizaine de soirées dans ces lieux pendant un an. Les profils sociaux rencontrés ont largement confirmé celles effectuées lors des enquêtes de terrain dans des clubs de vacances (lors de deux soirées, j’ai d’ailleurs rencontré des vacanciers des villages de vacances étudiés).
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[3]
Les termes entre guillemets renvoient aux qualificatifs employés sur un des sites Internet sur les soirées parisiennes (myxte.com) qui a, également, produit un système de classement à l’instar des classements hôteliers. Sur ce site sont attribuées quatre étoiles aux lieux étudiés (sur les huit discothèques célèbres que fiche ce site, seules les deux étudiées ont ce niveau de sélection et cette note).
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[4]
Le physionomiste, communément appelé le « physio », est celui qui filtre les entrées selon les critères de la maison.
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[5]
L’administrateur de la Star m’explique que pour obtenir une carte de membre du Club il ne s’agit pas de payer une cotisation. Il faut venir régulièrement, se faire connaître non seulement de l’administrateur mais aussi du directeur de la boîte (ce qui implique de réserver régulièrement une table avec une bouteille d’alcool de soixante-dix à six cents euros), et enfin, si possible, venir accompagné de jolies filles.
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[6]
Néanmoins, à la différence des clubs strictement fermés, il existe une possibilité d’entrer sans être parrainé et sans avoir la carte de membre en fin de semaine (le mardi presque tout le monde peut entrer car c’est un simple piano-bar). Il faut réserver une table au restaurant de la Star qui se trouve au-dessus du night-club. La sélection s’opère par l’argent : pour être membre, il faut être un client régulier qui réserve une table ; pour entrer par le restaurant, il faut payer un repas supposé coûteux (la façade, proche de l’Arc de triomphe, est luxueuse et les menus ne sont pas affichés à l’entrée). Pour autant, il y a des marges de manœuvre : en fait on peut y dîner pour quarante euros. Or le restaurant et le night-club étant mitoyens, les clients du premier ont accès au second. Lorsque l’on est admis aux Arcades, il n’y a pas d’entrée à payer. Il faut seulement payer deux euros par article au vestiaire. Sans consommation, une soirée dans l’une des discothèques les plus sélectives de Paris revient à deux euros. « Jouer le riche » n’est pas synonyme de richesse, ce qui explique aussi la composition sociale des lieux.
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[7]
Entretien réalisé le 5 décembre 2003.
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[8]
Inscription qui se trouve en bas de l’invitation à la soirée et bien souvent affichée à l’entrée des discothèques.
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[9]
À ce sujet, on peut se référer à la théorie durkheimienne de la socialisation et notamment au processus de régulation ou d’harmonisation des passions [Durkheim, 1960]. On peut aussi penser que l’objectif de ces systèmes de sélection est de minimiser les « échanges réparateurs » entre les clients [Goffman, 1973b : 137].
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[10]
La Star peut accueillir quatre cent cinquante personnes alors que les Arcades peuvent accueillir jusqu’à sept cents personnes. Dans ces lieux, les débordements de la clientèle étant très rares, les vigiles sont peu nombreux (environ six à la Star et sept ou huit aux Arcades) et cantonnés à l’entrée de la boîte et à celle du « carré vip ».
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[11]
Professions toujours « en sursis », ils bénéficient d’une installation dans la vie qui reste relativement soumise à la conjoncture fluctuante de leur secteur. Ceci les rend potentiellement plus sensibles aux modes festifs d’une population non installée. C’est également dans ces endroits qu’ils peuvent espérer multiplier les relations non professionnelles avec des clients potentiels.
-
[12]
Il est très difficile de faire des entretiens formels dans ces lieux. Les boîtes de nuit ne sont pas propices au dialogue. C’est lors de contacts informels qu’on a pu recueillir quelques informations sur les différentes trajectoires. Bien sûr, elles ne sont pas exhaustives des publics des lieux.
-
[13]
C’est l’expression employée pour désigner le type de clientèle d’un club à proximité caractérisé également par une ambiance « rallye, jeune » où « la veste est fortement conseillée » et la « clientèle jeune » (site Internet myxte.com).
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[14]
La personne en question était un ami avec qui j’étais entré ce soir-là.
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[15]
Leur comportement réservé vis-à-vis des filles de leur classe s’oppose aux attitudes « entreprenantes » qu’ils adoptent envers les filles de la boîte (inconnues, donc sans enjeu ni conséquence) [Pinçon et Pinçon-Charlot, 1989]. La découverte du conjoint a plutôt lieu dans des lieux privés et réservés aux classes supérieures [Bozon et Héran, 1987].
