Notes
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[*]
Géraldine Pflieger, professeure assistante, Institut d’études politiques et internationales (iepi) 40 et Pôle suisse en administration publique, Université de Lausanne. Geraldine.pflieger@unil.ch
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[1]
Un débat similaire a été mis en évidence à propos de la captation des eaux du Lac par Annecy, à la fin du xixe siècle (Barraqué, 1986).
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[2]
Bernard Barraqué (1992) souligne que des oppositions du même type contre la concession à des entreprises privées étrangères ont été observées en Allemagne ou en Italie pour s’opposer à des projets de privatisation.
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[3]
Le contraste entre les exemples de Bâle, où les libéraux étaient favorables au maintien de la gestion privée, et des villes de Genève et de Lausanne, où les libéraux soutenaient ouvertement la gestion publique directe, montre que le débat sur la gestion de l’eau était avant tout une affaire politique locale. Aucune ligne directrice commune sur le thème de la gestion des services urbains n’a été édictée à l’échelle nationale par les partis de droite au pouvoir, libéral comme radical.
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[4]
En Allemagne, par contraste, ont été créés des Zweckverbanden, équivalents des Syndicats intercommunaux à vocation unique.
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[5]
Sans doute inspirée par le modèle suisse, Annecy gagne également assez d’argent avec la vente des services d’eau et d’assainissement, pour pouvoir supprimer l’octroi dès 1918, alors que les Villes françaises attendront en général 1945 (Barraqué, 1986).
1À l’image des grandes villes européennes, l’accès à l’eau courante à domicile est devenu un enjeu dans les villes suisses, entre le début des années 1860 et la fin des années 1870. Avec l’accélération de l’industrialisation et de l’urbanisation, l’accès à une eau abondante représente un enjeu technologique et politique majeur. En Suisse, dans un pays qui ne bénéficie pas de charbon, les objectifs d’adduction domestique se doublent d’une exigence de transformation de l’eau en énergie pour accompagner le développement industriel (Paquier, 2008). La création de services municipaux est corrélée à une ambition d’indépendance énergétique d’un petit pays, neutre et par conséquent plus contraint à l’autonomie que ses voisins. L’absence de charbon et de ressources minérales a joué un rôle d’aiguillon et soutenu l’essor de la force motrice hydraulique, de l’hydroélectricité puis l’électrification précoce des chemins de fer et des villes (Paquier, 2001).
2L’ambition de cet article est de comprendre les conditions de diffusion de la gestion municipale de l’eau en Suisse et les changements d’échelle successifs ayant conduit à la structuration de services industriels puissants, d’envergure multisectorielle et intercommunale, et au développement précoce d’ambitieux complexes hydroélectriques au-delà de leurs périmètres institutionnels. En s’appuyant sur la ressource en eau, qui a d’emblée été perçue comme un bien alimentaire et comme une ressource énergétique (eau sous pression), les villes ont acquis une place centrale dans la construction de macrosystèmes techniques ; un modèle qui connaît une forte stabilité sur la longue durée et perdure à l’heure actuelle. Les première et deuxième parties de l’article sont consacrées à la diffusion des réseaux d’eau sous pression et à la progressive généralisation de la gestion publique, après de premiers épisodes de gestion privée. La filiation avec le modèle allemand est clairement démontrée, modèle promu par les villes de Zurich et de Berne dont les premières expériences influencent directement Bâle, Genève, puis l’ensemble de la Suisse romande. Une troisième partie situe l’exemple suisse dans le contexte européen, dans lequel la gestion municipale est dominante ; elle explicite ensuite les spécificités de la Suisse dans ce paysage. Enfin, nous discuterons comment, en partant de puissants services urbains, les villes construisent les grands réseaux d’électricité et les équipements hydroélectriques, et deviennent des acteurs de premier plan des grands réseaux techniques helvétiques, fondant un modèle d’échelle nationale.
Histoire de l’adduction d’eau en Suisse
3Les années 1860 et 1870 marquent la naissance d’une eau urbaine, turbinée et distribuée en réseaux. À Zurich, les épidémies de choléra de 1855 et de typhus en 1864 imposent de penser un nouveau système de distribution permettant de généraliser l’accès à une eau de qualité satisfaisante. En s’inspirant de la Grande-Bretagne et des techniques employées pour le développement industriel des Docks, l’ingénieur Bürkli conçoit des technologies d’adduction fondées sur les synergies entre distribution d’eau et distribution d’énergie en utilisant la force motrice hydraulique. Aux anciennes roues élévatoires sont substituées des turbines qui permettent de distribuer simultanément l’eau sous pression aux ménages et la force motrice aux manufactures et aux premières industries urbaines. En 1868, la première usine de distribution d’eau de Bauschänzli est inaugurée, suivie dix années plus tard de l’usine de Letten, turbinant toutes deux les eaux de la Limmat. Puis une usine de pompage de l’eau du Lac de Zurich est inaugurée en 1884 afin de sécuriser l’approvisionnement.
