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Article de revue

Pratiques informelles et minorités issues de l'immigration : une régulation autonome en gestation ?

Pages 47 à 62

Notes

  • [*]
    Abdelfattah Touzri, chercheur associé à l’Institut des études du développement (ied), rattaché au Centre de recherches interdisciplinaires Développement, institutions et subjectivité (cridis), Université catholique de Louvain, Belgique.
    abdelfattah.touzri@gmail.com
  • [1]
    La notion de « minorités » est retenue pour sa charge en termes de rapports de pouvoir entre acteurs. Nous nous associons au choix de D. Lapeyronnie (1993) qui préfère le concept de minorité car il ne nie pas « une identité positive et autonome ».
  • [2]
    La notion d’approche « régulationniste » n’est pas employée ici dans le sens des travaux de « l’École de la Régulation » mais désigne l’utilisation d’une grille d’analyse qui, en portant intérêt à la question de la régulation des rapports entre acteurs, intègre le principe de diversité des modes de régulation de ces rapports.
  • [3]
    Office régional bruxellois de l’emploi, 2005, Rapport Statistique, http://www.orbem.be/Statistiques/pdf/Rapportstatistique2005.pdf
  • [4]
    Ordonnance organique de la revitalisation des quartiers du 7 octobre 1993, modifiée par les ordonnances des 20 juillet 2000 et 27 juin 2002.
  • [5]
    À entendre ici comme un processus de coordination des activités d’échange, basé sur le principe de concurrence.

1Dans certains quartiers historiques de Bruxelles qui portent les stigmates d’une crise socioéconomique profonde et qui connaissent une importante concentration de minorités [1] issues de l’immigration, les pratiques informelles et les stratégies populaires de survie foisonnent. Ces pratiques qui relèvent des stratégies de sécurisation de l’existence mobilisent le territoire dans ses aspects sociaux et physiques comme ressource. Le territoire, les rapports de réciprocité et de proximité, tout comme le savoir-faire populaire, deviennent des actifs permettant le déploiement de l’activité informelle. Le rapport au territoire serait dès lors structurant vis-à-vis de ces pratiques. Corollairement, ces pratiques façonnent leur territoire de déploiement en en faisant ainsi l’objet d’une construction permanente, voire en transcendant des territoires multiples. Cette situation porte à croire qu’il y a un rapport dynamique entre le territoire et les pratiques informelles. Ainsi, territoire et pratiques informelles se structurent et s’affectent mutuellement. Le territoire est alors un cadre de déploiement de ces pratiques devant être dépassé et transcendé. Dans cet article, il est question du lien entre pratiques informelles et territoires.

2La commune de Molenbeek-Saint-Jean, le territoire que nous avons choisi pour mener notre étude, à l’instar des communes historiques du centre de Bruxelles, connaît une intensification des actions de revitalisation des quartiers défavorisés. Cette politique de revitalisation se déploie dans un contexte social particulier, celui de quartiers qui connaissent une importante concentration de minorités issues de l’immigration et qui cumulent de nombreuses difficultés socioéconomiques.

3Ces quartiers, territoires d’action publique, sont aussi l’objet de stratégies d’appropriation diverses, développées notamment par lesdites minorités. Ils sont un construit social dont le processus de création est imprégné par les rapports de pouvoir entre acteurs sociaux. Un territoire n’est pas une coquille vide mais bien un espace qui se construit à travers les stratégies de ses acteurs (Bourdin, 2000).

4Dans ce sens, de nombreux travaux sur les minorités issues de l’immigration mettent en évidence la quête collective de sens et la production de territorialité, lesquelles apparaissent à travers des modes divers d’appropriation des espaces locaux. Par ailleurs, d’autres études démontrent que ces stratégies ne sont pas figées dans des territoires cloisonnés. Elles sont plutôt mobiles, flexibles, transnationales et reposent sur la construction de réseaux sociaux et pluriterritoriaux (Portes, 1999 ; Tarrius, 2000 ; Peemans, 2002). Ces stratégies reflètent dès lors une tendance à s’affranchir des assignations spatiales, résidentielles et sociales tout en maintenant des ancrages territoriaux différents et peuvent être révélatrices d’une certaine logique de mobilité. La mobilité implique essentiellement le maillage de territoires, réseaux et liens sociaux et la quête d’une certaine sécurité de l’existence en déployant des activités et des stratégies de survie (Touzri, 2007).