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[16]
À la différence des soirées salsa qui autorisent un rapprochement immédiat des corps par la danse et où « [l’]on peut voir dans certains mouvements effectués par un couple de danseurs de salsa un mime de l’acte sexuel » [Ruel, 2000 : 173].
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[17]
L’« espace personnel » et la « place » dans la terminologie goffmanienne permettent de comprendre que selon les circonstances l’espace physique dont dispose tel ou tel agent varie [Goffman, 1973a : 43].
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[18]
Jean-Claude Kaufmann décrit un processus similaire concernant les jeux de regards homme/femme sur la plage [Kaufmann, 1995].
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[19]
Le corps féminin, considéré comme une marque diabolique pendant des siècles, semble être exalté aujourd’hui comme un « véritable fétiche érigé au centre du temple de la consommation marchande » [Bihr et Pfefferkorn, 2002 : 273].
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[20]
« Le laisser-aller est antinomique de l’élégance, et celle-ci est une affirmation permanente du rapport cultivé au monde et à son propre corps, en quelque sorte une manifestation publique de sa force et de sa détermination, comme si ce refus de la décontraction était inhérent aux positions socialement dominantes, la première place devant aussi se justifier par la distance à l’égard du commun » [Pinçon, Pinçon-Charlot, 1998 : 37].
1Les discothèques étudiées [1] se situent l’une, sur les Champs-Élysées (les « Arcades ») et l’autre, non loin de l’Arc de triomphe (la « Star ») [2]. Ces boîtes de nuit figurent parmi les plus renommées de Paris. L’ambiance y est « branchée, business ». Leur accès est réputé d’autant plus dur que l’une (la Star) est considérée comme « l’un des plus beaux lieux de Paris » où se rencontrent les « plus belles femmes de la capitale » et l’autre (les Arcades) comme « l’un des clubs les plus sélects de Paris [avec] une clientèle sublime, un décor kitsch », dans lequel il est « difficile de ne pas trouver au moins une célébrité à l’intérieur » [3]. Boîtes « branchées », elles accueillent des célébrités de la chanson (comme Jennifer Lopez), de la télévision (comme Karl Zero), du cinéma (comme Samuel Le Bihan), du foot (comme Robert Pires), etc., et sont d’autant plus sélectives qu’y sont présentes ces stars.
2Ces « paradis sociaux », fondés sur l’ostentation de la richesse et sur la célébrité médiatique, fascinent et attirent des publics sensibles à ces critères de réussite sociale : côtoyer des stars (c’est un peu comme « en être »), « jouer le riche », fréquenter des femmes répondants aux canons de beauté reconnus pour les hommes ou être accompagnées des figures masculines de la réussite économique pour les femmes.
3Il ne suffit pas de faire la queue et de payer son entrée pour y accéder. À la différence de nombreuses discothèques, être accompagné de filles n’entraîne pas automatiquement l’entrée. Inutile de discuter avec les « videurs » : la cooptation passe par la sélection qu’opèrent les « physio » [4]. Maîtres de la sélection des entrants, ils évaluent la « présentation de soi » [Goffman, 1973a : 9] en fonction des exigences de l’institution. Dès lors, on peut se demander pourquoi et comment ces lieux produisent une forme d’« enchantement » social, et de quoi est fait ce dernier.
Les principes de sélection
4L’accès à la Star est soumis à une sélection en amont : il faut être inscrit nominalement sur une liste et/ou avoir une carte de membre [5]. Comme pour tous les « clubs privés », l’admission suppose un parrainage. Il faut connaître quelqu’un qui « en est » et qui accepte de vous faire entrer avec lui. Bien sûr, ce privilège ponctuel n’implique pas la possibilité d’y retourner seul à un autre moment : il s’agit d’éviter les comportements de « passager clandestin ». Le travail du « physio » est précis : il consiste à vérifier la présence sur la liste des noms de ceux qui ne sont pas des habitués (cette liste peut aussi être un moyen de refouler les tentatives des clients socialement inopportuns) [6].
