“Mais j’ai mieux à faire que de peindre les grandeurs et misères des enfants du siècle dernier : modifier la flèche du progrès, (…) récupérer le droit, recouvrer la politique, donner un sens neuf au mot d’institution, décider ce dont il faut faire hériter ses enfants. (…) Redonner un autre sens à cette longue histoire occidentale, en finir avec la modernisation.” Bruno Latour 2002, 79
Capital social et culture civile dans les processus éducatifs
1Latour énonce, de façon provocante, un dilemme actuel : déclin de l’institution ou nouveaux cadres moraux ? Quel sens critique, quel sens de la justice les jeunes élaborent-ils, quel rôle l’éducation y joue-t-elle ? Des tendances émergent-elles au travers des transformations des processus et des institutions éducatifs ?
2Cet article aborde la question à partir de l’étude du capital social dans la société et l’éducation en Italie. Ce concept, dont la cohérence et les ambiguïtés font débat, défini comme un réseau de relations de confiance et de coopération qu’un sujet –individu ou collectif– peut mobiliser pour en tirer des ressources utiles à son action, relève de deux paradigmes : “individualiste-instrumental” et “communautaire-expressif”. Dans le premier, il permet de produire des biens et facilite connexions et échanges. Dans le second, il arme l’observation des qualités de la vie sociale qui donnent forme à l’intégration à un groupe ou une société (Bourdieu 1980, Coleman 1988, 1990, Putnam 2000, Halpern 2005).
3De quelle manière et à quelles conditions les processus éducatifs contribuent-ils, en Italie du Nord, à la constitution de ce capital social ? Si la sociologie politique approche habituellement la question en termes de civisme, en assimilant l’homme au citoyen et en se limitant à la sphère politique de l’État, cet article voudrait l’aborder de façon plus large à travers la notion de “culture civile”. Il s’agit de porter attention aux représentations, symboles et valeurs jugés positifs, qui n’identifient pas nécessairement la civilisation à l’État ou au politique.
4Les experts dénoncent, en Italie comme ailleurs, le déclin du capital social et du civisme. Ils diagnostiquent une crise d’identité et de solidarité sociale, fil rouge de la critique sociologique de la modernité. Putnam (1993, 2000, 2006, Putnam et al. 2003), Cartocci (2007) ou Frane (2007) en témoignent. Cartocci observe, au travers des données Eurostat, que la confiance dans les institutions atteint en Italie le taux le plus bas de l’Union européenne. Le particularisme politique et la chute des valeurs civiques plongent la société dans des micropolitiques de redistribution clientéliste. La méfiance entre citoyens et institutions nuit aux transactions marchandes et aux comportements des entrepreneurs ou des consommateurs. Le cas italien est donc pertinent pour vérifier la thèse du déclin de l’institution et l’émergence de nouveaux cadres sociaux d’autant que la crise de l’école et de l’éducation y est au cœur du débat. Trois angles d’étude sont choisis ici : crise de l’efficacité institutionnelle, de la différenciation fonctionnelle et de la légitimation de l’éducation.
5– L’école italienne traverse une période de tensions : violence, drogue, vide éducatif prononcé et malaise généralisé de l’éducation ont plongé l’opinion publique dans le pessimisme et le doute sur les capacités éducatives et la socialisation par l’école.
6– Le débat public fait douloureusement prendre conscience que l’école ne peut plus être le centre réel et symbolique de l’éducation. Ce que la sociologie a compris est vécu comme un problème, non comme le début d’une stratégie valorisant les expériences formatives des sujets.
7– La légitimation de l’éducation est aussi ambiguë. Si l’école est riche en communications morales, ses principes, ses valeurs, les symboles de sa légitimité font face à l’incertitude. Aucun principe clé ne suffit. Ni l’égalité des chances dans l’école de l’État –mythe éducatif de la modernité– (Glenn 1988, Maccarini 2003) ni l’autoréalisation des élèves ni la méritocratie ni le développement de leur capacité critique ne peuvent fonder une légitimité partagée des opérations éducatives.
8Ces trois dimensions dessinent l’enjeu de l’école et de la socialisation et ce texte présente les résultats d’une recherche caractérisée par deux traits. D’une part, le capital social est constitué d’expériences éducatives formelles et informelles différentes, plus ou moins institutionnalisées, formant un itinéraire de vie plus ou moins cohérent. Ce thème et sa connexion avec les processus et institutions éducatives n’ont pas été explorés systématiquement, or ils ouvrent un champ à la sociologie (Field 2006). D’autre part, cette recherche vise les jeunes adultes, au moment où ils sortent du parcours formel dans les institutions éducatives et débutent dans les cercles –et les logiques sociales– du monde adulte. Les prendre en considération permet d’examiner la résistance du message éducatif lors de la transition entre la scolarité et la complexité de la vie adulte.
