Notes
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Sofian Beldjerd, docteur en sociologie, maître de conférences à l’Institut d’administration des entreprises de l’Université de Poitiers (laboratoire cerege)
sofian.beldjerd@univ-poitiers.fr -
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Dans ce texte nous distinguons entre deux notions dérivées du vocable aisthésis : « aisthésique » et « esthétique ». La première, désigne les modalités corporelles, sensualistes, de l’expérience esthétique ; la seconde, ses modalités formalistes (centrées sur la « beauté », c’est-à-dire sur la dimension « aspectuelle » de la relation à l’objet [Genette, 1997]).
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C’est plus fréquemment le cas des hommes rencontrés.
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Ce qui ne signifie pas « désocialisés ».
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Bien que ces pratiques aient cours dans le service auquel appartient cette femme.
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Cela le distingue des situations évoquées, dans lesquelles l’indécidabilité des sensations du corps ne permettait pas toujours d’arbitrer sur l’origine de la norme esthétique (cf. supra le cas des fauteuils rouges).
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C’est-à-dire à rebours de celles, nombreuses, qui héritent des préventions kantiennes à l’égard des satisfactions somatiques.
1Selon H. Lefebvre, habiter revient à « s’approprier quelque chose, […] en faire son œuvre, […] y mettre son empreinte, le modeler, le façonner » (1970, p. 222). Les travaux empiriques menés sur l’appropriation des espaces par les « habitants-aménageurs » (Staszak, 2001, p. 356) ont notamment placé l’accent sur le rôle des opérations de marquage, de personnalisation (Raymond et al., 1971 ; Ramos, 2000) ou encore de rangement et de nettoyage (Filiod, 2003). L’intervention matérielle sur les espaces et les objets n’est pas cependant le tout de la dynamique d’appropriation. L’habiter implique également un apprivoisement des entours matériels, une « domestication », au plein sens du terme. Il s’agit pour les occupants non seulement d’attribuer des significations familières aux espaces et aux objets mais aussi d’habituer leur corps en mouvement à des usages et des manipulations routiniers (Breviglieri, 1999 ; Warnier, 1999 ; Thévenot, 2006).
2Un certain nombre de travaux microsociologiques menés sur l’emménagement (Rosselin, 1998), le déménagement (Putnam et Swales, 1999) ou encore sur « l’action ménagère » (Kaufmann, 1996) ont donné à voir de manière particulièrement précise l’intervention successive ou concomitante des dimensions représentationnelle et corporelle de la dynamique d’appropriation. Parmi les activités de construction du chez-soi autorisant l’étude de ces processus, les opérations de mise en forme et d’appréciation esthétiques (aménagement, personnalisation, décoration, etc.) semblent particulièrement prometteuses. Elles relèvent, en effet, d’un domaine d’activités sociales puissamment informé par des mises en tension pratiques et symboliques de l’esprit et du corps (Simmel, 1991 [1912] ; Elias, 1973 [1939] ; Bourdieu, 1979).
3Selon qu’elle valorise davantage le confort ou la beauté, l’esthétique habitante donne ainsi accès à une multiplicité d’agencements conscients et non conscients, représentationnels et corporels entre deux dimensions de l’appropriation des lieux : l’actualisation et la formation d’habitudes d’appréciation (qui peuvent guider l’évaluation esthétique d’un élément du mobilier) et des incorporations de dynamiques d’objets (clés de cette familiarité qui permet, par exemple, de circuler autour d’un meuble sans s’y heurter) (Rosselin, op. cit.). Or, cette part esthétique de l’habiter a principalement donné lieu à des travaux relativement indifférents à la condition corporelle. Consacré à l’évaluation aspectuelle du bâti (Segaud, 1988) ou, plus fréquemment encore, aux significations du « décor » (Chevalier, 1992 ; Segalen et Le Wita, 1993 ; Clarke et Miller, 1999 ; Fabiani, 2005), le corps sensible s’y voit essentiellement envisagé comme le support de relations symboliques à l’espace domestique (Deniot, 1999).
4Les analyses proposées dans cet article plaident quant à elles pour une extension du domaine de l’esthétique habitante. Admettant avec A. Monjaret (1996) ou encore M. Breviglieri (1999 ; 2004) que l’habiter peut concerner une multiplicité de lieux (un logement, mais aussi un banc public, une aire de jeu ou un poste de travail), nous avons cherché à saisir les activités esthétiques dans des espaces à la fois domestiques et professionnels – un biais qui favorisait la mise en évidence des traits communs aux phénomènes d’appropriation qui nous intéressent.
