Notes
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[1]
Ce texte est un nouveau développement des idées présentées dans un article intitulé « O passe : entre o final da análise et o desejo do psicanalista » publié dans la Revista Litteral n° 4 ( 2001), de l’Ecole de psychanalyse de Campinas et dans le recueil « O passe : reflexões ( 2002), du Centre d’études freudiennes de Recife.
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[2]
E. Porge, Porque o passe ? Transmissão da Psicanálise, Revue du colloque sur la Transmission de la psychanalyse, réalisé à São Paulo les 26 et 27 août 2000, p. 63-72, Édition photocopiée.
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[3]
J. Lacan, « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’école », dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 255.
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[4]
J. Lacan, 1967, op. cit., p. 254.
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[5]
M.-M. Chatel : « Passe » dans Dicionário Enciclopédico de Psicanálise, editado por Pierre Kaufmann, Rio de Janeiro, Jorge Zahar Editor, p. 398.
-
[6]
J. Lacan, 1973, « Note italienne », dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 308.
-
[7]
M.-M. Chatel, op. cit., p. 405.
-
[8]
J. Lacan, « Sur l’expérience de la passe », 1973, Ornicar 12/13, Sur la passe, p. 120.
-
[9]
M. Safouan, A transferência e o desejo do analista, Campinas, Papirus, 1991, p. 57.
-
[10]
J. Lacan, op. cit., 1973, p. 120.
-
[11]
J. Lacan, « Note italienne », op. cit., p. 307.
-
[12]
Ibid.
-
[13]
J. Lacan, L’acte psychanalytique, Notes de cours, Éditions Schamans. p. 258.
-
[14]
J.-P. Hiltenbrand, « Fins e destinos » dans O passe : Reflexões, Publication du Centro de Estudos freudianos do Recife, p. 153.
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[15]
J. Lacan, Télévision, Le Seuil, p. 19.
-
[16]
J. Lacan, « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre » ( 1976-1977), Ornicar 12/13, « Sur la passe », p. 7.
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[17]
M. Safouan, Le transfert et le désir de l’analyste, Paris, Le Seuil, p. 228.
1Situer la passe entre la fin de l’analyse et le désir du psychanalyste [2]implique d’emblée la notion d’intervalle. Cette position selon laquelle il n’y a pas superposition entre la fin de l’analyse et l’émergence du désir du psychanalyste est fondée par l’expérience analytique. Cela conduit à la nécessité de considérer la fin de l’analyse, identifiée par le passage de la position d’analysant à celle d’analyste, et la fin d’une analyse sans ce type de passage. Nous pouvons ainsi dire que le passage de la position d’analysant à celle d’analyste examinée dans la passe introduit la nécessité d’articuler l’émergence du désir du psychanalyste avec le fait de devenir psychanalyste. Cette clarification semble d’autant plus nécessaire qu’elle pourra permettre une tentative de réponse au type d’implication qui existe entre le désir de l’analyste et le fait de devenir psychanalyste, mais aussi conduire à essayer de situer de quelle façon le désir du psychanalyste est saisissable dans le choix de devenir psychanalyste.
