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Article de revue

L'apprentissage du vide

Commerces populaires et espace public à Paris dans la première moitié du xixe siècle

Pages 15 à 35

Notes

  • [*]
    Manuel Charpy, docteur en histoire contemporaine de l’Université François-Rabelais, Tours.
    Manuel.charpy@wanadoo.fr
  • [1]
    Je tiens à remercier Christelle Rabier et Nicolas Lyon-Caen, relecteurs attentifs.
    Il faut aussi préciser que l’orthographe originale a été conservée dans les citations.
  • [2]
    BnF, Joly de Fleury, 2100, f° 107-110, 1784.
  • [3]
    Archives de Paris (désormais ap), dq10/643, Place de la Concorde ou Louis XV.
  • [4]
    ap, dq10/643, Place de la Concorde, Ier floréal an V.
  • [5]
    ap, dq10/392, Petits-Pères, 24 août 1820, dossier n° 1481.
  • [6]
    Archives de l’archevêché de Paris (désormais aap), St-Roch, carton 1, dossier 48, Jules Delespine, 11 novembre 1807.
  • [7]
    aap, Saint-Roch, carton 1/48, septembre 1808. Les travaux coûtent 12 000 francs.
  • [8]
    Voir les descriptions pittoresques « Le gniaffe » et « La marchande de friture » dans Les Français peints par eux-mêmes, Paris, Curmer, 1841-1842.
  • [9]
    ap, dq10/140, Ste-Chapelle, pétition de Boisgueret, octobre 1830. Pour exemple, les échoppes contre le théâtre de l’Odéon en 1835 abritent des marchands de jouets, de tabletterie, de lithographies, de gâteaux, un cabinet de lecture, des libraires, des décrotteurs (Archives de la Préfecture de Police de Paris [désormais app], da52, Odéon).
  • [10]
    Voir « Le gniaffe », op. cit., p. 262 et sq. et app, da53, notes sur les urinoirs « à côté du Conseil d’État », 1833 et ap, dq10/1339/99 sur les cabinets d’aisances rue de Rivoli, 1814.
  • [11]
    Une petite échoppe contre la Ste-Chapelle est louée 30 francs par an en 1830 (ap, dq10/140, Ste-Chapelle). Les variations sont importantes, de 15 à 600 francs selon la surface, l’état et la situation.
  • [12]
    app, da52, théâtre de l’Odéon, 14 avril 1822 et ap, dq10/ 392, Petits-Pères, août 1820, pétition de Goubeaux.
  • [13]
    Voir Les Français peints par eux-mêmes, op. cit., B. Maurice, « La misère en habit noir », pp. 296-298 ; E. Nyon, « Le maître d’études », p. 365 et Old Nick, « L’avocat », p. 72.
  • [14]
    Voir par exemple, ap, dq10/140, Ste-Chapelle, mai 1825, pétition de Charpentier, âgé de 60 ans et frappé de cécité.
  • [15]
    app, da52, théâtre de l’Odéon. Ainsi, fin juillet 1830, le peintre Ordonneau, « manquant d’ouvrage depuis un mois demande le droit pour sa femme de vendre des gâteaux dans un renfoncement, place de l’Odéon ».
  • [16]
    app, da53, lettre au Ministre, 11 décembre 1837.
  • [17]
    Pour une approche critique de la notion d’informel (Lautier, 1994 ; Levitt, 2007).
  • [18]
    ap, dq10/449, dossier n° 10332, bail du 17 floréal an VII.
  • [19]
    Le terme prend sa connotation administrative vers 1830.
  • [20]
    ap, dq10/1610.
  • [21]
    Voir Frédérique Soulié, « L’écrivain public », dans Le Livre des Cents-et-un, Paris, Ladvocat, 1833, pp. 9 et sq. L’écrivain public, indique-t-il, rédige des billets amoureux, des actes administratifs, recherche dans les registres d’état civil, tient les comptes, rédige les lettres anonymes – les plus rémunératrices – et « tire d’embarras sur le protocole à employer ».
  • [22]
    ap, dq10/1610, 25 octobre 1839.
  • [23]
    ap, dq10/ 392, Petits-Pères, 1er août 1820, pétition de Goubeaux.
  • [24]
    ap, dq10/1610, Saint-Germain-l’Auxerrois, Domaines, 1837.
  • [25]
    La place de la Concorde passe ainsi en 1828 de la Maison du Roi à la Ville « moins les fossés qui bordent les Tuileries » qui eux-mêmes appartiennent tantôt au Ministère de l’Intérieur, tantôt aux Domaines… (A.-J. Meindre, Histoire de Paris…, Paris, Dentu, 1855, pp. 603 et sq).
  • [26]
    Voir la comptabilité de Saint-Germain-l’Auxerrois ; la location des échoppes est le 2e poste de recettes (aap, 2e).
  • [27]
    ap, dq10/1610, St-Germain-l’Auxerrois, Domaines, 6 juin 1838.
  • [28]
    app, da53, Préfet de Police, octobre 1833.
  • [29]
    app, da53, lettre du Préfet de Police, 11 décembre 1837.
  • [30]
    ap, dq10/392, Petits-Pères, 30 octobre 1818.
  • [31]
    app, da53, 20 mai 1838.
  • [32]
    Archives nationales (désormais an), f19/7803, 13 juin 1838, Comités historiques, Comité des arts et monuments, Ministère de l’Instruction publique.
  • [33]
    ap, dq10/1339/99, rue de Rivoli.
  • [34]
    Voir par exemple app, da52, Odéon. « Le 24 octobre 1828, on m’annonce que plusieurs locataires des boutiques situées sous les galeries de l’Odéon ont établi des chassis vitrés dans ces galeries, et que d’autres y placent journellement des paravents, chaises, tables etc., qui […] empêchent toute communication entre les dites galeries et les rues adjacentes. »
  • [35]
    app, da57, 5 mars 1806, « procès-verbal de la visite sur les boulevards du Nord depuis l’exécution de l’ordonnance rendue par M. le Préfet de Police le 29 Prairial an XII concernant les auvents et autres saillies ». L’enquêteur relève, pas à pas, les irrégularités : « carcasses d’échoppes », « pieux », « bannes et perches sans permission »… Voir en fructidor an XII la suppression des « échoppes, auvents et appentis construits tout au long des boulevards du Nord » (an, f13/531) dans Igor Moullier, art. cit., p. 125.
  • [36]
    Charles Vincent, « Les dernières échoppes », dans Paris-Guide, La vie, Paris, Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1867, p. 972.
  • [37]
    Pour les Champs-Élysées voir Igor Moullier, art. cit. : « C’est sans en avoir référé au ministre que le préfet de police a pris sur lui de retarder d’un an cette mesure si nécessaire pour l’une des plus agréables promenades de Paris », 13 vendémiaire an XIV (an, f13 531).
  • [38]
    an, f13/531, cité par Igor Moullier, art. cit, p. 125. La Préfecture de Police revendique un travail cas par cas, celle de la Seine et les bâtiments civils une politique globale.
  • [39]
    BnF, Joly de Fleury, 2100, f° 107-110, 1784.
  • [40]
    app, da53, lettre du Préfet de Police à Rambuteau, octobre 1833.
  • [41]
    app, da53, lettre du Préfet de Police au Ministre, 11 décembre 1837.
  • [42]
    Voir par exemple app, da53, lettre de Rambuteau, 29 octobre 1833.
  • [43]
    app, da52, rapport du 12 octobre 1852.
  • [44]
    Sur la numérotation, voir « rues » dans Manuel du voyageur à Paris… Paris, Delaunay, 1811. Il note qu’« en 1806, on a indiquées [les noms de rue], à chaque coin, par un inscription fond jaune, bordure bleue. Le nom est écrit en rouge pour les rues qui vont de l’est à l’ouest ; et en noir pour celles dont la direction est du nord au sud. Les numéros pairs sont placés du même côté, les impairs du côté opposé ».
  • [45]
    Voir les Mémoires de Canler (Paris, Hetzel, 1862), chef du service de sûreté.
  • [46]
    Chabrol de Volvic, Recherches statistiques sur la ville de Paris et le département de la Seine…, Paris, Imprimerie royale, 1834, p. 3 et sq. et Mémoires du comte Rambuteau, Paris, Calmann-Lévy, 1905.
  • [47]
    Parent-Duchâtelet donne un exemple de cette association entre obscurité et dangerosité : le « goût pour les lieux obscurs est si marqué chez [les prostituées], qu’elles se sont souvent entendues avec les gens qui entretiennent les réverbères, pour ne point les allumer » (De la prostitution dans la ville de Paris…, Paris, Baillière, 1837, p. 545.)
  • [48]
    app, da57, lettre de Pasquier à Frochot, 20 mai 1812.
  • [49]
    aap, Saint-Roch, 1/48, janvier 1808.
  • [50]
    app, da53, rapport du Préfet, octobre 1833.
  • [51]
    D’Espaignol-Lafagette, Du cadastre…, Paris, Dentu, 1821. De nombreuses améliorations techniques – théodolite, tachéomètre… – apparaissent alors.
  • [52]
    Voir le journal publié régulièrement à partir de 1825 sous la direction de l’architecte-géomètre du gouvernement H. Tilliard, Plans divers des embellissements de Paris, et des moyens qu’il conviendrait d’employer pour y améliorer la salubrité, de même que pour y faciliter le commerce de son intérieur.
  • [53]
    La réalisation des plans Verniquet (1785-1791) et Vasserot et Bellanger (1810-1836) associent toujours des graveurs.
  • [54]
    Marcel Roncayolo souligne que dans les représentations urbaines « l’‘ouvrage’ – à la rigueur la ‘ligne’ – paraît l’emporter sur d’autres perspectives. La mesure des flux, s’ils n’appartiennent pas aux réalités physiques, aux ‘éléments’, est moins considérée que celle des supports. La rationalité technique impose des limites strictes dans le découpage du réel et la ‘sectorisation’ des aspects du territoire » (Burguière et Revel, 2000, p. 394).
  • [55]
    Claude Lachaise, Topographie médicale de Paris, Paris, Baillères, 1822, p. 132.
  • [56]
    app, da57, lettre de Pasquier à Frochot, 20 mai 1812.
  • [57]
    Voir Émile de Girardin, Questions de mon temps, questions économiques, Paris, Serriere, 1858, pp. 416 et sq.
  • [58]
    Voir Delphine de Girardin, Lettres parisiennes, 1837, Paris, Charpentier, 1862 [1843], p. 181.
  • [59]
    Voir sur « l’établissement des trottoirs dallés dans les rues et les boulevards » dans les années 1820, Chabrol de Volvic, Souvenirs inédits, Paris, Commission des travaux historiques, 2002, p. 72 et sq.
  • [60]
    Parent-Duchâtelet, op. cit., p. 545.
  • [61]
    Chabrol de Volvic, Recherches statistiques…, op. cit., 1834, p. 18.
  • [62]
    app, da52, Odéon, 24 octobre 1828.
  • [63]
    app, da52, Odéon, 29 octobre 1828, pétition de Desbordes, tabletier.
  • [64]
    app, da52, 5 septembre 1841, Théâtre de l’Odéon.
  • [65]
    Voir « pavé », Nouveau dictionnaire de police, Paris, Béchet, 1835, et Félix Lazare, Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, Paris, Lazare, 1844, p. 474 et sq.
  • [66]
    Mémoires du comte Rambuteau…, op. cit., p. 376 et sq. Voir en complément, Alphonse Martel, « petite voirie » dans Manuel de la salubrité, de l’éclairage et de la petite voirie, Paris, Cosse & Marchal, 1859.
  • [67]
    Voir app, db199, 1828.
  • [68]
    On peut noter que le même processus mène à inscrire dans la ville numéros et noms de rue.
  • [69]
    Voir Espace français. Vision et aménagement, xvie-xixe siècles, Paris, Archives Nationales, 1987, p. 163 et sq.
  • [70]
    an, f13/521, bureau des bâtiments civils, février 1806.
  • [71]
    app, da53, lettre du Préfet de Police, 23 mai 1831.
  • [72]
    app, db37, Préfecture de la Seine, 16 janvier 1835.
  • [73]
    Le nouveau conducteur de l’Étranger à Paris, Paris, Marchand, 1835, p. 158.
  • [74]
    aap, Notre-Dame, 2d-3d, État-Major, 3 octobre 1852.
  • [75]
    Charles Vincent, op. cit., p. 972.
  • [76]
    « Échoppe » dans Grand Dictionnaire universel du xixe siècle…, 1873-1877.
  • [77]
    app, db199, marchands de livres anciens sur les quais.