4Simultanément, les techniques de couplage de la force motrice et de l’adduction d’eau initiée à Zurich essaiment à Genève. La distribution traditionnelle des eaux du Rhône, grâce aux roues élévatoires situées au débouché du Lac, ne suffit plus à alimenter la population. La destruction des remparts, engagée en 1849 suite à la révolution radicale menée par James Fazy, libère la croissance démographique et urbaine de la ville. En 1862, sur les conseils d’ingénieurs parisiens de l’École Centrale, la Ville décide d’installer deux turbines de 3 000 l/min chacune comme annexes à la station de pompage à roues. L’installation des deux premières turbines est complétée par la construction d’une deuxième annexe en 1868 (Paquier et Pflieger, 2008). Ces deux usines permettent de délivrer de l’eau sous pression couplée à des moteurs à l’extrémité des conduites qui assurent la distribution d’une force motrice stable à l’industrie horlogère en expansion. Ce système garantit également l’accès à l’eau à tous les étages. Dans le sillage de Zurich et de Genève, les systèmes de distribution sous pression se diffusent dans les grandes villes suisses : en 1866 à Bâle, en 1867 à Neuchâtel, en 1868 à Lausanne et Berne, en 1869 à Vevey et Montreux, en 1873 à Lucerne, en 1895 à Lugano (Paquier, 2008).
5Mais les premières innovations technologiques soutenant le raccordement aux réseaux d’eau se trouvent confrontées dans certaines villes à de vifs débats sur l’origine et la qualité de la ressource. Jusqu’au début des années 1880, les scientifiques ne connaissent pas exactement l’origine et les modalités de transmission des épidémies de typhus et de choléra. L’essor de la bactériologie n’intervient que dans le dernier quart du xixe siècle, lorsqu’en 1880 Karl Joseph Eberth, professeur à l’Université de Zurich, découvre le bacille typhique et en 1883 le professeur allemand Robert Koch isole le vibrion cholérique. Avant ces découvertes et les travaux de Pasteur, des années 1820 et jusqu’à la fin des années 1880, les eaux superficielles sont soupçonnées d’être l’unique cause des épidémies.
6Un débat s’engage sur la façon dont la qualité de l’eau varie en fonction de son origine. Le débat ne se pose pas dans les mêmes termes d’une ville à l’autre. Alors que l’usage de l’eau du Léman fait débat à Lausanne, la consommation de l’eau du Rhône puis du lac ne pose pas problème à Genève. Des projets de captage d’eau de source en France, dans le bassin genevois, avaient bien été envisagés mais faisaient peser d’importants risques stratégiques et militaires pour l’approvisionnement de la ville en cas de conflit (Duc, 2003). Pendant 15 ans, la ville est alimentée grâce à l’eau superficielle du Rhône. Toutefois, en 1881, une épidémie de typhus impose à la Ville de Genève de stopper l’approvisionnement en eau potable issue du Rhône. Une canalisation est construite pour pomper l’eau du Lac Léman à 15 mètres de profondeur. À Zurich, malgré les premiers projets d’adduction d’eau sous pression en 1868, la ville fait face à une nouvelle épidémie de typhus en 1884 dont on ne connaît pas exactement l’origine géographique. Les eaux de la Limmat sont déclarées coupables et l’usine de Bauschänzli est fermée. De nouveaux équipements sont réalisés à la fin des années 1880 pour acheminer de l’eau de source des vallées de la Sihl et dans le Lorzental.
À Lausanne, le débat eau de surface versus eau de source est des plus intenses car il oppose deux sociétés privées en charge de deux services concurrents. La Compagnie du Lausanne-Ouchy (lo) amène la ressource du Lac de Bret, situé au nord de la ville, et distribue de l’eau comme force motrice pour les tanneries, les imprimeries et le funiculaire ; mais la municipalité de Lausanne lui interdit de distribuer ses excédents d’eau aux ménages. En effet, la Ville souhaite entretenir sa réputation touristique et entend distribuer exclusivement de l’eau de source aux habitants (Dirlewanger, 1998) [1]. La séparation de l’eau industrielle et de l’eau de consommation (issue des sources) provoque une véritable « guerre civile des eaux privées » entre lo et la Société des eaux de Lausanne chargée de la distribution d’eau potable (Dirlewanger, op. cit.). L’épidémie de typhus de 1890 jette le trouble sur l’eau de source qui représentait l’unique approvisionnement du réseau de consommation. Les élections de 1894 se jouent sur le thème de l’eau, les libéraux dénoncent le manque de sérieux des radicaux dans l’encadrement de l’activité du distributeur privé et les tiennent implicitement responsables de l’épidémie de typhus. Les libéraux remportent les élections et la Ville décide d’aller capter de nouvelles ressources, toujours plus loin et construit une canalisation de 23 kilomètres depuis les Alpes vaudoises, dans le Pays d’Enhaut.
