Couverture de ESP_160

Article de revue

Quand l’histoire orale s’invite dans la gestion de l’eau. L’espace irrigué de Kerma (Tunisie)

Pages 155 à 172

Notes

  • [*]
    Jeanne Riaux, chercheur ird, umr g-eau/inat et inat, département d’économie, Tunis
    Jeanne.riaux@ird.fr
  • [**]
    Marie Giraldi étudiante irc, Supagro, Montpellier
    mariegiraldi13@gmail.com
  • [***]
    Habiba Nouri, ingénieure ird, Tunis
    Habiba.nouri@ird.fr
  • [1]
    Dans les années 1990, le bassin de l’oued Merguellil dans le Kairouannais a fait l’objet d’un vaste programme de recherche sur l’eau associant l’Institut de recherche pour le développement (ird), le Commissariat régional au développement agricole (crda) de Kairouan et l’Institut national d’agronomie de Tunis (inat). Souhaitant pérenniser cette collaboration, l’ird et ses partenaires ont fait de ce site un « terrain privilégié ». À ce titre, il continue de faire l’objet de programmes de recherche dont les anr Groundwater-arena et amethyst, et le programme dyshyme (mistrals-sicmed), dans le cadre desquels la présente recherche a été réalisée.
  • [2]
    Dans d’autres gda enquêtés après la Révolution (avril-juin 2011), les responsables et les irrigants dévoilaient spontanément des pratiques de clientélisme organisées autour du réseau d’influence de l’ex-parti au pouvoir.
  • [3]
    Ces schémas (cf. fig. 2 et 3, p. 163 et 165) s’appuient sur une photographie aérienne du territoire (1962) et sur l’image satellite (Google Earth) de 2012. Les informations recueillies n’étaient pas suffisamment précises en termes de localisation des lieux mentionnés et des limites spatiales (probablement très variables) pour que nous puissions cartographier les territoires, les réseaux hydrauliques et les espaces irrigués aux différentes époques.
  • [4]
    Le phénomène est loin d’être marginal : le crda nous dit avoir reçu plus de 7 000 demandes d’électrification pour de nouveaux forages en 2013.
  • [5]
    Le terme henchir s’applique à de vastes espaces, souvent situés sur des terres fertiles, qui permirent aux beys d’accorder des concessions foncières aux ministres qu’ils voulaient récompenser (Camps et Camps-Faber, 2000).
  • [6]
    Les terres Habous sont des terres ayant fait l’objet d’une donation, ici à une institution religieuse (zaouia).
  • [7]
    Lors de la construction du barrage, des fissures ont été ouvertes sous la digue favorisant la fuite des eaux du barrage dans le bassin de dissipation. Ce bassin devient aux yeux des responsables de l’administration une « émergence » du barrage. Il n’est plus question des eaux de la source qui préexistait.
  • [8]
    Le silence de la bibliographie sur les organisations communautaires de gestion de l’eau tunisiennes depuis les travaux de M. Kilani et H. Attia illustre bien ce déséquilibre.
« La connaissance de l’histoire est doublement utile. Elle fait sentir au planificateur enthousiaste la force des enchaînements qu’il devra rompre s’il veut leur substituer d’autres séquences d’évolution. Elle suggère au planificateur devenu modeste de rendre ses schémas d’intervention compatibles avec le cours quasi irréversible des choses ».
(Couty, 1981 : 263)

1Depuis une vingtaine d’années, les politiques de transfert de la gestion des eaux de l’État vers des associations d’irrigants, menées dans de nombreux pays, rencontrent des difficultés lors de leur mise en œuvre. La Tunisie ne fait pas figure d’exception dans ce panorama (Romagny et Riaux, 2007). Depuis le premier Plan d’ajustement structurel « proposé » à la Tunisie par le Fonds monétaire international en 1986, une profonde réforme des politiques hydrauliques du pays a été engagée. En matière de gestion de l’eau, elle se traduit par un transfert de responsabilités de l’État vers des associations d’usagers. Le cadre juridique de ces associations a été remanié à plusieurs reprises, ce qu’illustre l’évolution de leurs appellations, d’Association d’intérêt collectif (aic) à Groupement de développement agricole (gda) (Bachta et Zaïbet, 2007). Mais ces associations rencontrent encore de nombreuses difficultés, révélées et accentuées à la suite des bouleversements politiques vécus en Tunisie depuis 2011 : des gda endettés auxquels on coupe l’eau pour cause de factures impayées, des cultures perdues par manque d’eau, des actes de vandalisme sur les infrastructures publiques, des administrations prises en otage par les agriculteurs, etc. Avec un recul de plus de vingt ans, le bilan du transfert de gestion est mitigé ; les solutions proposées par les services de l’État, principalement fondées sur des approches juridiques, économiques et techniques, n’ont pas résolu les difficultés rencontrées au sein de ces associations (voir par ex. Gana et El Amrani, 2009).