2Si l’on affirme que la passe occupe une place et une fonction entre la fin de l’analyse et le désir du psychanalyste, il est nécessaire de mettre en relief l’expérience qu’elle inaugure. Le problème que cette expérience met en évidence est lié à l’incidence du désir de l’Autre comme moyen de constitution du discours du sujet, à un moment où il faut préserver les conditions nécessaires à l’exercice de la singularité. Cette condition implique des questions qui méritent d’être articulées, étant donné que le passage de la position d’analysant à celle d’analyste, adopté comme synonyme de devenir celui qui pratique la psychanalyse, maintient voilé le désir de l’analyste. Cela s’explique car l’émergence du désir du psychanalyste au terme de l’analyse permet d’établir la distinction entre le passage de la position d’analysant à celle d’analyste et la condition de devenir ou de maintenir la position de celui qui pratique la psychanalyse. Selon J. Lacan : « Ainsi la fin de la psychanalyse garde en elle une naïveté, dont la question se pose si elle doit être tenue pour une garantie dans le passage du désir d’être psychanalyste [3]. »
3Cette citation souligne le fait que le terme d’une analyse ne se constitue pas comme élément de garantie du passage du désir d’être psychanalyste. Ceci réaffirme donc la nécessité de préciser la distinction entre le désir d’être psychanalyste et le désir de l’analyste. L’émergence du désir est considérée ici comme l’élément porteur du choix du psychanalyste, c’est ce qui va soutenir le choix du sujet de devenir psychanalyste. Par conséquent, la différence entre le désir d’être psychanalyste et le désir de l’analyste se remarque pour le premier dans le fait qu’il se soutient à travers la référence à un être, nommé comme analyste et dont la condition est celle à partir de laquelle l’image s’installe comme semblant. En ce qui concerne le désir de l’analyste, la différence se remarque par rapport au premier, puisque c’est par la chute qu’il surgit. Cette chute se situe dans une double implication, présente dans la chute de l’être qui retentit sur la fonction que le sujet confère à l’Autre comme objet cause de son désir et sur la destitution de la place d’où l’analysé se propose comme aimable. En ce sens, la différence entre s’avérer comme celui qui pratique la psychanalyse en tant que synonyme du désir d’être psychanalyste et réaliser le choix de devenir psychanalyste se fait sentir parce que « la prise du désir n’est rien que celle d’un désêtre [4] ».
4Donner du relief à la passe en tant qu’expérience entre la fin de l’analyse et le désir du psychanalyste se justifie par la nécessité toujours actuelle de ne pas identifier une fonction, celle du psychanalyste, à un désir. Cette conception permet d’établir une différence entre les conséquences de la fin de l’analyse, élaborée par Jacques Lacan en ce qui concerne l’émergence d’une nouvelle position du désir et celle de Freud. Contrairement à Freud, le choix de devenir psychanalyste s’établit ici comme un effet des transmutations de l’économie de la jouissance et de la dynamique du désir à travers l’analyse. Par conséquent, le fait de devenir psychanalyste introduit un statut de l’expérience fondé sur le passage vécu par le sujet au terme de son analyse faisant l’économie dès lors de tout type de soutien à une garantie institutionnelle ou non pour s’effectuer. Jacques Lacan affirme qu’il n’a jamais parlé de formation psychanalytique, mais plutôt de formations de l’inconscient.
5Une fois que le choix de devenir psychanalyste est permis par la fin d’un parcours qui mène à « l’acte analytique inaugural [5] », on doit considérer, de façon à suivre ce qui est en jeu en ce moment, que cet acte dispense d’un soutien dans la conscience du sujet pour être effectué. De [la] même [façon] qu’il n’y a pas de support à un jugement intellectuel, l’expérience de la passe permettra au passant de situer pour lui-même l’extension des effets que la psychanalyse a déterminés. Même si ce passage a déjà été réalisé, le sujet ne possède pas les moyens de se situer en dehors de l’après-coup. C’est une première conséquence de la non-réflexivité qui soutient le sujet dans son acte. Ce qui implique par conséquent que l’acte inaugural de devenir psychanalyste, comme effet de ce que le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même, se distingue d’une « autoritualisation [6] » dans la mesure où ce qu’il faut faire passer n’est pas quelque chose que l’on possède déjà et que l’on connaît. Comme le souligne M.-M. Chatel : « [… ] il cherche à donner l’air de savoir, dans le dialogue même, à cette passe qu’il vient de transposer. Le témoignage est un dire qui n’est pas pré-produit, c’est un dire inédit [7] ».
