Notes
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[*]
Arnaud Frauenfelder, professeur de sociologie à l’University of Applied Sciences Western Switzerland (hes-so), Haute Ecole du travail social (hets)
arnaud.frauenfelder@hesge.ch. -
[**]
Christophe Delay, chercheur post-doctorant, invité au Département de sociologie de l’Université de Lancaster. Boursier du Fonds national suisse de la recherche scientifique
delay.christophe@gmail.com. -
[***]
Laure Scalambrin, doctorante, invitée au Centre d’études ethniques des Universités montréalaises (ceetum) et à l’Ontario Institute for Studies in Education (oise). Boursière du Fonds national suisse de la recherche scientifique
laure.scalambrin@unifr.ch -
[1]
Termes synonymes renvoyant à la même réalité désignée par des noms différents selon les contextes nationaux : on parlera de « jardin partagé » en France, de « Community gardens » aux États-Unis ou Canada.
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[2]
Fiche A16. Plan directeur cantonal Genève 2030, mai 2011, p. 127-130. Voir : http://etat.geneve.ch/dt/amenagement/documents-686-4992.html
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[3]
Afin de préserver l’anonymat des personnes interviewées, tous les noms figurant dans les verbatim cités sont fictifs.
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[4]
Fédération cantonale des jardins familiaux (1958?: 2-3).
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[5]
D’un point de vue juridique, l’État garantit l’existence des jardins familiaux en prenant en charge la construction des sites ou leur démolition et en encaissant les loyers. Il reste le véritable propriétaire. À l’échelle d’une famille bénéficiaire, cette réalité demeure partiellement ambiguë : locataire de sa parcelle, elle est propriétaire de son cabanon, vu que c’est elle qui l’achète lors de son arrivée ou la remet à son nouveau propriétaire lors de son départ (selon une estimation faite par la fgjf).
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[6]
Ces acteurs ne se désignent pas toujours ainsi, alors même qu’ils partagent spontanément l’idée de réforme des jardins et son caractère de « nécessité ».
-
[7]
Cette distinction traduit sans doute un rapport au jardin très différent en fonction de l’appartenance sociale des jardiniers. Guyon (2008) montre en effet que si les membres des milieux populaires privilégient avant tout le jardin « potager » fonctionnel qui permet de produire des légumes, ceux des classes moyennes sont plus attachés à un jardin « loisir » d’agrément où la forme prédomine (pelouse, fleurs, arbres non fruitiers).
-
[8]
L’influence de ce parti dans la promotion de formes de jardin semble relever d’un mouvement de fond. Dubost (1994?: 1) souligne que la mode pour le jardin et l’horticulture est « en lien avec le mouvement écologique ».
-
[9]
Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève. Proposition de motion (M343).
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[10]
Ibid. Proposition de motion (M352).
-
[11]
Depuis l’adoption de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire de 1980.
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[12]
Le traitement médiatique de certaines études contribuera à légitimer sous une forme savante l’image négative du « jardinier pollueur » dès 2003. Voir : « Des jardins familiaux pas très bio », http://www.rts.ch/video/emissions/abe/396748-des-jardins-familiaux-pas-tres-bio.html.
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[13]
Où pour la première fois, les terrains de golf, dont la surface a été plus que multipliée par trois sur la période 1982-2006, « couvrent une surface supérieure à celle des jardins familiaux » (ofs, 2011?: 2-3).
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[14]
Ayant assimilé pour partie et selon des logiques spécifiques certains idéaux philanthropiques portés par les promoteurs du jardin ouvrier à la fin du xixe siècle.
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[15]
Projet de loi relatif à la politique de cohésion sociale en milieu urbain (2011), Genève : Conseil d’État. Voir : http://www.ge.ch/dip/doc/actu/2011/110505_cp_politique-ville.pdf
1Depuis les années 1980, la question de la forme des jardins familiaux fait l’objet en Suisse (comme dans d’autres pays d’Europe) de nombreux débats, signe de l’intérêt public et politique porté à la question du jardinage en milieu urbain (Weber, 1998 ; Monédiaire, 1999 ; Guyon, 2004). Un mouvement de réforme des jardins familiaux présenté comme nécessaire et inévitable par les pouvoirs publics genevois se dessine et va de pair avec l’apparition de nouveaux concepts. Le potager urbain (ou plantages [1]) est de plus en plus utilisé dans les débats publics pour désigner une nouvelle forme de jardin, situé au pied des habitations, d’une surface réduite et sans cabanon. Présentés comme une alternative aux jardins familiaux classiques, les plantages vont très vite satisfaire des préoccupations et des intérêts divers. Plébiscités par les autorités politiques et institutionnelles de l’État de Genève, des élus locaux, des urbanistes et des architectes paysagistes, ils sont au contraire accueillis avec réticence par les instances de représentation officielle des jardins familiaux, la Fédération genevoise des jardins familiaux (fgjf). En effet, le nouveau Plan directeur cantonal genevois a fixé en mai 2011 comme objectif d’aménagement du territoire pour les prochaines décennies de « promouvoir de nouvelles formes de jardins familiaux et encourager la création de plantages [2] » en invoquant la possibilité d’« abroger » sinon de « modifier » la Loi pour la sauvegarde et le développement des jardins familiaux (25 novembre 1960).