9Parmi les expériences de l’identité personnelle et sociale, quelles sont les plus formatives, dans quel sens et dans quelle mesure ? À quelles conditions dotent-elles les individus de capital social et de la capacité à le reproduire ? Pour les processus et institutions éducatifs, comment et sous quelle forme ces expériences sont-elles actives et efficaces ? Quels effets constate-t-on sur les valeurs civiles et sociales manifestées par les jeunes adultes ?
10Les institutions éducatives n’étant pas les seuls acteurs, l’approche est articulée aux modes de socialisation classiques –famille, monde du travail– pour comprendre leur influence sur la formation. Les sujets sont aussi invités à décrire les processus et les acteurs qu’ils trouvent influents. Les entretiens ont donc largement porté sur leur biographie éducative. De même, les valeurs sociales et les formes d’engagement dont se saisissent ces sujets sont étudiées. Quelles sont leurs priorités et pourquoi ? Où et comment pensent-ils possible ou non de les vivre au quotidien ?
Cette recherche relie ainsi une biographie éducative des personnes et, au terme de la formation, son produit, en capital social –les idéaux retenus et l’engagement qu’ils suscitent. Ainsi conçue, la recherche donne corps au concept de capital social comme phénomène bifrons : des valeurs sociales, dont on saisit l’organisation en cultures civiles d’un côté, des réseaux de relations qui les soutiennent, les engendrent, les reproduisent ou les transforment de l’autre.
Il s’agit ici de montrer s’il y a des connexions entre les parcours éducatifs des sujets et leur position parmi les cultures civiles. Après avoir présenté une classification de ces cultures pour la société italienne, l’article aborde celles qui apparaissent dans les récits de vie, puis les parcours où elles prennent forme.
La culture civile dans le parcours éducatif des jeunes adultes du Nord-Est italien
Les modes de culture civile en Italie
11Pour interpréter ce que les sujets disent de la culture civile, il faut une grille de lecture. En Italie, comme dans les sociétés modernes, il n’y a pas une seule culture partagée. La culture civile italienne est plurielle et une classification s’impose pour en apprécier les facettes. De récentes recherches nationales tracent des pistes utiles à notre analyse.
12Donati et Colozzi (2002) proposent la typologie suivante (tableau 1) :
Les cultures civiles en Italie : lieux et acteurs de l’engagement
Les cultures civiles en Italie : lieux et acteurs de l’engagement
13Cette typologie identifie les acteurs et les lieux où les Italiens pensent que la culture civile peut se concrétiser. Elle distingue État, marché, associations et aide à observer les espaces clés où, selon eux, sont produits les biens qui rendent une société civile. Elle permet de repérer les lieux et les formes d’engagement des citoyens et d’observer les domaines que les sujets retiennent comme symboliquement neutres ou estiment incompatibles avec la culture civile.
14Sciolla et ses collègues (2006) proposent une taxinomie plus propre aux jeunes qui définit trois composantes fondamentales d’une culture de la citoyenneté : le “libertarisme” –idéal de liberté, de possession de soi, d’autodétermination, qui valorise les droits subjectifs et leur expansion ; la “responsabilité”, centrée sur l’accomplissement des devoirs et les vertus civiques des citoyens ; le “civisme” – respect des normes du bien commun (tableau 2).
Les facteurs fondamentaux de la culture civile (Sciolla 2006)
Les facteurs fondamentaux de la culture civile (Sciolla 2006)
15Cette classification souligne davantage les facteurs symboliques qui inspirent une vision de la culture civile, que les lieux et acteurs où elle se manifeste. Les trois facteurs relèvent, tour à tour, de la priorité du devoir-vertu, du droit subjectif (émancipation individuelle) et de l’action référée à la collectivité et non au “soi”. Cette démarche attire l’attention sur deux dimensions : “liberté-émancipation-droit subjectif” et “responsabilité-engagement-devoir” dont la prévalence approche différemment les types identifiés dans le tableau 1.
Sur la base de ces typologies, l’étude saisit le profil des constellations symboliques, réseaux et parcours éducatifs par lesquels elles existent. Elle a été menée sur des groupes de jeunes adultes (25 à 35 ans) comprenant des engagés dans des associations sociales ou des activités volontaires et d’autres qui ne le sont pas. Le but n’est pas d’obtenir des résultats généralisables mais de mieux comprendre les sémantiques de la culture civile et les parcours biographiques par lesquels elles se constituent. Comprendre ce que les personnes veulent vraiment dire quand elles répondent aux questions posées selon les typologies demande un effort d’analyse de l’élaboration symbolique des significations et des parcours biographiques, pas de quantification des tendances nationales.