Les débats lausannois montrent que la prise de conscience que l’eau de source n’offre pas de garantie de salubrité prend plusieurs années (Goubert, 1986). Parallèlement, les discussions politiques et scientifiques sur l’origine et la qualité de la ressource ne doivent pas masquer une autre série de controverses qui opposent cette fois la gestion publique à la gestion privée. À l’image de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne, de la France, le choix de la gestion municipale est le résultat d’un long processus, qui occupe partout en Suisse le cœur de la vie politique locale à la fin du xixe siècle.
De la gestion privée au municipalisme : motivations financières et sociales
7En Suisse, la progressive municipalisation des services d’eau est menée pour trois raisons principales : l’intérêt financier que trouvent les communes dans l’exploitation de services commerciaux, les objectifs d’égalité de desserte des usagers et de cohésion des territoires et les fortes synergies entre services qui permettent des économies d’envergure.
Berne, Zurich, Genève : trois exemples de gestion publique
8Berne est la première ville à choisir l’option municipale pour la distribution du gaz, puis de l’eau potable. Comme dans la plupart des villes, la distribution du gaz a été le premier service urbain d’abord privé, puis communalisé (Paquier, 2008). Suite à de nombreuses tensions entre la Ville, les consommateurs et la société du gaz, celle-ci se borna au strict nécessaire en matière d’entretien, tout en augmentant le prix des abonnements (Tögel, 2004). Des conseillers administratifs de la Ville de Berne se déplacent en Allemagne pour étudier les vertus de la gestion municipale. Après un vote de l’assemblée communale, la société du gaz est communalisée le 1er janvier 1861. Contrairement à la distribution de gaz, la distribution d’eau a été d’emblée en mains publiques. Pour répondre à des besoins d’hygiène et d’efficacité dans la distribution, un comité pour la distribution de l’eau voit le jour en 1863. Une minorité du conseil municipal et une majorité de la commission des finances sont d’avis que la société doit être publique seulement si la rentabilité peut être garantie. Au final, les citoyens bernois approuvent par votation le 14 décembre 1867 la construction du réseau de distribution, en mains publiques. La ville va alors investir une somme énorme – 1,3 million – soit presque l’intégralité du montant annuel usuel des investissements.
9À Zurich, l’ingénieur municipal Bürkli conçoit le réseau moderne d’eau sous pression sous un régime public. La municipalisation n’est pas débattue, elle devient la condition nécessaire à la mise en œuvre du plan d’adduction d’eau. Arnold Bürkli impose la gestion publique, en se référant à l’exemple de Berlin où la municipalité a dû racheter le réseau d’eau construit par une compagnie privée. Selon l’ingénieur zurichois, seule une compagnie publique serait en mesure d’apporter l’eau à tous les étages. De plus, cette solution permet aux municipalités de s’approprier les rentes générées par la distribution combinée d’eau potable et de force motrice (Paquier et Pflieger, op. cit.). En 1868, le service d’eau de Zurich est créé selon ses vœux.
10Bürkli fait du prosélytisme et tente de promouvoir l’idéal de gestion publique dans d’autres villes du pays. En 1882, il intervient directement à Genève en tant qu’expert dans le débat opposant les tenants de la gestion municipale et les promoteurs du régime de concession au privé. Ce débat s’inscrit dans une période où Genève doit réaliser d’importants investissements pour accroître sa capacité de production d’eau motrice et d’eau de consommation. Il subsiste d’importantes inégalités d’accès entre les 60 000 habitants de la ville de Genève et les 40 000 des communes du Canton, qui nécessitent d’étendre le réseau d’adduction. Différents projets techniques sont proposés mais le débat va se focaliser sur les modalités de gestion. Le leader radical Alexandre Gavard propose d’accorder une concession unique à une société privée, car il n’imagine pas que la Ville dispose des moyens financiers nécessaires à de tels investissements. En 1882, il soumet à l’assemblée cantonale un projet visant l’attribution de la concession des eaux du Rhône à la Société lyonnaise des eaux et de l’éclairage [2]. Mais les débats sont vifs et les libéraux montent au créneau pour s’opposer à la concession. Les arguments invoqués sont d’ordre financier. Les libéraux soulignent que la Ville de Genève va être confrontée à une crise financière majeure. La Ville, qui ne dispose pas de patrimoine forestier ou foncier, vient de voir son droit d’octroi retiré par la constitution fédérale de 1874 à compter de 1890. La Ville doit également tirer les leçons de son échec dans le contrôle de la concession du gaz, qui court jusqu’en 1895 (Paquier et Pflieger, op. cit.). Le distributeur privé capte d’importants bénéfices de l’exploitation du gaz et refuse toute demande de baisse des tarifs. L’ingénieur zurichois Bürkli est appelé en renfort par les libéraux pour promouvoir la gestion municipale. Il argue que la société privée ne sera pas suffisamment incitée à fournir l’eau à tous les étages et dans l’ensemble des communes du canton. En 1882, les élections municipales donnent la victoire aux libéraux qui obtiennent la majorité et entérinent le choix de la gestion municipale de l’eau pour 90 ans.
