1Dans sa huitième édition des Principes d’économie, Alfred Marshall écrivait : “Les conditions économiques changent sans cesse et chaque génération envisage ses propres problèmes à sa manière” (Marshall 1890[1946], v). Certes, chaque génération pense être confrontée à des problèmes particulièrement graves, mais les nôtres –conséquences cataclysmiques du réchauffement climatique, pauvreté irréductible et disparité croissante entre riches et pauvres– sont d’une indéniable complexité redoutable. Comment en effet ne pas reconnaître que “nous vivons une période de grands changements – de chaos – où les structures traditionnelles, les perspectives de développement et d’activité commerciale et même le rôle de l’homme sur terre, se trouvent remis en question et soumis à de multiples changements et controverses” (Kras 2007, 47).
2À la liste de nos problèmes actuels, il semble primordial d’ajouter celui de l’échec de l’enseignement économique : échec à expliquer l’économie actuelle, à comprendre la crise financière, à résoudre certains problèmes chroniques comme la pauvreté, à préparer les étudiants à ce qu’ils soient en mesure de résoudre les problèmes à venir comme celui du changement climatique, qui appartient d’ailleurs déjà au présent et, surtout, échec à apprendre aux étudiants à écouter, à dialoguer et à travailler en collaboration avec d’autres.
3L’économie et son enseignement en sont encore au XIXe siècle : les étudiants abordent le XXIe siècle avec des instruments obsolètes et sans connaître les innovations intellectuelles dont ont bénéficié d’autres domaines. “Si on songe à toutes les révolutions qui ont bouleversé notre compréhension du monde physique au cours du XXe siècle –le passage de la physique newtonienne à la physique einsteinienne, de la génétique de Mendel à la découverte de la structure de l’ADN et du génome humain, du déterminisme à la théorie du chaos– on mesure à quel point le savant du XIXe siècle serait aujourd’hui complètement dérouté, même par les données les plus élémentaires de sa propre discipline. Mais l’économiste, lui, ne serait aucunement dépaysé” (Keen 2001, 169).
4Toutefois, sous l’effet inévitable des vents inexorables du changement, l’enseignement de l’économie est sur le point de prendre une nouvelle direction. Il s’agit ici de cerner ces changements, qui tous tendent à pousser l’économie vers davantage de pluralisme. Après avoir brièvement abordé les objectifs de l’enseignement en général, cet article fait le point sur les critiques adressées à l’enseignement de l’économie aujourd’hui. Il évoque ensuite les objectifs actuels de la réforme de l’enseignement de l’économie et donne enfin quelques pistes de réflexion en guise de conclusion.
Réflexions sur les objectifs de l’enseignement
5Aussi saines et même vitales que soient les controverses intrinsèques à l’éducation, portant notamment sur son essence et ses objectifs, un des buts principaux de l’éducation consiste à expliquer le passé en vue de comprendre le présent, de façon à conceptualiser les problèmes qui se profilent à l’horizon et leur trouver des solutions efficaces. “Il appartient à l’enseignant de s’assurer que […] le problème [auquel il confronte les élèves] est lié aux conditions de leur expérience présente et qu’ils sont en mesure de le traiter ; il faut en outre que ce problème suscite chez eux une recherche active d’information et la production d’idées nouvelles. Les informations factuelles et les idées nouvelles ainsi acquises donnent lieu à de nouvelles expériences d’où surgissent de nouveaux problèmes” (Dewey 1937 [1968], 79).
6Cette façon d’enseigner est aux antipodes de l’enseignement traditionnel, où un soi-disant expert transmet à des élèves passifs des connaissances toutes faites : “Apprendre signifie ici acquérir ce qui se trouve déjà dans les livres et dans l’esprit des aînés. Par ailleurs, le contenu de l’enseignement est perçu comme étant essentiellement statique. On fait comme si on avait affaire à un produit fini, sans vraiment se préoccuper de la façon dont ce savoir s’est constitué ni des changements qui ne manqueront pas de le modifier par la suite” (Dewey 1938 [1967], 19).
7L’enseignement doit s’ancrer dans l’expérience directe des élèves, afin qu’ils comprennent ce qu’ils apprennent et prennent une part active dans le processus de leurs propres croissance et maturation. Ainsi, “l’éducateur ne peut plus se contenter de transmettre un stock de connaissances existantes ; sa tâche première est d’entraîner les élèves à traiter les connaissances nouvelles d’une manière qui fasse sens […] les élèves doivent apprendre à apprendre” (Weehuizen 2007, 178). Telle est notre devoir d’enseignant : apprendre aux élèves à apprendre, en contextualisant notre enseignement en fonction de leur propre expérience.