1Durant la première partie du xixe siècle, l’espace public se réinvente comme espace politique et, dans le même temps, l’espace économique populaire se transforme en profondeur comme l’indiquent les mutations d’un objet matériel, l’échoppe (Farge, 1992 ; Sennett, 2002). Son devenir est d’autant plus significatif qu’elle occupe l’espace public de façon pérenne, à la différence des marchands ambulants, et bien que n’étant pas instituée comme le sont les marchés. Cette forme minimum de l’économie témoigne d’une manière d’habiter l’espace public (De Certeau, 1980 ; Simmel 1902) [1].

2La pierre, consacrée au xixe siècle comme seule matière légitime de la ville, a occulté l’existence de ces architectures fragiles. Or, ce monde n’a rien de marginal à la fin du xviiie siècle puisque Paris compte alors de 3 000 à 4 000 échoppes [2]. Elles sont volontiers assimilées à « l’économie informelle » ; occupations « sauvages », quasi « naturelles », de l’espace, elles nous seraient inaccessibles, comme la parole populaire. Pourtant ces pratiques de l’espace ont laissé des traces qui permettent de déjouer des représentations de la ville, produits trop évident d’un regard surplombant et réformateur des élites sur ces pratiques populaires. Comprendre les usages de ces échoppes permet de saisir les processus qui ont conduit à les chasser de la ville et de voir de quelle manière, dans la première partie du siècle, l’espace public a été pensé et produit comme un vide.

Les formes de la ville fragile : commerces modestes, constructions légales

Figure 1

Représentation pittoresque d’une échoppe de savetier en planches et avec croisées de papier

Figure 1

Représentation pittoresque d’une échoppe de savetier en planches et avec croisées de papier

(Source : Lithographie publiée en 1838 dans La Revue pour rire. Cabinet des estampes du musée Carnavalet)

3Au lendemain de la Révolution, alors que le foncier est profondément bouleversé par la nationalisation des biens du clergé, le souci nouveau de décrire et métrer la ville force à observer des pratiques jusqu’alors vues à distance. En l’an V, l’architecte de la Régie des Domaines, Aubert, est ainsi envoyé sur les Champs-Élysées pour « faire disparaître […] les sous-terrains et deux mazures […] qui sont l’un et les autres des repères de brigandages et d’immoralité, et encor de résilier les baux passés de deux autres pavillons dans la rue de la Révolution [qui sont] des cabarets qui servent le plus souvent de retraite aux débauchés et aux escrocs » [3]. L’occupation du sous-terrain, ancien magasin de la ville, retient particulièrement l’attention de l’architecte qui découvre qu’il est occupé par un cabaret installé par Mme Haack. Il rapporte ainsi : « Nous lui avons demandé de nous représenter les titres en vertu desquels elle jouit de ce sous-terrein, elle n’en a aucuns […] autres que ceux d’avoir fait faire des distributions en planches, et […] des cheminées. » Le souterrain est aménagé avec des cloisons de bois, des fenêtres, des escaliers. À quelques mètres, un marchand de vin a, lui, un bail délivré quatre ans auparavant. Le bail n’est pourtant pas respecté : « Turot a construit dans le fossé des cabinets en planches, un logement pour lui et un escalier en bois. Il est essentiel de résilier son bail, car le jour et la nuit, c’est la retraite de tous les escrocs et des filles prostituées. » [4] Ces exemples, dans les marges d’une élégante promenade, montrent que des constructions imposantes et insérées dans l’économie quotidienne peuvent demeurer invisibles pour une partie de la population.
Ces bâtis occupés par de modestes marchands pourraient être assimilés à des auto-constructions sommaires. Si c’est vrai pour quelques échoppes faites de bannes et d’une planche, les adjudications d’échoppes montrent des constructions de bois, parfois habillées de plâtre, de verre et d’ardoises (Figure 2).