2Ce bilan suscite un certain nombre d’interrogations : pourquoi l’organisation collective ne prend-elle pas au sein de ces gda ? Pourquoi leurs responsables n’arrivent-ils pas à faire respecter les règles qu’ils édictent ? Pourquoi les agriculteurs refusent-ils de payer l’eau ? Pourquoi détériorent-ils leurs propres infrastructures hydrauliques ? Nous faisons l’hypothèse que des inégalités d’accès à l’eau mal digérées par les ayants droit expliquent les difficultés de gestion rencontrées au sein des espaces irrigués, ce qui empêche l’action collective de se déployer dans de bonnes conditions. En effet, en formalisant la gestion de l’eau, l’intervention publique vient souvent bouleverser les hiérarchies d’accès à l’eau en place, faisant passer une iniquité socialement acceptable au statut d’inégalité intolérable (Mathieu et al., 2001). D’ailleurs, les recherches de H. Attia (1983) et M. Kilani (1986) ont déjà montré que depuis l’indépendance du pays, l’intervention publique destinée à moderniser l’organisation des oasis du sud tunisien s’est soldée par une perte de la capacité des communautés oasiennes à s’organiser collectivement pour la gestion de l’eau. Il est probable que ces conclusions soient applicables à d’autres régions du pays. Nous faisons également l’hypothèse que les prolongements contemporains des politiques de gestion de l’eau font écho aux observations menées il y a une vingtaine d’années par ces deux auteurs.

3À la lumière de ces hypothèses, nous proposons une analyse fondée sur la reconstitution de l’« histoire à dire d’acteurs » d’un espace irrigué : celui de Kerma en Tunisie centrale. Notre objectif est à la fois de révéler d’éventuelles inégalités d’accès à l’eau et la manière dont elles se sont cristallisées dans l’esprit des acteurs de l’eau, ainsi que le rôle que l’action publique a pu jouer dans leur construction. Cela nous permettra également de réinterpréter les « dysfonctionnements » de la gestion de l’eau observés actuellement sur cet espace irrigué. Nous interrogerons ensuite la place que cette forme de récit de l’histoire de la gestion locale de l’eau peut jouer dans le contexte tunisien contemporain.

Du diagnostic technique à l’« histoire à dires d’acteurs »

4Les difficultés vécues par les gda sont particulièrement bien illustrées dans la Plaine de Kairouan où plusieurs programmes de recherche sur l’eau sont en cours [1]. Orientées par le Commissariat régional au développement agricole (crda), nous avons choisi d’étudier deux gda : Kerma 1 et 2, situés en aval du barrage El Haouareb (cf. fig. 1).

Figure 1

Localisation des périmètres irrigués de Kerma 1 et 2

Figure 1

Localisation des périmètres irrigués de Kerma 1 et 2

(Source : J. Riaux, 2013 ; d’après M. Giraldi, 2012)

5Ce choix a été guidé par deux hypothèses. D’abord, si ces gda rencontrent des difficultés, ils ne sont pas parvenus à des situations extrêmes ; des compromis peuvent encore être trouvés. Ensuite, ces gda sont compris dans un espace plus large ayant fait l’objet d’une analyse historique mettant à jour une succession de dépossessions foncières et hydrauliques imposées par les colons aux populations de la région pendant le Protectorat (Belaïd et Riaux, 2014). Bien que ces dépossessions ne soient pas restées dans la mémoire des agents de l’administration, peut-être ont-elles encore des conséquences sur le présent ?

6L’étude de ces gda, de leurs fonctionnements et de leurs dysfonctionnements actuels, a été réalisée au cours d’un stage de six mois sur le terrain en 2012 (Giraldi, 2012). L’analyse a mobilisé la « Gestion sociale de l’eau », démarche visant à prendre en compte la complexité du social dans le diagnostic technique des problèmes d’irrigation (Bédoucha et Sabatier, 2013). En parallèle de l’observation des infrastructures techniques et des pratiques culturales, une soixantaine d’entretiens semi-directifs a été menée auprès des habitants de Kerma et des responsables des gda et du crda. L’observation et les entretiens convergeaient vers le constat d’un problème de pénurie d’eau. Cela orientait naturellement l’analyse vers les dimensions sociopolitiques du partage de l’eau. En effet, l’eau étant bien souvent « l’amie du puissant » (Bédoucha, 1987), la « pénurie » est généralement vécue par le collectif du fait d’un accès préférentiel réservé aux plus puissants. Pour autant, à Kerma, l’entrée par ces dimensions s’est rapidement avérée infructueuse. Ici [2], les pratiques de clientélisme, de corruption ou de détournement d’eau semblent anecdotiques, les conflits entre familles sont peu évoqués et l’organigramme des gda n’a pas changé suite à la Révolution. Par contre, les premiers entretiens révèlent un certain ressentiment vis-à-vis du barrage El Haouareb, de « l’administration » qui en a décidé la construction et des irrigants du périmètre voisin qui en reçoivent l’eau. En outre, alors que l’histoire n’est jamais présentée comme facteur explicatif des problèmes contemporains par les acteurs de l’eau, celle-ci s’invite étrangement dans la majorité des entretiens.