5À l’entrée des Arcades, le « physio » élit sur place les clients au profil adéquat et exclut les autres. Il n’y a pas de carte de membre, mais il peut y avoir un parrainage lorsqu’un habitué (doté du « profil » adéquat) a un invité. La sélection est néanmoins drastique : elle repose sur l’évaluation du niveau des ressources financières des prétendants. Alors que peu de monde attend devant l’entrée de la Star (en raison du système de sélection préalable), la foule des prétendants aux Arcades occupe une partie du trottoir des Champs-Élysées, de minuit et demi à trois heures du matin, les vendredi et samedi soir. Inutile d’être bien situé dans la file d’attente : tout ici est question d’apparence, il faut être conforme aux critères implicites appliqués par le « physio ». « Le corps fonctionne donc comme un langage par lequel on est parlé plutôt qu’on ne le parle » [Bourdieu, 1985 : 51]. Les soirées privées sont fréquentes avant l’ouverture à un public plus large : arriver trop tôt est la marque d’une méconnaissance des horaires. Il faut également adopter l’attitude d’un habitué des lieux : ainsi est-il préférable de se tenir en retrait de la foule afin de signifier son assurance d’être élu. Le « cela va de soi » que confère la distance avec la foule, indicateur de détachement et de confiance en soi, est un repère pour le « physio ». Pour les heureux élus, la corde de velours rouge est ôtée par le vigile. Ils passent les arcades au compte-gouttes (cinq ou six personnes au maximum), renforçant la mise en scène d’une sélection rigoureuse. Déambulant dans un long couloir – métaphore de la sélection –, ils prennent pleinement conscience de l’espace franchi entre l’ensemble des individus ordinaires et l’élite restreinte, protégée, dont ils font partie.
6Lorsque la sélection indirecte par parrainage fait défaut, la sélection physique revient au premier plan. Deux filles, âgées de vingt-six ans, l’une équatorienne, l’autre colombienne, étaient invitées à une soirée à la Star via leur école de commerce (mba e-business) [7]. Munies d’un carton d’invitation offert par une des entreprises qui sponsorisent la soirée, habillées convenablement pour les lieux, elles arrivent devant le vigile qui les rejette. L’une demande pourquoi : pas de réponse. Elle insiste et finalement, avec un air méprisant, un autre videur lui répond : « Vous êtes trop petites pour la clientèle ! » Dans ce cas, la garantie apportée par le carton d’invitation est insuffisante. Le bien-fondé de la cooptation est remis en cause. Ainsi, le parrainage ne fonctionne que s’il répond également aux critères d’évaluation physique et de présentation de soi exigées (« Tenue correcte conseillée. La direction se réserve le droit d’admission » [8]). Les femmes doivent correspondre aux normes de la beauté féminine (et notamment ici la grande taille). Comme tout processus de cooptation réussi, le parrainage repose sur l’intégration, par les tuteurs, des canons convenus.
7Ces systèmes de sélection qui visent à réguler les comportements [9] sont-ils les seuls à viser un « relâchement » des contrôles dans les limites prescrites par l’institution ? L’autocontrôle propre à l’ethos bourgeois ne vient-il pas renforcer ce fonctionnement [10] ?
8Parmi les conditions du relâchement, l’anonymat a un statut ambivalent : il ne peut pas jouer totalement sa fonction de protection [Jarvin, 1999] dans la mesure où les « élus » sont sélectionnés sur des critères (supposés ou réels) de pouvoir d’achat ou esthétiques, et ne sont en fait pas totalement des inconnus. Dans ce « beau monde », les excès (liés à l’alcool, à la drague ou à la violence physique) sont rares. De nombreux clients (surtout à la Star) exercent des professions où les qualités relationnelles jouent un rôle important : consultants [Villette, 2003], financiers ou professionnels de l’information, c’est là qu’ils rencontrent leurs pairs et leurs clients potentiels. Il s’agit pour les uns et les autres de faire bonne figure, d’associer à l’« apparence » la « manière » adéquate de se tenir afin de produire une « façade individuelle » cohérente et ajustée à l’institution [Goffman, 1973a : 31], et ce d’autant plus pour les habitués.
9Par conséquent, si l’anonymat permet virtuellement de jouer d’autres rôles sociaux que le sien, de diversifier les présentations de soi, les marges de relâchement sont néanmoins réduites en raison de l’interconnaissance réelle ou potentielle entre certains clients, de l’autocontrôle propre à l’ethos bourgeois et du système de sélection à l’entrée.
