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Article de revue

La nouvelle américaine : les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix

Pages 167 à 180

1Edgar Poe et Henry James d’un côté, Mark Twain et Bret Harte de l’autre, apparaissent toujours comme les grands ancêtres revendiqués par les nouvellistes ou les anthologistes contemporains, relayés par O’Henry, Anderson, Hemingway, McCullers, Welty, O’Connor, Cheever, Updike. John Barth, à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, avait ouvert l’ère de la métafiction. On trouvait à ses côtés, expérimentant avec détermination, s’adonnant à la facétie et s’essayant à l’hybridation avec l’art pictural, Donald Barthelme, William Gass, Susan Sontag, Guy Davenport. Carver, au début des années quatre-vingt, va changer totalement la donne en remettant au goût du jour le réalisme, mais un réalisme nouvelle manière dont les paramètres gardent les traces de l’expérimentation des années précédentes. Une certaine distance, une certaine ironie ; le goût des configurations formelles, le jeu avec les clichés ; de l’indétermination, du non-dit. Considérée avec le recul des ans, la gamme des écritures des années quatre-vingt est plus diversifiée qu’il n’y paraissait à l’époque. À côté de Raymond Carver, on trouve Grace Paley, Stephen Dixon, Annie Dillard ou Jayne Anne Phillips ; mais aussi Lorrie Moore, David Leavitt, Rick Bass, Tim Gautreaux, Robert Stone, Tim O’Brien, Thom Jones. Qu’apportent les années quatre-vingt-dix au paysage de la nouvelle, à ses thématiques, à ses codes narratifs, aux lois du genre ? On voit surgir de nouveaux auteurs qui donnent, avec plus ou moins de réussite, voix et visibilité à de nouvelles communautés, à de nouveaux points de vue, à d’autres cultures ou métissages de culture — Sherman Alexie ou Leslie Marmon Silko pour les Indiens d’Amérique, Bharati Muckerjee, Jhumpa Lahiri pour les Indiens d’Inde, Junot Diaz pour la République Dominicaine, Edwidge Dandicat pour Haïti, Jamaica Kincaid pour Antigua et Barbuda, Sandra Cisneros, Jess Mowry, Abraham Rodriguez Jr. pour les communautés hispaniques, Gish Jen, Ha Jin, ou Amy Tan pour la communauté chinoise. On est aussi confronté à de très jeunes auteurs qui dévoilent les comportements de sous-cultures au sein de la classe moyenne américaine ou qui affirment l’existence de contre-cultures influencées par la musique et le cinéma, cédant à la drogue et la dérive — Denis Johnson, Marc Leyner, Melanie Rae Thon. Il serait faux de dire que rien ne subsiste parallèlement des thématiques traditionnelles — la célébration de la nature américaine, la chasse aux stigmates laissés chez les individus par la violence de la guerre, la mort de l’autre ou sa maladie, la fascination pour les fous, les marginaux, les ruraux profonds qui ont les pieds enracinés dans la terre et reçoivent leurs mots d’ordre du ciel, sans oublier tout de même les éclaircies dans la tornade, espoirs levés par les rencontres éphémères. Mais qu’est-ce qui fait finalement qu’au-delà d’une idée, d’une image, d’un paysage, d’un personnage particulièrement marquants, d’une rencontre, d’une situation particulièrement émouvantes ou traumatisantes, une nouvelle frappe à jamais l’imagination du lecteur ? Son écriture bien sûr, qui sur les cordes du sensible communique du savoir, laisse entendre de la connaissance. Son écriture, c’est-à-dire un mode narratif, un rythme, un élément de défamiliarisation, un décalage, un effet de bougé qui ne se contentent pas de surprendre le lecteur mais l’affectent dans son être et le changent en profondeur. Toutes les nouvelles dont il sera ici question n’ont pas cette puissance d’affectation mais il entrera aussi dans notre propos d’essayer de comprendre pourquoi certaines l’ont et d’autres pas.

Les années quatre-vingt : le nouveau réalisme

2Qu’a donc révolutionné Raymond Carver dans l’écriture de la nouvelle des années quatre-vingt pour avoir été aussi ignoré à ses débuts et aussi adulé dans les années qui ont précédé sa disparition en 1988 ? Il a réconcilié deux choses que les constructions trop uniquement cérébrales des métafictionnistes avaient pour la plus grande détresse du lecteur rendues incompatibles : l’amour du personnage et une attention maniaque à l’écriture.