7Nous avons choisi de laisser les propos de nos interlocuteurs guider l’enquête et d’accorder de l’importance à leurs « digressions historiques ». Les témoignages ainsi recueillis reposent à la fois sur les souvenirs des personnes interrogées, mais aussi sur ce qui se transmet au sein des familles (« les grands-pères disent que… »), ainsi que sur les anecdotes associées à des vestiges encore visibles du passé (ruines d’ouvrages hydrauliques, de bâtiments, etc.). Nous avons systématiquement retranscrit et traduit les explications de nos interlocuteurs. Ces discours ont ensuite été confrontés, comparés et assemblés pour reconstituer l’histoire telle qu’elle nous a été racontée localement, autrement dit une « histoire à dires d’acteurs ». Il ne s’agit donc pas, dans ce cas, d’un récit préalablement structuré que les acteurs feraient de leur histoire (une forme de tradition orale ou d’ethnohistoire), mais bien d’une forme d’histoire orale, telle que la définit Trudel (2002, p. 140) : « [qui] s’intéresse à des témoignages oraux récents obtenus par entrevues, dont le contenu et la forme narrative offrent de l’intérêt pour éveiller la conscience des groupes sociaux ou pour faire des études sur leurs constructions et représentations du passé ». L’interprétation et la restitution de cette histoire orale s’appuient sur une succession de schémas illustrant les évolutions du territoire et de son occupation [3]. Cette interprétation a été validée par les habitants de Kerma lors d’une présentation publique.

8Avant de présenter l’histoire orale de Kerma, nous exposons le contexte dans lequel les récits prennent place, contexte caractérisé par d’importantes difficultés dans l’organisation des périmètres irrigués de Kerma.

Problématiques contemporaines de la gestion de l’eau à Kerma

9Le diagnostic des périmètres irrigués de Kerma révèle d’importants dysfonctionnements dans la gestion de l’eau, et la manière dont les différents acteurs les vivent et les expliquent.

10Installés par l’État en 1975, ces périmètres sont alimentés en eau par deux forages publics. Ils ont une superficie d’environ 80 hectares chacun et regroupent une cinquantaine d’agriculteurs. D’après les entretiens menés au crda, les forages ont été dimensionnés pour le fonctionnement suivant : irrigation de l’ensemble du périmètre en céréales l’hiver, puis irrigation de cultures maraîchères sur 30 % du périmètre en été. Mais les agriculteurs ont préféré développer des pratiques plus intensives, avec deux cultures maraîchères par an, souvent en association avec des arbres fruitiers. Ces pratiques impliquent des besoins en eau plus importants que les capacités des forages. Le problème est accentué par le fait que les agriculteurs irriguent également avec les eaux de ces forages des parcelles situées en dehors des périmètres (les « extensions », cf. fig. 1). L’eau des forages de Kerma ne suffisant pas à alimenter cet espace de plus de 300 hectares, les agriculteurs considèrent que leur accès à l’eau est défaillant. Cette situation est courante dans la région. De nombreux agriculteurs du Kairouannais choisissent de se rendre indépendants des infrastructures publiques en investissant dans un forage privé, rapidement amorti [4]. Ce n’est pas le cas à Kerma, probablement parce que la nappe y est difficile d’accès et parce qu’avec en moyenne deux hectares par exploitation (contre 10 dans le périmètre voisin d’El Haouareb), les agriculteurs de Kerma n’ont pas les moyens de rentabiliser un tel investissement. Ils doivent donc composer collectivement avec les eaux des forages publics.

11La gestion de l’eau et des infrastructures hydrauliques de Kerma 1 et 2 est assurée par deux gda (cf. encadré 1).

Encadré 1 – Fonctionnement socioéconomique et juridique des gda (d’après Marlet et Challouf, 2009)

Créés dans le cadre d’une politique de gestion participative des ressources naturelles, les gda sont des associations sans but lucratif régies par des statuts-types et destinées à des missions variées allant de « la protection des ressources » à « l’accomplissement, d’une manière générale, de toute mission visant l’appui des intérêts collectifs de leurs adhérents » (loi n° 2004-24 du 15 mars 2004). Dans la pratique, leurs activités concernent essentiellement la gestion et la distribution de l’eau, ainsi que la maintenance des réseaux hydrauliques collectifs (eau potable ou eau agricole).
Les gda sont des associations de libre adhésion. En théorie, les adhérents élisent un conseil d’administration, un président et un trésorier, tous bénévoles. Les adhérents sont les agriculteurs qui possèdent des terres dans l’enceinte du périmètre de ce gda, mais un contrat d’eau permet au gda de fournir de l’eau aux agriculteurs situés à l’extérieur. Chaque usager paye une redevance proportionnelle à la quantité d’eau utilisée. Les tâches du gda sont donc financières (perception des redevances, paiement des charges et recherche d’un équilibre financier) et
…/…
…/…
techniques (maintenance des ouvrages, organisation de la répartition et de la distribution de l’eau). Pour l’exploitation des eaux, le gda emploie des salariés ; le directeur technique peut être secondé d’aiguadiers (« pompistes »).
Selon les textes, le gda est placé sous la tutelle administrative du gouverneur et de son représentant local, il est soumis au contrôle financier du receveur des finances. En réalité, les principaux interlocuteurs des gda sont les services techniques du crda. Par ailleurs, jusqu’à la Révolution, les cellules locales de l’ex-parti au pouvoir étaient très investies dans le fonctionnement des gda, notamment pour le choix des membres du Conseil d’administration et des salariés. Ce constat amenait Canesse (2010) à considérer le gda comme le dernier échelon de ramification et de contrôle du parti au pouvoir dans les zones rurales. La Révolution constitue donc un tournant important pour les gda, qu’il faut encore documenter.