Figure 2

Vente par adjudication des échoppes aux Champs-Élysées, fossé du Cours-la-Reine

Figure 2

Vente par adjudication des échoppes aux Champs-Élysées, fossé du Cours-la-Reine

(Source : Archives de Paris, dq10/643)

4Même lorsque les occupants construisent eux-mêmes leur boutique, selon les termes d’un bail emphytéotique, ils font le plus souvent appel à des artisans [5]. De nombreuses constructions sont produites par les propriétaires des terrains eux-mêmes. En 1807, les marguilliers de la fabrique demandent l’autorisation d’établir une échoppe contre l’église Saint-Roch. Le « plan projet de la devanture de boutique à construire sur la petite portion de terrain laissé vague au bas de la partie latérale de l’escallier » est dressé par Delespine, architecte de la fabrique de Paris [6]. Point ici de construction informelle mais un projet d’architecte réalisé par les « entrepreneurs » du quartier [7] (Figure 3).

Figure 3

Projet d’échoppe dessiné par « le Sieur Delespine architecte de la fabrique de Paris »

Figure 3

Projet d’échoppe dessiné par « le Sieur Delespine architecte de la fabrique de Paris »

(Source : Archives de l’archevêché de Paris, Saint-Roch. Carton 1, dossier n° 48, 11 novembre 1807)

5Les activités commerciales sont à l’image de la diversité des constructions. Elles répondent aux besoins les plus modestes : vente de vin, de pommes frites, de fripes [8] et cabinets de lecture en plein vent ou écrivains publics [9]. Mais ces commerces ne sont pas uniquement populaires : les très nombreux décrotteurs et savetiers, par exemple, officient pour l’ensemble de la population [10].
Les parcours des occupants indiquent que l’échoppe permet avec une faible mise d’argent d’accéder au monde du commerce [11]. A contrario, elle est aussi l’abri des déclassés. Les pétitions des occupants eux-mêmes en font le terme d’une chute sociale. En 1820, Goubeaux rappelle qu’« ayant par des événements extraordinaires perdu une fortune qui me mettait au-dessus du besoin […], je louai cour des petits pères une échoppe d’écrivain public » [12]. Le déclassement est évident pour les représentants « de la misère en habit noir » : pour échapper à leurs « loisirs forcés », professeur de pensionnats et maîtres d’études achètent « une échoppe d’écrivain public » [13]. À en croire les pétitions, les blessures – notamment des guerres napoléoniennes – mènent souvent à l’échoppe, tout comme l’âge et le veuvage [14]. La crise économique qui s’amorce dès 1825 et les journées de 1830 produisent des artisans désœuvrés, des petits fonctionnaires déchus et des marchands en faillite : l’échoppe apparaît alors comme la dernière étape avant la mendicité [15].

Les écrits de la ville populaire : s’installer et demeurer en échoppe

6En 1837, le Préfet de Police Delessert tente de restituer le processus d’installation d’une échoppe : « Un étalagiste place d’abord une toile pour s’abriter de la pluie ou du soleil, puis une planche, enfin, insensiblement, il se construit une échoppe. » [16] En réalité, l’installation d’échoppe est moins le fruit de pratiques spontanées qu’il n’y paraît [17].

7Les événements publics sont souvent pour les marchands l’occasion de s’établir dans les promenades, jardins ou fossés et de s’y maintenir. C’est particulièrement vrai à l’occasion des fêtes révolutionnaires puis du sacre de l’Empereur. Mais pour nombre d’échoppes, les processus sont beaucoup plus formels. Dans l’espace de la ville dense où règne le contrôle social, on ne construit pas sauvagement. Sous les arcades du Louvre, contre les églises et les théâtres, dans la cour de la Sainte-Chapelle ou dans les fossés de la place de la Révolution, les occupants paient toujours un loyer et détiennent des baux généralement emphytéotiques, signés à cette époque pour 3, 6 et 9 ans avec la fabrique, le Conseil municipal ou les Domaines [18]. Si les formes de l’occupation sont souvent abusives et les commerces irréguliers, l’occupation de l’espace se fait sur des bases contractuelles.

8Dès la première moitié du siècle, la population même la plus modeste a en effet développé une culture de la « paperasse » [19]. Les occupants ont constamment recours à l’écrit pour défendre et justifier leurs pratiques de la ville. Les « sans-paroles » donnent de la voix, sans qu’elle soit nécessairement « obligée » ou « redressée » par la justice (Fabre, 1993). Pour les seules échoppes de St-Germain-l’Auxerrois, ce sont six lettres qui sont envoyées aux Domaines au début des années 1830 [20]. Dans quelques cas, la langue témoigne d’initiative solitaire mais le plus souvent, les lettres sont rédigées par des écrivains publics qui guident les pétitionnaires dans les méandres de l’administration [21]. Un écrivain public écrit ainsi : « Giverny, ancienne locataire d’une échoppe adossée à l’Église St Germain l’Auxerrois, à l’honneur de vous exposer qu’il lui est redû une somme de neuf francs pour la location de cette échoppe, qui vient d’être démoli pour cause d’utilité publique. Elle [y] a seule droit au moyen de la donation universelle en toute propriété à elle faite par son défunt mari, […] suivant acte reçu par Lahure, notaire à Paris, le 25 avril 1822, dont l’expédition est ci-jointe. » [22] La fin est de la main de la veuve : « aprouvé lecriture se de su ». Cette rhétorique à deux voix permet de jouer à la fois des revendications administratives et des accents dramatiques. Les écrivains publics sont d’autant plus aptes à transcrire cette parole qu’eux-mêmes exercent souvent en échoppe [23].

9Tous ces marchands usent en outre de stratégies politiques dans une période où dominent les changements de régime. Aux questions pressantes des enquêteurs, ils répondent en arguant de droits acquis sous des régimes déchus. Si au départ les baux existent réellement, de sous-locations en agrandissements, il devient impossible de savoir qui loue quoi. Il faut ainsi plus de trente lettres pour retracer l’histoire d’une échoppe adhérente à l’église de St-Germain-l’Auxerrois [24]. Dans les années 1830, dans cette seule cour, 49 autres échoppes sont dans la même situation confuse. Les marchands profitent des ruptures politiques pour se maintenir ou tenter d’accéder à une échoppe. En 1815, ils sont ainsi nombreux à se féliciter du « retour de la Paix » et à déclarer qu’une « administration neuve » ne peut reconduire « les erreurs des anciennes ». Au lendemain des journées de juillet 1830, des dizaines de pétitions arrivent à la Préfecture de Police dans lesquelles les marchands arguent de leur engagement politique. Une marchande d’oranges souligne avec l’aide d’un écrivain public que « dans les journées des 28 et 29 juillet, ayant empruntée des habits d’homme pour voler au secours de ses concitoyens [elle] s’est signalée par un courage extraordinaire, et qui plus tard a aidé à panser les blessés, fait relater dans le Constitutionnel ». Cette stratégie s’avère le plus souvent payante.
Enfin, ces modestes marchands jouent des conflits administratifs quotidiens qui résultent de la difficulté à définir la propriété du sol – ce, dès l’Empire (Moullier, 2007, pp. 117-139) – en particulier dans les espaces tels que l’enceinte du Louvre, les abords des théâtres, les places [25]. Le brouillage juridique est encore plus grand aux alentours des églises du fait de la nationalisation des biens du clergé puis de l’application du Concordat qui en rétrocède l’usage à l’archevêché [26]. En 1838, les Domaines hésitent encore : les échoppes « peuvent être considérées […] ou comme dépendances de l’église, et formant dans ce cas propriété communale […] ; ou comme susceptibles de restitution à la fabrique […] ; ou comme ayant été prises sur la voie publique dont aucune partie ne peut l’acquérir par prescriptions » [27]. Les marchands profitent de ce difficile partage administratif du territoire pour se maintenir, voire étendre leur commerce.