5Dans cette optique, nous avons mené, entre 2004 et 2007, une recherche doctorale sur les dispositifs de revitalisation urbaine dans les quartiers de la commune de Molenbeek-St-Jean, l’une des 19 communes de Bruxelles-Capitale, afin de saisir les logiques et les stratégies des acteurs locaux et en particulier, celles des minorités issues de l’immigration. Nous avons ainsi porté un intérêt particulier aux stratégies de survie et aux pratiques économiques informelles déployées par les minorités.
Dans notre démarche empirique, nous avons interrogé les pratiques de survie et les activités informelles comme modes d’appropriation du territoire en postulant qu’elles constituent un mode de régulation autonome. Nous avons porté intérêt aux pratiques des minorités qui visent à construire leur propre territorialité dans ses aspects matériels et immatériels et à se conférer une certaine sécurité de l’existence à travers le déploiement de stratégies informelles et de survie.
Nous avons mené cette enquête en employant les outils de recherche socioanthropologique dans le cadre d’observations directes et indirectes. Nous avons rencontré des professionnels de la revitalisation, des experts, des élus locaux, des responsables associatifs ainsi que des habitants issus des minorités dont certains exercent certaines activités économiques. Notre guide d’entretiens avec les habitants a porté notamment sur les raisons qui les ont conduits à développer leurs actions informelles, sur leur vécu dans les quartiers en question et l’intérêt qu’ils portent aux dispositifs de revitalisation.

Les pratiques informelles comme mode de régulation autonome

6Les stratégies de survie et les activités informelles de sécurisation de l’existence, dans un contexte de déploiement d’une forte action publique, peuvent s’assimiler à une régulation autonome, pour employer le concept développé par J.-D. Reynaud (1989) dans sa théorie de la régulation sociale.

7En effet, Reynaud propose une grille composée de trois modes de régulation : autonome, conjointe et de contrôle. La régulation de contrôle implique la préséance d’outils de contrainte et de coercition qui sont de nature à façonner le comportement des acteurs. Les règles de contrôle sont fondées sur la subordination et sur l’asymétrie de pouvoir. Les règles autonomes, quant à elles, sont produites par un acteur qui veut se soustraire à la contrainte qu’il subit et se procurer un certain degré d’autonomie. Ces règles sont « essentiellement défensives ». La régulation conjointe ne résulte pas de la simple superposition des règles autonomes et de contrôle ; elle suppose l’établissement de rapports de réciprocité entre acteurs interagissant, entre pilotes et pilotés.

8Cette grille nous offre la possibilité d’appréhender ce contexte particulier en conjuguant à la fois approches territoriales et analyses régulationnistes [2]. Elle nous permet d’appréhender l’écart entre, d’une part, une conception de l’objet local visant la régénération physique des quartiers en déclin conçus comme territoires figés, et d’autre part, des processus autonomes de construction de l’identité et des conditions de survie. Ces formes d’autonomisation révéleront la construction par les minorités d’une territorialité conciliable avec leur quête de mobilité dans toutes ses formes.

9Ainsi, les activités informelles, comme forme d’autonomisation, constitueraient, selon certains, une réponse à la précarisation des conditions de vie. Mais une approche en termes d’« économie populaire » privilégiant une analyse qui se focalise sur la dynamique des acteurs et mettant en avant « les protagonistes de ces activités » a graduellement gagné du terrain (Fonteneau et al., 1999). Dans cette approche, les activités informelles ne sont plus perçues comme une simple réaction des sociétés locales face au démantèlement du secteur public et au rétrécissement de la fonction redistributive de l’État, mais comme un ensemble d’activités enracinées dans leurs contextes locaux, mobilisant des ressources et des savoir-faire locaux. Cette dynamique locale, dans laquelle les activités économiques sont socialement imbriquées, constitue ce que certains appellent « économie populaire ». Cette « économie populaire est tout simplement une des composantes de la vie populaire, d’un tissu social où s’entrecroisent les fils de la pauvreté, de l’ethnicité, des violences quotidiennes, subies ou provoquées, des solidarités informelles ou organisées, qui ensemble donnent à chacun des quartiers, aussi misérable soit-il, à chaque village, aussi éloigné qu’il puisse être, son visage connu de ses seuls habitants, et en fait leur territoire » (Peemans, op. cit., p. 385).

10Le modèle de Polanyi (Polanyi, 1983) qui s’articule sur les trois formes d’échange : la réciprocité, la redistribution et l’échange par le marché, peut offrir une armature intellectuelle pour comprendre toute une panoplie de pratiques informelles et de survie. Par réciprocité, on entend les échanges égalitaires de moyens d’existence ou l’échange par le don qui repose sur une relation horizontale. La redistribution, quant à elle, indique la concentration de façon hiérarchisée de moyens destinés à être redistribués. Ensuite, l’échange est le rapport marchand basé sur une certaine organisation des rapports de production. Ce modèle s’applique aux différentes manières de production des moyens d’existence. Ainsi, la réciprocité, lien social et symétrique, sert à offrir des moyens d’existence aux exclus des systèmes d’échange et de redistribution. C. Kesteloot et son équipe ont étudié les stratégies de survie dans deux quartiers bruxellois où des minorités se concentrent. Ils ont abouti à confirmer que « l’accès aux moyens d’existence par la réciprocité est généralement plus difficile pour ceux qui en dépendent le plus. Les communautés ethniques fortement structurées par contre, également handicapées dans les sphères de l’échange de marché et de la redistribution, sont capables de compenser ceci par la réciprocité » (Kesteloot et al., 1997, p. 3). Ils concluent qu’aucune de ces trois formes d’échange n’est, à elle seule, efficace dans le développement de quartiers défavorisés.
C’est précisément une capacité à déployer, à la fois, des pratiques de réciprocité, d’échange et de redistribution que l’on décèle à travers certaines pratiques informelles observées à Molenbeek. Le commerce de proximité et les activités économiques de survie qui foisonnent attestent de ce déploiement et de l’encastrement de ces activités économiques dans la sphère sociale et de leur intégration dans le territoire dans lequel elles se déploient. Cette intégration est révélée par la nature des activités exercées, par les fonctions de sociabilité qu’elles jouent et par la nature des ressources qu’elles mobilisent. Ces pratiques, socialement et territorialement imbriquées, sont nourries par des liens de solidarité qui se renforcent par les trajectoires partagées d’exclusion et de précarisation, par l’expérience sociale. Ainsi, les savoirs populaires sont mobilisés et hiérarchisés tout comme le savoir relationnel afin d’amorcer ou d’assurer la continuité de l’activité (Crétieneau, 2004).

