Philippe Cordazzo dir. 2019, Parcours d’étudiants. Sources, enjeux et perspectives de recherche, Paris, Ined éditions, 240 pages
1Si l’écriture d’un ouvrage collectif et pluriel s’avère complexe, en faire la recension est un exercice tout aussi délicat. Tel est le cas de Parcours d’étudiants. Sources, enjeux et perspectives de recherche sous la direction de Philippe Cordazzo publié dans la collection Grandes Enquêtes de l’Ined (2019). Le titre est en soi éloquent quant au double objectif affiché et atteint : révéler la diversité des trajectoires de vie et d’études des étudiants à travers un ensemble de recherches aux approches aussi multiples que les sources sur lesquelles elles reposent. Les treize chapitres se basent sur une pluralité de données afin d’exposer les nombreuses facettes d’un monde étudiant ni homogène ni pourvu des mêmes ressources, aspirations et parcours. Enfin, la démonstration générale s’appuie sur un système d’enseignement supérieur évolutif et complexe au sein duquel les étudiants naviguent tout en vivant leur subjectivation (Dubet 1994). Par aisance, la structure de l’ouvrage en trois parties est ici conservée afin d’honorer sa cohérence.
2La thématique de la première partie pourrait être les inégalités des conditions de vie, d’études et d’insertion professionnelle des étudiants. Le parti pris est plutôt celui d’une réflexivité sur les modalités de recueil et d’exploitation de données sur cette population. Si les deux premiers chapitres se consacrent aux conditions de vie, le chapitre I offre en outre une approche socio-historique de l’enquête éponyme de l’Observatoire national de la vie étudiante (enquête CdV de l’OVE). Les évolutions de l’enquête sont rapportées aux transformations d’un monde étudiant dont les représentations politiques et scientifiques sont tout aussi mouvantes. Cette enquête globale des conditions de vie demeure néanmoins insuffisante pour les universités du fait de besoins et attentes spécifiques de leurs publics. À usage opérationnel interne, les enquêtes locales recensées dans le chapitre II présentent l’intérêt d’évaluer, pour mieux les prendre en compte, les spécificités du public et du territoire. Les effets de l’environnement sur les parcours sont ensuite appréciés notamment par la méthode d’analyse de séquences à partir de bases administratives. Une typologie des trajectoires étudiantes est construite sous l’angle de la mobilité interdisciplinaire et inter-universités (chapitre III, à partir de la base nationale Site du ministère de l’enseignement supérieur et de la Recherche) ou sous l’angle de la réussite académique (chapitre IV, fondé sur la base informatisée de l’Université de Ouagadougou). Enfin, la comparaison permise par les enquêtes internationales Cheers et Reflex dans le chapitre VI illustre les convergences et divergences des situations et vécus subjectifs d’insertion des diplômés du supérieur européens. Le focus sur l’évolution de l’insertion en France ayant précédemment été fait dans le chapitre V appuyé sur l’enquête Génération du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq). Cette enquête permet par ailleurs de considérer comment les Universités s’emparent, selon le cas, de leur mission d’insertion et d’orientation.
3Cette première partie met en lumière les possibilités de recueil et d’analyse de données permettant d’appuyer de manière plurielle la condition étudiante (Felouzis 2001), par suite, d’en faire émerger toute l’hétérogénéité voire les inégalités.
4La deuxième partie ne s’épand plus stricto sensu sur l’aspect statutaire de l’étudiant, sinon sur ce jeune qui étudie tout en passant à l’âge adulte. Les étapes de ce processus –décohabitation, fondation d’une famille, fin des études et emploi stable– sont aujourd’hui désynchronisées (Galland 2011). Les étudiants français sont relativement jeunes à l’entrée du supérieur, n’ont que peu décohabité et exercent une activité salariée plus source d’émancipation personnelle que financière (chapitre VI fondé sur l’enquête Eurostudent). Or la poursuite de plus en plus allongée des études suppose une avancée dans l’âge combinée à une autonomie croissante dont les dimensions financière et résidentielle sont abordées dans les chapitres VII et X. Appuyé sur l’enquête CdV de l’OVE, le chapitre VII entreprend de mesurer les ressources financières et matérielles des étudiants, bien que parfois difficilement quantifiables ou identifiables. Ces revenus, inégalement répartis selon le profil social des étudiants, affectent les conditions de vie et conditionnent pour partie la persévérance et la réussite. En outre, les difficultés voire vulnérabilités économiques, influencent l’autonomie résidentielle par un arbitrage entre capacité financière et une aspiration d’indépendance croissant avec l’âge. Le chapitre X, basé sur l’enquête Eurostudent, présente des étudiants français proches des moyennes européennes, quel que soit le type de logement occupé, quoique plus nombreux à vivre seuls. L’installation en couple suppose d’ailleurs sa stabilité qui, complétée financièrement, constitue les conditions normées de fondation d’une famille. Or poursuivre ses études suppose a priori de ne pas avoir un emploi suffisamment stable et rémunérateur pour assumer un enfant : les étudiants-parents apparaissent comme un “impensé social” (Gaide 2014). Le chapitre VIII, combinant les enquêtes CdV et Santé de l’OVE, caractérise cette population particulière chiffrée à près de 5 % des étudiants. Tendanciellement plus âgés que la moyenne, ces parents subissent une conciliation complexe entre leurs vies familiale et estudiantine tant sur le plan académique qu’affectif. Le chapitre IX explore en particulier ces étudiantes devenues mères durant leur cursus pour lesquelles la poursuite d’études est une nécessité malgré les difficultés et le flou juridique de leur statut.
