Notes
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[1]
Il s’agit de la période s’étendant du xive siècle (1393-1396) au xixe siècle (1878), pendant laquelle les terres bulgares sont envahies par les Ottomans. Le 3 mars (le 19 février selon le calendrier julien) le traité de paix de San Stefano est signé, puis révisé par le Congrès de Berlin (traité de Berlin) du 13 juillet 1878. Celui-ci divise les terres bulgares en trois parties : la principauté autonome de Bulgarie, qui va de la rivière Timok à la mer Noire et comprend la région de Sofia, la Roumélie Orientale, la Bulgarie du Sud, placée sous le pouvoir direct militaire et politique du sultan, la Macédoine et la Thrace d’Edirne qui demeurent sous le pouvoir turc. La principauté de Bulgarie et la Roumélie Orientale se réunifient le 6 septembre 1885.
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[2]
Ce n’est que dans un certain sens que les monastères du mont Athos détient ces fonctions, étant donné que la diffusion systématique de l’information culturelle se révèle impossible.
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[3]
Par exemple, le petit godet qui a été fait, en 1597, par le maître Andréa de Sofia (Musée historique et archéologique de l’Église (CIAM, no 6082) et l’encensoir manuel, kadilnica-ruchka (CIAM, no 6194).
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[4]
Ce sont : la reliure de couverture, datant de 1497, de l’évangéliaire de Krémikovci, dont le dos est constitué d’une reliure datant de la fin du xvie, début du xviie siècle (ciam no 374) ; celle de l’évangéliaire de Krupnik, réalisée par maître Matey, en 1575 (musée du monastère de Rila, no 1) ; la seconde reliure réalisée par le même maître en 1581 (le dos de cet ouvrage est constitué par une reliure que fit maître Hristo Dimitrov, en 1804, pour l’église Sainte-Petka de Sofia, ciam no 23) ; celle de l’évangéliaire de Dragalevci, réalisée par l’orfèvre Velyo en 1648 (ciam no 1524) ; la reliure datant de 1719 que l’orfèvre Postol fit pour l’église Saint-Nikola-Mali de Sofia (ciam no 34) [ciam, abréviation du Musée historique et archéologique de l’Église].
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[5]
Les lignes qui suivent sont chargées d’une signification exceptionnelle reflétant la « nécessité » de se référer à l’époque de l’État autonome ; elles sont tirées de la première histoire bulgare, qui fut écrite en bulgare en 1762 par le moine bulgare Paisiy de Hilendar : « Oh, fol insensé ! Pourquoi as-tu honte de t’appeler Bulgare […] ou penses-tu que les Bulgares n’ont pas eu de royaume ni d’État ? Tant d’années, ils ont régné, glorieux et reconnus sur toute la terre et maintes fois ils ont fait payer un impôt aux Romains forts et aux Grecs sages… De toute la gent slave, les Bulgares ont été les plus glorieux, ils ont été les premiers à nommer un tzar, les premiers à avoir un patriarche, les premiers à avoir embrassé la croix, à avoir conquis le plus de terres. Ainsi de toute la gent slave furent-ils les plus forts et les plus respectés et les premiers saints slaves ont rayonné du clan bulgare et de la langue bulgare. » [Dinekov, 1972 : 42-43]
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[6]
Andrey Protich (1875-1959) est le premier critique d’art bulgare diplômé. Auteur actif, il prend également part aux processus artistiques de la première moitié du xxe siècle. Il est chercheur en art protobulgare et byzantin, administrateur et directeur du Musée d’archéologie (1920-1928), membre de l’Institut bulgare d’archéologie (1920), de diverses académies étrangères et de l’Académie bulgare des sciences (1946).
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[7]
Un exemple éloquent est le fait que, en 1904 à Saint Louis (États-Unis), la médaille d’argent est attribuée au représentant bulgare Boris Shac pour sa sculpture La lutte du christianisme contre l’islam en Bulgarie [Trufeshev, 1984 : 188].
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[8]
Les capitales du premier État bulgare (681-1018) sont successivement Pliska et Preslav ; Veliko Tarnovo celle du deuxième (1185-1393/96) ; à la séance du 22 mars 1879, l’Assemblée nationale constituante choisit la ville de Sofia pour capitale.
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[9]
Aujourd’hui, dans la conjoncture d’un changement socioculturel important, marqué par l’année 1989, le problème de l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne redevient actuel, sous la marque emblématique de l’idiome très populaire la « voie vers l’Europe » que suit la société bulgare.
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[10]
Les églises de Nesebar. Les plus anciennes datent de la période qui va du ixe au xive siècle environ.
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[11]
Boris ( ?-907). En 864, il embrasse la religion chrétienne, prend le prénom chrétien Mihaïl et convertit toute la population bulgare. En 886, il reçoit dans la capitale Pliska les élèves de Cyrille et de Méthode, créateurs de l’alphabet cyrillique. En 893, il transfère la capitale de Pliska à Preslav et introduit l’écriture slave. Il est canonisé.
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[12]
Siméon (864-927), fils de Boris. Il fait ses études à l’école de Magnaour de Constantinople. Il élargit considérablement les frontières de la Bulgarie, et son règne est appelé le « siècle d’or de la culture bulgare ». Pendant vingt-huit ans, il construit la ville de Preslav. Homme de lettres, il soutient le développement des écoles littéraires de Pliska, de Preslav, d’Ohrid.
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[13]
Un exemple très éloquent dans ce sens est que les bâtiments cités, réalisés en « style bulgare », ont été parmi les premiers à avoir été restaurés grâce aux crédits européens du projet « Belle Bulgarie » ces dernières années.