Les cultures civiles des jeunes adultes du Nord-Est italien
16Une synthèse des résultats montre les formes de culture civile exprimées dans les entretiens, puis leurs processus d’élaboration au cours de la vie des sujets. Quelles formes prennent-elles, quelles valeurs mobilisent-elles à propos de la société, comment sont-elles interprétées ; quand sont-elles mises en pratique, de quels domaines sont-elles exclues, pourquoi ? Quels engagements concrets l’individu contracte-t-il dans son environnement social ?
17La triade –liberté, égalité (et justice), solidarité– est présente dans chaque récit à propos des valeurs jugées importantes. Le leitmotiv est clair, pour la majorité, la triade a deux significations : disposer de garanties juridiques et être respecté et reconnu dans sa vie quotidienne, avec ses différences d’opinions, ses caractéristiques personnelles, culturelles ou sociales. La méfiance généralisée envers les institutions politiques est également exprimée. Le système politique est partout considéré comme irrémédiablement corrompu. Ce qui n’autorise ni investissement symbolique du champ politique ni engagement civique sous une forme politique. La liberté et l’égalité en tant que garanties formelles des droits individuels, la solidarité, entendue comme garantie du bien-être social par l’Étatprovidence, sont retenues comme un cadre juridique externe. Les valeurs prédominantes de l’expérience sont bien différentes : elles relèvent de la reconnaissance dans les situations quotidiennes et impliquent des attentes en termes de participation, de sociabilité, de loyauté, de tolérance, d’empathie, de bonnes relations, de respect, de propension à écouter et à accepter l’autre, de communication, bref d’un espace pour des relations humaines à haut contenu expressif, d’un espace de sentiments authentiques.
18Deux constellations se distinguent : celle des valeurs civiques –liberté, égalité et solidarité au sens juridique et politique–, celle des valeurs liées aux expériences dans les registres de la reconnaissance et de l’acceptation ou au contraire de la trahison, de l’isolement et de l’humiliation. La superposition des deux dimensions, symboliquement autonomes mais coexistantes dans la pratique et les représentations sociales, est possible. Les sujets dans leur grande majorité les mentionnent ensemble. Ils tiennent aux droits et aux principes généraux qui caractérisent pour eux tout système démocratique, mais perçoivent leur vie et leur environnement social comme compromis et dégradés du point de vue de la dignité humaine surtout dans les domaines publics et professionnels caractérisés par des interactions mortifiantes.
19Les sujets concentrent leurs attentes sur une société et une sociabilité dignes, non humiliantes. Il faudrait à ce propos relire Margalit (1996). Les sujets de nos entretiens ne s’identifient pas aux libertaires civiques. Leur profil est plus nuancé.
20La sensibilité au caractère dégradant ou humiliant de certaines relations sociales n’est liée ni au libertarisme ni aux vertus civiques républicaines. La dignité n’est pas un élément du discours de justice ou de liberté. La référence symbolique à ce qui rend civile une société humaine s’enrichit d’une signification supplémentaire, anthropologiquement connotée. Cela ouvre des pistes de recherche sur les dynamiques sociales contemporaines, sur la manière dont les jeunes adultes les vivent et dont ils se perçoivent en tant qu’individus et génération, sur la signification et la possibilité de civiliser notre société, ses cadres moraux, ses institutions et ses interactions.
21La dualité intégristes/libertaires s’en trouve mise en cause ; un facteur symbolique transversal se dégage, irréductible au modèle. Cela implique d’aller au-delà de la distinction entre libertarisme et intégrisme, bouleversée par la majeure partie des récits collectés, en suggérant une nouvelle synthèse. Les récits déclinent diverses idées sur la meilleure manière de promouvoir le bien commun, mais pas sur l’opportunité d’en tenir compte.
22Si libertarisme et intégrisme recouvrent des cultures politiques connues, enracinées dans l’histoire du XXe siècle et de la modernité en général, il reste beaucoup à comprendre de la nouvelle représentation de l’humiliation et de la dignité : que révèle-t-elle des dynamiques sociales, des sémantiques du civil et de l’incivil en cours d’élaboration ? Enfin, il faut saisir les groupes sociaux porteurs de ces nouveaux (?) besoins de civilisation, leur capacité à produire des discours et des actions novatrices donnant un sens et une dignité aux domaines de la vie dont ils parlent.
Tout cela éclaire aussi la manière dont les récits décrivent les espaces sociaux où ces valeurs sont susceptibles d’exister. Pour l’engagement personnel, la typologie de Donati & Colozzi est heuristique. Les récits analysés montrent la prévalence des sphères sociales et des solidarités de proximité : famille et amis, associations sociales –pas seulement citées par leurs membres–, l’Église –citée par les fidèles engagés. Les cercles sociaux cités :
- relèvent de domaines choisis par les individus ;
- sont faiblement formalisés ;
- sont homogènes idéologiquement –homogénéité recherchée et voulue malgré la rhétorique diffuse de l’ouverture, du dialogue, de la beauté de la différence, etc. ;
- sont orientés vers les problèmes locaux et l’expérience de proximité.