5La centaine d’entretiens conduits au cours de l’enquête a été réalisée au domicile et/ou dans l’espace de travail d’hommes et de femmes, âgés de 18 à 80 ans, caractérisés par des appartenances sociales et géographiques diversifiées. Les données ont été recueillies et analysées en appliquant la méthodologie de l’« entretien compréhensif » (Kaufmann, 1997). Centrées sur la mise en forme esthétique, ainsi que sur l’appréciation des qualités des lieux, les interviews ont été complétées par des observations, qui permettaient de contextualiser les propos des enquêtés. Ces dernières favorisaient en outre le repérage d’objets ou de mises en forme particulières (un plaid étendu sur le dossier d’un canapé, par exemple), susceptibles d’offrir des points d’ancrage concrets aux discours de nos interlocuteurs.
Les entretiens, consacrés au façonnement et à l’appréciation des espaces, regorgent d’innombrables références au sensible, qui débordent généreusement les seules évocations du « goût » pour la « décoration ». Les termes employés par les enquêtés pour exprimer leur rapport à leurs environnements familiers (« se sentir », « aise », « feeling »…) réfèrent aussi bien à l’aisance, au confort et au bien-être, qu’à l’harmonie ou encore à la beauté. Ils constituent différents formats de l’esthétique habitante interrogée dans le cadre de cet article, qui vise à contribuer à la connaissance du dialogue entre modalités représentationnelles et corporelles de l’appropriation des territoires personnels.
La perspective adoptée implique d’abord de distinguer entre dynamique de l’aisance, dimension sensible (aisthésique) et exigence formaliste (esthétique) [1], afin d’envisager leurs rapports, faits d’indifférences réciproques et d’oppositions frontales. L’examen se porte ensuite sur la manière dont l’aspiration des habitants à la beauté parvient à s’imposer aux logiques somatiques. Nous montrons, en particulier, dans quelle mesure le corps contenu, contraint, voire dressé, se trouve enjoint de « faire le beau » – c’est-à-dire forcé de se conformer à des modèles de comportement inculqués, comme on l’attendrait d’un animal. L’analyse met toutefois en évidence le fait que le corps ne demeure pas toujours prisonnier de ces affrontements entre le confortable et le beau et qu’il peut à son tour se présenter comme la source spécifique d’une appropriation esthétique de l’espace, irréductible à un sensualisme. Le dernier temps de la réflexion est ainsi consacré à établir dans quel autre sens de cette expression le corps habitant se trouve capable de faire le beau, c’est-à-dire d’alimenter des mises en forme et des appréciations esthétiques pleinement formalistes.
De l’aisance au confort
6Les espaces dans lesquels a été menée l’enquête accueillent une majorité d’actions répétitives, à dominante instrumentale (se rendre dans une pièce, gravir un escalier, faire la vaisselle, s’installer face à un écran d’ordinateur, etc.). On y observe ainsi nombre de combinaisons de gestes routiniers qui ne requièrent que de faibles degrés de réflexivité, voire de vigilance attentionnelle. Les corps « habitent » ces espaces qu’ils comprennent « sans avoir à passer par des ‘représentations’ » (Merleau-Ponty, 2001, p. 164). Pour agir avec efficacité, les individus peuvent, en effet, compter sur l’intelligence spécifique de leur corps, qui ne se contente pas de manipuler, en extériorité, des « objets » ou de se déplacer dans les espaces de la géométrie euclidienne. Au fil d’un apprivoisement corporel de l’environnement matériel, relevant du processus de socialisation (Kaufmann, 1996, p. 52), leurs frontières corporelles s’étendent à celles de leurs entours. L’« incorporation » des espaces (Rosselin, op. cit.) constitue alors l’une des principales clés de l’« aisance », ce « bien de la routine et de l’habiter », qui implique « une proximité éprouvée dans l’expérience et l’usage familier des êtres et des choses » (Breviglieri, 2002, p. 335).
7Dans ce registre de la familiarité, les valeurs sont d’abord celles de la fluidité des déplacements et des gestes, de l’accessibilité et de la maniabilité. D’une manière générale, l’aisance corporelle ne nécessite pas de commerce particulier avec les dimensions, sinon formalistes, du moins cognitivement plus élaborées, de la relation esthétique.
8L’hétérogénéité première entre quête corporelle de l’aisance et préoccupations esthétiques n’exclut pas toutefois les conflits d’intérêt. Une fois ancré dans un espace avec lequel il est entré en connivence, le corps habitué cède plus difficilement aux caprices de l’exigence esthétique.
« Tout au début, explique une jeune femme, quand [j’ai eu cette table basse], il n’y avait pratiquement jamais rien dessus, […]. Quand je fais le ménage et tout, je débarrasse tout dessus et j’essaie de mettre que des trucs que… le cactus, le diffuseur de parfum […], mais pas grand-chose. Et puis au bout d’un moment, tout de suite, il y a plein de bordel, quoi. Je ne sais pas comment je me débrouille… ».
10Au quotidien, l’encombrement de cette table échappe à toute régulation consciente de la part de l’enquêtée. Une concurrence est ici engagée entre une nouvelle habitude d’emplacement, fondée sur un modèle stylistique, et une autre, à dominante instrumentale, plus ancienne et plus profondément intériorisée. Malgré les tentatives de réforme de l’action, opérées à l’étage mental (manifestant une aspiration formaliste), le schème sensori-moteur (indexé sur la valeur d’aisance) demeure le maître du jeu.