Le modèle municipal qui a essaimé de l’Allemagne à Genève en passant par Berne et Zurich se diffuse en Suisse romande. En 1892 puis en 1898, le directeur du service des eaux de Genève intervient en faveur de la municipalisation de l’eau et l’électricité à Sion dans le Canton du Valais et à Vevey dans le Canton de Vaud (Duc, op. cit.).
Lausanne, Bâle : les aléas de la gestion privée
11Capitale de ce dernier canton, Lausanne est sans conteste la ville de Suisse où les débats entre gestion publique et gestion privée sont les plus virulents. Les débats relatifs au rachat par la Ville de la Société des eaux de Lausanne vont durer près de 20 ans de 1883 à 1901. Comme nous l’avons souligné précédemment, deux groupes privés s’affrontent sur le terrain de l’adduction d’eau. La compagnie du Lausanne-Ouchy, fondée en 1869, mise sur l’eau industrielle pour la construction d’un funiculaire et la distribution de force motrice. La Société des eaux de Lausanne (seaul), fondée en 1869, se spécialise quant à elle dans l’eau de consommation, soutenue par l’industrie touristique locale (Dirlewanger, op. cit.). La concurrence entre les deux sociétés privées (lo et seaul) est suicidaire. Les coûts extrêmement élevés des équipements ne sont pas compensés par les synergies entre usages industriels et ménagers alors que celles-ci seront largement valorisées par les Services des eaux de Genève et de Zurich. À partir de 1882, l’échec du contrôle de l’activité de la seaul par la municipalité radicale est vivement dénoncé par le parti libéral, qui remporte les élections de 1894. Dès lors, de 1898 à 1901, la Ville organise le rachat de la Société des eaux de Lausanne, suite à de longues négociations portant sur les conditions et le prix de la municipalisation.
Mis à part Lausanne, les villes de Neuchâtel, de Fribourg et de Bâle connaissent également des premières expériences de gestion privée. En 1864, à Bâle, après deux ans de négociations, le Canton de Bâle-Ville signe un contrat de concession avec le consortium Grellinger, assorti d’un droit de rachat de la compagnie par le Canton. Toutefois, dès la mise en service du nouveau système en 1866, la croissance de la consommation d’eau n’est pas suivie d’un développement équivalent du réseau de collecte des eaux usées, soulevant d’importants problèmes de salubrité publique. La Ville exige du distributeur privé qu’il force les propriétaires fonciers à connecter leurs logements au système de collecte des eaux usées pour toute nouvelle connexion au réseau d’eau potable. Mais l’entreprise refuse d’appliquer cette obligation qui impliquerait une hausse importante du coût de connexion au réseau d’eau. En parallèle, la Ville reçoit de nombreuses plaintes de la population portant sur les tarifs pratiqués, la mauvaise qualité de l’eau et le fait que la société privée privilégie les quartiers aisés dans l’extension de son réseau. En 1875, l’arrivée des radicaux au pouvoir, alors favorables à une extension de la gestion publique [3], permet de finaliser le processus de rachat. Les principaux arguments en faveur de la cantonalisation portaient sur l’intérêt pour le Canton de capter les bénéfices réalisés par la société privée (Tréfàs et Manasse, 2006). L’exemple de Bâle résume à lui seul les deux principaux arguments qui pèsent en faveur de la gestion publique : l’assurance d’une desserte égalitaire des différents quartiers et des différentes catégories d’usagers ; l’intérêt pour les finances municipales de s’accaparer la rente issue de la distribution d’eau, à défaut de rente gazière, et d’exercer un contrôle plus ferme de la gestion de l’eau.
La Suisse dans le contexte européen
12L’imposition de la gestion municipale pourrait laisser penser que la Suisse présente des prédispositions culturelles à un idéal de gestion publique, alors que d’autres pays, à l’instar de la France, accorderaient une place de choix aux grands groupes privés de l’eau. Afin d’évaluer l’originalité helvétique dans ce domaine, un détour historique par l’étranger est indispensable. En étudiant l’histoire des services urbains, il apparaît que la gestion publique de l’eau représente davantage la règle que l’exception dans les villes européennes, à la fin du xixe siècle.