24La sphère politique apparaît floue et impénétrable, compromettant l’engagement civique, même si l’idée persiste que l’État doit garantir les droits fondamentaux et le bien-être matériel. Le domaine religieux n’est quasiment pas évoqué.
25Par rapport à la typologie tirée des recherches nationales, la position des sujets est celle de la civilisation au quotidien ; un double accent est mis cependant sur l’État garant et sur l’associationnisme et le solidarisme catholique. À cette image s’ajoute celle de l’engagement effectif des sujets : que fait chacun personnellement pour contribuer à la réalisation du bien commun et des valeurs jugées importantes ?
26Cinq “souches” symboliques se distinguent. Il ne s’agit pas de groupes de personnes, mais de réponses exprimées dans les récits.
27Un premier groupe de réponses indique un déficit : les sujets n’ont aucun engagement personnel portant une signification civile. Ils n’ont pas d’idée sur le rôle qu’ils pourraient jouer en tant que citoyens, évitent de produire des effets négatifs ou s’adaptent aux situations et aux normes locales en fuyant les comportements socialement dangereux. Leur attitude passive limite les dommages qu’ils pourraient causer à la société. Ce groupe est le seul à coïncider avec un groupe de sujets qui n’ajoutent pas d’autres aspects à leur récit.
28Le deuxième décrit une sorte d’état de bien-être intérieur, fait d’harmonie et de bonheur personnels. Une attitude d’écologie personnelle, une quête d’authenticité et d’équilibre avec soi-même, une défense de l’identité profonde contre les pollutions venant des environnements sociaux est vue comme une façon d’être heureux et une manière concrète de contribuer au bien commun, de concourir à rendre civile la société dans laquelle ils vivent. Ce genre d’engagement implique une définition toute subjective mais l’essentiel est la représentation qu’ont les personnes de leur contribution à la société. Ici, les individus estiment contribuer à une société civile par leur maturité et leurs comportements harmonieux, équilibrés, propres, non violents –et sous l’égide d’un système politique garantissant les droits et les libertés fondamentales. Cette posture a une forte connotation anthropologique : être civil –pour un individu ou une société– suppose des sujets dotés d’une profonde humanité personnelle. Elle apporte une nuance par rapport au groupe précédent : ici, cette forme de civilisation se vit dans l’intériorité face à une société dégradée, dont on évite le contact. Trouver son harmonie, être heureux, maintenir ses valeurs authentiques sans se laisser transformer par la société implique une civilisation qui ne passe pas par les relations, mais par une résistance intérieure individuelle. La civilisation ne s’incarne ni dans l’État ni dans les associations, mais dans l’individu. Ces observations ouvrent une piste : explorer davantage cette représentation de la civilisation et des engagements civils où elle s’exprime. Il serait intéressant de comprendre si et dans quelle mesure, ces représentations et attitudes reflètent le phénomène de retraite sociale (social withdrawal, hikikomori en japonais) fréquent chez les jeunes des sociétés modernes qui distendent tout lien avec le monde extérieur, ne sortent que la nuit, construisent un monde virtuel, tout leur précaire équilibre individuel et relationnel étant tourné vers la défense contre la dimension sociale de l’existence.
29La majorité des réponses privilégie les solidarités concrètes, locales et primaires de la vie quotidienne comme principal espace des valeurs et des engagements civils, évitant les parcours politiques et les formes associatives les plus formalisées. Ce registre peut être défini comme celui de la civilisation de proximité. Alors que ce groupe est le moins nombreux au plan national (15,6%, tableau 1), il est dominant dans notre échantillon. Cette différence peut relever de l’âge des sujets de nos entretiens (de jeunes adultes) ou de la région, le Nord-Est. L’engagement civil s’exprime par les petits gestes de la vie quotidienne, qui permettent de construire de bonnes relations dans l’espace personnel –réseaux familiaux, amicaux, voisinage – ou lors de rencontres épisodiques. Être civil signifie respecter et écouter l’autre, ouvrir un espace de relations non utilitaires et altruistes, accomplir les gestes de solidarité quotidienne qui caractérisent les situations locales où se déroule la vie de chacun. Cette civilité de proximité s’attache aux interactions non formalisées, non complexes et s’accompagne d’un refus de la politique, des partis et des institutions.
30Une interprétation classique consisterait à attribuer cette attitude à l’attachement des Italiens à la famille, c’est-à-dire à leur incapacité à s’engager au-delà des liens de sang et de parenté (Banfield 1958, Prandini 2003, 102-155). Si cette image peut présenter une certaine validité dans des situations spécifiques, il y a au moins trois raisons de la rejeter.