Argent masculin, beauté féminine
10Les différenciations dans les tenues vestimentaires restent très contrôlées dans leurs excentricités. Les marques à la mode (Dolce Gabbana, Louis Vuitton et Guess par exemple) sont largement représentées. Les vêtements sont coûteux (il faut compter environ 1 500 euros pour une veste Marithé François Girbaud par exemple). Autrement dit, le premier critère de reconnaissance de cette population est l’apparence onéreuse des tenues : il exclut les hommes de catégories sociales moyennes ou populaires ; il faut au moins avoir l’air d’être riche. Cette richesse se décline en plusieurs styles qui renvoient à différents types de clients.
11D’une part, il y a ceux qui sont installés professionnellement : ils ont entre vingt-cinq et quarante-cinq ans ; ils exercent des professions libérales, pratiquent des métiers liés au consulting, à la vente, aux finances ou à l’information [11]. Ils sont vêtus de façon plutôt classique (chemise, pantalon cigarette et veste de marque). Ce sont les gros clients.
12D’autre part, il y a ceux qui sont en voie d’installation. Âgés de dix-huit à vingt-cinq ans environ, ils se répartissent en deux sous-groupes : les « branchés » (veste en cuir Marithé François Girbaud avec des insignes, jeans Diesel déchirés, travaillés, délavés), étudiants en communication, en école de commerce ou dans une école artistique (design) [12] et certaines fractions de la « belle jeunesse des quartiers de l’Ouest parisien » [13] (cheveux longs avec une grande mèche sur le côté, chemise rayée, veste en daim, pantalon et chaussures classiques, petite écharpe de légionnaire) qui se sont échappées de leur site de prédilection, à deux rues des Arcades.
13Les femmes ont entre dix-huit et trente ans. Pour elles, le critère essentiel est de correspondre aux canons de beauté reconnus du moment. La réputation de la boîte repose, pour une bonne part, sur elles. Le capital physique étant la ressource clé de la sélection, il donne à des filles de couches populaires la possibilité d’y accéder (sans un investissement financier excessif dans les vêtements). Sous ce rapport, la situation des hommes est très différente car, même en l’absence d’un physique « idéal », les ressources économiques et sociales constituent un droit d’entrée.
14Cette différence entre hommes et femmes aide également à comprendre la hiérarchie implicite entre les clients, fondée sur l’argent investi, la régularité de la fréquentation et la célébrité. Des espaces sont réservés aux habitués : le « carré vip » de la Star, par exemple, est fermé à la plupart des clients. Entrer dans cet espace peut être compris comme un rite d’institution [Bourdieu, 1982]. La frontière entre les exclus et les élus est marquée par une corde de velours rouge gardée par un vigile qui sélectionne les entrants : les stars et les gros clients y ont accès.
15Les privilèges que confère cette élection sont révélateurs du fonctionnement des lieux. J’ai pu observer une scène significative. En passant par le couloir des toilettes, un homme n’appartenant pas au « carré vip » [14] a pu s’y introduire, grâce à une porte dérobée non gardée par un vigile. Il a dansé au milieu des quelques danseurs. L’administrateur de la boîte passe et lui serre la main avec un grand sourire. Introduit dans le cercle des élus, même s’il ne le connaît pas, il se doit de le saluer, supposant que s’il s’y trouve, c’est qu’un client important a dû l’inviter. Au moment de partir de la Star, il l’arrête et lui offre un verre au bar. Tant d’attentions à son égard ne peuvent s’expliquer que par le repère que constitue l’espace réservé du « carré vip ».
Les formes de relâchement des contrôles
16La population la plus installée détient une sorte de capital d’ancienneté. Réserver une table est une façon de rompre avec le relatif anonymat qui préexiste (surtout aux Arcades), reconstituant ainsi un espace privé dans un lieu public, et, de ce fait, de se différencier. À la Star, la distinction suprême consiste à avoir une table dans le « carré vip ». Aux Arcades, le « carré vip » n’est pas formalisé par la présence d’un vigile et d’une barrière symbolique : on trouve des groupes d’hommes valorisés par le privilège de disposer d’espace dans un lieu où cette ressource est rare et par l’ostentation économique (achat de bouteilles d’alcool). En revanche, s’il est admis, toléré, voire encouragé, que ces groupes masculins offrent des verres d’alcool à plusieurs filles en échange de leur compagnie, des attouchements déplacés seraient à la fois sanctionnés par les filles et par les vigiles. La drague est indirecte : offrir un ou plusieurs verres constitue une sorte d’invitation dans un entre-soi vécu dans un lieu public ; ainsi se constituent des groupes temporaires où les invitées sont plus ou moins de passage. Pour autant, il ne semble pas que les relations entre hommes et femmes aillent au-delà, dans le cadre de la boîte, de danses associées à des jeux de connivences. Faute de ressources esthético-corporelles particulières, ces hommes utilisent leurs moyens financiers pour essayer d’attirer des filles : l’achat d’alcool constitue davantage une ressource qu’une source d’ivresse, l’état d’ébriété restant très contrôlé.