2Si certains travaux ont documenté les tensions qui se nouent historiquement entre acteurs politiques et institutionnels locaux et associations de défense des jardins ouvriers à l’occasion de la création/fermeture de certains sites ou lors de projets de dé/relocalisation (Weber, 1998), les divergences contemporaines qui se manifestent entre acteurs en charge de la promotion des potagers urbains (Baudelet et al., 2008) et les instances de représentation des jardins familiaux demeurent encore peu rapportées. Ce différend que nous nous proposons ici de mieux comprendre sociologiquement atteste que le référent du jardinage en milieu urbain (et plus généralement de l’agriculture urbaine) que partagent beaucoup d’acteurs divers cache en réalité – derrière le consensus apparent dont il semble être l’objet – des significations sociales et culturelles hétérogènes.
L’enquête
3Suite à une première étude effectuée en 2010 et portant sur les modes de vie engagés au sein des jardins familiaux par les populations usagères (Frauenfelder et al. 2011), nous avons – contre toute attente – été confrontés à une réalité sociale qui faisait de plus en plus l’objet d’assertions critiques dans les discours publics (médias, discours politiques et institutionnels) allant de pair avec de nouveaux projets d’expérimentations engagés dans certaines communes suburbaines du canton de Genève. Nous découvrions alors que l’objet « jardin familial » que nous appréhendions « par le bas » (découvrant les multiples facettes d’un mode de vie propre aux jardiniers appartenant à diverses fractions des classes populaires d’origine rurale (Weber, 1998) était la cible de régulations sociales diverses, soit une réalité envisageable également « par le haut ». C’est pour mieux comprendre, à partir d’une perspective constructiviste, le processus à travers lequel cette réforme a été « mise en forme » dans les discours publics et les conceptions différentes engagées à son propos que la présente enquête a été menée en 2011. Dès lors, les acteurs placés au centre de l’intérêt de recherche ne furent plus des jardiniers mais des acteurs institutionnels et associatifs constituant la majorité des témoignages récoltés dans la seconde étude, sur la base d’une douzaine d’entretiens qualitatifs approfondis? [3], couplés tant à des observations directes dans divers lieux où ces réformes étaient débattues/mises en œuvre qu’à des analyses documentaires (coupures de presses, archives institutionnelles, rapports d’activité).
4Cet article se compose de trois parties. Il s’agira tout d’abord de rappeler à grands traits les singularités historiques du jardin ouvrier et des potagers urbains, dont le contexte et la signification ne sauraient être confondus. Puis, nous mettrons en lumière les critiques que des acteurs divers publics ou privés impliqués dans la réforme urbaine adressent au jardin familial institué. Nous verrons comment leurs arguments contribuent à légitimer la promotion de nouvelles formes de jardin sur le terrain : le potager urbain d’une part, le jardin familial réformé, d’autre part. Finalement, nous verrons comment ces réformes sont accueillies tant par la FGJF que par bon nombre de jardiniers, généralement avec réserve, et soutiendrons l’hypothèse que ce sont, en partie, des différences sociales non négligeables en termes de références culturelles (partagées directement par les acteurs institutionnels impliqués ou par les populations que ceux-ci pensent représenter) qui permettent de comprendre ce différend.
Jardins ouvriers et potagers urbains : des histoires différentes
5D’invention philanthropique, le jardin ouvrier apparaît durant la première moitié du xxe siècle comme une réponse moralisatrice à la question sociale où se mêlent à la fois les soucis : de fixer des populations « sans feu ni lieu » ; d’insuffler une certaine idée du foyer en milieu ouvrier ; de conjurer certains désordres (en offrant une alternative aux cabarets, bistrots ou grèves) ; d’offrir un moyen de prendre l’air contre les miasmes de la ville (courants hygiénistes) ; de proposer un remède à la vie chère, voire aux situations d’indigence ou de pénurie (Weber, 1998). Durant les années 1950, dans un contexte de fermeture de nombreux sites et confrontées à des demandes d’ordre des pouvoirs publics et des élus locaux soucieux d’aménager au mieux le territoire étant donné la croissance urbaine générée par l’évolution démographique de l’après-guerre, les associations de défense des jardins seront amenées à promouvoir une conception modernisée du jardin ouvrier en phase avec le développement d’une « société de loisirs » (Frauenfelder et al. 2012). Nous avons pu voir à Genève que ces dernières entendent à la fois lutter contre le spectre du taudis rural en milieu urbain (par l’aménagement de groupements aux parcelles « bien ordonnées » et adossées à des constructions qui ont « fières allures? [4] ») et contrecarrer certaines représentations misérabilistes du jardin ouvrier (associé de manière réductrice à une fonction d’autosubsistance pour les ménages vivant dans la nécessité). Pour mieux symboliser cette inflexion modernisatrice, les instances de représentation du mouvement changent de nom : à Genève en 1958, les « jardins ouvriers » s’appellent désormais « jardins familiaux ». À travers cette mutation du jardin « potager » au jardin d’« agrément » (Corbin, 1995), ce sont aussi de nouvelles catégories sociales qui sont visées par ce dispositif, où à côté des familles ouvrières autrefois majoritaires, sont de plus en plus présentes des familles d’employés (Guyon, 2008). Saluée par la fgjf, la venue de ces nouvelles catégories sociales s’inscrit plus généralement dans un mouvement de recomposition des classes populaires depuis 1960 qui cesseront progressivement d’être à majorité industrielle pour devenir un nouvel ensemble social dont les emplois les plus fréquents se situent dans le commerce, les services marchands et non marchands et les transports. Sur le plan législatif, cette conception modernisée du jardin familial sera légitimée à Genève par la Loi cantonale adoptée au début des années 1960. Expression d’un compromis partagé entre l’État et la fgjf, cette législation prévoit alors, outre la sauvegarde et le développement des jardins familiaux, également la facilitation à la conclusion de baux à long terme afin de pérenniser leur présence sur le territoire et d’offrir certaines garanties aux familles bénéficiaires par rapport à l’avenir? [5]. Or, il ressort que cette forme d’institutionnalisation de la présence des jardins familiaux sur le territoire est aujourd’hui partiellement remise en cause par le nouveau plan d’aménagement avec la possibilité de modifier sinon d’abroger la Loi de 1960.