3Les personnages de Carver ne sont pas des intellectuels, encore que ce puissent être des écrivains. Ils portent le symptôme du malheur épinglé à fleur de peau, boivent, s’angoissent, supportent d’autant plus mal d’être comme ils sont qu’ils souffrent d’un défaut du côté de l’expression. Il leur manque les mots pour dire ce mal-être qui les tenaille, et ce sont souvent, dans les nouvelles, les objets qui parlent à leur place : les cendriers, les balances, les motifs de la nappe ou du rideau de douche, la disposition des meubles dans la fausse yard sale de « Why Don’t You Dance » (What We Talk About When We Talk About Love). On ne peut imaginer contraste plus saisissant avec les années soixante-dix. Au bavardage étincelant des personnages de la métafiction, au commentaire si intelligent de leurs narrateurs succèdent les silences pesants, les non-dits contraints des personnages carveriens, la rétention d’information de leurs narrateurs complices. L’écrivain, quant à lui, produit des phrases indépendantes qui charrient des verbes intransitifs en déséquilibre sur leur préposition, des adjectifs et des pronoms indéfinis qui obstruent la circulation des idées, qui substituent à la précision colorée des noms d’objet, l’indifférenciation grise du substantif : « a thing ». L’écrivain écrit, réécrit. Il réécrit encore. Il ajoute, retire des compléments ou des prépositions, inverse les syntagmes propositionnels pour bousculer un rythme ou pour le redresser et inscrire ainsi plus de violence ou au contraire en gommer. L’écrivain n’a de cesse de toujours mieux écrire et d’empêcher ses personnages de sombrer. Il y a du pathos dans l’écriture de Carver et en même temps de la stratégie rhétorique et poétique, de l’ellipse qui n’est pas la même chose que la fragmentation, du déplacement, du décalage spatial et temporel. Les personnages sont enferrés dans un hiatus incompressible, emmurés dans une monumentale anacoluthe.

4Des écrivains emboîtent le pas à Carver sur cette voie : dans les années quatre-vingt : Tobias Wolff, Russell Banks, Richard Ford ; dans les années quatre-vingt-dix : Tim Gautreaux, Bret Lott.

5Pour dresser un panorama représentatif de la diversité des années quatre-vingt, il faut placer face à Carver d’autres figures de nouvellistes et tout d’abord une nouvelliste : Grace Paley dont l’écriture aura, autant que celle de Carver mais avec d’autres moyens, marqué son époque. L’accent est toujours mis sur « les petits riens de la vie », sur les faits ordinaires de la vie des hommes et des femmes au quotidien. Mais cette fois, c’est sur le personnage féminin qu’est dirigé l’intérêt du lecteur. Le contexte socio-économique dans lequel sont plongés les personnages est tout aussi dramatique, mais les femmes de Paley gardent dans l’adversité une tonicité que n’ont pas les hommes de Carver. Elles disent les choses. Elles résistent. Elles se battent. Elles ne tombent ni dans le ressassement rancunier ni dans la culpabilité. La présence des enfants donne à l’intrigue une autre logique et l’humour aide à prendre de la distance. Les dialogues sont rapides, enlevés. Le pathos est tenu en respect. L’écriture est elliptique, mais les ellipses ont un caractère dynamique, motivé par l’urgence d’avancer alors que celles de Carver étaient plombées par l’impossibilité de dire. L’écriture de Paley est une écriture du court-circuit et de la métalepse, quand celle de Carver est une écriture de la paralysie et du silence.

6Plusieurs auteurs femmes écriront en suivant l’impulsion donnée par Paley : Lorrie Moore, Jamaica Kincaid, Gish Jen, Sandra Cisneros.

7Sur un troisième pôle où certains auraient sans doute situé Ann Beattie, figurera Stephen Dixon, pour un travail très intéressant réalisé sur la construction de l’intrigue et plus particulièrement sur la logique d’enchaînement des actions et l’exploitation d’un certain type de personnage. Comme au billard, l’action initiale se dirige rarement vers sa conclusion attendue car ses effets annexes sont toujours susceptibles de prendre le pas sur sa trajectoire principale. Il en résulte une histoire mouvementée et erratique dont la logique non linéaire tranche sur celle des récits de la période et dont le dénouement est presque toujours paradoxal (« Fourteen Stories » dans Fourteen Stories, « The Watch » et « Movies » dans Movies). Dixon favorise cette stratégie en plaçant souvent dans ses histoires un personnage qui contribue grandement au dérapage de l’action en adoptant une position de résistance là où il devrait être passif (« The Parting » dans The Play and Other Stories) ou en faisant de la surenchère par rapport à ce qui lui est demandé dans l’exercice de sa fonction (le garde dans « The Signing », le S.D.F. dans « The Watch ») ou de sa position (le veuf dans « The Signing »). Dans les deux cas, il s’agit d’observer ce que devient une situation quand on y introduit un paramètre : l’excès. Presque toutes les nouvelles de Dixon contribuent ainsi à tester les équilibres sociaux et personnels, à révéler leur vulnérabilité à certains changements de paramètres, à souligner l’extrême instabilité du principe de causalité.

