Couverture de ETHN_024

Article de revue

Un sacrifice bovin à Barjols (Var) ?

Exégèses et artifice

Pages 727 à 734

Notes

  • [*]
    L’auteur indique n’avoir aucun rapport de parenté avec la famille homonyme de Barjolais engagée dans la Saint-Marcel.
  • [1]
    L’étude suivante a été présentée dans le cadre de la journée d’études Le sacrifice aujourd’hui. Réflexions sur un problème de l’ethnologie classique, Aix-en-Provence, idemec, 7 mai 1999.
  • [2]
    Exaltation du village ; programme puisant dans un répertoire provençal syncrétique ; manifestation armée pour des tirs à blanc (« bravade ») caractéristique de la Provence orientale, etc.
  • [3]
    Un impératif de concision me détermine à réduire la bibliographie aux études les plus significatives ; des jalons moins importants sont posés dans le texte par des dates seulement ; je ne m’attarderai pas non plus sur ma propre interprétation des faits, pour laquelle, sauf indication contraire, je renvoie à Dossetto [1999].
  • [4]
    La fête de 1930 inaugure l’année commémorant le centenaire de la naissance du poète provençal Frédéric Mistral.
  • [5]
    Chef-lieu de l’arrondissement auquel appartient Barjols.
  • [6]
    [Cf. Dossetto, 2000a]. Je n’entre pas dans le détail de ma documentation, mais je signale que, pour un médiéviste comme Jacques Berlioz (communication personnelle), une recherche complète est nécessaire afin d’éclairer définitivement la question.
  • [7]
    La confrérie des bouchers paraît pourtant placée dans cette ville sous la protection unique de saint Aurélien [Plainemaison, 1993].
  • [8]
    Barjols se situe en dehors de l’aire des jeux taurins mais des démonstrations gardianes ont été intégrées dans la Saint-Marcel en 1950.
  • [9]
    Il n’est au reste pas surprenant que les commentaires courants émis à propos du bœuf de Barjols évoquent les analyses antiquisantes produites un peu partout au sujet des bœufs gras [Van Gennep, 1979 ; 1947 : 956-958].
  • [10]
    Contrairement à une idée reçue, le bœuf n’a jamais cuit. Je me prononce sur la première mise sur rôtissoire à partir d’un cliché de 1894.
  • [11]
    Une affecte l’arrière-train ; elle a été observée en 1954 [Marcel-Dubois, op. cit.] et j’ignore sa fréquence.
  • [12]
    En 1934, pour la même séquence, l’affiche annonçait la succession de la Marseillaise et des « tripettes » ; en revanche, aucun air n’est signalé en 1930 ; c’est dire si nous nous situons dans une période d’hésitation et de recherche.
  • [13]
    Des archives assurent que ses convictions précèdent nettement la modification qui nous occupe et la date doit aussi être notée : en 1930, en Camargue, il a été question, à grand bruit, de célébrer un sacrifice bovin sur le taurobole prétendu.
  • [14]
    La première est une publication [Molinié, 1997, effectivement paru en 1998], la seconde un rapport [Dossetto, 1998], que j’ai repris dans plusieurs articles. Me répondant sur une première version de celui-ci [1998], A. Molinié insiste sur sa distance à l’égard de ses prédécesseurs, en raison, précisément, du caractère d’actualité que revêt pour elle ledit sacrifice ; je respecte donc son souhait en procédant à une critique séparée.
  • [15]
    La paroisse de Die se prévaut aussi de la possession (ancienne) des reliques de saint Marcel.
  • [16]
    La population n’en parle pas moins au pluriel « des » reliques, cela en liaison avec l’ancienne propriété d’un corps entier, dont le souvenir a été entretenu dans la paroisse.
  • [17]
    Selon celle-ci, l’antériorité bovine revêt deux aspects : la venue d’un bœuf providentiel a sauvé Barjols de la disette à une époque antérieure à la Translation ; un banquet à base de tripes bovines est en préparation quand les reliques arrivent sur le territoire villageois.
  • [18]
    Inscription dans le programme officiel, foule de spectateurs, présence du buste reliquaire, bénédiction complexe (répétition du geste et chant – après un préambule parlé – du texte de bénédiction), « tripettes », etc. dans le second cas, contre discrétion, absence de représentation de saint Marcel et de « tripettes », bénédiction simple (geste unique et texte parlé) dans le premier.
  • [19]
    Sur le rôle de cet acteur difficile à cerner voir [Dossetto, 2000b].
  • [20]
    Dans ces deux citations, c’est moi qui souligne.