Un contexte de déploiement d’une politique de revitalisation

11Nous avons estimé que la commune de Molenbeek-St-Jean, dans laquelle la recherche a été menée, est un lieu adapté à notre objet d’étude. Densément peuplée par des couches sociales défavorisées et issues de l’immigration, cette commune a enregistré en 2005 un taux de chômage qui s’élève à 30,4 % [3]. La commune se positionne ainsi comme la deuxième commune bruxelloise la plus durement touchée par le chômage. Le revenu moyen par déclaration (revenu 2002 déclaré en 2003) était de 19 849 € alors qu’il s’élevait à 23 776 € pour la Région de Bruxelles. Dans les secteurs statistiques du sud de la commune qui correspondent aux quartiers historiques, le revenu médian ne dépasse pas les 15 000 €. La commune est, en effet, marquée par une fracture sociale liée à l’existence d’îlots de précarité dans ses quartiers historiques qui contrastent avec des quartiers résidentiels dans le nouveau Molenbeek socialement plus aisé.

12Les décennies d’abandon de quartiers historiques de Bruxelles en général, et de Molenbeek en particulier, ont marqué durement ces espaces urbains. Autrefois, espace de déploiement intense d’activités industrielles, l’effondrement du modèle fordiste a laissé un espace urbain dégradé. Des friches et des chancres prendront place à côté des îlots de pauvreté. Le processus de déclin qu’a connu la commune de Molenbeek lui a valu d’être qualifiée de « Manchester belge ». Ne comptant plus d’entreprises pourvoyeuses d’emploi, ces quartiers sont désertés par les classes moyennes. Au courant des années soixante-dix, les travailleurs immigrés, encouragés par les coûts abordables du logement, ont pu s’installer dans ces zones d’habitat populaire (Kesteloot, 1990). Ainsi, la commune de Molenbeek compte aujourd’hui parmi ses habitants un taux de 15 % de résidents de nationalité non européenne qui s’ajoutent aux 43 % d’habitants d’origine non européenne.

13Deux entités urbanistiques différentes situées dans le sud de la commune nous intéressent dans ce contexte : le centre historique et le quartier Heyvaert. Le centre historique de la commune est marqué par la présence d’un patrimoine industriel et culturel du xviiie et du xixe siècle et par un tissu urbanistique dégradé ainsi qu’un important parc de logement public ancien. Le nombre croissant d’activités commerciales qui se développent dans les quartiers historiques en harmonie avec la fonction résidentielle et dont une partie, selon plusieurs témoignages, n’est pas déclarée, entraîne une intense activité dans ces quartiers. Ces quartiers s’étendent à l’ouest d’un des axes routiers importants de la capitale et se situent à proximité du Canal de Bruxelles-Charleroi, autrefois un lieu important de transport fluvial. Le quartier Heyvaert, situé au Sud-Est, peu peuplé et plus dégradé, est, quant à lui, en difficulté visible de reconversion. Dans ce quartier, après le départ des entreprises qui y ont laissé une importante réserve foncière, on a vu apparaître des activités illégales de commerce d’automobiles hors d’usage et une concentration d’une population précarisée ou en séjour précaire.

14Dans cette commune, le dispositif des « contrats de quartier » déployé par le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et agissant selon un principe de « géographie prioritaire » constitue le levier principal de la politique de revitalisation. Ce dispositif implique des actions qui visent à « maintenir ou à accroître et à améliorer l’habitat, les infrastructures de proximité, les implantations mixtes et les espaces publics, et pour lesquelles des subventions peuvent être accordées aux communes… » (ordonnance du 7 octobre 1993 [4]).