8Sur un quatrième et dernier pôle, viendront se placer les métafictionnistes qui continuent à écrire dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. En 1985 et 1987 paraissent deux recueils de nouvelles de Barthelme : Sixty Stories et Forty Stories qui reprennent les nouvelles des recueils précédents en y ajoutant des textes inédits ou introuvables. Dans une étonnante nouvelle qui se présente sous la forme de cent questions posées au personnage principal : « A Questionnaire for Rudolph Gordon » (Dirty Tricks), Jack Matthews nous propose de méditer sur les stratégies cognitives mises en place au cours de la lecture. Susan Sontag publie The Way We Live Now, longue nouvelle à propos du sida sur laquelle nous reviendrons. John Barth construit un recueil de nouvelles autour d’un texte qui travaille sur le thème du paradoxe de Zénon et dont la fin est sans cesse repoussée : « Ad infinitum » (On With the Story). Trente ans après la publication de In the Heart of the Heart of the Country, William Gass revient à la nouvelle avec un recueil de quatre courts récits : Cartesian Sonata, et, en 1997, Guy Davenport republie une sélection de ses nouvelles des années quatre-vingt sous le titre : Twelve Stories.

Des années quatre-vingt aux années quatre-vingt-dix : tout ce qui continue

Le grand livre de la nature

9Dans la grande tradition du culte de la nature nord-américaine et du récit d’aventures on lira les nouvelles de Rick Bass. « The Hermit’s Story » (The Paris Review) y occupe une place particulière parce que rien ne vient ternir la beauté du spectacle ni assombrir l’euphorie de la découverte : un lac asséché recouvert d’une couche de glace fournit aux deux personnages et à leur meute de chiens un refuge pour la nuit et l’occasion d’une randonnée fantastique. La démultiplication des points de vue permet au lecteur non seulement de voir le spectacle qui s’offre sous la glace aux personnages qui sillonnent ce territoire inconnu et secret soudain révélé à leurs yeux ébahis, mais aussi de suivre par transparence comme pourrait le faire un témoin extérieur les déplacements des mêmes personnages et de leurs torches, sarabande de feux follets échappés d’un rêve insensé et merveilleux.

Les prédateurs

10Dans d’autres nouvelles moins féeriques, la présence de prédateurs rappelle que le spectacle de la nature est toujours un don éphémère qui peut être repris ou gâché à tout moment par les humains. Ainsi dans « Days of Heaven » (In the Loyal Mountains), l’agent immobilier et le nouveau propriétaire du ranch viennent contaminer par leur sexualité et leur violence à l’égard des animaux la merveilleuse vallée du Montana à laquelle le héros est tellement attaché.

11Dans d’autres nouvelles encore, de cet auteur et d’autres, les ombres qui se profilaient sur l’horizon grandissent jusqu’à masquer le soleil. L’homme est un coyote qui renifle la mort et l’écrivain le suit à la trace. La littérature n’est pas le lieu des bons sentiments. L’écrivain est notre double téméraire, celui qui ose s’avancer les yeux plus grands ouverts sur le terrain des choses peu recommandables qui pourtant fascinent parce qu’elles touchent aux confins de la vie, de la socialité, de l’affectivité, flirtent avec la mort, l’animalité, la perversion. Le rapport hiérarchique en situation de grand isolement ou au contraire de grande exposition favorise ces échappées régressives. L’absence du regard de l’autre ou au contraire sa démultiplication. C’est ainsi que les plus grandes brutalités ont pour cadre les fermes les plus pauvres et les plus reculées des grands espaces glamour américains ou les champs des conflits armés. Les nouvelles de Robert Olmstead, Jayne Anne Phillips, Kate Wheeler ou Tim Gautreaux nous font pénétrer dans ces lieux où, en l’absence de possessions matérielles qui font rempart autour d’elle, la vie humaine reste le dernier bien à saccager. La guerre du Vietnam hante toujours les nouvelles des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, qu’elle en soit directement le terrain comme chez Thom Jones (« The Pugilist at Rest » dans le recueil du même nom), chez Tim O’Brien (« The Things They Carried », The Things They Carried), ou qu’elle ait à jamais contaminé les mémoires et les sensibilités comme chez Robert Stone (« Helping », Bear and His Daughter) ou chez Carver (« Vitamins » — paronomase du mot Vietnam — dans What We Talk About When We Talk About Love). En relation avec une autre guerre, on lira la terrifiante nouvelle de Cynthia Ozick : « The Shawl ».