5Ces jeunes qui étudient passent progressivement les étapes de l’âge adulte tout au long de leur cursus, non sans arbitrage entre possibilités socio-économiques et obligations universitaires. Le coût des études et plus largement de la vie est en outre lié au territoire. Marquées matériellement, les inégalités territoriales le sont également par une répartition disparate de l’offre de formation engendrant parfois la contrainte de la mobilité.
6La dernière partie revient sur ces mobilités à travers un jeu d’échelle spatial appuyant le double mouvement d’internationalisation et de territorialisation du supérieur (Annoot 2019). À l’échelle mondiale, le chapitre XI propose un modèle gravitaire des flux des étudiants internationaux à partir des données compilées de l’Unesco. Adapté de l’attraction universelle de Newton, il permet ici de constater l’attractivité des pôles universitaires en fonction de leur nombre respectif d’étudiants et de la distance qui les sépare l’un de l’autre. In fine, ce modèle caractérise les mobilités étudiantes internationales selon leurs facteurs explicatifs d’une part et leur structuration en pôles attractifs et/ou émissifs d’autre part. Un second modèle à double contrainte présenté dans le chapitre XII se focalise sur les mobilités en France à partir des données centralisées de directions ministérielles (DEPP et Datar). Au-delà de la contrainte de l’existence des formations, le frein de la distance entre villes universitaires et celui de l’appartenance d’origine à une région diminuent avec l’avancée dans les études. Ce qui s’interprète par une connaissance progressivement affinée des formations et de leur localisation sur un territoire inégalement pourvu. En découle une polarisation plus ou moins marquée autour des villes et pôles universitaires parmi lesquels Paris apparaît plus comme un isolat que le cœur. La dimension territoriale et le rapport à Paris sont au demeurant évoqués dans le chapitre XIII ancré en Haute-Normandie. À partir d’une enquête mêlant questionnaire, cartographie et entretien, ce chapitre s’attarde sur la concrétisation des aspirations des étudiants et démontre que les choix d’orientation –parfois complétés par un choix ou une nécessité de mobilité– apparaissent comme très socialement et géographiquement déterminés. Enfin, les autrices rappellent que l’absence d’une mobilité n’est pour autant pas assimilable à une immobilité au regard de l’ensemble des trajets –quotidiens, hebdomadaires ou mensuels– souvent effectués durant les études supérieures.
7Qu’elle soit enjointe par des programmes ou partenariats interuniversitaires ou qu’elle soit contrainte du fait d’une inégale répartition de l’offre, la mobilité constitue aujourd’hui une composante singulière des parcours étudiants tout autant qu’elle illustre les réformes touchant l’enseignement supérieur.
8Pour conclure, la force de cet ouvrage réside dans la démarche générale suivie : porter une thématique de manière quasi exhaustive à travers la mobilisation d’une diversité d’enquêtes et de données. C’est donc tout autant les connaissances qu’apportent ces sources que la manière dont elles sont construites et analysées qui importent. Particulièrement appuyée en effet dans la première partie, la réflexivité est constante eu égard au recueil des données. Les limites de leur utilisation sont exposées en toute transparence, à l’instar des fichiers de gestion administratifs nécessitant parfois des ajustements en vue d’une exploitation scientifique. Une fois ces contraintes dépassées et quelle que soit la nature des sources, la combinaison d’approches disciplinaires, méthodologies et jeux d’échelle divers, donne à cet ouvrage une dimension épistémologique outre les connaissances qu’il délivre. Ainsi, la mobilisation différenciée d’une même base d’un chapitre à l’autre offre des résultats davantage complémentaires que divergents selon la démarche suivie. Cette diversité toujours plus enrichissante encouragerait presque à compléter l’analyse de ces données sur des thématiques trop rapidement ou peu étudiées. La santé des étudiants, notamment évoquée dans le chapitre II présentant une enquête conjointement menée par les Universités et instances rennaises, n’est par la suite que peu abordée. Pourtant, il s’agirait d’une composante illustrative d’une certaine vulnérabilité étudiante, à l’instar des résultats présentés dans une récente étude menée à partir de l’enquête Santé de l’OVE (Belghith et al, 2020). De même, le phénomène des étudiants décrocheurs ayant abandonné leurs études –tels que recensés dans les fichiers administratifs– est un exemple de thématique occultée dans cet ouvrage. Si toute exhaustivité semble difficile à atteindre, d’autres complexités peuvent être soulignées. Certaines méthodes employées demandent en effet parfois une lecture approfondie pour les plus néophytes. Les modélisations présentées dans la dernière partie nécessitent une certaine plasticité cérébrale, si ce n’est une accointance avec ces méthodes, afin d’en saisir toutes les subtilités. Subtilités et finesse des chapitres que ce compte rendu ne restitue d’ailleurs pas, tandis que sa structuration est discutable. La présentation ordonnée de chacun des chapitres vise à honorer leur pertinence individuelle, mais une autre articulation aurait pu être envisagée. De fait, les connexions et corrélations qu’on peut faire entre eux apparaissent nombreuses à la lecture de l’ensemble. Si d’ailleurs on peut regretter le manque de transition entre eux, il est impérieux de préciser qu’à défaut d’une conclusion générale, l’ensemble composé de l’avant-propos, d’une préface et de l’introduction, constitue en soi une recension d’ores et déjà parfaitement explicite de l’ouvrage.