8Un des objectifs primordiaux de l’enseignement est le développement de l’esprit critique, lequel permet aux élèves de “raisonner à partir de preuves, d’évaluer la qualité de leur raisonnement en fonction de divers critères intellectuels, d’améliorer le fonctionnement de leur pensée, en se posant par exemple des questions subtiles et pointues sur celles d’autrui” (Bain 2014, 99). Mais pour que les élèves développent leur esprit critique, il faut qu’ils soient exposés à plus d’un point de vue ; en les soumettant à une idéologie unique, nous ne rendons pas justice à leur créativité et nous bridons leur développement intellectuel.
9Nous avons besoin de penseurs de grande envergure, capables de poser des questions générales et systémiques et non de spécialistes aux compétences étroites, et à la pensée formatée. En effet, l’enseignement a pour fonction de former “les hommes et femmes de demain, prêts à embrasser le monde, à se lancer dans l’existence avec espoir, courage, esprit d’invention et de jeu, à s’engager en pleine conscience, dès que l’occasion l’exige, et non en vertu d’une règle ou d’un apprentissage. Des hommes et des femmes qui participent aux événements sans se contenter de les subir en victimes” (O’Hara & Leiscester 2012, 60).
10Préparer les élèves à résoudre les problèmes du futur grâce à une bonne compréhension tant du passé que du présent et les aider à développer leur sens critique, tel est l’objectif primordial des enseignants.
Réflexions sur l’enseignement de l’économie
11Concernant ces objectifs fondamentaux, l’enseignement de l’économie a lamentablement échoué. Il n’est que de lire deux étonnants ouvrages parus récemment sous des titres très programmatiques, pour comprendre l’ampleur de l’échec et en avoir un témoignage tangible : Anti-Textbook (Hill & Myatt 2010) et What Every Economics Student Needs to Know and Doesn’t get in the Usual Principles Text (Komlos 2014). Hill & Myatt (2010, 254) formulent ainsi leur objectif : “La raison d’être de notre antimanuel est d’apporter aux étudiants en économie les idées fondamentales qui leur permettront de faire une lecture critique de leurs manuels. […] Le lecteur doit adopter un regard critique, qui lui permette de relever les omissions et les propos dénués de fondement”. Pour Komlos (2014, 12), “on applique abusivement à des situations réelles des modèles scolaires simplifiés à l’extrême qui, au lieu de nous aider à comprendre, nous embrouillent, nous égarent et deviennent de puissants instruments de destruction […] et les économistes sont par conséquent responsables du manque d’information du public, des médias et de la classe politique”.
12Comment imaginer un manuel de médecine qui contienne tant d’omissions et d’erreurs et si obsolète qu’on propose un antimanuel pour le corriger ? Cela ne causerait-il pas de vives inquiétudes, un scandale, voire une révolution dans le milieu médical ?
13Deux critiques en particulier reviennent constamment sous la plume de ces auteurs à propos de l’enseignement de l’économie. Il est abstrait, par trop fondé sur des raisonnements déductifs et coupé des réalités du XXIe siècle. Il ne propose qu’un seul type d’approche de l’économie, comme s’il n’en existait qu’une et comme si elle suffisait à elle seule pour saisir la réalité dans toute sa complexité.
14Les étudiants qui choisissent l’économie le font pour comprendre le monde dans lequel ils vivent, or ils se trouvent bien vite plongés dans le désarroi, la consternation et la désillusion lorsqu’ils découvrent une matière totalement fondée sur la déduction et coupée du monde réel. Alors qu’ils s’attendaient à découvrir une discipline qui les aiderait à comprendre le monde, ils se heurtent aux “mathématiques appliquées, dont le but n’est pas d’expliquer les processus et leurs effets réels dans le monde économique, qui donnent de l’économie l’image d’une discipline technique et très fermée, dont l’intérêt est incertain et l’utilité pratique limitée” (Hodgson 1999, 6 et 9).
15Elsner (2012, 1) souligne aussi que “telle qu’elle est enseignée aujourd’hui, l’économie est déconnectée du monde réel, tant de ce qui s’y passe que des politiques effectivement menées. Au fil des dernières décennies, de nombreux départements d’économie ont peu à peu abandonné toute référence à des événements ou à des faits contemporains dans leurs programmes. Ce qui signifie que nos étudiants ne sont pas préparés à s’engager dans des débats portant sur le monde réel.”
16L’économie néoclassique, courant dominant de la discipline, a formé une image idéale du précapitalisme du XIXe siècle (Deising 1982, 327), or “les perspectives dont l’idéologie renvoie au passé ont elles-mêmes une fonction idéologique qui consiste à dissimuler l’exercice de formes de pouvoir bien réelles et à idéaliser des institutions existantes en les projetant dans le passé”. Cette démarche est dangereuse, car elle conduit à dispenser des enseignements erronés et à forger de fausses représentations du capitalisme contemporain. Minsky (2008, 4), un des rares économistes à rappeler sans relâche le caractère intrinsèquement instable du capitalisme et sa tendance inhérente à engendrer des crises (qui, comme on pouvait s’y attendre, n’est généralement pas pris au sérieux par la profession) a depuis longtemps lancé l’alerte : “Depuis trente ans, la théorie économique enseignée dans les établissements de l’enseignement supérieur est gravement fautive et par conséquent le bagage des étudiants et des praticiens de l’économie ainsi que l’assise intellectuelle des politiques économiques mises en œuvre dans les démocraties capitalistes le sont aussi.”