La mort, la maladie

12Traquer la mort, c’est aussi suivre sa trace dans la vie de ceux qui restent. Cela peut être fait plus ou moins frontalement, à bout portant ou à la lunette, avec des affects qui dépendent de la distance voulue par l’auteur.

13Dans « The Management of Grief » (The Middleman and Other Stories), Bharati Muckerjee explore une situation extrême en passe d’être commune. Un avion transportant des membres de familles indiennes d’une communauté de Toronto explose en plein vol, et plonge ceux qui n’étaient pas partis dans le deuil et parfois le besoin. Muckerjee choisit de raconter du point de vue d’une femme ayant perdu tous les siens non seulement les affres de tout ce qui peut suivre un tel accident mais aussi l’incompréhension mutuelle d’individus en détresse appartenant à une société traditionnelle et des représentants d’un gouvernement moderne bien intentionné qui veut dédommager, financer, là où le vide affectif et les traditions de la culture indienne demandent des palliatifs d’un autre ordre. Le refus obstiné d’un couple âgé de signer quoi que ce soit en relation avec la mort de leur fils oppose un démenti cinglant à la logique marchande qui veut que tout se gère et pose la question du conflit des rites et des coutumes dans les situations extrêmes. Si « It Comes to This » (Story) de Annie Smith est une histoire plus simple et plus douce qui montre comment la vie se réorganise peu à peu après la mort de son mari pour cette éleveuse de chevaux du Montana, en revanche, la nouvelle de Rick Bass, « Wild Horses » (The Watch), conte la relation violente, tissée de frustration pour l’un, de culpabilité pour l’autre, qui s’établit entre une jeune fille dont le fiancé est mort la veille de son mariage et l’ami du garçon qui était avec lui ce soir-là.

14Anticiper la mort dans la maladie — le cancer dans la nouvelle de Grace Paley « Friends » (Later the Same Day), le sida dans The Way We Live Now de Susan Sontag — est aussi un thème obsédant chez les nouvellistes qui nous occupent. Dans The Way We Live Now, vingt-six personnages dont les initiales parcourent l’alphabet vont former des cercles concentriques autour du personnage principal atteint du sida, et échanger des informations sur son état, ses souhaits, ses affects. Petit à petit des hiérarchies se forment. Il y a ceux qui voient le malade, le fréquentent, s’occupent de lui ; ceux qui lui téléphonent et diffusent ensuite l’information ; ceux qui téléphonent à ceux à qui l’on a téléphoné. Sontag reprend, intensifie et surtout naturalise la technique du décrochement de l’énonciation et de la focalisation inauguré par Henry James. Elle montre comment le sida affecte non seulement celui qui en est atteint, ses proches et ses moins proches, mais toute la société, littéralement de A à Z.

Les changements politiques et culturels

15Des nouvelles à l’écriture classique mais subtile rendent compte des changements sociaux survenus à l’intérieur de la middle class américaine et de l’intégration progressive de communautés marginalisées comme celle des homosexuels.

16Dans « Aliens » (Family Dancing), David Leavitt conte une histoire où l’on suit les imbrications et boucles de rétroaction des agissements des membres d’une famille élargie. La conversation qu’a la grand-mère avec sa fille pour tester la portée de son téléphone sans fil laisse entrevoir les failles d’un esprit qui s’échappe de plus en plus alors que, dans le même temps, sa petite-fille commence à raconter à l’école qu’elle est une extra-terrestre égarée sur la terre et que sa vraie famille de la planète Dandril viendra bientôt la chercher. La mère navigue d’un accident à l’autre, de celui qu’elle a inventé pour sa sœur dans l’enfance à celui qu’elle vient de subir avec son mari et qui a laissé ce dernier incapable de parler, de bouger, n’y voyant plus que d’un œil. Figures, images en correspondance, mots à double sens et symétries décalées : travail sur la forme du contenu plus que sur la forme de l’expression. Dans « Territory » du même recueil, Leavitt brosse un tableau de famille nouveau style — un jeune homme amène son amant passer le week-end dans la maison familiale où habite toujours sa mère — et en propose une analyse psychologique pénétrante.