11La familiarité corporelle ne se borne pas toutefois à la recherche d’une aisance à dominante instrumentale. La qualité des dispositifs techniques favorisant cette dernière (matériaux isolants, climatisations, revêtements de sol, objets ergonomiques, etc.) implique bien souvent d’autres registres : la souple résistance du cuir d’un canapé ou encore la courbe d’une anse procurent un plaisir d’usage sensualiste (aisthésique), qui, au-delà de la seule dimension instrumentale, relève d’un « confort » (Goubert, 1988). Ajoutons que les jugements portés sur les entours familiers ne s’élaborent pas systématiquement à l’écart de toute représentation. La satisfaction qu’éprouve, par exemple, l’un de nos informateurs (32 ans, employé dans une agence immobilière) à se déplacer pieds nus sur l’épaisse moquette de son appartement ne participe pas ainsi à proprement parler d’une relation esthétique formaliste (il désavoue, en effet, la couleur de cet équipement, choisi par le précédent occupant des lieux). Cependant, la qualité de cette moquette constitue à ses yeux un signe statutaire, qui contribue à densifier ses sensations d’usage et à alimenter la part représentationnelle de son confort (Le Goff, 1994).
12De l’appropriation des discours dérivés de l’idéologie moderne du Progrès à la croyance en la valeur distinctive d’un objet (identifiée par une marque commerciale ou une forme prestigieuse, par exemple), l’enquête montre ainsi de quelle manière des normes et des significations explicites, établies et garanties sur différents marchés symboliques, sont susceptibles de redoubler ou de nourrir un plaisir sensualiste.
13L’étanchéité analytique entre les sphères de valeurs (aisance, confort, beauté, etc.) s’atténue plus nettement encore s’agissant de la mise en forme des pièces à vocation « publique » des espaces domestiques (Raymond et al., op. cit.). Une femme commente l’aménagement de son salon, peuplé de nombreux meubles en bois exotique :
« Moi, explique-t-elle, j’ai besoin de me sentir dans cette ambiance-là […]. J’aime bien ce côté africain, foncé, etc. […] Beaucoup de masques, j’adore les masques africains […] ».
15Elle insiste sur le fait que cet environnement, qui lui agrée d’un point de vue aspectuel, lui offre régulièrement, au surplus, un cadre de centration sur elle-même et de « ressourcement » (au sens de J.-P. Filiod [1996]) :
« Souvent, ça m’arrive de m’allonger sur mon canapé, le midi, je rentre pour me détendre et puis j’écoute soit de la musique africaine ou […] une musique très douce et… Et dans un environnement comme ça, je me détends. […] C’est mon univers. C’est que mon univers. »
17Bien que ce type de dispositif semble s’adresser prioritairement au corps, leurs usagers, ne s’abandonnent pas systématiquement à un confort régressif, fondé sur une connivence sensible avec des entours matériels disgracieux. Au contraire, si les éléments de décoration du salon de cette femme « font partie du bien-être », c’est bien parce que, pour la plupart, ils ont été choisis pour leurs propriétés formelles. La capacité qu’elle leur prête de passer l’épreuve des évaluations formalistes d’un public putatif (des tiers visiteurs) se trouve ici au fondement du continuum qui s’établit entre confort et sentiment de « bien-être ».
18Une telle esthétique du confortable, qui n’exclut pas les représentations, constitue donc l’une des voies que l’exigence formaliste peut emprunter pour attirer les sensations sur le terrain du raffinement aspectuel. Le corps ne se montre pas toutefois toujours aussi docile, c’est-à-dire aussi disposé à « élever » son sensualisme. Certaines pièces de l’espace domestique invitent, en effet, au contraire, à un relâchement corporel anti-formaliste. Dans la chambre d’un informateur, par exemple, une table de nuit en bois contreplaqué, adossée à un sommier, fait office de tête de lit :
Cette mise en forme donne à voir un jeu à somme nulle entre le confortable et le beau, qui se solde par une nette victoire de la première valeur. Pour l’enquêté, sa chambre constitue un territoire entièrement intime, dont il est socialement admis qu’il soit dédié à une moindre exigence corporelle, esthétique et culturelle (une tolérance plus difficilement envisageable à ses yeux dans d’autres pièces plus exposées aux regards des visiteurs).« Euh, oui… c’est vraiment très laid, s’excuse notre hôte, mais c’est, d’un point de vue pragmatique, c’est très agréable de pouvoir faire ses mots croisés et regarder une vieille merde à la télé […], en posant ma tête et mon oreiller dessus ».