31Les cercles sociaux, lieux de l’engagement, sont choisis. Il s’agit d’entrer dans un réseau relationnel. L’amitié apparaît aussi importante que la famille. Cette observation donne aux réponses une connotation plus moderne, elles témoignent de la recherche d’un type et d’un degré de confiance qui promeuve la familiarité comme code symbolique de relations humaines non utilitaires, orientées vers l’accueil de la personne et non vers la compétition. Pour autant, décrire cette culture comme pro-familiale ne fait avancer la connaissance ni de sa signification ni de ses conséquences.
32En second lieu, ce groupe en appelle à la civilisation comme dignité dans la vie quotidienne. L’investissement symbolique et pratique dans ce monde de la vie correspond à cette exigence : il ne suffit pas de rester à côté des personnes aimées, mais d’agir dans une dimension jugée importante pour la qualité civile de la société et de la vie de chacun. Enfin, ces réponses insistent sur l’inclusion sociale, sur la construction de relations positives avec ceux qui se trouvent aux marges de la société. En même temps, elles montrent le désir de participer, d’avoir un espace de libre initiative. Cette nuance éloigne encore davantage nos sujets du familialisme, bien qu’ils veuillent constituer une sorte de sociabilité familiale.
Une quatrième série de récits exprime un civisme des règles selon deux modalités. La première relève plus du bon citoyen qui respecte les lois, davantage que de la participation active à des groupes ou associations. La civilisation s’y définit par l’exemplarité d’une vie honnête. La seconde concerne la défense des droits ou le soutien financier de personnages publics –sans impliquer d’investissement trop personnel. Le cœur symbolique de cette posture est l’exemplarité de la conduite adoptée, la cohérence des comportements civiques, le fait de porter témoignage qu’on assume, dans sa vie et ses conduites, la responsabilité de tout bon citoyen vis-à-vis de la chose publique.
Les jeunes adultes auteurs de ce type de réponses peuvent être rangés du côté de l’État garant, car ils ne s’engagent pas directement et n’estiment pas important le rôle des associations. Ils se bornent à valoriser les comportements individuels, jugés civils s’ils respectent les règles universelles et les lois, essences de la civilisation. Ils rejoignent aussi la méfiance envers les institutions et la participation politique active. L’identification de la civilisation à l’État ne recouvre aucun “idéal étatiste”, mais plutôt le sentiment que seul l’État peut se poser en force de civilisation, alors qu’aucune possibilité d’engagement concret n’est envisagée.
Enfin, près d’un quart de l’échantillon valorise l’association comme lieu de civilisation. Pour ces jeunes, être civils signifie s’engager volontairement dans une association sociale. Selon les motivations et des nuances sur les rôles respectifs de l’État et des associations, cette attitude recoupe l’associationnisme étatique ou le solidarisme catholique. Leurs réponses se réfèrent clairement à la proximité et au quotidien. Ces jeunes soulignent leur désir de participer à des associations ni trop grandes ni complexes ni formalisées, dont l’action a un effet observable sur le bien-être de personnes concrètes de leur environnement social. Ils veulent dépasser la méfiance interpersonnelle et construire des groupes non utilitaires, soudés par l’attention aux autres. Les communautés religieuses, par exemple, relèvent de cette expérience. Le monde associatif est valorisé s’il s’inscrit dans une stricte continuité avec les actions de proximité (cf. tableau 3).
Engagement civil des jeunes adultes du Nord-Est et types de culture civile en Italie.
Engagement civil des jeunes adultes du Nord-Est et types de culture civile en Italie.
33Les contenus des cultures civiles observées se caractérisent par un refus de la complexité, l’impossibilité d’appréhender la société dans son ensemble et l’accent mis sur ses pathologies. Il en résulte une synthèse particulière entre foi étatique et rêve mondialiste, vécue dans des solidarités locales censées neutraliser tout conflit.
34Le problème est que ces relations personnalisées éprouvent leurs limites quand elles cherchent à élaborer un sens nouveau de la citoyenneté et de ses transformations, donc de nouveaux cadres moraux.
Pères et maîtres : les parcours éducatifs
35Les résultats principaux sur les parcours de vie des sujets sont, d’abord, la forte centralité de la famille dans le parcours de socialisation. La famille est considérée comme la source des valeurs civiles ou le lieu essentiel de la formation. Elle n’est pas, pour autant, une alternative à d’autres lieux et acteurs. Dans les récits recueillis, la famille apparaît seule dans un unique cas, dans tous les autres elle joue le rôle de première base dans un parcours impliquant plusieurs acteurs. Dans quel sens alors parler d’une nouvelle centralité de la famille dans les parcours de formation ? Avant tout, parce que les autres agents du processus de socialisation entrent en jeu avec elle et que leur action n’apparaît pas aux jeunes en contradiction avec la sienne. Les individus perçoivent plutôt une continuité, même si les contenus transmis dans chaque sphère ne sont pas toujours cohérents. Un observateur externe pourrait y voir une rupture culturelle entre générations, mais les jeunes pensent dans la plupart des cas que leur chemin se déroule de manière dynamique, non contradictoire par rapport à la génération qui les précède.