17Le relâchement des conventions est plus élevé pour la majorité des clients des Arcades. La population installée y est moins nombreuse qu’à la Star : le système de sélection explique en effet des marges d’erreur plus grandes.
18La plupart des clients des Arcades ne disposent pas de tables (même si, au fil de la soirée, certaines tables et certains canapés sont désertés par leurs propriétaires du soir et deviennent accessibles à tous). L’alcool semble jouer un rôle désinhibant plus flagrant chez la « belle jeunesse des quartiers de l’Ouest parisien ». Des groupes de garçons (quatre ou cinq) arrivent souvent ivres, se croyant « tout permis » ou, plus exactement, se comportant comme si les corps féminins étaient là pour être consommés. Ils ont, en quelque sorte, l’assurance qu’elles leur sont dues. Le « cela va de soi » qu’expriment leurs attitudes assurées, souvent assorties de réussite, est cependant parfois remis en cause par l’inaccessibilité des corps féminins. Ces espaces ont pour vocation un apprentissage sexué et sexuel, sous la forme du jeu : la mixité sociale relative des boîtes de nuit apparaît comme un moyen d’« exorciser » le contrôle social permanent du milieu social d’appartenance. Le rapport avec d’autres catégories sociales peut être une expérience troublant celui qui, assuré de sa supériorité « naturelle », se voit rejeté par une fille : il peut devoir remettre en question, au moins pour un instant, sa vision de la hiérarchie sociale. Mais, dans la mesure où il ne s’agit que d’un jeu, la remise en cause de soi est provisoire et relative [15].
19De surcroît, le rapprochement des corps est limité par la rareté des danses en couple. Les quelques slows surprennent les clients : les garçons hésitent à inviter les filles. Ils supposent que le rythme lent de la musique n’est qu’un prélude trompeur à une accélération et que danser un slow risque d’être une preuve visible de la méconnaissance du répertoire musical ; par ailleurs, il peut sembler « ringard » d’inviter une fille à danser dans ce contexte [16]. En fait, on observe un continuum de rapprochements des corps : improvisations de danses collectives (à trois ou quatre) réduites au groupe d’ami(e)s et danses à deux. Chacun danse pour lui et les groupes de danseurs sont souvent constitués d’amis qui, pour ne pas paraître ridicules, se sentent parfois obligés de se caricaturer : il s’agit de montrer ostensiblement que personne ne se prend au sérieux. Les danses homme/femme sont des stratégies de séduction où le relâchement des contrôles s’opère dans ce « jusqu’où aller trop loin » qui consiste à regarder, à sentir, à se toucher légèrement. La plupart du temps, ces danses n’autorisent que les caresses sur les hanches et les épaules. Il arrive parfois que les filles écartent les jambes et dansent sur la jambe de leur partenaire, qu’elles se tournent et frottent leurs fesses sur le sexe du partenaire, danses « sexuelles » où les partenaires miment les prémices d’une relation sexuelle. Le jeu n’est pourtant que conditionnel, car dès que l’homme tente d’embrasser, d’abord dans le cou, puis sur la bouche, bien souvent les contrôles se remettent en place. « Voler un baiser » sur la bouche laisse espérer au garçon une éventuelle relation intime. Comme le note Philippe Juhem à propos des lycéens : « Embrasser quelqu’un sur la bouche c’est “sortir avec lui”, c’est-à-dire être engagé dans une relation amoureuse dont les modalités peuvent être extrêmement variables, du simple flirt à la relation sexuelle » [Juhem, 1995 : 36]. Néanmoins, une fille qui embrasse un garçon dans ce contexte reprend souvent rapidement ses distances : le jeu sensuel s’arrête à ce stade. Ceux qui s’embrassent langoureusement pendant la soirée ne vont pas nécessairement avoir ensuite des relations sexuelles. L’« espace personnel » [Goffman, 1973a : 43] [17] s’est restreint, mais le site interdit tout acte sexuel : à la différence de certains lieux de rencontres gays par exemple, il n’y a pas un espace de « drague » séparé d’un espace réservé aux « relations sexuelles » [Busscher, Mendès-Leite et Proth, 1999]. Il semble que, dans la plupart des cas, en sortant de la boîte, les contrôles ordinaires reprennent le dessus : le garçon peut essayer de prolonger le caractère extraordinaire de la soirée en invitant sa compagne à boire un verre ailleurs et en tentant de la ramener chez lui, mais il semble que cette démarche soit souvent vouée à l’échec. En fait, tout ce qui doit se passer entre hommes et femmes lors de ces soirées a lieu dans le cadre même de la boîte.