1En mai 1997, au terme d’un colloque sur l’anthropologie méditerranéenne, le bovin est apparu comme un thème susceptible de fédérer des recherches comparatives, à condition de se dégager des présupposés « minoïsants » ou « mithraïsants » qui encombrent vite la réflexion. La publication des Actes est une invitation à porter à la connaissance générale une étude évoquée dans cette conclusion [Bromberger et Durand, 2001] ; elle concerne la fête patronale de Barjols, chef-lieu de canton du Var intérieur. En effet, qui s’intéresse à cette « Saint-Marcel » [*] (dédiée à l’évêque de Die) est frappé par la bibliographie qui en traite, production étonnamment abondante et pétrie d’argumentations antiquisantes et sacrificielles [1]. Ressortant parmi des traits plus ou moins généraux [2], deux données fondent cette réputation. L’une, annuelle, est la pratique, ouverte à tous, de sauts – ou « tripettes » –, dont la formule canonique est attachée à des services religieux (complies, messes). L’autre connaît un rythme variable : c’est la participation d’un bœuf qui, un an sur trois selon la moyenne actuelle, est intégré à la procession, béni et abreuvé cérémoniellement ; il est ensuite embroché, corps dépouillé et tête intacte, pour une cuisson fictive et un partage aux modalités variées. L’animal est au cœur de recherches dont le flux, au cours plus égal désormais, a surgi en force dans les années 1930 et a fixé l’essentiel de son argumentaire dans le quart de siècle suivant. Passer au crible cette bibliographie exégétique nous conduira à examiner s’il y a réalité sacrificielle, mais sera aussi l’occasion de confronter des travaux d’ethnologues successivement occupés par le même objet [3].

Une escalade interprétative prosacrificielle

2La production qui nous intéresse émerge à un moment où la notion de sacrifice mobilise nombre d’intellectuels et où l’érudition provençale a nourri l’idée que le culte de Mithra aurait laissé un autel à taurobole en Camargue ; elle puise pourtant très peu de références dans ces travaux. La floraison des recherches sur la Saint-Marcel est en fait plus directement liée à la publicité systématique qui, dans les années 1930, lui donne une importance nationale [4]. En 1934, L’intermédiaire des chercheurs et des curieux se fait ainsi l’écho de la découverte de la Saint-Marcel par un de ses abonnés ; selon la spécialité du périodique, le jeu des questions-réponses va permettre un échange de vues entre personnes masquées par un pseudonyme. Culte de Mithra, fête du Taureau, rite romain conjuguant danse sacrée et sacrifice du Taureau zodiacal… : les éléments de ce débat indiquent assez bien le ton dominant de l’époque. De façon indépendante, É. Dermenghen [1940 mais aussi 1936], par exemple, décèle aussi un sacrifice à Barjols. Fait plus remarquable, entre l’Intermédiaire et les Archives du diocèse de Fréjus et Toulon [1935], le chemin est direct. L’éphémère revue savante éditée par l’évêché s’ouvre au dossier constitué par les chercheurs et curieux ; le prêtre éditeur forme le projet (sans suite) d’une recherche spécifique : il a d’ailleurs des échanges avec un militant actif dans la haute région, M. Joannon, dit « Provence ». Ce dernier a laissé quelques documents sur notre sujet et une synthèse non publiée – texte probable d’une émission radiodiffusée –, où il procède à des comparaisons diverses (bœufs provençaux, culte de Dionysos, sacrifice du taureau à Bel ou pratiques d’Afrique du nord). À cause d’un « autel à taurobole » conservé au musée de Riez, à quelques dizaines de kilomètres de Barjols, il se détermine cependant en faveur d’une filiation entre le culte de Cybèle et les modalités festives signalant la Saint-Marcel. Mais sa conclusion disparaît en regard de celle d’un autre érudit majeur de la Provence traditionaliste, V. Tuby (sculpteur).

3Mandaté par l’évêché de Fréjus pour maintenir les coutumes religieuses des paroisses qui en dépendent et dont Barjols fait partie, Tuby a inévitablement eu accès aux Archives du diocèse et, par là, au moins, au débat entre chercheurs et curieux. Quoi qu’il en soit, entre son analyse et le dossier antérieur, les rapports sont nombreux. Décelant, comme tant d’autres, « la fête millénaire du Taureau » dans la Saint-Marcel, Tuby unit deux héritages : le culte de Mithra, introduit – il nous explique comment – par la côte varoise, et le culte druidique avec le sacrifice à Bel d’un taureau « promené enguirlandé » avant que son sang féconde la terre et que ses viscères inspirent des présages. Signées ou anonymes, les idées de Tuby sont diffusées dans la presse nationale avec l’Illustration [1939], varoise avec le Petit Var [1941], ou plus largement provençale, par exemple avec l’Homme de bronze [1938] à Arles ; elles s’accommodent de tous les supports, comme la plaquette marquant le centenaire [1936] de la Caisse d’épargne de Brignoles [5]. Tuby est en outre présent à la radio, peut-être même aux actualités cinématographiques, et son interprétation se répercute dans les comptes rendus des festivités par les quotidiens. Elle rebondit éventuellement à l’étranger, en Suède par exemple [Biehe, 1939]. Le poids du personnage, non une argumentation plus rigoureuse, en assure le succès, de sorte que l’homme, au moins autant que son analyse, devient la cible désignée pour des adversaires eux-mêmes en désaccord ; à Barjols et à l’évêché, l’exégèse de Tuby provoque un sursaut collectif ; à travers les notes qu’il a laissées, Marcel Provence manifeste son dédain pour cette analyse, en même temps que son humeur.