La satisfaction d’aspirations contradictoires (au relâchement, d’une part, et au « maintien de l’ordre » esthétique, d’autre part) est également rendue possible par le recours à des dispositifs éphémères. Voici comment une enquêtée (37 ans, vendeuse dans une librairie) apprécie rituellement de se détendre après une semaine de travail : le vendredi soir, dans le secret de son appartement, elle s’installe devant la télévision et, pelotonnée dans un plaid douillet, elle se « roule un joint ». Malgré des dispositions vivaces à une forme d’ascèse culturelle, elle confesse qu’elle « gobe » alors « des trucs débiles ». Échappant temporairement au stress de son activité professionnelle, elle recherche ainsi sécurité et réconfort. Le lendemain, le plaid, jugé laid, retrouve son placard, le cendrier est vidé et nettoyé. Une telle tactique de cantonnement temporel de plaisirs sensualistes autorise ainsi une commutation aisée vers l’ordre esthétique et culturel que l’enquêtée préfère voir régner chez elle au quotidien.
Après avoir indiqué combien l’exigence formaliste peut indifférer à l’aisance et au confort, nous avons pu montrer dans quelle mesure ce dernier constitue néanmoins une dimension esthétique à part entière. Son aisthésique peut offrir des prises à l’esthétique formaliste, tout en étant susceptible de dériver, à l’opposé, vers des satisfactions irréductiblement corporelles, hostiles au raffinement de la décoration et de ses mises en forme. Entre la recherche d’un raffinement sensualiste (dans un compromis conciliant sensations et exigences formalistes) et le cantonnement spatial d’un confort immontrable, peut toutefois se dessiner une voie tierce. L’exigence esthétique s’impose parfois plus directement, en effet, à un corps, auquel les occupants des lieux doivent apprendre à « habiter » d’une certaine manière.
Quand le corps doit « faire le beau »
20L’introduction par les habitants de nouveaux objets ou formes dans leurs espaces familiers (des meubles, un revêtement de sol, un tapis, etc.) peut entraîner des réorientations, généralement réflexives, de leur pratique des lieux. Les corps aspirant à l’aisance, voire à un confort régressif, doivent soudain respecter une « beauté », une « harmonie » ou un ordre formel. Les individus s’interdisent alors des actions auxquelles leur corps avait pu s’habituer jusqu’ici. Luttant contre leurs incorporations, ou celles de leurs cohabitants, ils s’efforcent de « déplacer » leurs anciennes manières de faire. Après avoir rénové une table basse sur laquelle ils prenaient jusqu’alors l’ensemble de leurs repas, des enquêtés s’efforcent désormais de manger ailleurs. Ils préfèrent contrarier leurs habitudes plutôt que de devoir prendre davantage garde à la « belle » surface de leur table. D’autres informateurs s’interdisent de circuler dans certaines parties d’une pièce, afin d’éviter de marcher sur un tapis neuf ; d’autres encore renoncent à s’asseoir sur une chaise trop fragile pour tolérer les positions qu’ils trouvent les plus confortables, etc. Il s’agit là de mesures radicales, visant à délocaliser des actions sans s’opposer au relâchement des corps. De telles concessions à l’esthétique laissent ainsi intact l’essentiel de l’aisance et du confort sans nécessiter d’éducation supplémentaire des manières.
21Le désir de préserver la beauté de l’environnement matériel peut toutefois impliquer une éducation corporelle plus contraignante. Il peut s’agir pour l’habitant d’apprendre à mesurer ses gestes. Certains racontent ainsi comment il leur a fallu cesser de se jeter sur leur lit, de claquer la porte d’entrée ou la portière du véhicule familial, jusqu’à incorporer « dans le même mouvement » de nouvelles habitudes, intégrant valeurs morales et valeurs esthétiques. Les gestes appris se révèlent, en effet, intimement structurés par l’incorporation de significations grevées d’affects (Wacquant, 2002).
22Le statut esthétique d’un objet peut, au surplus, influencer l’incorporation de chaînes entières d’habitudes organisant l’usage de l’environnement spatial. C’est ce qu’enseigne l’observation du système de gestes routiniers qui a pris place dans la cuisine de l’un des couples rencontrés. Lors du dressage quotidien de la table, de « beaux » couteaux se voient automatiquement préférés aux autres. Une typification implicite est couplée à des gestes dont le déclenchement ne nécessite plus aucune délibération de la part de leurs auteurs. Ensuite, après chaque repas, ces « beaux » couverts suivent un circuit spécifique : ils sont isolés sur le rebord de l’évier, nettoyés, puis déposés dans un égouttoir. Leur valeur esthétique induit donc un usage spécifique de l’espace de la cuisine. À ce titre, les routines qui ont pris forme, en fonction du mobilier et des équipements techniques (table, évier, lave-vaisselle, meuble de stockage), doivent également être interprétées comme des effets, sinon des « reflets », du statut esthétique des couteaux. Mais il y a davantage : la répétition des mouvements a pour effet de prolonger leur catégorisation esthétique initiale. Le pouvoir d’institution des gestes, qui implique un certain usage de l’espace vient, en effet, confirmer l’évidence de la qualité des couverts. Plus les enquêtés les reproduisent, plus les principes de classement qui les fondent s’enracinent en profondeur. On assiste de la sorte, sur un mode performatif, à une reconduction pratique et spatialisée de la valeur esthétique des objets manipulés.