15Cependant, d’autres registres de préoccupations relatifs à l’emploi et au logement notamment, qui ne sont pas prioritairement traités par les politiques de revitalisation, font naître certaines frustrations. Ainsi, le témoignage de ce travailleur social résume ce décalage entre registres de préoccupations :

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« Les travaux qu’ils font sont bien pour le quartier. Cependant, ce serait bien qu’ils engagent des jeunes issus du quartier… Il faut savoir qu’on a des problèmes de boulot et de logement, etc. C’est ça ce qu’il faut résoudre comme problèmes. Il y a d’importantes sommes octroyées au quartier. Des millions sont destinés à des travaux d’aménagement de trottoirs, d’éclairage et à des activités pour les jeunes. Mais est-ce que cela va leur permettre de se construire un avenir ? »
Face à l’incapacité des dispositifs de revitalisation à rencontrer certaines demandes, l’autonomie se dessine comme voie de sécurisation matérielle de l’existence et de reconstruction du territoire.

Des stratégies socialement imbriquées

17Les activités d’économie informelles que nous avons observées – par lesquelles nous entendons les pratiques des petits marchands, petits paysans et petits artisans, fixes ou ambulants, qui échappent à l’intervention de l’État – allient logiques de marché et de redistribution et mobilisent des ressources réciprocitaires.

18Les activités examinées, bien qu’il s’agisse de stratégies de survie et de contournement de la précarité, peuvent s’assimiler à une « économie populaire », socialement imbriquée. À travers cette économie populaire, les rapports d’ethnicité s’entremêlent avec des rapports de proximité physique et d’expériences sociales.

19Le développement de cette économie « populaire » et d’un modèle de consommation socialement enchâssé sont illustrateurs d’un mode d’appropriation de l’espace et du territoire. Certaines activités informelles telles que la confection du pain traditionnel à domicile par des femmes issues de l’immigration, pour le revendre auprès des commerçants de proximité, la commercialisation et le conditionnement d’autres produits alimentaires et artisanaux gagnent en importance à Molenbeek. Le développement de commerces de produits spécifiques à certains modes de consommation ethnicisés, tels que les produits confectionnés artisanalement et la configuration socio-économique des quartiers historiques molenbeekois sont des éléments illustrateurs de cette capacité à recréer le territoire, à déployer des stratégies de survie et à mobiliser des ressources sociales.

20Les cas qui seront analysés ci-dessous montrent comment l’activité informelle constitue une façon de générer des revenus, non seulement dans un but de survie ou de subsistance et comme réponse à la précarité, mais aussi pour faire « un vrai marché [5] » et une « économie populaire » qui n’est pas dissociable des réseaux de sociabilité. Elles peuvent être des pratiques génératrices de revenu, qui font « un vrai marché » (dimension marchande) comme le note J.-Ph. Peemans, « mais profondément encastrées dans les réalités sociétales et dans des réseaux sociaux de réciprocité et de redistribution » (dimension réciprocitaire) (Peemans, op. cit., p. 386).

21La politique de revitalisation, en privilégiant la régénération de l’espace physique par rapport à la mobilité des individus, sociale notamment, n’a pas apporté de ressources supplémentaires aux sujets interrogés. Les activités exercées, socialement enchâssées, illustrent une certaine quête d’autonomie, en générant des revenus et en mobilisant des ressources, financières, cognitives ou relationnelles, propres à chacun des cas décrits. Ahmed, qui active ses ressources sociales, Houcine, qui mobilise les ressources familiales et s’attache à ses territoires, Halima, qui, comme les deux cas précédents, mobilise son savoir-faire artisanal, ainsi que les jeunes subsahariens qui collectivisent leurs ressources, sont des figures pour qui l’activité informelle est un mode de construction de leur autonomie en créant, ensemble, un territoire.

Le territoire comme ressource

22La commercialisation des produits provenant des pays d’origine et la mobilisation du savoir artisanal offrent des possibilités de survie et se développent à travers le montage d’activités familiales. À ce titre, et comme plusieurs autres personnes, Ahmed, marchand ambulant d’olives conditionnées à la manière méditerranéenne et de produits alimentaires séchés, illustre une stratégie de survie qui repose sur un savoir artisanal marocain qui lui permet de sillonner les marchés bruxellois et d’engager une synergie familiale dans laquelle chacun a un rôle à jouer. Évincé du système de redistribution étatique, il a bénéficié de la réactivation de la fonction de réciprocité dans son environnement proche pour se doter d’un fond de départ. Ses ressources sociales et familiales lui ont permis de disposer d’un modeste capital de départ. Il achète les olives nature, les fruits secs et les épices marocaines à commercialiser, dont une partie provient du Maroc, pour les conditionner dans ses ateliers afin de les revendre sur les marchés hebdomadaires bruxellois. Destinée au départ à des consommateurs maghrébins et aux consommateurs « marocains demandeurs de ce genre de produits », son activité se développe pour se tourner vers la société d’accueil et toucher une clientèle assez hétérogène. Ainsi, d’une orientation vers la « niche ethnique », pour reprendre l’explication de Kesteloot, cette activité se développe spontanément pour se tourner vers l’« exotisme ». Remplissant ensuite une fonction de redistribution, son activité, qui s’est bien développée au bout de quelques années, lui a permis d’offrir de l’emploi à certains membres de sa famille dont ses deux fils et de s’équiper d’un véhicule utilitaire qui lui permet de sillonner les marchés. Après une phase d’attente et d’instabilité d’emploi, il a mobilisé la solidarité familiale pour se constituer les moyens matériels nécessaires pour faire valoir un savoir artisanal qu’il maîtrisait avant de se tourner à son tour vers une fonction redistributive. La diversification de son offre et la mobilisation des membres de sa famille lui ont permis de trouver une condition de vie meilleure.