6L’histoire des potagers urbains est plus récente et relève d’une autre dynamique. Le jardin partagé (Baudelet et al. op. cit.), référence parfois mentionnée par les « réformateurs? [6] » interviewés dans notre étude, est marqué par ses origines à la fois culturelles et sociales. Ces jardins sont issus des Community gardens, nés aux États-Unis, à New-York en particulier, dès 1970 avec l’apparition des premiers jardins communautaires à Manhattan dans un contexte de crise urbaine et financière où de nombreux bâtiments abandonnés sont démolis et deviennent des terrains vagues. Sous couvert d’une végétalisation de ces friches, c’est tout un rapport au monde qui sera expérimenté par certaines élites culturelles et artistiques soucieuses de s’affranchir de la bourgeoise traditionnelle (cultivant une forme d’entre-soi très ségrégative dans les « beaux quartiers ») en développant dans des quartiers plus mixtes tout un nouveau mode de vie – notamment autour des jardins. Comme le souligne Tissot (2011?: 271-272), les bourgeois progressistes blancs, véritables « élites de la diversité » cultivent dans leur jardin communautaire au pied des immeubles moins des légumes? [7] que « des fleurs, des herbes aromatiques et quelques tomates », usages qui témoignent d’une « fonction réformatrice de ces espaces, cette fois-ci pour les classes supérieures et non pas les classes populaires ». Plus qu’un simple affichage de soi, le rapport à l’autre – où l’on se rencontre dans ces espaces entre voisins de milieux sociaux différents plus que l’on se retrouve entre-soi en famille dans son jardin familial – semble être érigé en art de vie hautement distinctif : « Valorisant le mélange à l’échelle du quartier, cosmopolites dans leurs rapports au monde, […] ils affichent des modes de vie moins exclusivement axés sur la sphère familiale […], en rupture avec l’image du pater familias et de la femme au foyer » (p.?13). Cette nouvelle forme de jardin sera également expérimentée en Europe.
7À Genève, c’est la rue Lissignol, en plein centre-ville, qui dans les années 1990 est précurseur en matière de jardinage urbain, tandis qu’un peu plus tard une expérience similaire voit le jour à Lausanne en 1994, ce que rapportent les ethno-urbanistes, journalistes et conseillers à la mairie (Baudelet et al., op. cit. : 139-142) faisant un inventaire des réalisations sur le territoire français dans le but de promouvoir par des conseils pratiques cette nouvelle utopie tournée vers l’écologie.
8Depuis lors, l’intérêt du monde politique et associatif genevois pour cette nouvelle forme de jardin n’a cessé de croître comme le suggère la demi-douzaine de motions déposées et/ou adoptées au parlement de l’État de Genève ou de certaines communes. Les titres des motions, dont l’initiative revient au parti du centre gauche, les Verts? [8], sont à ce propos révélateurs de l’investissement idéologique conféré à cette nouvelle forme de jardin : « Pour des potagers proches des habitations » (acceptée par le canton en 1988? [9]) ; « À la mode, à la mode les plantages » (acceptée par la ville en 2003? [10]). Ces demandes politiques seront bien accueillies par les autorités politiques en place en raison de certaines contraintes objectives et législatives. L’obligation fédérale? [11] faite à chaque canton en Suisse de conserver une zone agricole en périphérie de la ville (ou surface d’assolement) de même que la rareté des zones à bâtir dans un contexte caractérisé par une poussée démographique importante engendrant une crise du logement dans les années 2000, représentent autant de pressions jouant en défaveur du maintien et du développement de la zone « jardins familiaux »… alors qu’elles semblent inversement plus favorables aux plantages ainsi qu’à certaines formes de jardins familiaux réformés : parcelles destinées aux cultures plus petites, diminution/abandon du cabanon. D’une surface bien inférieure à celles des jardins familiaux institués (6 à 50 m2 contre 250 m2), les potagers urbains présentent en outre l’avantage de se situer à proximité des habitations. Ils se trouvent en harmonie avec la tendance des urbanistes à promouvoir le développement durable, notion fortement popularisée depuis le sommet de Rio (Dubost, 2010) et occupant une place d’importance dans la structuration et la légitimation de l’action publique engagée à l’échelle des politiques d’aménagement (Lascoumes, 1994). Inversement, les jardins familiaux sont situés en périphérie de la ville, plus difficiles d’accès en transports publics (donc moins « écologiques ») et dont la présence vient concurrencer d’autres utilisations de l’espace (culture maraîchère, infrastructures sportives). Ceci étant dit, la structuration du débat public engagé ne fait pas qu’exprimer de manière mécanique des faits objectifs. Elle est aussi le produit de l’investissement bien intentionné de toute une série d’acteurs provenant de sphères diverses qui par un travail argumentatif et de mobilisation contribuent à légitimer la promotion de nouveaux modèles de jardin. Répondant à certaines préoccupations rationalistes (un territoire genevois très exigu et très urbanisé) et