Exhibition, jeux de regards et rapprochement éphémère des corps
20Deux podiums sont exclusivement réservés aux clientes pour danser : elles s’y exhibent dans un jeu d’ostentation du corps et de la parure. Dès qu’un homme cherche à se joindre à elles, le vigile intervient pour le faire descendre. Il s’agit de se donner à voir aux autres (filles et garçons), tout en restant intouchable (plaisir de se sentir désirée par les hommes et jalousée par les femmes). Les filles portent des jeans « moulants » et/ou à taille basse qui laissent voir le haut de leur string, des minijupes, des décolletés « plongeants » ou des tee-shirts proches du corps : de façon générale, les tenues vestimentaires adoptées consistent à « montrer sans trop en montrer », il s’agit d’être remarquée sans trop en faire. Stratégie de protection et de séduction, les filles dansent souvent à deux plus ou moins langoureusement (les hommes peuvent se tenir par les épaules, mais jamais comme les filles). Le plaisir narcissique procuré par une danse plus ou moins provocante (mimant ou non un déhanchement sexuel) sur un podium ou à deux filles est associé au fait de se savoir regardée, non par tel ou tel homme, mais par le public masculin en général : l’élargissement de l’espace des possibles masculins gratifie de la satisfaction d’avoir l’embarras du choix. La jalousie provoquée chez les autres femmes par cette capacité de s’exhiber (alors qu’elles-mêmes sont incapables de le faire) est également gratifiante. « Les hommes jouent un rôle de voyeurs et les femmes un rôle d’exhibitionnistes : le corps de l’homme tend à s’y réduire à l’œil, tandis que le corps de la femme y est requis comme objet de spectacle et support fantasmatique pour les hommes, en dernière instance comme objet sexuel. Sur cette scène, pour les hommes, exister, c’est percevoir ; pour les femmes, c’est être perçues » [Bihr et Pfefferkorn, 2002 : 269].
21Dans un espace où l’autocontrôle est puissant, le regard est un moteur de la jouissance (notamment comme générateur de fantasmes) : une des formes du plaisir masculin est l’excitation que procure l’observation de ces « corps de femmes-tentation ». Le regard des hommes est aussi perçu comme une notation de la prestation féminine [18] qui peut flatter l’ego de la femme ou, au contraire, la laisser indifférente. Les échanges visuels sont sujets à des interprétations erronées de part et d’autre : les signes d’« ouverture » délivrés par les femmes sont assez subtils, il s’agit, par exemple, de suggérer par un coup d’œil rapide que le sourire ou le regard de l’homme croisé ne laisse pas indifférent ; détourner la tête, au contraire, indique le rejet de la tentative supposée de drague. En fait, il y a une sorte de continuum sémiotique qui signifie à l’homme l’inaccessibilité plus ou moins grande du « corps-objet féminin » convoité [19].
22L’apprentissage des usages du corps [20] chez les membres de la bourgeoisie, habitués à vivre dans de larges espaces, passe également par la capacité à mettre de la distance entre soi et les autres. Cette distance sociale peut se matérialiser dans l’espace physique. Dans le cas d’une boîte de nuit, le rapprochement des corps associé à la forte densité de la population réduit l’« espace personnel » [Goffman, 1973a : 43] de chacun : une forme de relâchement des contrôles réside dans la réduction volontaire de l’espace physique personnel. Le sentiment de relâchement peut être d’autant plus intense lorsqu’il s’agit d’une proximité physique avec des catégories sociales plus modestes. Mais cette tolérance éphémère du rapprochement des corps n’est envisageable que dans le cadre particulier de la discothèque. Certains tentent de se réapproprier le lieu et de créer un espace privé dans un espace public. Ainsi, ces lieux (et en particulier la Star qui fonctionne comme un club privé) peuvent être perçus comme des espaces intermédiaires entre la familiarité du monde du travail et l’anonymat de lieux festifs étrangers. L’excitation provient, pour les habitués, de ce sentiment de maîtrise et d’entre-soi qui permet de gérer les interactions en se valorisant au moindre coût psychique. D’autres jouent de cette proximité pour draguer : « plus le milieu est transitoire plus la drague peut être directe et rapide : d’une part parce qu’on dispose de peu de temps pour séduire, d’autre part parce qu’on pourra quitter ce lieu social en cas d’échec » [Juhem, 1995 : 35]. Dans les deux cas, le caractère éphémère du rapprochement des corps aide au relâchement maîtrisé des contrôles et à la limitation volontaire de l’« espace personnel » et de la « place » qui revient d’ordinaire aux membres des catégories sociales supérieures.