23Des initiatives qui sont prises individuellement dans un cadre de recherche individuelle de survie et qui rencontrent un certain succès peuvent s’ouvrir ensuite à l’environnement familial. La réserve de main-d’œuvre inoccupée étant importante, l’initiative individuelle peut aisément mobiliser les ressources familiales. L’activité peut se transformer en une entreprise familiale. En suivant une logique de division du travail qui permet de mieux s’organiser et de remplir les différentes tâches, le travail est planifié d’une façon qui accroît la mobilité sur les marchés bruxellois, aidant ainsi à maintenir un point de permanence commerciale. Le recours aux liens familiaux et aux liens de proximité offre une assurance indispensable à la pérennisation et à la sauvegarde de l’activité. Mais l’accomplissement, à la fois, des fonctions de réciprocité, d’échange et de redistribution, ou encore la transition qui s’opère d’une initiative individuelle à une activité familiale socialement imbriquée, reste l’enseignement principal à tirer du développement de ces activités. Celles-ci permettent de recréer des conditions d’existence matérielle et de donner une dimension collective et familiale à la stratégie de survie.

24Les stratégies de survie sont donc imbriquées dans le contexte social et culturel et mobilisent le territoire comme ressource. Le cas présenté démontre la capacité à mobiliser le savoir-faire, les rapports sociaux, les ressources financières et la force de travail familiale ainsi qu’un territoire : les marchés hebdomadaires, les quartiers historiques molenbeekois, pour prendre de l’envergure. Cette dimension familiale caractérise également l’initiative de Houcine, un marchand de légumes ambulant qui emploie ses trois fils ainsi que deux autres membres de sa grande famille. Il explique comment il a développé cette activité il y a un peu plus d’une dizaine d’années afin de subvenir à ses besoins. Il avait exercé la même activité auparavant dans son pays d’origine, le Maroc, où il avait acquis une certaine expérience en la matière. Il s’est lancé dans cette activité qui lui permet de faire cinq marchés par semaine. La provenance des produits qu’il commercialise n’obéit pas à une logique d’origine nationale mais plutôt à une logique marchande liée à la compétitivité des prix des produits commercialisés sur le marché local. Il déclare avoir une préférence pour les marchés molenbeekois car « c’est mieux à Molenbeek. D’abord parce qu’on n’a pas de problème, puis c’est comme si on est au Maroc. On l’appelle plutôt ‘Maro-nbeek’» ! L’appellation est révélatrice d’un mode particulier d’appropriation du territoire.

25Le développement des activités à coloration ethnique a permis l’émergence du centre historique de Molenbeek comme centre d’activités commerciales et économiques important qui bénéficie d’un effet d’agglomération. Ayant une configuration économique et sociale particulière qui correspond aux modes de consommation de certaines minorités, principalement de confession musulmane, ce centre devient une destination et un centre d’approvisionnement important pour ces minorités. Sa renommée commence à dépasser la région bruxelloise et les autres provinces belges pour rayonner sur des régions frontalières en France et aux Pays-Bas. Ainsi, spécifiquement pendant le Ramadan, mois d’activité et de consommation intenses pour les minorités musulmanes, les quartiers historiques connaissent une très importante activité économique qui nécessite un déploiement particulier pour gérer notamment les problèmes de mobilité. La consommation croissante, durant cette période, de produits alimentaires et vestimentaires traditionnels contribue à la recrudescence de l’activité économique dans ces quartiers. C. Torrekens (2005) cite le bourgmestre de la commune qui témoigne de cette activité :

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« Il faut savoir que la commune, au moment du Ramadan, vit une période très particulière, parce que non seulement il y a des gens de Molenbeek mais aussi des gens qui viennent de très loin faire leurs courses ici avant la rupture du jeûne. […] Et donc, nous avons été amenés à mettre en place un dispositif tout à fait particulier, au moment du Ramadan, en termes de police et de prévention, simplement pour fluidifier la circulation, pour que les relations restent conviviales. »
(Torrekens, 2005, p. 64)