6La dimension de l’acte inaugural à partir d’un dire inédit implique de devenir pour l’autre l’objet qui a été représenté précédemment par l’analyste. Une fois que ce type de soutien se vérifie sans le support de l’identification, nous sommes amenés à localiser sur ce point l’interrogation qui mérite d’être recherchée. Nous rencontrons ici au minimum, aussi bien un « risque fou [8] » qui évoque la condition d’être éjecté que la présence d’être un rebut de l’humanité à partir de l’instant où le savoir du psychanalyste se distingue d’un apprentissage. Donc, s’attacher aux déterminations de ce point qui atteste le choix de devenir psychanalyste, c’est ce qui commence à se vérifier comme étant foncièrement important pour la communauté analytique de façon à considérer que les effets de la fin de l’analyse ne s’établissent pas de façon univoque. En d’autres termes, l’émergence du désir du psychanalyste n’est pas semblable à l’épanouissement d’un fruit mûr ! C’est pour cette raison que le sujet pourra être celui qui pratique la psychanalyse, mais le passage à la position d’analyste ne se réalise que dans un moment ultérieur.
7Étant donné que le passage « au psychanalyste » est réalisé par le sujet qui se maintient par le non-savoir, c’est-à-dire, sans la garantie d’un savoir pré-établi sur le sens de son acte, nous pouvons en déduire que la passe comme expérience introduit la possibilité pour le passant lui-même de pouvoir reprendre le sens de son dire. Cette condition nous semble assez significative pour qu’elle puisse, à partir de là, soutenir la nécessité de reprendre les rendez-vous avec son analyste, ou même avec un autre, de façon à s’occuper de questions que les rendez-vous avec les passeurs ont pu susciter en dépit du résultat sur la nomination. Ce point garde son importance, particulièrement lorsque nous considérons la valeur de cette expérience dans un registre qui permet au sujet de pouvoir la vivre autrement que comme la conquête ou la privation d’un titre.
8Parmi les questions que le thème de la passe suscite, nous considérons comme important d’essayer de situer les raisons pour lesquelles un sujet peut demander la passe. Cette question est posée aussi par certains psychanalystes qui font état pour cela des écrits de Jacques Lacan concernant la fin de l’analyse. Pour certains la demande de passe s’inscrit comme une déviation de la finalité de l’analyse, dès lors que la tentative dans la passe de s’adresser à l’Autre est envisagée comme synonyme de l’absence de la chute de ce qui soutenait le transfert. On ajoute à celle-ci une autre raison, selon laquelle la demande de passe s’inscrit comme un geste de solidarité du passant avec le développement de l’école.
9Autant dans le premier que dans le second cas, nous rencontrons à notre avis, un effacement de ce qui est en jeu lorsqu’un sujet considère son analyse terminée. Cela arrive parce que dans la conception du transfert qui oriente une analyse selon Jacques Lacan, nous rencontrons un état suivant lequel il est établi qu’il y a une adresse des questions de l’analysé vers un Autre qui à son tour est au-delà de celui vers lequel le sujet se dirige. C’est ce qui fonde les interventions du psychanalyste dans une direction où le transfert n’est pas manié comme synonyme de répétition. Nous pouvons ainsi dire que : « Répondre au transfert, ce n’est pas intervenir parce que le sujet parle de nous, mais parce qu’il s’adresse à nous [9]. »
10Il arrive qu’à la fin de l’analyse le sujet ne s’adresse plus à personne. Cette position révèle son caractère problématique quand elle réédite l’individualisme libertaire, un des symptômes de notre époque. C’est pour cette raison que nous sommes tout d’abord amenés à poser que la demande de la passe « n’a rien à voir avec l’analyse [10] ». Avec cette affirmation, Jacques Lacan signale que la demande de la passe n’est pas quelque chose qui s’inscrit dans le circuit transférentiel avec l’analyste. Ce qui est en jeu pour le sujet, c’est de savoir si l’autorisation qui lui vient par elle-même est authentifiée par d’autres, ce qui l’amène à renoncer à une autogarantie, conquise par anticipation. En ce sens, interroger dans la passe son autorisation comme psychanalyste redouble la chute de l’identification qu’il maintenait par le fantasme.