Les appropriations de l’espace public

10L’échoppe est donc un objet urbain ordinaire mais qui pose de véritables problèmes d’attribution, car l’objet lui-même est difficile à définir. Est-il caractérisé par ses matériaux fragiles ? Son absence de fondations ? Le fait qu’il soit sur la voirie ou adhérent à un monument public ? S’il s’agit d’objets de petite voirie, mobiles et légers, « la connaissance [en] appartient au Préfet de Police » ; si, au contraire, ils sont « établis sur des terrains appartenant à la ville, mais qui ne font point partie de la voie publique » ou s’ils sont « construits en maçonnerie légère, soit pour masquer les vides résultant du retranchement des maisons, soit pour occuper des emplacements sur les promenades publiques » ou encore s’ils « ne sont que de simples baraques en bois destinées à abriter des malheureux », alors ils relèvent du Préfet de la Seine [28]. « Les emplacements d’échoppes dépendans de la voie publique, écrit le Préfet de Police au ministère, ne sont poin à proprement parler des terrains communaux, leur destination qui est d’une utilité générale, les soumet à des règles particulières qui sont toutes de police. […] Je ferai observer qu’il n’est nullement exact que le Préfet de la Seine soit à Paris seul administrateur des biens communaux. Dans les marchés, sur la rivière, pour les stationnements des voitures de place, le Préfet de Police exerce la surveillance et perçoit, en outre, les droits et les revenus dus à la ville. » [29] Ces échanges reflètent la difficulté à définir l’espace public, mosaïque autant que feuilletage qui rend complexes les réformes urbaines. La redéfinition matérielle de l’espace public à la fin des années 1830 correspond au moment où l’autorité du Préfet de la Seine prend le pas sur les autres administrations.

11Par leurs pratiques quotidiennes, les marchands donnent une consistance à l’espace public. Dans leurs pétitions, une constante : l’appel à la clémence de l’administration devant leur fragilité sociale et l’ancienneté de leur occupation. À la logique du droit, ils opposent la coutume ; au texte, des usages.

12Alors que se définissent sous la Révolution et l’Empire les monuments historiques (Poulot, 1997) et les bâtiments publics comme incarnation des nouveaux pouvoirs, les échoppes qui y sont accrochées posent problème. Les rapports d’enquête soulignent l’écart entre les pratiques de l’espace public et sa nouvelle appréhension par les administrations. En 1818, les Domaines, le « Conservateur des monumens de Paris » et la Préfecture de Police enquêtent sur une échoppe adossée à la fontaine des Petits-Pères. L’écrivain public ne se cache pas d’avoir utilisé les pierres du monument comme soubassement de son échoppe et que son poêle noircit la fontaine [30]. Autre exemple emblématique : Notre-Dame. Alors que la question de sa restauration est en débat depuis le milieu des années 1830, c’est en 1838 que conjointement la Préfecture de la Seine, la Ville de Paris et le Comité des arts et monuments décident de déplacer le marché de fripes contre la cathédrale [31]. Les marchandes, s’indigne le rapporteur, ont procédé à une « profanation dégoûtante qui fait fuir Notre-Dame comme on fuit un mauvais lieu […]. Le clergé autorise au Parvis, une misérable échoppe fichée avec des clous et des ficelles aux chapiteaux et aux bas-reliefs du soubassement qu’elle masque et qu’elle dégrade ! » [32] La fréquentation quotidienne des monuments les rend familiers, susceptibles d’appropriations et d’aménagements d’autant que la fabrique loue ces espaces. Mais à partir des années 1820-1830, ces pratiques populaires apparaissent comme des actes de vandalisme insupportables. Le conflit entre deux perceptions de l’espace public, mais aussi du passé, est ici manifeste. D’un côté, les réformateurs et législateurs urbains s’inscrivent dans le temps de l’histoire et s’attachent à la dignité des monuments, de l’autre, les marchands s’inscrivent dans le temps long des pratiques sociales et dans un rapport quotidien et utilitaire au bâti.
Ce qui est vrai pour les monuments l’est aussi pour les espaces vagues : sous les ponts, aux abords des chantiers, dans les redents… Dans l’économie populaire, ils sont autant d’opportunités. L’installation de la Vve Cumont en 1814 est exemplaire : alors qu’elle occupe un terrain laissé vide par un chantier rue de Rivoli, une des rues qui concentrent toutes les attentions réformatrices de l’Empire, à l’activité de « cabinet de lecture » définie dans son bail elle adjoint celle de décrottage et de cabinets d’aisances. L’explication qu’elle fournit lui apparaît légitime : une partie du terrain étant inoccupée, elle l’a rendu « utile » par ses activités [33]. Pour une population dont la moindre parcelle offre des ressources essentielles un espace vide n’a pas de sens comme l’indiquent les nombreuses chaises et tables devant les échoppes [34]. L’absence de césure dans les pratiques populaires entre espace professionnel et espace public définit ainsi un espace appropriable par chacun en fonction de ses besoins professionnels.

Gouverner la misère et dissiper les ombres de la ville : des usages policiers de l’échoppe