27Les sphères d’activité qui se développent dans les quartiers historiques sont essentiellement des activités de commerce de proximité, d’alimentation et de téléphonie. Autour d’un certain nombre d’activités se développent des activités périphériques et complémentaires qui sont généralement des activités manuelles, artisanales ou de transaction. Autour des activités des commerces d’alimentation et des boulangeries, certaines femmes déploient leurs connaissances en confection de pain traditionnel et en pâtisserie artisanale pour fournir plusieurs commerçants de produits alimentaires. Certaines activités se développent en profitant d’un contexte de déclin d’activités artisanales telles que les travaux de couture à domicile exercés en périphérie des activités commerçantes. Ainsi, les activités qui reposent sur les liens de réciprocité ou informelles s’exercent en lien avec la sphère d’échange marchand.
Un autre cas observé, celui de Halima, est illustrateur de la capacité de mobiliser le savoir-faire artisanal comme ressource. Âgée d’une quarantaine d’années, elle élève seule ses trois enfants. Depuis plusieurs années, vivant d’une allocation sociale modeste, cette famille monoparentale est confrontée à différentes difficultés matérielles. Ayant des connaissances en couture, elle a investi dans l’acquisition d’une machine à coudre après ne pas avoir réussi à décrocher un emploi « même de femme de ménage ». Elle a donc fait savoir dans son environnement qu’elle offrait désormais ses services de couture à domicile. La transmission de l’information de « bouche-à-oreille » lui a permis de commencer à se conférer une identité professionnelle et à faire de petits travaux pour des personnes de son entourage ou en sous-traitance pour des ateliers de vente de tissu et de décoration intérieure. Travaillant encore dans un cadre informel et appliquant des prix modestes, elle arrive à combler les besoins de sa petite famille. Notre interlocutrice déclare qu’elle n’aurait pas pu subvenir aux besoins de sa famille et survivre, si elle ne comptait que sur son allocation. Même si son activité est très limitée, elle se dit satisfaite d’avoir pu faire quelque chose qu’elle estime valorisant. Ainsi, les sphères redistribution, échange et réciprocité sont conjuguées dans la même stratégie.
Les activités diverses, exercées par des personnes en situation de vulnérabilité, telles que la couture, la coiffure, les services à domicile, la confection du pain artisanal et d’autres produits alimentaires ou le conditionnement et la conservation des olives relèvent au départ des savoirs populaires et artisanaux jadis répandus. Certaines de ces activités gagnent en importance à Molenbeek. Ainsi, le savoir artisanal et le savoir-faire deviennent des outils importants servant à réduire l’impact de la précarité, même dans des proportions limitées. L’activation d’une telle compétence témoigne d’une volonté de résistance au destin d’assisté. Cette capacité inventive permet de modérer les effets de la carence de la fonction redistributive de l’État, d’atténuer les pressions du marché, de contourner la force d’exclusion du marché du travail et de retrouver une place en marge du système de production, en périphérie du système économique et au cœur du mode de consommation des minorités.

Des pratiques qui transcendent les territoires

28Autour des activités de commerce de véhicules usagés développé dans l’un des quartiers de cette commune, le quartier Heyvaert, se développe un réseau parallèle de « commissionnaires » qui interpellent les vendeurs ou les acheteurs potentiels de véhicules usagés qui fréquentent le quartier. À ce titre, des jeunes Subsahariens qui développent les réseaux de commerce informel des voitures, des machines et des équipements ménagers d’occasion opèrent à Molenbeek, en marge des activités exercées par les commerçants de voitures d’occasion.

29En effet, durant les années quatre-vingt-dix, l’activité de commerce de voitures d’occasion s’est développée intensément profitant du foncier existant, de la proximité du canal comme voie d’acheminement vers le port d’Anvers et des axes de communication fonctionnels facilitant le transport routier. Des garages spécialisés dans la commercialisation et la réparation de voitures d’occasion, souvent hors d’usage selon les normes techniques belges, ont fleuri dans ce quartier qui a acquis une certaine renommée sur le plan international. Ces voitures sont acheminées vers des pays du Sud et notamment le Bénin ainsi que vers l’ensemble de l’Afrique occidentale et centrale. D’autres sont acheminées par voie terrestre vers les pays de l’Est.

30L’organisation des jeunes Subsahariens qui consiste à aborder les usagers du quartier susceptibles d’être intéressés par l’achat ou la vente d’un véhicule d’occasion – à la recherche d’une plus-value à tirer sur les transactions à faire – irrite les commerçants et suscite la réaction des pouvoirs publics qui tentent de limiter le phénomène. L’un des exploitants de commerces « réguliers » s’insurge :

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« Les commissionnaires veulent 30, 40 ou 50 €, c’est trop pour nous. Ils amènent des clients et veulent des commissions. […] J’ai eu une baisse de mon activité commerciale d’environ 70 % par rapport à l’activité commerciale d’il y a 5, 6 ou 7 ans… »

32En revanche, cette logique trouve ses raisons d’être chez ses pratiquants qui rencontrent souvent des difficultés d’insertion socioprofessionnelle. Ainsi, l’un des jeunes proches des milieux de transactions se légitime en invoquant le « droit de travailler ».