17Dans « Is Laughter Contagious » (Will You Always Love me), Joyce Carol Oates fait le portrait d’une mère de famille choisissant le confort du silence lorsqu’elle est confrontée aux turpitudes sexuelles de son fils adolescent et de ses amis, pour ensuite, alors qu’elle rend visite à une amie hospitalisée, renoncer subitement aux litotes de circonstance au profit de vérités qui épouvantent la malade. Dans « Nairobi » (Ravens’s Wings), du même auteur, un homme loue les services d’une femme pour l’accompagner à une soirée. On les suit comme dans une filature. Et on les perd.

18Des nouvelles rendent aussi compte de ce léger décalage culturel qui fait que les immigrés, les étrangers, indépendamment de la qualité de l’accueil qui leur est fait, se sentent toujours un peu en porte-à-faux avec la culture américaine. Cela tient parfois à des riens, mais des riens émotionnellement très importants puisqu’ils remontent aux fondations de la personnalité dans l’enfance. Ces nouvelles empruntent souvent le motif de la rencontre amoureuse qui offre des conditions maximales d’ouverture d’une altérité à l’autre, en mettant face à face un native particulièrement accueillant puisque amoureux et un étranger qui, parce qu’il ne l’est pas moins, se montre désireux de bien faire et de s’ouvrir à la culture américaine. « Community Life » (Birds of America) de Lorrie Moore représente bien ce courant.

Les cas

19C’est sans doute une tautologie de dire que la littérature se spécialise dans les portraits de personnages marginaux ou déclassés à des titres divers. Plus le monde est normé, souriant en façade et plus les arrière-plans fourmillent de silhouettes criblées qui frôlent les murs. Les écrivains américains aiment bien pister les cas d’espèce dans le monde aseptisé de la middle class américaine. La stratégie adoptée est souvent la même : entre le lecteur et le marginalisé, un être standard, un peu plus sensible que les autres joue le rôle de médiateur, s’en approche, le fréquente, tente de le normaliser un peu, réussit un temps, mais rate en général son coup sur la longue durée ; cependant la nouvelle a touché son but : le lecteur est allé voir d’un peu plus près ces autres dont il s’écarte généralement avant d’avoir eu l’ombre d’une chance de les observer.

20Toute une gamme de personnages est ainsi proposée à la sympathie ou à l’aversion du lecteur. Dans la catégorie des personnages quelque peu étranges, on notera la descendante ruinée d’une ancienne famille aisée du Sud, pianiste douée que l’accordeur de piano essaiera de réintégrer socialement en la faisant jouer dans les clubs des environs (Tim Gautreaux : « The Piano-tuner », Welding With Children), la femme laide et ordinaire avec laquelle le personnage principal va avoir, pour cette raison même, une liaison durant quelques mois (Russell Banks : « Sarah Cole : A Type of Love Story » [Success Stories]), la femme qui fait semblant de vouloir acheter un appartement pour nouer quelques contacts sociaux et son petit garçon qui un jour casse le jeu en ne voulant plus quitter le feu de cheminée de la maison à vendre (Tobias Wolff, « Firelight », The Night in Question).

21Mais il est des personnages à l’étrangeté plus inquiétante, comme cette femme qui semble sortie d’une photographie de Walker Evans, sur une terre ravagée par la sécheresse et qui, après avoir tué son troisième mari, assomme l’homme dont elle vient implorer l’aide (Tim Gautreaux, « Same Place, Same Things » dans le recueil du même nom) ; ou encore dans la nouvelle de Kate Wheeler : « Judgment » (Not Where I Started From), le couple infernal constitué par le vieux Mayland Thompson et sa jeune belle-fille Linda qu’il épouse après la mort de sa mère dès qu’elle a atteint ses seize ans. Mayland aime les adolescentes et Linda les jeunes gens de son âge. Un modus vivendi les maintient ensemble, fait d’un toit et d’une terre, d’un passé commun, de rêves clandestins et d’une même fascination pour les mirages intérieurs. La mise à feu par Mayland de la carcasse de son cheval mort est un grand moment gothique qui fait converger pour un court instant les émotions des deux personnages auquel répond, œil pour œil, dent pour dent, un moment plus postmoderne — l’arrachage, par Linda, du néon de l’enseigne d’un bar qu’elle brandit dans un geste vengeur contre le chevalier servant avec lequel elle s’est enfuie — dérisoire guerrière en instance d’électrocution. Ce type de personnage — semi-prostituée, demeurée, mais débordante de santé — n’est pas sans rappeler certains des personnages féminins de Black Tickets de Jayne Anne Phillips. Quels que soient leurs défauts de caractère, ce sont elles qui mènent le jeu. On se réjouit de trouver chez Kate Wheeler un récit à la troisième personne qui donne de la souplesse et de la variété à la narration dans un corpus largement dominé par le récit-confession à la première personne.