23Soulignons néanmoins que, dans ce cas précis, il n’est pas de lien immédiat entre la structure des gestes et celle des formes valorisées. Les critères initiaux d’appréciation des couteaux apparaissent étrangers au système des gestes routiniers. Ainsi, lorsqu’à notre demande, l’un des enquêtés s’efforce d’expliciter sa préférence pour ces couverts, il évoque leur élégance, leur efficacité technique ou leur polyvalence – c’est-à-dire aucune propriété qui influerait directement sur les opérations de dressage de la table ou de nettoyage (telles que le poids, l’ergonomie, la perméabilité du matériau, etc.).
24L’habituation des corps, placés au service d’exigences esthétiques, peut ensuite consister, non plus à leur faire « dire » ou constater la beauté, mais, plus directement, à les constituer comme les relais de normes esthétiques. Des travaux désormais canoniques ont établi le fait que le corps peut être le siège des goûts et des dégoûts spontanés, y compris de ceux parmi les plus éthérés (Elias, op. cit. ; Bourdieu, op. cit.).
25Une fois incorporés, les principes esthétiques s’expriment sous la forme d’évidences, semblables à celles ressenties par cette femme au cours des premières étapes de l’ameublement de son deux-pièces :
« L’idée, c’était pour moi déjà de disposer les meubles qu’on avait de la manière la plus agréable pour nous, […]. Si, par exemple, bon, là je sais que le coin, table, lampe, fleurs, glace, c’est quelque chose… Tout de suite, je me suis dit, bon ça, je vais mettre ça là, quoi ».
27Bien qu’en l’espèce, aucun projet d’aménagement, élaboré à distance de l’action, n’ait véritablement pris forme, un modèle décoratif déterminé a spontanément été associé à la perception de certaines portions de l’espace (les objets qui peupleront le « coin »). Les normes incorporées offrent ainsi des points d’appui à la réflexivité, qu’elles nourrissent d’évidences et guident vers un fonctionnement plus intuitif.
28Si certains enquêtés, plus faiblement dotés en compétences décoratives [2], se contentent parfois de « plaquer » aveuglément des recettes, les plus experts se fient davantage aux réactions de leur corps, capable d’assurer spontanément des ajustements entre normes et espaces. Procéder in concreto sur le mode de l’essai-erreur s’avère alors particulièrement efficace. Une femme, revient, par exemple, sur l’agencement des meubles de l’entrée de son appartement :
On voit ici de quelle manière les évidences du beau et du convenable se traduisent en principes d’action, en gestes, articulés entre eux par des séquences réflexives souples. Celles-ci jalonnent, sans rupture franche, les opérations de mise en forme, selon un schéma qui ne peut manquer d’évoquer les prises de recul que s’impose le peintre. La réalisation se trouve réinterrogée dans une distance relative à l’action, à l’occasion d’un changement de cadrage cognitif qui, cependant, demeure pris dans une gangue sensible. Il ne s’agit pas seulement alors pour les individus de mettre en œuvre des « préférences » abstraites, des rejets ou des validations de principe, mais bien d’actualiser « en mouvement » des goûts et des dégoûts intervenant en situation (Beldjerd, 2008).« Bon alors, y avait le problème de ce mur avec mon armoire qui risquait de dépasser… J’ai essayé de voir. C’était pas beau ! […] Peut-être en la bougeant comme ça, et donc… Maintenant, c’est pas trop mal. […] Pour l’entrée, j’ai un peu tourné, et ça m’est venu comme ça. Évident : le tableau, là, avec le petit meuble, et j’aurais bien vu un lustre un peu plus… ».
La valeur esthétique accordée à un objet peut donc influencer la construction des gestes quotidiens, en conduisant soit les individus à « délocaliser » leurs habitudes, soit à intérioriser de nouveaux comportements avec les espaces et les objets ainsi que de nouvelles manières d’apprécier et de mettre en forme. Dans ce dernier cas, le corps se fait le relais de l’exigence formaliste. Cependant, dans l’ensemble des situations évoquées jusqu’ici, les relations entre le statut esthétique de l’objet et l’usage de l’espace peuvent paraître presque entièrement hétérogènes. Or, la part du corps dans la mise en forme de l’espace se réduit-elle toujours à un travail de médiation, effectué dans une position de neutralité, entre normes esthétiques et commerce avec la matière ? Les considérations esthétiques formalistes lui demeurent-elles soit nécessairement étrangères, soit entièrement imposées de l’extérieur ? L’enquête pointe au contraire des contributions propres du corps aux mises en forme esthétiques de l’espace.