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« Nos jeunes veulent travailler et souhaitent compter sur eux-mêmes. Donc ils ne comprennent pas les raisons de l’acharnement de la police ou des garagistes contre eux. Ils font la chasse aux exploitants de frigos d’occasion ! Mais ceux qui exploitent ces frigos donnent du travail aux gens et ils en font profiter des pauvres. Ce n’est pas important ça ? […] Par rapport au problème des jeunes [en désignant les ‘commissionnaires’], ce sont des accompagnateurs qui aident des Africains que nous croisons pour trouver de meilleures occasions. Nous sommes obligés de travailler et nous faisons simplement les intermédiaires entre le client et les garages ; ce n’est pas pour 5 € qu’on va nous chasser. On n’est que des accompagnateurs… »

34Les membres des minorités inscrivent ainsi certaines de leurs pratiques dans une démarche de collectivisation des ressources. Dans cette optique, on peut inscrire la demande de ce groupe de Nigériens, novices dans leur expérience migratoire, qui tentent de s’organiser et de créer des conditions d’autonomie par la mise en place d’une association exploitant une petite cafétéria. Les porteurs de cette initiative peuvent alors bénéficier des avantages fiscaux liés à la création d’une « association sans but lucratif » qui leur permettent toutefois de générer des ressources financières pour les membres du groupe à l’origine de cette activité.

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« On essaie de s’organiser et de se constituer en association, autour de cette petite cafétéria… Des problèmes de papiers, de travail, de logement et de relation avec les commerçants se posent à notre communauté. C’est pour cela que je pense que la commune doit faire plus de travail pour lutter contre la pauvreté et travailler sur l’intérêt commun […] En attendant, c’est la solidarité qui fait notre force… »

36Ainsi, la survie des minorités subsahariennes s’organise en s’appuyant sur le redéploiement de la solidarité avec les nationaux comme c’est le cas pour cette association de Nigériens du quartier Heyvaert. Sous une forme associative, ils exploitent un lieu de rencontre où l’on vend des boissons et quelques plats de restauration rapide. Dans cette cafétéria, lieu-repère, plusieurs Subsahariens passent du temps et bénéficient d’une facilité de paiement différé pour lequel la confiance joue un rôle essentiel. Notre interlocuteur n’a cessé de mettre l’accent sur la dimension collective du projet et d’insister sur la volonté de trouver une issue collective à leur situation de précarité en se disant même prêts à effectuer des travaux rémunérés de balayage du quartier.

37Ce qu’il faut souligner à travers ces pratiques, ce sont les liens et les réseaux sociaux qui ne sont pas cloisonnés dans des territoires figés et étroitement délimités. Les réseaux des minorités se décloisonnent, dépassent les quartiers molenbeekois et prennent des dimensions pluriterritoriales. Des ramifications bruxelloises, voire transnationales, des rapports sociaux se nouent et n’obéissent pas à une logique de géographie, de territoire délimité, mais à une logique sociale, familiale ou identitaire. Ces rapports sociaux reposent sur un territoire opérationnel, celui des quartiers historiques de Molenbeek, lieux de déploiement des ethnicités et de construction identitaire par excellence.
Les cas observés montrent en quoi les stratégies déployées par les minorités articulent des liens entre des territoires différents (d’accueil et d’origine) devenant un champ de déploiement des stratégies de survie. La mobilité y apparaît non seulement comme une quête de sécurité matérielle de l’existence, mais aussi comme une capacité à opérer des jonctions entre des territoires différents. Ces stratégies de survie sont imbriquées dans la sphère sociale, elles ont un lien clair avec un mode de consommation spécifique et un référentiel socioculturel particulier.
Toutefois, certaines parmi les pratiques observées montrent des frontières peu visibles entre logiques de ruse et stratégies de survie. Toutes les stratégies de survie ne procèdent pas forcément par la ruse. La ruse, comme logique d’action et de contournement de la règle, peut apparaître comme une stratégie d’adaptation pour gérer des contraintes et saisir des opportunités. Il s’agit d’une des facettes de la ruse, essentiellement collective, une « ruse vécue (proche d’un idéal-type) censée se rapporter positivement, bien qu’à des degrés divers, à tous les participants d’un jeu qui paraît encore valoir la chandelle » (Latouche et al., 2004, p. 11).

L’ancrage territorial des activités informelles

38Les initiatives développées par les minorités reposent donc sur la mobilisation des ressources sociales et territoriales. La démarche de création de ces activités s’appuie sur l’espace – sur le quartier (dimension physique) et sur les rapports de proximité (dimension sociale) – comme actif qui est à même de rendre possible l’établissement d’une stratégie de survie. Le territoire, dans ses aspects sociaux et physiques, avec ses particularités et sa configuration spécifique, est une ressource que les porteurs de projets mobilisent. Il est à la fois, pour les minorités, un actif et un construit social. Les quartiers molenbeekois, situés dans un environnement institutionnel et administratif peu hostile aux pratiques économiques informelles et aux conditions socioéconomiques propices au développement de ce type d’activités, constituent un territoire favorable et une ressource à mobiliser. La configuration sociale et économique de ces quartiers entraînant un effet d’agglomération est un élément propice au développement de ces initiatives.

39Les rapports sociaux qui s’y nouent constituent des ressources supplémentaires qui permettent aux personnes précarisées d’engager des stratégies de survie qui seraient moins probables dans un contexte différent. Ce que certaines études – promues par la Banque mondiale notamment (World Bank, 2000) – appellent un « capital social » comme « actif » pouvant servir les individus dans la création d’activités économiques, semble être dans ce cas d’étude un facteur non négligeable. Mais ce facteur n’est pas réductible à un simple capital.