4Après la guerre, dans le cadre d’une société savante varoise, l’étude de la Saint-Marcel repart cependant sur une autre base. Deux pistes nouvelles y sont mises au jour. D’une part, le Roman de la Rose (vers 5053) contient une conjonction entre le mot de « tripes » et une mention à un autre saint Marcel, l’évêque de Paris ; d’autre part, il existe une parenté euphonique entre le nom de Marcel et le vocabulaire latin de la boucherie, si bien que l’orateur (ingénieur) se demande si l’on n’aurait pas « canonisé la profession de boucher ou de tripier (“macellarius”) » [Davin, 1947]. Un archéologue et folkloriste renchérit bientôt : isolant le fragment de « Saint Marcel aux tripes », il le comprend comme le « surnom » (sic) de l’église consacrée à l’évêque de Paris et l’origine du mot de « tripettes » – peut-être par assimilation à l’ancien « tripet » (« danse endiablée »). Cela s’articule – sans que le raisonnement soit clair – sur la certitude d’un sacrifice. L’auteur en rajoute : on aurait autrefois abattu le bœuf dans l’église [Benoit, 1975 ; 1949]. En 1959 pourtant, un spécialiste de la danse revient en arrière. Il puise plusieurs données dans une importante monographie consacrée à Saint-Marcel-lez-Paris : l’existence, autour des reliques de l’évêque, d’un pèlerinage réputé au Moyen Âge ; le développement, sur le même lieu, d’un bourg industriel très ouvert aux métiers du cuir et aux boucheries ; la répercussion des activités économiques sur la toponymie, dont l’analyse sape l’interprétation de Benoit. Le Roman de la Rose exprime au contraire que les déchets des abattoirs constituent une source d’approvisionnement pour la population misérable qu’il met en scène à ce moment-là. Le reste de l’étude est pour l’essentiel fédéré par le nom de Marcel. La tradition du saint fêté à Barjols emprunte à celle de divers homonymes et en particulier à l’évêque de Paris, dompteur d’un bovin échappé des boucheries ; la voie de Paris à Lyon traverse le bourg Saint-Marcel ; bœuf processionnel et danse religieuse, ou tripudium, migrent par là vers la Provence [Louis, 1965 ; 1959]. Laissons de côté la conclusion ; même en amont, où elle paraît plus solide, l’étude illustre comment des amalgames de toutes sortes se forment autour de la fête de Barjols. Plusieurs points se dégagent d’un premier examen. Non seulement l’association du saint parisien et du bovin ne ressort pas au Moyen Âge, mais il semble qu’il faille attendre 1837 pour que le légendaire de cet évêque fasse enfin place à un taureau [Le Goff, 1977 ; 1970] ; l’existence d’un tripudium pour saint Marcel de Paris n’est pas établie (inventaires divers sur la danse à l’église) ; le terme de « tripes » qui, dans le Roman, jouxte la mention à saint Marcel est difficile à comprendre, car, au Moyen Âge, il existe deux familles de mots voisins en termes d’euphonie, les uns réunis, indépendamment de tout contexte religieux, par la notion de sauts, les autres d’entrailles [6]. Peu importe au demeurant, l’étude de Louis fournit une matière qui sera aspirée dans le courant interprétatif dominant, pour conclure sans plus de précaution qu’il y aurait réminiscence du culte de Mithra à Paris comme à Barjols [Mouraret, 1987].

1
1
Présentation du bœuf en broche en 1939. (En arrière-plan, coffrage du moteur de la broche, électrifiée cette année-là.) Cliché anonyme, tiré de Paul-Henri Vaillant avec la collaboration d’Yves Breissand et de Robert Mistre, La Saint-Marcel et les tripettes de Barjols, Barjols, Les amis de saint Marcel, 1994.

5De même qu’E. Davin, mais sans connaître forcément son analyse, B.-A. Taladoire (professeur de lettres) va aussi voir dans l’euphonie un signe de conjonction essentielle entre le saint fêté à Barjols et un bovin rituel qui lui est antérieur. Il renvoie, non à l’évêque de Paris, mais au bœuf gras de cette ville, et repère en outre un quasi-homonyme, saint Martial, qu’il donne comme protecteur des bouchers à Limoges [7]. Il introduit ces éléments dans une analyse sacrificielle où il développe en outre certains thèmes qui se profilaient antérieurement, notamment, avec le plus de bonheur, celui du tripudium. Mais il apporte surtout l’argument des « cérémonies lustrales » préalables au sacrifice, notion qui regroupe chez lui – non par la suite – la bénédiction du bœuf et son abreuvage. Connue soit par le canal des sociétés savantes, soit par une plaquette largement diffusée lors de la fête de 1954 [Taladoire, 1950 ou 1951], sa recherche devient tout de suite une référence. Objet parfois de simples paraphrases, certaines toutes récentes, elle fournit surtout le socle d’analyses explorant les directions les plus variées ; quitte à être réductrice, je signalerai quelques exemples. Le renvoi au culte de Mithra s’imposant à tout moment, il a aussi été question d’héritage indo-européen ; de traces d’un culte phallique ; d’une « fête de la lumière et de la régénération de la puissance vitale » (« Les étudiants régionalistes de Provence », association dont les travaux sont résumés par Gontard [1954]) ; d’animisme ; de culte grec ou, à cause de la présence de gardians [8], de « la double déité du taureau, du cheval (qui) garde, ou reprend son sens d’avant l’Histoire » [1955] ; du « principe de l’eau », qu’il s’agisse de l’eau fondant le développement de Barjols comme cité industrieuse [1956], ou, au contraire, de l’eau nécessaire aux cultures dont les « tripettes » évoquent la croissance [1990]. Avec Taladoire, le courant sacrificiel a trouvé un renfort universitaire, mais l’autorité même qui s’attache à son étude s’explique en partie par le fait qu’elle s’harmonise à la masse des nombreuses publications préexistantes. Au contraire, en rapportant la situation barjolaise à des sacrifices exotiques, le travail de C. Marcel-Dubois [op. cit.] n’a pour ainsi dire pas rendu d’écho en dehors du monde universitaire.