13Très vite, ces usages de l’espace public apparaissent archaïques. Un des principaux aspects de la politique urbaine inaugurée par l’Empire est en effet de libérer la circulation en supprimant, notamment, les « échoppes, auvents et appentis construits tout au long des boulevards du Nord » [35]. Le projet, encouragé par les mutations urbaines, se poursuit sous la Restauration et la monarchie de Juillet (Bowie, 2001). Pourtant, il reste encore dans les années 1830 quantité d’échoppes [36]. C’est que la chasse aux échoppes bute sur la nécessaire régulation sociale. Même lorsque les baux des commerçants expirent ou lorsqu’ils sont convaincus d’occupation illégale, la Préfecture de Police choisit souvent de les tolérer tant les échoppes sont la dernière activité avant la mendicité. En l’an XIV, les protestations contre les échoppes qui nuisent aux commerçants établis et le désir de libérer la circulation amènent le Préfet de la Seine et le ministère de l’Intérieur à demander à la Préfecture de Police leur destruction sur les promenades publiques [37]. Un an plus tard, le Préfet de Police justifie sa tolérance : « La police est assez forte et ma fermeté est assez connue des Parisiens […] mais j’aurais cru agir en contresens politique, si au moment d’une déclaration de guerre, si le jour du départ de Sa Majesté et au moment des embarras connus de la Banque de France, j’avais fait exécuter une mesure qui attaque à la fois plus de six cents familles, et qui réduirait au désespoir de petits détaillants qui souffrent déjà plus que tout autre des calamités de la guerre. » [38] Sauf cas exceptionnel où la moralité publique apparaît en danger, on tolère donc leur présence. Déjà en 1784, alors qu’on projette de les supprimer, le Président du Parlement de Paris souligne que leurs occupants « font pitié » et sont des « pauvres […] chargés d’enfants » [39]. Si la Préfecture de la Seine fait peu de cas de ces considérations, la police, confrontée au quotidien aux difficultés sociales, les fait siennes. Gisquet déclare en 1833 : « L’administration doit saisir toutes les occasions de fournir des moyens d’existence à des malheureux que le besoin pourrait rendre dangereux pour la société » et notamment les « simples barraques en bois » [40]. En 1837, Delessert revendique le droit pour la police « de donner des moyens d’existence à des malheureux qui retomberaient à la charge des bureaux de charité » [41]. Jusqu’à la fin de la monarchie de Juillet, la police tolère ainsi sur le terrain ce que la Préfecture de la Seine condamne [42]. Et même lorsque dans les années 1850 la police applique les desiderata de la Préfecture de la Seine, les commissaires de quartier renâclent à faire déguerpir ces marchands familiers. Un commissaire écrit en 1852 : les « boutiques placées […] sous les galeries mêmes du théâtre [de l’Odéon] ne gênent en rien la libre circulation. Elles la rendent au contraire plus agréable […]. Je suis donc d’avis que l’on maintienne ces boutiques » [43]. In fine, les échoppes sont détruites. La ville des planificateurs n’est pas celle des marcheurs.
L’Empire, à la suite de la Prévôté, tente de fixer les populations dans Paris. Les individus doivent être rattachés à une adresse pour pouvoir être identifiés (Denis, 2008) [44]. La police sait que les échoppes fixent une population qui autrement serait livrée à l’errance et devient insaisissable. En chassant l’occupant d’une échoppe, on le détache de son environnement social qui seul permet de retrouver sa trace [45].
Plus encore, c’est l’alliance entre esthétique et désir de sécurité qui va, paradoxalement, décider du maintien de nombreuses échoppes. Après le percement de la rue de Rivoli, la Préfecture de la Seine souhaite mener à bien l’alignement des rues pour dégager les perspectives et donner aux immeubles des allures de palais. En outre, la rue alignée s’embrasse en un seul coup d’œil, de jour comme de nuit où elle peut être éclairée par quelques quinquets [46]. Au moment même où Paris ne connaît plus l’obscurité avec ses 8 000 éclairages au gaz, les ombres apparaissent menaçantes (Delattre, 2003 ; Pike, 2007) [47]. Il faut chasser les points aveugles que sont les redents, conséquences des mesures d’alignement. Les échoppes viennent ainsi combler les « renfoncements inutiles et dangereux ». La police qui reçoit au quotidien des lettres de délation connaît la force du contrôle social et sait que seule la présence assure la sécurité, d’autant que les marchands immergés dans la rue en connaissent tous les mouvements. Contrairement à la Préfecture de la Seine, la police a peur du vide. Pasquier écrit à propos des redents de la rue de Saint-Denis : « Ce quartier est si embarrassé [qu’il] ne peut devenir un coupe-gorge pendant la nuit. » [48] Les propriétaires d’échoppes font rapidement leurs, ces arguments. Les marguilliers de la Fabrique écrivent ainsi au Préfet de Police pour obtenir un droit d’échoppe contre l’église Saint-Roch : elle « présente un objet de salubrité et de sécurité en ce que l’enfoncement où elle existait est un réceptacle d’ordures, d’immondices et qu’elle peut servir de refuge aux malfaiteurs rodant la nuit » [49]. Outre une présence, les échoppes permettent de « prévenir les dépôts insalubres qui pourraient être faits dans des renfoncements », ordures qui encombrent la voirie et attentent à la dignité des monuments publics [50]. La Préfecture de Police légifère en considérant ce double usage sécuritaire et sanitaire, deux prérogatives qui lui reviennent.

La fin des échoppes : le gouvernement de l’œil et l’autorité de l’histoire

14Entre 1800 et 1860, le nombre d’échoppes est pourtant divisé par dix, et après 1880, elles ne sont plus que quelques dizaines. Le processus qui mène à leur éviction relève de trois logiques qui se conjuguent pour changer les pratiques populaires de l’espace : désir de connaître la ville, désir de libérer la circulation et appréhension de la ville par l’esthétique et l’histoire.

15Tout au long de la première partie du siècle, par leur plasticité architecturale et économique, les échoppes, même munies de baux, apparaissent comme des inconnues de la ville à l’heure de la description topographique. Le désir de déchiffrer et d’inventorier, corollaire de celui de mesurer et de redessiner l’espace est, on le sait, une entreprise révolutionnaire (Bourguet, 1989 ; Ozouf-Marignier, 1997). À l’échelle de la ville, les entreprises royales de mise en plan se poursuivent. Verniquet, Vasserot puis les géomètres du cadastre tentent de rendre la ville lisible et par là administrable. Or, dans le même temps, le foncier est bouleversé par les réaffectations révolutionnaires. Évident au quotidien, l’espace public se révèle difficile à figurer. En 1807-1808, le passage du cadastre de masse au cadastre parcellaire est censé pallier ces lacunes. Le rôle des ingénieurs-vérificateurs et des géomètres, armés de nouveaux outils, est de faire à neuf le relevé des villes « afin de leur imprimer un caractère d’exactitude géométrique qui en facilitât l’utilisation à tous les services publics » [51]. Mais le cadastre est un document fiscal qui ne retient de la ville que les limites entre propriétés. Plus que la qualité de la triangulation, c’est la façon de représenter la ville par le plan et les outils mobilisés qui la rendent impénétrable. Le plan est préféré car il permet d’éclaircir, de synthétiser et plus encore, il apparaît comme le préalable nécessaire aux projets urbains [52]. Les autorités artistiques et édilitaires consacrent la ligne abstraite qui possède à leurs yeux à la fois la capacité de fixer pour l’éternité et de projeter (Vernes, 2011 ; Marin, 1994). La gravure à l’eau-forte consacre la pierre ; on ne grave pas dans l’acier ou le cuivre ce qui est transitoire [53]. En outre, le plan doit être à une échelle qui permet une appréhension des réseaux. Alors que la Préfecture de Police arpente la ville, celle de la Seine, conçoit par le trait une ville faite de pleins et de vides d’où les formes fragiles d’occupation de l’espace sont évacuées.
Cette vision de la ville débouche sur une conception binaire : d’une part, la ville est faite de traits qu’on voudrait définitifs, de l’autre, des flux toujours mouvants. Les échoppes posent alors problème : sans fondation, souvent de bois et de toiles, elles s’inscrivent dans un temps qui n’est ni celui de la ville de pierre, ni celui de la circulation des hommes et des marchandises [54]. En outre, elles empiètent sur l’espace public, défini chaque jour un peu plus comme un espace de circulation. Depuis l’Empire, toute la littérature sur la ville aborde la question du trottoir. C’est vrai pour tous les hygiénistes qui assimilent volontiers la ville à un corps parcouru d’artères. Un topographe médical écrit ainsi en 1822 : « La libre circulation qu’exige le commerce réclame […] la construction de trottoirs sur les deux côtés des rues les plus commerçantes de Paris. » [55] La circulation ne concerne pas que les voitures mais aussi les « gens de pied » dans la mesure où ils sont aussi des clients [56] et que le trottoir est le complément de la vitrine [57]. Dès lors, les échoppes sont autant d’entraves au shopping[58]. Penseurs de la ville comme chalands s’accordent pour voir dans le mouvement le moyen de reprendre possession de l’espace public [59]. Les prostituées elles-mêmes ne doivent-elles pas être « toujours en marche […] et parcourant un assez grand espace » [60] ? L’usage des trottoirs ne se fait pas pour autant sans résistance. Les marchands en échoppe trouvent sur les trottoirs de granit ou d’asphalte des lieux adaptés à leurs commerces. Si le trottoir est rapidement accepté sur les boulevards – où il est large et fréquenté par une population oisive –, les rues populaires rechignent à l’adopter. En 1837, alors que son installation a déjà plus de dix ans [61], le Préfet de Police est contraint de placarder des avis pour rappeler les usages de la rue nouvelle (Figure 4).