9In fine, cet ouvrage recense et affine ostensiblement les connaissances sur cette population étudiante polymorphe. En particulier est appréciable la mise en lumière de la variété des situations et expériences des étudiants portée au-delà des analyses scolaro-centrées. La prise en compte de la personne dans sa globalité donne ainsi au lecteur –qu’il soit enseignant-chercheur, étudiant, politique…– une impression d’authenticité susceptible d’amener à des actions concrètes afin d’améliorer les conditions de vie et d’études des étudiants.
10Esther Geuring, Université Rennes 2, CREAD, France
Références bibliographiques
11Annoot E. dir. 2019 Politiques, pratiques et dispositifs d’aide à la réussite pour les étudiants des premiers cycles à l’université : bilan et perspectives, CNESCO
12Belghith F., Morvan Y., Régnier-Loilier A., Rosenbacher-Berlemont M. 2020 La santé des étudiants, Paris, La Documentation française
13Dubet F. 1994 Sociologie de l’expérience, Paris, Seuil
14Felouzis G. 2001 La condition étudiante, Paris, PUF
15Gaide A. 2014 Les temps de la maternité étudiante. Cycle de vie, temps du quotidien, mémoire de master, Paris, IEP
16Galland O. 2011 Sociologie de la jeunesse, Paris, Armand Colin
Pierre Périer, 2019, Des parents invisibles. L’école face à la précarité familiale, Paris, PUF, 273 pages
17Quinze ans après la parution d’École et familles populaires, le nouvel ouvrage de Pierre Périer s’attache à comprendre plus finement les pratiques de mise à distance de l’école qu’adoptent les fractions précaires et immigrées des milieux populaires. D’où son titre, Des parents invisibles, pour indiquer qu’il s’agit bien du sous-ensemble socialement très caractérisé dont l’invisibilité pose problème. Pourquoi, alors même que l’école cherche à construire une relation coopérative avec tous les parents, surtout avec ceux des élèves les plus fragiles, ces derniers restent-ils éloignés de l’école, pratiquement et symboliquement ? Pour répondre à cette question, l’ouvrage montre les rapports complexes et ténus entre ces parents et l’école en prenant appui sur une enquête relativement récente (2008-2011), d’une part, et il met au jour les paradoxes, les contradictions et les impasses d’un mode de coopération qui tend à les affaiblir ou les désavantager alors même qu’elle voulait les aider davantage, d’autre part.
18Pour accéder au groupe des parents invisibles, Périer a conduit une enquête locale dans un quartier qui rassemble des familles cumulant des facteurs de précarité sociale et économique. La première partie, intitulée “La précarité aux portes de l’école” et son premier chapitre –Décryptage d’un quartier en Zone sensible– rappellent que cette concentration a des effets tant sur le profil social, ethnique et scolaire des élèves, que sur le mode de fonctionnement des deux écoles primaires –l’une aux publics défavorisés et l’autre bénéficiant d’une hétérogénéité sociale– puis du collège défavorisé scolarisant les enfants des parents enquêtés. Dans l’école défavorisée, les taux de retard des élèves en fin de cycle 3 (CE2-CM1-CM2) sont de 21,5 % –contre 15,6 % dans l’école mixte et 9,5 % en moyenne départementale (53)– et la rotation des personnels est importante. À cet égard, l’ouvrage se place dans la continuité des travaux dans lesquels le terrain d’enquête donne accès au rapport spécifique de l’école des fractions démunies des classes populaires (van Zanten 2001, Millet & Thin 2005). Le sous-titre de l’ouvrage “L’école face à la précarité familiale” est d’ailleurs très proche de celui de Daniel Thin et Mathias Millet L’école à l’épreuve de la question sociale.