22Cette nouvelle et les deux scènes fortes qui la rythment rappellent l’importance pour le genre de ces images isolées ou en îlot, qui restent à jamais dans la mémoire du lecteur par la magie d’une description. On a mentionné plus haut la vision onirique des torches sous la glace dans « The Hermit’s Story » de Rick Bass. D’une nouvelle de Melanie Rae Thon, « First Body » (First Body), on gardera longtemps cette folle vision de Sid le costaud, employé à la morgue qui décide d’offrir à l’obèse anonyme Gloria Luby cet ultime geste d’amour qui consiste à la prendre dans ses bras pour la porter jusqu’à la table d’autopsie mais dont le genou cède sous le poids énorme du cadavre et qui s’effondre avec elle et sous elle. Ces instantanés descriptifs, supplément de rêve ou de cauchemar comptent parmi les effets les plus durables de certains récits.

Les années quatre-vingt-dix : ce qui change

Nouvelles communautés, nouvelles voix

23Le nombre d’écrivains appartenant à des communautés ethniques et linguistiques autres qu’anglo-saxonnes allant croissant, ces communautés affirment de plus en plus par le biais de la modélisation littéraire, à la fois leur visibilité et leur voix. On notera une présence forte de la communauté chinoise (Gish Jen, Ha Jin, Amy Tan), de la communauté indienne d’Inde (Bharati Muckerjee, Jhumpa Lahiri) de la communauté hispanique souvent métissée avec celle des Caraïbes (Junot Diaz, Sandra Cisneros, Abraham Rodriguez Jr.).

24Comme son roman Mona in the Promised Land qui mettait face à face la culture chinoise et la culture juive, la nouvelle de Gish Jen « Who’s Irish » (Who’s Irish), confronte de façon très humoristique la communauté chinoise et la communauté irlandaise à l’occasion des réflexions d’une grand-mère chinoise bien désemparée par l’attitude hors normes de sa petite fille issue d’un mariage mixte sino-irlandais. Jen profite très astucieusement de la situation pour déconstruire la diabolisation par chaque communauté de celle qui lui fait face, pour montrer que la dichotomisation des points de vue oublie souvent que le mal vient des valeurs mal identifiées du tiers-terme que constitue la middle class américaine. Le choix de la grand-mère comme narrateur-focalisateur permet de jouer avec une langue incorrecte dont les fautes servent le point de vue et s’intègrent à la stratégie d’écriture. La nouvelle modélise dans sa juste complexité la question de l’identité et laisse entrevoir la possibilité de réconcilier multiculturalisme et universalisme.

25La nouvelle de Junot Diaz « The Sun, the Moon, the Stars » (The New Yorker 1998) fait le portrait d’une relation de couple passablement ébranlée par une tromperie du monsieur bien orchestrée par les amies de la dame et qu’un voyage au pays (la République Dominicaine) ne suffira pas à restaurer. Le récit est à la première personne. Le personnage masculin qui est aussi le narrateur en profite pour affirmer qu’il n’est pas un « bad guy » tout en avouant que son amie n’est pas de cet avis et qu’elle le considère comme « a typical Dominican man ». L’histoire n’a pas grand intérêt sur le plan psychologique mais on notera une manière différente de traiter les problèmes, plus directe, plus brutale. La langue anglaise, métissée d’espagnol, malmenée du côté de la syntaxe comme du vocabulaire, est néanmoins dotée d’une vigueur certaine dont l’humour est un ingrédient important. Une phrase du narrateur Yunior concernant son amie Magdalena revendique conjointement l’héritage littéraire américain et le droit de le transformer… : « A lot of the time she Bartlebys me, says, “No, I’d rather not” ».