12Théoriquement, l’eau n’est fournie qu’aux agriculteurs ayant payé une redevance avant la saison d’irrigation. Dans la pratique l’eau est souvent délivrée à crédit. La distribution de l’eau est organisée par les pompistes qui actionnent les vannes en fonction des demandes des adhérents. En début de semaine, les irrigants demandent à bénéficier de l’eau, le premier à demander étant le premier servi et ceux n’ayant pas payé leur cotisation étant les derniers. Un tour d’eau « à la demande » est ainsi mis en place. Toutefois, suite à l’augmentation des demandes, ce tour d’eau s’allonge, surtout pendant l’été, jusqu’à atteindre plus de quinze jours. Alors que, selon nos interlocuteurs, les melons demanderaient à être arrosés tous les trois jours, ils jugent l’accès à l’eau insuffisant et mettent en cause les gda. En 2011, des règles ont été édictées par les gda pour limiter l’espace irrigué (un hectare maximum par exploitation à l’extérieur du périmètre) mais en vain : les irrigants ne les respectent pas. Le directeur technique nous explique qu’il est difficile de refuser l’eau à un agriculteur : « Ici on se connaît tous, comment empêcher un oncle ou un voisin qui a déjà planté d’arroser ? » En outre, jugeant leur accès à l’eau insuffisant, certains agriculteurs refusent de rembourser leurs crédits au gda, si bien qu’en 2012 les comptes du gda étaient en déficit. La prochaine étape étant l’incapacité des gda à payer les factures d’électricité et l’inéluctable coupure d’eau, la situation est aujourd’hui critique et tendue.

13Une première lecture de cette situation fait apparaître une inadéquation des pratiques hydro-agricoles avec les capacités techniques du périmètre irrigué, ou à l’inverse, une inadéquation du système technique aux besoins des agriculteurs. De ce point de vue, les difficultés vécues au sein de ces périmètres sont évidentes, leurs causes aussi. Mais, comment en est-on arrivé à une telle situation : pourquoi les irrigants ne se conforment-ils pas à des règles (paiement de la redevance, limitation des espaces irrigués) qui leur donneraient un accès à l’eau, certes restreint mais prévisible ? Selon les personnes interrogées, l’explication de ces difficultés diffère. Pour le crda, les principaux problèmes sont le manque d’autonomie des gda en matière de maintenance des infrastructures et d’organisation financière, la formation insuffisante des responsables des gda et l’absence de civisme des adhérents. Les responsables des gda font état de leur manque d’autorité pour faire respecter des règles, surtout depuis la Révolution. Enfin, pour les irrigants, le prix de l’eau est jugé trop élevé et l’accès à l’eau insuffisant. À travers ces réponses, nous nous interrogeons sur la raison pour laquelle l’inadéquation actuelle des pratiques et des capacités du réseau n’est jamais mise en avant par nos interlocuteurs. Des réponses indirectes à cette interrogation vont apparaître à travers les récits que nos interlocuteurs font de l’histoire du territoire et du groupe d’irrigants.

Une histoire « à dires d’acteurs » de Kerma

14L’histoire à dires d’acteurs s’articule autour de quatre grandes périodes : le temps du colon Malcor, celui du collectivisme, la crue de 1969 et la construction du barrage El Haouareb. Étonnamment, l’installation des périmètres irrigués ne représente pas une date charnière dans ces récits.

Le colon Malcor et l’appropriation des terres « de tribus » (fig. 2a)

Figure 2

Histoire du territoire de Kerma : du Protectorat à l’Indépendance

2a

Du temps du colon Malcor (période du Protectorat 1930–1956)

2a

Du temps du colon Malcor (période du Protectorat 1930–1956)

2b

Pendant la période du collectivisme (années 1960)

2b

Pendant la période du collectivisme (années 1960)

Histoire du territoire de Kerma : du Protectorat à l’Indépendance

(Source : J. Riaux, 2013 ; d’après M. Giraldi, 2012)

15Les récits des habitants de Kerma débutent dans les années 1930, au milieu de la période du Protectorat (1881-1956), alors que les colons se constituent de vastes domaines agricoles, notamment dans la région de Kairouan. À cette époque, les terres de Kerma sont mises en valeur par plusieurs groupes (aârch, pl. aârouch) de la fraction Sendassen de la tribu des Djelass : les Ouled Khalfallah, les Mafidh, les Nqaqta et les Hadaïa (translitération issue de Valensi, 1977). L’usage de la terre et de l’eau (pâturage, céréaliculture et maraîchage irrigué sur les rives de l’oued) repose sur un droit collectif non formalisé, si bien qu’aucun titre ne permet aux « tribus » de le revendiquer. Mais, comme le rappelle Poncet (1962), ces pratiques d’usage, variées, ne sont pas incompatibles avec l’existence d’un statut formel de la terre.