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[14]
Le « salon bulgare » date des années vingt et trente ; la décoration et l’ameublement comportent des échantillons de la culture populaire traditionnelle : broderies, céramiques, etc. Les meubles sont ornés de sculptures de style populaire. La presse des années quarante abonde en photos de la famille du tzar portant des costumes nationaux traditionnels.
1Je considère, à priori, que le signe visuel assume et réalise des fonctions d’identification, mais je ne traite pas ici d’une théorie du signe. Mon objectif est plutôt de découvrir, à partir de deux exemples bulgares, l’existence d’un prototype du signe visuel qui serait propre à assumer de telles fonctions et d’examiner quelques caractéristiques du milieu social dans lequel se jouent de tels processus d’identification. L’enjeu d’une mise en perspective diachronique est de déterminer si la fonction d’identification du signe visuel est ou non une constante culturelle, et pourquoi.
2Les deux exemples que j’examinerai sont liés à la présence des Ottomans sur les terres bulgares [1]. Le premier se situe entre le xve et le xviiie siècle et concerne la production de l’école des orfèvres de Sofia [Santova, 1989]. Le second a trait à certains processus artistiques datant de l’époque suivant la libération de 1878 et la constitution d’un État autonome, le troisième État bulgare ayant pour capitale Sofia.
Quelques précisions indispensables
3La suppression de l’État bulgare de la carte politique de l’Europe en 1393-1396 amène la quasi-disparition de la vie culturelle, y compris artistique, de la communauté chrétienne bulgare. Une importante partie de la population chrétienne est exterminée, tandis que l’autre, parmi laquelle se trouve l’intelligentsia, émigre principalement vers le nord.
4Le conquérant ottoman s’installe principalement dans les villes et avant tout dans les grandes villes. L’administration s’y déploie et les transforme en structures isomorphes de l’État ottoman. Les villages, en général, subissent peu de dommages, sauf ceux qui sont situés dans les régions isolées, en Bulgarie du Nord-Est, par exemple, où la population ottomane est assez dense ; cependant, le vainqueur ne dispose pas de ressources humaines suffisantes pour repeupler les terres qu’il a récemment conquises. La communauté chrétienne reste dominante, voire unique dans les villages. Au xviie siècle par exemple, le rapport de la population non musulmane dans le cadre du territoire ethnique bulgare, sans compter les juifs et les Arméniens, est d’environ 92,4 %, et pour la région de Sofia il est de 89,9 % [Grozdanova, 1989 : 648]. De plus, d’un point de vue structurel, le village se rattache toujours en grande partie au deuxième État bulgare (xiie-xive siècle) qui n’existe plus. L’administration ottomane intègre au sein de son appareil, et ceci durant toute son occupation, les formes indigènes d’organisation qui existent jusqu’en 1396 [Grozdanova, 1979 : 16 sq.]. Ces particularités contribuent à préserver la composition relativement stable du point de vue ethnique et confessionnel du village bulgare qui, sur le plan culturel, continue de reproduire les paramètres de sa propre culture populaire [Santova, 1984, 1986]. D’après les registres ottomans, toute la population non musulmane de l’empire, totalement privée de droits, est désignée globalement sous le terme de raïa. Il faudrait aussi ajouter que pour celle qui est assujettie dans les frontières de l’empire ottoman, vivant dans les conditions d’une opposition confessionnelle active, les processus d’identification ethnique et confessionnelle sont marqués par un signe d’égalité [Gandev, 1972, 1976]. Avant la Renaissance nationale (xviiie-xixe siècle), les signes confessionnels, y compris les signes visuels, assument et recouvrent en général les valeurs ethniques.
5Dans la réalité d’une intelligentsia et d’une haute société chrétiennes presque inexistantes, la couche culturelle qui produit, selon la terminologie française, de la culture « savante », est assumée, pour la communauté ethno-confessionnelle bulgare, par l’Église et l’ensemble des arts, ou plus généralement la culture, y étant attachés. La culture marquée par la confession continue une existence parallèle à la stratification culturelle de l’étatisme ottoman et ses institutions confessionnelles. Ce trait spécifique est en vigueur avant l’époque de la Renaissance nationale, lorsque l’élite intellectuelle bulgare commence à prendre corps.
6Les Ottomans s’étant installés, le sultan édicte l’interdiction de construire des sanctuaires chrétiens que l’on commence peu à peu à enfreindre et que l’on supprime vers la fin du xve siècle. Cette lacune de plus de un siècle dans la reproduction de centres orthodoxes sacrés, qui faisaient aussi office de centres culturels, a des conséquences à plusieurs niveaux différents et reliés entre eux : la tradition d’une transmission systématique de la maîtrise artistique d’une génération à l’autre se voit interrompue, comme l’est la connaissance de l’aspect du teche même de la création ; sont également interrompus la connaissance et le lien de la reproduction du concept idiomatique complexe ayant trait à la situation théologique concernant l’art orthodoxe : sa structure, son iconographie, etc. Il manque aussi, de façon cruciale, un milieu social et intellectuel capable non seulement de créer des œuvres sans difficultés, mais aussi de « déchiffrer » l’expressivité idiomatique orthodoxe visuelle. Des manques en résultent : les cadres créateurs, les connaissances techniques nécessaires à la création de produits de la culture « savante », le public capable de lire les signes de ces produits.