26Mais il ne faudrait pas considérer que toutes les nouvelles écrites par des auteurs appartenant à des communautés non anglo-saxonnes donnent dans le particularisme culturel. La nouvelle de Ha Jin « In the Kindergarten » (The Bridegroom : Stories) met en scène une série de brimades en chaîne. Pour payer le médecin qui l’a fait avorter, l’institutrice d’une école maternelle fait ramasser du pourpier aux enfants en leur faisant miroiter qu’il améliorera leur repas du soir alors qu’elle le vend au marché. Le geste de vengeance de la petite fille qui urine sur la dernière récolte pour sanctionner les fausses promesses et la dureté du pensionnat de l’école maternelle où on l’a placée (appliquer la loi du talion semble rendre la vie beaucoup plus supportable) n’a rien de typiquement chinois. La nouvelle de Jhumpa Lahiri « Interpreter of Maladies » met en scène une série de quiproquos qui n’est pas déterminée par l’appartenance ethnique des personnages et la situation pourrait être imaginée dans un autre pays que l’Inde.

27« Fiesta 1980 » (Drown) de Junot Diaz, qui décrit les tourments du non-dit chez un petit garçon dominicain que son père emmène régulièrement chez sa maîtresse portoricaine mais qui n’en dit rien à sa mère et qui du coup vomit systématiquement dans la voiture toute neuve du père, n’a rien non plus de spécifiquement hispanique. L’histoire est une occasion que saisit l’auteur pour décrire la communauté dominicaine, son sens de la fête, ses familles élargies, ses meubles sous protection de plastique. La nouvelle d’Amy Tan « Two Kinds » (The Joy Luck Club) présente une mère chinoise qui fait des rêves de gloire pour une petite fille rétive — thème universel dont le traitement manque de vigueur et surtout d’humour avec une fin d’un grand conformisme. Le caractère anecdotique d’un certain nombre de ces nouvelles ne se justifie que parce qu’il présente un intérêt documentaire.

28Comme les écrivains afro-américains installés aux États-Unis (Edgar Wideman par exemple), ou originaires des Caraïbes (Edwidge Dandicat, Jamaica Kinkaid), les Indiens d’Amérique qui avaient commencé à écrire dans les années quatre-vingt (Louise Erdrich, Leslie Marmon Silko, Scott Momaday) poursuivent leur œuvre et l’on voit à leurs côtés apparaître de nouveaux noms, ainsi celui de Sherman Alexie. Né en 1966, Alexie combine une connaissance de la vie des sociétés indiennes dans les réserves et l’expérience d’y être jeune. La nouvelle « The Lone Ranger and Tonto Fistfight in Heaven » dans le recueil du même nom rend compte dans un style vif et elliptique des impasses de cette double expérience.

29Il faudrait encore signaler un groupe plus qu’une communauté, celui des jeunes écrivains — Denis Johnson, Melanie Rae Thon, Abraham Rodriguez Jr. — qui s’attachent à décrire la vie des très jeunes gens vivant au quotidien sous l’emprise de la drogue, de la prostitution, de la violence, groupe qui souvent croise celui de l’une des communautés présentées ci-dessus. A. Rodriguez Jr. en offre un bon exemple. Sa nouvelle « Alana » rapporte dans une langue métissée et un style elliptique, qui joue sur les effets de syntaxe plus que les figures, une séquence de la vie d’une très jeune prostituée — amour proscrit, violences physiques et morales d’une grande brutalité.

Du côté de l’écriture

30Ces phénomènes de métissage des langues peuvent produire des effets très productifs au plan de l’écriture (Gish Jen, A. Rodriguez Jr., J. Diaz) et c’est à juste titre qu’ils ont bénéficié d’un intérêt critique soutenu au cours de ces dernières années. On peut cependant regretter que bon nombre des auteurs fassent presque systématiquement le choix d’une stratégie de narration à la première personne qui donne à leurs textes le caractère ambigu d’un témoignage autobiographique. En revanche, lorsque Denis Johnson fait le même choix narratif pour parler de situations de violence (accidents, prise de drogue), il l’associe à des techniques qui entrent en contradiction avec lui — par exemple une distance descriptive que l’on ne trouve généralement que dans le cadre d’une focalisation externe — et en changent la valeur.

31Par ailleurs, on notera des anomalies narratives qui se révèlent très pertinentes. Dans « The Hermit’s Story » de Rick Bass où se raconte une histoire dans l’histoire, on a la surprise de constater que le récit que fait Ann à ses amis ce soir-là, au lieu d’être à la première personne est à la troisième personne. Cela contribue fortement à accentuer le caractère féerique de cette histoire, sans doute aussi à rendre plus vraisemblable la création de ce point de vue extérieur aux protagonistes que l’on a signalé précédemment.