16À Kerma, nos interlocuteurs gardent le souvenir d’un espace divisé en deux parties. La première est le Henchir[5] El Haouareb, devenu propriété du puissant colon Malcor en 1931 (Belaïd et Riaux, op. cit.). Son objectif de mise en valeur agricole du domaine l’amène à priver les Ouled Khalfallah et les Mhafidh de l’accès à ce territoire, donc de leurs droits d’usage sur la terre. Il les emploie alors comme ouvriers sur leurs anciennes terres. La seconde, dont les archives nous apprennent qu’il s’agissait des terres Habous de la Zaouia Ouhichi [6], est mise en valeur par les Nqaqta le long de l’oued Merguellil et par les Hadaia sur l’actuel périmètre irrigué de Kerma. Cette époque est celle des aménagements hydrauliques permettant de maîtriser et de valoriser les eaux nouvellement entrées dans le domaine public. Profitant d’un droit sur les eaux du Merguellil associé à son nouveau domaine, Malcor a en effet construit un vaste réseau hydraulique permettant d’irriguer sa propriété. Suite à de nombreux conflits avec les « tribus » de l’aval, ce colon a obtenu la construction de deux puits publics sur ses terres. En contrepartie, l’administration demandait la constitution d’une association pour le partage de l’eau avec les propriétaires voisins. D’après les archives, Malcor ne s’y serait jamais conformé, détournant l’ensemble des eaux à son seul bénéfice (Belaïd et Riaux, op. cit.). Cependant, la mémoire locale retient que le colon a dû céder un tiers de ses droits aux Hadaia.

La période du collectivisme (fig. 2.b)

17À l’Indépendance (1956), les terres de Malcor sont domanialisées. L’État prolonge le réseau d’irrigation de manière à ce qu’il alimente à parts égales les territoires de Kerma et le Henchir El Haouareb. Les Ouled Khalfallah profitent de cette période pour s’installer près de la source Aïn Ben Saâd et bénéficier de ses eaux. Dès 1964, Ben Salah, ministre de Bourguiba, lance un programme de collectivisation des terres, transformant en coopératives étatiques les terres domanialisées à l’Indépendance (Martin, 2003). D’après nos interlocuteurs, deux coopératives furent créées, reprenant le découpage préexistant : Sbita et Kerma. L’exploitation des terres, organisée par chaque coopérative, fut confiée aux habitants. De l’avis général, l’expérience fut un échec. Nos interlocuteurs expliquent que l’œuvre de Malcor fut détruite par manque d’entretien : les arbres coupés, les cultures laissées à l’abandon, le réseau hydraulique détérioré. Les céréales et l’élevage reprirent le dessus, tandis que les populations revendiquaient une redistribution des terres à leurs « propriétaires » initiaux. Mais leurs revendications furent infructueuses. Selon les mots d’un enquêté, le territoire était déjà « dévasté » lorsque survint la crue « millénaire » de 1969.

La crue de 1969 (fig. 3.a.)

Figure 3

Histoire du territoire de Kerma : de la crue de 1969 au barrage

3a

Aprés les crues de 1969

3a

Aprés les crues de 1969

3b

Aprés la construction du barrage (1989)

3b

Aprés la construction du barrage (1989)

Histoire du territoire de Kerma : de la crue de 1969 au barrage

(Source : J. Riaux, 2013 ; d’après M. Giraldi, 2012)

18En Tunisie, la crue dévastatrice de 1969 (Poncet, 1970) constitue un repère chronologique partagé. À Kerma on se souvient en particulier de l’inondation des terres des Nqaqta et de la solidarité déployée par les Hadaia. L’année suivante l’État fit construire un village nommé El Haoureb sur les terres des Hadaia où chaque famille touchée par l’inondation reçut une parcelle. Nouvellement installés sur les terres des Hadaia, les Nqaqta demeuraient toutefois propriétaires des terres riveraines de l’oued dont ils ont poursuivi la mise en valeur par l’irrigation. Par contre, le réseau hydraulique qui alimentait les Henchirs El Haouareb et Kerma a été entièrement détruit par la crue ; les terres des Hadaia n’ont plus accès à l’eau.