17L’économie n’a pas toujours été dans cet état. Au cours de sa formation et de son développement, aux XVIIIe et XIXe siècles, la discipline, appelée alors économie politique, abordait de grandes questions comme la croissance économique, le pouvoir, la répartition des salaires, etc. Mais à la fin du XIXe siècle, à l’instar de la physique newtonienne, elle s’est séparée de la politique, s’est rebaptisée “économie”, a cessé de s’intéresser à la politique et aux questions sociales pour concentrer ses efforts sur le critère étroit du choix rationnel.
18Pour constater le resserrement toujours plus strict de la discipline économique, il suffit de lire la définition qu’on en trouve dans la plupart des manuels : l’art de gérer des ressources rares face à des besoins illimités. Une telle définition met en évidence une partie du problème propre à la discipline : la confusion entre hypothèses et vérités générales, érigées en axiomes pour bâtir un édifice théorique sans en vérifier la validité ni dialoguer avec les autres sciences sociales. En vertu de cette définition, l’économie s’est repliée sur elle-même, en sorte qu’elle ne se distingue plus tant par son sujet –l’économie– que par son “mode de pensée” (Coyle 2007, 232).
19La définition d’un sujet détermine sa méthodologie, son objectif, son domaine et son point de vue. Or la définition néoclassique selon laquelle l’économie concerne la répartition de ressources rares entre des besoins illimités est aujourd’hui remise en question par un mouvement hétérodoxe, qui en propose une nouvelle, plus efficace et plus réaliste, qui non seulement rétablit le lien entre l’économie et son passé d’économie politique, mais en saisit bien mieux la quintessence (et le domaine d’action) : “L’économie, c’est le fait de constituer des provisions ; autrement dit, c’est la façon dont les sociétés s’organisent pour maintenir la vie et en améliorer la qualité” (Nelson 2009, 61). Dans la mesure où une telle définition “ne porte pas sur les choix rationnels des individus, elle peut englober diverses institutions sociales et économiques, une psychologie réellement humaine ainsi qu’une chronologie d’événements historiques ayant effectivement eu lieu” (Nelson 2009, 61). La constitution de provisions ou son absence, telle serait donc l’affaire de l’économie. L’économie est donc aujourd’hui contestée en tant que discipline (Lee 2009, passim), mais aussi dans son essence et sa définition mêmes.
20La seconde critique sur l’enseignement de l’économie, qui revient souvent depuis 2001, est son manque de pluralité : plutôt que de révéler aux étudiants toute la richesse et la diversité de l’économie politique, son enseignement traditionnel se réduit à un endoctrinement fondé sur un mode de pensée unique –une idéologie datant du XIXe siècle, bancale et démodée, peuplée de petites entreprises, d’individus isolés et ultrarationnels évoluant dans un univers préfreudien et préquantique.
21Ce manque de pluralité a suscité une vague de protestations à travers le monde. En 2001, un collectif d’étudiants français a publié une lettre ouverte à leurs professeurs d’économie, leur demandant de dispenser un enseignement plus pragmatique et pluraliste : “Trop souvent, le cours magistral ne laisse pas de place à la réflexion. Parmi toutes les approches existantes, on ne nous en présente généralement qu’une seule, censée tout expliquer selon une démarche purement axiomatique, comme s’il s’agissait de LA vérité économique. Nous refusons ce dogmatisme. Nous voulons une approche plurielle, adaptée à la complexité des objets et à l’incertitude qui plane sur la plupart des grandes questions économiques (chômage, inégalités, place de la finance, avantages et inconvénients du libre-échange, mondialisation, développement économique, etc.).”
22En 2008, les étudiants en économie de l’université Notre Dame (Indiana) publiaient également une lettre ouverte : “La plupart des professeurs présentent exclusivement des modèles néoclassiques à leurs étudiants, ce qui suggère que la théorie néoclassique représente à elle seule toute ‘l’économie’. Ce système d’enseignement, ne laissant aucune place aux opinions divergentes, est en train de former la prochaine génération d’économistes en les dotant d’un ensemble figé de modèles et de préceptes reposant sur l’idée d’une réalité économique immuable. Les étudiants se révèlent ainsi incapables de replacer la théorie néoclassique au sein du discours plus général des sciences sociales. En conclusion, la prépondérance des cours d’économie exclusivement fondés sur l’enseignement de la théorie néoclassique empêche les étudiants de prendre part à la vie intellectuelle florissante que notre université est censée leur apporter. Les étudiants en économie de Notre Dame ne reçoivent pas l’enseignement authentiquement pluriel qui devrait être le leur.”