19Ce titre donné s’explique aussi par le choix, revendiqué explicitement, d’emprunter largement les outils théoriques de la sociologie de la domination, notamment ceux de Bourdieu dans La Misère du monde. Le quartier habité produit un “effet de lieu”. Les habitants y vivent des expériences diverses de précarité ou d’humiliation. La précarité, la disqualification, la relégation, les condamnent à l’impuissance ou au silence (18). Concernant la politique de coopération, l’introduction insiste sur la position hégémonique que s’est attribuée l’institution concernant les rôles et les responsabilités dévolus ou les règles à suivre. Peu sensible aux impensés de sa position, l’école attend des parents qu’ils deviennent ce qu’ils ne sont pas. “Une forme, de domination s’exerce par le biais de la coopération institutionnelle qui ne laisse guère la possibilité aux parents les plus précaires de s’autonomiser ou de s’affranchir” (25). Par contraste, la relation sociale établie au cours de l’enquête se donne pour objectif de faire émerger et recueillir la parole de ces parents “invisibles et inaudibles”, d’aborder la relation de coopération “avec leurs mots et selon leurs modes d’expression” (28), bref de les reconnaître comme ils sont.
20Allant dans le même sens, le dispositif de recherche mis en œuvre –essentiellement des entretiens semi-directifs auprès d’une cohorte de 30 familles– est présenté en annexe de façon relativement lacunaire, en insistant davantage sur l’adaptabilité aux conditions de vie des familles, le tact, la posture d’écoute que sur la dimension proprement méthodologique et technique.
21L’échantillon de départ a été constitué par tirage au sort, sur la base des listes des élèves des quatre classes de CM2 de deux écoles du quartier. C’est un point fort du dispositif : éviter que les parents enquêtés soient considérés selon leur degré d’implication et donc au regard d’une norme institutionnelle conduisant à des interprétations “dans les termes du désintérêt ou de la démission” (23). Les familles –parents et enfants– ont été interrogés à leur domicile, dans la cadre de trois campagnes (au début et à la fin du CM2, au cours de la 6e). S’y ajoutent différents matériaux recueillis dans des groupes de parole organisés à l’initiative d’ADT-Quart Monde. Complémentairement, 19 entretiens ont été conduits auprès d’enseignants. Un tableau résume l’échantillonnage et le dispositif d’enquête (254).
22Les parents étaient questionnés sur trois thèmes –les apprentissages scolaires, le parcours des élèves et les pratiques liées au rôle de parent d’élève–, mais la grille d’entretien n’a pas été indexée. Et il est indiqué que les entretiens ont été conduits par un groupe d’étudiants, sans que la régulation de modalité d’enquête soit vraiment explicitée. Cinq extraits des notes ethnographiques accompagnant le premier entretien montrent les difficultés rencontrées : asymétrie des positions ; mauvaise compréhension par les parents de l’objet de la recherche ; brièveté des réponses ; entretiens de courte durée ; barrage de la langue ; nombreuses interventions des enfants présents. Ce qui confirme, pour Périer, l’enjeu décisif du premier contact et l’importance d’une mise en confiance progressive des parents, ce que permettent les entretiens répétés dans le temps. Il reste que la constitution du groupe de parents a progressivement évolué. Si cinq parents seulement ont opposé un refus à la demande d’entretien, les défections ont ensuite été nombreuses : 29 familles au départ, puis 19, puis seulement 7. Périer note que “Dans les familles ayant participé à plusieurs vagues d’entretiens, la retenue ou le conformisme des réponses des premiers échanges s’est progressivement dissipé pour laisser place à des propos plus explicites, plus exemplifiés et plus critiques. Les parents livraient des récits d’expériences, des matériaux utiles” (251). Mais on sait aussi que les parents acceptent ce type d’entretiens parce qu’ils leur offrent l’occasion de dire leurs inquiétudes, leurs incompréhensions, leur colère ou rancœur et d’obtenir une reconnaissance sociale et une valorisation personnelle en donnant à l’enquêteur une bonne image d’eux-mêmes.
23L’analyse est structurée en trois grandes parties, chacune composée en trois chapitres qui mettent en avant quelques idées fortes en partant d’une double hypothèse : les familles sont très diverses dans leur rapport à l’école (23) et il existe différentes manières de “faire ensemble” ou de concevoir “les règles de normalités” (24). Principalement étayées par les matériaux empiriques recueillis, on y retrouve plus largement les acquis des autres enquêtes, dont les siennes, susceptibles d’éclairer “un aspect de ce qui construit la problématique du rapport à l’école des parents des fractions précaires et immigrées des familles populaires et, plus précisément, l’expérience subjective de ce rapport” (30). D’où les nombreuses références mobilisées et la richesse de la bibliographie.