7Ces conditions conduiront à une mutation sémantique des signes culturels, y compris visuels. Dans le cadre des paramètres de la communauté bulgare orthodoxe se fondant sur une population paysanne, la culture se « folklorise ». En architecture, par exemple, en l’absence d’édifices publics chrétiens, ce processus est marqué par une tendance à la confusion : l’aspect des édifices chrétiens (y compris les sanctuaires construits après le xve siècle) s’apparente à l’architecture des maisons d’habitation. En ce qui concerne l’image, le résultat en est sa « désintégration ». Étant totalement liée au sanctuaire (les genres « laïques » ne commencent à faire surface que vers le milieu du xixe siècle) pour la période qui s’étend du xive au xixe siècle, l’image en tant que signe visuel perd son caractère idiomatique au haut degré de symbolisme, qui fut élaboré dans le cadre de l’esthétique byzantine. À l’opposé du signe visuel très concentré qui caractérise la doctrine théologique orthodoxe classique, l’image de cette époque marque une tendance narrative prononcée, allant de plus en plus vers le « récit » concret d’un événement de l’évangile, et le sanctuaire ainsi que les produits de l’ensemble des arts qui s’y rattachent se transforment en objets interprétant des messages directs, facilement déchiffrables.
8C’est la période des xvie et xviie siècles qui peut être définie comme un « moment critique » particulier caractérisant ces processus, devenant la base de l’art et de la culture de la Renaissance (au cours des siècles suivants cette tendance s’approfondit). L’absence d’un centre unique – reproducteur de la culture « savante » liée à l’Église [2] – restreint le développement des processus à un niveau local [Santova, 1997 : 43 sq.]. Dans les milieux de la communauté orthodoxe bulgare, essentiellement paysanne, se déroule un processus de « folklorisation » de l’image. D’une manière différente, mais non univoque, les processus se déroulent dans la population bulgare orthodoxe dans les conditions qui caractérisent les structures citadines dominées par les Ottomans. J’en donne un exemple significatif.
L’orfèvrerie de Sofia
9Sofia est une ville centrale pour l’empire ottoman dans la région de Roumélie. Elle est située sur la route principale (dite « diagonale ») reliant l’Est à l’Ouest ; centre commercial important, elle est le siège du gouverneur, le mirimiran ou beylerbey. Dans cette ville, grande pour l’époque, la maison de chaque chrétien est marquée par la « plaque de l’esclave », qui indique le montant de l’impôt qu’il paye [Monedzhikova, 1946 : 53]. Dans un certain sens, le marquage administratif de cette population détient une fonction de consolidation : la couche sociale la plus basse de l’empire, par le biais de la « plaque de l’esclave », se trouve unifiée et habite dans des quartiers séparés. Au xvie siècle, le professeur Stéphane Gerlach, de Tübingen, fait mention, dans ses notes de voyage, de douze églises chrétiennes et de douze prêtres [Shishmanov, 1891 : 414 sq.]. Au cours du même siècle, dans les documents administratifs ayant trait à l’église Saint-Spas de cette ville, sont indiqués le quartier Bal Pazar (« marché des cuivres »), la rue des orfèvres Kuyumdzhian sokachi, Zlatarska carshia (le « marché des orfèvres »). Dans les registres turcs, sidzhilate tefter, pour les années 1604, 1617, 1675 on trouve les noms des dirigeants de la guilde des orfèvres : Atanas Kanev, kehaia et Sava Dinov, eguid-bachia [Ishirkov, 1912 : 15, 17, 35, 57].
10Même si on ne s’en tient qu’aux données historiques citées, Sofia, au xvie siècle, apparaît comme un important centre d’orfèvrerie (le saint, qui fut canonisé plus tard, Guéorgui Novi de Sofia y fut torturé en 1515) [Dinekov, 1939 : 98]. Ce fait est confirmé par des supports artistiques qui sont restés préservés jusqu’à nos jours : des objets, liés principalement à la pratique du culte chrétien [3], parmi lesquels se détachent particulièrement six reliures d’évangéliaires, qui furent créées entre le xve et le xviiie siècle [4]. Certaines particularités présentent un intérêt spécial.
11Sur le plan plastique, les six reliures témoignent d’une même approche. Bien que le résultat final soit en relation directe avec le niveau professionnel de chaque maître, toutes ces reliures obéissent aux mêmes paramètres régissant la forme : des fonds neutres unis ou à points (situés hors du temps et de l’espace) qui ne sont pas surchargés de détails ; des silhouettes bien proportionnées (celle qui est utilisée est presque sans exception de 1/7) ; une approche monolithique des compositions.
12Ce type d’interprétation plastique peut être lié aux principes que la culture picturale byzantine connaît depuis son époque dite classique : xie-xiie siècle [Lazarev, 1947 : 104]. En témoigne une série d’exemples dont les plus anciens datent du xe et du xie siècle [Bank, 1966]. Un certain maniérisme dans la réalisation de la reliure de l’évangéliaire de Krupnik, doublé d’une impression de fragilité particulière et de raffinement lors de la construction des silhouettes, montre un agencement de traits typiques, propres à l’art orthodoxe du temps précédant immédiatement la conquête ottomane. En littérature, la période s’étendant du xe au xiie siècle est celle pendant laquelle la reliure devient un phénomène courant [Kondakov, 1902 : 183]. Ceci signifie que parallèlement à l’acceptation de la pratique de la reliure des évangéliaires au sein de la culture byzantine, cette conception plastique s’installe d’une manière pertinente.
13Le traitement plastique, révélé par les reliures de Sofia, est présent dans la région des Balkans et même plus au nord, du xe au xvie siècle environ. Cela signifie que, dans cette région avant le xvie siècle, on entretient un style rappelant l’art byzantin de l’époque suivant l’iconoclasme. Celui-ci est préservé jusqu’au début du xviiie siècle uniquement chez les orfèvres de Sofia et représente la tendance « byzantine » la plus archaïsante.