23Plus récemment encore, le site Internet de Rethinking Economics, organisation chapeautant des collectifs d’étudiants répartis dans plus de trente pays à travers les six continents, publie la déclaration suivante sur le pluralisme : “Dans la plupart des cours, ‘science économique’ renvoie à ‘théorie néoclassique’. La discipline ne tient aucun compte de la diversité des écoles de pensée au fil de l’histoire et à travers le monde. Par souci d’intégrité, l’université doit offrir aux étudiants la possibilité de découvrir des théories économiques différentes de celles qui leur sont actuellement enseignées. Les questions économiques ne sauraient en effet trouver de réponses adéquates à partir d’un point de vue théorique unique ou de la seule approche mathématique” (Rethinking Economics 2014).
24Ces mouvements ne sont en aucun cas passagers. Globaux, institutionnels et déjà bien enracinés, ils se développent lentement mais sûrement. Les pluralistes français, par exemple, ont lancé le “Mouvement pour une économie post-autiste”, devenu réseau mondial avec la World Economics Association, dotée de journaux en ligne et de sa propre maison d’édition. Par ailleurs, de nombreux ouvrages sur l’enseignement du pluralisme sont parus (Groenewegen 2007, Reardon 2009) et une nouvelle revue internationale consacrée au pluralisme et à l’enseignement de l’économie : The International Journal of Pluralism and Economics Education. Plusieurs manuels ont été publiés pour soutenir la cause du pluralisme (Elsner 2012, Reardon 2015, par exemple), lequel rencontre désormais un meilleur accueil.
25Ces divers manifestes pour un enseignement pluraliste de l’économie ont déclenché un vif débat sur la réforme du cursus économique. Celui-ci a débouché sur la création de l’Institute for New Economic Thinking (Madi & Reardon 2015) et sur une scission de ses participants en deux courants : l’un prônant des réformes périphériques et des changements superficiels, l’autre défendant l’idée d’un changement systématique et profond (Madi & Reardon 2015).
26L’opposition à la réforme de l’économie demeure vive pour plusieurs raisons (Reardon 2012). La première tient à une tendance naturelle chez les universitaires à s’installer confortablement dans leurs habitudes et à éprouver une haine viscérale à l’égard de toute nouveauté. Francis Bacon n’avait-il pas remarqué il y a quatre cents ans déjà que “[…] dans les usages et les règlements des écoles, des académies, des collèges et des autres établissements semblables, destinés à être le siège des savants et le foyer de l’instruction, tout se révèle contraire au progrès des sciences. […] Dans ces lieux, en effet, les études sont renfermées dans les écrits de certains auteurs, comme dans des prisons. Si quelqu’un vient à exprimer un jugement différent, on s’en prend à lui sur-le-champ, comme à un homme dérangé et avide de nouveauté” (Bacon 1620, trad. 1986 Livre 1, Aphorisme 90).
27La deuxième raison, étroitement liée à la première, vient du fait que l’homme répugne naturellement à reconnaître qu’il ait pu accomplir son œuvre en vain. Chose étrange pour une discipline qui prétend à la rationalité, ses praticiens les mieux établis ont du mal à renoncer à leurs croyances invétérées pour embrasser de nouveaux paradigmes. Malheureusement, la myopie et la tendance au fondamentalisme héritées de leur formation les empêchent de comprendre toute autre approche.
28La troisième raison de cette réticence est due à une volonté de maintenir le statu quo pour protéger les intérêts de ceux qui auraient le plus à perdre d’un changement. Ces intérêts, pas nécessairement défendus de manière uniforme, constituent un obstacle quasiment infranchissable. “Des grandes institutions de l’économie néoclassique : universités, associations, revues, systèmes de classement, manuels d’économie divers et variés, de manière collective et interactive, tiennent un discours visant à décourager toute velléité de réforme significative” (Fullbrook 2010). Les meilleurs spécialistes du domaine dirigent souvent les départements d’économie et décident des promotions, des manuels à utiliser, dont ils sont aussi souvent les auteurs.
29La quatrième raison, proche de la précédente, tient au fait que les économistes néoclassiques, nécessairement monistes et antipluralistes par leur formation, sont souvent concentrés au sein de départements, d’universités, de spécialités ou d’aires géographiques données, d’où ils peuvent effectivement résister et parer à tout changement. Il est avéré qu’ils usent de leur position de domination pour intimider et contraindre les non-conformistes : “Alors que sur le lieu de travail, les brimades, les intimidations et les diverses formes de harcèlement, sexuel, religieux ou ethnique sont de moins en moins tolérées, leurs équivalents plus ou moins cryptés sont très courants dans les départements d’économie à l’encontre des enseignants-chercheurs hétérodoxes” (Lee 2009, 222).