24La première partie est organisée pour décrire, dans le chapitre 3, une forme d’implication dans l’école très dépendante des conditions sociales d’existence des familles enquêtées, décrites dans les chapitres 1 et 2. La réussite scolaire est appréhendée à travers le prisme de la sortie de la précarité sociale, d’où son titre “Dépendance scolaire, espérances sociales”. La mise à distance de l’école ne tient donc pas à un manque d’implication. On trouve au contraire dans les entretiens, une conscience forte de l’enjeu scolaire et une ambition affirmée pour la poursuite d’études des enfants. Pour autant, celles-ci ne s’articulent pas à un rapport rationnel et stratégique au déroulement de la scolarité de leurs enfants, en raison d’un rapport au temps submergé par les urgences du présent et d’une méconnaissance des grandes étapes construisant une réussite sociale par l’école. Et la crainte de l’échec scolaire, d’autant plus prégnante que les parents l’ont eux-mêmes vécu, les conduit assez vite à assimiler “réussite scolaire” et “scolarité normale”, au sens institutionnel de maintien dans le système scolaire jusqu’à l’obtention d’un diplôme permettant d’intégrer le monde du travail.
25La deuxième partie porte sur les tensions entre le rôle de parent et celui de parent d’élève, en raison d’une logique de séparation “dont le sens ne procède pas d’une opposition à l’école, mais bien plutôt d’une attitude marquée par le respect et l’attente, y compris à distance”. Pour le montrer, le chapitre 4 s’attache à la façon dont les parents se donnent pour responsabilité, au sein de l’univers familial, d’inculquer des normes de comportements –une “bonne conduite” à leurs enfants, en exerçant des modes d’autorité qu’ils jugent légitime. L’accent est mis sur le respect, l’obéissance, l’effort, jugés nécessaires pour apprendre. Ce qui explique qu’ils soient prêts, en règle générale, à accepter sans discussion les punitions infligées sur ce registre, adoptant une forme de retrait révélatrice de ce “séparatisme parental”. Le chapitre 5 souligne que l’espace de l’école, si bienveillant et accueillant soit-il, nécessite des “droits d’entrée symboliques” (111) –maîtrise de la langue, code de la relation, règles en usage– dont ils ne disposent pas. Les parents ont du mal à y pénétrer et attendent d’être invités, prévenus, bref que l’école vienne à eux, autrement que sous la forme d’une convocation en tant que parent d’élève déclenchant leur désarroi. C’est cette articulation impossible des registres de compétences qu’approfondit le chapitre 6 en abordant le suivi des devoirs comme une intrusion du scolaire dans l’espace familial, qui les met à l’épreuve, révèle leur impuissance, et les engage dans un processus de désorientation et de dévalorisation.
26La troisième partie intitulée “une relation dissonante” se centre sur le groupe de parents ciblé plus précisément par la politique volontariste de coopération : les parents en situation de précarité dont un ou plusieurs enfants connaissent “des difficultés scolaires et autres soucis d’ordre cognitifs” (153), ont effectivement déjà redoublé avant le terme de l’école élémentaire et ont fait l’objet de mesures de soutien et de suivi. Elle part de la question centrale des antagonismes entre le rôle de parent et celui de parent d’élève pour éclairer trois types de processus ayant directement leurs sources dans le fait qu’il s’agit d’une politique plus encadrée et codifiée par les normes de l’institution que construite dans la réciprocité. Le chapitre 7 retrace le parcours qui les conduit d’une confiance, certes prudente et associée à la méconnaissance de l’institution scolaire, à une perte de confiance et à des formes de relation conflictuelle, au fur et à mesure que persistent et s’aggravent les difficultés d’apprentissage. La position de retrait prend dès lors un autre sens, celle d’un retrait protecteur face à l’impuissance à aider scolairement leur enfant, la disqualification de leurs pratiques éducatives et la honte qu’ils ressentent à chaque contact avec l’école. Le chapitre 8 décrit la façon dont le développement de logiques défensives pour eux-mêmes, visant à limiter la portée des épreuves identitaires et familiales, les conduit à laisser leurs enfants assumer seul la charge de sa scolarité. Enfin, le chapitre 9 éclaire les mécanismes qui empêchent de “réhabiliter la figure des parents les moins proches de l’institution mais qui la reconnaissent” (227).
27En conclusion, Pierre Périer résume ainsi l’ambition de son ouvrage : “reproblématiser, du point de vue de la recherche, un objet social sur lequel l’institution scolaire est en échec, la coopération en l’école et familles en situation de précarité, en proposant ‘une nouvelle grille d’interprétation potentiellement utile pour penser le va-et-vient entre la réflexion et l’action’” (230). Il reste que le modèle de coopération envisagé –davantage respectueux de la reconnaissance et de la réciprocité et dans lequel le désaccord entre enseignant et parent en situation de précarité serait conflictualisé “en pointant les contradictions et en engageant une négociation et argumentation qui reconnaissent le point de vue de l’autre” (236)– est très à l’écart de l’existant décrit en prenant appui sur son enquête.