écologistes (liées aux litres d’essence à consommer pour aller cultiver « quelques salades » dans son jardin familial hors de la ville, mais aussi à la « surfertilisation » de sols dont la teneur en engrais est jugée trop forte selon certaines études? [12]), les potagers urbains sont dans l’air du temps. Au-delà des discours favorables des élus, des réalisations concrètes sont aussi engagées à l’échelle de certaines mairies. Depuis 2006, la ville de Genève ainsi que trois communes suburbaines disposent désormais de plantages. Ceux-ci sont destinés selon leurs promoteurs moins à des populations d’origine rurale (qui apprécient de cultiver la terre souvent à temps plein et de ce fait privilégient le jardin familial) qu’à des populations d’origine urbaine disposant de moins de temps. Le fait que les acteurs politiques rencontrés empruntent souvent des idées provenant d’autres contextes nationaux témoigne du processus de circulation des idées dans la fabrique des potagers urbains :
« Parce que nous on a copié un petit peu, faut pas avoir peur de le dire, sur ce qui se fait à Lausanne et en France, le livre Les jardins partagés est sorti (en France) mais c’est exactement la même chose, les jardins en bas des immeubles, je trouvais sympathique le mot plantage pour bien faire la différence avec les jardins familiaux ».
10Tout donne à penser que le processus contemporain de disqualification symbolique du jardin familial institué va de pair avec le mouvement de promotion de nouvelles formes de jardin. Si les plantages cristallisent, sous une forme radicalisée, l’orientation de cette réforme urbaine, il ressort que ce sont aussi de nouveaux modèles de jardins familiaux qui sont imaginés à l’occasion du déplacement de certains sites dans le cadre de la densification urbaine et construction de nouveaux logements intégrant des plantages (dat, 2006). Or, au-delà des arguments répandus d’ordre rationaliste et écologique déjà évoqués et qui semblent faire consensus chez les divers acteurs institutionnels, l’analyse des entretiens réalisés auprès de certains acteurs institutionnels et professionnels qui sont directement impliqués dans cette réforme montre que des préoccupations bien spécifiques sont également investies. D’une part, autour de ce qu’un beau groupement peut signifier, d’autre part, autour de l’usage légitime qu’il convient d’en faire.
Les préoccupations spécifiques des réformateurs
De l’évitement d’une géométrie trop « pesante » et « monotone »…
11Les témoignages recueillis auprès des acteurs montrent que c’est clairement le modèle esthétique du jardin familial « bien aligné » et « propre en ordre » qui est mis en cause. Érigée en modèle face au spectre du taudis rural en milieu urbain durant le xxe siècle, cette esthétique très ordonnée du jardin familial institué fait désormais figure de repoussoir dans le discours des urbanistes et architectes impliqués dans la création de nouvelles formes de jardins familiaux à l’occasion de la délocalisation de deux sites. C’est ce que suggère M. Robert (57 ans, architecte, chef de projet dat) en précisant la volonté désormais de :
« casser un petit peu le bloc, cette géométrie assez pesante [quadrillage], ces groupements c’est quand même un côté extrêmement monotone, c’est pas un embellissement, faut être clair, moi je trouve pas très beau, je trouve ça moche.?»
13Comparées aux nouvelles normes d’appréciation esthétique diffusées par ces acteurs autorisés car disposant de savoir-faire professionnels permettant de légitimer leur vision du « bon » goût, et de la présenter comme souhaitable et préférable, il ressort que tant l’orthogonalité du plan des groupements (ayant connu son heure de gloire à son époque avec l’alignement des parcelles en ligne et en colonne entrecoupé à intervalle régulier par quelques grands chemins d’accès qui se croisent à la perpendiculaire) que l’esthétique du chalet apparaissent dès lors comme problématiques :
« Tout est normatif, le cabanon doit avoir les tuiles de la couleur, […] donc il y a ce côté extrêmement répétitif qui est exactement comme pour un quartier de logements où on pourrait avoir tous les blocs les mêmes, on dirait ‘mon dieu mais quelle horreur ce quartier’ parce qu’il est rédhibitoire par sa matérialisation qui est donc banale, répétitive, concentrée, il y a pas de dilatation de l’espace ! ». […] C’est pas intéressant en tant que tel parce que ce n’est pas bucolique, vous pouvez prendre par n’importe quel côté, c’est la même chose. »
15Les architectes-paysagistes déplorent les conventions en vigueur de la fgjf qui régissent ce type de matérialisation jugée trop normative et monotone au profit soit de jardins réformés sans cabanon qui ont pour eux l’avantage d’être plus petits et économes en sol ou alors de jardins avec abri privilégiant un toit à un pan avec une légère courbure afin de quitter une esthétique du chalet qualifiée d’assez lisse ou plate. Une proposition qui doit encore être négociée avec les représentants de la fgjf, signe que les professionnels prennent désormais en compte le point de vue des usagers dans leurs projets (voir aussi Dubost, 2010).