Figure 4

Tract de la Préfecture de Police diffusé en 1837

Figure 4

Tract de la Préfecture de Police diffusé en 1837

(Source : Archives de la Préfecture de Police, da52)

16C’est seulement autour de 1850, une dizaine d’années après la couverture de l’ensemble de Paris, qu’emprunter le trottoir devient la norme. Il faut également plus de vingt ans, après la loi de 1811 qui limite les saillies dans l’espace public à 16 cm et défend « tous autres objets de nature à gêner ou embarrasser le passage », pour que ce projet ne heurte plus la population. L’apprentissage de l’espace public nouveau est long. En 1828, le commissaire en charge des galeries de l’Odéon signale l’envahissante présence des échoppes « qui obstruent le passage » [62]. La réponse d’un marchand montre que l’espace public n’est pas encore accepté comme un espace vide : « Faire enlever le vitrage aujourd’hui serait une injustice sans prétexte, car bien loin d’offrir aucune incommodité au grand nombre de personnes qui viennent se promener dans les galeries du Théâtre, il lui offre un salutaire abris contre l’intempérie des saisons. » [63] À partir de 1831, sous l’impulsion de Gisquet, débute une chasse systématique aux bannes et enseignes qui débordent sur l’espace public. En 1841, après trente ans de présence des échoppes, le directeur du théâtre se plaint que « tous les marchands établis sous les galeries […] ont des boutiques qui ont 46 cm de saillie » [64]. Avant la fin de l’année suivante, elles sont ramenées à l’alignement. On peut considérer qu’entre 1840 et 1850, toutes les échoppes qui empiètent sur la voie publique sont détruites. Obstruer une artère de la ville revient dorénavant à la mettre en danger.

17Avec le nouveau dispositif des trottoirs, les fonctionnalités urbaines et les contours de l’espace public prennent matériellement forme et sont dorénavant lisibles par tous. Dans un espace défini par le minéral, l’acier et la fonte, les constructions de bois et de toile, à mi-chemin entre l’architecture et le mobilier, n’ont plus leur place [65]. Les loueuses de chaises sont ainsi remplacées dans les années 1840 par des bancs publics en fonte fichés dans le sol et les échoppes qui faisaient office de chalets d’aisance par des vespasiennes [66]. Dans le même temps, les commerçants ambulants sont interdits d’immeuble, condamnés au mouvement perpétuel [67]. Cet apprentissage du vide, à la racine de la nouvelle culture urbaine, semble intégré à l’avènement d’Haussmann : le corps populaire a appris la rue nouvelle avant que ne débutent les grandes réformes.

18Dans le même temps, la révolution commerciale est à l’œuvre. D’un côté, cafés, restaurants et autres commerces sont les lieux de stations, privés, autorisés en ville. De l’autre, les boutiques ouvertes sur rue incarnent la ville moderne ; si l’espace commercial et l’espace public se mêlent, c’est désormais visuellement par le jeu de transparence des vitrines.

19Le regard est au cœur de l’appréhension nouvelle de la ville (Sennett, 1992). À côté du désir de libérer la circulation, c’est sous l’autorité conjointe de l’histoire et du tourisme que la ville est dégagée de ses échoppes. Les Préfets de la Seine successifs cherchent à faire coïncider la ville avec ses vues en plan [68]. La ville minérale devient la seule référence tant la pierre, « devenue symbole de raison », est le matériau digne [69]. Le pittoresque, relégué dans les parcs et les jardins, n’a plus sa place dans l’espace urbain fait de pierre ou de simili-pierre, de fonte, de fer et de verre. Les matériaux pauvres et fragiles sont bannis dans une ville qui proclame sa modernité et son respect de l’histoire.

20Dès 1806, le souci de donner un nouveau visage à la capitale fait écrire à un chef de bureau des bâtiments civils à propos des Champs-Élysées : « Cette promenade […] est entourée d’une foule de bicoques construites en grande partie pendant la tourmente révolutionnaire, et qui en font une sorte de bourgade, point de rassemblement des vagabonds et des femmes débauchées, tandis que ce point, par sa position, devrait être celui de réunion de familles honnêtes et paisibles qui sont forcées de l’abandonner. » [70] Dans une ville qui prétend rayonner sur toute l’Europe, elles apparaissent archaïques. En 1831, le Préfet de Police souligne que « les échoppes [placées] auprès des monumens publics […] nuisent à leur aspect, à leur dignité » [71]. Dans cette ville qui se transforme, s’invente aussi le monument historique. Chasser les baraques, c’est chasser l’anachronisme. Alors qu’on entreprend la restauration de Notre-Dame et de Saint-Germain-l’Auxerrois en ayant soin de détruire toute trace de l’histoire, ces constructions sauvages menacent non seulement les bâtiments eux-mêmes mais aussi leur cohérence esthétique et historique souhaitée. Le monument en devenant historique est extrait du présent et de la vie quotidienne. Le tournant a lieu à la fin des années 1830 quand la Commission des monuments historiques, le Comité des arts et monuments et la Préfecture de la Seine vont conjointement chasser ces « verrues » porteuses d’un vandalisme ordinaire pour protéger les « traces nobles » du passé. Deux régimes de temporalités entrent ici en conflit : celui du temps écrit et savant de l’histoire et celui des pratiques quotidiennes. La destruction des échoppes est sans doute l’un des éléments didactiques les plus forts qui visent à forger un respect populaire pour le monument. Notre-Dame, qui se révèle tout à la fois sous l’œil touristique et historique, focalise les regards. En 1835, la Préfecture de la Seine entreprend la « translation » du « marché de Vieux Linges et de bric-à-brac établi le long de l’Église Notre-Dame [qui] présente un aspect hideux devant l’un des plus beaux monumens de la capitale » [72]. Les guides se réjouissent de la disparition de ces « amas ». Même aux abords du Palais-Royal, ils se félicitent que « les ignobles galeries de bois, déshonorant depuis trente ans l’entrée du jardin [aient] été rasées », réforme nécessaire du fait de « l’affluence des étrangers vers ce centre de la capitale » [73]. Ce regard gagne toutes les élites. Le général commandant en chef de Paris écrit ainsi à l’archevêque en 1852 : « J’ai l’honneur de vous informer que le camps baraqué de l’archevêché sera […] démoli très-prochainement. […] Je verrai avec plaisir notre belle cathédrale dégagée de ces mesquines constructions et recouvrer dans cette partie l’espace extérieur nécessaire à l’observateur pour l’admirer » [74].
En 1867, le Paris-Guide regrette les constructions « adossées pittoresquement au coin des places ou des monumens publics, le long des églises [75] » mais il note que les « magasins luxueux repoussent les voisinages misérables », que « les squares élégants ont chassé ces abris populaires » et qu’à côté des « églises regrattées à neuf, les échoppes y font l’effet de verrues ». « Il faut bien le reconnaître, poursuit le rédacteur, ces débris du passé font tache à côté des splendeurs du présent. Dans ce Paris nouveau que l’on veut propre et luisant, tout conspire donc contre l’échoppe. »
Les réformateurs urbains voient désormais la ville avec les yeux de l’historien et du touriste. Avant de disparaître de la ville, ces constructions avaient disparu des images dès la première partie du xixe siècle, les images de la ville se révélant autant des projets que des représentations. Avant que la réforme ne prenne corps dans la pierre, elle est manifeste dès les années 1830 dans l’iconographie. Dessinateurs et graveurs vident les monuments de leurs alentours (Figure 5).