14La comparaison des œuvres de Sofia avec celles qui sont réalisées dans les autres centres célèbres d’orfèvrerie bulgare, au xviie et au xviiie siècle : situés autour du monastère de Bachkovo, de celui de Chiprovci et la ville de Vraca qui s’y rattache, confirme cette observation. Leur production s’inscrit dans le cadre des tendances générales communes, que j’ai décrites plus haut, à la reproduction des images. Tout l’espace des reliures de Chiprovci est couvert d’une ornementation végétale se faufilant entre les personnages des scènes évangéliques. Les orfèvres de « Bachkovo » « surchargent » le champ d’images, composé de petites plaques ; c’est une technique qui est propre aussi aux maîtres de Vraca. Le caractère narratif de la visualisation du récit évangélique transformé en schéma iconographique, typique de l’époque, se voit appliqué même sur l’espace restreint des reliures. La silhouette mal proportionnée devient plus rustique. Au xviie siècle, la figure cède sa place idiomatique primordiale.
15Du point de vue de la technique, pratiquement jusqu’au xixe siècle, lorsque la production est clairement empreinte des formules baroques adaptées à la région, les orfèvres de Sofia conservent la technique prestigieuse qui consiste à graver la reliure à la main sur une feuille de métal entière. Dans les autres centres bulgares, cette technique est remplacée par des procédés moins chers, et les reliures sont moulées en série. Les œuvres sont le résultat d’une bonne maîtrise de la réalisation, mais la charge sémantique de son aspect extérieur est modifiée. Place est faite à la narration : montrer tout ce que le texte évangélique dit. Et les techniques professionnelles se distancient de cette expressivité visuelle raffinée qui plongeait ses racines dans la culture byzantine. Elles demeurent en vigueur jusqu’au xviiie siècle presque uniquement pour les œuvres créées à Sofia.
16On rencontre des processus similaires dans l’iconographie. La reliure des évangéliaires fait ressortir le plus souvent deux scènes, la Crucifixion et la Descente aux enfers, ainsi que les évangélistes ou leurs symboles. La fréquence de ce schéma le fait ériger en « iconographie fondamentale » [Santova, 1984 : 11]. La Crucifixion et la Descente aux enfers, qui, à partir des viiie et ixe siècles, signifient la Résurrection du Christ [Pokrovskiy, 1892 : 398], font partie du cycle des douze grandes fêtes formant les thèmes obligatoires des sanctuaires du bas Moyen Âge [Petkovich, 1965 : 69]. L’art byzantin établit leur aspect iconographique au cours des xe et xie siècles [Pokrovskiy, op. cit. : 415], soit à l’époque où la conception plastique de l’image et la pratique de la reliure des évangéliaires commencent à s’imposer. Les deux scènes, en tant qu’unités sémantiques et thématiques du texte évangélique, contiennent, sous un aspect concentré, l’idée de la rédemption de l’humanité.
17Quant aux schémas de l’iconographie de la reliure de l’évangéliaire de Krupnik, ils ont déjà été considérés comme fondés sur le type byzantin ou faisant partie du contexte des œuvres créées probablement après le xive siècle, d’origine balkanique et slave ou gréco-crétoise [Miyatev, 1925 : 328-330]. On en conclut qu’ils ont leur source dans l’art orthodoxe post-iconoclaste qui a « fait ses classes » dans le cadre de la tradition régionale spécifique de l’époque précédant la conquête. Les œuvres de Sofia maintiennent une iconographie qui a perduré le long des siècles. L’aspect relativement uni de ce schéma persiste jusqu’au début du xviiie siècle.
18Dans la production des autres centres d’orfèvrerie à la même époque, c’est la tendance d’une « traduction » visuelle littérale du texte évangélique par le biais de diverses solutions plastiques qui s’impose, et ceci dans le champ assez restreint de la reliure. Cela signifie aussi, dans une large mesure, une « désémantisation » de l’image qui « illustre » plus qu’elle ne « marque » le texte auquel elle se rapporte.
19Ainsi, aux niveaux plastique, technique et iconographique, les reliures de Sofia plongent leurs racines pratiquement aux environs du xe-xie siècle, l’époque classique de la culture byzantine. Les reliures préservent et reproduisent ces concepts jusqu’au début du xviiie siècle, et se démarquent de toutes les œuvres analogues qui ont été créées non seulement sur les terres bulgares, mais aussi dans les Balkans. Elles imposent une ligne visuelle byzantine, archaïsante par rapport à leur époque, se trouvant ainsi, dans un certain sens, dans le rôle de signes visuels « conservateurs ».
20Pour le dire autrement, dans le contexte des profonds changements qui sont survenus au niveau des éléments d’identification du milieu orthodoxe, l’iconographie, la construction plastique et la technique classiques byzantines assument des fonctions d’identification ethnique à connotation confessionnelle. Chez les orfèvres de Sofia, elles se révèlent stables pour une longue période historique, et cette constance est suffisamment éloquente.
21Étant à priori liés à l’époque de l’État autonome [5], se développant en l’occurrence au sein de l’aire culturelle orthodoxe, les principes de visualisation ayant trait à la culture byzantine classique semblent assumer « automatiquement » des fonctions d’identification. Un exemple significatif est représenté par la reliure de l’évangéliaire de 1575, connu sous le nom d’évangile de Krupnik, qui fut commandée au maître Matey de Sofia par le métropolite Yoasaf de Krupnik. Le dignitaire ecclésiastique fait non seulement appel justement à un maître de Sofia, mais il fait ensuite don de l’ouvrage au plus grand monastère bulgare, le monastère de Rila, où sont conservées des reliques du saint national le plus célèbre, saint Ivan de Rila. En effet, l’« automatisme » qui fait assumer au signe visuel des fonctions d’identification se réalise par un rapport direct liant le signe au centre sacré historique. Ainsi, l’objet porteur se trouve enrichi de connotations sacrales annexes. C’est par son intermédiaire que se situent et le donateur et le monastère destinataire du don, tous deux identifiés par un signe visuel de prestige.