32Surtout, on insistera sur un effet narratif, observé dans un certain nombre de nouvelles récentes, qui tient à une manière particulière d’investir la figure du narrataire, de jouer avec la deuxième personne sur laquelle le lecteur est toujours prompt à se placer. Il est vrai que la voie avait été bien explorée par les métafictionnistes : Barthelme, Barth (Lost in the Funhouse), Gass (« In the Heart of the Heart of the Country »), Sontag (« Description (of a description) », « The Letter Scene »). Gordon David Foster Wallace utilise cette technique à propos d’un thème archétypal : la peur. Dans « Forever Overhead » (Girls With Curious Hair), un narrateur anonyme raconte à la deuxième personne, en impliquant le narrataire, ce que peut représenter pour un jeune garçon de treize ans l’expérience d’être saisi par la peur en haut du plongeoir d’une piscine. Dans une autre nouvelle : « Cats and Students, Bubbles and Abysses » (The Watch), Rick Bass tire de ce choix de stratégie narrative des effets de rythme remarquables.

La leçon de « Videotape » : la place du narrataire. Esthétique et voyeurisme

33Si la stratégie de narration est l’un des lieux privilégiés de l’innovation dans les nouvelles de ces dernières années, c’est que s’y jouent bien plus que des problèmes de technique narrative. Un texte pourrait nous offrir une métaphore de ce que nous cherchons à préciser : « Videotape » d’abord publiée par Don DeLillo en tant que nouvelle dans la revue Antaeus avant de devenir un chapitre de son dernier roman Underworld.

34Le spectacle est familier : trois voitures, une autoroute ; un assassin, une victime et un témoin. Mais le spectacle de la mort a cette fois ceci de particulier qu’il est filmé en direct par une enfant munie d’une caméra-vidéo au moment de l’action. Le couple d’Américains moyens qui regarde, fasciné, la scène passer en boucle sur son écran de télévision, ne regarde pas que le meurtre ; il traque aussi la présence dans l’image de celui qui voit : le léger bougé de l’image qui trahit le tremblement de la main de l’enfant tenant la caméra au moment du coup de feu. Deux shootings pour le prix d’un. DeLillo déploie tout son art pour donner dans l’écriture une représentation de ce que peut être ce double spectacle. Et l’un des éléments utilisés est la position du narrataire. Un you très présent dans le texte interpelle les spectateurs représentés, et à travers eux le lecteur. La question est ainsi posée de la place et du jeu du lecteur dans les textes contemporains. Selon quelles règles s’opère, dans ces circonstances, l’identification et quels en sont les effets ?

35La nouvelle de Melanie Rae Thon — « Xmas, Jamaica Plains », (First Body) — emploie une technique semblable en y ajoutant un élément de perversion supplémentaire. En effet, pour cette histoire de cavale de deux très jeunes drogués — une jeune fille amoureuse d’un éphèbe — qui entrent par effraction dans une maison vide de la middle class américaine, l’auteur choisit de mettre face à face, en un dialogue imaginaire, dans la position du narrateur, la très jeune fille qui raconte son histoire et celle de son compagnon, et, dans la position du narrataire, la mère de famille dont elle a violé les lieux de vie. Le fait de creuser ainsi dans l’espace narratif une place pour un témoin voyeur et victime d’actions dont il n’a vu et ne verra jamais que les traces qu’il interprète en aveugle, rend les violences décrites insupportables. Et ce caractère intolérable ne tient pas tant à la nature des actions racontées qu’au fait qu’elles le sont à la personne susceptible de présenter le taux de vulnérabilité maximal à ce récit, à savoir une mère qui constate la violation de la chambre de son fils et qui a peur pour lui. On se souvient alors que la manière simple de redoubler la torture est de l’infliger devant un être cher. La position offerte au lecteur est celle d’un théâtre de la cruauté.

Art, sémiotique ou activisme politique ?

36Une autre question importante que posent à la critique plusieurs textes récents est celle de la frontière entre la littérature et le documentaire. On retrouve ici, à une échelle plus modeste, le débat qui s’est mis en place au sein des arts plastiques, concernant la définition et l’évaluation des « installations » qui semblent parfois tenir davantage d’une sémiotique de la culture ou d’un activisme politique que d’une œuvre d’art au sens traditionnel (voir par exemple les récentes rétrospectives Martha Rosler [The New Museum 2000] ou Barbara Kruger [The Whitney Museum 2000]).

37Un débat est très certainement à ouvrir sur la question du rapport entre esthétique et voyeurisme et sur les conséquences pour la définition de l’art du déplacement de ses frontières avec les genres non artistiques.

Bibliographie

BIBLIOGRAPHIE

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