16En accord avec ce qui se présente comme un nouveau modèle de nature urbaine, c’est aussi parfois la référence à un jardin « naturel », à une esthétique brouillonne où peuvent pousser ici et là des hautes herbes symboliques de la force du « vivant spontané » (Lizet, 2010?: 599) qui est convoquée du bout des lèvres par certains. Modèle là aussi fortement en opposition avec l’idéal esthétique du jardin familial bien tenu et propre en ordre. Un paysagiste souligne, à l’occasion de l’aménagement d’un nouveau site de jardins familiaux présenté devant des populations potentiellement usagères, le souci de planter des noisetiers, des bosquets, des forsythias ou graminées donnant au site un caractère assez naturel. Plus généralement, ce nouveau rapport à la nature se manifeste dans ses propos également dans la nécessité de composer avec les caractéristiques du paysage plutôt que de soumettre (simplement) le paysage au formalisme d’un plan :
« Il y a désormais une sorte de logique paysagère d’ensemble ! On reprend des caractéristiques du paysage […]. Ce qui est peut-être nouveau dans les idées qui sont là-dedans, c’est que le végétal peut apporter quelque chose de plus important que ce qu’on a considéré jusqu’à aujourd’hui […]. Ce qui prévalait dans tout l’urbanisme du xixe siècle, c’était des arborisations oui, mais très formelles. Le long des boulevards principaux. C’est typiquement ce qu’on a dans tout le centre-ville ! Et c’est un langage qui s’est un peu appauvri. »
18Or, derrière cette valorisation du cadre naturel de la topographie de sites, d’une esthétique du végétal plus brouillonne, plus qu’une simple valorisation de la nature sauvage en tant que telle, ce sont peut-être toutes les ambiguïtés du rapport à la nature contemporain qui se manifestent ? Accueillir les mécanismes naturels mais en assurer le contrôle, ambiguïté où le « sauvage » demeure, pour pouvoir être pleinement accepté, fortement « socialisé » (Lizet, op. cit.).
19Parallèlement à la critique esthétique adressée par les réformateurs au modèle du jardin familial institué, c’est aussi leur usage privatiste qui est interrogé.
… à la critique de leur usage « privatiste »
20Si l’importance de la famille fait partie des vertus éthico-morales des jardins ouvriers qui seront consacrées par l’État au moment de l’adoption de la législation des années 1960, cette forme de familialisme est aujourd’hui critiquée de par le repli sur soi qu’elle peut susciter. Les nouveaux modèles de jardins familiaux entendent proposer une réponse à cette critique. Tout en conservant le cabanon, certains nouveaux sites en construction prévoient d’ouvrir davantage le groupement au public afin d’éviter le cloisonnement des jardins avec le reste de la population :
« Il s’agit de ne pas laisser cette fraction de la société être isolée du courant, [d’être] de plus en plus marginalisée [ou] trop cloisonnée, fermée. »
22Ce souci se matérialise par des tracés de cheminement visant à rapprocher les jardiniers de la population du quartier via d’autres aménagements publics, comme des chemins piétons se devant de rester ouverts en permanence selon les vœux des réformateurs, ou encore des bancs publics afin d’éviter le côté « îles fermées ». Ou encore, prévoir à côté des parcelles individuelles une partie de parcelles dites didactiques pour répondre à une demande scolaire d’enseignants enclins à faire prendre conscience aux élèves des bienfaits de la nature et de comportements écologiques à adopter. Sous des formes diverses, on retrouve le souci, bien décrit par certains responsables de l’État :
« d’essayer de trouver des formes […] qui soient plus perméables par rapport à d’autres usages des espaces verts, qui peuvent être ouverts à la population d’une manière générale. »
24Incarné dans les jardins familiaux réformés en construction, ce souci se manifeste de manière exemplaire dans les potagers urbains qui condensent parfois jusque dans leur appellation (« jardin partagé ») cet esprit d’ouverture, érigé en impératif éthique et véritable signe distinctif. Les témoignages obtenus auprès de quelques maires soutenant les plantages sur leur commune sont révélateurs de la morale anti-privatiste qui leur est conférée et reprochée aux jardins familiaux :
« L’esprit jardins familiaux, y a quand même l’esprit d’occupation du terrain par des petites maisonnettes, c’est vraiment [chacun] son bout de terrain : ‘C’est à moi et je le partage peu, voir pas’. Dans les plantages j’ai pas entendu ça. »