22En présence de ces changements significatifs, et notamment la désémantisation des signes visuels en circulation dans la communauté orthodoxe bulgare des limites de l’empire, il paraît indispensable d’examiner le milieu reproduisant des signes visuels d’identification « conservateurs ». Je considère, à ce propos, que la structure citadine est une circonstance d’une signification particulière. La grande ville, dans les conditions d’une domination étrangère, n’offre pas uniquement les possibilités d’un milieu d’information considérablement plus large. Elle est aussi le centre principal de l’antagonisme confessionnel, qui y trouve justement son expression la plus forte. De fait, il semble que les signes de prestige « savants » (y compris les signes visuels d’une culture confessionnelle imposée) ne peuvent rencontrer d’opposition que de signes visuels suffisamment prestigieux, liés à l’histoire de la culture qui les a produits. Derrière la marque confessionnelle, ils sous-entendent une marque ethnique. En l’occurrence, on en découvre un prototype dans les possibilités qu’offrent les principes classiques byzantins qui, de par leur essence même, se révèlent idiomatiques. Il est pourtant difficile de supposer que la raïa de Sofia soit en mesure de déchiffrer les messages originaux de ces signes. Et c’est précisément le moment où entre en jeu l’« automatisme » par l’intermédiaire duquel peuvent se réaliser les fonctions d’identification. Le signe visuel retrouve une reproduction relativement exacte de point de vue formel ; son prototype est dans la culture byzantine classique et il peut, dès lors, se transformer en marque d’identification.
La libération : le style bulgare
23« Le développement de l’art dans son intégrité datant de l’époque avant la libération fut suspendu immédiatement après la libération de la Bulgarie dont le besoin le plus immédiat était son organisation en État. Le nouvel art d’après la libération exigeait aussi d’autres conditions de création artistique. Et ce ne fut qu’après l’apparition de ces conditions que l’art du jeune État reprit son développement normal. » [Protich, 1928 : 197] Ce qu’écrit Andrey Protich [6], connaisseur et chercheur hors pair, contemporain et participant à la vie artistique des premières décennies du xxe siècle, est très significatif des processus qui accompagnèrent la création du nouvel État des Bulgares. Parallèlement à la règle quasi axiomatique de la négation presque totale de tout ce qui a précédé (« Le développement de l’art dans son intégrité […] fut suspendu ! »), caractéristique de chaque changement socioculturel important, ce jeune troisième État bulgare et son intelligentsia se voient confrontés à la nécessité de se doter de marques d’identification. Cette recherche est en grande partie influencée par ce moment spécifique lié au rétablissement de la religion orthodoxe comme religion officielle. C’est ainsi, par exemple, que les architectes Momchilov et Milanov transforment en 1901-1903 la célèbre mosquée Noire, qui avait été érigée sur l’emplacement d’un sanctuaire chrétien, en église des Sept-Saints. Une commission d’État spéciale fut créée à cet effet [7]. L’église devient l’emblème de l’institutionnalisation de la religion orthodoxe et un marqueur ethnique.
24Ces processus se déroulent de façon plus active à Sofia, qui devient la capitale [8]. La ville est une « transition entre la haute et la basse culture, entre l’Ouest et l’Est, entre la ville et le village » [Ishirkov, 1928 ; Monedzhikova, 1946 : 371]. La mise en place et en opposition des enchaînements synonymes, haute culture - Ouest - ville, d’un côté, et basse culture - Est - village, de l’autre, est un phénomène autrement révélateur. Le village est connoté de façon négative, à la fois métaphorique et ontologique ; en réalité, ceci se passera plus tard et aura d’autres motifs. Mais c’est surtout et notamment à Sofia, au cours de la dernière décennie du xixe siècle, que des architectes étrangers viennent travailler : les Autrichiens Grunanger et Yovanovich, le Tchèque Kolar, l’Allemand Meierber, etc. Ils conçoivent des édifices sur la base des leçons de la Renaissance et du baroque rococo, dans une variante caractéristique d’Europe centrale : le palais royal, l’hôtel Bulgarie, le club militaire, Slavyanska beseda, la Banque nationale, des hôtels particuliers bourgeois, Geshev, Yablanski, Sarmadzhiev, etc.
25Cette architecture de style plus largement européen devait assumer une autre fonction symbolique : placer la nouvelle capitale au centre de cette culture européenne dont elle avait été séparée pendant cinq siècles [9]. Se retrouvant en « Europe », elle pourrait vaincre plus rapidement son appartenance passée, et indésirable, à l’« Est ». Le choix des architectes et de leur culture d’appartenance obéit à cet impératif. Il est évident que pendant les années qui suivent immédiatement la libération, le fait que la Bulgarie ne disposait pas de cadres qualifiés aura aussi joué un rôle significatif. Lorsque les premiers architectes bulgares ayant fait leurs études à l’Ouest, Fingov, Koychev, Lazarov, Marichkov, Milanov, Momchilov, Nachev, Tornyov reviennent dans leur patrie, ils continuent plus ou moins ces grandes lignes tout en les enrichissant des formes actuelles du classicisme ou des leçons de l’Art nouveau dans sa variante de l’Europe centrale autrichienne appelée Wagner style.