30Van der Berg (2011, 350) décrit ce comportement en termes bourdieusiens : “Mais, si un économiste refuse la doxa et ne se conforme pas à l’habitus, la violence symbolique de cette culture économique s’exerce à son encontre via les membres les plus distingués de la discipline, lesquels dirigent les revues spécialisées qui donnent le la en matière de recherche, ainsi que les commissions de recrutement qui décident de l’embauche, de la promotion et du licenciement des nouveaux membres. Ainsi, les jeunes assistants-moniteurs qui cherchent à publier et à obtenir un poste de titulaire auront ‘tout intérêt’ à rédiger des articles fondés entièrement sur l’analyse néoclassique. Dans les principaux départements d’économie, le contenu des cours, les conseils donnés aux doctorants ainsi que les critères de sélection pour l’attribution de bourses de recherche contribuent à renforcer l’habitus orthodoxe et asseoir la doxa dans l’esprit des plus jeunes. En dehors de l’université, les groupes de réflexion, la Réserve Fédérale, la presse économique ainsi que les firmes financières font en sorte que ce paradigme orthodoxe demeure fermement ancré.”
31C’est pourquoi les auteurs australiens d’une analyse du développement d’une économie hétérodoxe préconisent un programme dynamique, indépendant des bastions de l’hétérodoxie néoclassique : “[Nos] recherches nous ont conduits à penser que l’économie politique devait chercher à se rendre plus indépendante et à se distinguer des centres traditionnels de l’enseignement de l’économie : indépendante, en occupant une place qui lui soit propre au sein des facultés de sciences humaines, distincte parce qu’elle se conçoit comme une discipline universitaire à part entière (celle de l’économie politique)” (Argyrous & Thorton 2014).
32La cinquième raison tient au fait que le système de titularisation encourage et récompense le maintien du statu quo. La titularisation tend en effet à décourager les idées novatrices et à empêcher tout changement. Pour être titularisé, il s’agit de se soumettre au système et d’accepter les pratiques de rétention d’information : “La quête d’une titularisation pousse à des comportements obséquieux envers un nombre restreint d’aînés titularisés, à mener des recherches conventionnelles qu’on publie dans des revues conventionnelles, à éviter les publications iconoclastes ainsi que tout ce qui pourrait prendre les gardiens de l’orthodoxie à rebrousse-poil. La titularisation engendre le conformisme : elle exclut les divergences d’opinions et les idées novatrices, elle tue tout désir d’innovation et élimine les porteurs d’idées ambitieuses et de pensées iconoclastes” (Reardon 2011, 66). Étant donné l’impossibilité de démanteler le système de la titularisation, peut-on s’en servir pour introduire et encourager le pluralisme ? Par exemple, en appariant les titulaires avec de nouveaux professeurs ou par un système de reconnaissance avantageant les titulaires disposés à refaire ou à modifier leur cours et à entreprendre des recherches pluralistes en travaillant avec d’autres disciplines.
33Enfin, la chose est assez cocasse, en excluant systématiquement de son enseignement les idées et concepts de pouvoir, de classe, de groupe et d’exploitation, l’économie néoclassique prive ses étudiants des outils intellectuels qui leur permettraient de comprendre ses tenants et ses aboutissants, si bien qu’au lieu d’une communauté active de savants, nous sommes confrontés à une communauté d’antisavants monistes et fondamentalistes dont le message, bien que cantonné à des généralités, n’en est pas moins devenu hégémonique (Fine & Milonakis 2009).
34Malgré les nombreuses critiques dirigées contre l’enseignement néoclassique de l’économie, certains lui reconnaissent une valeur intrinsèque. Siegfried (2009, 219) estime ainsi que la pensée algorithmique (reposant sur la déduction) fait globalement défaut à l’université, en sorte que les départements d’économie, du moins les néoclassiques, comblent un cruel besoin (Siegfried 2009, 219).
La réforme par le pluralisme
35Le pluralisme repose à la fois sur cette double critique de l’enseignement de l’économie et sur la conscience des réformes à entreprendre. Pour que l’économie soit à nouveau en mesure de résoudre nos problèmes avec efficacité, il faut reconnaître la nécessité d’avoir des perspectives plurielles sur la réalité ; pour pouvoir faire face aux redoutables problèmes auxquels est confrontée notre génération, il faut encourager et accepter divers points de vue, sans penser a priori qu’un d’eux doit dominer les autres. Puisqu’on reproche à l’enseignement de l’économie de manquer de pluralisme et qu’on estime que celui-ci doit être au cœur des réformes appliquées à l’enseignement de cette discipline, il semble utile de faire le point sur les débats actuels au sein du courant pluraliste à l’université.