11Lorsque nous considérons que la demande de la passe doit partir exclusivement d’une décision du sujet, sans aucune suggestion de l’analyste, nous privilégions l’importance d’un phénomène qu’on repère dans quelques analyses proches de la fin, à savoir la nécessité, pour certains sujets, de parler de leur parcours à d’autres qui ne soient pas l’analyste lui-même. Évidemment, le fait d’adresser cette question dans le dispositif de la passe ne surgit pas parmagie. Le résultat, c’est une solidarité de la passe avec l’école, ou encore, qu’il n’y a pas de passe sans école. Il serait légitime de considérer la réciproque qu’il n’y a pas d’école sans passe. La question se pose de savoir si cela peut être vrai ? Il ne nous semble pas que ce soit par hasard qu’à un certain moment de son parcours, Jacques Lacan ait proposé à trois de ses élèves italiens dans le texte « Note italienne », l’effectivité de la passe comme l’unique nécessité pour le groupe analytique. Surtout lorsque nous prenons en compte ses paroles à cette occasion : « Le groupe italien, s’il veut m’entendre, s’en tiendra à nommer ceux qui y postuleront leur entrée sur le principe de la passe prenant le risque qu’il n’y en ait pas [11]. »
12Qu’une telle expérience n’ait pas été conduite plus avant, nous met aujourd’hui dans la nécessité de considérer les questions qui lui ont fait suite. Parmi celles-ci, celle qui est rappelée dans ce document concernant : « Ce à quoi il a à veiller, c’est qu’à s’autoriser de lui-même il n’y ait que de l’analyste [12]. »
13Une fois rappelé que la nomination dans l’expérience proposée aux italiens a été maintenue telle qu’elle a été établie dans la Proposition du 9 octobre 1967, nous rencontrons l’un des effets que l’expérience de la passe conditionne, à savoir celui du passage au public. Cela parce que la structure minimum de la composition pour que le dispositif de la passe puisse être réalisé exige la présence du passant et de quelques autres. Dès lors, le fait de s’adresser à un Autre qui ne soit pas l’analyste du sujet conditionne, par la nomination de l’analyste de l’école, le nom du sujet comme nom de l’analyste. En ce sens, proposer la passe à l’entrée de l’école implique entre les analystes un type de lien qui les prive de l’être par la nomination. Dans le même temps, par la dimension publique de la passe on réaffirme l’inconscient comme transindividuel, ce qui nous sépare de toute prétendue psychanalyse d’inspiration psychologique.
14Si le passage au public est difficile à saisir, c’est parce que la notion de privé que la règle du secret éthique établit, tend à conserver la supposition suivant laquelle l’analyse se réalise entre la personne de l’analyste et la personne de l’analysant. C’est pour cette raison que pouvoir repérer cette dimension du public que l’expérience de la passe introduit, permet de considérer un au-delà de l’analyste qui à son tour, évoque l’expérience du désir.