36Les protagonistes de la formation civile cités le plus souvent après la famille sont les amis. Les jeunes adultes ne se réfèrent pas à des groupes, mais plutôt à un ensemble restreint d’amis sélectionnés. Il s’agit davantage d’amitiés en nombre limité, formées dans leur jeunesse, à l’école ou à l’université que dans leurs espaces de sociabilité actuels, comme le monde du travail ou le quartier de résidence. Les amis qui comptent sont choisis pour les idées et expériences communes, au terme d’une prudente distribution de la confiance. Les amis exercent une influence indépendante de la famille dans trois cas seulement. Aucun changement ne pousse la socialisation vers l’axe des amis, des copains, des personnes du même âge.
37L’école et, plus généralement, les éducateurs sont affectés d’une dynamique similaire. Les jeunes évoquent leurs enseignants et d’autres adultes rencontrés, par exemple dans les activités sportives ou la formation religieuse. Ces éducateurs viennent immédiatement après les amis parmi les protagonistes de la formation, mais comme eux, ils apparaissent aux côtés des membres de la famille. C’est l’enseignant en tant que personne qui est retenu comme important, jamais l’école comme communauté éducative transmettant quelque chose en vertu de son identité, de ses normes, des valeurs qu’elle représente. Une seule exception à cette règle parmi les interrogés : un cas où la famille n’apparaît pas parmi les protagonistes de la formation.
38L’exemple positif est donc toujours identifié à des personnes réelles et il semble impossible qu’elles représentent ou incarnent un message transcendant les individus. Lorsque ces personnes entendent représenter davantage qu’elles-mêmes, leur effort paraît vain et ne donne naissance à aucune forme sociale organisée. On assiste à une extrême personnalisation de la transmission des valeurs, de la culture et de l’engagement civil, qui fait écho à celle concernant le sens de la civilisation.
39Le monde des associations, dans les propos recueillis, a une signification ambivalente. D’un côté, les jeunes adultes le jugent plutôt positif et le voient source de solidarité et de cohésion sociale. Cette valorisation vaut autant chez ceux qui s’engagent, que chez ceux qui ne participent pas mais qui aimeraient avoir un engagement associatif. D’un autre côté, l’expérience associative n’est retenue que par 11% des sujets comme importante au point de vue éducatif. Ceux qui voient leur expérience associative comme une étape notable de leur socialisation sont bien moins nombreux que ceux qui évoquent les amis ou les éducateurs. Les associations sont importantes au côté de la famille, jamais sans elle. Enfin, l’expérience associative ne semble pas avoir un poids éducatif important.
40La socialisation dans le cadre d’institutions religieuses déroge à ce tableau général. L’Église catholique apparaît encore –pour ces jeunes adultes de cette région italienne– comme une institution sociale et éducative forte, enracinée dans l’espace local, le quartier, la paroisse… Presque 50% des répondants évoquent leur expérience dans différents groupes religieux –scoutisme, Action catholique jeunes, groupes sportifs paroissiaux– comme un facteur positif de leur formation. Aux yeux des jeunes, cette influence n’est pas pérenne. Si l’Église est décrite comme un protagoniste important de la formation civile, la grande majorité des enquêtés déclare avoir abandonné ces expériences, voire la foi chrétienne. Tout cela appartient au passé et paraît en discontinuité avec leurs engagements actuels, malgré la valeur formative reconnue à ce moment et réinvestie autrement depuis.
Paradoxalement, l’Église paraît plus efficace comme agence d’éducation civile que comme institution capable de se régénérer dans son identité et ses caractéristiques. Elle propose des expériences positives dans les premières étapes de la vie, mais selon une force centrifuge le sens civique et la culture civile s’expriment ailleurs et nourrissent d’autres appartenances, d’autres identités.
Conclusion : déclin de l’institution ou nouveaux cadres moraux ? La force ambiguë de la proximité
41Les parcours de socialisation, d’éducation des jeunes adultes italiens du Nord-Est révèlent-ils l’émergence de codes culturels, de capacités d’engagement civil qui autorisent à parler de nouveaux cadres moraux ? Ce texte esquisse une double analyse.
42La première concerne les résultats de l’enquête, qui permettent de mettre au jour de grandes tendances.