23En définitive, si l’« enchantement » repose sur le cadre luxueux de ces lieux, il provient tout autant de l’effet de rareté produit par des conditions d’accès difficiles. Ainsi, les différents modes de sélection et les rites d’institution contribuent à perpétuer la croyance dans la magie des lieux. Le faste, la concentration de femmes aux canons de beauté reconnus et d’hommes porteurs des signes ostensibles de la richesse sont autant d’éléments qui donnent le sentiment à ceux qui « en sont » d’être privilégiés. Pour autant, la contrepartie de cette élection est un autocontrôle relativement fort qui tend à réduire les tentations à l’état de fantasmes via le regard : croyance dans l’accessibilité des corps féminins pour les hommes et dans l’accès à la richesse et/ou à une certaine forme de célébrité pour les femmes. La jouissance associée à l’exhibition pour certaines femmes et au voyeurisme pour les hommes repose, en partie, sur cet échange implicite de fantasmes sexuels et/ou sociaux. En reproduisant les images de certaines soirées, les magazines « people » contribuent à diffuser ces fantasmes. Si bien qu’il faudrait se demander dans quelle mesure ces lieux ont aussi pour fonction de produire, à l’attention de l’extérieur, une vision enchantée de la fête des catégories sociales supérieures. ?
24* Je remercie vivement François Denord pour sa lecture attentive d’une première version de ce texte et pour ses conseils.
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- Raux Élodie, 2002, « Le jeu du “chat” et de la souris dans un cybercafé parisien », Socio-anthropologie, 11 : 12-31.
- Ruel Yannis, 2000, Les soirées salsa à Paris, chapitre « Danse et relations sociales », Paris, L’Harmattan : 158-180.
- Villette Michel, 2003, Sociologie du conseil en management, Paris, La Découverte.
Mots-clés éditeurs : bourgeoisie, club, luxe, boîte de nuit, vie nocturne, privilèges
Date de mise en ligne : 03/10/2007
https://doi.org/10.3917/ethn.062.0333Notes
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[1]
Cet article est le produit indirect d’une thèse sur les clubs de vacances. Lors d’enquêtes de terrain, certains lieux festifs parisiens sont évoqués de façon récurrente dans les discours des vacanciers. Des mécanismes sociaux comparables sont potentiellement à l’œuvre dans les discothèques et les clubs de vacances étudiés.
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Les observations qui constituent la base de cet article s’étalent sur une dizaine de soirées dans ces lieux pendant un an. Les profils sociaux rencontrés ont largement confirmé celles effectuées lors des enquêtes de terrain dans des clubs de vacances (lors de deux soirées, j’ai d’ailleurs rencontré des vacanciers des villages de vacances étudiés).
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[3]
Les termes entre guillemets renvoient aux qualificatifs employés sur un des sites Internet sur les soirées parisiennes (myxte.com) qui a, également, produit un système de classement à l’instar des classements hôteliers. Sur ce site sont attribuées quatre étoiles aux lieux étudiés (sur les huit discothèques célèbres que fiche ce site, seules les deux étudiées ont ce niveau de sélection et cette note).
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[4]
Le physionomiste, communément appelé le « physio », est celui qui filtre les entrées selon les critères de la maison.
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L’administrateur de la Star m’explique que pour obtenir une carte de membre du Club il ne s’agit pas de payer une cotisation. Il faut venir régulièrement, se faire connaître non seulement de l’administrateur mais aussi du directeur de la boîte (ce qui implique de réserver régulièrement une table avec une bouteille d’alcool de soixante-dix à six cents euros), et enfin, si possible, venir accompagné de jolies filles.