15Nous sommes amenés à admettre une chute nécessaire de la notion de vie privée qui lorsque elle se tient exclusivement dans l’entre deux, maintient préservée la supposition d’un sujet à côté de l’Autre, obstacle au dénouement du désir inconscient. Il convient de rappeler le passage énoncé par Jacques Lacan dans le séminaire L’acte analytique ( 27 mars 1968): « On parle de vie privée. Je suis toujours surpris que ce mot “vie privée” n’ait jamais intéressé personne, surtout chez les analystes qui devraient être particulièrement intéressé par ça. Vie privée… de quoi ? On pourrait faire des broderies rhétoriques… Pourquoi est-ce qu’elle est si privée, cette vie privée ? À partir du moment où on fait une analyse, il n’y a plus de vie privée… Ça ne veut pas dire qu’elle devient publique. Il y a un éclusage intermédiaire : c’est une vie psychanalysée ou psychanalysante. Ce n’est pas une vie privée [13]. »
16Étant donné ce qui a été exposé dans ce travail la possibilité de faire avancer les questions qui relèvent du psychanalyste et de sa communauté, dépendront étroitement de la forme grâce à laquelle l’expérience d’une analyse pourra ou ne pourra pas trouver sa place dans une école. À cet effet, il est nécessaire qu’en premier lieu on puisse considérer que la passe comprise comme une expérience qui se dispose à éclairer le passage à l’analyste survenu à travers une analyse, puisse avoir une incidence sur les conceptions de la fin de la psychanalyse. Ceci parce que les deux opérations – celle du passage et celle de la fin – sont différentes, si elles ne sont pas distinctes dans le temps de l’analyse, elles le sont au moins dans leur effectuation. La formalisation de la première a forcément des conséquences sur la seconde, vu que les deux touchent au désir de l’analyste. À l’opposé, l’absence de cette question à l’horizon de toute l’analyse, hypothèque la perspective d’une fin définie, reconnue, et confie cette fin aux impressions et intuitions de l’analyste, quelles que soient les qualités effectives de sa praxis et son souci d’une rigueur clinique [14].
17Si l’incidence du désir de l’analyste a lieu aussi bien dans le passage de l’analysant à l’analyste que dans la conception de la fin de la cure, c’est parce qu’à ces deux situations correspond un questionnement au lieu réservé à la thérapeutique. Ceci parce qu’à partir du principe que la thérapeutique est conditionnée par les limites de la rémission des symptômes qui ont mené le sujet à demander une analyse, on peut affirmer qu’il y a une réduction possible de la thérapeutique à la suggestion en tant que pratique de soustraction du désir à la demande. En ce sens, l’analyse thérapeutique ainsi nommée a comme objectif, comme le déclarait Jacques Lacan, le retour à un état antérieur, à savoir, celui de mise sous silence du sujet inconscient, un autre nom de l’adaptation.
18En ce qui concerne le passage à l’analyste, la thérapeutique provoque une résistance qui empêche la traversée du plan de l’identification, dans la mesure où la détermination exercée par le fantasme sur le symptôme est laissée de côté par la force de la suggestion à remplacer la souffrance par un nouvel impératif de la jouissance. C’est à partir de là que nous pouvons retrouver un des sens de l’affirmation de Lacan : « La psychothérapie… ramène au pire [15]. »
19En ce qui concerne la fin des analyses, le sens qui est conféré à la thérapeutique revient par le biais des différents problèmes que beaucoup de psychanalystes retrouvent dans l’exercice de leurs fonctions. À cet effet, il est nécessaire de prendre en compte qu’aujourd’hui au Brésil beaucoup de psychanalystes maintiennent leurs activités professionnelles dans le cadre des différents plans de sécurité sociale privés qui existent dans le pays. Ce qui les obligent à suivre des règles établies par ces services : nombre permis de séances, rarement plus d’une par semaine et le prix imposé d’ailleurs toujours insignifiant, payé après l’établissement des dossiers et pas avant un délai de 30 jours. Les analystes qui ne cèdent pas sur leur désir, et qui refusent la pratique de la suggestion, rencontrent des questions inédites, par exemple la nécessité d’introduire une autre séance, non autorisée par le plan de sécurité sociale, ce qui les conduit à aborder la question du paiement directement avec leurs analysants.
20Tant pour le passage à l’analyste que pour la terminaison des analyses menées dans le cadre des plans de sécurité sociale ou dans le cadre du privé, l’incidence du désir de l’analyste introduit de nouvelles questions et de nouveaux problèmes. Ce nouveau n’est pas source de paix. D’où la nécessité d’une communauté de travail qui puisse relancer le désir et permettre aux analystes de se maintenir à la hauteur des défis de leur fonction.