28Un tel écart, sur le fond, nourrit des interrogations, ce qui en fait tout autant la richesse. Quel statut donner à cet objet à la fois social et scolaire : la coopération école familles précaires ? Pierre Périer l’inscrit dans le cadre d’une compréhension des limites des politiques de lutte contre les inégalités sociales face à l’école, dès lors qu’elles ne combattent pas prioritairement leur cause principale, la construction de territoire de relégation. Mais en quel sens parle-t-il de “limites” ? Les résultats obtenus traduisent-ils le fonctionnement de l’école périphérique et, du même coup, comment les interpréter ? Par ailleurs, au regard de nos propres enquêtes, sans ignorer pour cela les différences sociales et sans faire des parents en situation précaire une catégorie à part, c’est en termes de capacité d’action à devenir parent d’élève, reposant sur des savoirs et des attitudes faisant l’objet d’apprentissage en interaction avec l’école que se jouent les inégales capacités à s’approprier le monde scolaire. Or, s’agissant du rôle de parent d’élève, le paysage scolaire est-il vraiment resté inchangé, comme le laisse penser Pierre Périer pour qui “derrière cette norme de la coopération en actes se niche une figure de parent en charge d’endosser un rôle à multiples facettes, en adéquation avec le système d’attentes de l’école” (206) ? Ou les formules de recherche pour investiguer les évolutions dans leur complexité –hypothèses, terrains d’investigation, mode de recueil de données, modes d’analyse de celles-ci– doivent-elles être interrogées ?
29Martine Kherroubi, Université Paris Descartes, CERLIS, France
Références bibliographiques
30Bourdieu P. dir. 1993 La misère du monde, Paris, Seuil
31Kherroubi M. dir. 2008 Des parents dans l’école, Ramonville-Saint-Agne, Erès
32Kherroubi M., Millet M. & Thin D. 2015 Désordre scolaire. L’école, les familles et les dispositifs relais, Paris, Pétra
33Millet M. & Thin D. 2005 Ruptures scolaires. L’école à l’épreuve de la question sociale, Paris, PUF
34Périer P. 2005 École et familles populaires. Sociologie d’un différend, Rennes, PUR
35van Zanten A. 2002 L’école de la périphérie. Scolarité et ségrégation en banlieue, Paris, PUF
36Martine Kherroubi, Université de Paris, CERLIS-CNRS
Siegfried Hanhart, 2019, L’éducation en vaut-elle le coût ? Introduction à l’analyse économique des systèmes de formation, Louvain-la-Neuve, Academia/L’Harmattan, 194 pages
37Derrière l’apparente simple question L’éducation en vaut-elle le coût ?, l’ouvrage de Siegfried Hanhart constitue une initiation originale et assez complète aux principaux concepts de l’analyse économique des systèmes éducatifs.
38En définissant les caractéristiques et les enjeux de la science économique, l’auteur propose de questionner la manière dont l’éducation peut être considérée comme un objet économique à part entière. Les premiers chapitres de l’ouvrage abordent les fondements de l’analyse économique (tels que les notions de besoin, de rareté des ressources et de facteurs de production) et interrogent l’applicabilité de ses concepts à l’éducation. Étant à la genèse de l’économie de l’éducation, le concept de capital humain est alors étayé, plus particulièrement dans son lien avec la croissance économique (apport macroéconomique) et avec les notions de gains individuels, principalement en matière de salaire (apport microéconomique). Après avoir discuté des notions d’efficacité et d’efficience des systèmes éducatifs, l’ouvrage propose d’analyser les modalités d’intervention de l’État dans le domaine éducatif, notamment dans une perspective internationale, sa légitimité et les débats autour de la possible évolution de son rôle.
Une introduction à l’analyse économique à la portée des acteurs de la formation
39Un des principaux intérêts de l’ouvrage tient sans nul doute à la présentation des concepts clefs de l’économie, et leur opérationnalisation à un objet particulier : le système éducatif. Cette initiation s’avère autant utile à un public non initié à l’analyse économique (tels des étudiants ou des chercheurs en sciences de l’éducation ou en sociologie de l’éducation par exemple) qu’à un public déjà familier de l’approche puisqu’elle analyse la mise en application de concepts économiques standards à un champ très particulier et, ce faisant, questionne parfois la validité empirique et/ou scientifique de certains cadres analytiques. De manière plus fondamentale, tel qu’il est rappelé dans l’ouvrage, dans une situation où les concepts économiques sont omniprésents dans les discours des décideurs politiques, particulièrement lors des périodes de réformes des systèmes éducatifs, cet ouvrage permet d’éclairer le débat et de l’ouvrir à l’ensemble des acteurs de la formation.