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Néanmoins, à la différence des clubs strictement fermés, il existe une possibilité d’entrer sans être parrainé et sans avoir la carte de membre en fin de semaine (le mardi presque tout le monde peut entrer car c’est un simple piano-bar). Il faut réserver une table au restaurant de la Star qui se trouve au-dessus du night-club. La sélection s’opère par l’argent : pour être membre, il faut être un client régulier qui réserve une table ; pour entrer par le restaurant, il faut payer un repas supposé coûteux (la façade, proche de l’Arc de triomphe, est luxueuse et les menus ne sont pas affichés à l’entrée). Pour autant, il y a des marges de manœuvre : en fait on peut y dîner pour quarante euros. Or le restaurant et le night-club étant mitoyens, les clients du premier ont accès au second. Lorsque l’on est admis aux Arcades, il n’y a pas d’entrée à payer. Il faut seulement payer deux euros par article au vestiaire. Sans consommation, une soirée dans l’une des discothèques les plus sélectives de Paris revient à deux euros. « Jouer le riche » n’est pas synonyme de richesse, ce qui explique aussi la composition sociale des lieux.
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[7]
Entretien réalisé le 5 décembre 2003.
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Inscription qui se trouve en bas de l’invitation à la soirée et bien souvent affichée à l’entrée des discothèques.
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[9]
À ce sujet, on peut se référer à la théorie durkheimienne de la socialisation et notamment au processus de régulation ou d’harmonisation des passions [Durkheim, 1960]. On peut aussi penser que l’objectif de ces systèmes de sélection est de minimiser les « échanges réparateurs » entre les clients [Goffman, 1973b : 137].
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[10]
La Star peut accueillir quatre cent cinquante personnes alors que les Arcades peuvent accueillir jusqu’à sept cents personnes. Dans ces lieux, les débordements de la clientèle étant très rares, les vigiles sont peu nombreux (environ six à la Star et sept ou huit aux Arcades) et cantonnés à l’entrée de la boîte et à celle du « carré vip ».
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[11]
Professions toujours « en sursis », ils bénéficient d’une installation dans la vie qui reste relativement soumise à la conjoncture fluctuante de leur secteur. Ceci les rend potentiellement plus sensibles aux modes festifs d’une population non installée. C’est également dans ces endroits qu’ils peuvent espérer multiplier les relations non professionnelles avec des clients potentiels.
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[12]
Il est très difficile de faire des entretiens formels dans ces lieux. Les boîtes de nuit ne sont pas propices au dialogue. C’est lors de contacts informels qu’on a pu recueillir quelques informations sur les différentes trajectoires. Bien sûr, elles ne sont pas exhaustives des publics des lieux.
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[13]
C’est l’expression employée pour désigner le type de clientèle d’un club à proximité caractérisé également par une ambiance « rallye, jeune » où « la veste est fortement conseillée » et la « clientèle jeune » (site Internet myxte.com).
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[14]
La personne en question était un ami avec qui j’étais entré ce soir-là.
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[15]
Leur comportement réservé vis-à-vis des filles de leur classe s’oppose aux attitudes « entreprenantes » qu’ils adoptent envers les filles de la boîte (inconnues, donc sans enjeu ni conséquence) [Pinçon et Pinçon-Charlot, 1989]. La découverte du conjoint a plutôt lieu dans des lieux privés et réservés aux classes supérieures [Bozon et Héran, 1987].
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[16]
À la différence des soirées salsa qui autorisent un rapprochement immédiat des corps par la danse et où « [l’]on peut voir dans certains mouvements effectués par un couple de danseurs de salsa un mime de l’acte sexuel » [Ruel, 2000 : 173].
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[17]
L’« espace personnel » et la « place » dans la terminologie goffmanienne permettent de comprendre que selon les circonstances l’espace physique dont dispose tel ou tel agent varie [Goffman, 1973a : 43].
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[18]
Jean-Claude Kaufmann décrit un processus similaire concernant les jeux de regards homme/femme sur la plage [Kaufmann, 1995].
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[19]
Le corps féminin, considéré comme une marque diabolique pendant des siècles, semble être exalté aujourd’hui comme un « véritable fétiche érigé au centre du temple de la consommation marchande » [Bihr et Pfefferkorn, 2002 : 273].
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[20]
« Le laisser-aller est antinomique de l’élégance, et celle-ci est une affirmation permanente du rapport cultivé au monde et à son propre corps, en quelque sorte une manifestation publique de sa force et de sa détermination, comme si ce refus de la décontraction était inhérent aux positions socialement dominantes, la première place devant aussi se justifier par la distance à l’égard du commun » [Pinçon, Pinçon-Charlot, 1998 : 37].