21Il faut dès lors considérer la distinction entre la vie associative, réglée par le juridique et l’administratif, et le lien spécifique à l’expérience de la psychanalyse. Ainsi l’expérience de la passe qui tente de rendre compte du passage à l’analyste a eu des conséquences différentes des expériences menées par Freud et ses élèves. Analyser tenait selon Freud de l’impossible. Mais les implications du concept d’impossible n’étaient pas véritablement comprises. C’est de l’impossibilité de former des psychanalystes dont il est question et cela touche aussi à l’instance de nomination elle-même, c’est-à-dire au symbolique.
22Une fois que l’être de désir est constitué par un lien grâce auquel il pourra plus ou moins « savoir y faire avec son symptôme [16] », il faut admettre que la prétendue normalité n’est en vérité qu’inhibition à la rencontre contingente. En résulte la nécessité de pouvoir cultiver et préserver les conditions qui permettent que les découvertes se réalisent. Donc il s’agit non seulement d’instituer des espaces où ce qui est déjà su s’installe comme conquête, mais encore de pouvoir « situer le désir de l’analyste dans un ordre logique de découverte qui doit être radicalement distingué du désir de savoir, d’où éclôt l’agalma [17]. »
23Étant donné que l’expérience de la passe peut être inscrite entre la fin de l’analyse et le désir du psychanalyste, une interprétation possible de la question qui reste posée pour la formation du psychanalyste, devra porter sur la notion d’étranger. On crée alors la possibilité de réinsérer l’extérieur dans ce qui est intime. Point à partir duquel on rénove les possibilités de soutien et d’avancée de la psychanalyse.
24Qu’une partie de la communauté d’orientation lacanienne ne s’intéresse plus à la question de la passe tient, sans doute, à la négligence d’une des grandes inventions de Lacan. Dans la suite de son enseignement chacun doit s’engager. Et chacun a à déclarer ses raisons.
Notes
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[1]
Ce texte est un nouveau développement des idées présentées dans un article intitulé « O passe : entre o final da análise et o desejo do psicanalista » publié dans la Revista Litteral n° 4 ( 2001), de l’Ecole de psychanalyse de Campinas et dans le recueil « O passe : reflexões ( 2002), du Centre d’études freudiennes de Recife.
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[2]
E. Porge, Porque o passe ? Transmissão da Psicanálise, Revue du colloque sur la Transmission de la psychanalyse, réalisé à São Paulo les 26 et 27 août 2000, p. 63-72, Édition photocopiée.
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[3]
J. Lacan, « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’école », dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 255.
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[4]
J. Lacan, 1967, op. cit., p. 254.
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[5]
M.-M. Chatel : « Passe » dans Dicionário Enciclopédico de Psicanálise, editado por Pierre Kaufmann, Rio de Janeiro, Jorge Zahar Editor, p. 398.
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[6]
J. Lacan, 1973, « Note italienne », dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 308.
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[7]
M.-M. Chatel, op. cit., p. 405.
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[8]
J. Lacan, « Sur l’expérience de la passe », 1973, Ornicar 12/13, Sur la passe, p. 120.
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[9]
M. Safouan, A transferência e o desejo do analista, Campinas, Papirus, 1991, p. 57.
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[10]
J. Lacan, op. cit., 1973, p. 120.
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[11]
J. Lacan, « Note italienne », op. cit., p. 307.
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[12]
Ibid.
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[13]
J. Lacan, L’acte psychanalytique, Notes de cours, Éditions Schamans. p. 258.
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[14]
J.-P. Hiltenbrand, « Fins e destinos » dans O passe : Reflexões, Publication du Centro de Estudos freudianos do Recife, p. 153.
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[15]
J. Lacan, Télévision, Le Seuil, p. 19.
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[16]
J. Lacan, « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre » ( 1976-1977), Ornicar 12/13, « Sur la passe », p. 7.
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[17]
M. Safouan, Le transfert et le désir de l’analyste, Paris, Le Seuil, p. 228.