La construction du barrage El Haouareb (fig. 3.b)

19Dans les années 1970, l’État tunisien met en œuvre une politique de mise en valeur agricole fondée sur de grands travaux hydrauliques (Pérennès, 1988). Les périmètres de Kerma 1 et 2 datent de cette époque. En 1989, le barrage El Haouareb sur le Merguellil est terminé. Son rôle est à la fois de protéger Kairouan des inondations et d’alimenter un nouveau périmètre de 2 500 hectares « El Haouareb ». Les habitants de Kerma doivent à nouveau s’adapter à des changements notables de l’organisation de leur espace. D’une part, les terres des Hadaia voient encore arriver de nouvelles populations. En effet, avec la construction du barrage, les terres des Mhafidh sont en partie inondées ; l’État les déplace dans le nouveau village d’El Haouareb. Les Ouled Khafallah se voient eux aussi expulsés de leurs terres sises près de la source Aïn Ben Saâd où se situe désormais le bassin de dissipation du barrage. Ils réintègrent leurs terres sur l’ancien Henchir El Haouareb, bien que celles-ci soient toujours domaniales et sans accès à l’eau. Ils acquièrent peu à peu des terres irriguées sur Kerma. D’autre part, avec la construction du barrage, les terres riveraines de l’oued sont privées d’eau. Stockées dans le barrage, ces eaux sont dorénavant réservées au périmètre voisin. De même, les eaux de la source Aïn Ben Saâd sont désormais confondues avec celles du barrage dans le bassin de dissipation aussi appelé « émergence » [7]. Dans les années 2000, constatant l’insuffisance des volumes stockés pour l’alimentation du périmètre El Haouareb, l’administration décidera de compléter avec les eaux de l’émergence.

20Parallèlement à l’augmentation du nombre de groupes installés sur les terres de Kerma, on assiste donc à une limitation importante des ressources en eau disponibles pour cette zone, limitation que les forages de Kerma ne compensent qu’en partie. De fait, cet espace irrigué est soumis à une pression importante. C’est dans ce contexte que les propriétaires de terres à Kerma ont progressivement étendu le périmètre irrigué (cf. fig. 1) : les Ouled Khalfallah prennent l’eau des forages de Kerma 1 et 2 pour irriguer leurs terres situées au sud du périmètre, tandis que les propriétaires de terres anciennement riveraines de l’oued prélèvent – illicitement – les eaux de l’émergence et celles des forages de Kerma 1 et 2. Si aucun conflit important n’est signalé entre les propriétaires de la zone, la défiance vis-à-vis de l’administration en revanche est bien vivante. En témoignent les multiples plaintes et demandes émises auprès du crda de Kairouan par les habitants de Kerma. Ils affirment avoir été dépossédés de « leurs » eaux au profit du périmètre irrigué voisin et demandent qu’on leur accorde un nouveau forage en dédommagement. Des actions en justice seraient également en cours depuis 2011 pour récupérer les terres du Henchir El Haouareb demeurées domaniales jusqu’aujourd’hui. En 2012, suite aux réclamations des habitants, le crda a programmé la construction d’un forage collectif sur les anciennes terres des Nqaqta.

Relire les « dysfonctionnements » à la lumière de l’histoire orale

21Le récit que nous proposent les habitants de Kerma à travers les entretiens, nous offre plusieurs clés de lecture pour réinterpréter la situation actuelle.

22La première réside dans les écarts qui existent entre ces récits et la manière dont l’administration considère l’espace irrigué de Kerma. Là où le crda voit deux périmètres publics (Kerma 1 et 2), les habitants voient un vaste territoire (Kerma) ; là où l’administration voit une émergence drainant les eaux d’un aménagement public, les habitants voient les eaux d’une source qui leur a appartenu ; là où les habitants se présentent en fonction de leurs appartenances familiales, lignagères ou tribales, les agents du crda voient des « usagers » d’un forage, « adhérents » d’un gda. Ces écarts d’interprétation de la réalité sont imputables au rapport très différent que l’administration et les habitants de Kerma entretiennent avec l’histoire de ce territoire, ainsi qu’à la manière également différente de concevoir les rapports de propriété et de définir les règles d’appropriation de l’eau. La mémoire des agents du crda ne remonte pas au-delà de la construction du barrage. Pour eux, Kerma est un espace récemment aménagé grâce aux efforts de développement consentis par l’État. De leur côté, les habitants de Kerma mobilisent cent ans d’histoire pour parler de leur territoire et de leur rapport à l’eau. À travers leurs récits, on voit se dessiner un espace socio-hydraulique complexe, constitué progressivement au gré d’événements et de contraintes largement imposés de l’extérieur. Relatant une succession de dépossessions, ces récits expliquent une partie des revendications actuelles des populations de Kerma, notamment celle d’avoir accès à plus d’eau et à un meilleur prix. Mais la vision « dominante » de l’histoire locale, celle qui guide l’action publique, est celle que porte l’administration.