26Ces premiers architectes rentrent en Bulgarie au seuil du xxe siècle. Cette génération développe un phénomène artistique curieux, d’une durée relativement brève, le « style bulgare », le « style vieux bulgare » ou le « style bulgare romantique ». Ce phénomène n’est pas encore bien étudié. Il n’est que mentionné dans la littérature. Englobant presque tous les domaines des arts visuels, il trouve son expression la plus brillante en architecture, où il se réalise entre 1904 et 1911 [Vasilchina, 1992 : 91], entre le début du xxe siècle et la guerre balkanique (1912). De pair avec la mise en place de l’État, la question des origines ressort en position primordiale dans l’espace culturel. Tenter de les retrouver dans ce qui a été créé aux époques précédentes est rejeté et connoté de manière négative. La presse périodique publie des séries d’articles traitant du bulgare et du national. Le plus souvent il s’agit de publications liées à l’analyse d’un fait ou d’un événement artistique. À nouveau, Protich, en dissertant sur la dichotomie fond/forme dans un article qui se transforme par la suite en une tentative d’écrire l’histoire du nouvel art bulgare, arrive à la conclusion suivante : « L’art en Bulgarie, tel que nous le possédons, a des positions établies par rapport au fond national, mais n’en a point par rapport à la forme et à la technique artistiques, privées non seulement d’une empreinte nationale, mais aussi d’une empreinte individuelle. » [1907 : 902]
27La société artistique Art contemporain, qui fut fondée en 1903, se propose comme objectif principal « d’unir pour une œuvre commune les artistes des différents domaines de l’art (architecture, peinture, sculpture et art décoratif), d’ouvrir la voie et de populariser en Bulgarie l’art contemporain [l’impressionnisme], d’étudier les germes du vieil art bulgare et de les employer dans un sens moderne » [Protich, 1928 : 193]. Ces concepts dont l’architecture est le foyer sont naturellement liés à la synthèse des arts. L’école d’État des Beaux-Arts, fondée par une loi en 1895, nommée Académie des Beaux-Arts à partir de 1921, n’a dans son corps enseignant aucun peintre ayant travaillé avant la libération. En 1908, elle s’appelle École des Beaux-Arts et de l’Industrie [ibid. : 182]. L’une des principales figures de son département « industriel » est celle du premier professeur de céramique, Stéphane Dimitrov, dont les leçons concernant le « style bulgare » sont répercutées par ses élèves jusqu’à la fin des années trente. Dans le domaine des arts décoratifs, le style bulgare se caractérise par une ornementation décorative et géométrique rappelant le Moyen Âge ; ses représentants les plus illustres sont Haralambi Tachev, qui est l’un des décorateurs de la cathédrale Alexandre-Nevski, Stéphane Badzhov, qui travaille à la restauration des églises de Nessebar, etc.
28Il convient de mentionner le lien qui peut être établi entre le style bulgare et l’Art nouveau, concernant avant tout « cette formule de perception de l’esthétique de l’Art nouveau qui stimule les interprétations “nationales” de l’Europe centrale et du Sud-Est » [Vasilchina, 1996 : 32], lien qui place le phénomène dans un contexte culturel plus vaste. Dans une certaine mesure, du point de vue ornemental, le style bulgare, s’opposant à la conception de l’Art nouveau, devient compatible avec les recherches néoclassiques européennes [ibid.].
29Où donc l’idée de « style bulgare », forgée au prix d’une démarche rationnelle par le milieu intellectuel, puise-t-elle au juste son modèle ? Quel est le signe visuel précis, parmi les signes possibles offerts par l’héritage artistique, qui pourrait assumer les fonctions de modèle digne de servir d’exemple à imiter, qui pourrait assumer des fonctions de marque et d’identification de la notion de « bulgare » ?
30Au sujet des principales œuvres illustrant le style bulgare, notamment le Bain central de Sofia, les halles, le bâtiment du Saint-Synode, la Faculté théologique et, dans une certaine mesure, la cathédrale Alexandre-Nevski, Rashenov, tout en mentionnant que pour certains monuments ce style se résume, au niveau de l’ornement, au détail, n’en est pas moins catégorique : « Les bâtiments monumentaux où l’on voit des tentatives de rapprochement avec la vieille tradition architecturale sont ornés d’effets colorés, propres à l’architecture byzantine et bulgare du Moyen Âge ; ce sont les églises de Messembria qui ont été avant tout adoptées comme modèle. » [10] [1928 : 204] Dans leur recherche du modèle qui a servi à ces monuments, d’autres chercheurs se tournent vers le premier État bulgare, vers l’« église Ronde » de Preslav (907) et établissent des parallèles directs entre les créneaux décoratifs des corniches de pierre de la cathédrale Alexandre-Nevski et des éléments (dendekuli) de l’architecture de Preslav, le style classique et imposant de l’architecture byzantine du culte ; ils se tournent aussi vers l’ornement architectural caractéristique de cette époque [Monedzhikova, 1946 : 147 sq. ; Trufeshev, 1984 : 166].
31Deux précisions s’imposent : d’une part, à partir de 1892 à Pliska, à Preslav et à Madara (centre de culte du premier État bulgare), l’archéologue tchèque, épigraphe et ethnographe réputé, Karel Shkorpil commence des fouilles systématiques et procure des informations sur cette période au milieu scientifique et au public. D’autre part, dans les premières années du xxe siècle, certains maîtres et peintres d’icônes qui ont travaillé pendant la Renaissance sont encore en vie. L’appréciation de leurs œuvres est alors dominée par une circonstance idéologique : ils sont liés à la période qui voit la domination de l’État turc, ce qui leur fait perdre toute légitimité. Leur héritage créatif sera apprécié plus tard.