13L’historien britannique Robert Millward (2005) a démontré précisément comment la gestion municipale s’était imposée en Europe, et selon quelles motivations politiques. À travers divers exemples nationaux, il conte une histoire européenne commune : les premiers développements des réseaux sont initiés par des sociétés privées avant de passer en mains publiques. Les motifs de la municipalisation sont généralement identiques à ceux identifiés en Suisse : rompre avec les investissements malthusiens des sociétés privées limités aux quartiers riches, et généraliser les raccordements à l’ensemble de l’aire urbaine. En Grande-Bretagne comme en Suisse, la genèse des services urbains fut dans un premier temps privée : en 1801, cinq sociétés anonymes étaient engagées dans la distribution d’eau, parmi les quatre-vingts plus grandes villes du pays ; en 1851, quarante-cinq sociétés privées distribuaient l’eau dans ces mêmes villes (Millward, op. cit.). Dans un premier temps, les coûts de développement apparaissaient prohibitifs et l’octroi de droits d’exploitation à des sociétés privées autorisait un accès facilité aux capitaux. Mais dans la seconde moitié du xixe siècle, le contexte a changé : la concurrence est forte entre les distributeurs – à Londres, trois sociétés se font concurrence, à Bath, on ne comptait pas moins de huit distributeurs – et ces derniers ne pouvaient réaliser les économies d’échelle propres aux situations de monopoles naturels. La rentabilité des investissements dans le réseau d’eau est faible, en comparaison des investissements dans les chemins de fer ou les manufactures en plein essor. Enfin, seuls les quartiers industriels et aisés sont desservis, laissant à la marge les quartiers populeux. Ainsi, l’exemple britannique fait singulièrement écho aux situations lausannoise et bâloise qui ont mené à une reprise en mains publiques (faiblesse des investissements, desserte inégalitaire des quartiers). De plus, tout comme à Genève, la municipalisation est soutenue par les lobbies bourgeois et manufacturiers qui voient dans la gestion publique le seul moyen de soutenir l’expansion industrielle (grâce à la force motrice) et urbaine (grâce à la desserte des nouvelles zones à urbaniser) (Millward, op. cit.).
14Au xixe siècle, le mouvement de diffusion de la gestion municipale est appelé municipal socialism ou water and gas socialism en Grande-Bretagne (Barraqué, 1990) et qualifie le processus de municipalisation des services d’eau et de gaz selon des objectifs de desserte égalitaire.
15Cependant, dans ce mouvement général, le périmètre de la gestion municipale varie tout de même d’un pays à l’autre. Aux côtés de la Grande-Bretagne, deux exemples méritent d’être cités. Celui de la France tout d’abord, qui va ouvrir la voie à l’expansion conjointe des grandes villes et des grandes firmes urbaines. Le modèle français (Lorrain, 2002) est marqué par la faiblesse des collectivités locales. À l’inverse des pays de tradition fédéraliste comme l’Allemagne ou la Suisse, les villes françaises ont été placées dans une situation de dépendance technique et financière à l’égard de l’État. L’État central fort a entretenu des collectivités locales faibles. Cette politique a été soutenue jusque dans les années 1920 par les interventions du Conseil d’État qui n’a eu de cesse de bloquer toute velléité d’extension du municipalisme. Les municipalités souffraient d’un accès restreint aux capitaux et de faibles marges de manœuvre comptables. De plus, les compétences techniques étaient concentrées dans les mains de l’État, à travers l’action des grands corps des Ponts et Chaussées et des Mines. Devant la faiblesse des collectivités locales, l’État a parallèlement soutenu la création de grands groupes privés qui ont accompagné l’essor des grandes villes : la Compagnie générale des eaux à Paris puis Lyon, Nantes et Vannes, la Société des eaux du Nord à Lille, la Société lyonnaise des eaux à Bordeaux.
L’Allemagne présente une situation strictement inverse de celle de la France : les municipalités sont actionnaires de puissants services industriels publics, appelés Stadtwerke, qui gèrent de façon transversale plusieurs secteurs : l’eau, l’électricité, le gaz et les transports urbains (Barraqué, 1992 ; Lorrain, op. cit.). Le développement de la gestion municipale s’est historiquement fondé sur une gestion locale par des services relativement autonomes des municipalités, dotés d’importantes capacités d’intervention financières et techniques. La prospérité des services urbains allemands s’est fondée sur les importantes synergies de coûts liées à l’exploitation de plusieurs services (économies d’envergure). De plus, ce système a permis l’établissement de péréquations entre les services structurellement rentables, tels que l’électricité et la distribution d’eau, et des services déficitaires, tels que les transports urbains. Enfin, les Stadtwerke se sont appuyés en amont sur les compétences techniques des fournisseurs privés d’équipements – Siemens, Linde, Brown Boveri – qui leur confèrent un haut niveau de technicité (Lorrain, op. cit.).
En Suisse comme en Allemagne, la municipalisation généralisée des services d’eau va servir de première pierre à l’édification de puissants services industriels. Ces services s’inscrivent dans une filiation directe avec le modèle municipal allemand. Ils reposent sur trois principes communs : les synergies de coûts entre services sont valorisées (l’énergie hydraulique puis l’électricité financent l’eau et le gaz) ; les services doivent être globalement bénéficiaires et non subventionnés par les villes ; enfin, l’intégration multiservice se double d’une intégration territoriale. Ainsi les services des villes-centres ont progressivement desservi les communes alentour sans que des institutions intercommunales soient créées pour autant [4].
De l’eau aux grands systèmes techniques : un double changement d’échelle
16À partir des premières innovations engagées dans la distribution d’eau potable et de force motrice, les services municipaux se développent par un double changement d’échelle sectoriel – grâce à l’intégration de l’eau, du gaz et de l’électricité – et territorial grâce à la desserte des communes environnantes. Celui-ci s’accompagne également de la mise en place de partenariats avec les cantons pour la production hydroélectrique, soutenus par la Confédération qui fait de la production hydroélectrique une priorité nationale. Le développement de l’électricité est le principal facteur qui supporte ce changement d’échelle et l’émergence d’une gouvernance multi-niveaux. Bien non stockable, la distribution d’électricité implique de renforcer l’interconnexion entre les réseaux pour sécuriser l’approvisionnement des villes. De plus, les investissements dans la production d’électricité sont d’une ampleur telle qu’ils nécessitent de réaliser des économies d’échelle.