Figure 5

Gravure de la cathédrale Notre-Dame vidée, par le graveur, de ses alentours et de ses échoppes

Figure 5

Gravure de la cathédrale Notre-Dame vidée, par le graveur, de ses alentours et de ses échoppes

(Source : Le nouveau conducteur de l’étranger à Paris, Paris, Marchand, 1835 Collection particulière M. Charpy.)

21La ville rêvée pour le touriste devient réelle, lentement sous Rambuteau, brutalement sous Haussmann. La mise en conformité de la ville ne se fait pas seulement avec le plan mais aussi avec les vues perspectives dont le pouvoir de réforme s’avère considérable. Le regard à distance du touriste, détaché du quotidien car plongé dans le passé historique, rencontre celui du réformateur urbain ; tous les deux enjambent le présent pour regarder une ville absente, passée et à venir.

22Après sa disparition de la ville, l’échoppe revient dans l’iconographie des années 1870, alors que les travaux haussmanniens ont fait naître une nostalgie pour le « Vieux Paris », exprimée ainsi par le Larousse : « L’échoppe était au vieux Paris, ce que le lierre est aux vieux arbres. Elle […] se collait à ses murs, grimpait après ses palais. […] L’échoppe se meurt, l’échoppe est morte. Elle est tombée, ruinée par le temps ou écrasée sous les pierres des vieux quartiers que le baron Haussmann fait sauter. » [76] Seules subsistent les baraques dont le commerce lui-même est recherché pour son anachronisme : magasins de curiosités, d’antiquités ou encore de livres anciens sur les quais [77].

Conclusion

23S’attacher à ces formes fragiles aux contours incertains, c’est d’abord se rappeler que les modes d’occupation populaires de la ville n’ont rien de sauvage ou de naturel. En permanence, la ville se fabrique à l’articulation des administrations et des pratiques populaires de l’espace et, même si les rapports de force sont inégaux, leurs modestes occupants ne cessent de prendre la parole pour plaider leur cause.

24Si ces pratiques disparaissent sous l’autorité de l’historicisme, du tourisme et de la circulation, c’est que la ville est conformée à ses plans et à ses images, les réformes haussmanniennes étant l’aboutissement de ce processus et la mise en œuvre du pouvoir de réforme des images.

25Mais il convient dans le même temps de souligner qu’avant les réformes haussmanniennes, avant que les rues elles-mêmes soient redessinées, notamment dans le centre de Paris, les pratiques populaires de la rue avaient été réformées. Or, les pratiques plus encore que les formes matérielles sont difficiles et longues à réformer, d’autant plus lorsque le rapport quotidien à l’espace est en jeu. Écrire l’histoire des villes, comme sans doute les projeter, c’est aussi penser cette impossible synchronie entre réforme matérielle de la ville et transformation des pratiques, en particulier populaires. Si les échoppes témoignent matériellement de pratiques concrètes et quotidiennes de l’espace public, leur disparition signe l’avènement d’un nouvel espace public, défini d’abord comme un espace vide.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : monument historique, rue, échoppe, espace public, commerce populaire

Date de mise en ligne : 03/05/2011.