32Il est intéressant de noter que le style bulgare s’inspire, à nouveau, de la période du xe siècle, période où nous avaient amenés les orfèvres de Sofia des xve-xviiie siècles. C’est le temps du premier État bulgare sous le règne de Boris [11] et de Siméon [12]. Nous nous sommes retrouvés dans les formes classiques de la culture orthodoxe et des signes visuels que Boris adopte directement pour les imposer systématiquement, après avoir été converti au christianisme par des représentants du haut clergé byzantin en 864 et avoir opté, le premier, pour l’alphabet cyrillique. Il est très peu probable que les chapelles et les deux nefs de la cathédrale Alexandre-Nevski (construite entre 1904 et 1912) soient dédiées par hasard à Boris et à Cyrille et Méthode ; la chapelle, dans le bâtiment du Saint-Synode, est aussi dédiée à Boris.
33Ce qui est curieux dans ce cas, c’est que le style bulgare s’appuie en réalité et en général sur un type de modèles byzantins qui n’ont pas bénéficié d’une période de temps suffisante pour avoir une connotation bulgare.
34Mais cela ne paraît pas vraiment indispensable. Il est bien plus important que le « point de départ » du signe visuel qui est adopté soit situé au niveau le plus élevé dans l’espace sacré, pratiquement au centre historique sacré, et cet emplacement lui permet d’assumer les fonctions d’identification nécessaires. Mais pour ce faire, les réalités historiques accompagnant le signe visuel en tant que tel (le choix du christianisme et celui de l’alphabet cyrillique) commencent de toute évidence à prédominer dans la sémantique du signe. D’autant plus qu’elles constituent une réponse suffisamment catégorique à la situation du début du xxe siècle. L’« automatisme » de la référence visuelle des orfèvres de Sofia est, quant à lui, remplacé par une argumentation rationnelle et intellectuelle. Le signe visuel investi dans des bâtiments emblématiques de la capitale peut remplir sans problème ses fonctions d’identification [13].
35Ainsi les orfèvres de Sofia, du xve au xviiie siècle, comme la jeune intelligentsia bulgare à l’aube du xxe siècle, découvrent le prototype du signe d’identification visuel à un seul et même endroit, parmi les modèles classiques de la culture byzantine. Ce lien les amenant directement aux niveaux les plus élevés du centre sacré orthodoxe, les signes visuels se voient attribuer des connotations sacrées directes, et ce fait ajoute à leurs fonctions de marques d’identification. Or, c’est ici que s’arrêtent les points communs des deux exemples.
36Les orfèvres de Sofia, vivant dans la structure citadine isomorphe de l’empire ottoman, participant ainsi à l’antagonisme des croyances sous sa forme la plus poussée, tendent à adopter un signe visuel « conservateur » pour l’époque. Reposant sur le « souvenir », l’« ancien » et la « tradition », ce signe adopte automatiquement des fonctions d’identification. La tension ethnique et confessionnelle dans la structure citadine demeure constante sous l’empire. C’est pourtant elle qui offre les conditions qui assurent la pérennité du signe visuel. Sur fond de « folklorisation » générale de l’imagerie, de la culture des Bulgares, seuls les orfèvres de Sofia reproduisent jusqu’au xviiie siècle des schémas d’iconographie, de plastique et de technique prestigieux, dont les racines remontent à la culture byzantine classique. Ce n’est que la période de la Renaissance bulgare et le changement de la situation socio-économique et culturelle qui bouleversera cela.
37Le style bulgare est un produit intellectuel « artificiel » de la jeune intelligentsia bulgare. C’est une marque d’identification créée dans les limites restreintes d’un milieu intellectuel élitaire citadin. Malgré le caractère représentatif et révélateur de ces signes visuels matériels qui se sont conservés jusqu’à nos jours, surtout en architecture, ils restent en réalité une marque limitée dans le temps. Ce n’est point par hasard que, au cours des années vingt et trente, l’idée de « bulgare » sera transformée en phénomène dit de « salon bulgare » [Vasilchina, 1996]. Il est non seulement accepté dans un milieu social plus vaste, mais on en cherchera les prototypes et les modèles dans la culture populaire traditionnelle [14], déjà définie comme une « spiritualité perdue » et regrettée, mais irrécupérable pour la culture bulgare contemporaine [Kostov, 1921 : 2 ; Miyatev, 1921 : 1]. Après avoir subi différentes modifications, cette tendance se poursuivra jusqu’à nos jours.
38Faisant partie d’une manière générale des paramètres d’une ligne d’identification ethnique et/ou confessionnelle « héroïque » ou « mythologique », en l’occurrence « sacrale », les deux exemples que j’ai cités apportent en réalité des nuances. Au niveau fonctionnel, ils dessinent diverses possibilités et formules par lesquelles le signe peut assumer et réaliser dans le temps qui lui est nécessaire ses fonctions d’identification. ?
39Texte traduit du bulgare par Kamélia Triboulin
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Mots-clés éditeurs : Bulgarie, signe visuel, identification, orfèvrerie, architecture
Date de mise en ligne : 03/10/2007
https://doi.org/10.3917/ethn.012.0275Notes
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[1]
Il s’agit de la période s’étendant du xive siècle (1393-1396) au xixe siècle (1878), pendant laquelle les terres bulgares sont envahies par les Ottomans. Le 3 mars (le 19 février selon le calendrier julien) le traité de paix de San Stefano est signé, puis révisé par le Congrès de Berlin (traité de Berlin) du 13 juillet 1878. Celui-ci divise les terres bulgares en trois parties : la principauté autonome de Bulgarie, qui va de la rivière Timok à la mer Noire et comprend la région de Sofia, la Roumélie Orientale, la Bulgarie du Sud, placée sous le pouvoir direct militaire et politique du sultan, la Macédoine et la Thrace d’Edirne qui demeurent sous le pouvoir turc. La principauté de Bulgarie et la Roumélie Orientale se réunifient le 6 septembre 1885.