26Présentée comme anti-privatiste, cette philosophie sociale place la question du lien social, de la convivialité et des échanges (intergénérationnels, interculturels, interclasses) entre voisins d’un même quartier au centre de son action. Le public cible n’est plus tout à fait le même dans les plantages : ce n’est plus la famille, mais les relations entre les habitants d’un même immeuble/quartier qui sont visées. Les maires locaux proposent ainsi des aménagements matériels qui se veulent délibérément incitateurs en matière de développement des relations de bon voisinage comme par exemple préférer des zones pique-nique (offrant la possibilité de créer ce côté convivial entre les gens) plutôt que d’offrir la possibilité sur les parcelles de sortir son barbecue et son grill (sur le mode du chacun pour et chez soi). À chaque fois, les structures matérielles mises en œuvre visent à susciter des échanges, s’empresse-t-on de préciser tout en soulignant au passage les bénéfices indirects en termes de lutte contre le sentiment d’insécurité que ce dispositif peut favoriser, à une époque où cette préoccupation est portée à l’attention publique et souvent saisie par les maires. Avec les potagers urbains, l’avantage :
« Il y a tout le temps quelqu’un qui est là en bas de l’immeuble en train de faire le jardin. Quand il y a des gens louches qui se pointent, c’est : ‘Mais vous faites quoi là ? Vous n’habitez pas ici, moi je sais bien, je connais tous mes voisins !’ »
28À bien des égards, les griefs contemporains adressés aux jardins familiaux (usage privatiste et esthétique monotone) et à leurs porte-paroles autorisés témoignent de formes de réaménagement de la critique où d’anciennes vertus proclamées à leur époque (cabanon bien aligné, valeur du « chez soi ») sont désormais érigées en autant de vices. Un mouvement d’aller-retour bien perçu par ces derniers :
« On nous reproche ce que l’on nous a imposé. »
Des réformes accueillies avec réserve par la fgjf et leurs usagers
30Déroutés par les critiques dont ils sont la cible, les responsables de la fgjf interviewés ainsi que bon nombre d’usagers se montrent pour le moins réservés quant à certains aspects des réformes urbaines en cours. Cette attitude se cristallise moins sur les jardins familiaux réformés en cours de construction que sur les potagers urbains, sans doute parce que ceux-ci se démarquent plus explicitement du jardin familial traditionnel (de par l’absence de cabanon) et font l’objet de davantage de visibilité publique. Sans être pour autant hostile, ils s’empressent généralement de souligner que ces potagers urbains ne rendent guère possible – en raison de leur petite taille – l’expression de véritables pratiques de jardinage :
« Je ne suis pas contre foncièrement ces plantages, je trouve que ça peut être une alternative pour des gens qui ont juste envie de se faire 2-3 bouquets de persil, pour ça on a pas besoin de prendre la voiture et de faire 20 km pour aller dans son jardin, ça c’est sûr ! Maintenant […] si c’est juste pour cultiver 2-3 petits trucs ou faire ses herbes aromatiques, moi j’y vois pas d’inconvénients, mais c’est clair que moi j’appelle plus ça du jardinage, pour moi c’est du bricolage ! Vous pouvez faire la même chose sur votre balcon, vous avez pratiquement le même résultat ! […] L’avantage sur le balcon, c’est qu’on verra pas le désordre depuis l’extérieur, au moins ! »
32Assimilés aux jardinets où l’on ne ferait pousser que des herbes aromatiques, cette déconsidération des plantages (apparemment prisés par les élites culturelles d’origine urbaine) n’est pas sans traduire en creux toute l’importance conférée par cette institution – de même que ses usagers issus des classes populaires diverses et d’origine rurale – à l’idéal d’autoproduction et d’autoconsommation (dimension économique centrale des jardins ouvriers) indissociable de la défense d’une forme de loisir productif que l’on peut montrer à travers les produits de son travail, source de fierté (Frauenfelder et al., 2011). Plus qu’un simple loisir, le jardinage est un temps actif et productif, une manière d’affirmer sa valeur personnelle et de défendre son honneur dans une activité située à mi-chemin entre « le gagne-pain », sorte de « choix du nécessaire » (Bourdieu, 1979?: 433) et un passe-temps, « goût populaire de l’expression personnelle » et « loisir créateur » (Hoggart 1970?: 382) reposant sur une activité (le jardinage) entièrement contrôlée par soi-même selon une logique décisionnelle qui s’oppose au travail pour « autrui » (Weber, 2001).
33Par ailleurs, l’absence de cabanon dans les potagers urbains est une donnée perçue négativement tant par les responsables de la fgjf que par les jardiniers. Si de telles infrastructures matérielles offrent des commodités pratiques (s’abriter sous la pergola en temps de pluie) et des formes de sociabilité qui leur vont de pair (se retrouver entre soi entre voisins de parcelles, dans l’intimité du cercle familial qui assure une fonction de protection), l’accès à cette forme de substitut de la « petite propriété » est également investi d’une signification culturelle particulière en milieu populaire. Considérée par certains comme la « villa du pauvre » (Frauenfelder et al., 2011), à travers cette possibilité d’avoir un « bien à soi » s’affirme tacitement la volonté de créer un groupe permanent, uni par des relations sociales stables mais aussi un espace que « l’acteur peut s’approprier » (Schwartz 2002, 31) au point d’en faire des espaces d’« auto-appartenance » où se façonne un certain « rapport à soi ».