6L’interprétation qui progresse donne lieu à des productions de niveau certes variable, mais, globalement, il est licite de parler d’emballement exégétique. Celui-ci est tel qu’on en arrive à prêter à saint Marcel des compétences spécialisées qu’il n’a pas (guérison de l’épilepsie par exemple), ou même à en faire un saint « hypothétique », confondu avec un autre « personnage mitré », Mithra bien sûr [Mouraret, op. cit. : 99]. Et ce ne sont là que des illustrations, parmi de nombreuses possibles, de la précipitation avec laquelle la plupart des auteurs s’engagent dans la voie ouverte. Beaucoup d’exégèses sont donc fragiles, en raison même de l’information peu fiable sur laquelle elles portent. Point particulier, l’observation est pour ainsi dire absente de dizaines d’études. Les archives de M. Provence, par exemple, montrent qu’il a rédigé la sienne avant de venir à Barjols, en 1939 ; à son retour, il n’a apporté qu’une ou deux actualisations mineures au texte : comme c’est généralement le cas, ses vues sur la fête étaient claires avant qu’il y ait assisté. À l’exception marquante de l’enquête conduite par C. Marcel-Dubois, une documentation réelle manque donc dans toute la production passée en revue. Il convient pour cette raison d’en reprendre les principaux arguments à la lumière de l’histoire et de l’ethnographie, connues par une fresque qui s’étend du xive à nos jours [Février, 1961 ; Dossetto, 1999, 2000b], et par des coupes, en particulier en 1954 [Buyret, 1954 ; Marcel-Dubois, 1957] et 1998 (année que nous prendrons comme référence).

Où l’histoire ruine les interprétations antiquisantes

7Commençons par le bœuf vivant, dont la toilette suggère à de nombreux auteurs l’idée d’un héritage antique, et regardons-y de plus près. En 1835, il n’est fait mention d’aucun apprêt spécifique ; par la suite, les agréments se fixent progressivement, avec la dorure des sabots et des cornes (assurée dès 1912 par un cliché) et l’apport, signalé à partir de 1894, mais variable, de « rubans » : flots clairs (blancs ?) en 1924 ; frise sombre, découpée en forme de palmes sur les flancs du bœuf et grosse rosette claire entre ses cornes dans les années 1930 ; marquage bicolore actuel, élaboré, aux couleurs de la Provence, grâce à un travail de couture… Pour interpréter la décoration de l’animal et son évolution, les années 1890 méritent une attention particulière : le même homme parle alors d’animal « enrubanné » à l’occasion de la Saint-Marcel et pour l’agneau constituant le gain d’une tombola. De même, en 1835, c’est par le terme courant de « bœuf gras » qu’il est question de l’animal intégré dans la fête patronale. Autrement dit, tout au long du xixe siècle, la toilette du bœuf renvoie à des faits assez communs ; c’est bien surtout quand le décor des bêtes est devenu exceptionnel qu’il tend à s’imposer aux analystes comme une procédure de nature religieuse [9]. Mis ainsi en valeur de façon plus ou moins spécifique selon les époques, l’animal parcourt les principales rues du village et son chemin comprend les étapes de la bénédiction et de l’abreuvage. Ce dernier donne lieu à d’importants développements exégétiques comme « lavage de la langue » préliminaire au sacrifice. Aucun auteur, cependant, ne relève que la scène se déroule à une autre fontaine que la dernière du parcours (celle-ci jouxte l’abattoir). Critique plus fondamentale, il est possible de montrer comment elle s’est établie, en 1924, à partir d’une habitude paysanne. Je vois d’ailleurs un indicateur suggestif dans l’attention inégale que deux publications sacrificielles prêtent à la séquence. En 1939, elle ne figure ni dans l’exégèse de Tuby, ni dans le riche reportage photographique qui l’accompagne. Une génération seulement après sa première attestation, elle peut capter un regard neuf [Taladoire, op. cit.].