Un changement d’échelle sectorielle
17Au plan sectoriel tout d’abord, les progrès réalisés avec l’hydraulique urbaine et la distribution de force motrice jettent les bases des innovations dans le secteur hydroélectrique qui mènent à la création des services industriels. Les potentialités offertes par la transformation de l’eau en ressource énergétique ont préfiguré l’essor de l’hydroélectricité à une large échelle. Les premières avancées technologiques émergent en Suisse par le biais de l’ingénieur genevois Théodore Turettini qui s’est fait connaître dans le monde entier pour ses succès dans la création des centrales à eau sous pression (Paquier et Pflieger, op. cit.). En 1891, il siège à la Commission internationale pour l’aménagement des chutes du Niagara et importe le concept de centrale hydroélectrique du Niagara pour l’appliquer à la nouvelle usine de Chèvres sur le Rhône, dont la construction fut décidée en 1893 (Paquier et Pflieger, op. cit.). L’électricité fait ses débuts dès 1881 à Zurich et en 1887 à Genève. En 1896, au moment où elle inaugure la centrale hydroélectrique de Chèvres, la Ville de Genève rachète la compagnie gazière et crée les services industriels (Paquier, 2008). Lausanne s’inspire de Genève, renonce à signer avec un producteur d’électricité privé et décide progressivement de municipaliser l’électricité – dans la suite des débats entre gestion publique et gestion privée dans le domaine de l’eau – afin de créer les Services industriels de Lausanne en 1899 (Dirlewanger, op. cit.).
18Ce changement d’échelle sectorielle et le passage progressif des régies d’eau aux Services industriels ont largement été valorisés au plan national. Grâce à ces puissants services, les communes ont acquis une place de choix dans le système institutionnel helvétique. Elles se sont engagées dans la structuration d’entreprises leaders de production d’électricité. Ainsi, pour répondre aux besoins en électricité de la ville de Lausanne, la commune a acheté en 1898 la concession des forces motrices du Rhône à Saint-Maurice aux cantons de Vaud et du Valais. Cet exemple montre qu’au-delà de la captation des ressources en eau potable, le développement urbain influe également sur l’aménagement rural par le biais des aménagements hydrauliques. Les liens entre les régions à fort potentiel hydraulique et les villes s’accentuent à partir des années 1910 grâce aux perspectives ouvertes par le transport de l’électricité. En 1919, en Suisse romande, 13 sociétés, dont les Services industriels de Genève et de Lausanne, s’associent pour créer Énergie Ouest Suisse (eos) dont la vocation première est de développer le réseau de transport d’électricité, puis des usines de production (Raffestin et Tschopp, 1981). En 1923, l’usine du Bois Noir appartenant à la Ville de Lausanne fournit pour la première fois de l’électricité aux Genevois via le réseau d’interconnexion d’eos. En parallèle, entre les années 1910 et 1940, le Canton de Berne, via les Forces motrices bernoises, s’engage dans le développement de six aménagements hydroélectriques, exploités conjointement avec la société des Forces motrices du Nord-est de la Suisse (nok) (Reynard, 2008).
Les municipalités ont été récompensées pour leurs efforts dans l’adduction d’eau et la naissance de l’hydroélectricité, grâce à l’attribution des fonctions rentables de distribution d’électricité, entérinées par des règles d’échelle fédérale. La Loi sur les installations à faible et à fort courant de 1902 attribue aux communes le monopole du transport de l’énergie électrique sur leur territoire. Les cantons demeurent cependant propriétaires des cours d’eau dont ils exploitent les potentiels énergétiques en direct ou en octroyant des concessions aux municipalités ou aux producteurs. Comme le souligne Serge Paquier (2008), les cantons, longtemps tenus pour responsables de l’échec des premiers développements privés du chemin de fer, n’ont pas été considérés à l’égal des villes dans la distribution des fonctions monopolistiques. Jusqu’à la réforme récente de régionalisation des chemins de fer en 1996, le développement des grands réseaux en Suisse s’est historiquement fondé sur des monopoles publics d’échelles municipale et nationale, à l’exception notable de la production hydroélectrique partagée avec les cantons.
Un changement d’échelle territoriale
19Au plan territorial, les services industriels connaissent en général une expansion progressive en intégrant dans leur périmètre des communes périphériques désireuses de bénéficier d’aménités équivalentes à celles de la ville-centre. Ces changements d’échelles se sont fondés sur une justification technique et le besoin d’une masse critique de consommation pour développer des innovations technologiques, ainsi que sur une justification d’ordre politique, dans le but de dépasser l’éclatement des territoires communaux. Dans un pays réputé pour le poids de sa fiscalité locale et un niveau élevé de fragmentation communale – l’intercommunalité y est quasiment inexistante – les services industriels sont souvent apparus comme des outils permettant d’atteindre un niveau plus élevé de péréquation financière. Dans cette « supracommunalité de tuyaux », la ville-centre a géré et distribué le service dans les communes périphériques en passant par un mode de gestion à caractère industriel et commercial, et en générant des excédents suffisants pour financer des coûts de centralité, tels que des équipements à vocation métropolitaine.