40Les réseaux sociaux dans lesquels sont insérés les porteurs de ces activités informelles facilitent l’implantation et le maintien de leurs activités. La concentration spatiale d’une population potentiellement intéressée par des produits spécifiques et « bon marché » est un facteur qui permet le développement de ces activités. Ce contexte social s’avère dès lors propice à l’éclosion d’un entreprenariat « ethnique » où la solidarité des groupes sociaux apporte un appui de taille et un soutien indispensable à leurs membres. Si la littérature sur l’entreprenariat ethnique met l’accent sur les savoir-faire accaparés par des groupes sociaux, le contexte de notre étude met en évidence la centralité des rapports de réciprocité dans le développement des activités qui s’inscrivent dans des modes particuliers de consommation.
Alors que les politiques de revitalisation rénovent les façades et les voiries et tendent à développer, discutablement, un « volet d’actions sociales », les stratégies de survie et d’autonomisation se déploient intensément. Les conditions de précarité et d’exclusion auxquelles les minorités sont potentiellement exposées constituent une raison importante qui explique la tendance à développer des stratégies différentes de survie et des pratiques économiques autonomes. En déployant ces stratégies, les minorités cherchent à s’offrir une meilleure condition de mobilité sociale en recréant le territoire. La survie est une stratégie imbriquée dans la sphère sociale car les initiatives qui foisonnent ont un lien avec un mode de consommation spécifique ou avec les pays d’origine. Elle n’est pas uniquement un projet individuel mais elle peut être une stratégie à dimension collective ou familiale où les membres d’une même famille s’emploient à coopérer pour survivre ensemble.

Conclusions

41Ces territoires, lieux de déploiement des activités « informelles » et de construction du lien social, procurent ainsi une certaine sécurité de l’existence. Certaines pratiques se développent de façon indépendante des logiques institutionnelles et politiques ou tendent à se soustraire à la régulation de contrôle. En bref, elles découlent d’une autre conception de la construction de la territorialité. Cette territorialité semble être à la fois une conséquence d’une politique publique territoriale, aux résultats incertains, et d’un mode populaire d’appropriation de l’espace.

42Cette construction de la territorialité qui résulte d’un processus de régulation autonome fait naître le « territoire de l’informel ». La prééminence d’un mode de régulation autonome et l’effet d’agglomération de ces activités informelles créent dès lors le territoire de l’informel. Le territoire de l’informel serait-il autre chose qu’un territoire de régulation autonome où les stratégies de débrouillardise, de survie et l’« économie populaire » se déploient intensivement ?
Pour les minorités, il s’agit donc d’une stratégie de territorialisation, voire de pluriterritorialisation, qui est imprégnée par une logique de mobilité, ce qui constitue le point de rupture avec la logique de territoire considéré par les politiques publiques comme un actif à redéployer. Le territoire est ainsi plus diffus et transcendé par d’autres modes de mobilité (Touzri, op. cit.). Les stratégies de territorialisation déployées par les minorités visent à retisser des liens sociaux basés sur l’ethnicité, à retisser les solidarités et à se conférer une certaine sécurité de l’existence. Il faut donc regarder « derrière les masques de destins d’assistés, derrière les chiffres de la misère, pour découvrir une autre face de notre objet singulier : ‘ça’ bouge car ‘ça’ n’est pas réduit à l’état de cadavre ; ‘ça’ construit de l’identité, du lieu, du territoire » (Boubeker, 2003, p. 27).

Références bibliographiques

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Mots-clés éditeurs : stratégie de survie, minorités, Bruxelles, pratiques informelles

Date de mise en ligne : 14/03/2011

https://doi.org/10.3917/esp.143.0047

Notes

  • [*]
    Abdelfattah Touzri, chercheur associé à l’Institut des études du développement (ied), rattaché au Centre de recherches interdisciplinaires Développement, institutions et subjectivité (cridis), Université catholique de Louvain, Belgique.
    abdelfattah.touzri@gmail.com
  • [1]
    La notion de « minorités » est retenue pour sa charge en termes de rapports de pouvoir entre acteurs. Nous nous associons au choix de D. Lapeyronnie (1993) qui préfère le concept de minorité car il ne nie pas « une identité positive et autonome ».
  • [2]
    La notion d’approche « régulationniste » n’est pas employée ici dans le sens des travaux de « l’École de la Régulation » mais désigne l’utilisation d’une grille d’analyse qui, en portant intérêt à la question de la régulation des rapports entre acteurs, intègre le principe de diversité des modes de régulation de ces rapports.
  • [3]
    Office régional bruxellois de l’emploi, 2005, Rapport Statistique, http://www.orbem.be/Statistiques/pdf/Rapportstatistique2005.pdf
  • [4]
    Ordonnance organique de la revitalisation des quartiers du 7 octobre 1993, modifiée par les ordonnances des 20 juillet 2000 et 27 juin 2002.
  • [5]
    À entendre ici comme un processus de coordination des activités d’échange, basé sur le principe de concurrence.

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