8L’argument prosacrificiel majeur est toutefois constitué par la présentation du bœuf sur rôtissoire, descripteur complexe qui combine les modalités d’embrochage et l’exécution de « tripettes » autour du tournebroche. À son propos, certaines études intègrent des considérations sur le sous-sol d’une esplanade située dans la direction de l’abattoir et cruciale dans le circuit du bœuf : l’aménagement de la place, au-dessus d’un ruisseau, a nécessité la formation d’une voûte qui a servi à abriter le mécanisme de rôtissoire, et ce détail suffit pour que l’espace souterrain en question soit reconnu comme semblable aux espaces secrets protégeant le culte de Mithra [Gontard, op. cit.]. Or, non seulement cette esplanade n’est pas si ancienne qu’il est supposé, mais la Saint-Marcel n’a pris possession de la cavité que de 1893 à 1934. Et cela ne veut pas dire qu’elle a changé de topographie en conservant des significations archaïques, car, dans le passé lointain, on chercherait en vain un scénario équivalent à celui d’aujourd’hui. Du xive (qui fournit le premier document) au milieu du xviiie (qui marque le début d’une longue interruption festive), il est certain que la fête de Barjols ne fait place à aucune déambulation d’animal. Un bœuf y apparaît au début du xixe siècle, cela pour peu de temps ; il y est réintroduit en 1893 et l’embrochage apparaît alors. La bête est préparée comme pour un rôtissage effectif [10] et ceux qui traquent les réminiscences antiques en Provence dans ces années-là [1893, 1896, 1905] la mentionnent à peine. Au contraire, l’animal sur rôtissoire attire l’attention des érudits quand il a acquis sa présentation caractéristique. Des variantes dans celle-ci ne sont pas exclues [11], mais le seuil pertinent est le renoncement à l’illusion fonctionnelle des premières fois, et quelques fêtes suffisent à dégager les traits opérant comme facteurs de célébrité : conservation de la tête intacte et des pieds avant ; position de ceux-ci, rabattus sur les cornes ; exécution de « tripettes » lors du dépôt de la broche sur la rôtissoire. L’iconographie et les affiches nous apprennent que cette conjonction date de 1939, le processus s’achevant avec l’association des « tripettes » et du bœuf [12]. Une interrogation sur l’épaisseur historique des principaux traits constitués en arguments prosacrificiels produit au total un effet décapant. Pourtant, si le feuilletage de la tradition festive ébranle une thématique postulant son caractère monolithique et son ancestralité, surgit, en liaison avec la notion d’invention, un questionnement sur celle d’intention inhérente. Les données à ce propos sont difficiles à réunir plus haut dans le temps, mais les conditions du dernier amendement restent accessibles. Pour le comprendre, il faut revenir à V. Tuby, qui fut un organisateur majeur de la Saint-Marcel de 1930 à 1939. La mise au point de la présentation du bœuf, unissant l’animal et les « tripettes » – soit des techniques d’embrochage très particulières et une pratique qui relève du culte – coïncide avec sa période d’exercice. Dans le même esprit, en 1934, l’abattoir a hébergé des « tripettes » et l’annonce des sauts sur l’affiche portait à la connaissance de tous ce rapprochement sans doute unique. En homme convaincu intervenant dans une fête déjà savamment travaillée, Tuby (sans doute avec ses collaborateurs) était certainement davantage en recherche d’authenticité que d’esthétique gratuite ou de leurre [13]. Il n’en reste pas moins qu’analyse et action se rejoignent en 1939, puisque fête et article sont prévus en même temps. Ce dernier se clôt sur une prise de vue suggestive de l’avant-train de la bête embrochée, tandis que, plus haut, un cliché montre des « bravadeurs » goguenards en train de s’agiter à ses abords, et ces photographies, implicitement, font figure d’arguments complémentaires de ceux qui sont développés dans le texte. Aboutissement de l’exégèse d’un acteur, le rapprochement bœuf/« tripettes » devient de la sorte une donnée de départ, donc une stimulation pour les analystes ultérieurs. Ainsi, l’argumentation antiquisante générale s’enrichit-elle en même temps que s’élabore la place de l’animal dans la fête.

La fragile hypothèse d’un sacrifice au présent

9Une fois balayé le thème de la réminiscence antique, il subsiste une interrogation : se peut-il qu’un sacrifice animal soit un fait d’actualité à Barjols ? Cette question se présente de façon nécessairement personnalisée, puisque, des deux recherches ethnologiques produites à l’occasion de la fête de 1998, l’une, axée sur la notion de sacrifice, peut être discutée à partir de l’autre [14].