23La seconde clé de lecture découle de la première. Elle réside dans l’interprétation des « extensions » des périmètres irrigués. Plutôt que de les considérer comme des dysfonctionnements, les récits des habitants nous invitent à y voir une adaptation aux aléas de l’histoire. D’une part, l’actuel périmètre comprenant Kerma 1 et 2 et ses extensions recouvre grosso modo l’espace anciennement dénommé Henchir El Kerma. Ces extensions correspondraient alors à la reconstitution d’un territoire irrigué ancien où les prises d’eau « illicites » viendraient compenser des droits d’eau « perdus ». D’autre part, on constate que l’extension de l’espace irrigué se déroule en parallèle au fort élargissement du groupe qui y est installé. Il faudrait approfondir l’enquête pour corroborer cette idée, mais selon nos interlocuteurs, le nombre de familles présentes localement a beaucoup augmenté se traduisant par une réduction importante de l’espace imparti à chacun. En parallèle, l’espace autrefois consacré au pâturage est de plus en plus limité, ce qui entrave la complémentarité des terres sèches et irriguées avec les conséquences que l’on sait (Abaab, 1997). Les pratiques d’intensification et d’extension de l’espace irrigué doivent dès lors être vues autrement que comme de simples « entorses » aux règles édictées par les gda. Il s’agirait plutôt d’adaptations aux évolutions du contexte fondées sur la réorganisation de l’espace et de l’accès aux ressources. Ces adaptations n’en ont pas moins des conséquences fâcheuses pour le fonctionnement des périmètres irrigués. Ainsi, en considérant leur droit sur « l’émergence » comme légitime, les populations de Kerma en détournent une part importante, qui fait ainsi défaut au périmètre situé en aval. Des conflits latents imposent une réponse de l’État et expliquent la programmation d’un nouveau forage sur les terres de Kerma, réponse technique au problème « historique ».

24Une troisième clé de lecture repose sur les questions relatives à la gouvernance des gda. Il y a une contradiction évidente entre la manière dont les périmètres irrigués de Kerma ont été calibrés et la manière dont les populations les ont « adaptés » à leurs besoins. Il apparaît évident que si l’intervention publique ne compense pas les difficultés d’accès à l’eau ou les défauts de paiement au sein de ces gda, ces derniers ne peuvent fonctionner correctement. Dans ce cas, le transfert de gestion est voué à l’échec. Mais comment expliquer cet échec alors que de nombreux systèmes d’irrigation fonctionnent avec un accès à l’eau limité ? Là encore, l’histoire livrée par nos interlocuteurs oriente l’interprétation. Sur les périmètres de Kerma, le groupe d’ayants droit a été constitué progressivement à partir de quatre lignages différents. Il s’agit là d’un assemblage imposé par des événements extérieurs. Expulsés, déplacés, expropriés, ces groupes ont dû réorienter leurs activités en fonction de l’espace de plus en plus restreint qui leur était alloué. Il n’y a au sein de ce groupe aucune expérience partagée de l’espace et de ses ressources sur laquelle l’organisation collective imposée par l’administration pourrait s’adosser. À partir d’observations sur les oasis du sud tunisien, Kilani (op. cit.) a montré que si « l’eau fonde la communauté », sa gestion nécessite l’existence d’une armature sociopolitique organisée autour de rapports de pouvoir et d’autorité. De son côté, Ostrom (1992) insiste sur l’importance de l’existence d’un droit collectif sur une ressource bien identifiée et organisé autour d’un réseau hydraulique commun pour la réussite de systèmes d’irrigation « autogérés ». À Kerma, rien de tout cela ; en s’organisant individuellement pour reconstituer leurs facteurs de production, les agriculteurs de Kerma ont multiplié les sources d’eau, les réseaux de tuyaux, sans qu’une autorité légitime ne se constitue. Toutes les conditions sont ici réunies pour que l’action collective échoue. Pour autant, les recherches de Ruf (2002) montrent que les compromis entre communautés d’irrigants, pouvoirs publics et acteurs privés alternent, se composent et se recomposent au fil du temps. De même, l’articulation des objectifs de l’action publique avec ceux des communautés d’irrigants se façonne progressivement (Riaux, 2006), mettant souvent en jeu un long « processus de négociation conflictuelle » (Mathieu et al., op. cit.). Peut-être ce processus de négociation est-il déjà enclenché à Kerma ?

Conclusion

25À Kerma, l’histoire « à dires d’acteurs » constitue un discours des habitants sur la manière dont ils ont été malmenés par l’histoire. À travers leurs récits, ils rappellent à l’observateur leurs logiques et leur historicité, fondées sur l’épaisseur sociale de leurs trajectoires d’implantation sur un territoire. Leurs explications présentent la situation actuelle comme le fruit d’adaptations à des changements qui leur ont été imposés par les actions publiques successives. Les « dysfonctionnements » constatés dans la gestion locale de l’eau peuvent alors être vus comme le résultat de cette forme de résilience. Ce discours produit un écho dissonant vis-à-vis du discours qui domine en Tunisie, selon lequel les problèmes de gestion de l’eau seraient imputables aux « usagers » principalement.

26L’histoire de Kerma telle que nous l’avons reconstituée à partir des récits n’est évidemment ni neutre ni complète. Mais l’important ne réside pas dans la véracité des faits énoncés. Comme l’analyse Brock (1990), toute la « vérité » d’un discours sur le passé doit être envisagée dans le rapport que ce récit entretient avec d’autres façons de dire l’histoire ; l’important réside ainsi dans la « conversation » qui se noue entre les parties prenantes de plusieurs récits historiques.