34Enfin, face à la critique esthétique de jardins familiaux trop alignés et propres en ordre, les responsables de la fgjf font part de leur profonde inquiétude quant à l’absence de structure d’encadrement explicite dans les potagers urbains et aux risques de désordre que cette situation pourrait engendrer :
« J’ai quand même quelques appréhensions avec ce genre de chose. Y a pas d’encadrements généralement, alors au bout de quelques temps, qu’est-ce que ça va donner ? […] Parce qu’il y a pas de règles de base à ce que j’ai vu jusqu’à maintenant, les plantages à Lausanne…[certains] on aurait mieux fait de laisser la pelouse parce que c’était plutôt catastrophique ! […] Vivre et laisser vivre, […] y a une petite marge, mais y a quand même une structure qui est là [les jardins familiaux] et à un moment donné on dit ‘stop, ça, ça va plus’ […] tandis que là [les potagers urbains], pas de structures, pas de responsable, pas de responsabilités ! »
36Manifestation d’une forme d’acculturation de la fgjf au niveau d’exigences normatives diffusées par l’État durant les années 1950-1960 dans la lutte menée contre le spectre du taudis rural en milieu urbain, cette prise de position mérite un commentaire. Dans l’établissement des réputations locales des groupements, mais aussi des jardiniers locataires d’une parcelle, savoir tenir son jardin est considéré comme important : on est en présence de stratégies de distinction servant à établir des frontières sociales à l’intérieur des catégories populaires concernées. Laisser son jardin en friche porte atteinte au prestige du jardinier, ceci d’autant plus que contrairement au domicile qui se trouve à l’abri du regard des voisins, le jardin est visible de tout un chacun. Un laisser-aller pourrait être vu comme un indice de déchéance. On semble bien loin ici des jardins partagés tels que décrits par Baudelet et al. (op. cit. : 116) qui « donnent à voir une végétation foisonnante, plus libre et plus sauvage » où « la main du jardinier est là, mais son empreinte est douce », conceptions qui renvoient à une esthétique du végétal davantage en affinité élective avec le mouvement de recomposition des valeurs des classes moyennes à fort capital culturel où l’authenticité revisitée s’y trouve fortement célébrée (Tissot, 2011 : 306).
37Pris entre le « haut » (les autorités publiques) et le « bas » (les jardiniers), les responsables de la fgjf semblent occuper une position délicate. Tout en étant sceptiques quant aux réformes urbaines en cours (ce qui les rapprochent de la base), ils sont amenés à devoir aussi composer avec certaines exigences extérieures : on pense notamment au souci affirmé de voir modifier certaines pratiques en vigueur dans les groupements au niveau de l’usage d’engrais et de pesticides, où ils se font là, les relais de critiques plus générales et consensuelles.
Conclusion
38À travers cet article, nous avons mis en lumière les conceptions différentes du « beau » jardin et de son usage « légitime » qui se manifestent entre acteurs publics et professionnels d’un côté et instances associatives de représentation des jardins familiaux de l’autre, à l’occasion d’une réforme urbaine visant à encourager la création de potagers urbains et promouvoir de nouvelles formes de jardins familiaux. Dans l’analyse de ces luttes symboliques, nous avons montré que c’est – de manière sous-jacente – en référence à des modes de jardinage distincts (loisir à temps partiel, production florale, végétalisations au naturel / loisir à temps plein, production de légumes, jardin bien tenu) et des modes de vie très différents (urbain, cosmopolite, écologique / d’origine rural, privatiste, autoconsommation), situés socialement, que ces agents prennent appui de manière spontanée lorsqu’ils font la promotion de ces réformes ou font part au contraire de leur scepticisme et réserve. Ce différend révèle au fond combien le référent de l’agriculture urbaine cache en réalité – derrière le consensus apparent dont il fait l’objet – des significations sociales et culturelles hétérogènes. Ceci étant dit, trois commentaires méritent d’être avancés en guise de conclusion.
39Premièrement, même si l’argument des modes de vie représentés et différenciés socialement ne manque pas de plausibilité, il n’en demeure pas moins que ce constat n’exclut pas des alliances et points de convergences entre certains réformateurs (soucieux de soutenir l’existence des jardins familiaux) et porte-parole de la fgjf (animés par le désir de modifier certaines pratiques en vigueur dans les groupements au niveau de l’écologie et de l’usage de pesticides).
40Deuxièmement, le processus de disqualification dont le jardin familial est la cible ne se manifeste pas que sur le plan symbolique ou législatif. Il s’avère que les jardins familiaux sont en diminution à Genève comme ailleurs en Suisse où ils se trouvent concurrencés par d’autres occupations de l’espace, notamment à destination de catégories sociales plus aisées? [13]. C’est donc l’existence même d’un certain mode de vie (passe-temps productif, accès à un bien à soi permettant certaines formes de protections rapprochées et d’entre-soi familial) partagé par des catégories populaires? [14] d’origine rurale et non-propriétaires qui est en jeu. Alors qu’on assiste sans doute davantage à une situation de pluralisation concurrentielle des modèles de jardin qu’à une simple substitution du jardin familial par le potager urbain, il apparaît néanmoins que cette dimension sociale demeure généralement dans l’ombre de la formulation dominante des discours publics où les griefs écologiques, rationalistes, esthétiques et éthiques adressés aux jardins familiaux prédominent et vont de pair avec l’entreprise de promotion des potagers urbains. Or, dans quelle mesure cette euphémisation ne risque-t-elle pas de retraduire une distance sociale en distinction morale ?