Quand le corps fait le beau
30Le rôle esthétique (formaliste) du corps s’est affirmé une première fois à l’occasion de descriptions réalisées par les enquêtés, qui donnaient à voir des régulations « par corps » des aménagements de leurs espaces familiers. Voici comment une femme justifie le compromis établi dans son salon :
« C’est pas la peine d’essayer de me dire que […] ça serait mieux, autrement. C’est physique. Je sais si ça me convient ou […] pas. […] Ça me contrarie, je suis mal, je supporte pas. […] Je peux pas ».
32Cette enquêtée, précisons-le, témoigne généralement de l’intérêt à la décoration intérieure. Sa déclaration peut, certes, refléter le fait, déjà entrevu, que des habitudes (c’est-à-dire des « schèmes », des principes générateurs) sont en mesure de réaliser, par le truchement du corps, des ajustements entre formes des entours et normes esthétiques. L’explicitation par cette même informatrice des raisons pour lesquelles elle a renoncé à acquérir deux petits fauteuils rouges paraît d’ailleurs confirmer cette interprétation. Ces objets lui plaisaient pour eux-mêmes (c’est-à-dire tels que les mises en scène marchandes les livraient à l’attention), mais elle n’a jamais pu se résoudre à les intégrer dans son salon. Le seul fait d’imaginer leur couleur trop franche dans un intérieur aux tonalités douces l’incommodait corporellement :
« Je n’ai pas pu. Donc [pour mon canapé], j’ai pris une couleur qui me dérange pas. Voilà. C’est pas une couleur que j’aime, c’est une couleur qui me gêne pas. »
34Le corps continue-t-il ici d’importer et d’appliquer in situ les modèles esthétiques hétéronomes dont il est porteur ? Incontestablement. Cependant, l’évaluation du salon intègre tout autant des critères plus spécifiquement somatiques [3], c’est-à-dire des repères évaluatifs procédant moins de principes esthétiques formalistes incorporés, que d’un équilibre aisthésique, émanant plus directement du corps. Dans de tels cas, l’enquête invite en effet à établir une distinction entre l’appréciation esthétique formaliste (centrée, en l’occurrence, sur une couleur associée à un volume) et la (dis)satisfaction corporelle ressentie lors de l’intégration du même objet à un environnement familier (l’enquêtée se dit dérangée par la seule image mentale de la présence dissonante de deux « taches rouges » dans ce salon apprivoisé par son corps). Il convient ainsi de traiter à part une évaluation d’ordre stylistique et une exigence corporelle à dominante sensori-motrice. Dans cet exemple, l’inconfort, voire le désagrément, ressentis par cette femme pèsent donc sur son appréciation de la mise en forme.
35Or, l’analyse approfondie des entretiens montre que cette influence corporelle peut aboutir à une complète prise de pouvoir du corps. Cela se vérifie particulièrement lorsque le façonnement de l’espace se réalise à la mesure des mouvements et déplacements corporels et qu’une esthétique formaliste tend à s’indexer sur la valeur d’« aisance ». L’enquêtée insiste ainsi à plusieurs reprises sur l’importance accordée dans son salon à ce qu’elle nomme « un rapport d’espace, de circulation et de formes géométriques, qui doivent trouver leur place ». Une fois les objets acquis, leur « place » dans cette pièce – et, par conséquent, l’aspect de cette dernière – se trouve prioritairement dépendante des verdicts d’un corps actif et mobile. Tout se passe donc comme s’il s’opérait une translation entre habitudes sensori-motrices et schèmes d’évaluation esthétique, c’est-à-dire comme si les intérêts du regard convergeaient avec ceux du mouvement, jusqu’à se confondre. Les mises en forme devant aussi bien satisfaire l’œil que le corps :
« D’abord, visuellement, tu le sais quand c’est des choses qui sont à leur place et aussi, il doit y avoir de l’espace. Des circulations possibles. Pas d’effet d’entassement, d’encombrement ».
37La mise en vue se présente ici avant tout comme une mise en espace, fortement en prise sur des exigences corporelles, irréductibles à des normes extérieures à sa pratique de tel lieu, hic et nunc.