27De ce point de vue, l’histoire orale de Kerma s’inscrit dans un contexte doublement particulier. D’une part, le contexte tunisien se caractérise par la faible place laissée aux populations dans l’écriture de l’histoire du pays en général et du rapport à l’eau en particulier. Comme l’ont montré Attia (op. cit.) et Kilani (op. cit., la logique moderniste qui a prévalu dès l’Indépendance a largement contribué à défaire les pratiques hydro-agricoles locales et leurs rationalités dites « traditionnelles ». Au cours de ce processus, les communautés d’irrigants ont été dépossédées à la fois de leurs ressources matérielles (eau, terre) et de leurs ressources sociopolitiques (organisations sociales et politiques). Dès lors, le récit de l’histoire s’est réduit à la seule voix d’une technocratie centralisée, rendant toute « conversation » impossible entre différentes versions de l’histoire [8]. Mais, et c’est la seconde particularité du contexte tunisien, les bouleversements politiques récents semblent permettre aux populations rurales « oubliées » de faire à nouveau entendre leurs voix, notamment à travers des revendications sur l’eau et sur la terre (Ayeb, 2011 ; Gana, 2012). En parallèle, les administrations en charge de la gestion des eaux font état d’une situation de crise ; les instruments (juridiques, techniques et économiques) à leur disposition ne suffisent plus à résoudre les problèmes rencontrés, au sein des gda notamment. Des agents du crda de Kairouan se disent prêts à prendre en compte les dimensions « sociales » de la gestion de l’eau qu’ils estiment avoir négligées à tort jusqu’ici. Le moment est peut-être venu de rétablir la « conversation » et de rééquilibrer le poids des points de vue en présence dans le récit de l’histoire des territoires et de l’eau. L’histoire orale a alors un rôle important à jouer. Mais pour qu’elle acquière un véritable poids face à la vision « dominante » de l’histoire, il faudrait que ses auteurs l’érigent en ressource politique. Pour cela, la constitution de relais politiques capables de faire entendre ces voix dissonantes sera nécessaire. Sera nécessaire également une volonté forte au sein de l’État, d’entendre ces voix et d’accepter la pluralité des visions possibles de la réalité et de son histoire.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : gestion de l’eau, gouvernance, Tunisie, territoire, histoire orale

Date de mise en ligne : 25/03/2015.

https://doi.org/10.3917/esp.160.0155

Notes

  • [*]
    Jeanne Riaux, chercheur ird, umr g-eau/inat et inat, département d’économie, Tunis
    Jeanne.riaux@ird.fr
  • [**]
    Marie Giraldi étudiante irc, Supagro, Montpellier
    mariegiraldi13@gmail.com
  • [***]
    Habiba Nouri, ingénieure ird, Tunis
    Habiba.nouri@ird.fr
  • [1]
    Dans les années 1990, le bassin de l’oued Merguellil dans le Kairouannais a fait l’objet d’un vaste programme de recherche sur l’eau associant l’Institut de recherche pour le développement (ird), le Commissariat régional au développement agricole (crda) de Kairouan et l’Institut national d’agronomie de Tunis (inat). Souhaitant pérenniser cette collaboration, l’ird et ses partenaires ont fait de ce site un « terrain privilégié ». À ce titre, il continue de faire l’objet de programmes de recherche dont les anr Groundwater-arena et amethyst, et le programme dyshyme (mistrals-sicmed), dans le cadre desquels la présente recherche a été réalisée.
  • [2]
    Dans d’autres gda enquêtés après la Révolution (avril-juin 2011), les responsables et les irrigants dévoilaient spontanément des pratiques de clientélisme organisées autour du réseau d’influence de l’ex-parti au pouvoir.
  • [3]
    Ces schémas (cf. fig. 2 et 3, p. 163 et 165) s’appuient sur une photographie aérienne du territoire (1962) et sur l’image satellite (Google Earth) de 2012. Les informations recueillies n’étaient pas suffisamment précises en termes de localisation des lieux mentionnés et des limites spatiales (probablement très variables) pour que nous puissions cartographier les territoires, les réseaux hydrauliques et les espaces irrigués aux différentes époques.
  • [4]
    Le phénomène est loin d’être marginal : le crda nous dit avoir reçu plus de 7 000 demandes d’électrification pour de nouveaux forages en 2013.
  • [5]
    Le terme henchir s’applique à de vastes espaces, souvent situés sur des terres fertiles, qui permirent aux beys d’accorder des concessions foncières aux ministres qu’ils voulaient récompenser (Camps et Camps-Faber, 2000).
  • [6]
    Les terres Habous sont des terres ayant fait l’objet d’une donation, ici à une institution religieuse (zaouia).
  • [7]
    Lors de la construction du barrage, des fissures ont été ouvertes sous la digue favorisant la fuite des eaux du barrage dans le bassin de dissipation. Ce bassin devient aux yeux des responsables de l’administration une « émergence » du barrage. Il n’est plus question des eaux de la source qui préexistait.
  • [8]
    Le silence de la bibliographie sur les organisations communautaires de gestion de l’eau tunisiennes depuis les travaux de M. Kilani et H. Attia illustre bien ce déséquilibre.
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