36Comme la liberté ou la démocratie, le pluralisme est un concept à facettes multiples, qui revêt des sens différents selon les approches. Une définition simple, mais exacte peut être donnée : le pluralisme consiste à respecter la légitimité de points de vue différents, voire contraires. Mais comme il existe sur différents plans, il reste difficile à cerner, pouvant être méthodologique (quelle approche adopter pour étudier la réalité ?), ontologique (quelle compréhension avoir de la réalité ?), épistémologique (comment bâtir les connaissances sur la réalité ?), théorique (comment se développent les théories de la réalité ?) ou encore pédagogique (comment l’enseigner ?). Si la nécessité du pluralisme est largement reconnue et sa cause généralement acquise, il n’existe pas de recette permettant de le mettre en œuvre et pourrait-on parler de pluralisme s’il en existait une ?
37En tant que concept pluriel, le pluralisme suit actuellement un processus d’auto-évaluation critique, qui lui permet de ne pas tomber dans le dogmatisme, “car toute théorie, tout ensemble de pratiques est dogmatique dès lors qu’il n’est pas fondé sur l’examen critique de ses propres principes sous-jacents” (Dewey 1938[1997]), 22). Cette auto-évaluation fournit au débat ses quatre fondements : – Quels sont les points de vue légitimes ? – Quelles frontières séparent les différentes idéologies ? – Quelle part accorder à l’enseignement néoclassique de l’économie ? – Faut-il introduire le pluralisme dès les premières années d’études ou bien remettre son introduction à plus tard ? Plus – quels sont les enjeux du pluralisme pour la relation entre professeur et étudiant ?
Quels sont les points de vue légitimes ?
38Tout d’abord, qu’est-ce qu’un point de vue légitime ? Qui en décide ? Tous les points de vue sont-ils légitimes ? Des opinions nocives peuvent-elles être légitimes ? Qu’en est-il des opinions erronées par nature ? La plupart des personnes s’accordent avec Dow (2009, 46) sur la chose suivante : “L’éventail des paradigmes est voué à être limité. Le savoir progresse au sein de communautés. On pense parfois, à tort, que le pluralisme, sous sa forme pure, accepte tout et n’importe quoi, mais si les économistes pouvaient faire passer n’importe quoi pour un fait, et n’importe quelle théorie pour valable, leur savoir n’aurait aucune valeur. Au contraire, pour être exploitable, le pluralisme doit être structuré autour d’un nombre limité d’approches.”
39Quoique louable, cet argument présuppose implicitement une instance de jugement – une autorité morale supérieure, capable de distinguer le bien du mal, le vrai du faux. Cette définition très restrictive favorise le statu quo et les idéologies acceptées au détriment des naissantes, ce qui est contraire à l’esprit du pluralisme qu’elle place de fait juste au-dessus du monisme. Au lieu de reconnaître la légitimité d’un unique point de vue, on en accepte plusieurs, mais on en rejette d’autres, considérées comme illégitimes. Peut-être faudrait-il poser que la légitimité d’une opinion se mesure à l’aune de preuves tangibles. Coupée de la réalité empirique, l’économie se mue en fondamentalisme et l’enseignement en prosélytisme. La mise en œuvre d’un pluralisme implique une réflexion sur la prise en considération d’idées nouvelles.
Quelles frontières séparent les disciplines entre elles ?
40Cette question est importante, car plus les frontières entre disciplines sont imperméables, plus ces dernières se spécialisent, moins elles dialoguent entre elles et plus elles se montrent sûres de leur hégémonie et de la supériorité de leurs opinions. Inversement, plus ces frontières sont labiles, plus les individus sont familiers d’autres points de vue et réceptifs à leur égard. Pour Marshall : “Il est du devoir de ceux qui se consacrent à un domaine très pointu d’entretenir des liens étroits et réguliers avec les personnes travaillant dans des domaines connexes. Les spécialistes qui ne regardent jamais au-delà de leur propre domaine risquent de ne pas envisager les choses dans leurs justes proportions. Une grande partie des connaissances qu’ils rassemblent sont relativement peu utiles, ils s’attachent à des détails relevant de problèmes qui ont en grande partie perdu leur intérêt et ont été supplantés par des questions nouvelles, posées à partir de points de vue nouveaux. Enfin, ils ne profitent pas des lumières qu’apportent aux domaines voisins, par comparaisons et analogies, les progrès réalisés dans un domaine scientifique donné” (Marshall 1890 [1946], 770-771).