38Le rôle joué par des sources plus proprement corporelles de l’esthétique a pu ensuite se voir précisé lors de l’analyse d’appropriations qui, bien qu’a priori indifférentes à l’aspect de l’environnement, engagent indéniablement des considérations formelles. L’exemple qui suit fournit des éléments très instructifs sur ce point. Une femme occupe un poste de travail individuel, semi-cloisonné, situé sur un « bureau paysager » (Fischer et Vischer, 1997, p. 31). De prime abord, l’apparence de cette « zone personnelle » (ibid., p. 59) ne manifeste aucune intention de décoration ou de personnalisation (cartes postales, dessin de ses enfants, fournitures de bureau personnelles, bibelots, etc.) [4]. Toutefois, les commentaires de l’enquêtée indiquent que cet espace à l’austérité revendiquée n’échappe pas ni à l’individualisation ni au registre formaliste de la relation esthétique :
« Avant de finir l’emménagement, [explique-t-elle…] y avait des choses que je trouvais […] qui étaient contrariantes, il fallait que je les dispose pour vraiment dire […] maintenant je trouve ça beau. […] Bon l’ordinateur à gauche, il est à droite, le téléphone, là, là… [C’est] dans mon organisation dans mon travail, […] ça va être équilibré dans la façon de me mouvoir […] [sinon] ça manque d’harmonie vis-à-vis de ça. […] Un espace dans lequel on se sent bien, rien que dans l’aménagement du bureau face à son ordinateur, dans la façon de se mouvoir autour, c’est quelque chose de beau […]. C’est personnel de ce côté-là. […] C’est purement un espace de travail. […] Les seules choses personnelles qu’y a, qui vraiment sont importantes dans l’harmonisation […] c’est dans la façon dont ça va être disposé pour cette fluidité… […] Si vraiment on me donnait les moyens de dire […] ton bureau, tu en fais ce que tu veux […] oui, peut-être que je ferais […] uniquement dans le but de physiquement ressentir ça. Pas, au niveau de l’œil, non, pas forcément […] ».
40L’organisation matérielle de ce poste de travail a donné lieu à une intense appropriation corporelle. Cette femme est intervenue sur son espace, son mobilier et ses objets pour les disposer à sa convenance, les faire à sa main. Elle a ainsi cherché à faciliter l’incorporation des objets et de leur dynamique. Ses interprétations suggèrent, en outre, que son action porte au-delà du registre instrumental caractérisant prioritairement l’aisance (elles mobilisent, par exemple, les catégories d’« harmonie » et de « beau »). Toutefois, l’intérêt d’un tel cas réside prioritairement dans le fait que les critères formalistes préalablement incorporés par l’enquêtée ne semblent guère prédominants [5]. L’aisance qu’elle éprouve se trouve, en effet, en prise sur une « esthétique motrice », qui associe configuration matérielle (« l’aménagement du bureau »), individualité des gestes (« c’est personnel de ce côté-là ») et qualité aspectuelle (« c’est quelque chose de beau »).
Autrement dit, la « beauté » relève ici d’un ordre formel, qui traduit avant tout des potentialités sensori-motrices. Cela signifie d’abord qu’il est possible de percevoir et d’apprécier, sur un mode kinesthésique, la qualité formelle interne des mouvements de son propre corps. Comme le rappellent les travaux sur l’esthétique de la danse contemporaine (Faure, 2000), la « beauté du geste » ne s’applique pas uniquement aux mouvements saisis depuis un point de vue externe. Ensuite, il apparaît que les enquêtés peuvent ressentir l’effet de l’ordonnancement des objets sur le système des mouvements envisageables dans l’espace que ceux-ci délimitent. En cela, les objets « médiatisent l’organisation de la conduite » (Quéré, 1997). Dans le cas analysé, c’est alors à travers l’évaluation de la fluidité et de l’efficacité de ses gestes (deux critères renvoyant à la valeur d’aisance) que l’individu apprécie esthétiquement les compositions objectales qui structurent et rendent possibles les mouvements de son corps. Cela permet de comprendre pourquoi cette femme considère que « l’esthétique [de son] bureau ne va pas être visible au premier abord. [Qu’]il va falloir la rechercher ».
L’enquête a, de la sorte, mis au jour une « esthétique formaliste de l’aisance », c’est-à-dire une esthétique indexée sur le sentiment, corporellement ancré, de la qualité formelle, de l’harmonie, de mouvements, dont la « fluidité » demeure indissociable de la connivence du corps avec l’environnement objectal qui l’accueille. La beauté éprouvée ne s’y réduit ni à l’aspect des entours, ni à celui des gestes, mais à la qualité de sensations, justiciables d’une appréciation quasi aspectuelle. Sa caractérisation empirique témoigne de ce que le corps, producteur ou régulateur des mises en forme et des appréciations, ne se contente pas de relayer les normes d’une esthétique détachée de ses origines somatiques.
Conclusion
41Habiter consiste à tirer parti des relations symbiotiques établies avec un espace familier. Celles-ci ne sauraient uniquement résulter d’un processus réflexif, diligenté par un esprit désincarné et conquérant. L’appropriation des territoires du quotidien implique tout au contraire une occupation physique. Elle s’opère par le biais d’un corps « intelligent » qui n’est pas étranger à la signification (Merleau-Ponty, op. cit.). Cet article a ainsi visé à étayer l’hypothèse de la nécessaire articulation, et au-delà, de l’imbrication, des modalités mentales et corporelles à travers lesquelles s’opèrent les prises de possession d’espaces privés et intimes.