10« Le mythe fondant le rite », Antoinette Molinié construit une version primordiale de celui-là, en articulant des thèmes étiologiques attestés indépendamment les uns des autres ; reliques intestinales de saint Marcel et tripes bovines sont liées dans la nomination des sauts pratiqués à Barjols et « c’est bien par leurs “tripettes” que le saint et le bœuf se rejoignent dans le rite comme dans le mythe » [Molinié, op. cit. : 42]. L’affirmation est difficile à soutenir. En effet, les épisodes mentionnant des entrailles, quelles qu’elles soient (bovines, caprines, humaines), sont des développements tardifs greffés sur l’énoncé de la translation fondant, à Barjols, le patronage de saint Marcel. Ainsi, quand il existe réellement des affinités entre des saints homonymes et des bovins, la thématique bovine dans la vie de l’évêque de Die – c’est-à-dire dans des versions barjolaises [15] de la Translation –, s’affirme après qu’un animal a intégré le programme de la fête patronale. Pour les « tripettes », de même, il y a antériorité de la pratique par rapport aux récits. C’est donc en fonction des usages, et non l’inverse, que se précisent les textes [Dossetto, 2000a]. Il résulte de tout cela que l’on ne peut pas décrypter la fête à partir de l’un d’eux ou de la combinaison de plusieurs ; en particulier, alors qu’un reste osseux s’offre au regard dans le socle vitré du buste reliquaire [16], il est hardi d’opposer la « chair crue et fraîche » du bœuf embroché et la « chair morte et sèche » de la relique [Molinié, op. cit. : 42]. Accordons plutôt la priorité aux faits tangibles.

11L’effigie (ou la relique) de saint Marcel et le bœuf apparaissent comme deux figures autour desquelles s’ordonnent des cortèges qui évoluent séparément, fusionnent, se rétablissent dans leur indépendance tout au long des deux jours de fête publique. À partir de cette observation partagée, l’analyse d’A. Molinié et la mienne divergent, en partie en raison de la matière sur laquelle nous travaillons. Là où je me réfère à une série de fêtes précises, sa lecture des faits est assortie d’une « description-synthèse ». Elle soumet à l’interprétation non « telle ou telle exécution c’est-à-dire un ou des cas particuliers, mais […] le rite lui-même » [Hérault, 1996 : 47]. La gêne ne naît pas tant de cette option généralisante que de la façon dont la « cérémonie-type » est élaborée ; tandis qu’elle pourrait se limiter au noyau commun de fêtes effectives, elle consiste en une fiction enchaînant des éléments tirés de célébrations différentes et parfois exclusifs les uns des autres. Le dédoublement de l’animal en une bête de parade et une bête de boucherie [1995 sq.], par exemple, ne relève pas du même état d’esprit que l’ouverture de l’abattoir pour la mort et la mise en broche du bœuf [1954] ; celle-ci ne peut se faire qu’avec un corps chaud, c’est-à-dire que jamais le bœuf ne peut être préparé un matin (que ce soit ou non pendant l’Eucharistie) s’il a été abattu la veille au soir, etc. De manière globale, sous une apparence de déroulement linéaire, A. Molinié nous conduit sans cesse d’une fête à l’autre. À l’opposé de sa présentation hors du temps, je suggère d’y inscrire les données, le mieux étant de nous centrer sur les journées qui ont été l’objet commun de nos enquêtes.

12Je note donc que le bœuf défile après le buste reliquaire et, par conséquent, que l’organisation de la procession est inverse à ce que produirait une transposition de l’étiologie défendue par l’association organisatrice de la fête [17]. Loin de répercuter un récit des origines, la composition du cortège est marquée par le fait que la Saint-Marcel s’est trouvée pendant des décennies un enjeu de politique locale. Barjols se situe dans le « Var rouge », et les antagonismes se sont concrétisés par des emblèmes. Opposé au buste sur fond d’anticléricalisme, le bœuf a été celui de la laïcité militante, et, sur cette base, moyennant une évolution que j’ai retracée, le déroulement des journées fait aujourd’hui place à un jeu significatif entre buste (ou relique) et bête, sans que cela procède de « trip(ett)es » mais de la vie du village que la fête cristallise. Qu’en est-il alors du pseudo-sacrifice ?

13J’évoquerai trois des arguments présentés par A. Molinié, deux qu’elle partage avec ses prédécesseurs, mais qu’elle coule dans le modèle hérité de Hubert et Mauss ; un qui lui est propre et par lequel je commencerai. Il s’agit du parallèle qu’elle propose avec des sacrifices animaux pratiqués dans le christianisme, et notamment avec un usage de l’Église byzantine, daté du viiie siècle. Le rapport avec la fête de Barjols ne m’apparaît pas. Ici, en effet, dans le déroulement des services religieux, le panégyrique de saint Marcel se limite à ses actes, de sorte qu’il ne saurait être question de bœuf ou de mort animale. Restent la bénédiction des bêtes, celle qui est destinée à la consommation et celle que l’on fait parader. Alors que les cérémonies s’opposent par ailleurs [18], le prêtre procède dans une même démarche commémorative, en évoquant la famine ancestrale interrompue par la venue providentielle d’un animal. Bref, aux deux moments qui mettent en scène un membre du clergé et une des bêtes incarnant « le » bœuf festif, on cherchera en vain l’équivalent de ce qui est clair dans la cérémonie byzantine. La prière qu’elle inclut expose les bénéfices espérés par les sacrifiants ; elle s’ouvre par une adresse au Seigneur auquel l’animal est immolé ; en cas de sacrifice chrétien, je vois mal pourquoi la position de destinataire de celui-là et les effets attendus par la population ne seraient pas aussi bien énoncés à Barjols. On peut se demander, en conséquence, s’il ne convient pas de renouer avec des arguments plus courants, en particulier les deux principaux – présentation peaufinée du bœuf en broche et abreuvage cérémoniel –, dont l’intervention dans un schéma théorique élaboré est pour nous secondaire. En ce qui concerne le premier, il est possible d’ajouter ceci aux informations déjà apportées : auprès de la rôtissoire, les attitudes d’intérêt spécifique observables dans le public peuvent s’expliquer, sans qu’il y ait nécessité de considérations d’un autre ordre, par des comportements généraux, dans notre société, envers les animaux [Dossetto, 2001]. Quant à la présumée cérémonie lustrale, il faut avant tout la visualiser en embrassant les abords de la fontaine. Dans ces conditions, la scène se révèle politisée par la participation du maire en écharpe. Elle prend plus précisément sens en contrepoint de la cérémonie religieuse et la succession des deux séquences, qui reflète le partage idéologique du village, montre aussi la plasticité de l’emblème animal, désormais doublement marqué [Dossetto, 1999]. Dès lors, interpréter l’abreuvage comme un préliminaire nécessaire au sacrifice revient non seulement à recourir précipitamment à l’ethnologie de l’ailleurs et de l’autrefois, mais aussi à faire fi de la prosaïque et forte réalité locale. « C’est du sens en moins […]. C’est un moins-disant empirique. » [Olivier de Sardan, 1996 : 56].