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[2]
Ce n’est que dans un certain sens que les monastères du mont Athos détient ces fonctions, étant donné que la diffusion systématique de l’information culturelle se révèle impossible.
-
[3]
Par exemple, le petit godet qui a été fait, en 1597, par le maître Andréa de Sofia (Musée historique et archéologique de l’Église (CIAM, no 6082) et l’encensoir manuel, kadilnica-ruchka (CIAM, no 6194).
-
[4]
Ce sont : la reliure de couverture, datant de 1497, de l’évangéliaire de Krémikovci, dont le dos est constitué d’une reliure datant de la fin du xvie, début du xviie siècle (ciam no 374) ; celle de l’évangéliaire de Krupnik, réalisée par maître Matey, en 1575 (musée du monastère de Rila, no 1) ; la seconde reliure réalisée par le même maître en 1581 (le dos de cet ouvrage est constitué par une reliure que fit maître Hristo Dimitrov, en 1804, pour l’église Sainte-Petka de Sofia, ciam no 23) ; celle de l’évangéliaire de Dragalevci, réalisée par l’orfèvre Velyo en 1648 (ciam no 1524) ; la reliure datant de 1719 que l’orfèvre Postol fit pour l’église Saint-Nikola-Mali de Sofia (ciam no 34) [ciam, abréviation du Musée historique et archéologique de l’Église].
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[5]
Les lignes qui suivent sont chargées d’une signification exceptionnelle reflétant la « nécessité » de se référer à l’époque de l’État autonome ; elles sont tirées de la première histoire bulgare, qui fut écrite en bulgare en 1762 par le moine bulgare Paisiy de Hilendar : « Oh, fol insensé ! Pourquoi as-tu honte de t’appeler Bulgare […] ou penses-tu que les Bulgares n’ont pas eu de royaume ni d’État ? Tant d’années, ils ont régné, glorieux et reconnus sur toute la terre et maintes fois ils ont fait payer un impôt aux Romains forts et aux Grecs sages… De toute la gent slave, les Bulgares ont été les plus glorieux, ils ont été les premiers à nommer un tzar, les premiers à avoir un patriarche, les premiers à avoir embrassé la croix, à avoir conquis le plus de terres. Ainsi de toute la gent slave furent-ils les plus forts et les plus respectés et les premiers saints slaves ont rayonné du clan bulgare et de la langue bulgare. » [Dinekov, 1972 : 42-43]
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[6]
Andrey Protich (1875-1959) est le premier critique d’art bulgare diplômé. Auteur actif, il prend également part aux processus artistiques de la première moitié du xxe siècle. Il est chercheur en art protobulgare et byzantin, administrateur et directeur du Musée d’archéologie (1920-1928), membre de l’Institut bulgare d’archéologie (1920), de diverses académies étrangères et de l’Académie bulgare des sciences (1946).
-
[7]
Un exemple éloquent est le fait que, en 1904 à Saint Louis (États-Unis), la médaille d’argent est attribuée au représentant bulgare Boris Shac pour sa sculpture La lutte du christianisme contre l’islam en Bulgarie [Trufeshev, 1984 : 188].
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[8]
Les capitales du premier État bulgare (681-1018) sont successivement Pliska et Preslav ; Veliko Tarnovo celle du deuxième (1185-1393/96) ; à la séance du 22 mars 1879, l’Assemblée nationale constituante choisit la ville de Sofia pour capitale.
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[9]
Aujourd’hui, dans la conjoncture d’un changement socioculturel important, marqué par l’année 1989, le problème de l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne redevient actuel, sous la marque emblématique de l’idiome très populaire la « voie vers l’Europe » que suit la société bulgare.
-
[10]
Les églises de Nesebar. Les plus anciennes datent de la période qui va du ixe au xive siècle environ.
-
[11]
Boris ( ?-907). En 864, il embrasse la religion chrétienne, prend le prénom chrétien Mihaïl et convertit toute la population bulgare. En 886, il reçoit dans la capitale Pliska les élèves de Cyrille et de Méthode, créateurs de l’alphabet cyrillique. En 893, il transfère la capitale de Pliska à Preslav et introduit l’écriture slave. Il est canonisé.
-
[12]
Siméon (864-927), fils de Boris. Il fait ses études à l’école de Magnaour de Constantinople. Il élargit considérablement les frontières de la Bulgarie, et son règne est appelé le « siècle d’or de la culture bulgare ». Pendant vingt-huit ans, il construit la ville de Preslav. Homme de lettres, il soutient le développement des écoles littéraires de Pliska, de Preslav, d’Ohrid.
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[13]
Un exemple très éloquent dans ce sens est que les bâtiments cités, réalisés en « style bulgare », ont été parmi les premiers à avoir été restaurés grâce aux crédits européens du projet « Belle Bulgarie » ces dernières années.
-
[14]
Le « salon bulgare » date des années vingt et trente ; la décoration et l’ameublement comportent des échantillons de la culture populaire traditionnelle : broderies, céramiques, etc. Les meubles sont ornés de sculptures de style populaire. La presse des années quarante abonde en photos de la famille du tzar portant des costumes nationaux traditionnels.