20À Genève, l’exploitation des services industriels par la Ville lui rapporte un bénéfice satisfaisant. Au cours de la période de gestion en régie directe par la Ville de Genève, entre 1896 et 1931, les services ont rapporté à eux seuls la moyenne de 70 % de tous les impôts communaux directs, ce qui allégeait d’autant la charge fiscale des contribuables genevois. Les bénéfices réalisés à l’époque par la Ville de Genève lui permettaient de couvrir le cinquième de ses dépenses budgétaires. La dimension lucrative des services industriels n’a jamais été remise en cause par les collectivités, mais à partir de 1931 et la création de la régie autonome les fruits sont redistribués à l’échelle du Canton entre les communes et l’État genevois et plus seulement prélevés par la Ville. Avec la fusion de la commune de Genève et de communes suburbaines, le pouvoir cantonal et les autres communes du Canton craignaient que la Ville ne dispose de la totalité des bénéfices de l’exploitation des services. Comme le souligne Claude Raffestin : « il était devenu anormal que la Ville, seule, bénéficie des avantages liés à l’exploitation des divers services. […] La régie autonome apparut comme le moyen de mettre au service de l’État et des autres municipalités du canton les différentes infrastructures énergétiques » (Raffestin et Tschopp, op. cit.).
21À Berne, après la construction de l’installation de distribution et sa mise en service, le service des eaux, comme celui du gaz, est géré selon les principes d’une entreprise privée (Tögel, op. cit.). Les premières années voient les déficits s’accumuler, car le nombre d’abonnés progresse plus faiblement que prévu. Le service du gaz comble ces premiers déficits, mais après la mise en place des canalisations dans la vieille ville en 1872, les abonnés croissent, les déficits diminuent et dès 1881 le résultat permet l’amortissement complet et un premier faible bénéfice. Celui-ci deviendra dès lors substantiel (avec un tassement suite à la première guerre mondiale), pour atteindre plus de 450 000 francs annuels en 1930.
22En bon actionnaire, la Ville de Lausanne entend tirer bénéfice de ses investissements. Les Services industriels de Lausanne lui rapportent des ressources conséquentes. En 1914 par exemple, le bénéfice que réalise la ville est de plus de 1,2 million de francs (Dirlewanger, op. cit.) [5]. Entre 1896 et 1901, ce bénéfice représente en moyenne 10 % des recettes communales ; ce taux passe à 18 % entre 1910 et 1914. À partir de 1907, l’eau devient bénéficiaire en développant ses recettes grâce à la vente d’eau aux communes périphériques : Pully, Prilly et Lutry sont connectées au réseau lausannois entre 1901 et 1904 (Dirlewanger, op. cit.). La politique d’extension se poursuit de la fin des années 1930 au début des années 1980 avec le rachat par la ville de Lausanne du réseau des 16 communes voisines. Cette politique permet à la Ville de réaliser des économies d’échelle et de rentabiliser un peu plus ses investissements (usine de pompage des eaux du lac, maillage du réseau de transport).
Tout comme Lausanne, la ville de Zurich dessert des communes voisines en eau – 67 à l’heure actuelle – en délivrant une ressource en gros, et distribuée au détail par les communes. Bâle quant à elle fait exception car le périmètre de distribution d’eau reste délimité par les frontières cantonales, englobant les trois communes de Bâle-Ville ; des frontières qui paraissent bien plus difficiles à dépasser que les limites communales.
Conclusion
23Par contraste avec les Stadtwerke allemands, les industrielle Werke suisses disposent d’une forte spécificité : ils restent politiquement et financièrement peu autonomes à l’égard des municipalités, et tout particulièrement en Suisse romande. Cette spécificité trouve racine aux origines de la municipalisation. Les services industriels ont d’emblée été conçus comme un instrument de financement des budgets publics et non comme une entreprise autonome (Pflieger, 2009). Le capitalisme urbain suisse est donc un exemple original de capitalisme public d’inspiration privée ancré sur des objectifs de rentabilité élevés. Une rentabilité renforcée par le périmètre des services industriels qui, à l’inverse de l’Allemagne, n’incluent pas les transports publics. Ainsi, en Suisse, est-il possible de dégager un modèle d’adduction d’eau original intégré dans des services industriels en position de monopole.
24Pour résumer, six traits représentent la matrice des Services industriels, et fondent, par-delà les spécificités locales, un modèle d’envergure nationale.