40Le lecteur peut tout d’abord se familiariser avec les éléments fondateurs de l’économie, notamment l’économie politique et la définition de la science économique. En la matière, l’auteur retient celle de Malinvaud (1982), définition assez large permettant d’introduire les notions essentielles de rareté des ressources, de besoins (individuels et collectifs), de production (que vais-je produire ? comment, par qui et où vais-je produire ? pour qui vais-je produire ?), de distribution et de consommation.
41Le chapitre dédié au concept de capital humain est un chapitre clef de l’ouvrage. Il permet d’introduire les notions de microéconomie (décision individuelle d’investissement dans l’éducation) et de macroéconomie (décision collective d’investissement dans l’éducation). Cette partie est l’occasion d’initier le lecteur à la notion d’arbitrage (il n’est pas de bonnes décisions sans prise de conscience des alternatives) et donc au calcul coût/avantage, à la notion de coût d’opportunité (ce à quoi il faut renoncer pour obtenir quelque chose) et au raisonnement à la marge. Ce chapitre permet également de revenir sur les grandes théories de l’économie de l’éducation (macroéconomie et microéconomie) : modèles de croissance endogène (Lucas 1988, Romer 1990), théorie du capital humain (Becker 1964), théorie du filtre et du signal (Arrow 1973, Spence 1974), théorie de la concurrence pour l’emploi (Thurrow 1977) et théorie de la segmentation du marché du travail (Doeringer & Piore 1971). Par la suite, l’analyse des questions de dépenses et de coûts permet de mettre en exergue la notion d’efficacité (atteinte des objectifs), en différenciant efficacité interne (déterminée par rapport à des objectifs internes aux systèmes d’enseignement) et efficacité externe (mesurée en regard des objectifs exogènes au système) ; mais aussi la notion d’efficience (les résultats rapportés aux ressources utilisées) des systèmes éducatifs. Cette partie est d’autant plus intéressante pour les acteurs du système éducatif que, sous l’effet de la forte influence du nouveau management public en Europe (Pons 2017), les indicateurs d’efficacité et d’efficience ont pris une place croissante dans le pilotage des structures scolaires. À titre d’exemple la partie portant sur “la mesure de la production en éducation”, qui pose la question de la valeur ajoutée de la structure scolaire, n’est pas sans rappeler les indicateurs actuels des établissements du secondaire en France (particulièrement les lycées) tels que par exemple les taux d’accès constatés (ou bruts) –qui évaluent la probabilité qu’un élève de seconde, de première ou de terminale obtienne le baccalauréat à l’issue d’une scolarité entièrement effectuée dans le lycée, même si cette scolarité comprend un ou plusieurs redoublements– ou encore les taux attendus et les valeurs ajoutées des lycées.
42La lecture de l’ouvrage et la compréhension des notions sont facilitées par de nombreuses illustrations graphiques et schématiques. Il est par ailleurs fort appréciable que les arguments soient fréquemment étayés par des exemples concrets et par des données actualisées (principalement celles de l’OFS pour le cas suisse et de l’OCDE pour les comparaisons internationales). Le tableau portant sur la répartition du financement des établissements entre sources publiques et privées dans différents pays de l’OCDE esquisse quelques grandes tendances (les pays pour lesquels la contribution des ménages aux dépenses des établissements dépasse les 40 % notamment). Les tableaux renseignant les taux de rendement internes privés mais aussi publics de l’obtention d’un diplôme de l’enseignement tertiaire permettent également une comparaison éclairante.
Spécificités et épistémologie de l’économie de l’éducation
43Dès l’introduction, l’ouvrage pose la question du statut de l’économie de l’éducation dans le champ des sciences sociales et renvoie donc aux questions complexes d’une épistémologie de l’économie de l’éducation. Au même titre qu’il existe un débat au sein de la science économique entre monisme épistémologique de la discipline (l’économie peut fonctionner comme les sciences dures) ou dualisme épistémologique (relâchement de certaines hypothèses au profit d’une analyse enrichie), l’auteur, en se fondant sur les travaux de Grawitz (1986) invite à se détacher d’une forme d’impérialisme économique (où l’éducation n’est qu’un simple champ d’application et l’approche disciplinaire une fin en soi) pour considérer ce champ comme “une approche, parmi d’autres, des faits éducatifs et [qui] à ce titre participe pleinement aux sciences de l’éducation”. En reprenant les travaux de Malinvaud (1982), l’ouvrage invite par ailleurs à considérer toute la complexité de l’analyse économique et donc de surcroît de l’économie de l’éducation, en ne considérant pas seulement l’aspect mécanique de l’économie (analyse des comportements des agents économiques dans des univers contraints), mais plus largement son aspect normatif. En effet, comme rappelé par Malinvaud (1982, 2), “l’économie doit nous fournir les moyens conceptuels permettant un jugement sur les avantages comparés de diverses formes d’organisation”.