14Dénonçant une tentation courante en ethnologie du proche, celle de l’exotisation ou de l’archaïsation, J.-P. Albert [1998 : 204], occupé comme nous par l’exemple du sacrifice, conclut sur le « piège des mots » ; si l’analyste s’y laisse prendre, il « reconnaîtra un sens excessif à une dérive sémantique sans mystère » alors que « tout ce qu’on dit sacrifier n’est pas l’objet d’un sacrifice ». Dans le même sens, à Barjols, je pourrais parler de « piège des images ». De façon générale en effet, qu’ils soient communs à la plupart des interprétations ou propres à l’une d’elles, les arguments prosacrificiels ne résistent guère à un examen soutenu et un constat global s’impose. Le manque de curiosité de leurs auteurs pour le local – ici ou autre part au gré des parallèles effectués – a conduit à bâtir des démonstrations entières sur ou avec des critères formels non situés dans leur développement historique ou leur rapport au quotidien. En outre, les exégètes en cause mésestiment le bagage intellectuel des acteurs barjolais. Pourtant, imprégnés de culture classique, certains de ceux-ci ont contribué, avec le bœuf, à rehausser la Saint-Marcel dans un sens racoleur ; dès 1896, l’un d’eux évoque les bouchers par l’image de « blancs sacrificateurs » [19].

15Aujourd’hui, de temps à autre, la métaphore sacrificielle vient en secours afin de justifier la pratique locale, par exemple lorsqu’il s’agit de répondre à l’interpellation d’un journaliste. Une donnée est cependant plus intéressante en raison de son imbrication aux pratiques : le processus de quasi-appropriation de la station à la fontaine par la municipalité – l’occupation par celle-ci de ce qui était jusque-là un espace de vacuité symbolique – a pour antécédant le fait que l’érudition a repéré l’abreuvage comme l’étape festive qui échappait à l’Église ; c’était presque la désigner comme celle qui, par excellence, favoriserait le renouvellement de la place dévolue à la laïcité dans la Saint-Marcel. Autant dire que les exégèses ont laissé leur empreinte sur le terrain ou que la population tire parti de la réputation nimbant sa fête ou certaines de ses séquences.

16Restons cependant dans le domaine bibliographique afin de comparer les démarches de deux ethnologues qui se sont accordées pour reconnaître un sacrifice à Barjols. C. Marcel-Dubois et A. Molinié se rencontrent de plus dans leur méconnaissance de l’histoire (ou leur excessive confiance aux travaux d’acteurs locaux) ; l’une en conclut la fixité des usages, l’autre l’impossibilité de connaître leur genèse [Marcel-Dubois, op. cit. : 37 ; Molinié, op. cit. : 44]. Jetant ainsi un voile sur la période de formation des pratiques, elles n’échappent pas à la critique que l’on peut adresser à l’ensemble du courant sacrificiel, il est vrai plus fondée en 1998. À cette date, l’analyse d’A. Molinié n’entre plus seulement en contradiction avec la réalité révolue de la fête, mais aussi avec le savoir historique acquis (publié [Février, 1961]). Par ailleurs, se ressentant de leurs origines particulières, les travaux des deux chercheurs diffèrent au niveau de l’observation directe. Partie d’une procédure ethnographique de type inventaire, C. Marcel-Dubois, plus mesurée dans ses conclusions, fournit un compte rendu qui reste une source, quel que soit le parti théorique de ses successeurs. A. Molinié se situe dans un vaste débat sur la relation tauromachie-sacrifice ; afin de l’alimenter, elle recherche à Barjols, au motif d’une continuité culturelle dans l’espace provençal, le sacrifice exclu des courses camarguaises ; le risque interprétatif est étendu, et l’analyse excepte des faits qui lui sont contraires. En somme, si « la valeur relative des différentes interprétations ne dépend pas seulement […] de leur qualité ou de leur force intrinsèque, mais de leur bon usage en fonction de données disparates » [Lahire, 1996 : 7] ; si « l’espace épistémologique propre aux sciences sociales est à la fois intégralement interprétatif et empiriquement contraint » [Olivier de Sardan, op. cit. : 37] [20], des deux études, la seconde surtout a pour effet de nous inviter à une vigilance sans faille en matière de légitimation empirique. ?