42Focalisée sur la dimension esthétique des activités de mise en forme et d’appréciation de territoires personnels, l’enquête a d’abord permis de distinguer les enjeux pratiques, hédoniques et formalistes caractérisant les logiques d’appropriation de ces environnements (l’« aisance », le « confort » et l’esthétique formaliste de l’« harmonie » ou de la « beauté »). Il importait de mettre au jour leurs oppositions et tensions empiriques, qui prennent forme dans des couples antagoniques, tels que : pratique/beau, confortable/harmonieux, sensualiste/formaliste, sensori-moteur/appréciatif, etc. Nous avons alors vu que ces oppositions peuvent fonctionner, sur un mode dialectique, comme les moteurs spécifiques d’une appropriation dont elles peuvent orienter les modalités (cf. le cas évoqué de l’introduction du tapis neuf qui impose au corps une certaine pratique de l’espace). Mais il nous a également fallu pointer les limites d’une conception purement analytique des différentes nuances corporelles et mentales du rapport sensible aux espaces. L’intériorisation de normes esthétiques sous la forme d’habitudes (de schèmes incorporés) fusionne, en effet, valeurs formalistes et sensations pilotant la réflexivité (cf. l’exemple de l’harmonie du « coin table, lampe, fleurs, glace »). Indexées sur la perception, ces sensations garantissant le respect de normes (d’origine collective) du beau et du convenable font ainsi du corps socialisé l’opérateur central de l’évaluation de la qualité esthétique de l’environnement spatial. À rebours de certaines théories philosophiques contemporaines de la relation esthétique [6], nous avons ainsi pu insister sur le fait que les mises en vue passent par des mises en espace qui, bien souvent, se révèlent régulées par le corps (cf. la gêne corporelle ressentie par une enquêtée lors de la convocation mentale de l’image des « fauteuils rouges »). Cela a alors permis de montrer, en outre, que le corps n’est pas seulement condamné à appliquer à son environnement des principes esthétiques qui lui seraient a priori « extérieurs » (i.e. des repères collectifs de l’évaluation et de la mise en forme). Il produit aussi des normes formalistes qui semblent lui être propres.
43Constater cela ne revient pas, précisons-le, à proclamer l’indépendance du corps à l’égard de la socialisation. Il s’agit plutôt de souligner la force structurante des relations de proximité nouées avec chaque espace que l’individu s’approprie à partir d’un patrimoine d’habitudes (d’origine collective), constitué antérieurement. Ces relations de familiarité consistent en des ajustements toujours singuliers à des configurations matérielles et spatiales toujours singulières. Elles impliquent la recomposition de schèmes sensori-moteurs qui, dans les cas que nous avons examinés, se trouvent à la fois à la source de mouvements intégrant un espace d’actions avec les objets et des évaluations aspectuelles. C’est à ce titre que l’appréciation corporelle formaliste qui peut en procéder ne se borne pas à refléter strictement des normes esthétiques (collectives) étrangères à ces montages micro-locaux uniques.
Ces éléments, éclairant les effets de la relation aux espaces sur la socialisation, soulèvent alors nombre de questions. Celles-ci concernent d’abord la constitution des habitudes organisant la familiarité et appellent des analyses focalisées sur l’influence des cadres contextuels (domestiques vs professionnels, par exemple) sur la mobilisation d’habitudes d’appréciation esthétiques dans le processus d’incorporation. On peut ensuite s’interroger sur les conséquences de la coexistence de nouvelles manières d’évaluer « en tant qu’habitant » avec le stock d’habitudes perceptives et appréciatives précédemment incorporé. L’exploration de ces deux versants devrait ainsi contribuer à alimenter la connaissance des tensions et contradictions à l’origine des dynamiques intra-individuelles provoquées par le commerce avec les environnements quotidiens. L’habiter représente à ce titre une activité incontournable pour l’étude de la construction corporelle et mentale des individus sociaux.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : habiter, aménagement intérieur, socialisation, relation esthétique, corps, goût, appropriation
Mise en ligne 03/05/2011
https://doi.org/10.3917/esp.144.0141Notes
-
[*]
Sofian Beldjerd, docteur en sociologie, maître de conférences à l’Institut d’administration des entreprises de l’Université de Poitiers (laboratoire cerege)
sofian.beldjerd@univ-poitiers.fr -
[1]
Dans ce texte nous distinguons entre deux notions dérivées du vocable aisthésis : « aisthésique » et « esthétique ». La première, désigne les modalités corporelles, sensualistes, de l’expérience esthétique ; la seconde, ses modalités formalistes (centrées sur la « beauté », c’est-à-dire sur la dimension « aspectuelle » de la relation à l’objet [Genette, 1997]).
-
[2]
C’est plus fréquemment le cas des hommes rencontrés.
-
[3]
Ce qui ne signifie pas « désocialisés ».
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[4]
Bien que ces pratiques aient cours dans le service auquel appartient cette femme.
-
[5]
Cela le distingue des situations évoquées, dans lesquelles l’indécidabilité des sensations du corps ne permettait pas toujours d’arbitrer sur l’origine de la norme esthétique (cf. supra le cas des fauteuils rouges).
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[6]
C’est-à-dire à rebours de celles, nombreuses, qui héritent des préventions kantiennes à l’égard des satisfactions somatiques.