41Troisièmement, enfin, alors que les potagers urbains constituent un dispositif territorialisé d’action publique (Tissot, 2007) inscrit dans le cadre d’une « politique de cohésion sociale en milieu urbain? [15] » qui semble se déployer à Genève surtout dans des quartiers populaires caractérisés par une certaine mixité sociale et culturelle, notre enquête ne dit rien sur les formes d’appropriation, de résistances et d’adhésion dont ils peuvent faire l’objet de la part des populations usagères. Ceci mériterait une analyse qui dépasse le cadre de cet article, mais il est raisonnable de penser que s’y manifestent des attentes (et pratiques) qui ne correspondent pas toujours aux intentions des réformateurs.
Références bibliographiques
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- Weber, F. 2001 [1989]. Le travail à-côté. Étude d’ethnographie ouvrière, Paris, inra/ehess.
Mots-clés éditeurs : jardins familiaux, réforme urbaine, potagers urbains, Genève, modes de vie populaires, différend
Date de mise en ligne : 01/08/2014
https://doi.org/10.3917/esp.158.0067Notes
-
[*]
Arnaud Frauenfelder, professeur de sociologie à l’University of Applied Sciences Western Switzerland (hes-so), Haute Ecole du travail social (hets)
arnaud.frauenfelder@hesge.ch. -
[**]
Christophe Delay, chercheur post-doctorant, invité au Département de sociologie de l’Université de Lancaster. Boursier du Fonds national suisse de la recherche scientifique
delay.christophe@gmail.com. -
[***]
Laure Scalambrin, doctorante, invitée au Centre d’études ethniques des Universités montréalaises (ceetum) et à l’Ontario Institute for Studies in Education (oise). Boursière du Fonds national suisse de la recherche scientifique
laure.scalambrin@unifr.ch -
[1]
Termes synonymes renvoyant à la même réalité désignée par des noms différents selon les contextes nationaux : on parlera de « jardin partagé » en France, de « Community gardens » aux États-Unis ou Canada.
-
[2]
Fiche A16. Plan directeur cantonal Genève 2030, mai 2011, p. 127-130. Voir : http://etat.geneve.ch/dt/amenagement/documents-686-4992.html
-
[3]
Afin de préserver l’anonymat des personnes interviewées, tous les noms figurant dans les verbatim cités sont fictifs.
-
[4]
Fédération cantonale des jardins familiaux (1958?: 2-3).
-
[5]
D’un point de vue juridique, l’État garantit l’existence des jardins familiaux en prenant en charge la construction des sites ou leur démolition et en encaissant les loyers. Il reste le véritable propriétaire. À l’échelle d’une famille bénéficiaire, cette réalité demeure partiellement ambiguë : locataire de sa parcelle, elle est propriétaire de son cabanon, vu que c’est elle qui l’achète lors de son arrivée ou la remet à son nouveau propriétaire lors de son départ (selon une estimation faite par la fgjf).
-
[6]
Ces acteurs ne se désignent pas toujours ainsi, alors même qu’ils partagent spontanément l’idée de réforme des jardins et son caractère de « nécessité ».
-
[7]
Cette distinction traduit sans doute un rapport au jardin très différent en fonction de l’appartenance sociale des jardiniers. Guyon (2008) montre en effet que si les membres des milieux populaires privilégient avant tout le jardin « potager » fonctionnel qui permet de produire des légumes, ceux des classes moyennes sont plus attachés à un jardin « loisir » d’agrément où la forme prédomine (pelouse, fleurs, arbres non fruitiers).
-
[8]
L’influence de ce parti dans la promotion de formes de jardin semble relever d’un mouvement de fond. Dubost (1994?: 1) souligne que la mode pour le jardin et l’horticulture est « en lien avec le mouvement écologique ».
-
[9]
Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève. Proposition de motion (M343).
-
[10]
Ibid. Proposition de motion (M352).
-
[11]
Depuis l’adoption de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire de 1980.
-
[12]
Le traitement médiatique de certaines études contribuera à légitimer sous une forme savante l’image négative du « jardinier pollueur » dès 2003. Voir : « Des jardins familiaux pas très bio », http://www.rts.ch/video/emissions/abe/396748-des-jardins-familiaux-pas-tres-bio.html.
-
[13]
Où pour la première fois, les terrains de golf, dont la surface a été plus que multipliée par trois sur la période 1982-2006, « couvrent une surface supérieure à celle des jardins familiaux » (ofs, 2011?: 2-3).
-
[14]
Ayant assimilé pour partie et selon des logiques spécifiques certains idéaux philanthropiques portés par les promoteurs du jardin ouvrier à la fin du xixe siècle.
-
[15]
Projet de loi relatif à la politique de cohésion sociale en milieu urbain (2011), Genève : Conseil d’État. Voir : http://www.ge.ch/dip/doc/actu/2011/110505_cp_politique-ville.pdf