431) On assiste moins à un processus d’innovation culturelle, qu’à la reconduction –imprécise dans ses concepts et affaiblie dans sa crédibilité– et au déclin des cultures civiles de la Première République italienne. Cette tendance est ambivalente : elle consiste en une alliance précaire entre une sensibilité aux questions posées par la globalisation et l’attachement à l’environnement local et communautaire. D’une part, les récits sont traversés par la crainte des problèmes de civilisation et d’intégration sociale posés par la globalisation. D’autre part, l’engagement civil et solidaire se déploie dans la sphère locale et la proximité. On y pourrait voir une culture vague et incomplète de tolérance, de bienfaisance ou de dialogue. Mais cet agrégat peut s’identifier à l’émergence d’une culture de la dignité où l’idée de civilisation est associée à l’humanisation des interactions quotidiennes –cercles professionnels, entre citoyens et institutions, relations entre simples citoyens. L’éducation pourrait alors se réorganiser autour d’exigences comme redonner un nouveau sens civil à des situations sociales dégradées grâce à une nouvelle approche de la dignité. Il est trop tôt pour savoir si elles induiront des innovations ou s’enfermeront dans une forme de romantisme social et politique.
442) Les valeurs de justice, de solidarité, d’inclusion sociale, présentes dans les propos des jeunes ne se traduisent pas dans la sphère publique. Cette opération de traduction est bloquée et la complexité de la vie adulte met en crise les rêves de solidarité, de confiance et de familiarité sans frontières. Les individus cherchent à limiter leur investissement aux territoires symboliques et sociaux dans lesquels ils pensent pouvoir contrôler l’usage de leur confiance, de leur engagement, de leur altruisme et ses effets. Le problème de l’application de ces vertus civiles au domaine politique et, plus généralement, de leur pertinence pour une collectivité considérée dans sa globalité reste donc posé. Les jeunes adultes cherchent de nouveaux cadres moraux et en appellent à une société humaine, soucieuse de la dignité de ses membres. Dans leurs parcours éducatifs, ils cherchent alors les ressources qui leur permettent de redonner un sens à leur expérience, de construire ces cadres. Leurs mondes solidaires, toutefois, semblent éloignés les uns des autres et difficiles à approcher.
453) La famille –malgré ses limites et ses faiblesses– reste le plus gros pourvoyeur de capital social dans la société italienne. Son influence ne s’arrête pas à l’enfance ou à l’adolescence, elle semble même augmenter chez les jeunes adultes.
46Au total, la société italienne éprouve de fortes difficultés vis-à-vis des relations sociales. Elle met difficilement en relation les situations informelles, l’échange social interpersonnel ou familial et les domaines institutionnels et professionnels. Elle distingue mal le pouvoir de l’autorité morale. Pour cette raison, les attentes sociales des différentes sphères de la société sont chaque jour moins claires et risquent d’être perçues comme inciviles. Du coup, on observe une personnalisation ambiguë des relations sociales, marquées par la coexistence d’une forte sensibilité individuelle et d’un haut degré d’utilitarisme appliqué à ces relations.
47La seconde analyse concerne la signification de ces résultats sur un plan général. Quelles sont les voies du développement civil dans les processus éducatifs en Italie ?
48Nos données gagnent à être lues à la lumière d’autres recherches. Quand Ricolfi et Sciolla écrivaient, en 1980, que les jeunes du Nord de l’Italie (en particulier du Nord-Ouest) vivaient une socialisation “sans pères ni maîtres”, ils se référaient à une réalité et avançaient l’hypothèse d’un double déplacement de l’axe de la socialisation. Considéré dans la longue durée, ce déplacement mènerait de la famille aux groupes secondaires –école, monde associatif et groupe amical. Par ailleurs, l’interaction prendrait le pas sur la socialisation, celle-ci devenant horizontale, impliquant une transmission entre jeunes générations et une relative autonomisation de la culture des jeunes. L’émergence de nouveaux cadres moraux dans la société italienne serait à mettre au compte de ce grand changement de la socialisation et de l’éducation.
49Cette thèse est compatible avec celle de Coleman pour qui, dans les sociétés modernes, les groupes secondaires auraient remplacé les groupes primaires – par exemple la famille– dans la production du capital social. Autrement dit, les sociétés modernes convergeraient vers un idéal culturel et civil nord-européen, les groupes primaires s’effaçant au profit d’organisations complexes, l’autorité des parents cédant le pas à la socialisation horizontale, la personnalisation reculant face à l’extension des normes impersonnelles. Les institutions éducatives auraient été l’organe et l’opérateur central de ce changement socioculturel.