41En quoi la fluidité des échanges entre disciplines influe-t-elle sur les modes d’apprentissage, d’enseignement et sur la spécialisation des connaissances ? Pourvu de connaissances générales, mais sans spécialisation, chacun est voué à la médiocrité et à la superficialité, mais à l’inverse, une spécialisation sans culture générale condamne à une arrogance inébranlable. “Favoriser les échanges avec l’extérieur et adopter une attitude d’ouverture constituent le meilleur antidote contre l’idée funeste selon laquelle une seule discipline peut apporter toutes les réponses […] il importe en outre que l’enseignant mette l’accent sur la nécessité de rester humble quant à l’efficacité d’une science isolée, et apporte un moyen systématique d’assurer la communication au-delà des barrières intellectuelles (le pluralisme par exemple) […], lesquelles ne doivent surtout pas rester étanches et empêcher le contact avec les autres communautés d’apprentissage” (Reardon et al. 2016, 34).
42La résolution des redoutables problèmes qui se posent à notre génération exige une coopération holiste et innovatrice, aussi la contribution de nombreuses disciplines est-elle nécessaire. “Les problèmes du monde réel exigent des solutions holistes, ce qui signifie qu’il faut construire de plus en plus de ponts entre les disciplines et combler les fossés toujours plus larges qui les séparent (Lemstra 2007, 147). Il est présomptueux et fallacieux de croire qu’une discipline à elle seule soit capable de résoudre nos problèmes. C’est pourquoi demandons-nous si l’avènement du pluralisme concernera uniquement l’économie ou bien si nous dépasserons les frontières de cette discipline pour nous appuyer sur une combinaison de plusieurs disciplines. Étant donné que nos problèmes (celui du changement climatique, par exemple) ne relèvent pas d’une discipline en particulier, au nom de quoi l’économie ou toute autre discipline prétendrait-elle détenir le monopole sur les solutions potentielles ?
Quelle part accorder à l’économie néoclassique dans l’enseignement ?
43C’est un problème épineux, étroitement lié à la première question. Les pluralistes qui défendent l’idée qu’on ne doit tenir compte que des points de vue légitimes tendent à considérer l’approche néoclassique comme étant fausse et donc illégitime. Mais est-ce là une attitude pluraliste ? Pour les autres, en vertu même de l’esprit du pluralisme, accorder un poids égal à l’école néoclassique est nécessaire, car pour la changer il faut d’abord la comprendre. Le néoclassicisme étant la lingua franca de l’économie, il faut la maîtriser ; par ailleurs, c’est aussi à partir de son discours que sont élaborées les politiques. Enfin, en se familiarisant avec l’édifice néoclassique on peut l’ébranler et trouver des voies d’entrée en vue d’un dialogue pluraliste.
44Certains en revanche avancent l’idée que l’enseignement de la théorie néoclassique représente un coût d’opportunité, surtout dans la perspective de chercher à amasser des connaissances pour résoudre les problèmes actuels. Ils proposent de reléguer cet enseignement aux cours d’histoire de la pensée économique ou intellectuelle, selon l’argument suivant : quelle autre science sociale (quelle autre science tout court ?) se permet de transmettre des contenus erronés et obsolètes ? Cet échec de la pensée fait partie du problème : “Loin d’être source de sagesse économique, l’école néoclassique constitue en réalité la principale barrière à la compréhension du fonctionnement réel de l’économie – et de son effondrement périodique. Si nous voulons un jour disposer d’une théorie économique propre à décrire ce qui se passe dans l’économie, voire à nous aider à la maîtriser, il faut nous débarrasser de l’école néoclassique” (Keen 2011, 15).
45Un rapprochement avec la conception ptoléméenne du système solaire peut tenter d’illustrer cela. Convient-il, dans un cours de physique élémentaire, de lui donner le même poids qu’à la théorie héliocentrique, fondée sur des études empiriques ? Ou, étant donné le coût d’opportunité élevé, n’est-il pas plus sage de l’inscrire au programme des cours d’histoire de la pensée scientifique, grâce auquel les étudiants pourront en comprendre la logique, les faiblesses théoriques, mais aussi la raison pour laquelle cette théorie a engendré des progrès scientifiques. Le mode opératoire idéal est de créer les conditions pour que les étudiants fassent cette découverte par eux-mêmes, à partir de leurs propres pratiques et de quelques expériences simples.
46Dans la préface du livre sur les nouveaux principes de l’économie (Reardon et al. 2016, 9), une solution efficace est proposée face à ce dilemme : “Ce serait un manquement à notre devoir d’enseignants que de chercher à faire croire qu’il n’existe qu’un seul point de vue, ce serait un manquement encore que de prétendre que le consensus et la bienveillance règnent dans la profession. Néanmoins, il serait insensé de vouloir enseigner et étudier l’économie tour à tour à partir des diverses idéologies. Notre approche vise à vous faire au moins prendre conscience de l’existence des différentes idéologies, en précisant, lorsque cela s’impose, l’origine de certains principes et concepts et en montrant quelle place ils occupent au sein de la discipline économique dans son ensemble, tout comme au restaurant, on attend un produit de qualité et non de longs discours sur l’origine de chacun des ingrédients ou les diverses façons de les apprêter ou encore sur les raisons pour lesquelles tel restaurant est meilleur à tous points de vue qu’un établissement plus ordinaire.”