25Le premier est l’ancrage historique dans la gestion publique locale, ou municipale. Le choix de la gestion publique trouve racine dans les longs débats politiques qui ont agité les collectivités publiques, entre le début des années 1870 et la fin des années 1890. Cette option fut souvent opportuniste, en s’appuyant sur des arguments relatifs à la rentabilité des services pour des collectivités qui faisaient face à des difficultés financières chroniques. La municipalisation trouve également racine dans l’échec du contrôle de la rente de monopole des industries gazières, qui avait semble-t-il échaudé des autorités locales incapables de capter une part de l’enrichissement ; celles-ci ne souhaitaient pas renouveler les mêmes erreurs avec le réseau d’eau potable.
26Deuxièmement, comme nous l’avons souligné précédemment, les services industriels ont été conçus avec un faible degré d’autonomie politique et financière à l’égard des autorités publiques actionnaires. Cette faible autonomie permet de s’assurer un contrôle direct des tarifs, des budgets et du montant des rentes générées.
27Troisième trait commun, les services industriels ont souvent été conçus comme un instrument de financement des budgets publics et non comme une source de dépense. Les collectivités publiques en responsabilité se sont comportées à l’égard de leurs services, au mieux comme des actionnaires – rémunérant une part de leurs investissements –, au pire comme des prédateurs, récoltant tout excédent d’exploitation, des excédents parfois alimentés par des tarifs artificiellement élevés.
28Cela nous amène au quatrième trait commun de la gestion municipale de l’eau en Suisse : une certaine performance de la gestion publique locale fondée sur des autorités fiscalement puissantes. Ces services ont d’emblée été gérés par des structures institutionnelles stables sur le temps long. Rentables et performants, ces services ont bénéficié d’un accès aisé aux capitaux. L’assise sur des capitaux privés des investissements publics témoigne de la puissance des collectivités. Lors des phases de croissance urbaine à la fin du xixe siècle, puis dans les années 1950 et 1960, ou lors du renouvellement des infrastructures, les collectivités n’ont jamais été contraintes de privatiser leur service pour se doter de capacités d’investissement supplémentaires.
29Cinquièmement, la performance économique des services industriels s’est historiquement fondée sur d’importantes synergies, non seulement financières mais avant tout techniques, entre divers secteurs, générant d’importantes économies d’envergure. Dans le secteur de l’eau, nous avons vu avec l’exemple de Genève que la distribution conjointe de force motrice et d’eau a soutenu l’entreprise de municipalisation. La promotion de la force motrice faisait de l’eau une énergie de premier choix et permettait d’accroître l’indépendance énergétique des villes suisses qui ne disposaient pas de charbon.
Enfin, dernier pilier, l’intégration multiservice se double d’une intégration territoriale fondée sur des changements d’échelles successifs. Ces changements d’échelle se sont fondés sur une justification technique et le besoin d’une masse critique de consommation pour développer des solutions intensives, ainsi que sur une justification d’ordre politique, dans le but de dépasser l’éclatement des territoires communaux.
Bibliographie
Références bibliographiques
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- Raffestin, C. ; Tschopp, P. 1981. Du dialogue entre scientifiques et techniciens au dialogue entre producteurs et consommateurs d’énergie, Genève, Services industriels de Genève.
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- Tögel, B. 2004. Die Stadtverwaltung Berns, Zurich, Chronos.
- Tréfàs, D. ; Manasse, C. 2006. Vernetzt, versorgt, verbunden – Die Geschichte der Basler Energie – und Wasserversorgung, Basel, Christoph Merian Verlag.
Mots-clés éditeurs : Suisse, régulation, municipalisme, services urbains, eau
Date de mise en ligne : 15/01/2010.
https://doi.org/10.3917/esp.139.0039Notes
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[*]
Géraldine Pflieger, professeure assistante, Institut d’études politiques et internationales (iepi) 40 et Pôle suisse en administration publique, Université de Lausanne. Geraldine.pflieger@unil.ch
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[1]
Un débat similaire a été mis en évidence à propos de la captation des eaux du Lac par Annecy, à la fin du xixe siècle (Barraqué, 1986).
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[2]
Bernard Barraqué (1992) souligne que des oppositions du même type contre la concession à des entreprises privées étrangères ont été observées en Allemagne ou en Italie pour s’opposer à des projets de privatisation.
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[3]
Le contraste entre les exemples de Bâle, où les libéraux étaient favorables au maintien de la gestion privée, et des villes de Genève et de Lausanne, où les libéraux soutenaient ouvertement la gestion publique directe, montre que le débat sur la gestion de l’eau était avant tout une affaire politique locale. Aucune ligne directrice commune sur le thème de la gestion des services urbains n’a été édictée à l’échelle nationale par les partis de droite au pouvoir, libéral comme radical.
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[4]
En Allemagne, par contraste, ont été créés des Zweckverbanden, équivalents des Syndicats intercommunaux à vocation unique.
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[5]
Sans doute inspirée par le modèle suisse, Annecy gagne également assez d’argent avec la vente des services d’eau et d’assainissement, pour pouvoir supprimer l’octroi dès 1918, alors que les Villes françaises attendront en général 1945 (Barraqué, 1986).