https://doi.org/10.3917/esp.144.0015

Notes

  • [*]
    Manuel Charpy, docteur en histoire contemporaine de l’Université François-Rabelais, Tours.
    Manuel.charpy@wanadoo.fr
  • [1]
    Je tiens à remercier Christelle Rabier et Nicolas Lyon-Caen, relecteurs attentifs.
    Il faut aussi préciser que l’orthographe originale a été conservée dans les citations.
  • [2]
    BnF, Joly de Fleury, 2100, f° 107-110, 1784.
  • [3]
    Archives de Paris (désormais ap), dq10/643, Place de la Concorde ou Louis XV.
  • [4]
    ap, dq10/643, Place de la Concorde, Ier floréal an V.
  • [5]
    ap, dq10/392, Petits-Pères, 24 août 1820, dossier n° 1481.
  • [6]
    Archives de l’archevêché de Paris (désormais aap), St-Roch, carton 1, dossier 48, Jules Delespine, 11 novembre 1807.
  • [7]
    aap, Saint-Roch, carton 1/48, septembre 1808. Les travaux coûtent 12 000 francs.
  • [8]
    Voir les descriptions pittoresques « Le gniaffe » et « La marchande de friture » dans Les Français peints par eux-mêmes, Paris, Curmer, 1841-1842.
  • [9]
    ap, dq10/140, Ste-Chapelle, pétition de Boisgueret, octobre 1830. Pour exemple, les échoppes contre le théâtre de l’Odéon en 1835 abritent des marchands de jouets, de tabletterie, de lithographies, de gâteaux, un cabinet de lecture, des libraires, des décrotteurs (Archives de la Préfecture de Police de Paris [désormais app], da52, Odéon).
  • [10]
    Voir « Le gniaffe », op. cit., p. 262 et sq. et app, da53, notes sur les urinoirs « à côté du Conseil d’État », 1833 et ap, dq10/1339/99 sur les cabinets d’aisances rue de Rivoli, 1814.
  • [11]
    Une petite échoppe contre la Ste-Chapelle est louée 30 francs par an en 1830 (ap, dq10/140, Ste-Chapelle). Les variations sont importantes, de 15 à 600 francs selon la surface, l’état et la situation.
  • [12]
    app, da52, théâtre de l’Odéon, 14 avril 1822 et ap, dq10/ 392, Petits-Pères, août 1820, pétition de Goubeaux.
  • [13]
    Voir Les Français peints par eux-mêmes, op. cit., B. Maurice, « La misère en habit noir », pp. 296-298 ; E. Nyon, « Le maître d’études », p. 365 et Old Nick, « L’avocat », p. 72.
  • [14]
    Voir par exemple, ap, dq10/140, Ste-Chapelle, mai 1825, pétition de Charpentier, âgé de 60 ans et frappé de cécité.
  • [15]
    app, da52, théâtre de l’Odéon. Ainsi, fin juillet 1830, le peintre Ordonneau, « manquant d’ouvrage depuis un mois demande le droit pour sa femme de vendre des gâteaux dans un renfoncement, place de l’Odéon ».
  • [16]
    app, da53, lettre au Ministre, 11 décembre 1837.
  • [17]
    Pour une approche critique de la notion d’informel (Lautier, 1994 ; Levitt, 2007).
  • [18]
    ap, dq10/449, dossier n° 10332, bail du 17 floréal an VII.
  • [19]
    Le terme prend sa connotation administrative vers 1830.
  • [20]
    ap, dq10/1610.
  • [21]
    Voir Frédérique Soulié, « L’écrivain public », dans Le Livre des Cents-et-un, Paris, Ladvocat, 1833, pp. 9 et sq. L’écrivain public, indique-t-il, rédige des billets amoureux, des actes administratifs, recherche dans les registres d’état civil, tient les comptes, rédige les lettres anonymes – les plus rémunératrices – et « tire d’embarras sur le protocole à employer ».
  • [22]
    ap, dq10/1610, 25 octobre 1839.
  • [23]
    ap, dq10/ 392, Petits-Pères, 1er août 1820, pétition de Goubeaux.
  • [24]
    ap, dq10/1610, Saint-Germain-l’Auxerrois, Domaines, 1837.
  • [25]
    La place de la Concorde passe ainsi en 1828 de la Maison du Roi à la Ville « moins les fossés qui bordent les Tuileries » qui eux-mêmes appartiennent tantôt au Ministère de l’Intérieur, tantôt aux Domaines… (A.-J. Meindre, Histoire de Paris…, Paris, Dentu, 1855, pp. 603 et sq).
  • [26]
    Voir la comptabilité de Saint-Germain-l’Auxerrois ; la location des échoppes est le 2e poste de recettes (aap, 2e).
  • [27]
    ap, dq10/1610, St-Germain-l’Auxerrois, Domaines, 6 juin 1838.
  • [28]
    app, da53, Préfet de Police, octobre 1833.
  • [29]
    app, da53, lettre du Préfet de Police, 11 décembre 1837.
  • [30]
    ap, dq10/392, Petits-Pères, 30 octobre 1818.
  • [31]
    app, da53, 20 mai 1838.
  • [32]
    Archives nationales (désormais an), f19/7803, 13 juin 1838, Comités historiques, Comité des arts et monuments, Ministère de l’Instruction publique.
  • [33]
    ap, dq10/1339/99, rue de Rivoli.
  • [34]
    Voir par exemple app, da52, Odéon. « Le 24 octobre 1828, on m’annonce que plusieurs locataires des boutiques situées sous les galeries de l’Odéon ont établi des chassis vitrés dans ces galeries, et que d’autres y placent journellement des paravents, chaises, tables etc., qui […] empêchent toute communication entre les dites galeries et les rues adjacentes. »
  • [35]
    app, da57, 5 mars 1806, « procès-verbal de la visite sur les boulevards du Nord depuis l’exécution de l’ordonnance rendue par M. le Préfet de Police le 29 Prairial an XII concernant les auvents et autres saillies ». L’enquêteur relève, pas à pas, les irrégularités : « carcasses d’échoppes », « pieux », « bannes et perches sans permission »… Voir en fructidor an XII la suppression des « échoppes, auvents et appentis construits tout au long des boulevards du Nord » (an, f13/531) dans Igor Moullier, art. cit., p. 125.
  • [36]
    Charles Vincent, « Les dernières échoppes », dans Paris-Guide, La vie, Paris, Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1867, p. 972.
  • [37]
    Pour les Champs-Élysées voir Igor Moullier, art. cit. : « C’est sans en avoir référé au ministre que le préfet de police a pris sur lui de retarder d’un an cette mesure si nécessaire pour l’une des plus agréables promenades de Paris », 13 vendémiaire an XIV (an, f13 531).
  • [38]
    an, f13/531, cité par Igor Moullier, art. cit, p. 125. La Préfecture de Police revendique un travail cas par cas, celle de la Seine et les bâtiments civils une politique globale.
  • [39]
    BnF, Joly de Fleury, 2100, f° 107-110, 1784.
  • [40]
    app, da53, lettre du Préfet de Police à Rambuteau, octobre 1833.
  • [41]
    app, da53, lettre du Préfet de Police au Ministre, 11 décembre 1837.
  • [42]
    Voir par exemple app, da53, lettre de Rambuteau, 29 octobre 1833.
  • [43]
    app, da52, rapport du 12 octobre 1852.
  • [44]
    Sur la numérotation, voir « rues » dans Manuel du voyageur à Paris… Paris, Delaunay, 1811. Il note qu’« en 1806, on a indiquées [les noms de rue], à chaque coin, par un inscription fond jaune, bordure bleue. Le nom est écrit en rouge pour les rues qui vont de l’est à l’ouest ; et en noir pour celles dont la direction est du nord au sud. Les numéros pairs sont placés du même côté, les impairs du côté opposé ».
  • [45]
    Voir les Mémoires de Canler (Paris, Hetzel, 1862), chef du service de sûreté.
  • [46]
    Chabrol de Volvic, Recherches statistiques sur la ville de Paris et le département de la Seine…, Paris, Imprimerie royale, 1834, p. 3 et sq. et Mémoires du comte Rambuteau, Paris, Calmann-Lévy, 1905.
  • [47]
    Parent-Duchâtelet donne un exemple de cette association entre obscurité et dangerosité : le « goût pour les lieux obscurs est si marqué chez [les prostituées], qu’elles se sont souvent entendues avec les gens qui entretiennent les réverbères, pour ne point les allumer » (De la prostitution dans la ville de Paris…, Paris, Baillière, 1837, p. 545.)
  • [48]
    app, da57, lettre de Pasquier à Frochot, 20 mai 1812.
  • [49]
    aap, Saint-Roch, 1/48, janvier 1808.
  • [50]
    app, da53, rapport du Préfet, octobre 1833.
  • [51]
    D’Espaignol-Lafagette, Du cadastre…, Paris, Dentu, 1821. De nombreuses améliorations techniques – théodolite, tachéomètre… – apparaissent alors.
  • [52]
    Voir le journal publié régulièrement à partir de 1825 sous la direction de l’architecte-géomètre du gouvernement H. Tilliard, Plans divers des embellissements de Paris, et des moyens qu’il conviendrait d’employer pour y améliorer la salubrité, de même que pour y faciliter le commerce de son intérieur.
  • [53]
    La réalisation des plans Verniquet (1785-1791) et Vasserot et Bellanger (1810-1836) associent toujours des graveurs.
  • [54]
    Marcel Roncayolo souligne que dans les représentations urbaines « l’‘ouvrage’ – à la rigueur la ‘ligne’ – paraît l’emporter sur d’autres perspectives. La mesure des flux, s’ils n’appartiennent pas aux réalités physiques, aux ‘éléments’, est moins considérée que celle des supports. La rationalité technique impose des limites strictes dans le découpage du réel et la ‘sectorisation’ des aspects du territoire » (Burguière et Revel, 2000, p. 394).
  • [55]
    Claude Lachaise, Topographie médicale de Paris, Paris, Baillères, 1822, p. 132.
  • [56]
    app, da57, lettre de Pasquier à Frochot, 20 mai 1812.
  • [57]
    Voir Émile de Girardin, Questions de mon temps, questions économiques, Paris, Serriere, 1858, pp. 416 et sq.
  • [58]
    Voir Delphine de Girardin, Lettres parisiennes, 1837, Paris, Charpentier, 1862 [1843], p. 181.
  • [59]
    Voir sur « l’établissement des trottoirs dallés dans les rues et les boulevards » dans les années 1820, Chabrol de Volvic, Souvenirs inédits, Paris, Commission des travaux historiques, 2002, p. 72 et sq.
  • [60]
    Parent-Duchâtelet, op. cit., p. 545.
  • [61]
    Chabrol de Volvic, Recherches statistiques…, op. cit., 1834, p. 18.
  • [62]
    app, da52, Odéon, 24 octobre 1828.
  • [63]
    app, da52, Odéon, 29 octobre 1828, pétition de Desbordes, tabletier.
  • [64]
    app, da52, 5 septembre 1841, Théâtre de l’Odéon.
  • [65]
    Voir « pavé », Nouveau dictionnaire de police, Paris, Béchet, 1835, et Félix Lazare, Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments, Paris, Lazare, 1844, p. 474 et sq.
  • [66]
    Mémoires du comte Rambuteau…, op. cit., p. 376 et sq. Voir en complément, Alphonse Martel, « petite voirie » dans Manuel de la salubrité, de l’éclairage et de la petite voirie, Paris, Cosse & Marchal, 1859.
  • [67]
    Voir app, db199, 1828.
  • [68]
    On peut noter que le même processus mène à inscrire dans la ville numéros et noms de rue.
  • [69]
    Voir Espace français. Vision et aménagement, xvie-xixe siècles, Paris, Archives Nationales, 1987, p. 163 et sq.
  • [70]
    an, f13/521, bureau des bâtiments civils, février 1806.
  • [71]
    app, da53, lettre du Préfet de Police, 23 mai 1831.
  • [72]
    app, db37, Préfecture de la Seine, 16 janvier 1835.
  • [73]
    Le nouveau conducteur de l’Étranger à Paris, Paris, Marchand, 1835, p. 158.
  • [74]
    aap, Notre-Dame, 2d-3d, État-Major, 3 octobre 1852.
  • [75]
    Charles Vincent, op. cit., p. 972.
  • [76]
    « Échoppe » dans Grand Dictionnaire universel du xixe siècle…, 1873-1877.
  • [77]
    app, db199, marchands de livres anciens sur les quais.
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