50Trente ans après, nos données sur les jeunes adultes du Nord-Est –région fortement modernisée mais différente du Nord-Ouest étudié par Ricolfi & Sciolla– montrent une autre réalité. On observe une nouvelle centralité de la famille dans la socialisation. Base du processus et point de départ d’un long parcours, elle conserve, dans la conscience des sujets, un sens et une valeur propres dans la vie adulte ; c’est le lieu où tout le monde déclare pouvoir vivre ses valeurs civiles ; forme sociale où chacun perçoit la force d’un projet. Le passage par d’autres lieux de socialisation ne renforce ni le sens ni les valeurs de la citoyenneté. On observe plutôt un repli progressif, à la sortie du parcours éducatif, sur les solidarités courtes. Cette centralité est nouvelle pour plusieurs raisons. Les personnes, la famille ne sont pas seulement les domaines de la civilité, mais aussi ce qui pousse les individus à devenir civils. Le récent travail de Sciolla le confirme : la famille occupe une position pivot dans le processus de socialisation. Ainsi, les jeunes intéressés par la politique ont un parcours de socialisation dont les principales étapes sont les suivantes (Sciolla 2006, note 7) :
- famille, amis et associations (64,7%) ;
- famille et associations (60%) ;
- famille et amis (52,4%) ;
- famille (29,5%) ;
- amis et associations (28,2%) ;
- associations (23,4%) ;
- amis (9,7%) ;
- rien (6,5%).
52Sciolla a défini cette situation comme un “cessez-le-feu générationnel”. On peut être d’accord en précisant qu’il ne vaut que dans le domaine privé. Dans la sphère publique, au contraire, les données empiriques montrent une chute verticale des adultes dans l’estime, la confiance et la considération des jeunes. La famille, parfois des enseignants, sont les seuls adultes qui résistent face à un monde adulte, professionnel, politique, qui semble vide de sens, de héros et de projet clair. L’école n’y échappe pas et paraît souvent dépourvue de valeur formative ; seul l’enseignant, s’il sort de la routine, peut devenir important dans le parcours éducatif. L’université a une efficacité encore plus faible.
53Bref, aujourd’hui, paradoxalement, il y a seulement des pères et (quelques) maîtres mais cette formule n’est ni une bonne nouvelle ni le signe d’une innovation culturelle positive.
54Ces observations permettent d’affirmer qu’il n’y a pas eu de déplacement durable de la socialisation en direction des groupes secondaires –malgré la faiblesse des familles dans la transmission intergénérationnelle. Si on se borne à noter que la famille est et reste essentielle pour la socialisation des jeunes, le nœud de la dynamique des cultures civiles dans l’Italie contemporaine continue de nous échapper. L’émergence d’une civilisation de la dignité dans les mondes de la vie quotidienne demande réflexion car elle implique une forte personnalisation des relations. Cette valorisation de la proximité peut créer des relations très fortes, mais les personnes ne réussissent pas ou ne veulent pas transmettre des idéaux qui dépassent leur témoignage personnel. L’interprétation de ces phénomènes est plus complexe qu’on le croit, surtout si on n’accepte pas l’idée que le lien social se réduit à la proximité.
On pourrait affirmer que l’Italie –son système éducatif– fait l’expérience du déclin des formes modernes de civilisation, liées à un capital social qu’on imaginait inscrit dans des réseaux sociaux secondaires, qui se seraient substitués aux réseaux primaires tels la famille. Par conséquent, le sens des institutions ne pourrait plus se transmettre que par des relations fortement personnalisées et s’incarner seulement dans des personnes. Autrement dit, la greffe de formes de civilisation anglo-saxonnes dans l’environnement méditerranéen apparaît comme une expérience symbolique achevée avant même de commencer, voire une illusion. Notre salut civil ne viendra pas de ces horizons-là. Les Italiens –s’ils souhaitent progresser– devront trouver ou retrouver, leur propre “Sonderweg”.
L’idée que la civilisation moderne connaît une crise globale, par-delà l’expérience de notre pauvre société méditerranéenne, est trop ambitieuse pour être discutée exhaustivement ici. Si elle se révélait exacte, il faudrait admettre qu’une société comme l’Italie a encore beaucoup à donner, non seulement à elle-même, mais aussi au vieil Occident, dans ce début du XXIe siècle.
Cependant, on l’a vu, les relations sociales et éducatives de proximité ont un très faible pouvoir instituant, une très mince capacité à transcender leur signification locale et circonstancielle, autant des subjectivités individuelles et sociales vers les institutions que des institutions vers les sujets humains. C’est cette générativité civile des relations et des acteurs qui semble aujourd’hui radicalement mise en cause. Enjeu décisif, autour duquel se dessine le sens des évolutions actuelles, de ces îlots de civilisation de proximité et de solidarité –avec leur force ambiguë– qui peuvent autant signer le déclin que marquer l’émergence d’une culture.
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Mots-clés éditeurs : sociologie de l'éducation, Italie, socialisation, jeunes, valeurs civiques
Date de mise en ligne : 23/07/2010
https://doi.org/10.3917/es.025.0111