44Régulièrement rappelé dans l’ouvrage, l’aspect interdisciplinaire de l’économie de l’éducation est mis en relief. L’auteur propose que “l’économiste de l’éducation transforme son objet d’étude disciplinaire en un objet d’étude pluridisciplinaire, voire interdisciplinaire” (Hanhart & Perez 1999, 326). L’ouvrage rejoint ainsi le constat établi par un autre ouvrage de référence en économie de l’éducation, celui de Gurgand (2005) : pour s’enrichir, l’économie de l’éducation doit nécessairement dialoguer avec d’autres disciplines et grandir “à mesure que les méthodes et les données empiriques apporteront une connaissance plus fine des faits et des interprétations mieux établies” (Gurgand 2005, 105). Dans cette lignée, en se fondant sur Hanhart et Grin (1994) et sur Hanushek (1986), l’auteur indique que des efforts de recherche sur la fonction de production de l’éducation et sur les causalités fondamentales sont nécessaires et que, de ce fait, le recours à d’autres disciplines des sciences sociales est indispensable. En la matière, même si cela n’est pas l’objet de l’ouvrage, le lecteur regrette qu’il ne soit pas mentionné l’existence d’une certaine co-production de l’éducation entre le système scolaire et l’environnement familial de l’individu, particulièrement mise en avant par Todd et Wolpin (2007). Au-delà des inputs d’éducation classique à prendre en compte dans la fonction de production (tels que la qualité des enseignants, leurs expériences, etc.), il existe des inputs “maison” (home inputs) qui sont hautement significatifs dans la détermination de la performance scolaire.
Intervention de l’État et comparaison des systèmes éducatifs : une question d’actualité
45L’ouvrage est d’un grand intérêt au regard de l’actualité européenne concernant les réformes des systèmes éducatifs. Comme le rappelle l’auteur, les modalités de l’intervention publique dans le domaine éducatif sont actuellement marquées par une restriction budgétaire des administrations publiques, le bien-fondé et l’efficacité de l’intervention étatique étant donc questionnés. Les pays européens sont désormais mis en regard les uns des autres sur ces questions d’efficacité et d’efficience. À notre sens, cette tendance n’est pas sans lien avec l’apparition de la Méthode Ouverte de Coopération en Europe, méthode qui vise d’abord un échange de bonnes pratiques entre les États (notamment en ce qui concerne la thématique de l’éducation et de la formation) et qui se caractérise par l’élaboration d’un classement des pratiques éducatives au regard de critères de référence (benchmarks).
46Par ailleurs, la comparaison des pays est rendue possible par l’apparition et la multiplication de rapports et de données sur le sujet. L’ouvrage cite à raison l’impact dès les années 1990 de la publication annuelle d’indicateurs internationaux de l’éducation (Regards sur l’éducation) qui a notamment impulsé en Suisse l’analyse des dépenses et des coûts dans les systèmes d’enseignements cantonaux.
47La meilleure connaissance des dépenses publiques précède alors le développement des recherches internationales sur les performances des élèves, telles que PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves), qui met en relation les dépenses avec les résultats atteints. Sur ce sujet, l’auteur préconise d’éviter les conclusions simplistes dans la mesure où “les objectifs et les contextes propres à chaque système d’enseignement varient d’un pays à l’autre” et, en fin d’ouvrage, attire plus largement l’attention sur les dangers d’une politique éducative subordonnée à des impératifs d’équilibre budgétaire.
48Enfin, l’ouvrage souligne à juste titre le fait que l’influence du nouveau management public entraîne nécessairement une redéfinition du rôle de l’État, appelé de plus en plus à assumer une mission de régulation des marchés de l’éducation. Cette tendance est peut-être à nuancer en fonction des configurations sociohistoriques des systèmes de formation, les pays n’accordant ni la même place ni le même sens à l’intervention de l’État (comme l’ont montré, parmi d’autres, les travaux sur les variétés du capitalisme de Hall & Soskice 2001). De récentes études semblent en effet montrer que le nouveau management public n’impacte pas de manière uniforme les systèmes éducatifs (Pons 2017), en particulier compte tenu des effets sociétaux de dépendances au sentier.
49Noémie Olympio, LEST-CNRS (UMR 7317), Aix-Marseille Université
Références bibliographiques
50Gurgand M. 2005 Économie de l’éducation, Paris, La Découverte
51Hall P.A. & Soskice D. eds. 2001 Varieties of capitalism: The institutional foundations of comparative advantage. Oxford, OUP
52Pons X. 2017 “Public New Public Management and the Reform of Education”, Revue internationale d’éducation de Sèvres-74, 30-31
53Todd P.E. & Wolpin K.I. 2007 “The production of cognitive achievement in children: Home, school, and racial test score gaps”, Journal of Human Capital-1(1), 91-136