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Mots-clés éditeurs : érudition, bœuf, interprétation, fête patronale, sacrifice

Date de mise en ligne : 03/10/2007

https://doi.org/10.3917/ethn.024.0727

Notes

  • [*]
    L’auteur indique n’avoir aucun rapport de parenté avec la famille homonyme de Barjolais engagée dans la Saint-Marcel.
  • [1]
    L’étude suivante a été présentée dans le cadre de la journée d’études Le sacrifice aujourd’hui. Réflexions sur un problème de l’ethnologie classique, Aix-en-Provence, idemec, 7 mai 1999.
  • [2]
    Exaltation du village ; programme puisant dans un répertoire provençal syncrétique ; manifestation armée pour des tirs à blanc (« bravade ») caractéristique de la Provence orientale, etc.
  • [3]
    Un impératif de concision me détermine à réduire la bibliographie aux études les plus significatives ; des jalons moins importants sont posés dans le texte par des dates seulement ; je ne m’attarderai pas non plus sur ma propre interprétation des faits, pour laquelle, sauf indication contraire, je renvoie à Dossetto [1999].
  • [4]
    La fête de 1930 inaugure l’année commémorant le centenaire de la naissance du poète provençal Frédéric Mistral.
  • [5]
    Chef-lieu de l’arrondissement auquel appartient Barjols.
  • [6]
    [Cf. Dossetto, 2000a]. Je n’entre pas dans le détail de ma documentation, mais je signale que, pour un médiéviste comme Jacques Berlioz (communication personnelle), une recherche complète est nécessaire afin d’éclairer définitivement la question.
  • [7]
    La confrérie des bouchers paraît pourtant placée dans cette ville sous la protection unique de saint Aurélien [Plainemaison, 1993].
  • [8]
    Barjols se situe en dehors de l’aire des jeux taurins mais des démonstrations gardianes ont été intégrées dans la Saint-Marcel en 1950.
  • [9]
    Il n’est au reste pas surprenant que les commentaires courants émis à propos du bœuf de Barjols évoquent les analyses antiquisantes produites un peu partout au sujet des bœufs gras [Van Gennep, 1979 ; 1947 : 956-958].
  • [10]
    Contrairement à une idée reçue, le bœuf n’a jamais cuit. Je me prononce sur la première mise sur rôtissoire à partir d’un cliché de 1894.
  • [11]
    Une affecte l’arrière-train ; elle a été observée en 1954 [Marcel-Dubois, op. cit.] et j’ignore sa fréquence.
  • [12]
    En 1934, pour la même séquence, l’affiche annonçait la succession de la Marseillaise et des « tripettes » ; en revanche, aucun air n’est signalé en 1930 ; c’est dire si nous nous situons dans une période d’hésitation et de recherche.
  • [13]
    Des archives assurent que ses convictions précèdent nettement la modification qui nous occupe et la date doit aussi être notée : en 1930, en Camargue, il a été question, à grand bruit, de célébrer un sacrifice bovin sur le taurobole prétendu.
  • [14]
    La première est une publication [Molinié, 1997, effectivement paru en 1998], la seconde un rapport [Dossetto, 1998], que j’ai repris dans plusieurs articles. Me répondant sur une première version de celui-ci [1998], A. Molinié insiste sur sa distance à l’égard de ses prédécesseurs, en raison, précisément, du caractère d’actualité que revêt pour elle ledit sacrifice ; je respecte donc son souhait en procédant à une critique séparée.
  • [15]
    La paroisse de Die se prévaut aussi de la possession (ancienne) des reliques de saint Marcel.
  • [16]
    La population n’en parle pas moins au pluriel « des » reliques, cela en liaison avec l’ancienne propriété d’un corps entier, dont le souvenir a été entretenu dans la paroisse.
  • [17]
    Selon celle-ci, l’antériorité bovine revêt deux aspects : la venue d’un bœuf providentiel a sauvé Barjols de la disette à une époque antérieure à la Translation ; un banquet à base de tripes bovines est en préparation quand les reliques arrivent sur le territoire villageois.
  • [18]
    Inscription dans le programme officiel, foule de spectateurs, présence du buste reliquaire, bénédiction complexe (répétition du geste et chant – après un préambule parlé – du texte de bénédiction), « tripettes », etc. dans le second cas, contre discrétion, absence de représentation de saint Marcel et de « tripettes », bénédiction simple (geste unique et texte parlé) dans le premier.
  • [19]
    Sur le rôle de cet acteur difficile à cerner voir [Dossetto, 2000b].
  • [20]
    Dans ces deux citations, c’est moi qui souligne.

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