Faut-il introduire le pluralisme dès les premiers cours ou attendre que les étudiants aient acquis un niveau théorique suffisant ?
47Pour certains, imposer aux étudiants une approche pluraliste dès le début revient à leur infliger un discours discordant et cacophonique, aussi préconisent-ils d’attendre qu’ils aient acquis une certaine maturité intellectuelle dans le domaine. Mais qu’en est-il de l’étudiant qui ne fait qu’un semestre ou deux d’économie ? Quel message lui transmettre s’il est laissé dans l’ignorance des controverses et des désaccords existants ? Si l’apprentissage consiste à répartir la tâche à parts égales entre enseignant et étudiant – ce qui semble être la bonne solution – les étudiants doivent être d’emblée informés des controverses intrinsèques à la discipline. C’est exactement le parti qu’a pris Stilwell dans Political Economy. The Contest of Economic Ideas (2012). L’ouvrage a pour sous-titre “Le combat des idées”, au sens où “nous reconnaissons qu’à tout problème économique correspondent plusieurs explications concurrentes” (2012, 5) et il va sans dire que “le combat idéologique se poursuit entre les économistes” (2012, 374).
48Stilwell (2012, 385-386) souligne à juste titre que le désaccord ainsi que la pluralité de la pensée sont “la marque d’une société ouverte […] mais que tout progrès dans la compréhension du monde ainsi que tout changement proviennent souvent de la confrontation des idées”. Cette juxtaposition d’idées différentes, issues des différentes disciplines, est indispensable pour pouvoir résoudre les redoutables problèmes actuels.
Quelle est l’incidence du pluralisme sur la relation maître/élève ?
49Watson et al. (à paraître) invitent les partisans du pluralisme à dépasser son cadre familier pour examiner tous les aspects des programmes et de la pédagogie propres au cursus économique, en particulier le type de rapport maître-élève le plus courant : “La notion de ‘pédagogue pluraliste’ est paradoxale, elle porte une contradiction en ses termes. Tant que le pédagogue correspond à la figure du professeur autocratique à l’ancienne, le développement du pluralisme se trouve naturellement limité. Pour qu’il puisse évoluer, il faut que les rapports entre professeurs et étudiants changent du tout au tout. L’enseignant doit renoncer à sa position de supériorité hiérarchique pour se muer en guide éclairé. À nos yeux, cet état de fait est la preuve que le pluralisme n’a pas encore pleinement pénétré l’enseignement de l’économie.”
50En somme, en tenant compte de tous les éléments cités, il n’existe pas de recette simple et universellement reconnue pour introduire le pluralisme : ce qui convient dans un cas ne va pas dans un autre. Par conséquent, un dialogue à l’échelle globale est à instaurer pour permettre aux économistes d’échanger et de débattre sur ce qui fonctionne ou pas – conformément à l’esprit du pluralisme. Grâce à cette remise en question pleine d’invention, effectuée dans le cadre d’une conceptualisation et d’une reconnaissance des problèmes qui se posent à nous avec urgence, réformer l’enseignement de l’économie devient possible (et par suite, l’économie dans son ensemble). Pour Stilwell (2012, 8), “il faut procéder à une application inventive des courants de pensée existants au sein de l’économie politique, alliée à une redéfinition permanente de la discipline. […] De toute évidence, il est urgent de se mettre à penser l’économie politique de manière inventive.”
Conclusion
51Les sciences économiques peuvent éclairer sur les problèmes de notre temps et apporter des solutions, non sous la forme d’une réorganisation ou d’un remaniement de principes éculés, mais à condition de se renouveler de fond en comble et d’adopter une perspective plurielle. Le pluralisme se heurte à trop d’obstacles et de critiques pour que sa mise en œuvre soit aisée et elle ne se fera pas du jour au lendemain. Croire le contraire est illusoire et porteur de faux espoirs. Pour que les sciences économiques contribuent activement à la compréhension des faiblesses des systèmes économiques et aident à concevoir de nouvelles solutions, elles doivent encourager le pluralisme et permettre ainsi la collaboration avec les autres sciences sociales. La pluralité réintroduira dans les sciences économiques la modestie, la coopération et le dialogue, qui leur ont fait défaut si longtemps. Le dernier mot revient à Bacon : “En tout cas, il vaut mieux savoir ce qu’il faut et croire que nous n’avons pas la toute-science, que de croire que nous avons la toute-science, en ne sachant rien de ce qu’il faut” (Bacon 1620 [2000], CXXVI, trad. Lorquet).
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